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wi 200165 16 F carro ISBN 2 70568544 1 Shome rage, décembre 192 1916, Herman, 298 ne Lecoure, 75015 Paris Tha dts de ropeoistion, mee fagmentire, sas quo forme nity ears photographic, photecopc, coll, bande magnétique, peys LEWIS CARROLL logique sans peine ammne AGO CAR ‘TRADUCTION BT PRESENTATION DE JEAN GATTEGNO ET ERNEST COUMET HERMANN @) EDITEURS DES SCIENCES ET DES ARTS AVERTISSEMENT L Le texte Logique sans peine rassemble dos textes tirés do Symbolic Logis, Part: Elementary, publié pour la premidre fois en 1896 & Londres chez Macmillan, Le toxte suivi est colul de la quatriéme édition, qui parut ‘en 1867; — Fallacies, extrait do The Game of Logic, publié chez Macmillan en 1887;—What the Tortoisesaidto Achilles, publié en 1894 dans le numéro dle décembre de la revue Mind, et reproduit par 3. D, Collingwood dans The Life and Letters ofLewis Carroll, Londres, 1898;— A Logical Paradox, publié en 1894 dane Je numéro de juillet de la revue Mind, et reproduit par §. D, Collingwood dans The Lewis Carroll Picture Book, Londres, 1690, Les deux derniers de cos textes ont été traduits intSgralement sur la version qu'en a donné S. D. Collingwood, nevou do Lewis Carroll, ‘Symbolic Logic avait 66 conga par Lewis Carroll (ct. notre préface) comme un manuel destiné aux étudiants qui voulaient se spécialiser dans la logiquo; aussi la place réservée aux exercices pratiques était- elle considérable. Mais, on 1986, 1a logique eymbolique n'est pas en France une spécialistion fréquente; nous nous sommes donc permis de réduire la part faite & ces exercices : les problémes eux-mémes sont passés de 366 & 165 (et de 9 & 3 pour I'Appendice); les solutions ont ét6 traduites conformément aux problémes insérée mais non la « marche a suivre » pour y parvenir. Diautro part, nous avons omis I'indox alphabétique droasé par Carroll; ‘condensé la table des matidres, qui comprenait parfois jusqu’é hit indi- cations pour une seule page: supprimé les indications etrepares que don- nait Carroll au futur éléve en haut de chaque page et & la fin do chaque chapitro. Co faisant, nous n'avons mullement cherahé & « moderniser » uu toxto qui ne date pas, mais simplement voulu alléger l'spparat techni- quo, cortes utile dans un manuel scolaire, mais inutile aujourd'hui pour tun lootour frangaia I, La traduction a téche n’a pas toujours ét6 facile, Deux préoccupations essentiolles nous ont guidés : 1. Roster fiddlos @ 1’ « esprit » carrollion, ot donc tontor sans cosse do trouver des équivalents aux nombreux joux de mots qui sont insépa- rables du style ce Lewis Carroll. On trouvera donc dans notre texte des infdlitéslittérales; elles sont inévitables, mais nous nous sommes efforcés do los réduire Io plus possible, Ellos se trouvent essentiellement dane Jes exemples proposés par Carroll. 2. Rostar fiddles & la riguour logique : chaque fois qu'il s'est agi d’un ‘énoneé do réglo ou d'une défiition, nous avons « coll au texte » le mieux possible, aux dépens, parfois, de la qualité litéraire do la traduction. Liemplai par Lewis Carroll de termes de ‘echnique fogique nous post d'autres problames. 1. Pour les termes qui avaiont depuis toujours un équivalent en fran- sais, Ia question état vite résclue, Mais, pour les raisons énoncées dane lh Postface, certains n'existaiont pas dans notre langue, ou sont apparts plus tardiveront. 2, Surtout, Carroll a forgé des termes : Bliminands, Retinends, et on ‘a omployé d'autres dans un sens qui lui est propre, Pour les deux premiers, nous avons forgé des décalques frangais : rétinendes et éliminandes, {qui sont pariants, ot morphologiquement possibles puisque «apparentés» A dividendes ot multiplicandes. Ce fut plus difficile pour Nallity et Entity. Nous nous sommes finalement détorminés & créer un emploi nouveau de négation et d’affrmation Ce faisant, nous connaissons ies risques de confusion que nous courions mais nous avons pensé que nos guillemets étaient suffisanment clare. ‘Qu'll nous soit permis & o2 propos de faire nétre la formule que, dans son Appendice, Lewis Carrell lance & propos de l’écrivain qui déoré- trait que « blane » signifio « noir». Lui-méme définit toujours soigneuso- ‘ment chacun des mots qu'il emploie. Que notre lecteur, chaque fois qu'un doute nattait en lui sur le sens précis d'un mot que nous aurions employ6 ‘dans uno acception qui n'est pas la plus courante, veuille bien se reporter 2 ces definitions. Joan Gattégno - Ernest Coumet B AVERTISSEMENT LA LOGIQUE ET LES MOTS DANS L'EUVRE DE LEWIS CARROLL, par Jean Gattégno.. LA LOGIQUE SYMBOLIQUE .. A ADRESSE DES DEBUTANTS. I. LES CHOSES ET LEURS ATTRIBUTS....... Classification .. Division ...++.sseeeeeseeeee 1. Définition ..... 2, La dichotomie Les noms... Les definitions. I, LES PROPOSITIONS. . Propositions en général...... Forme normale d'une proposition. Diverses sortes de propositions. Propositions d'existence Propositions de relation. Réduction d'une proposition de relation & la forme normale .. Une proposition de relation commengant par “tous” est en réalité une double proposition 8 Qu’implique une proposition de relation en ce qui concerne le réalité de ses termes?..... Transformation d'une proportion de relation en une ou plusieurs propositions d'existence I, LE DIAGRAMME BI-LITTERAL ......+ ‘Symboles ot cellules.... Emploi des jetons.. Représentation des propositions... Représentation des propositions d'existence... Représentation des propositions de relation... Interprétation ..... 3 IV, LE DIAGRAMME TRI-LITTERAL. ‘Symboles et cellules De x etmouy etm... i Représentation de deux propositions de relation Interprétation .. V. LES SYLLOGISMES..... VI. LA METHODE DES INDICES. Représentation des propositions de relation... Syllogismes . Représentation des syllogismes. Formules de résolution de syllogismes. Figure I. — Figure il, — Figure It. Quelques sophismes . Comment procéder devant un couple donné de propositions ......+++ ‘VIL. LES SORITES Résolution par syllogismes séparés. Résolution par la méthode du soulignement.... 6 183 187 160 162 ‘Vill. PROBLEMES ET SOLUTIONS. Problemes. .. Solutions......+ A L'ADRESSE DES SPECIALISTES. . Portée existentiolle d'une proposition. ....+.++e.+++ Emploi d'une copule négative. “ Deux prémisses négatives ne prouvent rien”. Diagrammes d'Euler. Diagrammes de Venn. Mes diagrammes ...... Comment résoudre un syllogisme Comment, selon moi, traiter syllogismes et sorites. Huit problémes a résoudre.. QUELQUES SOPHISMES . CE QUE DIRENT ACHILLE BT LA TORTUE..... LES TROIS COIFFEURS.... LEWIS CARROLL LOGICIEN, par Ernest Coumet.... 167 167 184 191 192 206 208 ais 2u7 220 233, 241 247 255 La logique et les mots dans Iceuvre de Lewis Carroll Parler de Carroll logicien parait sans doute un peu étrange & qui ne connait de lui que les chefs-d’csuvre : Alice au pays des merveilles et De l'autre coté du miroir. Il est vrai qu’en France, plus encore qu'en Angleterre, Vignorance est de régle a l'endroit de leur auteur. Et de quel droit la critiquer? Les ouvrages concernant Carroll sont déja peu nombreux et, par surcroit, sem- blent souvent s'adresser & un petit public d'initiés ou de bibliophiles, On sait assez généralement qu'il s'appelait de son vrai nom Charles Lutwidge Dodgson et qu'il était professeur de mathématiques a l'Université d'Oxford; on ignore cependant que ses cours — nous dirions aujourd’hui ses “travaux pratiques”, car il n’était que tutor, c’est-a- dire assistant ou répétiteur — a l'intérieur de son collége n'ont jamais rencontré de succés auprdés de ses étu- diants : lorsqu'il décida de les interrompre, définitive- ® ment, l'age de quarante-neuf ans, ils n’attiraient plus qu'une demi-douzaine de spectateurs; on n'ose parler de “participants”, car tous les témoignages insistent sur la sécheresse et le ton magistral qui étaient les siens, On sait aussi, généralement, qu'il avait commencé des études de théologie : il y était, en fait, obligé s'il voulait avoir droit au titre de membre a vie de son collége, titre qui lui avait été proposé sur le vu de ses excel- Jents résultats universitaires et qui aurait entrainé pour Jui, notamment, la possession a vie d’un appartement dans le collége et un assez faible revenu annuel, en échange d’obligations extrémement réduites. D’autre part, il faut se rappeler que son pére était clergyman (il fut, plus tard, archidiacre), et que la condition sacer- dotale était chose courante dans la famille Dodgson. Charles accepta donc d’envisager l'état de clergyman, et, en fait, alla jusqu’a devenir diacre de 1'Eglise angli- cane; mais il refusa de recevoir le sacrement complet de l'ordre, prétextant de son bégaiement — dont il ne parvint effectivement jamais A se défaire — qui Vaurait rendu impropre a tout ministére paroissial et, en particulier, l'aurait empéché de précher (mais il y réussit, 8 de nombreuses reprises, vers la fin de sa vie), Il pouvait donc, légitimement, se présenter comme “le Révérend C. L, Dodgson”, et aimait a le faire. On sait enfin, bien sfir, — et I'école psychanalytique Va longuement souligné — qu'il aimait beaucoup les petits enfants, mais avec un faible tout particulier pour les petites filles : cet attachement pour elles s’arrétait dlailleurs aux environs de douze ans, age oii, disent les Anglais et disait Carroll lui-méme, “le flewve et le torrent 10 mélent leurs eaux”, Quant aux petits gargons, il ne s'est jamais privé de dire — et méme @ leurs parents — qu'il les détestait. Il tenta, au début de sa carriére, de donner quelques cours dans une école de gargons d’Oxford, mais l'expérience dura trente-cing jours et le dégofita pour toujours de recommencer. N’entrons pas, ce n’est ni le licu ni le moment, dans une étude de ce trait de personnalité. Contentons-nous de faire observer combien cette affection pour les enfants et le monde de V'enfance a redoublé en Carroll un sens pédagogique dont nous aurons l'occasion de reparler. Mais on sait plus rarement qu'il fut logicien, et ce avec passion, Une de ses petites amies raconte, dans les souvenirs qu'elle publia aprés la mort de Carroll : “M. Dodgson ne parlait jamais [lorsque j'allais le voir] d'Alice au pays des merveilles, mais il y avait trois autres éléments de sa vie dont il semblait tirer une grande fierté. Il en parlait chaque fois que nous dinions ensem- ble. C’étaient sa bouilloire, sa logique et ses talents de photographe, [ll faut noter & ce propos que Carroll fut l'un des photographes amateurs les plus doués de l’6poque victorienne et, également, l'un des pion- niers dans ce domaine]... Sans cesse, il poursuivait un débat passionné avec le professeur de logique de