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UNIVERSITEDEPARIS1–PANTHEONǦSORBONNE

Licence AES, 3ième année

Economiedutravail
CoursdeLiemHOANGǦNGOC

Documents de travaux dirigés

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Planducours

Introduction : Population active, emploi, chômage

Chapitre 1 : Le marché du travail en concurrence parfaite


1. Offre de travail et capital humain
2. La demande de travail et la question du coût du travail
3. Plein-emploi et chômage volontaire

Chapitre 2 : Le chômage involontaire


1. Définition
2. L’explication keynésienne
3. La révision des nouveaux keynésiens

Chapitre 3 : Relations industrielles et segmentation du marché du travail


1. La théorie des relations industrielles
2. Les théories institutionnalistes et radicales de la segmentation du marché du
travail
3. L’interprétation néoclassique de la segmentation

Chapitre 4 : Mutations du rapport salarial


1. Rapport salarial et modes de régulation
2. Le rapport salarial fordiste
3. Capitalisme financier et mutations du rapport salarial
4. Répartition des revenus et croissance au sein du capitalisme financier : l’éclairage
des modèles postkeynésiens

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Dossier 1
Lemarchédutravailenconcurrenceparfaite

Documents

Document 1 : Muriel Pucci, Julie Valentin, Microéconomie, PUF, 2009, p. 282, 287.
Document 2 : Joseph Stiglitz, Carl Walsh, Jean-Dominique Lafay, Principes d’économie
moderne, De Boeck, 3è édition, 2007, p. 190-191.
Document 3 : Romain Aeberhardt et Julien Pouget, « Comment expliquer les disparités
salariales ? », LessalairesenFrance,édition2006, Insee.

Document 4 : Muriel Pucci, Julie Valentin, Microéconomie, PUF, 2009, p. 287-293.

Document 5 : Joseph Stiglitz, Carl Walsh, Jean-Dominique Lafay, Principesd’économie


moderne, De Boeck, 3è édition, 2007, p. 498-506 et p. 191-192.

Questionssurledossier

1. Quels sont les termes du choix qu’effectue l’offreur de travail ?


2. Qu’est-ce que la désutilité marginale du travail ?
3. Quels sont les effets possibles d’une hausse des salaires ? Distinguez ce qui se
produit lorsque l’effet de substitution l’emporte, et ce qui se passe lorsque l’effet
revenu l’emporte.
4. Sous quelle hypothèse la courbe d’offre de travail est-elle une fonction croissante
du salaire ?
5. Qu’est-ce qu’une « trappe à inactivité ou à chômage » ?
6. Quelle est l’influence de cette théorie de l’offre de travail sur les recommandations
de politiques économiques ?
7. Quelles sont les critiques formulées à l’encontre de cette théorie ?
8. Définir la notion de capital humain.
9. En quoi est-elle susceptible d’expliquer les inégalités de revenus ? Quelles sont les
limites de la théorie du capital humain ?
10. Présentez la fonction de production néoclassique utilisée par l’entreprise pour
opérer ses choix.
11. Exposez les deux effets à l’origine d’une demande de travail décroissante en
fonction du salaire.
12. Quelle est l’influence de cette théorie de la demande de travail sur les
recommandations de politiques économiques ?
13. Quelles sont les critiques formulées à l’encontre de cette théorie ?
14. Existe-t-il des cas où la demande de travail est indépendante des salaires ?
15. Pourquoi le raisonnement en termes de salaire réel et non de salaire nominal est-
il si important ?
16. Quels sont les facteurs susceptibles d’expliquer le déplacement de la courbe d’offre
de travail ?
17. Quel est l’effet d’une augmentation de la population active sur le salaire
d’équilibre ?

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18. Quel est l’effet d’une baisse de l’investissement sur la courbe de demande de
travail ? Quel est l’effet sur le salaire réel d’équilibre ?
19. Quel est l’effet du progrès technique sur la productivité ? Sur la demande de
travail ? Sur le salaire réel d’équilibre ?

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Document1 : Muriel Pucci, Julie Valentin, Microéconomie, PUF, 2009, p.
282-287.




































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Document 2 : Joseph Stiglitz, Carl Walsh, Jean-Dominique Lafay, Principes
d’économiemoderne, De Boeck, 3è édition, 2007, p. 190-191.

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Document3 : Romain Aeberhardt et Julien Pouget, « Comment expliquer
les disparités salariales ? », LessalairesenFrance,édition2006, Insee.

