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Inno 029 0035
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Faten Loukil
Dans Innovations 2009/1 (n° 29) , pages 35 à 57
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1267-4982
ISBN 9782804102708
DOI 10.3917/inno.029.0035
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INTRODUCTION
La normalisation connaît aujourd’hui une évolution importante aussi bien
dans le secteur industriel que dans le domaine des services. En 2005, près de
33 % des certificats ISO 9001 relatifs à la mise en place d’un système de
management de la qualité et 31 % des certificats ISO 14001 liés à l’engage-
ment dans une démarche de management environnemental ont été délivrés
à des organismes et entreprises dans les différents secteurs des services (ISO
Survey, 2005). Le second pourcentage montre également la contribution des
démarches volontaires comme la normalisation au développement durable.
Les institutions de normalisation se présentent alors comme un appui à la
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Normalisation et développement durable
NORMALISATION,
CRÉATIVITÉ INSTITUTIONNELLE
ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
Le système de normalisation et l’organisation industrielle évoluent dans le
même sens. Le projet en cours de la norme ISO 26000 relative à la responsabi-
lité sociétale des organisations révèle l’intérêt porté au développement durable
dans la stratégie des firmes. Cependant, si l’intention de l’organisation inter-
nationale de normalisation était au départ de produire un système de mana-
gement de la responsabilité sociale certifiable comme la norme ISO 9001
pour le système de management de la qualité ou la norme ISO 14001 pour le
système de management de l’environnement, les négociations ont abouti à
une norme de lignes directrices non certifiable.
L’objet de la section est de montrer à travers une mobilisation de la litté-
rature économique que les normes sont des dispositifs institutionnels qui
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d’élaboration des normes ISO a souvent été critiqué, dans le passé, en raison
d’une sous représentation des groupes minoritaires par manque de ressources
économiques et techniques.
Établi en 2005, le groupe de travail relatif à la norme ISO 26000 se com-
pose de 300 experts provenant de 54 pays membres de l’ISO et 33 liaisons
organisationnelles qui représentent six groupes de parties prenantes : l’indus-
trie, le gouvernement, les syndicats, les ONG, les organismes de soutien et
les organisations de recherches et autres. Dans l’histoire de l’ISO, c’est le
groupe de travail le plus important en terme de nombre mais aussi de diver-
sité de participants. La norme ISO 26000 qui va apparaître au cours de
l’année 2009 constitue-t-elle un nouveau dispositif institutionnel au profit
du développement durable ? Les approches néo-institutionnalistes, conven-
tionnalistes et évolutionnistes envisagent de manière différente la contribu-
tion des institutions dans la coordination des échanges.
Dans l’analyse de Williamson, la révision de la conception dichotomique
firme-marché (Williamson, 1975) et l’adoption de modalités intermédiaires
de coordination (Williamson, 1985) ouvrent la voix à de nouvelles perspec-
tives pour l’analyse des organismes de normalisation et de certification comme
des appuis institutionnels aux relations industrielles. L’analyse des formes
hybrides remonte aux travaux de Davis et North (1971) qui ont introduit le
concept d’environnement institutionnel défini comme un ensemble de
règles politiques, sociologiques et légales censées gérer l’ensemble des rela-
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0. Introduction
1. Domaine d’application
2. Références normatives
3. Termes et définitions
4. Le contexte de la responsabilité sociétale dans lequel les organisations opèrent
5. Les principes de la responsabilité sociétale relatifs aux organisations
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fournir des interprétations lorsque les règles sont vagues et ambiguës et enfin
s’assurer que les règles sont bien appliquées. Ceci renvoie à l’existence d’un
système « d’enforcement » qui veille à l’application et aux contrôles des
règles ainsi qu’aux sanctions en cas de non application. A partir de cette
définition, on peut concevoir les normes comme des règles de comportement
générées par des institutions de normalisation. En revanche, les organismes
de certification sont des organisations institutionnelles qui jouissent d’un
pouvoir d’autorité pour vérifier la conformité aux normes. Or, la norme ISO
26000 apporte des lignes directrices pour les entreprises mais elle n’est pas
certifiable. Elle énonce des principes d’actions mais ne précise pas la manière
de faire et laisse donc l’organisation employer sa propre démarche pour
atteindre les objectifs définis. Cependant, d’autres vérificateurs informels et
non officiels comme les associations non gouvernementales disposent d’autres
moyens de sanctions à l’encontre des organisations. Aoki (2001) montre que
les règles du jeu deviennent « self-enforcing » à travers les interactions stra-
tégiques des agents. La perte d’un client ou d’un marché, une publicité défa-
vorable qui affecte l’image de marque d’une organisation et le boycott des
produits sont des mécanismes de sanctions informels.