VUniversité, et chaque fois que j'allais chez lui, il me soumettait un nouveau probléme, inventé par lui, et que j'étais invitée a résoudre, “en utilisant mon bon sens”... Dans les demniéres années de sa vie, la logique prit une place sans cesse grandissante; il renonga a tout ouvrage proprement burlesque ou fantastique et se n mit 4 accumuler des matériaux qui serviraient, espérait- il, & composer son “grand ouvrage” en ce domaine. Sa mort, survenue au début de 1898, ne lui permit pas de mener cette tache a bonne fin, et il n’est pas stir que nous devions le déplorer, Il est curieux, & ce propos, observer le cheminement de sa pensée : ce sont d'abord les remarques a caractére logique — dont nous parlerons bientét — qui parsément les aventures 4'Alice; ensuite, ce sont les discussions interminables avec le professeur de logique de l'Université d'Oxford (souvent publiées, selon une coutume chére & Carroll, sous forme de petites plaquettes imprimées a ses frais), qui lui donnérent l'occasion de rédiger des paradoxes logiques — dont nous présentons un échantillon dans les pages suivantes —, destinés une certaine célé- brité dans leur domaine; plus tard, naquit en lui le désir de faire participer les enfants — la catégorie d’étres humains avec laquelle il se sentait le plus de points communs — a ces débats : pour cela, il fallait mettre a leur portée les régles de logique et de syllogistique disparues depuis longtemps des programmes scolaires courants; il fallait, en somme, vulgariser la logique. Crest ce qu'il essaya de faire, en 1886, dans un petit volume d'une centaine de pages qu'il intitula Le jeu de Ia logique; desting aux enfants, il se présentait extérieurement comme un jeu dont la réglé était un peu plus développée qu'elle ne I’est généralement; il se jouait avec neuf jetons, cing gris et quatre rouges, incorporés a l'ouvrage, et qu'il fallait déplacer, suivant les combinaisons proposées, sur un carton représentant deux carrés; le style en était extrémement simple, a et accessible & tous les enfants d’age scolaire. A vrai dire, le jeu était d'un genre assez particulier puiscu'il était impossible de gagner ou de perdre et que, a proprement parler, on y jouait aussi bien tout seul qu'avec un partenaire! 8 Le succ&s ne répondit pas a ses espérances, Lui-méme trouva le livre trés insuffisant et, en 1896, il fit répandre par son éditeur des prospectus annongant la parution prochaine de La logique symbolique, I" partie, qu'il décrivait comme “wn jeu intellectuel passionnant, destiné aux enfants et aux jeunes”, L'ouvrage fut publié l'année suivante; il était beaucoup plus long (prés de deux cents pages), fourmillait d'exercices et s'apparentait bien plus au manuel qu’au jeu de société, Mais le nom d'auteur inscrit sur la couverture restait Lewis Carroll, celui done qui 1’avait fait connaitre au public enfantin gréce aux aventures d’Alice, A La chasse au snark et a Sylvie et Bruno, alors que c'est sous, son vrai nom de C. L, Dodgson qu'il avait publié 4 Oxford ses brochures de logique et, en général, tous ses ouvrages de mathématiques. Le nom sans doute aidant, et la qualité du livre, le succés cette fois fut incontesté puisque dans la méme année louvrage fut deux fois réédité, Une quatriéme édition parut en 1897, mais ce fut la demiére, et il fallut attendre 1988 pour qu'une collection américaine essaie de relancer la Logique symbolique. Encouragé sans doute par cet accueil favorable du public, Carroll continua de réunir des documents pour les deuxiéme et troisiéme parties annoneées. Sa mort, en janvier 1898, mit fin ces projets et il ne nous reste, de ces parties ultérieures, que les idées jetées en appendice du volume. Il est bien certain que cet ouvrage voulait, dans l'esprit de Carroll, répondre a un besoin bien précis, et qui lui Stait sensible : celui, commun a tous les hommes, et non seulement aux logiciens professionnels, d'accéder “ a une connaissance des lois du discours, Dans la préface qu'il rédigea en 1897 pour la quatrigme écition, il écrit on effet : “II s'agit 18, A ma connaissance, de la toute premiére tentative (& l'exception du petit livre, fort incomplet, que j'ai publié en 1886 sous le nom de Le jeu de la logique) jamais faite pour vulgariser cette matiére passionnante, Elle m'a cofité des années d'efforts inces- sants; mais si, comme je l'espére, elle se révéle utile aux jeunes, et susceptible d'étre ajoutée, valablement, au fonds de jeux et de passe-temps intellectuels que, chez eux ou dans leurs collages, ils détiennent déja, un tel résultat me remboursera, et au-dela, de la peine que cet ouvrage m’a cofité”. L'introduction elle-méme, que nous donnons plus loi le nom d'auteur choisi, indiquent également qu'il s’adresse a des profanes et a des jeunes. La présenta- tion elle-méme le montre clairement : s'il n'a pas conservé l’appellation de “jeu” pour titre de son ou- vrage, Carroll n'a pas négligé l'aspect distrayant. D’od la présence des jetons et des diagrammes (mais fac- turés & part, cette fois-ci, pour répondre aux discrates sollicitations de l'éditeur et des libraires!), d'ob aussi Ja mise a la portée des enfants, sous une forme accessi- ble, des découvertes graphiques de Venn. L'expérience qu'il tente ainsi ressemble, selon une formule qu’il emploie par ailleurs, a “ces médicaments de notre enfance, que nos parents cachaient adroitement, mais bien en vain, sous une couche de confiture” : il s'agit de faire passer le c6té rébarbatif de la logique sous V'apparence du jeu et de la plaisanterie. D'oi, surtout, 18 le style des exemples qu'il choisit pour illustrer sa pensée, et ob l'on retrouve l'auteur d'Alice : aprés la dose d’émétique ou de laxatif (les axiomes, les théo- rémes, les démonstrations), il faut nous retremper dans le monde véritable, c’est-a-dire celui de l'humour, et raisonner a partir de crocodiles plus ou moins loquaces ot de requins dansant le menuet. Ge serait cependant une erreur de croire que ces oxemples et leur formulation burlesque révélent sim- plement le cété fantaisiste de Lewis Carroll et ne sont 18 que pour I’'amusement. Bien plus profondément, ils sont chez lui l’expression d'une conviction selon laquelle, dans les rapports humains, et d’abord dans le langage, la forme importe au moins autant que le contenu. Dodgson, d'une susceptibilité extraordinaire dans ses rapports sociaux, fait sienne, en I'inversant, la formule que dans Alice il préte ala Duchesse : “Occupez-vous du sens, les mots se débrouilleront bien tout seuls”, Pour lui au contraire, et a la limite, les mots ne servent & rien et pourraient aussi bien étre remplacés par des chiffres; on en arrive a des problémes de ce genre : Aucun m n'est x’ Quelques x sont m Done quelques x sont y. Nous reviendrons sur cet aspect mathématique que prend le langage. Mentionnons pourtant, dés mainte- nant, que c'est 1a l’attitude du logicien moderne — et, au sens strict du terme, du logicien symbolique en général — pour qui les symboles mathématiques rem- placent tout contenu idéologique possible, et cela avec " une précision beaucoup plus grande. C'est également un trait que les amis de Dodgson remarquaient fréquem- ment chez lui, et que l'un d’eux, T. B. Strong, décrivait ainsi : “Il essayait de donner aux mots un sens strictement défini, comme s'il s'agissait de symboles mathéma- tiques, et il s'efforgait de systématiser les diverses inférences qu'il pouvait en tirer. [Car] un mot pour lui n’avait pas seulement un sens positif et direct; il four- nissait également des renseignements négatifs, et de nature variée/...] Cette attitude l'amenait tout natu- rellement & concevoir les phrases comme de simples formes dont le sens concret n'importait en rien”. Or, cette remarque, qui s'adresse au premier chef A Vhomme-Dodgson et au logico-mathématicien — celui que le lecteur rencontrera dans l'essentiel de ce volume —, nous importe plus encore parce qu'elle garde toute sa valeur en ce qui concerne Carroll le conteur. Autrement dit, les couvres logiques, réputées “sérieuses”, de Carroll, expliquent le cheminement de sa pensée et en donnent les raisons profondes, mais toutes ses couvres de nonsense la montrent en action, C’est dans les aventures d'Alice et, a un degré moindre, dans celles de Sylvie et de Bruno, que nous trouverons les meilleures illustrations, non pas tant des lois logiques que Carroll voudrait nous voir appliquer et qu'il formule dans sa Logique symbolique en des termes accessibles @ tous, que des difficultés sans nombre auxquelles nous nous trouvons exposés chaque fois que nous oublions de le faire. A cet égard, il faut bien dire que les exemples et exercices, et la formulation méme 18 des paradoxes les plus sérieux, quant au contenu logi- que, donnent déja une idée de cette fusion compléte entre le logicien strict et le conteur délicieusement absurde, Aussi est-ce en nous référant constamment a ces ouvrages, les plus connus d’ailleurs, que nous essaierons de montrer la place de la logique dans l'ceuvre de Carroll et combien Alice (qui date de 1865) et Sylvie et Bruno (nettement plus tardif) sont en fait des précurseurs, et des précurseurs nécessaires, d'ceu- vyres comme La logique symbolique. : Bien que la structure d'Alice au pays des merveilles ot des livres analogues dus a Carrolll soit, en gros, celle de contes pour enfants — contes de fées, s'agissant des aventures de Sylvie et de Bruno, contes légare- rement fantastiques en ce qui concerne celles d’Alice — ce n'est jamais l'histoire elleméme qui en constitue l'intérét essentiel, Ou plutét, résumer l'un ou l'autre de ces owvrages, c'est en éliminer le charme propre, qui ne réside pas tant dans I’arrangement plus ou moins harmonieux des événements, — ni, du reste, dans le style littéraire, qui se contente d'étre sobre et d’accds aisé — que dans le traitement de chaque épisode. Quand on a dit qu’Alice, dans son deuxiéme “voyage”, ren- contre successivement Ja Reine Blanche et son royal époux, la Reine Rouge, Tweedledum et Tweedledee, Humpty-Dumpty, puis enfin le Cavalier Blane, qu’a--on retenu de I'histoire? Une trame, qui ne recouvre plus rien, Dans la mesure, d’ailleurs, oi cet itinéraire et les rencontres qui le jalonnent sont annoncées dés le deuxiéme chapitre — puisqu'il s'agit, au moins théori- quement, d'une partie d’échecs od Alice doit jouer 8 un certain nombre de coups avant de pouvoir devenir reine, — la surprise n'est pas grande. Or, cette surprise nalt pourtant, et se renouvelle, mais elle n'est pas due aux événements eux-mémes : elle provient de ce que, & chaque rencontre, nous sommes invités A une médita- tion, et non seulement & une participation a l’action. I