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L'oral Au 1er Cycle de L'école Primaire Québécoise: Assises Théoriques Et Démarche D'enseignement Et D'évaluation
L'oral Au 1er Cycle de L'école Primaire Québécoise: Assises Théoriques Et Démarche D'enseignement Et D'évaluation
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J. Pharand
Université du Québec en Outaouais
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54 | 2017 :
L'oral à l'école : qu'apprendon et comment ?
Résumés
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Depuis le début des années deuxmille, plusieurs travaux québécois ont permis des avancées importantes en ce qui concerne
l’enseignement et l’évaluation de l’oral. Des chercheurs ont proposé des modèles didactiques qui ont été élaborés et validés dans des
classes du primaire et du secondaire au Québec. Cependant, le premier cycle du primaire (élèves de 6 à 8 ans) a été peu touché par ces
recherches. Voilà pourquoi nous avons mené une rechercheactionformation dans une classe de 2e année du primaire (élèves de 7
8 ans). Cette contribution rend compte des principales assises théoriques sur lesquelles s’appuyer pour enseigner et évaluer l’oral
lorsqu’un enseignement systématique est effectué à partir d’objets clairement définis et programmés selon des genres formels.
Since the turn of the millennium, several important studies in Quebec have led to significant progress in the teaching and evaluation of
oral communication skills. Researchers have proposed teaching models developed and approved in primary and secondary classrooms in
Quebec. Few studies, however, have focused on grades one and two (ages 6 to 8). Consequently, we conducted an actionresearchtraining
project in a grade two class (with pupils aged 7 and 8). This contribution examines the main theoretical foundations on which the
teaching and evaluation of oral skills can be based in the context of systematic instruction involving clearly defined objectives framed
within formal genres.
Entrées d’index
Motsclés : compétences orales, enseignement primaire, apprentissage, évaluation par les pairs
Keywords : oral skills, primary education, learning, peer evaluation
Texte intégral
Introduction
1 Les recherches actuelles au Québec en ce qui concerne l’oral se sont surtout intéressées au préscolaire, à la fin du primaire
et au secondaire. Nous en savons donc très peu sur ce qui peut être mis en pratique au 1er cycle du primaire (élèves de 6 à
8 ans) (Dumais, Soucy et PlessisBélair, sous presse). De plus, des recherchesaction réalisées au primaire au Québec ont
fait état du besoin des enseignants d’être accompagnés dans leur changement de pratiques d’enseignement de l’oral et cela
de manière longitudinale (Dumais et Lafontaine, 2011 ; Dumais, Lafontaine et Pharand, 2015 ; Lafontaine, Morissette
et VilleneuveLapointe, 2015). Dans cette optique, nous avons réalisé une Rechercheactionformation (RAF) proposant
l’enseignement explicite de genres oraux et d’objets d’enseignement/apprentissage sollicités dans ces genres, dans une
classe de 2e année primaire (élèves de 78 ans) en s’appuyant sur le modèle didactique de Lafontaine (2001, 2011) qui inclut
le modèle de l’atelier formatif de Dumais et Messier (2016) et les travaux de Dumais (2008 ; 2011b, c) en ce qui concerne
l’évaluation de l’oral. Au départ, notre recherche se déroulait au 3e cycle du primaire (élèves de 10 à 12 ans) avec quatre
enseignantes. Toutefois, l’une d’entre elles a changé de cycle d’enseignement à l’an 2 de la recherche pour ainsi enseigner au
1er cycle du primaire, plus précisément en 2e année (élèves de 78 ans). Cet article se concentre donc sur le cas de cette
enseignante, que nous appellerons Évelyne1, qui a participé à la recherche en 201415. Évelyne a réalisé une Situation
d’apprentissage et d’évaluation (SAE) portant sur la discussion dans laquelle les élèves, en équipes de quatre, devaient
justifier le personnage qu’ils préféraient dans une émission de télévision. Nous présentons la problématique, nos questions
de recherche, le cadre théorique pour ensuite expliciter la méthodologie suivie, les résultats obtenus et les discuter.