Lathéorieducapitalhumain 
investissements en formation en fonction des
Parmi les diverses théories du salaire, c’est rendements espérés.  Cette hypothèse n’est
principalementlathéorieducapitalhumainqui jamais complètement  vérifiée dans un univers
cherche à rendre compte des disparités où les asymétries  d’informations sont
salariales.SeloncettethéorieinitiéeparBecker nombreuses, tant du  côté de l’offre que de la
(1962, 1993), les différences de salaires demande de travail,
reflètent les investissements en formation  et où les acteurs sont
soumisàdifférentsrisques.
réalisés par les individus tout au long de leur 
vie,etnotammentpendantlaphased’études 
Du côté de l’offre, l’information du salarié sur
initiales.Cettethéoriesesituedanslecadrede 
lesdifférentespossibilitésd’emploiquiluisont
la concurrence parfaite : les salaires sont offertes est souvent  imparfaite. Suite à sa
directement liés aux productivités recherche d’emploi,  il peut être amené à
individuelles, qui, ellesͲmêmes, résultent de 
accepterlepremieremploiassortid’unsalaire
l’acquisitiondecompétencesvalorisablessurle supérieur à un certain
 niveau, dit salaire de
marchédutravail.Lesindividus,enfonctionde réserve, qui déͲ pend, entre autres, de son
leurscaractéristiquespropres,décideraientde

aversionpourlerisque.Ducôtédelademande,
leurs investissements en capital humain en 
les employeurs ne peuvent qu’imparfaitement
cherchantàmaximiserlesalaireobtenutoutau 
apprécierlescapacitésdesoffreursdetravail:
longdeleurcarrière. dès lors, le salaire  n’est plus en mesure
d’égaliser la productivité marginale,
On distingue usuellement le capital humain 
inobservableparailleurs.Danscecadre,comme
général, qui améliore la productivité de l’a suggéré Spence  (1974), les diplômes
l’individu pour tous les emplois, et le capital n’accroissent pas tant la productivité des
humainspécifique,quin’accroîtlaproductivité individus qu’ils n’en révèlent les potentialités
que pour un type d’emploi particulier. En 
parunsignal.
pratique, le capital humain général est 
essentiellement caractérisé par le niveau de 
Lessalairesdiffèrentselonlescaractéristiques
diplôme et l’expérience professionnelle sur le personnelles, mais aussi selon celles des
marché du travail (Mincer, 1958, 1974). Ces 
postesoccupésetcellesdesentreprises
éléments sont en effet transférables d’une 
entreprise à l’autre. Le capital humain Ainsi, les théories explicatives des écarts

salariaux conduisent à étudier en premier lieu
spécifique reflète quant à lui la carrière du
salariéauseindechaqueentreprise.Ilpeutse

l’impact des caractéristiques personnelles
mesurerparl’anciennetédansl’entreprise. 
(diplôme, expérience professionnelle) sur le
salaire. Mais même  à niveau de « capital
Lathéorieducapitalhumainfournituncadre 
humain»équivalent,desdifférencessubsistent
d’analyse relativement simple et séduisant, 
entrelessalariés;ellespeuvents’expliqueren
mais elle n’est pas exempte de critiques. En partie par la nature des postes occupés et les
particulier,raisonnantenuniversconcurrentiel caractéristiques des employeurs. En effet, les
certainavecinformationparfaite,ellesuppose politiquessalarialesetlespositionsdemarché
que les individus ont des capacités cognitives

desentreͲprisespeuventvarierselonleurtaille
tellesqu’ilsadaptentdemanièreoptimaleleurs 
etleursecteurd’activité.
investissements en formation en fonction des 
d éé C h hè ’
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Documents 4 : Muriel Pucci, Julie Valentin, Microéconomie, PUF, 2009,
extraits, p. 287-293.

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Document 5: Joseph Stiglitz, Carl Walsh, Jean-Dominique Lafay, Principes
d’économiemoderne, De Boeck, 3è édition, 2007, p. 498-506 et p. 191-192.

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Dossier 4
LechômageinvolontairechezKeynes

Documents
Document 1 : John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie, Payot, 1936, réédition 1986.
Document 2 : Liêm Hoang Ngoc, Les théories économiques, petit manuel hétérodoxe, La
dispute, 2011, extraits.
Document 3 : Liêm Hoang-Ngoc, Le fabuleux destin de la courbe de Phillips, PES, 2007,
extraits.

