Vous êtes sur la page 1sur 15
1028 Les.Confssions 70. Atteré par mes péchés et la masse pesante de ma misére, favais, en mon cur, agité et ourdi Je projet de fuir dans la solitude ; mais ‘tu m’en as cmpéché, et tu mas fortifé par ces paroles: Voici pourquai le Chritt ef mort post dows: cet pour que ces qui vivént ne vivert plus pour eux, mait pour cela gui ef mare pour es". Voila, Scigneus, je jete on foi mon soudit, pout vivre, et jt contrat Es as te ta'Lak, Ts tonnat® 200 sance et ma faiblesse : enseigne-mot® et guéri-moi®. Ton Fils unique, on qui sont cachés tous les trsors’ de la sagesse ot de la science’, m’a racheté de son sang. Qu’ils cessent de, me calomonier, les orgueilleux! Celui qui s'est donné ef ranpon® pour moi, Cee lui gui est Pobjet de mes pensées, Cest lui qui est ma nourriture et ma boisson", ‘Crest lui qui est la tichesse que je dispense. Crest de lui que je veux me rassasicr, Au cceur de ma pauvreté, En compagnie de ceux qui s’en: nourrissent et s’en at sasient: Ep ils loneront le Seignour, cons gui le chercbent. A 2 2 bat. « BB 96 Ogi eS Pe ate Gadas. sp BG (686. + & Po tas Gaston «2 PE65. + G Colas er Tin ai 1 Voir Ja 6,35. 0 3 Pe 22 (2.7 LIVRE XI LA MEMOIRE DU COMMENCEMENT PROLOGUE, L. 1. Mais, Seigneur, puisque Péternité et ton lot, se pentill que ta ignores ce que je te dis? Ce qui se passe dans le temps, ne le pergois-ta que selon un détoulement temporel? Mais alors, & quoi bon te faire des récits cir- constanciés de tant d’événements ? Non, ce nfest assurément pas pour te les apprendre ; non, c'est pour aviver, cn moi et chez mes lecteurs, un amour qui nous ferait Chanter en un méme chaeur: O Seigneur, 1 es grand, bien digne de lowanges**. Je Vai deja ditt, et je le répéterai: c'est Pamour de ton amour qui me pousse a faire ce récit. Aussi bien t'adres- sons-nous des priéres, et pourtant la Vérité nous dit: Voire Bis? db quel von coe asin, aiaht sins que out tle hb dmandi?. Voili pourquoi nous ouvrons notee corns, en. te confessant nos miséres et tes miséricotdes sur now, afin que tu parachéves notre détivrance que tu as déja com- mencée, et afin que nous cessions d’étre malheureux en ‘ows pour trouver en toi notre bonheur: car tu nous as appelés 4 Vesprit de pauvreté, a la douceur, aux larmes, a la fim ct & la soif de justice, 4 la miséricorde, & la pureté du creut, 4 Pesprit de paix®, Voili que je fai raconté mille choses, a la mesure de mes forces et de ma volonté ; mais c'est toi qui, le premier, APs gs (14g)a. «A MEGS. 6 © PS 35 (52),22. 6 0. Voir Mr 55-9 1030 Les Confessions as voulu que je te fasse ma confession, ¢ Seigneur, mon Diu, car tu es bon ot dered ef ta. mistrivorde’, TL, 2, Mais ce calame suffira-til 4 énumérer toutes les exhortations, toutes les terreus, consolations et direétives, | ppar lesquelles tu m’as amené & précher ta parole et dispen- set tes saints saystéres'? Quand bien méme il sufficait ea faire le décompte suivi, chaque goutte de temps me cotite- rit trop cher. ly 4 bien longtemps que je brile de méditer sur ta Loi, de te confesser ce que jlen sais et ce que j'en ignore — premigres lueurs de [illumination venue de toi, et restes de ténébres venant de moi —, jusqu’a ce que ta puissance ait englouti ma faiblesse. A rien @autue je ne veax consacret Jes heures de liberté que me laissent la nécessité de me refaire des forces, celle du travail intelleétuel, celle du sex- vice Pautrui — service dd, ou service rendu’ sans éxe di. Prive liminaire 5 3. © Seigneur, 6 mon Dien, Sie attentif ma pritr® ; Que ta wheeokde exxuce mon désis, Bralant non pour moi seul, Mais pour servir & la charité fratemnelle ; Et tu vois dans mon cceur quiil en est bien ainsi. Puissé-je fofitic en sacrifice Le service de ma pensée et de ma langue, Et donne-moi de quoi ie faire mon afrande, Cat je suis panore et indigent”, Tandis que tu es riche powr tons cone gui Vinvoguent®. Tout exempt de souci, tu prends souci de nous, Détruis toute témétité et tout mensonge, ‘Au-dedans, au-dehors, tout autour de mes lévres. Que tes Eeritures soient pour moi chastes délices, Sans me tromper sut elles, et sans tromper par clles! ‘oie atentif & ma priéret, Et prond: pitié do moi, 6 Seignear®, 8 mon Dicu, Luiigre des aveugles, et Force des infirmes, Lumiére des voyants, et Force des puissants ; ac Be sf (cut 9 mPa 61 (6dhas «© Ps 66 (puts. © Pe (phn. 9 E Rin fouia « FPS 61 (OOue. © © Pe 6 BS}3. 4 Vite Pe 130 BPs 16,5 te Litre XI, 1 4 103 Vois, écoute mon Ame, clamant des profondeurs*; Sidans les profondeurs tm n’es pas aux ecovtes, Oi irons-nous? Od crierons-nous ? Cutt d toi qu’ le jour, celta toi qu’st la mais; Sur un signe det, s'eavolent les inant \ccorde-nous de latges espaces de ce Poue meélter sur es mystires de ta Lon Ne ferme pas la porte 4 qui vient y frapper. Car ce n'est pas pour rien que tu haissas éctie Tant de pages secrétes et mystérieuses, Forts, avec leurs cerfs“', Se reposant en elles, y retrouvant leurs forces, Se promenant, passant, sy couchant, ruminant © Seigneur, Acbive en moi son asare®*, révile-moi ces pages. Voici que ta parole est ma joie, une joie Bien supécieure 4 tout un flux de voluptés. Donne-moi-ce que aime. Car je Paime — mais cela, ce& toi qui me le donnes. Ne va pas délaisser ce qué ta as donne; Ne va pas mépriser ta plante qui a soif. Je veux te confesser eé que jaurai trouvé Dans tes Livtes, et entendre ane voie de louanges Je veux te boire et contempler Les merwiles de ta Lo, Depuis ce premier jour ota fis ciel et terre, Jusqu’an régne éerne! de ta sainte Cité. 4, Pronds pitié de mis Stignenr, Excaace mon désr®, qui ne veut, A mes yeux, Nila terre, ni Vor, ni Pasgent, ni les pierres, Ni habis de prestige, i Ronzeurs, mt pouvoe, Ni voluptés de chair, ni ce que veut le corps + Dans notre vie d'ici, vie de palerinage: Biens donnés par surcvit, A gui recherche ton rayavme ef ta justice. - ‘Vois, Seigneur, quel est Pobjet de mon desir woes ines ot fit er de or es Mais b, riem de tonforme & ta Loi, 6 Seigneur! 