1. Problématique
2 Les chercheurs s’intéressant à l’enseignement et à l’évaluation de l’oral au primaire et au secondaire affirment que l’oral
est difficile à enseigner et à évaluer. Plusieurs raisons l’expliqueraient : méconnaissance de ce qu’est l’enseignement de l’oral
de la part des enseignants, cela relevant notamment de différences de perceptions entre l’enseignement donné et reçu par
les élèves ainsi que de la difficulté de le considérer comme un objet d’enseignement au même titre que la lecture et l’écriture ;
caractère transversal et transdisciplinaire de l’oral ; pratiques souvent intuitives puisqu’il n’y a pas (ou peu) de tradition
d’enseignement de l’oral ; peur de juger la personne lors de l’évaluation (subjectivité de l’évaluation de l’oral) ; peu de
matériel didactique considérant l’oral comme un objet d’enseignement ; objectifs ministériels souvent trop nombreux et
flous ; fugacité de l’oral et absence de traces ; anxiété, timidité et refus de certains élèves à prendre la parole (Dolz et
Schneuwly, 1998 ; Dumais et Lafontaine, 2011 ; Dumais, 2015 ; Hassan, 2012 ; Lafontaine et Messier, 2009).
3 L’oral joue un rôle de premier plan dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Dumais, 2015 ; Bianco, 2015). En
effet, un enfant d’âge préscolaire pouvant interagir avec ses pairs et avec l’adulte, faire des inférences et utiliser une
structure narrative adéquate à l’oral aura plus de facilité à lire et à écrire, et à persévérer à l’école (Browns, 2014 ; Burns,
Espinosa et Snow, 2003 ; Lefebvre, Bruneau et Desmarais, 2010 ; Masny, 2006 ; McCabe, Boccia, Bennett, Lyman et Hagen,
2009 ; Romain et Roubaud, 2013 ; Storch et Whitehurst, 2002). De plus, l’école présente régulièrement aux élèves des
situations d’apprentissage dans lesquelles l’oral et l’écrit sont en complémentarité, et ce, dès les premiers apprentissages au
primaire. Par exemple, il peut être demandé à l’élève d’expliquer oralement une démarche de résolution de problème en
mathématique qu’il a écrite auparavant (Gagnon et Kazadi, 2008) ou de faire un débat dans le cours d’éthique et culture
religieuse à partir d’un livre jeunesse traitant d’un dilemme moral (Lebrun, 2008). En somme, l’oral, la lecture et l’écriture
sont un socle pour l’ensemble des apprentissages scolaires (Dumais, 2015).
4 En outre, les pratiques d’enseignement et d’évaluation de l’oral au 1er cycle du primaire (élèves de 6 à 8 ans) sont encore
méconnues. Aucune étude québécoise n’a systématiquement répertorié des données sur l’enseignement de l’oral au Québec
à ce cycle. Nolin (2015) a toutefois réalisé une recherche quantitative à visée descriptive portant sur les pratiques déclarées
d’enseignement et d’évaluation de l’oral de 192 enseignants québécois du primaire, dont 49 enseignaient au 1er cycle du
primaire. Précisons cependant que les pratiques recensées touchaient les trois cycles du primaire, sans distinction
spécifique pour le 1er cycle. Parmi les résultats de cette recherche, nous apprenons que pour les 192 enseignants, l’oral est
travaillé au quotidien dans la classe et dans toutes les disciplines, cela afin de développer des habiletés sociales qui sont
réinvesties dans d’autres situations scolaires ou extrascolaires. L’oral apparait plutôt comme un médium d’enseignement.