s'agit, aussi ridicule qu'une telle affirmation puisse paraitre, d'une réflexion qui nous est proposée, et nullement, comme il est d'usage dans les histoires pour enfants, d'une identification (directe ou inversée) avec certains des personnages mis en scéne. Alice, tour & tour, rencontre les personnages de son imagination — qui sont d’ailleurs tous des personnages sortis des nursery rhymes ou des comptines traditionnelles des petits Anglais — non pour les regarder vivre, mais, pour les écouter parler. En cela surtout réside l'origi- nalité de Carroll, conteur pour enfants : ce n'est pas une histoire qu'il nous raconte, c'est un discours (mais attrayant, mais divertissant) qu'il nous adresse — dis- cours en plusieurs morceaux, sans doute, mais dont la cohésion peut étre, aprés coup, reconstituée. L'étude de cette ceuvre infiniment moins connue — et, il faut bien le dire, nettement inférieure — qui s’appelle Les aventures de Sylvie et de Bruno (et qui comprend deux volumes de prés de trois cents pages chacun) — montre cette tendance poussée presqu’a l'absurde, Car, non content de faire discourir des personnages comiques ou fantastiques (le Professeur, le Jardinicr, l'Autre Professeur), et de fagon plaisante, Carroll laisse parler les plus ennuyeux : le Narrateur (ce pauvre M, Dodgson lui-méme...), Lady Muriel, Arthur Forester, » Eric Lindon, et ces braves gens discutent, @ longueur de chapitres, sur des sujets aussi passionnants que la chasse, la liturgie, l'Enfer, etc, A tel point qu'une édition de cet ouvrage, congue réellement pour les enfants, se réduirait sans peine A un total de deux cents pages environ au lieu des six cents imposées par Carroll ala patience du petit monde. Il reste que le goft du langage n’y est pas toujours ennuyeux, témoin ce début d'histoire, hélas interrompu trop t6t : “Il était une fois une coincidence qui était partie faire une promenade en compagnie d’un petit accident; pendant qu'ils se promenaient tous deux, ils rencontrérent une explica- tion, une tras vieille explication, si vieille qu'elle était toute pliée en deux et ratatinge, et qu'elle ressemblait plutét & une devinette”... Ne parlons surtout pas, propos des deux Alice, de verbalisme. Mais restons bien conscients de l'impor- tance prise par les dialogues, Une histoire pour enfants, surtout pour les petits, comporte des phrases et des mots qui sont souvent la pour créer, par un effet sonore, Ie climat de réve qui permettra aux enfants, lorsqu'ils entendront mentionner les personnages de T’histoire, de s'évader et de créer eux-mémes leur histoire; un auditoire d'enfants n'est jamais attentif aux mots pris en eux-mémes, ni méme vraiment a leur arrange- ment, mais bien plus aux images auditives ou visuelles que ce fond quasi musical leur permet de contempler. Il en est tout autrement chez Carroll — du moins chez le Carroll spontané; car, plus tard, Carroll fit une adap- tation des aventures d’Alice a I'intention des tout petits, dans laquelle il sut fort bien réduire considérablement a Ja place du dialogue, et laisser subsister un nombre bien faible de descriptions. 1 n’empéche que, dans l'édition courante, Alice elle-méme s'irrite & maintes reprises de cette passion pour le discours, dialogué ou monologué, qui semble caractéristique de ce nou- veau pays des merveilles; elle déclare notamment n'avoir jamais rencontré de créatures aussi tentées de tout discuter et de tout contredire. A telle enseigne que, en simplifiant un peu, on pourrait soutenir qu'une fois Vaventure commencée, un seul événement, @ propre- ment parler, s'y produit : le dénouement, c’est-a-dire Je geste brutal et coléreux (celui du contradicteur de mauvaise foi) qui rompt le charme du réve et met fin Par un coup de force a la discussion. Pour le reste, il s'agit essentiellement d'entrevues — on oserait presque dire d'interviews, tant la pauvre Alice, par moments, fait penser A ces journalistes dont les questions sau- grenues ne servent qu’a déclencher la riposte incisive de 1' “interviewé” et a mettre en valeur le brillant de ce dernier —: entrevue avec le Chat, avec le Chape- lier Fou et le Liévre de Mars, avec la Chenille, avec la Duchesse, etc. La vie @ son tour devient discours : images statiques servant de fond visuel 4 une discussion interminable et bien sOr incapable de progresser, images sans continuité, oi il suffit & Alice d'une phrase pour faire apparaitre le tableau suivant, semblable a l'illusionniste présentant ses tours de prestidigitation (le mot est d'Alice); les fleurs se mettent a parler dés qu’Alice en a exprimé a haute voix le désir; il en va de méme pour l’apparition du corbeau qui doit venir séparer a ‘Tweedledum et Tweedledee... Sans doute doit-on voir, dans cette valeur poétique du langage, une caractéris- tique propre au réve qui est capable de faire surgir tout événement souhaité par le réveur, Mais on sait bien que les aventures d'Alice sont, non un réve, mais un regard sur la vie, et une vision du monde. Non contente d’étre discours, la vie, dans le pays des merveilles, est discours sur le discours, et c'est 1d que nous retrouvons notre logicien, Toute une théorie du langage nous est présentée, tantot par allusions et infé- rences, tantét par déclarations formelles et péremp- toires : c'est le cas, en particulier, de la longue et capi- tale rencontre avec Humpty-Dumpty. Plaisanterie que tout cela? On pourrait certes le croire s'il s'agissait d’un autre Dodgson et si, surtout sur la fin de sa vie, ce dernier n’avait intellectualisé les mémes notions et n'en avait donné, dans ses couvres logiques, la contre- partie constructive. En quoi donc consiste cette théorie? Que nous apprend-elle? Disons pour résumer que Carroll, en bonne logique, s’attaque d'abord aux mots, ensuite aux raisonnements. C'est a dessein que j’emploie le mot “s'attaque”, car la tentative de Carroll, en ce qui concerne les mots, se développe en trois temps successifs : une démolition en ragle de nos idées courantes sur les mots (c'est-8- dire, essentiellement, un effort pour nous faire perdre notre confiance en eux); une insistance trés grande sur le besoin que nous ressentons d'avoir un vocabulaire 23 pour la reconstruction d’un langage a l'abri de toutes ces faiblesses. Le travail de sape se poursuit tout au long des ouvrages de Carroll par le moyen de l’accumulation des jeux sur les mots, depuis le simple calembour jusqu’a la remise en question des expressions métaphoriques dont le sens littéral s'est depuis longtemps perdu. Le chiffre total de ces “faux amis” est impressionnant : prés de soixante-dix pour les seules aventures d’Alice (homo- nymes, mots a double acception, clichés en tous genres, etc. Estil besoin de rappeler que, pour le traducteur, tous ces exemples sont autant de “jeux de mots intra- duisibles en frangais”?) En voici quelques échantillons, dans leur langue d'origine ; — homonymes : fail, tale; lesson, lessen; horse, hoarse; mine (pronom), mine (subst.); flour, flower; — doubles sens : to draw (tirer, dessiner); poor (dénué d'argent, médiocre); fast (solide, rapide); to cut (découper, interrompre); — expressions métaphoriques : to lose one’s way @ qui appartient le chemin?); to Jose one's temper (ot s'en va+til, ce malheureux sang-froid?). I beg your pardon donne droit & deux incidents : le Roi Blanc réplique a Alice : “Ce n'est pas bien de men- dier”, tandis qu'Humpty-Dumpty lui avait objecté : “Je ne suis nullement offensé”. Pauvre Alice, sans cesse obligée de rectifier ce qu'elle vient de dire, soit qu'elle ait mal compris son interlo- cuteur, soit que celui-ci l’ait mal comprise! Plus malheu- Py aux définitions trés sires; enfin des suggestions i reuse encore pariois, s'il se peut : “Expliquez-vous”, dit la Chenille. — “Je crains bien de ne pas pouvoir m’expliquer moi-méme”, dit Alice, “parce que je ne suis pas moi-méme, vous comprenez”. — “Je ne comprends pas”, dit la Chenille... Nous autres, nous comprenons, en revanche, qu’en fin de compte elle ne s'y retrouve plus, invente elle-méme des mots nouveaux ou prenne pour des mots connus ceux qu'on invente & son inten- tion, Mais nous qui lisons et décelons au moins les homonymies, nous qui, étant adultes et organisés, pou- vons d’un air supérieur rabattre le caquet de tous ces coupeurs de cheveux en quatre, nous finissons cep dant par admettre que le langage est loin d’étre ce qu'un 2 vain peuple pense et que I’on peut concevoir quelque chose fort clairement et l'exprimer pourtant dans la confusion, Et nous savons aussi, aujourd'hui, que les tentatives scientifiques de traduction automatique achop- pent précisément, pour l'instant, du fait des acceptions multiples d'un méme mot, obstacles a toute équivalence mathématique constante, Est-ce a dire que nous puissions, plus qu’Alice, nous contenter d’a peu prés, de mots dont le “sens général” est compris? SGrement pas. Un mot dont la définition n'est pas soumise & un accord unanime entraine pour Je moins un malentendu, souvent une incompréhension totale. Ainsi, entre le Roi Blanc et son messager : “Qui as-tu dépassé sur la route?”, — “Personne”, répond Je messager, — “Tras juste”, reprend le roi, “cette jeune personne [Alice] I'a vu également. Par consé- quent personne [ne] marche plus lentement que toi”, remarque qui, on s'en doute, provoque l’amertume du messager : “Je fais de mon mieux [...] Je suis bien sfir que personne ne marche beaucoup plus vite que moi”, La confusion, voulue, vient de ce que le Toi personnifie Nobody — et le lecteur s’en rend compte, typographiquement — tandis que le messager persiste 4 prendre Je mot dans son sens courant. Comment les deux hommes pourraient-ils se compren- dre? len va de méme dans l'exemple fameux en Angleterre et qui correspond en gros a notre : “Demain on rase gratis” : The rule is jam to-morrow and jam yesterday, > but never jam to-day. L'absurdité apparente repose sur une méme ambiguité, “aujour- hui? étant pris tantét dans le sens : “le jour méme ou je prononce cette phrase”, tantt dans celui- ci: “chaque jour, successivement, envisagé dans le pré- sent”, La Reine Blanche, ou nos coiffeurs, ne s'en tirent que parce que nous n’avons pas pris la peine de donner une définition une de “aujourd'hui” ou de “demain”. Définir les mots, qu’est-ce a dire? Retournons un ins- tant a la Logique symbolique. Carroll y définit le nom comme “tout mot ou expression traduisant l'idée d'une chose donnée, accompagnée de l'idée d'un attribut donné”, ou encore, “le mot qui représente tout membre de la classe possédant cet attribut spécifique”. Ainsi la ville est définie comme “une chose matérielle et artificielle, se composant de maisons et de