Dans ce système, les firmes multinationales jouent un rôle important
dans la diffusion des normes ISO 26000. En effet, devant une réglementation
divergente et parfois absente dans certains pays, elles sont amenées à impo-
ser des règles internes qui sont souvent critiquées par les autorités locales. Le
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délimitation est une contrainte qui peut amener les organisations à tenter de
modifier les règles du jeu et conduit à un processus continu de changement
institutionnel. Pour explorer l’existence ou non de ces stratégies dans le pro-
cessus d’émergence de la norme ISO 26000, on propose de reconstruire l’his-
toire de ce projet comme recommandé par North.
3. L’ISO a pour mission de promouvoir l’échange des biens et services à travers des normes inter-
nationales volontaires. Elle intervient ainsi dans tous les secteurs d’activités à l’exception de
l’ingénierie électrique et électronique et des télécommunications qui sont respectivement du ressort
de la commission Electro-technique Internationale et de l’Union Internationale des Télécommu-
nications. La première norme ISO « Température normale de référence des mesures industrielles de
longueur » a été publiée en 1951.
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Mais, la notion de la qualité s’est encore élargie pour intégrer des dimensions
environnementales et sociétales relatives au processus de production. Les
externalités environnementales et leur internalisation deviennent une nou-
velle exigence dans l’évaluation des performances des entreprises et de leur
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différenciation. Ceci est valable autant pour les biens industriels que pour les
services qui participent à peu prés aux trois-quarts de la richesse et de l’em-
ploi crées dans les pays riches. Les pressions et les attentes des communautés
locales, des consommateurs et des associations environnementales et socia-
les ont contribué à une prolifération des normes et certifications environne-
mentales et sociales.
Dans le domaine de l’environnement, le nombre important des référen-
tiels, dans les décennies 1980 et 1990 s’accompagne non seulement de risque
de contradiction entre des normes différentes mais aussi de coûts de transac-
tion élevés (Grolleau et Mzoughi, 2005). Pour remédier à cette situation, la
norme ISO 14001 représente l’aboutissement à une nouvelle solution collec-
tive qui remplace des référentiels séparés et parfois incompatibles. A la fin de
l’année 2005, au moins 111 162 certificats ISO 14001 (versions 1996 et 2004)
ont été délivrés dans 138 pays avec une augmentation de 24 % par rapport à
l’année 2004. 31 % des certificats ISO 14001 sont délivrés à des prestataires
de services (ISO Survey, 2005). En effet, l’harmonisation des normes permet
d’abaisser les barrières à l’entrée qui sont relativement plus importantes dans
les secteurs de services que dans les échanges internationaux de marchandi-
ses. C’est le cas surtout du secteur des services aux entreprises qui entretient
des forts liens en aval avec les autres secteurs (OCDE, 2007).
Ces chiffres nous amènent à réfléchir sur la contribution des normes
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5. Dans la procédure classique d’élaboration d’une norme ISO, chaque pays membre délègue un
expert sur le sujet pour participer aux négociations internationales.
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objectif d’éviter que la nouvelle norme devienne une barrière à l’entrée con-
tre les commerces des pays en développement.
Par ailleurs, on voit que l’élaboration de la norme ISO 26000 répond à une
véritable recherche de consensus entre les différentes parties intéressées :
66 pays et 32 organisations internationales participent au Groupe de Tra-
vail. Le nombre des experts des pays en développement représentent 45 %
des experts ce qui est une représentation significative comparée à la partici-
pation des PVD dans l’élaboration des normes internationales comme l’ISO
14001 ou l’ISO 9001. En revanche, un déséquilibre persiste dans la représen-
tation des différents groupes d’acteurs (ISO/TMB, 2006). Ainsi, les groupes
Industrie et Organismes de soutien sont les plus présents dans les différentes
rencontres. Par contre, la participation des organisations syndicales et des
consommateurs est relativement faible en raison essentiellement d’un man-
que de moyens. De même, dans le groupe gouvernement, il y a plus des repré-
sentants des États que des collectivités locales.
De façon générale, dans un processus de décision, chaque participant
définit ses objectifs en fonction de ses préférences. Mais pour défendre ses
objectifs dans le cadre du processus de décision, il est amené à prendre en
considération le contexte institutionnel, la règle de décision collective et les
stratégies des autres acteurs (Elster, 1996). La norme ISO 26000 se trouve
face à un défi difficile, celui d’arriver à un consensus sur les principes de res-
ponsabilité sociétale. Ce consensus est d’autant plus difficile qu’il doit se
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CONCLUSION
L’article s’est penché sur l’examen de la contribution de la normalisation au
développement durable. La mobilisation des approches institutionnaliste,
conventionnaliste et évolutionniste d’une part et l’examen du processus de
l’émergence de la future norme ISO 26000 relative à la responsabilité socié-
tale d’autre part, nous ont permis de mettre en exergue une véritable dynami-
que institutionnelle. En effet, le développement durable, en pénétrant
l’organisation industrielle, a influencé aujourd’hui le système de normalisa-
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