Questions
1. Quels sont les deux postulats sur lesquels repose la théorie « classique » de
l’emploi et du chômage ?
2. Pourquoi le plein-emploi est-il assimilable à une situation de chômage volontaire ?
3. En quoi l’invalidité du second postulat compromet-il la théorie « classique » du
chômage ?
4. Par quels canaux passent, selon Keynes, la création d’emplois dans cette théorie ?
5. Pourquoi la flexibilité des salaires nominaux ne permet-elle toutefois pas (sauf
dans un cas exceptionnel, à traiter dans les questions suivantes) de revenir au
plein-emploi selon les mécanismes décrits par le modèle néoclassique en cas de
déséquilibre sur le marché du travail ?
6. Comment Keynes définit-il le chômage involontaire ?
7. Quelles en sont les causes ?

 

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Dossier 2
Lechômageinvolontaire

Documents

Document 1 : John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie, Payot, 1936, réédition 1986.
Document 2 : Liêm Hoang Ngoc, Les théories économiques, petit manuel hétérodoxe, La
dispute, 2011, p. 84-95.
Document 3 : Liêm Hoang Ngoc, Les théories économiques, petit manuel hétérodoxe, La
Dispute, 2011, p. 112-124.

Questions

1. Quels sont les deux postulats sur lesquels repose la théorie « classique » de
l’emploi et du chômage ?
2. Par quel canal passe la création d’emplois dans la théorie « classique » ?
3. Pourquoi le plein-emploi est-il assimilable à une situation de chômage volontaire ?
4. En quoi l’invalidité du second postulat compromet-il la théorie « classique » du
chômage ?
5. Comment Keynes définit-il le chômage involontaire ?
6. Définir la demande globale ? En quoi ses fluctuations sont-elles de nature à
influencer le chômage ?
7. Quels sont les effets de l’incertitude sur le taux d’intérêt et l’investissement ?
8. Exposer le principe du multiplicateur
9. Le niveau de l’emploi est-il déterminé sur le marché du travail ?
10. Quelles sont les conséquences de la Théorie générale en termes de
recommandations de politique économique ?
11. Quelles sont les hypothèses retenues par les nouveaux keynésiens inhérentes à
l’information des agents économiques ?
12. Présenter les modèles de Salaire d’efficience
13. Présenter le modèle Insiders et outsiders
14. Quelle est la nature du chômage dans ces modèles ?
15. Quelles en sont les causes ?
16. En quoi l’analyse du chômage des nouveaux keynésiens se distingue-t-elle de celle
de Keynes ?









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Document1 : John Maynard Keynes, Théoriegénéraledel’emploi,de
l’intérêtetdelamonnaie, 1936.

I

La theƴ orie classique de l'emploi, supposeƴ e simple et eƴ vidente, a eƴ teƴ , croyons-nous, fondeƴ e,
pratiquement sans discussion, sur deux postulats fondamentaux, à savoir :

I.ǦLesalaireestégalauproduitmarginaldutravail.

Ceci veut dire que le salaire d'une personne employeƴ e est eƴ gal aư la valeur qui serait perdue
si l'emploi eƴ tait reƴ duit d'une uniteƴ (deƴ duction faite des autres couƸ ts que la reƴ duction
correƴ lative de la production eƴ pargnerait) ; avec cette restriction que l'eƴ galiteƴ peut eƸ tre
contrarieƴ e, conformeƴ ment aư certains principes, par l'imperfection de la concurrence et
des marcheƴ s.

II.ǦL'utilitédusalairequandunvolumedonnédetravailestemployéestégaleàladésutilité
marginaledecevolumed'emploi.

Ceci veut dire que le salaire reƴ el d'une personne employeƴ e est celui qui est juste suffisant
(au jugement des personnes employeƴ es elles-meƸ mes) pour attirer sur le marcheƴ tout le
volume de travail effectivement employeƴ ; avec cette restriction que l'eƴ galiteƴ pour chaque
uniteƴ individuelle de travail peut eƸ tre contrarieƴ e par une coalition des uniteƴ s disponibles,
analogue aux imperfections de la concurrence qui affai- blissent le premier postulat. La
deƴ sutiliteƴ doit s'entendre ici comme englobant les raisons de toute nature qui peuvent
deƴ cider un homme ou un groupe d'hommes aư refuser leur travail plutoƸ t que d'accepter un
salaire qui aurait pour eux une utiliteƴ infeƴ rieure aư un certain minimum.