5 De plus, les résultats de cette recherche montrent que l’oral est surtout enseigné par consignes et par modelage2,
l’enseignement par consignes relevant aussi de l’oral médium d’enseignement. Nolin (2015) montre également que parmi
les genres les plus utilisés figurent la causerie et la discussion, genres dans lesquels la justification est mise à l’avantplan
(Chartrand, ÉmeryBruneau et Sénéchal, 2015), par exemple pour justifier son appréciation d’une lecture faite en grand
groupe, ses idées ou son opinion sur un sujet. En effet, la discussion et la causerie sont des genres que les enfants doivent
apprendre de manière systématique dès la 1re année du primaire comme en fait foi la Progression des apprentissages en
français au primaire : « Observer la diversité des contextes de communication : causerie, discussion collective, discussion
en sousgroupe, etc. » (ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport [MELS], 2011a)3. La justification est également un
apprentissage systématique à l’oral dès la deuxième année du primaire et cela jusqu’en 6 e année (fin du primaire) :
« Justification des propos ou acceptation des justifications des autres (ex. : explications, clarifications, preuves, conclusion
avec donc) » (MELS, 2011a)4. Cependant, Nolin (2015) ne précise pas si ces genres ainsi que la justification sont enseignés
de manière explicite. Les actes de parole travaillés le plus fréquemment en classe selon ces enseignants sont « demander
une permission », « présenter des excuses », « demander une information » et « demander une chose ou exprimer un
souhait », actes de parole qui ne sont pas réellement convoqués dans la causerie, la discussion et l’exposé oral, et qui ne
relèvent pas de la justification. Finalement, même si les enseignants sondés par Nolin (2015) disent évaluer l’oral au
quotidien dans les activités vécues en classe, ils évaluent surtout les éléments prosodiques, la syntaxe et la morphologie.
2. Cadre théorique
7 Au cours des deux dernières décennies, au Québec, les recherches en didactique de l’oral ont principalement porté sur la
didactisation de savoirs transmissibles relatifs à des formes orales modélisées. Les chercheurs ont donc mis de l’avant des
approches favorisant un enseignement systématique et autonome de l’oral. Deux approches ont principalement fait l’objet
de recherches au Québec : l’oral par les genres et l’oral pragmatique (Dumais et Lafontaine, 2011). La première approche,
l’oral par les genres, « s’organise autour de séquences d’enseignement spécifiques et autonomes portant sur des « genres
oraux formels » » (Hassan et Bertot, 2015, p. 17). Cette approche est celle que nous avons retenue dans le cadre de la
présente recherche.
Encadré 1 : Modèle didactique de la production orale en classe de français langue maternelle (Lafontaine, 2001 ; 2011)
1. Intention de communication
2. Situation de communication : intégration des pratiques de lecture, d’écriture et d’oral ; types de sujets présentés aux élèves :
signifiants et non signifiants ; prise en compte des intérêts des élèves ; prise en compte de l’auditoire
3. Activités d’oral planifié :
3.1. Production initiale
3.2. État des connaissances des élèves
3.3. Ateliers formatifs en oral selon quatre types incluant un modelage total par l’enseignant et parfois par l’élève : apprentissage des
rôles à jouer, apprentissage lié aux types de pratiques, apprentissage lié aux faits de langue, apprentissage des techniques
d’écoute. Les étapes des ateliers formatifs sont celles de Dumais (2010, 2011a) : élément déclencheur, état des connaissances,
enseignement, mise en pratique, retour en grand groupe, activité métacognitive.
3.4. Production finale : évaluation finale précédée d’évaluations formatives (autoévaluation, évaluation par les pairs, grilles
d’observation et d’évaluation, entrevue, journal de bord, etc.).
4. Impact sur l’élève : prise en charge de sa communication orale
3. Méthodologie
14 Dans cette section, nous présentons le type de recherche, l’enseignantecas, les instruments de collecte et la méthode
d’analyse des données ainsi que le déroulement de la recherche.
3.2. Enseignantecas
16 Rappelons qu’à la première année de la recherche, l’échantillon était composé de quatre enseignantes de 3e cycle du
primaire qui ont suivi une formation en didactique de l’oral et ont élaboré, avec l’aide des chercheurs, des SAE portant sur le
débat et la critique cinématographique. À ce moment, l’enseignantecas, Évelyne, œuvrait en 5e année. Lors de la deuxième
année de la recherche (20142015), elle a changé de cycle d’enseignement pour le 1er cycle en 2e année auprès de 24 élèves
âgés de 78 ans. Elle a accepté de construire une SAE portant sur la justification dans la discussion avec l’équipe de
recherche et de la faire vivre à ses jeunes élèves.