2 aM PE 14 G96 e 6 Vole Peay Udy + ee ead Glare ts Bo aay Gada 2 Be S Sy. aR apy Stee siy G85 2a " 3032 Les Confessions Voici Pobjet de mon désir; Vois-le, 8 Pére, considére-l, Vois-le’et approuve-le; Quil plaise av rgerd® de ta miséricorde ¢ je trouve grace devant tes, yeux, Se ‘Gee Wouvse la porte du sanéumie de tes paroles, ‘A laguelle je viens trapper! jeren conjure, par Notre Seigneur Jésus-Chiist, Ton Fils, homme de ta arise, . Le Fils de Uhomme, qua tx as éiabl auprés de toi Comme Médiateur entre toi et nous ; Tui par qui ta nous as cherchés sans que aous te cher Lime XI, ¥5 7 1035 gence; au contraire, s'il parlat latin, je saisirais ce quill ‘youdsait dire. Mais dou saurais-j¢ s'il dit vrai ? Quand bien méme je le sauais,serit-ce de fui que je le saurais? Non, est tout au-dedans de moi, dans la demeure intérieure de ma pensée, que Ia Vérité — qui n’es ni hébraique, ni ge jue, ni Tatine', ni barbare, et n’a besoin ni de la yuche, ni-de la langue, ni du son des syllabes — me cla- merait :.« Oui, il dit la vérité» ; et aussitét, dans la certitude et la foi, je lui dirais, 4 Jui, ton serviteur: «Tw dis vrai!» Mais je ne puis Vinterroger ; cest donc a toi, 6 Vérité — toi qu'il possédait en plénitude quand il disait vrai —; que jlen appelle, c’est & toi, mon Dicu, que jen appelle: A ames chions *. A lui, ton serviteur, tu as donné de dire Lui par qui m nous as cherchés pour que novs te cher- ‘ees paroles ; 4 moi, donne aussi de les comprendte. chions - . . Lui, ton Verbe, pat qui tu as fait tous les étzes, dont je HM kaso o fabrication. sis Lui, ton Fils unique, par qui ta as appelé a Padoption® tout Je peuple des croyants, dont je suis aussi; Parl je Pen conjure, Lani qui sige d ta droite et oxs?, [Er oh gud tt tu es rors del ees ek de sie’, Gouri memes’ que je recherche dans tes Livres. Car Moise Pa écrit: «Cela, il Pa dit»; Cela, la Verité Pa dit’. IV. 6. Voici devant nous le ciel et Ia terte. Ils clament quills ont été faite: ils sont exposés aux changements ct aux vatiations. Ces que tout étre qui exiéte sans avoir été fait ne contient rien qu'il n’ait contenu auparavant, sans quoi ce serait 8 un signe de changement et de variation. Is clament également quills nese sont pas faits eux- mémes: «Si nous sommes, c'est patce que nous avons été fits avant d’€tre, nous n’avions donc pas Vétre, condition pour nous faire nous-mémes.» Quelle est cette voix qui nous parle? C'est Vévidence méme du récl Cest donc toi, Seigneur, qui les as faits; tu es Beauté, puisqu'lls: sont beaux; tm es Bonté, puisquils-sont bons; tu es FBtre, puisqu'ls sont, Mais ils s’ont pas Ia beauté, la bonté et ’étve au méme degré que toi, leur Créateur: com- II, 5. Paissé-je entendre et comprendre? comment daar patés 4 toi, ils n’ont ni beauté, oi bonté, ni tre. Tout cela, ‘Je Principe? ta as fait’ le ciel et la terre. Moise V'a écrit il Ya nous le savons ; graces t’en soient rendues ; mais, compare éctit et s’en est allé. Il est parti d'ici — lieu of tu lui as Aton savoir, le notre n'est qu’ignorance. ié — vers le lieu ou tu 53 et maintenant, il n’est plus i moi, Sil était I, je le tetiendsais, je Vinterrogeris, V. 7. Mais le ciel et 1a terre, comment les as-tu faits ? je le supplicrais en ton nom de men dévoiler le sens, et je {MP D'un si grand ceuvre, quel fat Foutil? néterais. mes orcilles de chair aux sons surgis de s MMB : En effet, eu ne cestembles pas 4 un artisan qui forme un nuche. Sil me patlait ea hébren, sa voix frappersit ea MMR comps & partir d'un autre, au gré de sa pensée et de sa vain mes sens: Hen n’en viendrait toucher mon inteli- $B capacité Pimposer Pune certaine maniére la forme quill pergoit en. lui-méme, de son.cil intérieur ; or, ce pouvoir, LA CREATION A: Pog (Bhaye 2 2 Pato (phah + 6. Vole Gas. « Re bye NCS Vaan as A Jo tas6 Les Confessions sa pensée Pauraic-elle si tu ne Pavais créée? Cette forme; Pimpose @ une matiére déja préexistante et qui, posséde'en soi de quoi étre, comme Vargile, la pierre, le bois, Por et antre maériaw de ee genre; of, ot trerientls Pete, tu ne les avais fondés : . Ces de toi que Partisan tient un corps, de toi une ame | qui commande 4 ses membres, de toi la matiére d’od il fagonne quelque objet, de to le talent quile rend matte } de son art, et hui permet de voir audedans ce qu'il va faire audchors, de toi les sens corpotels, par lesquels i fit asser Yeeuvre de son esprit au matéxian, puis en réfere ‘execution 4 ce méme esprit, pour qu'il consulte, tout au fond de lui, la vérite, ce juge souverain de la qualité’ de Toruvte, A toi, créateur de toutes choses, toutes ces choses | Padressent leurs louanges. Mais toi, comment les as-tm faites ? Comment as-tu fait le ie ef la tere ? Ce eS assurément ni dans le ciel ni dans la terre que tn as fait le ciel et la texte ; pas davantage dans Pair on dans les eaux, qui font aussi bien partie du ciel et de Ia terre; ce n’est pas dans Punivers que tu as fait Puni- vers, puisque, pour étre, il n'y avait pas, avant qu'll fi fait, de licu of le faire. Tu Wavais tien dans ta main pour ea faire le ciel ct la terte: d’od te serait. venu, pour en faire quoi que ce fit, ce quelque chose que tu n’as pas fait? En effet, qu’est-ce qui detient Petre, sinon de toi qui es Etre? Commencement e Parle ‘Tu as done parlé et is ferent fats® ; et c'est dans ta Parole que tu les as faits. VL 8. Mais comment as-ti parle? . Serait-ce a la maniére de cette voix qui sortit des auées, clamant: « Celui-c etf mon Fil biewaimé® »? Cette parole it Emise ct transmise, avec un début et une fin, syllabes sonnantes, qui passérent, la deuxitme aprés la premiére, ls troisiéme aprés la deuxiéme, et ainsi de suite, jusgu’’ raat que vint la demniére aprés toutes les autres, et, aprés cle, le silence, Tl est manifestement.