Ce postulat n'exclut pas ce qu'on peut appeler le choƸ mage « de frottement ». Interpreƴ teƴ
dans le monde reƴ el il se concilie en effet avec divers deƴ fauts d'ajustement qui s'opposent
au maintien continu du plein emploi. Untel choƸ mage peut eƸ tre duƸ par exemple aư une
disproportion temporaire des ressources speƴ cialiseƴ es, reƴ sultant d'un calcul erroneƴ ou du
caracteư re intermittent de la demande, ou aux retards conseƴ cutifs aư des changements
impreƴ vus, ou encore au fait que le transfert d'un emploi aư un autre ne peut eƸ tre effectueƴ
sans un certain deƴ lai de telle sorte qu'il existe toujours dans une socieƴ teƴ non statique une
certaine proportion de ressources inemployeƴ es aư reclasser. Outre le choƸ mage « de
frottement » le Postulat admet encore le choƸ mage « volon- taire », duƸ au refus d'une uniteƴ
de main-d’œuvre d'accepter une reƴ muneƴ ration eƴ quivalente au produit attribuable aư sa
productiviteƴ marginale, refus qui peut eƸ tre libre ou forceƴ et qui peut reƴ sulter soit de la
leƴ gislation, soit des usages sociaux, soit d'une coalition au cours d'une neƴ gociation
collective de salaires, soit de la lenteur des adaptations aux changements, soit enfin de la
simple obstination de la nature humaine. Mais en dehors du choƸ mage « de frottement » et
du choƸ mage « volontaire » il n'y a place pour aucune autre sorte de choƸ mage. Les postulats
classiques n'admet- tent pas la possibiliteƴ d'une troisieư me cateƴ gorie que nous deƴ finirons
par la suite le choƸ mage involontaire ».

Compte tenu des restrictions qui preƴ ceư dent, le volume des ressources employeƴ es se
trouve, suivant la theƴ orie classique, convenablement deƴ termineƴ par les deux postulats. Le
premier nous donne la courbe de la demande de main-d’œuvre, le second la courbe de

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l'offre et le volume de l'emploi se fixe au point ouư l'utiliteƴ de la production marginale
balance la deƴ sutiliteƴ de l'emploi marginal.

Il reƴ sulterait de ceci qu'il n'y aurait que quatre moyens possibles d'accroÇƸtre l'emploi :

a) ameƴ liorer l'organisation ou la preƴ vision de manieư re aư diminuer le choƸ mage « de
frottement » ;

b) abaisser la deƴ sutiliteƴ marginale du travail telle qu'elle est exprimeƴ e par le salaire reƴ el
au-dessous duquel la main-d'œuvre cesse de s'offrir, de manieư re aư diminuer le choƸ mage «
volontaire » ;

c) accroÇƸtre la productiviteƴ physique marginale du travail dans les industries Produisant


les biens de consommation ouvrieư re (pour user du terme approprieƴ au moyen duquel le
Professeur Pigou deƴ signe les biens dont les prix gouvernent l'utiliteƴ des salaires
nominaux) ;

d) augmenter par rapport aux prix des biens de consommation ouvrieư re les prix des
autres cateƴ gories de richesses tout en accroissant l'importance relative de celles-ci dans
les deƴ penses totales des non salarieƴ s.

Telle est, si nous la comprenons bien, la substance de la Théorieduchômagedu Professeur


Pigou, seul compte-rendu deƴ tailleƴ qui existe de la theƴ orie classique du choƸ mage

II

(…) En bref, la theƴ orie traditionnelle soutient que les accords conclus entre les
entrepreneursetlesouvrierspourlafixationdusalairenominaldéterminentaussilesalaire
réel,de telle sorte que, dans le cas d'une libre concurrence chez les employeurs et d'une
absence de coalition chez les ouvriers, ceux-ci pourraient, s'ils le deƴ siraient, faire
concorder le taux de leurs salaires reƴ els avec la deƴ sutiliteƴ marginale de la quantiteƴ
d'emploi offerte par les employeurs aư ce taux. Et s'il n'en est pas ainsi, il n'y a plus de
raison de supposer que le salaire reƴ el et la deƴ sutiliteƴ marginale du travail s'ajustent
spontaneƴ ment l'un aư l'autre.