rues”. Mais il arrive, et l'exemple ci-dessus l'a bien montré, qu'un mot puisse désigner a la fois la classe tout entigre —les individus non existants — et un membre de cette classe — personne. On connait le paradoxe que les logiciens ont développé autour de ce probléme, et dont la solution a permis un progrés considérable de la logique : le colonel d'un régiment donné ordonne au coiffeur du corps de couper les cheveux & tous les hommes du régiment; qui lui coupera les cheveux a lui? Estil, en tant que coiffeur du régiment, extérieur & celui-ci, ou continue-til A en faire partie? La logique elle-méme laisse donc subsister des malen- tendus possibles, Et pourtant, le besoin d'une défini- tion claire et univoque pour chaque mot, n'en reste pas moins impérieux. Comprendrait-on, sans cela, l'insis- a tance des habitants du pays des merveilles a demander Je “nom” de ceci ou de cela? Comprendrait-on, surtout, Ja peur qu’ils ont tous, et Alice avec eux, de perdre leur nom? C'est le cas de 1a Reine Blanche, du Faon et @Alice dans le bois magique, et, dans La chasse au snark, celui du personnage “qui avait complétement oublié son nom”, Pour Carroll, le nom garde une valeur magique; il ne se contente pas de désigner la chose nommée, il lui appartient en propre. Le prononcer, c'est en quelque sorte créer cette derniére ou la recréer. Ignorer ou oublier un nom, c'est n’avoir aucune prise possible sur la chose ou la personne qu'il désigne. On comprend que le petit Bruno, sommé de “donner gon nom”, refuse caiéyuriquement, mais accepte, en revanche, de le préter... Chez l'enfant, comme chez le primitif, le nom posséde une valeur magique : se nom- mer, c'est so liver sans défense & autrui, Et Alice, en face de la Chenille qui lui demande avec insistance qui elle est, manifeste la méme répugnance a le dire. Curieusement, Carroll propose Iui-méme une autre théorie, plus orthodoxe mais aussi plus moderne, quand il fait dire @ Alice, en réponse au Moucheron, qu’un nom “est bien utile aux gens qui en appellent d'autres, je suppose, Sinon, pourquoi les choses auraient-elles des noms?” Les noms ne seraient, dans cette optique, qu'un moyen de communication, ayant une valeur de commodité pour autrui, et non pas une qualité de la chose nommée, Entre le nom personnel, et magique, et Je nom impersonnel, et utilitaire, on sent que Carroll penche plutét vers la seconde possibilité, justement Parce que, comme nous I'avons vu précédemment, 8 T'idéal pour lui serait le mot qu'on pourrait remplacer par un symbole mathématique. Aussi bien en sommes-nous arrivés au point od il devient urgent de proposer des remédes a cette incertitude. Carroll nous en suggére deux, qui ne sont que des palliatifs, Nous pourrions, tout d’abord, forger des mots nouveaux, capables, eux, de prendre le sens qu’on voudra, étant bien entendu qu'il sera fixé une fois pour toutes : le snark en est I'exemple le plus connu, mais le po’me Jabberwocky en contient une trentaine (dont deux, depuis lors, sont entrés dans VOxford English Dictionary). Semblables & l'espion de nos manuels militaires, ils ont pour signes distinctifs... de n’on avoir aucun, el de Paraitre émmemment plau- sibles. Leur commodité, c'est de pouvoir contenir deux idées, non pas confondues, mais ajoutées : c'est la célébre théorie des “mots-valises”; n'y insistons pas, Malgré les apparences, ce n'est pas cette théorie qui a récllement les faveurs de Carroll. C’en est une autre, que nous laissions prévoir et que lui inspire sa formation mathématique : donner a chaque mot un sens “neutre”, variable selon les nécessités — mais tou- jours, évidemment, défini préalablement A son emploi. Le mot, ce sera le paramétre a, b, ou m, I'inconnue x OU Yin Cette attitude n’est pas simple provocation, Elle est en premier lieu appel au bon sens, qui n’accepte pas une définition figée, non susceptible de variations. Comme dit le petit Bruno a la jeune femme qui lui objecte que “ce n'est guére courant de dire un kilomatre ou trois” : “Ga serait courant, si on le disait plus sou- so vent”. Tout se justifie en ce domaine, et méme les oxpressions métaphoriques dont nous parlions plus haut : elles ont eu jadis leur fondement légitime ; l'essen- tiel est de savoir pourquoi elles se sont ainsi bities. Appel aussi a la logique, dans sa nature méme : l'étude des lois du discours, donc des théorémes, axiomes et postulats régissant les rapports des mots entre eux; or, pas de lois sans possibilité de symbolisation, La logique aristotélicienne, et plus encore la logique actuelle, insistent sur ce point. On comprend mieux, désormais, pourquoi Carroll sou- ligne le sens donné délibérément a un mot, bref Vinten- tion de orateur. Le langage étant insuffisamment clair, et tout mot étant susceptible d’acceptions presque infinies, il faut absolument savoir ce que le mot et l'orateur “voulaient dire” (le jeu de mots sur “avoir intention” et “signifier” existe de méme en anglais). ‘A quatre reprises au moins, Alice se trouve prise en flagrant délit de contradiction entre ce quelle “voulait dire” et ce quielle dit effectivement. La lumiére se fora dans son esprit lorsque Humpty-Dumpty, le logi- ien par excellence, ayant prononcé le mot “gloire”, ct Alice ayant répliqué : Je ne vois pas ce que vous voulez dire”, Humpty-Dumpty répond, triomphant : “Bien entendu, tant que je ne vous l’ai pas dit!”. C'est moiméme qui définis, par V'intention que j'y mets, et que je puis exprimer ou laisser sous-entendue (c'est (out le probléme), le mot que j'emploie, C’est ainsi qu’on en arrive ala célébre théorie qu’expose Humpty-Dumpty : “Lorsque j'emploie un. mot, [..J il signifie ce que je veux qu'il signifie, ni plus, ni moins”. a Lorsque Alice lui objecte que “le probléme est de savoir si l'on peut donner & un mot tant de sens différents”, il réplique, et la discussion s'arréte 1A : “Le problame, c'est de savoir qui commande, rien de plus”, Carroll reprend cette idée, en toutes lettres, dans Vappendice a la Logique symbolique : “Je soutiens au contraire que tout écrivain a entiére- ment Je droit d’attribuer le sens qu’il veut a tout mot ou @ toute expression qu'il désire employer. Si je rencontre un auteur qui, au commencement de son livre, déclare : “Qu'il soit bien entendu que par le mot noir je voudrai toujours dire blanc, et que par le mot blenc j'entendrai toujours noir”, j'accepterai hum- bloment cette régle, quand bien méme je la jugerais contraire au bon sens”, Et si luiméme n'a pas mis sa théorie en pratique — par crainte, peut-étre, d’effaroucher son public, et surtout les enfants; mais nous connaissons tous Ia facilité avec laquelle, sur le sens imaginaire d'un mot entendu, les enfants échafaudent toute une théorie — nous en trouvons chez Ambrose Bierce, dans son Dictionnaire du Diable, un exemple éclatant : “Blanc (adj. et subst.) : noir”. & Quelle que soit la fragilité effective du langage, ov Plutét de ses éléments premiers : les mots, le discours Continue, essentiel a la vie sociale de l'homme. Le logi- cien ne peut done se contenter d’un constat d'impuis- sance, il lui faut rebatir, a tout le moins utiliser au mieux ce qu'il posséde. De 1a les tentatives faites pour orga- 2 niser et structurer les phrases et les idées. L'effort de Carroll logicien porte done également sur le raisonne- ment, Puisque les mots sont capricieux et peuvent varier, nous chercherons a fixer les relations entre les mots (les phrases) et les relations entre les phrases (les _raisonnements). : : a perspective de Carroll n'a rien de révolutionnaire, Pour le logicien, le contenu des phrases importe peu; cule compte la forme logique qu'elles revétent, c'est- dire la disposition et la valour des différents éléments de la phrase (sujet, copule et prédicat) : sontils “ assor- tifs” ou non, universels ou particuliers, affirmatifs ou négatifs? La encore, c'est aux mathématiques qu'il faut songer. Dans I'équation : ax* + bx +¢ =0, la valeur de T'inconnue et celle des paramétres ne changent en rion la nature de la formule; les éléments peuvent varier, la relation qui les unit reste la méme. Et lorsque je dis : Tout fest g, x est f, donc x est g, je ne fais que dégager, sous l'apparence du syllogisme bien connu : ‘Tout homme est mortel. Socrate est homme, done Socrate est mortel, ce qui en fait l'ossature et la validité, oe lies “démolitions” du vocabulaire auxquelles s'est livré Carroll prennent, dans cette optique, une importance moins grande qu'il n'y paraissait car si les mots eux- 3 mémes ne comptent guére, leur fragilité n'est une faiblesse, Du moins peut-on le penser au veal supérieur, celui du logicien qui domine le probleme. Au reste, Carroll lui-méme tire la morale de cette situa- tion lorsque, définissant la “classification”, il déclare : ‘La création de classes est une opération purement intellectuelle, et il importe peu qu'il s'agisse d’objets réels ou imaginaires”. Une fois de plus, c'est dans les couvres de nonsense que nous trouverons l'appli- cation pratique de ce principe. Lorsque le Chat de Chester essaye de prouver & Alice que, comme tous les habitants du pays des merveilles, elle est assu- rément folle, il lui tient le raisonnement suivant : “Pour commencer, vous m'accordez qu'un chien n'est Pas fou?”