évident qu’elle fut exprimée par le mouvement d'une créature, instrument temporel st service de t volonté éternelle. Et de ce verbe — tes Gn to m Pe 35 G2)69. © © Me 5.175 17 Linn X1, 1 9 ross paroles —, formé pour un temps, Voreille extérieure a transmis le’ message 4 intelligence en éveil, dont Forcille intérieure est a Fecoute de ton Verbe étetnel. Ft cette intelligence compara ce verbe qui résonnait dans le temps a ton Verbe étemel, dans le silence. Ft elle proclama: «Oui, Lui, il est d'un autre, d’un tout autre ofdre'. Ces paroles-ld au contraire sont, et de loin, au-dessous de moi; ells ne “sont” méme pas, n’étant que faite et passage, alors que le Verbe de Dieu demeure, au-dessus de moi, pour Piterniies.» Si Ces donc dan verbe sonnant et fugitif que tu as dit: «Que soient faits le ciel et la terre », et gu’ainsi ils ont été fhits, c'est quill cxidtait, déja créée, antéticure au ciel et a la tette, une substance corporelle susceptible, par ses. vibra- tions dans le temps, de propager cette parole dans le temps. Or il n'y avait aucun corps avant le ciel et la terre; 0, 4 supposer qui y en eft un, ce Yes sirement pas au moyen dune parole fugitive que m Vas exée, comme source d'émission possible Pune parole fugitive ordonnant que soient faits le ciel ct Ia terre. Cette source, en effet, yuelle quelle fat, c’aurait jamais existé si elle nvavait ed ite pat toi, Mais alors, pour former ce corps gui servirait 4 former tes paroles, quelle parole as-tu done dite ? VIL, 9. Voili comment nr nous appellee & comprendre ck quest le Verbe, Diew aupris de voi, Diew®, lui qui est dit de toute étemité, et par qui tout est dit de toute ternité. Tl, pas de parole qui s’achéve, ni de parole suivante différente, pemmettant un noncé complet; mais, au contraire, tout y est dit simultanément et de toute Gemnité. Sans quoi, il y surait alors temporalité et changement, au liew de la ‘véri- table éternité et de la véritable immortalite. Cela, oui, je le sais, 6 mon Dieu, et je Po rnds grates”. Je Xe sai, Wen fis confession, Seigneur; e, aver no, ile sait et il te bénit, tout homme qui n’oublie pas de rendre tices & la certitude de la Vérité. Nous le savons, Seigneur, ‘oui, nous Ie savons : ine plus étre.ce que Pon était, et étxe ee que Ton était pas encore, c'est cela mourir et naitre. Dans toa Verbe donc, véritablement immortel et éccmel, zien ne le céde 4 rien, rien ne succéde a rien : et ainsi, par ce Verbe pacageant avec tmi Péremité, ront ensemble et AD 4oa. 2 Jaan 9 c1 Cong. éernellement sont dites routes tes paroles, et se fait tout ce qui se fait selon ta parole ; et tu ne le fais que par tt arole, et pourtant tout ce que tu fais par ta parole nese fait pas tout ensemble et éternellement. Comsencionent o& Principe VII. 10. Pourquoi cela, je fea prie, Seigneur, mos Dieu? Je Ventrevois quelque pen, mais comment Pexpri mer, je’ne sais, sauf ceci: tout ce qui a us commencement ou tne fin ne ‘commence et finit d’étre que lorsque Péter. on — qui ne connait ni commencement ni fin — commencer ou finir. Et cette Raison, c'est ton Verbe, qui est aussi le Prine, car, A nous aussi, ile ic: Cest ce quill affirme dans PEivangile, par une voix de chair —- qui a setenti audehors, aux orcilles des hommes —, pour tre cru, recherché au-dedans, et.trouvé dans Pétetnelle Vétité, 08, bon et unique Maitre, il instrait quiconue apprend®. Cres ii; Seigneur, que jfentends ta voix me dire ceci: lui qui nous parle, c'est celui qui nous insteuit; si quel- qu'un ne nous instruit pas, il a beau parler, il ne nous parle pas. Mais qui done nous ingtruit, sinon linmuable Vérité ‘Aussi bien, méme lorsqu’un avertissement* n¢ par une créature muable, c'est vers fimmuable Vérité gue ous sommes acheminés: Id, nous recevons le véricable enseignement, lorsque nous, nos tenons 4 son écoute, ecciltant de joie & la voixe de FEposoc*, nous reStituant & celui de qui nous tenons étre. Voila pourquoi il es & Prinape®*: sans sa petmanence, nous n’aurions, dans nos errances, aucun lieu 08 revenis. Mais lorsque sous reatrons aprés avoir erré, cest bien Ia connaissanice qui nous fait revenir; or Cest bien 4 son enseignement quc nous la devons. Car il est de Prinape, et ous aussi il le dit, IX. rr. Crest dans ce Prindpe, & Dieu, que tu as fait le ded t la tere, en ton Verbe, en ton Fils, en ta Vertu, en ta Sagesse, en ta Verité. En loi, d'une maniére admirable, tw Tas dit; en lui, d'une manire admirable, tu les as faits. Qui pourta le comprendre? Qui pourra Pexpliquer? Qu’es-ce 4 Voir Jn 25. « a Jn 329. « €.Ja Bay, Livre XI, x, 12 1037 F donc.qui Init devant mes yeux par intermitcence et vient rapper mon eccur sans le blesser? Jen suis tout plein de frisson’ et d’ardeur: de frisson, dans la mesure of je ne lui ressemble pas, dardews, dans la mesure oi je hi res- semble. Out, cest la Sagesse, cette Sagesse méme, qui hut devant mes yeux par intetmittence, déchirant le voile qui F avembrume et vient 4 nouveau m'envelopper, défaillant loin d'elle sous Yamas ténébreux de mon chitiment, Car Tindlgence a affaibli mes forces’, au point que je ploie sous mon propre bien, juscu’d tant, Seignent, que toi qui tes at inde pour tes mr ina, viens muss Pe ge ri de toute languenr, ct racheter ma sie de la conmuption, me cou- tonner dans la ommictration et le miséricorde, rassasier de biens mon désis, car ma jewnesse sera renowwelte comme laigh®. Notre salut, vila en eft, Tobjet de notre elpérance, ot dans la patience rout atiendons® la realisation de tes promesses. Quill entende ta parole au fond de son corur, celui qui le peut! Pour moi, sur la foi de ta parole, jizat clamant: Ove ‘es cures sont maguifiques, Seigneur! Tu as taut fait dans la Sagan? ! Ces elle le Principe, et dans ce Principe a as fit Gilet a tere Le question of hes oj X12, Du fond de leur visi! homme, voili quils vien- neat nous objeder: « Que faisait Dieu arent de créer le ciel etla terre? Je'ne veux pas faire cette réponse badine qui fur pro- A Bp sto. 6 a Pa yto ec Gn sn5 Lire Xa 1, 1039 posée un jour, diton, pour éluder cette redoutable question: «Dieu préparait Penfer pour les curicux ; pl santer eét une chose, réfléchir en est une autre. Non, je ne veux pas.de cette reponse. Quand je ne sais pas, je préfre sépondre: «Je ne sais pas», plusot que dattirer les sires sut celui qui pose une question profonde, et les applaudis- sements sur celui qui fournit une patodie de xéponse. Mais je dis que tu es, toi, 6 notre Dieu, le eréateur de 5 “cciely et «teste on entend route a création, je is hardiment: «Avant de faire le ciel et la tere, Diew ne faisait rien; car, sil faisait’ quelque chose, que fuisaitl, sinon une eréature?» Ah! si seule- tment je pouvais savoir tout ce que je desire savoir pour ‘mon bien, avec autant de certitude que je sais qu’avant In création il n'y avait pas de créature ! ‘a. all my anatt par de temps.» XIIL 15, Et si quelque esprit inconstant, vagabondant & travers les représeniations qul se fait des temps revolus, vient 4 s'étonner que toi, le Dieu tout-puissant, exéateur