Tableau 2 : SAE en oral au 1er cycle selon les étapes du modèle didactique de Lafontaine
Étape 1 : intention de communication
Discuter de son personnage préféré parmi ceux d’une émission jeunesse en justifiant les raisons de ce choix et construire un recueil
collectif des préférences des élèves sous forme de didapage (logiciel qui permet de créer des livres multimédias et interactifs).
Étape 2 : situation de communication
– Intégration des compétences de la discipline « français » : oral et écriture
– Sujet signifiant : émissions pour la jeunesse (Toc Toc Toc* dans les activités et Les Schtroumpfs pour la production finale)– Prise en
compte de l’intérêt des élèves : activité d’oral public et en équipe, écoute d’une émission pour enfants– Prise en compte de
l’auditoire : évaluation par les pairs et par l’enseignante
Étape 3 : activités d’oral planifié
Phase de préparation de la SAE
– Mise en situation
– Étape 3.1 : Réalisation des productions initiales
– Étape 3.2 : État des connaissances des élèves à la suite du visionnement des productions initiales et choix des objets de l’oral à
enseigner et à évaluer
– Présentation des produits attendus (production finale en lien avec l’intention de communication)
Phase de réalisation de la SAE
Étape 3.3 : ateliers formatifs mis en pratique
– Atelier formatif portant sur les types de pratiques : justification
– Atelier formatif portant sur les techniques d’écoute : regard dirigé
– Atelier formatif portant sur l’apprentissage des faits de langue : volume de la voix
– Répétition générale : retour en grand groupe au fur et à mesure de chacun des ateliers et liens faits avec le produit attendu
(production finale)
Étape 3.4 a) : évaluations formatives en cours d’apprentissage lors des ateliers (portfolio, fiches de travail, carte conceptuelle, fiche
réflexive)
Étape 3.4 b) : production finale évaluée avec une grille d’évaluation élaborée selon les objets enseignés et le cadre d’évaluation des
apprentissages en français oral (MELS, 2011a, 2011b)
Étape 4 : impact sur l’élève, prise en charge de sa communication orale
Phase d’intégration de la SAE
– Autoévaluation des élèves par le visionnement de la production finale filmée
– Retour sur la production finale : évaluation par les pairs, évaluation et rétroaction de l’enseignante
– Choix des défis pour une prochaine production orale
– Réalisation du produit attendu
* : Cette émission a été diffusée sur les ondes de TéléQuébec : <http://www.telequebec.tv/toctoctoc/>
21 Au printemps 2015, Évelyne a réalisé la SAE et a enseigné les trois objets de l’oral choisis, soit la justification, le regard
dirigé et le volume de la voix. La production finale, soit une discussion en équipes de quatre dans laquelle les enfants ont
justifié leur personnage préféré d’un épisode de l’émission pour enfants Les Schtroumpfs, a été filmée et a servi de posttest
évalué par le professionnel de recherche avec la même grille d’évaluation du genre discussion. Nous avons ensuite comparé
les résultats entre les prétests et posttests afin de voir s’il y avait une amélioration de la compétence à communiquer
oralement des élèves.
4. Résultats
22 Nous présentons nos résultats en deux sections :
– effet du modèle didactique de Lafontaine incluant le modèle de l’atelier formatif de Dumais et Messier sur la prise en
charge de la communication orale des élèves ;
– renouvèlement des pratiques de l’enseignantecas.
24 Nous rappelons que les trois objets de l’oral enseignés dans cette SAE sur la discussion sont la justification (critères
ministériels laisser émerger sa pensée de différentes façons avec l’aide d’un support (ex. : aidemémoire) ; justification
des propos ou acceptation des justifications des autres (ex. : explications, clarifications, preuves, conclusion avec donc ;
observer le contenu et la façon dont il est organisé : pertinence ; observer le contenu et la façon dont il est organisé :
suffisance), le regard dirigé et le volume de la voix (critère ministériel observer diverses manifestations verbales,
paraverbales et non verbales de l’écoute : accueil des idées exprimées (ex. : regard dirigé, volume de la voix).