. — ‘Je le suppose”, répondit Alice. — “Bon”, Poursuivit le Chat, “Or vous savez bien qu'un chien grogne quand il est en colare et remue la queue quand il est content, Mais moi, je grogne quand je suis content, etje remue la queue quand je suis en colére. Done, je suis fou”. oe a bean objecter aussit6t, en bonne sémanti- cienne : “Je dirais “ronronner” plutét que “ “ le Chat écarte la difculté d'un “bites ee aim voulez”, qui montre bien son mépris pour ces contin- gences. Le raisonnement est-il, comme disent les logi- Giens, valide? Si oui, qu'importe la réalité ou V'irréalité de ses termes? Carroll retrouve 1a, bien évidemment, la logique enfan- tine qui est préte, au départ, A accepter n'importe quelle 4 hypothése, puis les conséquences qui en découlent, parce que, pour elle, il n'y a pas encore de distinction opérée entre le possible et l'impossible. S'ils croient sans peine aux “contes de fées”, c'est que le merveil- leux leur semble avoir autant droit de cité que la vérité la plus terre a terre. De ce point de vue — et de ce point de vue seulement — les aventures d’Alice sont du méme type que celles de la Petite Siréne ou de la Belle au Bois dormant, Une fois admis que l’on peut descendre dans un terrier de lapin et y trouver un monde peuplé de créatures inattendues, ou bien que les miroirs voient se dérouler deux vies différentes derriére chacune de leurs faces, tout le reste s’ensuit logiquement. lia grande différence vient surtout de ce que les contes de fées ne remettent jamais en question la validité logique du discours : les fées et leurs compagnons agissent peut-6tre illogiquement, mais ils raisonnent comme nous. Les personnages oréés par Carroll, peut- 6tre parce qu’ils sont présentés comme fous, peut-étre aussi par suite de la forme du monde dans lequel ils habitent, forme plate, & deux dimensions, du jeu de cartes ou de l'échiquier, ont tout un systeme de raison- nement différent du nétre, Ainsi, lorsqu’Alice prend le thé chez les fous, on peut trouver la conversation simplement absurde : “Quelle dréle de montre”, s'écria Alice, “elle marque le jour, mais pas l'heure qu'il est”. — “Pourquoi pas?”, marmonna le Chapelier, “est-ce que la vétre vousindique année ot nous sommes?”, — “Bien sfir que non”, répliqua aussitét Alice. “Mais c'est parce qu'elle mar- querait la méme année pendant un temps fou!”, — “C'est 6 exactement le cas de la mienne”, dit le Chapelier. On comprend qu’Alice soit “terriblement déconcertée” et que “les paroles du Chapelier lui paraissaient compl- tement dénuées de sens, et pourtant c’était sirement du bon anglais”. Mais ce raisonnement est-il absurde simplement parce que nous ne le comprenons pas? Ne l'estil pas plutét parce que la prémisse posée 28 par Alice — “parce qu’elle marquerait la méme année pendant un temps fou” — était insuffisante? Cette for- mule n'est guére une explication, reconnaissons-le, du fait que sa montre n'indique pas l'année en plus de Vheure! A sotte question, sotte réponse, serait-on tenté de dire. Le mécanisme logique du Chapelier est en bon état, mais i n'a pas de matiére premiére valable sur laquelle s'exercer. Une fois de plus, le jeu auquel Carroll se livre est moins ume reconstruction de la vraie logique — pour cela, il faut s'adresser aux ceuvres théoriques, comme la Logi- que symbolique — qu'une description des piéges dans lesquels nous tombons lorsque nous raisonnons mal. Les habitants du pays des merveilles, une fois de plus, sont les hommes, Les exemples de ces raisonnements vicieux sont nombreux. Citons-en un en détail : Alice, grandie démesurément, et dont la téte atteint le sommet des arbres qui ’entourent, rencontre une mére-pigeon qui l’accuse d’étre venue voler les coufs qu'elle couve; Alice protestant contre cette accusation, la pigeonne la rabroue en lui tenant le syllogisme suivant : los serpents mangent des coufs; or, les petites filles man- gent également des ceufs; donc, vous étes un serpent, ou du moins “une sorte de serpent”, Et elle conclut, & la grande indignation d’Alice : “Vous étes en quéte d'ceufs 4 manger, voila tout ce que je sais; alors, que m’importe que vous soyez petite fille ou serpent?”, C'est tout a Ja fois le raisonnement par analogie — vous avez un long cou, donc vous étes un serpent —, défendu par un syllogisme vicieux — puisque ces deux affirma- tives universelles n'entrainent aucune conclusion —, st remplacé, a son tour et en désespoir de cause, par une fuite en avant : “Tout ce que je sais, c'est que j'ai peur de vous”. De méme, lors de la partie de croquet chez la Reine, la téte du Chat apparait, sans son corps, au-dessus du terrain; le Roi s'en inquiate et décide de le faire con- damner pour impertinence, et décapiter. Mais avec le bourreau, les choses se compliquent; “Le bourreau affirmait qu'on ne pouvait couper une téte s'il n'y avait pas de corps duquel on puisse la déta- cher; qu'il n'avait jamais encore fait pareille chose et qu’ll n'avait pas V'intention, a 1’age qu'il avait, de commencer a la faire. Le Roi affirmait que tout ce qui avait une téte pouvait @tre décapité, et qu'il valait mieux cesser de dire des sottises”, i Les deux syllogismes implicites sont les sui- vants : 1, Décapiter, c'est détacher la téte du corps; or, ce chat n'a pas de corps, done, je ne peux pas le décapiter. 2. Décapiter, c'est couper la téte; or, ce chat a une téte, done, vous pouvez le décapiter. af & La confusion malt du mot “décapiter”, sur lequel il aurait fallu se mettre d'accord; car chacun des raisonnements est théoriquement valide. Mais le dialogue de sourds est inévitable et, dans des situa- tions analogues, il se conclura bien souvent selon la for- mule préconisée par la Reine qui affirme, elle, que si l'on ne parvient pas & un actord sur le champ, 8 elle est décidée & “faire exécuter tous les assistants”. Le sophisme est parfois plus difficile a déceler. Ainsi, lorsque la Reine Rouge décrit A Alice le monde situé de l'autre cété du miroir, elle lui dit qu'on y trouve par- fois cinq nuits simultanées, et en conclut que les nuits sont cing fois plus chaudes que les nuits “normales”, “Oui, mais sion applique cette régle”, dit Alice, “elles doivent étre aussi cing fois plus froides”, “Exactement!”, s'éoria la Reine, “cing fois plus chaudes et cinq fois plus froides — de méme que je suis cing fois plus riche et cing fois plus intelligente que vous!”, On congoit qu’a nouveau Alice “pousse un grand soupir et aban- donne la discussion”. La pauvre enfant ne peut expli- quer que le sophisme repose sur deux sens différents de la conjonction “et” : dans le premier cas, elle signi- fie “et par laméme”, et dans le deuxiéme, simple- ment, “et en méme temps”. Allons plus loin, avec un dernier exemple qui mon- trera que les problémes logiques soulevés par Carroll dans ses ouvrages pour enfants dépassent parfois singu- ligrement l’entendement de ce public, En conclusion des aventures de Sylvie et de Bruno, Sylvie regoit de son pére, roi des Elfes, un bijou magnifique, tout rouge, et portant comme inscription : “Tout le monde aimera Sylvie”, Or, elle avait regu, précédemment, un autre bijou, qu'elle avait choisi entre deux que son pére lui avait proposés, tout bleu et portant les mots : “Sylvie aimera tout le monde”. Le petit Bruno, toujours perspi- cace, découvre que les deux bijoux n'ont font qu'un: lorsqu’on regarde le rouge en transparence, on s'aper- goit qu'il est également bleu et qu'il porte également Fy Vinscription : “Sylvie aimera tout le monde”, C'est Pourquoi l'enfant, qui tout au long de l’ouvrage a été présenté comme logicien en herbe, fait observer d'un air pensif : “Mais alors, c'est que tu l’avais préféré A luiméme... Dis, papa, est-ce que Sylvie pouvait vrai- ment préférer une chose a elle-méme?”, Et le bon pare, moins avancé que son fils, de répondre a Sylvie, “préfé- rant ne pas relever la question embarrassante que lui Posait Bruno”, C'est qu'il s'agit 14 de bien plus qu'un simple jeu. Dans la mesure ot le choix était présenté a Sylvie sous forme d'une alternative : le bijou bleu ou le bijou rouge, mais pas les deux & la fois, le bijou bleu nous était donné comme “non rouge”, et le bijou rouge comme “non bleu”. Nous avions 18, par suite, une simple applica- tion du principe d'identité : A ne pouvait étre non-A, Or, c'est bien & quoi nous arrivons : A est aussi non-A et B est aussi non-B (cela, bien entendu, par delA le symbo- lisme affectif de Carroll, sur l'amour inévitablement source d'amour). Ainsi la question de Bruno est-elle, discrétement suggérée, une mise en question du prin cipe d'identité, Nous voyons done plus clairement que Carroll ne nous offre pas dans ses couvres “légéres” une réponse aux ouvrages logiques “sérieux”, mais simplement une confirmation de la nécessité de ces deniers. Les syllo- gismes que nous trouvions proposés comme exemples dans la Logique symbolique, les raisonnements & décou- vrir au sein d’un dialogue, tels que nous le propose le Jeu de la logique, c'est exactement la reprise de cer- tains épisodes des aventures d'Alice, C'est 1a qu’est “0 I la grande continuité entre Carroll et Dodgson, entre le conteur pour enfants et le logico-mathématicien, Tous devx ont une grande préoccupation qu'ils ont traduite, {leur maniére, pour chacun de leurs publics : la commu- nication entre les étres, Sans doute est-ce le probléme principal qui se pose aux enfants mis en contact avec le monde des adultes : pourront-ils “s'entendre” les uns les autres? Non seu- lement les mots et les phrases que les grandes personnes adressent & leurs enfants ont parfois bien du mal a étre compris de ces derniers — c'est l'origine de la plupart des “jeux de mots” du petit Bruno —, mais, inversement, beaucoup de parents répliqueront par un “mais qu’est-ce que tu racontes 14?” aux efforts de leur fils ou de leur fille pour “s'expliquer”. Les aven- tures d’Alice, qui sont, bien plus généralement, une sorte de traité d'initiation — a l'usage des enfants — aux mystéres du monde adulte, marquent bien cette rupture de fait entre deux univers : celui d’Alice et celui du pays des merveilles, c’est--dire des grandes personnes, Celui-ci paraft Alice loufoque et incom- préhensible, et, en fait, tout échange intellectuel et affectif avec ses habitants lui est interdit, Avec le Cavalier Blanc, mais lui seul, on sent un début, ou du moins une possibilité d'accord véritable, mais sim- plement sur le plan affectif. Elle ne s'en tirera qu'en “envoyant tout promener” a la fin de chaque histoire, supprimant ainsi non pas (tant le monde adulte que les problémes qu’il lui posait. Et encore : ce n'est qu'une solution illusoire, car il faudrait qu'elle reste enfant pour en bénéficier vraiment. Ainsi s'explique la a réflexion du Narrateur, dans les aventures de Sylvie et de Bruno, aprés avoir entendu Bruno dire : “Un Petit cabri, voila la chose la plus curieuse que j'aie Jamais vue, dans mon monde a moi” : “Le monde de Bruno [...] C’est vrai, je suppose que tout enfant pos- séde son monde a lui — et tout adulte aussi, sans doute, Je me demande si c'est 18 la cause de tous les malen. tendus et de toutes les incompréhensions de la vie? Il est certain que, pour Carroll, l'application stricte de régles logiques — telles que celles définies dans la Logique symbolique —, réussirait & pallier tous ces problémes de communication; si l'on se mettait d'accord sur le sens & donner aux mots, au besoin par la création dun langage international nouveau — mais n’est-co pas précisément, ce qui se passe & l'heure actuelle avec Jes mathématiques? — puis sur les lois du discours, de facon & éviter les sophismes volontaires et aussi ceux qui ne le sont pas, alors on pourrait parler de com- munication entre les étres, Tant qu’on n’en est pas arrivé 1a, 4 quoi bon vouloir connaitre le monde des autres? On est tellement sr de déboucher sur un mur d'incom- préhension, Il vaut mieux d&s lors, comme Dodgson Va fait au soir de sa vie, se cloftrer dans sa chambre et ne plus voir personne. D’autant plus que, pour lui, un autre probléme se posait, Lui-méme n'a jamais