et maitre de toutes choses, artisan du ciel et de la terte, ta ties tardé, durant d’innombrables siécles, avant d’accomplir ‘une si grande ceuvre, qu’il sorte done de son séve, et com- prenne qui s‘étonne bien & tort! D’od viendraientils, en effet, ces innombrables siécles powvant s’écouler, puisque toi, le créateur et le fondateur tous les siécles, tu ne les avais pas encore faits ? Quels temps auraientils pu exister sans que tw les aies exéés, et sécouler, sils n’existaient pas encore? Posons donc bien que les temps sont tous ton ouvrage. supposer quan temps eit exisé, avant que tu ne fasses le ciel et le terxe: alors, pourquoi dire que tm ves abstemu de irabailler? Ce temps précisément, @ étais en train de le faire : car ancun temps ne peut s’écouler avant que tu ne Paies fait. A supposes, au contac, qvavant le ciel et la tre 2 ‘efit pas de temps : ors, pourquoi demander ce que tu fai- sais «en ce temps-ld»? Il n'y avait pas de «en ce temps- li», puisqu'l n'y avait méme pas de temps. ps Ga as. 1040 Las Confessions j0 Tu es identigue & toiméne.» 16. Au surplus, ce n’egt pas dans le temps que a pré cides le sep; autement, ea ne précéderis pas cus es temps. Non, Cest de la hauteur de ton éterité toujours peésente que ta précédes les temps passés, ct que tu domines les temps 4 venit; car ils sont 4 venis, et, une fois attivés, ils deviendeont du passé. Toi, au contraire, iv identique tozmime, ct tes années ne sbvanouiront pas’. "Tes années ne.vont ni ne viennent; ce sont les ndtres qui vont et viennent, pour que, toutes, elles puissent venir.. Tes années, justement parce qu’elles demeurent, demeurent toutes simulsanment elles ne sen vont pas, chases pa Jes suivantes, puisqu’elles ne: passent pas; potir les ndtes, fu conuaize, bn ne pousta dire gu’elles’seront coutes It que le jour od elles auront cessé d'existes. Tes années ne sot aun sel jour, & ton «jour, il n'est pas 1d jour aprés jour, fais anjonrdtha, et con, «aujourd'hui» ne obde, pas pla devant un «demain» qu’il ne suecéde a un «hier». ‘Ton Gaujouhui, Ces Detcente. Voila pourquoi tu Pas ‘engendré comine partageant ton étemité, celut aqui twas it; Cee aed i gu Fe exe. Crest toi qui as fait tous les temps; et avant tous. les ‘temps, tu es} et il n'y a jamais eu de temps of le temps svexistat pas. XIV. 17. I n'y 2 done pas eu de temps oi tu o’aies rei fais puisque le amps, précstrnent, Ce 01 cu las fait Et es’ temps ne partagent pas ton étemité, car, toi; ti demeures; ef, si les temps demeursient, ils cesseraient etre des temps. Littre die temps, * Le Temp. Quest-ce done que le temps? Qui en saurait donner facilement une bréve explication ? Qui pourrait le saisit, ne sensicce quen pense, pout en die un mot? Bt poutaat quelle évocation plus familiére et plus classique dans li conversation que celle du temps? Nous le comprenons 1A. Ps 102 (tor).aa. « 5, Ps 90 (85). + 6. PS 27. 4 ere LLL Litre XY, x07, 18 1o4t bien quand nous en parlons ; nous le comprenons aussi, en gntendant autrui en parler. Qu’est-ce done que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais. Si quelquun pose la question et que je veuille Vexpliquer, je ne sais Toutefois, faffirme avec force ceci: si rien ne passait, i aly aurait pas de passé ; si sien n’advenait, il n'y aurait pas dé fotur5 si sien n’était, il n'y aurait pas de present. Mais ces deux temps — le passé et le farar —, comment pent- on dize quils «sont», puisque le passé aves plus, et que le futur n’est pas encore? Quant au présent, sil restait tou- jours présent sans se transformer en passé, il cesserait Ere «temps» pour étre «éternité ». Si done le présent, pour tre «temps», doit se transformer cn passé, com: ‘ment pouvons-nous dire qu’il «est», puisque son unique raison @éuze, Cest de ae plus tre —- si bien que, ea fait, nous ne pouvons patler de Pétre du temps que patce qui Sachemine vers le non-étre? / XV. 18. Et pourtant nous parfons d'un «temps long», un «temps bref», ct cela uniquement a propos du passé ou du futur; pour un «temps long», ces, par excmple, «il y a cont ans», ou «dans cent ans»; pour un «temps court», supposons que ce soit «il y a dix jours », ou «dans dix jours». Mais comment ce qui n’a pas d'étre peutil étre Jong ou court? Le passé, en effet, mest plus; et le furur vest pas encore. Ne disons done pas: «C'est fong », mais, pour Te passé: «Ce fat long», ou, pour Pavenit: «Ce serg long,» © Seigneur, ma: lumitre', ta Verité ne va-telle pas ici encore sourire de Phomme? Car, ce «long temps». passé, futil long une fois passé, ou pendant qu’il était présent? Ii pouvait étre Jong tant quill était susceptible d'étre long; mais, une fois passé, il n’était plus, et donc, il ne pouvait fare Jong, et ne pouvait done plus éure long, puisquil etait plas du tout Ne disons done plus: «Long fut le Pasé», car nous n'y trouverons rien qui pie étre long, Puisque, une fois passé, il n'est plus; mais disons: «Ce lemps présent-la fat long, car il n’était long que tant qu’il eat il était donc une séalité susceptible d’étre longue. Puis, ésent. Nrayant pas encore glissé dans le on-fire, AMi785 1 Jay. Le Livre XI, x07, 22 1045 Et cette heure unique se compose clle-méme de par- celles fugitives ; tout ce qui s’en ef envolé o& clu passé, : tout ce qui lui en reste est du firtns, 19. Coissidérons donc, 6 ame humaine, si le ¢ pres __Et si Ton congoit un point de temps, indivisible en par- sent peut étre long; tu as eu, emeffet, la possibile de per ticules si minimes soient-elles, celui-li seul mériterait le cevoir les lenteurs du temps et de les mesurer. Que. vas-ta nom de «présent»; et pourtant il stenvole si rapidement me répondre? du futur-vers le passé quill est dépourvu de toute exten- ‘Un présent de cent ans estil un temps long? Mais sion de durée, Car, sll a quelque extension, il se divise en regarde d'abord si tn préseat de-cent ans peut exister passé et futur ; or le-présent n’a aucune étendue, | Supposons que la premiére année soit en cours ; alors Ces ‘Dés lors, of done edt le temps que nous qualifions de elle qui est du présent, les quatre-vingt-dix-neuf autres «long»? Est-ce le fatux? Mais nous ne disons pas du Grant du futur et s’existant pas: encore. Supposons que ce futur: «H et long», puisqu’ll n'est pas encore une réalite soit la deuxiéme;-alors, la- premiére est deja du passé, Ja susceptible d’étre longue. Nous disons: «[] sera tong.» deuxiéme est du-présent, les autres du. futur. -Posons Mais quand donc le seta-til? R&-il encore du futur, pour de méme\comme présente n’importe laquelle a T'intéricur Tinstant? alors il ne peut pas étre long, rien en lui wetant 1042 Les. Confessions aussitt passé, il a cessé du méme coup «tre long, ayant cessé d'etre, de. cette série; avant elle, ce seront des années passées, susceptible d’étre long. Doit-il éxre tong au moment de sor- aprés elles, des années 4 venir. Impossible donc qu'un tir du fatur — oii il n'est pas encore —, pour commencer présent de cent ans puisse exister! 