25 Nous constatons que les élèves se sont améliorés pour tous les objets de l’oral enseignés, et ce, pour tous les critères. Les
élèves ont davantage progressé dans les items « justification des propos ou acceptation des justifications des autres (ex. :
explications, clarifications, preuves, conclusion avec donc) », même si le mot « donc » a très peu été utilisé dans le prétest
et « observer diverses manifestations verbales, paraverbales et non verbales de l’écoute », dont le regard dirigé et le volume
de la voix, ce qui est en lien avec les objets de l’oral enseignés de manière explicite lors des ateliers. Les items « laisser
émerger sa pensée avec l’aide d’un support, observer le contenu et la façon dont il est organisé : pertinence et suffisance » se
sont améliorés dans une moindre mesure, ce qui est normal puisque l’enseignement de la structure d’une discussion n’a pas
été fait dans cette SAE qui était une amorce au genre. De plus, lors du prétest qui a servi à identifier les forces et les
faiblesses des élèves en vue de choisir les objets de l’oral représentant les défis, les élèves ont eu beaucoup de difficulté à
laisser émerger leur pensée à l’aide de leur support, qui était un aidemémoire, parce que plusieurs d’entre eux le lisaient.
En ce qui concerne le contenu et la façon dont il était organisé, la prise de parole des élèves ne suivait pas une structure
particulière. L’écoute était également très difficile pour l’ensemble des élèves et plusieurs parlaient très bas. Ces
observations des faiblesses ont donc confirmé le choix des trois objets de l’oral travaillés dans la SAE, soit la justification, le
regard dirigé et le volume de la voix.
26 Quant aux résultats du post test, tous les élèves justifient de manière suffisante et pertinente et ont utilisé le mot
« donc » pour conclure. Pour l’observation de diverses manifestations verbales, paraverbales et non verbales de l’écoute,
plusieurs élèves doivent encore travailler leur écoute des autres. Il est possible que l’attribution d’une intention d’écoute
puisse aider les élèves à focaliser leur attention lors de la prise de parole des autres, ce qui n’était pas le cas dans la présente
situation. Concernant l’émergence de la pensée avec différents supports, quelques élèves lisaient simplement un texte
préparé à l’avance, mais la majorité utilisait ses notes afin de se repérer tout au long de la prise de parole, et ce, sans en faire
la lecture, ce qui est tout à fait adéquat dans le cadre d’une discussion. En outre, à partir des résultats obtenus, il est
possible de croire que le fait d’avoir enseigné la justification a eu un effet positif sur la pertinence et la suffisance des idées
ainsi que sur la structure d’une prise de parole puisque les élèves devaient donner trois raisons pour justifier leur choix.
27 Même si un test statistique ne nous permet pas d’identifier de différences significatives entre les résultats des pré et post
tests, nous constatons que l’enseignement de l’oral fait avec le modèle de Lafontaine et celui de l’atelier formatif de Dumais
et Messier semble permettre aux élèves de la classe d’Évelyne de prendre en charge leur communication orale dès le 1er cycle
du primaire, ce qui n’avait pas encore été exploré au Québec. D’autres recherches seront nécessaires pour vérifier ces
résultats. Nous recommandons toutefois qu’une période de temps plus grande soit accordée en classe pour mettre en
pratique les objets de l’oral convoqués ici dans divers contextes afin d’en assurer la transférabilité et le développement de
compétences.
5. Discussion
37 L’enseignement d’objets précis de l’oral semble avoir permis aux élèves d’Évelyne d’améliorer leurs compétences par
rapport à ces objets, cela notamment par la mise en pratique du modèle didactique de Lafontaine qui s’est avéré
transférable au 1er cycle du primaire, et par la mise en œuvre du modèle de l’atelier formatif de Dumais et Messier.
L’enseignement a également donné la chance aux élèves d’évaluer leurs pairs et de comprendre les objets d’évaluation. Ils
étaient en mesure de les identifier, de les nommer et de les évaluer selon l’enseignement reçu même s’ils n’ont que 7 ou
8 ans. Nous constatons aussi que plus un objet est mis en pratique et contextualisé au genre travaillé et à d’autres
situations, comme justifier en mathématiques, plus il semble réussi par les élèves.