mentionné de “doutes religieux”, et il est malhonnéte de lui en préter gratuitement, Mais ce qu'il a indiqué, c'est qu'il souhaitait que les hommes Pussent trouver dans tous les domaines, et nommément dans le domaine de la foi, des certitudes, des vérités universelles s'imposant & tous les entendements, La a logique, strictement appliquée, permet de — be les sophismes — méme ceux, souligne-til dans Vintro- duction a la Logique, que renferment bien des sermon — et, par la-méme, lanai A un niveau de connais- te n'est plus permis. i oul pees) bien des illusions sur les posalbinés d'une logique, fitelle infiniment plus précise ele fectionnée que Ja sienne, I'évotution actuelle semble le montrer. Ce qui reste pour nous gery c'es : qu'il ait réussi, en mettant l'accent sur ce probl enol 8 nous ouvrir les yeux et, loin d’en rester — comme ses ceuvres de pur nonsense auraiont pu le faire croire = au stade de la démoliton, qu'il ait tenté de proposer des remédes, Car non seulement il a pu sinel recone: tituer, ou maintenir, une unité dans sa vic _ Caan Dodgson —, mais aussi, malgré des déficiences sa doute considérables, il a fait couvre de philosophe. Jean Gattégno. logique aan PREFACE DE LA QUATRIEME EDITION los modifications prinelpales apportées au texte de la premiéro édition ‘concomaent le chapitre De la classification (p. 54-86), et le livre Des propo- ‘lions (p. 68.8 79). Les additions principales sont constituées par les {iuestions portant sur les mots ot les expressions qui viennent grossir ibe jets d'examon” del page 94, ets notes insérées dans l'appen- dice, Dans le livre 1, au chapitre 2, j'ai adopté une nouvelle définition de la jassifieation, qui me permet de considérer univers entier comme une ‘classo", et deme passer, par conséquent, de l’expression un peu lourde igroupe de choses". Dans lo chapitre sur les propositions d’existence, jai adopté une now. velle “forme normale” dane nquolle a classe dont on etme, oy dont Gn nie T'existonce est considérée comme prédicat ot non plus comme ujet de fa proposition : j'évite ainsi uno difficulté extrémement subtile Gui menace Vautre forme. Ces difficultés insidieuses semblent étre & la fEcine méme de tout arbre de la connaissance, et sont infiniment plus indies & résoudre qu’aucune ce colles quo l'on rencontre sur les bran- thes les plus élevées de cet arbre, Pour prendre un exemple : les diffi Giités presenteos par la quiraile-septiome propooition d’Euclide n Sont quiun jeu d’enfant & c6té de la torture intellectuelle que représente Teffort 8 faire pour concevoir la nature profonde d'une ligne droite. Bt dans le présont ouvrago, les cifficultés du probléme des “cing mentours” the gont quo bagatollos & cOté de la question presque insoluble : “Qu’est-ce qu'une chosa?”. ans le chapitre sur los propositions de relation, j'ei ajouté une nouvelle fection contenant la prouve qu'une proposition commencant par “tous” ‘Get ume proposition double — il s'agit Ja d'un fait, sans aucun rapport vee la Foglia arbitraire posée dans la section suivante, selon laquelle toute proposition de co genre sera entendue comme impliquant lexis tenve laffsctive de son sujet, Cetle prouve, dans les premieres éditions, nétait donnée qu'incidemment, lors de la discussion du diagramme bi Titéral; mais la placo qui lui reviont de droit, dans co traité, est celle ‘que je lui assigne & présent. ‘Bans les exemples de sorites, j'ai apporté de nombreuses modifications Varbales, de fagon & évitor une difficulté qui, je le oreins, a da troubler Cerfains loctours des trois premidres éditions. Qulques-unes des pré fhissos talent libellées de telle maniére que leurs termes étaient des ‘Sspeces, non de Tunivers donné dans le lexique, mais d'une classe plus ‘Yaste dont l'univers ne constituait qu'une partie, Dans chacun de ces cas, Je voulais faire comprendre au lectour quo ce qui était affirms de la ‘Yasse la plus vaste était, par lo fait méme, de I'univers, ot lu fairenégligar Comme euperflu tout ce qui était affirmé de l'autre partic de cet univers ‘inal, dans exemple n° 3 (p. 178), I'univers donné était “canards vivant Gans ‘ce village”, et la troisiome prémisse était “Mm Martin ne possbde 1. Voir & ce propos notre avertissement, (Note du traducteur) a ‘aucun canard gris" — c'esticdire : “Aucun canard gris n'est un canard gui appartiont & Mme Martin”, Dans cet exemplo, leo termes sont ace espéces, non pas de Tunivers, mais de laclasse plus vaste “canards”, dont univers ne constitue qu'une partie; et jo voulais faire comprendre ait ioe, est alfirmé des “canards” I'est, par le fait méme, ‘des gris"; lu faire traiter la prémisse comme si elle tit :"M™© Mar fin ne posséde aucun canard gris vivant dans ce village”; Iu fare nogl ger, enfin, comme superfiu ce qu'elle affirmo de Vautre partic dels Classe canard", & savoir : “Mm? Martin ne possede aucun canard gris ‘vivant en dehors de ce villago”. En appendice, j'ai donné une nouvelle version du probléme des “cing menteurs". Mon object, ce faisant, est d'échapper aux ditficultés, subtiles et mystérieuses & la fois, qui so présentent des qu'on tonte de considerer lune proposition comme éiant gon propre sujet, ou plusieurs propositions comme étant sujet 'une pour l'autre, C'est incontestabloment une théone fort déroutante et fort pou satiafaisante : on ne peut s'empéchor de pencer quo cette armée d'ombres manque grandement de s de penser, ‘en voyant glisser devant soi ce cortige de spectros, qu'il n'y ona pas un seul qu‘on pulsse happer au passage et dont on pulese dire 1 "Voila lume proposition qui est nécessairemont vraie ou faussel"; de ponsee que le ropas auauel on a éié invite n'est quiun fectin de Bormméciton ot gue son prototype, on le trouvera dans cette fle fabulouse dont les habe {ants “gagneiont un salaire incertain en faisant chacun lalossive du vole, Im'a sulfi de changer “qui dit deux vérités” on “qui prend des deux condiments (sel et moutarde)", “qui dit deux monsonges” en "qui ne rend d’aucun condiment”, et "qui dit un mensonge et une vésité (Cordre ‘’étant pas spécifié)” en “qui ne prend que d'un seul condiment (on ne spécifie pas lequel)”, pour éohapper & toutes cos énigmes métaphysues et pour construire un probléme qui, une fois tradull en un groupe do prémisses symbolisées, présente exactomont les mémes donnees: quo Ie feisait le probiéme des “cing menteurs™ Quill me soit permis, pour terminer, de soiligner que méme ceux qui sont contraints d'étudier la logique’ formelle pour pouvoir trailer ea sujets d'examon posés on cette matiére, s'apercovront que la logices symbolique faciltera beaucoup la réalisalion de cet object : dune part, g8 dissipaut une grande partie des obscurités qui ebondent en locke formelle, ot d’autre part, en leur fournissant une méthode simple st arene fissante pour vérifier los résultats qu'ils auront attoints par le moyen des mécanismes pesants que la logique formelle impose & see adopioe I s'agit la, & ma connaissance, do la toute premiére tentative (& Yexcop. fion du petit livre, fort incomplet, que j'ai publié en 1886 ! Le jew doa Jogique) jamais faite pour vulgariser cette matiére passionnasto, tlle ms Cotté des années d’efforts considérables; mais oi, comme je Tespore, elle se révéle véritablement utile aux jeunes, ot suscoptible d'etre ajputes Yalablement au fonds de joux et de passe-temps intellectuole dont ‘ls Gisposent déja chez eux ou dans leurs coliéges, un tel résultat me vem. Doursera, of au-deli, de la peine qua cet ouvrage m’a cote 28, Bedford Strect, Strand" Nodl 1896 Le. x i dabutants To i souhaite vérifer Joyalement si ce pati livre est, o1 Teun lsu vie oe oe est vivement invité & observer les rgies suivantes + as Comm commencement, sans_vouloir, pour sa 2 1pm, career mea, Deana ral viisemblablemen, cher Jeqeur,& Yabanconnor on, sant: “C'est Beaucoup trop dificlle pour rool, et vous frat ans perdr toute chance laugmenter"cons@érablomest Yolo, répercie da jeux inlloctuls ogle — ne pas lire un live au hasard — est See cnet ao tee Hate Ge as" a Gu Yon risguorat for, en otvrant le lz i, puis I, do Glchor tout 16 Pil dice Peon do feaour dove tee an hourovseeurprve, Govient, i dans esprit de autour re fe surprise, devin, iSea‘ony sui, tout natrl, Jo sis lon ee coranesporsomes se plonger dans Ie tome I, Your conten! PRs Fe ltmino ok pou tizo nef val eu Savoir quo tout fit bien qu lee amanis porsécutde falssont effective: ont par 00 maver, qs le héros so révBle imocent du meure dont opot le ehltimont mi dos Indes (Question : it le chaiment mérité, ot que lo viell oncle : z Pourquoi dos Ines? — Réponse + parce qui paraltimposssle de deve 1, NB, Dos romarqzes & V'ntention dos spésialists sont donndes on appendice, page 83. air riche ailleurs), meurt au bon moment, de le savoir done avant de 8'étro donné la peine de lire le tome I, Un tal principe est & peine amiss ble dans le cas d'un roman, od le tome Ill a un sens, méme pour qui 1° ‘pas lu les chapitres précédents; mais quand il s'agit d'un ouvrage scien- {ifique, c'est de la folie pure : & lire Ia dewxidme partie avant ay étro arrivé en suivant lo déroulement normal du livre, on la trouvera radica- Iement incompréhensible, 2, Ne pas entamer un nouveau chapitre, ou une nouvelle section, avant A'étro absolument cortain d'avoir tout compris jusque la et d'avoir résolu correctement la plupart — sinon Ia totalité — des exercices qui sont Proposés. Aussi longtemps, cher lecteur, que lee contrées traverses Vous seront entiérement soumises, et que vous ne lnisserez derrisro vous aucune diffculté non résolue qui, sinon, réapparattrait inévitable- mont par la suite, votre marche sera facila et triomptiale. Sans cola, votre rplexité no fera qu'augmenter & mesure que vous avancoroz, et Yous rez, dégotté, par tout abandonner!, 3, Lorsque vous rencontrerez un passage que vous ne comprenez pas, rolisez-le; si vous no le comprenez toujours pas, relisez19 & nouveau} si, aprés trois lectures, vous échouez encore, c'est, & coup str, que votre opnit ost un peu fatigué, Eu ce vas, rangez votre livre et faites aitre chose Je lendemain, quand vous vous y remettrez, vous vous apercevrez stre- ment que c’était trés facile, 4. Si vous lo pouver, trouvez un ami complaisant gui accepte de lire ce livre en méme temps que vous, et avec qui vous pourrez ainsi disouter es points les plus délicats. Toute conversation est un atout extraordinaire ‘Pour aplanir une dificulté. En ce qui me concorno, s'il m’arrive de ren ontrer, on logique ou dans toute autre matidre un peu ardue, un point que je sols ebsolument incapable de comprendre, ja trouve idéal d’en parler a haute voix mémo si je suis tout soul, Il est ai facile de se donner soi-méme des explications! Et puis, vous comprenez, on est si patient avec sof-méme! jamais on ne s'itrite de sa propre stupiditél Si done, cher lecteur, vous voulez bien observer fidelement ces ragles et faire subir a mon petit livre un essai vraimont loyal, je vous promets fen toute confiance que Ja logique symbolique se révélera pour vous comme l'un des plus passionnants, sinon Je plus passionnant, des jeu {ntellectuels! Dens cette premiere partio, j'ai évité avec goin toutes les Gifficultés qui, selon moi, dépassaient le niveau dintelligence d'un enfant de douze & quatorze ans, Jen ai moi-méme exposé presque toute la matiére, vive voce, 4 un grand nombre d'enfanta, qui se sont effective ment intéresoés — et avec intelligence — & ce sujet. A I'intontion do ‘ceux qui auront surmonté les points difficiles de la premiére partie ot Ei, comme le pelt Olivier, so mettront & criar “Une autre!”, je compte ns une deuxiéme partie, proposer qualques problémes qui feront appel & toutes les possibilités de leur intelligence. 