4 exister et 4 devenir du present — et donc étre susceptible Regarde maintenant si unique année ca cours e& du. $B d'@tre long? Mais alors, par tous mes développements ante, résent, S'agitil du premier mols ? alors, les autzes sont du seurs, le présent clame qu'il ne saurait étre long! tuz. Du deuxiéme? alots, le premier eg du passé, les auttes n’existent pas encote. Ainsi donc, Yannée"en cours XVI. 21. Et pourtant, Seigneur, nous percevons bien les nvest pas présente dans sa totalité, et, dans. ce cas, un an, intervalles de temps ; nous les comparons entre eux; nous ce n’es pas du présent. Une année est ua ensemble de déclazons les was plus longs, les autres plus courts; nous douze mois, dont un quelconque — mais un seul, celai qui mesurons méme les différeaces de longueur entre tel et tel ! est en cours — est du présent;; les autres sont du passé ou temps, et nous repondons : « intervalle double », « intervalle | du futur. triple», «ineervale simple», ¢intervalles égaux ». Mais c'est ‘Qui plus es, ce n'est méme pas le mois en cours qui est quand il passe que nous mesurons le temps, a la mesure de du présent, mais un seul jour; sil agit du premicr, les Dotre perception ; le passé — qui n'est plus — et le futur autzes sont du futur; sil s'ajit du dernier, les autres Sont = qui n’e& pas eacote —, qui pourrait les mesurer, a do passé: sl agit. dtun jour intermédie, il e8 ence moins Coser prétendre pe fe néant 8 mesurable ? Cee entre le passé et fe furar, done lorsqi’il passe que le temps est pesceptible et mesu- rable; une fois passé, impossible, puisgu’l rest plas. 20. Voili done ce «temps présent » — le seul que nous Pass Pulsar pl trouvions digne Wétre appelé «long» — eéduit aus limites MME tr irs d'un seal jour. : Mais regardons-le de prés lui aussi. Méme un’ seul jour XVI. 22: Je cherche, 6 Pére, je n’affinme rien; 6 mon lest pas présent dans sa toralité. Tl es constitué par un {MME Dieu, assiste-moi, dige mi, ensemble — jour et nuit — de. vingt-quatre heures, Le Se touveriti quelqu'un pour me dire qu’ n'y a premigre implique que les autres soient du furur, Ia der JM pus trois temps — ‘comme, enfants, nous Tavons apis, hiére qu’elles soient du passé, et une heure intermédiains, JMB ct continuons de Venseigner aux enfants Ie pace jae les antérieares soient da passé, les postéricures dc un A Peay ou. Les Confessions présent ct le futur, mais un seal, le présent, puisque les | deux autres n'ont pas d’étre? | : Ne serait-ce pas plutét quills existent aussi, ct que le temps surgit d'une mySéricuse cachette, quand de futur devient présent, et ¥ retoutne, lorsque de_présent il devient passé? De fa, pour ceux qui peophétsent, si Tavenit | nlexiste pas encore, oii Tontils vu? Impossible de voir ée qui seit as ‘Drautre part, les récits du passé ne sau: raient étre véridiques, s’ils n’étaient soumis au discernement de Fesprit. C’est done que le futur et le passé existent bien. XVII. 25. O Seigneur, mon Esptrance*, permets-moi d’ap+ profondirmon enquéte; que mon attention ne se laisse pas.troubler! | oo Si done le futur et le passé existent, oft Sontils? Je veuk le savoir. A défaut desi tre capable pour Tinstant, je suis du moins ceci:: oi qu’lls soient, ils n'y sont pas en tant que | fatar ou passé, mais en tant que présent: Car, si le fume est.comme futur, il a'y. es pas encore; si le passé ye comme passé, il n'y et plus. Et donc, o& qu'ils soient, quels quiils soient, ils n’y sont que comme présent. ‘Aussi bien, un zécit véridique du passé fait-il surgir de la mémoire, non pas les réalités elles-mémes, qui sont da als des: mots congus a partir de Jews, imag Renmce drempecintes Inissées. dans Yespeit par Jur ‘ment 4 travers les sens. Ainsi mon enfance, qui n'est plus, appartient au passé, qui n'est plus. Mais lorsque je Févoque et que jen parle, Cet dans le présemt que fen pexsob Pimage qui subsiste dans ma mémoie. ‘ La meme explication vaut-elle pour les prédi@ions de Pavenit? Des réalités cncore inexistantes, pergoit-on des images réelles par anticipation? Ici, moa Dieu, ./avove | ‘mon ignorance, sauf sur ceci: généralement, nos aétions- venir sont Yobjet dase premesitation sente, alors que Pade prémédité n’existe pas encote, puis | qpill ee a vee; mais Eine fois laneée et eureprise Fabton reméditée, alors, elle existerd, sétant plus du. futur, mais présent. z 24. Quelle gue soit la modalité-de cette mystérieuse pet: ception anticipée, on ne saurait voir.que ce qui est. Or, ce] APS 71 (Ose premeditation ; celle-ci eft pré- 4 Livre XI, 20%, 26 1045 qui existe déja n'est pas 4 venir, mais présent. Los done que Yon prétend voir le fotur, ce que Pon voit, ce n'est pas lui — gui n’existe pas, et qui est 4 venir —, mais peur-étre ses antécédents et indices déja existants; if ne sont pas a venir, ils sont déja Ii, présents sous les yeux, aidant Pesprit a concevoir et a prédire Pavenis. Prenons un exemple entre des millices Pautres, Voyant Paurore, annonce le lever da f soleil. Ce que je vols ef present, ce que jannonce eft 4 -wenis. Ce n'est pas le'soleil qui e& du futur — puisqu'll existe déja —, mais son lever, qui n’est pas encore li; ot, sans une image mentale — comme 4 cet inftant-ci ob jen patie — de ce lever, je ne samrais le prédire. Mais cette aurore, contemplée dans le ciel, ne s'identifie pas au lever du soleil — méme si elle Yannonce —, ni non plus a Timage mentale que j'en ai. Pourtant je les vois toutes deux’ dans le préseat, ce qui me permet d'annoncer ce lever comme a venir. Ainsi donc, le futur n’existe pas encore, et, puisqu'll n’existe pas encore, il n’existe pas jet, oi] exit pas, on ne saurat nullement Ie voit. Mais i peut se prédire, Paprés un présent déja existanc et visible. XIX. 25. Cela étant, 6 Seigneur souverain de la création, quelle voie enseignes-tu Pavenir — caz tu Pas enseigne 4 tes prophétes ? Oui, par quelle voie enscignes-tu Pavenir, toi pour qui sien n'ek 2 venir? Ou pl enseignes-tu ce qui du futur est déj préseat — cat on ne peut évidemment pas enseigner ce qui n’est pas ? Pat lear uissance, tes voies dépassent bien trop le pouvoir de mon esprit; de moicméme, je 1 powrrai* m’ea approcher, mais je le pourrai par toi, quand tu me Pauras accordé, 6 douce Laniire de mon intériewr, . 