38 Nous avons également montré comment une enseignante du 1er cycle du primaire a adapté et expérimenté un dispositif
didactique (modèles de Lafontaine ainsi que de Dumais et Messier formalisés dans une SAE portant sur une discussion
justificative de son personnage préféré dans une émission de télévision). Selon ses dires, elle a réussi à enseigner et à évaluer
l’oral de manière satisfaisante et ses élèves ont amélioré leurs compétences. Les résultats semblent montrer l’effet desdits
modèles sur la prise en charge par les élèves de leur communication orale puisqu’Évelyne a enseigné l’oral de manière
explicite, sachant par le fait même quoi évaluer. Elle a changé ses pratiques en enseignement de l’oral. Une autre
contribution importante de notre recherche est d’avoir documenté l’enseignement et l’évaluation de l’oral par l’entremise du
genre discussion en classe de 2e année du primaire, ce qui n’avait encore jamais été fait au Québec à notre connaissance.
39 L’enseignement et l’évaluation de l’oral au 1er cycle du primaire au Québec reposent maintenant sur des appuis
théoriques et d’autres recherches sont nécessaires pour solidifier ces assises. De surcroit, nous avons mis au jour des
moyens concrets de prendre en compte et de traiter didactiquement trois objets de l’oral au 1er cycle du primaire, à savoir la
justification, le regard dirigé et le volume de la voix.
Conclusion
40 Notre recherche comporte principalement deux limites. D’abord, elle s’est effectuée avec un nombre restreint d’élèves, ce
qui ne permet pas de généraliser les résultats qui, de plus, concernent une seule classe au Québec. Toutefois, la quantité de
données amassées a permis, d’une part, de montrer qu’avec un enseignement de l’oral organisé selon le modèle didactique
de Lafontaine, les élèves semblent faire des apprentissages et, d’autre part, de montrer que le modèle est transférable au 1er
cycle du primaire. L’autre limite est le fait qu’il est difficile d’isoler précisément ce qui permet réellement d’améliorer les
compétences orales des élèves : le modèle de Lafontaine, le modèle de l’atelier formatif de Dumais et Messier, l’évaluation
par les pairs, l’observation des prises de parole à l’aide des ordinateurs, tous ces éléments ? Une étude plus fine serait
nécessaire afin de discerner ces différents effets. De plus, il serait intéressant de nous demander à quel point le transfert des
apprentissages se fait d’un genre à l’autre et dans le quotidien des élèves, en classe et hors de la classe.
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Notes
1 Le prénom de l’enseignante a été changé pour préserver son anonymat.
2 L’enseignement de l’oral par consignes consiste à donner une liste de consignes à respecter aux élèves (par exemple, ayez une
intonation variée, parlez fort, utilisez un support visuel). Même si l’enseignant explique ces consignes, il n’y a pas d’enseignement des
objets de l’oral convoqués, les élèves devant se débrouiller à partir de ce que l’enseignant leur dit (Lafontaine, 2001 ; Lafontaine et
Préfontaine, 2007). Dans l’enseignement par modelage, l’enseignant fait un exemple du genre oral ou des objets de l’oral à l’étude en
mentionnant à voix haute tout ce qui se passe dans sa tête (Lafontaine, 2001 ; Lafontaine et Préfontaine, 2007).
3 Progression des apprentissages au primaire, compétence communiquer oralement :
<http://www1.education.gouv.qc.ca/progressionPrimaire/francaisEns/index.asp?page=conn_com>, consulté le 17 mai 2016.
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Référence électronique
Lizanne Lafontaine, Christian Dumais et Joanne Pharand, « L’oral au 1er cycle de l’école primaire québécoise : assises théoriques et
démarche d’enseignement et d’évaluation », Repères [En ligne], 54 | 2017, mis en ligne le 16 mai 2017, consulté le 23 mai 2017.
URL : http://reperes.revues.org/1096
Auteurs
Lizanne Lafontaine
Université du Québec en Outaouais (UQO, Canada)
Christian Dumais
Université du Québec à TroisRivières (UQTR, Canada)
Joanne Pharand
Université du Québec en Outaouais (UQO, Canada)
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