1. NB. Des romarques & Vintention des spécialistes sont donnée en eppendice, page 181. 80 ee Te alata oll oy ven om nein pour gern neue, ei wa fn dul etl pole dp ofr idole ot soe te Ma oo nha ne ce So a Pe Se a ae a Pane PE a Sees ath dead mane auc a, onic wi, ao Passe iy Sree Pensa re Ta ate Sole ee ea er ci subtle compe Ie uname ep oe, Ua ey ane be en lame ale (ey braces neon ees cca’ mae, rice oe, va pena evens ete oa vate outer compendia lirmen mone: vas ot Sa ee en i el a oe Se eae eaue le fas ee om cigs ea eae ie ire nearness es topa'd aclage 1. Jou inventé par Carroll quelques années plus tot. (Note du traducteur). 8 I les choses et leurs uts Ltunivers contient des “choses”. Par exemple : “je", “Londres ", “roses”, “rougeut”, “anciens ros anglais’, “ia tre quo jai reque hier". Les choses ont des “attributs”. Bar oxomple “rend” “rouge “ur” Spe J roe ‘Une chose peut avoir plusieurs attributs; et un attribut peut appartenir 4 plusieurs choses. ‘insi, la chose “une rose" pout avoir les atibuts “rouge”, “parfumée”, “épanouie”, etc, ; et I’attribut “rouge” peut app: tenir aux choses “une’ ross”, “une brique”, “un ruban' ete. ‘Tout attribut ou tout groupe dattributs peut étre appelé , Pt « sino lpn te ps Seen cel pou ee epeon cont Sere ee Se frase! Son si aro pesisrans, Ja qualité “rouge"); ou nous se, Ga a ee Bass sees hee Sa wes pokes CLASSIFICATION La “classification”, ou formation de classes, est une opération intellectuelle par laquelle nous imaginons avoir rassemblé certaines choses en un groupe, Un tel groupe est appelé “lasso”, fe opération peut se dérouler de différentes, comme suit : eae 1, Nous pouvons imaginer avoir rassemblé toutes les choses, La classe ainsi formée (par ex. la classe “choses”) contient I’univers entier. 2, Nous pouvons penser a la classe “choses” et suppo- ser que nous lui avons enlevé toutes les choses qui ont une qualité donnée que ne posséde pas la classe en sa totalité, Cette qualité est dite “particuliére” a la classe ainsi formée, En ce cas, la classe “choses "est appelée “genre”, par rapport a la classe ainsi formée; cette demiére classe est appelée “espéce” de la classe “choses”; et sa qualité particuligre est appelée sa “aifférence”, Cette opération étant entiérement intellectuelle, nous pouvons l’effectuer sans chercher & savoir s'il y a, ou s'il n'y a pas, de choses existantes qui possédent cette qualité, S'll y en a, cette classe est dite “réelle”; s'il n'y en a pas, elle est dite “irréelle” ou “imaginaire”. Nous pouvons par exemplo a nous a is gas I cass choos” totes fos chobos gu ont In gaia térielle, artifcielle et composée de rues et de maisons” ‘et nous pouvons former ainsi la classo réelle “villes”. Dans cet exemple, nous pouvons considérer “choses” comme un genre, “villes” comme une espace de chasas, ot “matérielle, 4 attifcielle et composée de rues et de maisons” comme sa aifférence. os Nous pouvons également supposer que nous avons choisi toutes fas choses qui ont la qualité “pesant une tonne et faciles 2 soulever pour tn bébé"; et nous pouvons ainsi former 1a ‘lasso imaginaire “choses ‘pesant une tonne et faciles a sou- lever pour un ‘Nous pouvons penser & une classe, qui ne soit pas la Jasse “choses”, et imaginer que nous lui avons enlevé tous les membres possédant une qualité particuliére que ne possdde pas la classe en sa totalité. Cette qua- lité est dite “particulidre” a cette classe ainsi formée. En co cas, la classe imaginée en premier lieu est dite “genre” par rapport a la petite classe formée ensuite; cette petite classe est dite “espéce” de la grande; ot sa qualité particuliére est appelée sa “différence”. ‘Ainsi, nous pouvons penser & Ja chav “villes" et supposer ‘quo nous avons choisi, 4 Tintérieur do cette classe, toutes les Yillos qui ont l'attribut “éclairée au gaz”; ot nous pouvons Bins! former la classe réello “villas éclairées au gaa”, Dans cet exemple, nous pouvons considérer “villes” comme un genre, Svilles éclairées au gaz” comme une espéce do villes, et ‘“éclairées au gaz” comme 8a différonce. Si, dans 'exemple ci-dessus, nous remplacions “éclairéo au gaz” par “aux trottoirs d'or”, nous obtiendrions la classe Inaginaire “villes aux trottoirs d'or”. Une classe se composant d'un seu! membre est appelée “individu”. Ainsi, la classe “villes de quatre millions d’habitante", qui ne ‘0 compose que dum membre, & savoir Londres. Par conséquent, toute chose unique, & laquelle nous pouvons donner un nom pour la distinguer de toutes Jes autres choses, peut étre considérée comme une classe a un seul membre. ‘Ainsi, “Londres” peut étre considéré comme la classe & un ‘soul membre, formée & partir de la classe “villes", et dont la différence est “de quatre millions d'habitants” Une classe qui se compose de deux ou plusieurs membres est parfois considérée comme une chose 88 unique. En ce cas, elle peut posséder un it 3 e qualité qui ne soit pas possédée par chacun de ses menbres pris individuellement. Ainsi, la classe “les soldats du 10° ré infanter Sah Sr i oe ca, SNe coee ssid ie een DIVISION 1, DEFINITION la “division” est une opération i ion intellectuelle par laquelle ie Rows prenots une certaine classe de choses ‘avoir divisée en deux classes plus petites, oe Pusieurs Une ‘classe obtenue ‘Par divisic cl ion est dite “co-division- nelle” & toute classe obtenue Par cette eivision. Ainsi, la classe “livres reliés” est. ic 9, “livres reiéa" ext oo-divisionnelle ! SCageans hea ues renee OPED ein re ee ens. | Par conséquent, une classe ns obtenu: ivis cordivisionnelle & elleméme, “vision est ie choe tree octane tent i — mmo, Ja batalle de Waterloo pout re onalaeeses comme ‘contemporains” d'elle-méme, : 2. LA DICHOTOMIE Si nous prenons une certaine clas: nous: 50 supposions en avoir détaché une autre close, nan Petite, il est évident que le reste de la grande ikess 6 ne posséde pas la différence de la petite, I peut, par conséquent, tre considéré comme une autre petite classe, dont on peut former la différence a partir de Ia différence de la petite classe formée en premier, on lui ajoutant le préfixe “non” ; et nous avons le droit de supposer que nous avons divisé la classe que nous avons prise en premier en deux petites classes, dont les différences sont contradictoiies. On appelle ce lype de division : dichotomie, Nous pouvons, par exemple, diviser “livres” en deux classes ayant pour diliérencos respectives “vioux” et “non vieux”, En effectuant cette opération, il peut nous arriver de découvrir que les attributs que nous avons choisis sont utilisés, dans le langage courant, avec si peu de rigueur qu'll est malaisé de délermiuer 'appartenance des choses & telle ou telle des deux classes. En pareil cas, il faudrait poser une régle arbitraire fixant la limite colt commence l'une des classes et oit l'autre se termine. Ainsi, dans notro division entra livres “vieux” et “non vioux”, nnous avons le droit de dire: "On considérera comme views tous les livres imprimés avant 1601, et tous lee autres ‘comme non vieux”, Qu’il soit done désormais entendu que chaque fois qu'une classe de choses sera divisée en deux classes dont les différences ont des sens contraires, chaque différence doit étre considérée comme équivalant a V'autre précédée du préfixe “non”. par exomplo je divise “livres” en “ancions” et “nouveaux”, Yattribut “ancien” doit étre considéré comme équivalant & ‘non nouveaux", et V'attribut “nouveas” comme équivalant anon ancien” Aprés avoir divisé une classe, par l'opération de la dichotomie, en deux classes plus petites, nous pou- vons subdiviser chacune de celles-ci en deux autres classes plus petites; cette opération peut étre répétée or indéfiniment, le nombre de classes doublant & chaque do méme un nom est dit rée! ou irréel selon qu’ répétition. représente ou non une chose existante. Nous pouvons par exemple, diviser “livres” en “ancions” oe i 5 est un nom réel; “ville au tre ot “nouveaux” (Crectdio “non ancien 5" nes mien ‘inal, vie Goaiéa su geo um ensuite divisor chacune de ces classes on “anglais” et "étran- {oirs dor” est un gers” (clestadire “non anglais"), pour obtonir ainal quatro ‘fout nom peut étre, soit un substantif se sot = pee pe expression composée d'un eee b. Ancions et étrangers; plusieurs adjectifs (ou de locutions adj , Nouveaus et engisis; Schces t & Nouveau ot tapers, ‘Tout nom, excepts le nom “chose”, peut généralemen Si nous avions commencé notre division par “anglais” et s'exprimer sous trois formes différentes : “étrangera", pula continus par “ancions”™ et “nouveaux, if “chose” augmenté d'un ou plusieurs re an A a, Le substantif “chose” augment 0 een es adjectifs (oulocutions adjectivales), exprimant l'idée . Anglais ot nouveaux de chaque attribut; © Brangers of ancions: oi Beato o i, ». Un substn, expriman iso, dune, cose, St lie lectour pout aisément se rendre compte qu'l s'agit 8 des Vidée de certains de: utions adjectivales) mimes classes quo présédommoat, oS Tt Saat cu plusieurs adjectis (ou leoutions adjectv ) ee qui expriment l'ide des autres attributs; 7 " C chose et l'idée Le mot “chose”, qui exprime l'idée d'une chose th scoataatit epi 1idSe Sune quelconque, sans aucune idée de qualité, représente eee eee irante, matérielle, appar n'importe quelle chose unique. Tout autre mot (ou (Aloe rr eae ee Gate mbes ‘ol mk locution) qui exprime l'idée d'une chose plus une idée tenant au Tégne animel, eyo ae emo 8). de qualité, représente n'importe quelle chose possé- Pied, Satya noe expt dant cette qualité; c’est-a-dire qu'elle Teprésente tout membre de la classe a laquelle cette qualité appartient | spécifiquement. | Un tel mot, ou