26. En revanche, ce qui m’apparait comme une évi- dence claire, emt que nile fatur nt le passe ne sont, Cem done uae impropriété de dice: «Il y a trois temps: le passé, le présent et le futur.» Il serait sans doute plus comreet de dire: «Il y a trois temps: Ie présent du passé, le passent du présente présent du fit.» En efit ily a fen dans Pame ces trois modalités du temps, et je ne les APS 159 (58). 6 8 Pe 33 (7).1 1046 Les Confessions trouve pas ailleurs. Le présent du passé, est fa mémoirey Ie présent du présent, c'est la vision direéte; le présent do futur, Ces Vattente’. Sil mest permis. d'user de cei défnitions, alors, oui, je le vois, je déclare, il y a wois temps, ct ces trois temps sont Je veux bien que lori conti nue a dire:.«Il ya trois temps: le passé, le préseat; ke futur», sclon un abus de langage habitucl. Soit! je n’en-ai 4 ‘cure, je ne m’y oppose pas ni ne le blame, ponrmn toute- fois que 'on comprenne bien ce que Yon die: ni le futur ni le passé ne sont-un présent aéuel: De fait, notre lan compore peu cespressions propres, pour beaucoup di ‘propsiétés, mais on voit bien ce que nous voulons Let mene di lp XXL. 27. Jai rappelé un peu plus haut que mesure ét écoulement du temps doivent re simultanés, pour que Yon puisse dire: «Temps double», « temps simple », « temps gal», ct mesvrer puis énoncer tout autre rapport entre fradiions de tomps. Ainsi donc, comme je le disais, c'est 4 son écoulement que nous mesuzons le temps. Et si fon | me demandait: «D'ot le sais-m?», je sépondeais: «Je le sais, parce que nous. le mesurons, Or, on: ne peut pas mesuscr ce gui n’est pas; ct le passé comme le futur né sont: pas.» Mais le présent, comment le mesurons-nous, Buisquil n'a pas, extension ? On ne le mesure gut sox Ecoulement ; aprés, on ne le mesure plus, puisqu'il n'y aura plas rien & mesurcr. Diauire part, d’oi vient, par o8 passe, et vers ob se dirige le temps, quand on le mesure? D’oa, sinon di futur? Par oii, sinon par le présent? Vers od, sinon vers le passé? Tl passe donc de ce qui n’em pas encore, 4 travers ce qui n'a pas d’extension, vers ce qui n’es plus. Or, que mesurons-novs, sinon un temps dans une certaine exten- ion ? Nous ne parlons de dutées, simples, doubles, «ples, @gales, ov autees rapports de ce type, qu’ propos déten- dues de temps. Mais dans quelle etendue mesurons-nous done le temps en son défilement? Dans le fatur Pool it pour passer? Mais ce qui n’exigte pas encore, nous ne Ie mesurons pas. Dans le présent par ou il passe? Mais | Pabsence d’étenduc, nous ne la smesurons pas. Dans. le passé of il va se perdre? Mais ce qui a’existe plus, nous ne le mesurons pas. Livre XI, x0, 29 1047 » XXIL 28. Mon esprit brille de déméler cette énigme si embrouillée, Ne ferme pas, Seigneur mon Dicu, 6 Pere de Bonté, je ten conjure par le Christ, ne ferme: pas 2 mon disis Haceds @ ces quctions, si faites ets obscures Ne Tempéche pas d’y pénétrer! Quelles s'illuminent des myons de ta miséricorde, Seigneur! Qui vais-je interroger sar elles? A qui vaisje le plas utilement confesser mon ignorance, sinon:4 toi? Les vives flammes de mon zéle pour tes Feritures ne sauraientte déplaire. Donne-moi cet objet de mon désir; je le désire, en effet, et c'est toi qui me 'as donné. Donne-le-moi, 6 Pére, toi qui sais vraiment ne donner que de bonnes choses @ tes fils’. Donne-le-moi, puisque j'ai entrepris de te connattre, et que mon labewr eff soas-mes yeux, jusqwa tant que tu viennes m’ouvrir les portes®, Je ten conjure, par le Christ, au nom du Saint des saints [ou il nous fit entrer™'], que personne ne vienne me fire PobjeGtion bruyante. Et j'ai crm, ef: voild pourquoi je *, Mon espéranee, ma raison de vivre, est de contem- ‘pl les dices duu Seigneur®. Voici que tu as dispose mes jours @ Tastne du veilssemont®, et les voila qui passent, comment? je ne sais. Et nous parlons de temps, et encore de temps; des temps, et encore des temps; et «Combien de temps a-til parle?»; et «Combien de temps a-til mis i le faire ?»; et ell y a bien longtemps qne je s’avais pas vu cela!»; et «Cette: syllabe dure deux fois plus que Ie simple’ de cette bréve-li.» Voili.ce que l'on dit et ce que Yon entend ; et Lon se fait comprendre et Fon ‘comprend. Rien de plus clair, tien de plus banal; et voili pourtant un secret top bien caché, dont la découverte serait une nouveauté! Le mouemint XXII, 29. Un certain homme de science? m’a appris que Je temps en-soi, c’était le mouvement du soleil, de la lune etdes astres. Mais je o’ai pas été Paccord. Pourquoi pas plutét Ie mouvement:de tout corps? Eh quoi! si les astres céleses Sarr@taient, et qu'une one de potier continuat 4 toumer’, a'y avraitil donc plus-de temps pour en pouvoir SeoMe gen «Bs 75 (1ahi6. «0. Vole Me 77. © m, Voir HE ccloni tp am Pe 6 Gaines # FBS y Ga # © BL SD GAS. 1048 Les Confessions mesurer les tours, et parler d'intervalles constants, ou de ralentissement, ou daccélération, ou de durée longue .ow brive'? Et, eh pronongant ces termes-li, ne serait-ce pas dans le temps que nous parlerions? N'y aurait-til pas, dans nos mots, des ayllabes, les unes longues, les autres bréves, justement parce que celles-lé résonnent plus long cers, et calles-c moins longremps ? ‘mon Diew, donne aux hommes de percevoir, 4 tra- vers ce modeste exemple, les « notions communes*», quill sfagisse de grandes.ou de petites réalités. Les astres et les luminaires célestes existent pour éire des signes, marquet les saisons, les jours, les années’. Oui, assurément;.et'je n’ais pas soutenir qu’un jour se définit par un tour zon plus soutenir que ce tour ne seprésente pas un temps. 30. Ce que je désire connaitre, c'e&t Pessence et la nature du temps, qui aous permet de mesurer les mouvements des comps, et de dize, par exemple, que celui-ci est deax fois plus long que celui Voici Pobjet de mon enquéte: ce que-Ton appelle | «jour», ce nes pas seulement le temps du passage de soleil au-dessus de la terre — ce qui différencie le jour de Ja nuit —, cest aussi celui de sa traje€toire compléte du evant au levant. On dit: «Il s'est écowlé tant de jours’ et, dans ce décompte des jours, on n’exclut pas la durée des auits. Et done, puisqu’un «jour» s‘accomplit 4 la fois par le mouvement du soleil et par sa révolution du levant aa levant, je voudrais savoir si ce qui constitue le jour, c'est le mouvement, ou si c'est la durée di mouvement, ou si ces les deus a la fois; Dans la premise hypothe, iy aunie «jour», méme si la course du soleil ne dutait qu'une seule heute. Dans la deusiéme, il n'y autait plas «jour si le durée d'un lever de soleil au lever suivant se réduisait & une heure — pour former un «jour, il faudrait vingt- quatre révolutions solaires. Dans la troisitme, on ne saurait paler de «jours sia evolution da soll se edu Ae eure 5 temps équivalent 4 celui de sa révolution totale habitvele; @un matin au matin suivant. Ce que je vais done rechezcher maintenant, ce n’est plus 4 Voir Ga 114 . roue de potier. Mais mon homme de science ne saurait pes | 8 plus que si, le soleil s'arrétant, il se passait.un ; Lime XI, x0, 31 1049 ce-que Ton appelle «jour», mais ce qu’es le temps. C'est Ini" qui nous permettrait dé mesures le cireuit du soleil, et de dire, au cas oi il Paccomplirait dans un laps de temps équivalant 4 dovze heures: «Il'2 mis deux fois moins Ge temps que. ’habitude»; ensuite, comparant les deax durees, nous dirions qu’elles sont dans le rapport do simple au double — ct cela quand bien méme fz révolu- fion solaire du levant au levant durcrait «un temps ope ou «un temps double ».. « ’on ne vienne done Plus me dire: «Le temps, Cest le mouvement des corps célestes’»: lorsqu’a la priére Pun homme le soleil 2 attété sa course’, pour permettre une viGoite compléte sur Pennemi, il sétait immobilisé, mais le ‘temps, lui, continuait 4 courir; le combat.s¢ déroula: et sacheva dans le temps nécessaite. - Je vois done que le est une sorte de «disten- sion». Mais le. vois-je vraiment? Ne serait-ce qu'une impression? C'est toi, 6 Lumiére, 6+ Vérité, qui me le montreras. XXMIY, 51. Mordonnes-tu de donner mon assentiment & gui dirait que le temps, cest le mouvement d'un corps ? Non certes. Qu’ancun ‘corps ne se -meut en. dchors: du temps‘, la, jfentends bien ; tu le dis®’, Mais que le mouve- ment dun comps, ce soit le temps, la, je n’entends plas : cu ne le dis pas‘, Et de fait, quand ua corps se meut, edt par le temps aque je menue la dure de & mouvement <= de won dete jusqu’A son terme. Si je n’en vois pas le commencement, ct auil se déroule sans que je puisse en voie le fin, je ne peux pas Je-mesurec — sauf peut-tre a partir d’ou je com- mence, jusqu’oa je cesse de voir. Si je Evois longtemps, je ds seulement: «C'est long, sans estimation précise, car ela: impliquerait une comparaison du type: «temps équi- valent», «temps double», etc. Si, au contraize, nous pou- vons repérer dans Pespace le point de départ d'un corps en mouvement — ou bien de’ ses parties, comme: pour une roue de potier — et son terme, alors nous pouvons dire en combien de temps s'est effeué le mouvement da comps ou de ses parties, passant d'un point 4 un autre, » Ainsi donc, une chose: es le ‘mouvement ’nn cotps, A. Voir Jos 10,12 et saiv. 6 2, Voir Ga 1.14. EE LLL 1050 Les Confssions Lime XI, 2x00 34 ror ‘une autre ce pat quoi nous mesurons sa durée. Qui ne ver- Pune coudée celle d'une poutre ? On nous voit, en effet, ait de quel cdté se situerait la définition du temps? Qu’un par Pétendue d'une syllabe bréve, mesurer Pétendue d'une cotps soit, au cours de variations, tantét en mouvement, syllabe longue, et dire que celle-ci est le double de celle-la: tantét immobile, cest toujours par le temps que nous de méme, nous mesurons Pétendue-des pomes par Péten- ‘mesurons non seulement son mouvement, mais aussi son. due des vers, létendue des vers par Pétendue des pieds, repos'; et nous disons: «Morivement ét repos, méme Tétendue des pieds par ’étendue des syllabes, 'étendue des durée» oa: «Repos devx ou trois fois plus long que le syllabes longues par celle des. bréves; et cela non. sur les mouvement» — ou toute autre eStisnation, précise, ou, pages — car cette fagon ne nous fait mesurer que Pespace, Comme on dit, par valeass approchées. : fon le temps —, mais dans la récitation, au fur et Le temps, ce n'est donc pas le mouvement d’un corps! mesure que défilent les paroles. Et nous définissons «Poéme long, composé de tant de vers»; «Vers longs, XXV. 42, Je ire confess, Sgr, fignore toujours ce contra pat tant de picds»; «leds longs, «tenant sur gues le temps. Mais je # confesse aussi, Seigneur, que je tant de syllabes»; «Syllabe longue, double d’une breve». sais que @est dans le temps que je te fais ma confession, et Mais non, ce n’est pas ainsi que Yon prend une mesure quill a déji bien ps que je te parle du temps, et bien définie du temps, puisqu'l pourrait tout aussi bica gue ce «longtemps» n'est «long temps» qu’en référence & arriver que T’étendue du temps fit’ plus grande pour la une durée, Mais comment puis-je le savoir, puisque je ne déclamation d’un vers-plus court récité plus lentement que sais pas ce ques le temps? Serait-ce que je ne sais pas pour un vers plus long récité plus vite, De méme pour un expeimer ce que je suis? Pauvre de moi, qui ne sais méme poéme, de méme pour un pied, de méme-pour une syllabe. pas dire ce que je ne sais pas! Mc voici, 6 mon Dieu, tu es De ii il m’e& apparw que le temps west rien autre énoin que fe ne mens pat: telle e& ma parole, tel. est mon qu'une distension; mais de quoi, je ne sais. Il serait éton- a rant que ce ne fit pas de Pesprit Ini-méme', Qu’es-ce en eres toi qui écliceras ma lompe, Seigneur, mon Die, 0 gud effet que je mesure, je te prie, mon Dieu, quand je dis, soit “gladrmas ms vindbre’, @une fagon imprécise: «Ce temps-ci est plus. ong que