telle locution, est appelé nom; et si Ja chose qu’il représente existe, on dit qu'il est le nom de cette chose, Par exomple, les mots “choso”, “trésor", “ville”, eles locu- tions “chose précieuse”, “chose matérielle et artificielle et 59 composant do rues et de maisons”, “ville 6clairés au gat", “ville aux trottoirs d'or”, “ancien livre anglais”. De méme qu'une classe est dite réelle ou irréelle A 2 a selon qu’elle comprend ou non une chose existante, a ° Si nous décidons de rassembler le substantif “chose” et les adjectifs “matérielle, vivante, appartenant au régne animal”, de fagon 8 former le substantif nou- veau “animal”, nous obtenons l'expression “animal ayant deux mains et deux pieds”, qui est un nom (représentant la m&me chose que précédemment), exprimé sous la forme b. Et si nous décidons de rassembler l'expression entiére en un seul mot, de fagon a former le substantif nouveau “homme”, nous obtenons un nom (qui représente toujours la méme chose) exprimé sous la forme c. Un nom dont le substantif est au pluriel peut étre employé pour représenter 1. Des membres d'une classe, considérés comme des choses séparées, 2, La totalité d'une classe, considérée comme une chose unique. Aingi, lorsque je fantorie sont grands", 10* régiment d’infanterie est grand”, ot ainsi de suite. ‘Mais lorsque jo dis : "Les soldats du 10° régiment d'infantorie sont formés en carré”, j'emploie la phrase dans le ceuxiome Sons; et c'est exactement comme si jo disaie : “Le 10° régiment diinfanterie est formé en carré”. LES DEFINITIONS Il est évident que tout membre d'une espace est également membre du genre d'ot a été tirée celte espace, et qu'll posséde la différence de cette espdce, Il peut, par conséquent, étre représenté par un nom composé de deux parties, l'une stant un nom repré- sentant un membre quelconque du genre, et l'autre étant Ja différence de cette espace. Un tel nom est “Quelques soldats du 10° régiment ‘Les soldats du 10¢régiment d'infan- torie sont braves", j'emploie lo nom “coldats du 10° régiment Winfanterie” dans le premier sens; at c'est exactement comme si je les désignais chacun séparémenten disant ;“Co soldat-ci du 10° régiment d'infanterie est grand”, “Ce soldatla du | appelé la définition d'un membre quelconque de colte espace, et donner a ce membre un tel nom s'appelle le définir. : Ainsi yuvons définir un “trésor” comme une “chose rdetouso", Bo ens nous consdgrons “ehose” comme le Sonre, et "préciouse” comme la dference, Les exemples suivants de cette opération peuvent sorvir de modéles pour d'autres exercices. : A noler quo, dana chaquo définion, Ye substan qui ropré- sonto un membre (ou des membres) du genre, est écrit en lettres capitales. 1, Définissez “un trésor”. Réponse : “une cucse précieuse”, 2, Définissez “des trésor: Réponse : "des cwoses précieuses”. 8, Définisses “uno ville”, : Réponse : “une cuoss matérielle, artificielle, et se composant de rues et de maisons”, 4, Définissez “des hommes”, : Réponse : “des ciosss matérielles, vivantes, appar- tenant au régne animal et possédant deux mains et deux pieds” ; ou bien Bade “des xmave possédant deux mains et deux pieds”. 8, Définissez “Londre Réponse : “la cose matérielle, artificielle, se compo- sant de rues et de maisons et possédant quatre millions habitants ou bien ee “qa vias qui posséde quatre millions d’habitants”, ‘ter qu'ici nous utilisons ‘article “la* au lieu do article Fee Se ee a aes mas chose’ semblable. ae le lectour pout composer tuiméme autant d'exomples qu'il isha area oe pul con donnant une detniton, verifant enh an reponse dans n'importo quel dictionnaire, 6 IL les propositions PROPOSITIONS EN GENERAL Bien noter que le mot “quelques” sera désormais considéré"comme signifiant “un ou plusieurs”. Le mot “proposition”, lorsqu’il est employé dans la conversation, peut s'appliquer & n'importe quel mot ou n'importe quelle expression, pourvu qu'il, ou elle, contienne n'importe quelle information, ‘Rinsi, les'mots “oui” et “non” sont des propositions, au sens ordinaire de ce mot; de méme les phrases : “tu'me dois ‘cent sous” et “ce n'est pas vrail Des mots comme “ohl*, ou “jamais”; des phrases comme “donne-moi ce livrel”, “quel livre?”, ne. paraissent pas, & premidre vue, contenir la moindre information; il est pourtant Taco en faire des mots ou des phrases qui en contionnent, A savoir : “je suis ts surpris”, “Jo n'y consentiral jamais’ ‘Se to donne I'ordre de me donner ce livre”, "je désire savoir de quel livre il s'agit”. Mais une proposition, dans le sens od ce mot est employé dans cette premiare partie de la logique symbolique, a une forme particuliére que l'on peut appeler sa forme normale; et toute proposition que nous désirons utiliser dans un raisonnement et qui nest pas sous sa forme normale, doit d'abord étre réduite @ cette forme normale avant qu'il nous soit possible de l'employer. Une proposition, sous sa forme normale, affirme —Apropos de deux classes données, qui sont appelées son “sujet” et son “prédicat” — ou bien : 1. Que quelques membres de ce sujet sont membres du prédicat; ou bien : 2, Qu’aucun membre du sujet n'est membre du pré- cat; ou enfin : 3. Que ‘ous les membres du sujet sont également membres du prédicat. Le sujet et le prédicat d'une proposition sont appelés ses termes. Deux propositions qui donnent la méme information sont dites équivalentes, ‘Ainsi, les deux propositions : “je voisJean” et "Jean est vu par moi", sont équivalentes. FORME NORMALE D'UNE PROPOSITION Sous sa forme normale, une proposition se compose de quatre parties : 1, Le mot “quelques”, ou “aucun”, ou “tous”, Ce mot, qui exprime combien de membres du sujet sont également membres du prédicat, est appelé le signe de quantité, 2, Le nom du sujet. 6 |, Le verbe “est”, ou “sont”. On I'appelle la copule, , Le nom du prédicat, DIVERSES SORTES DE PROPOSITIONS Une proposition qui commence par le mot “quelques” ost appelée “‘particuliére”, ou “proposition en I”. On Y'appelle particuliére parce qu’elle ne concerne qu'une partie du sujet. Une proposition qui commence par le mot “aucun” ost appelée “universelle négative”, ou “proposition on E”, on qui Je mot “tous” Une proposition qui commence par le mot (ou “tout”, au sons de "tous”) est appelée “universelle affirmative”, ov “proposition en A”. (On Yeppelle universolle parce qu'elle concerne le sujet dans sa totale. Une proposition dont le sujet est un individu doit étre considérée comme universelle. wns par exemple la proposition : “Jean ne va pas bien”. enone pe rene roast Jet anton rélbre loraqu'on montionn Joan, et que le lecteur cul'aucitour fait te tol Par conséquent, la classo “hommes envisag: Jorsqu'on mentionne Jean” est une classe & un seul membre, et la proposition ost équivalente & “tous les hommes envisagés {quand on montionne Jean ne vont pas bien”. Les propositions sont de deux sortes : les “propositions d’existence” et les “propositions de relation”, PROPOSITIONS D'EXISTENCE Une proposition d'existence, sous la forme normale, a comme sujet la classe “choses existantes”. Son signe de quantité est “quelques” ou aucun’ or Bien que ce signe de quantité nous dise combien de choses ‘existantes sont membres du prédicat, il ne nous donne pas un chiffre exact; en fait, il ne fait intervenir que deux chitires qui sont, en ordre croissant : “0” et “l ou plus”. avaricioux”, chacune des deux idées n'élent pes exprimée ar laura nor. : i a in propoation : “Quelques chiens sont des épagneuls ‘est incorrecte puisque, méme s'il est vrai que “chiens” et “gpagneuls” sont des espéces du méme gonro, “animaux”, On l'appelle “proposition d'existence” parce qu'elle 41 est faux que le nom “chiens” exprime V'idée d'un attribut 7 . 2 qui n‘ ‘conte dans le nom “épagneul”, Les proposi- aboutit a affirmer la réalité (clest-a-dire I'existence Pre Bite nature seront taitges dans la deuxieme partie r6elle), ou V'irréalié, de son prédicat. AAinsi, 1a proposition : “Quelques choses existantos sont des hommes Ronitoe” athe ‘que la classe "hommes honneles"™ est réelle. C'est la sa forme normale; mais on pourrait aussi I'exprimor suivant lune queleonque des formes ci-dessous # 1. “Des hommes honnétes existent"; 2, “Quelques hommes honnetes existent” ‘fa clasco “hommes honnétes” existe”: existe des hommes onnetes”; . Ml existe quelques hommes hnnndtas™ + De méme, a proposition : “Aucune chose existante n'est un homme mesurant vingt métres",alfirme que la elasse “homme mesurant vingt métres” est imaginaire. Cest la sa forme normale; mais on pourrait aussi 'exprimer suivant Yume queleonque des formes cr apres ! 1. “Des hommes mesurant vingt métres n'existent pas”; 2 “Aucun homme mecurant Ving! metres neste", 3. Hla classe “hommes mesurant vingt metres” n'existe pas”; 4 ‘In'existe pas d’homme meaurant vingt metros" 5, “Il n'exiate aucun homme mesurent vingt metres". PROPOSITIONS DE RELATION Une proposition de relation, sous la forme que nous allons lui supposer dans ce chapitre, a pour termes deux espéces du méme genre, telles que chacun des deux noms exprime I'idée d’un attribut qui ne soit as exprimé par l'autre, ‘Ainsi, Ia proposition : “Quelques commergants sont avares” est corrects, puisque “commergants” et “avares” sont des espéces du méme genre “hommes”, et que le nom “com mereants” exprime I'idée de l'attribut “qui fait du commerce”, tandis que Je nom “avares” oxprime V'idée de lattribut cy Le genre dont les deux termes sont des espéces est appelé I"“univers du discours”, ou, pour abréger, 1""univers”. Le signe de quantité est “quelques’ ‘aucun” ou “tous”. Bien ce signe nous dise combien de membres du sujet onl irembres du prédicat, i no nous donne pas un nombre Sracl; en fait ne ft intorvenie que trols nombres qui sont. Sh orate ercissa, “0%, "lou plus", "le nombre total des membres du sujet”. Qn Vappelle “proposition de relation” parce qu'elle aboutit & affirmer une certaine relation entre ses termes. REDUCTION D'UNE PROPOSITION DE RELATION ‘A LA FORME NORMALE les régles d'une telle réduction sont les suivantes : 1, Trouver le sujet, c'est-A-dire trouver la classe dont il s'agit: 2, Sile verbe que gouverne le sujet n'est pas le verbe “@tre”, le remplacer par une locution commengant par le verbo “étre” 3, Trouver le prédicat, c'est-dire 1a classe qui est déclarée contenir quelques-uns, aucun ou Je totalité des membres du sujet; 4, Si le nom de chacun des termes est entiérement exprimé (cesta-dire s'il contient un substantif), il n'est pas nécessaire de déterminer un univers; mais si I'un des deux noms est exprimé partiellement et ne contient que des attributs, il devient nécessaire cy

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