celui-la», soit d'une maniére Pl ise: eCelues ea Te La ditfenson de Vame. double de celuilé»? C’e&t le temps que je mesure, je sais . bien, Mais je ne mesure pas le futur! I es pss encore Je XXVL 55. La confession que té fait mon ame, n’est-elle ne mesure: pas le présent:: il ne s'étend sur aucune étendie. pas une confession de vérité, quand clle te dit que je Je ne mesure. pas le passé: il nes plus. Qu’est-ce done mesure les temps? Oui, Seigneur mon Dieu, je les que je mesure? Serait-ce écoulement du temps, non le mesure; mais quelle est la nature de ce que je mesure, je passé ? C'est cela que javais dit. ne le sais pas. Le temps te sert 4 mesurer fe mouvement dun comps’ XXVIL 54. Tiens-toi bien, 6 mon ame, et concentre tes Mais n'eéi-ce pas du méme coup mesure: le temps? forces : Dieu sf notre Secours’ est het qui nous a fats, et non Comme si je pouvais mesurer le mouvement d'un corps, pas nous®, Tends-toi du c6té oti blanchit Paube-de la vérité. sa durée, le temps qu’ll met pour aller d'un point aun Considérons un son provenant dun -corps: il com- ‘autre, sans mesuret le temps méme de ce mouvement! mence 4 résonner, il résonne, il résonne encore, et le voila ‘Crest donc bien le temps luieméme que je mesure, mais quivesse; et est déji le silence, ce soni est passé, il nly apsds quoi? plus de’son. Il était futur avant de résonner® il ne pou ai-ce daprés un temps plus court que nous en mesus valt pas tre mesuré, puisqw'l n’était pas encore; mainte- rons un plus long, comme nous mesutons par létendue nant, il ne peut pas Tétre, puisqu’il n’e& plus. Ces done A Pegaso 2 Ga tse, « 6 Ps 18 (17).29. APs 62 (61)9. + m Ps 200 (99), 3052 Les Confessions au moment méme oi il résonnait quill pouvait Yéire, cit Ces 4 ce momenta qu'il était susceptible de Pétre. Mais justement, a ce moment, il ne sfarréiait pas il allait et Sen allait. Serait-ce pour cela quill pouvait ée mieux mesuré? En effet, ent sen allani, il se déroulait en une sorte d’étendue de temps qui le rendait susceptible d'étre mesuré, alors que le présent n’a aucune étendue. Si done ‘on pouvait alors le mesurer, considérons un autre son: il commence 4 tésoaner, il résonne encore d’un ton continu sgas “mneune intemiption, Mesuronee pendant, «ui esonne; lorsqu’en eflet il aura cessé de résonner, il ser sé et fe sera pas susceptible détre mesuré. Mesu- rons-le exaétement et définissons sa durée: mais c'est qu'il résonne encore, et Fon ne peut le mesurcr que depuis son début, of i] a commencé 4 résonner, jusqu’a son terme, ob ila cessé. Cost en effet Vintervalle méme que nous mesu- rons, @un début donné a une fin donnée. C'est pourquoi tun son qui n’est pas encore parvenu 4 sa fin ne pent pas Gre mesure — de maniére que soit définie sa longueur ou. sa briéveré —, ai défini, soit comme égal A un autre, soit, pat rapport 4une unité, comme la moitié, le double, ov | autze chose. Mais quand il sera parvenu 4 sa fin, il ne seta plus. Comment donc pourra-til étre mesur Et pourtant nous mesutons des temps. Ce ne sont pas cenx qui-ne soat pas encore, ni ceux qui ne sont plus;.ni ceux qui ne s'étendent sur aucune durée, ni ceux qui ne sont pas parvenus 4 leur terme. Ce n’est done pas Te futur, ni Te passé; ni Je présent, ni le défilement-des temps que hous mesufons, et pourtant nous mesurons des temps. 35. Doss, ereator omnis (Dieu, créateur de toutes choses'») : ce vers oftosyllabe. présente en alternance des: syllabes braves et des ‘syllabes longues: quatre bréves — la pre: mite, la troisiéme, la cinquiéme, la septitme —, simples par rapport amx quatre Jongues — la deuxiéme, la trigme, la sixiéme, la huitiéme; chacune de celles-ci vaut ua temps double par 4 chacune de celles-li; en les pronongant, j’annonce leur durée; et cela est conforme:d Ia perception évidente des sens. Pour autant qu'une sense: tion est évidente, je mesure une longue d’aprés une breve, et je pergois bien qu’elle en est le double. Mais une sylla Lime XI, x00 36 1053 fe résonne qwaprés une autre: sila bréve vient en premier et la longue en second, comment vais-je retenir la breve et | applique comme mesure I longue, pout découvrir que le-ci vaut le double, puisque la Tongue ne commence 4 sésonner que lorsque la breve a cessé? Et la longue, elle- méme, est-ce dans son. présent que je la mesure, puisque je ne la mesure qu’une fois terminge? Mais, une fois termi- née, elle est du passé, Qu’est-cc donc que je mesure? Oli est la bréve, mon ciitére de mesure? Ob est Ja longue, mon objet de mesure? Toutes les deux ont.sésonné, se sont envolées, sont passées, elles ne sont plus, Et voici que, moi, je mesure: en toute confiance, je réponds, dans Ia mesure ob un sens exercé est fiable, que Pune edt simple, Pavtre double, en étendue de temps, bien sx; et je ne puis le faire que parce qu'elles sont passées et parveaues i leur terme. Ce ne sont pas elles-mémes, elles qui ne sont plus, uc je mesure, mais cest quelque chose dans ma mémoie, qui y demeure anexé. 36. C'est ca toi, mon esprit, que je mesure les temps’. Ne me fais pas option bia, je veox dire: «Net fais pas Pobjedtion brayante », dans le flot désordonné de tes impressions, C'est ca toi, dis-je, que je mesure les temps. impression que fait le déflé des choses sur toi et qui y demeure, une fois quill e& passé, c'est sa présence méme qui permet ma mesure, et non pas le défilé des choser qui lt provoguée, Ceft cle que je mesure quand je mesure les temps, Done, on bien les temps c'est cela, oa bien je ne mesure pas les temps. ‘Mais quoi? Lorsque nous mesurons des silences et que ous disons : «Tel silence a duré aussi longremps que tel son», n’est-il pas vrai que notre esprit considére avec attention la mesuze de ce son — comme s'il continuait 4 xésonnet —, pour pouvoir émettre une appréciation quan- titadve sur les intervalles de silence? Et de fait, tout en poutsuivant mentalement, la. voix ct les lévres en repos, mes, vers, discours, nous apprécions toute Pétendue'de s_déroulements, les rapports séciprogues de leurs durées, et cela. tont comme si nous les proférions a haute voix. Quelqu'un veutil émettre ua son sn pen long, Pane durée mentalement prédéterminée Il en pread la mesure, «m silence; puis le confie 4 sa mémoire, et alors seulement

Vous aimerez peut-être aussi