(…) Or il n'est pas eƴ vident que le niveau geƴ neƴ ral des salaires reƴ els deƴ pende du montant du
salaire nominal stipuleƴ par les employeurs et les ouvriers. On peut s'eƴ tonner, aư la veƴ riteƴ ,
que si peu d'efforts aient eƴ teƴ consacreƴ s aư eƴ tablir le bien ou le mal fondeƴ de cette assertion,
qui se concilie difficilement avec le principe geƴ neƴ ral de la theƴ orie classique. Celle-ci nous
a enseigneƴ en effet que les prix sont gouverneƴ s par le couƸ t premier marginal exprimeƴ en
monnaie et que ce couƸ t premier lui-meƸ me deƴ pend en grande partie des salaires nominaux.
Il aurait donc eƴ teƴ logique pour l'eƴ cole classique de soutenir qu'en cas de variations des
salaires nominaux les prix varient dans une proportion sensiblement eƴ gale, de telle sorte
que le salaire reƴ el et le niveau du choƸ mage restent pratiquement inchangeƴ s, le gain ou la
perte limiteƴ s qui en reƴ sultent pour la main-d'œuvre eƴ tant imputeƴ s aux autres eƴ leƴ ments du
couƸ t marginal qui n'ont pas eƴ teƴ affecteƴ s par la variation.

(…)En reƴ sumeƴ , le second postulat de la theƴ orie classique souleư ve deux objections - la
premieư re concerne le comportement effectif de la main-d’œuvre. Une baisse des salaires

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reƴ els, due aư une hausse des prix non accompagneƴ e d'une hausse des salaires nominaux,
ne fait pas baisser, en reư gle geƴ neƴ rale, l'offre de main-d’œuvre dont on dispose au salaire
courant au-dessous de la quantiteƴ effectivement employeƴ e avant la hausse des prix.
Supposer qu'une hausse des prix puisse avoir ce reƴ sultat, c'est supposer que toutes les
personnes actuellement deƴ pourvues d'emploi, quoique deƴ sireuses de travailler au salaire
courant, cesseraient d'offrir leurs services en cas d'une hausse meƸ me limiteƴ e du couƸ t de
la vie. C'est sur cette eƴ trange supposition que la ThéorieduChômagedu Professeur Pigou
paraÇƸt reposer et c'est elle qu'admettent implicitement tous les membres de l'eƴ cole
orthodoxe.

Mais la seconde objection, dont l'importance est fondamentale et que nous deƴ ve-
lopperons dans les chapitres suivants, deƴ coule des raisons qui nous empeƸ chent d'ad-
mettre que le niveau geƴ neƴ ral des salaires reƴ els puisse eƸ tre directement deƴ termineƴ par les
clauses des contrats de salaire. L'eƴ cole classique, en supposant que les contrats de salaire
peuvent deƴ terminer le salaire reƴ el, a fait une hypotheư se arbitraire. Car il se peut que la
main-d’œuvre consideƴ reƴ e dans son ensemble n'ait aư sa disposition aucun moyen
d'amener l'eƴ quivalent en biens de consommation ouvrieư re du niveau geƴ neƴ ral des salaires
nominaux aư concorder avec la deƴ sutiliteƴ marginale du volume courant d'emploi. Il se peut
qu'elle n'ait aucun moyen de reƴ duire ses salaires réelsaư un chiffre donneƴ en reƴ visant les
clauses monétairesdes accords conclus avec les entrepreneurs. Tel est le point que nous
discuterons. Nous nous efforcerons de prouver que le roƸ le essentiel dans la deƴ termination
du niveau geƴ neƴ ral des salaires reƴ els est joueƴ par certains autres facteurs. Un de nos buts
principaux sera d'eƴ lucider ce probleư me. Nous soutiendrons qu'il y a eu un malentendu
fondamental au sujet des reư gles qui gouver- nent en cette matieư re le fonctionnement reƴ el
de l'eƴ conomie ouư nous vivons. (…)

IV

Il nous faut maintenant deƴ finir la troisieư me cateƴ gorie de choƸ mage, c'est-aư -dire, le choƸ mage
involontaire au sens strict du mot, dont la theƴ orie classique n'admet pas la possibiliteƴ .

Il est clair qu'un eƴ tat de choƸ mage « involontaire » ne signifie pas pour nous la simple
existence d'une capaciteƴ de travail non entieư rement utiliseƴ e. On ne peut pas dire qu'une
journeƴ e de travail de huit heures repreƴ sente du choƸ mage parce qu'il n'est pas au-dessus
de la capaciteƴ humaine de travailler dix heures. Nous ne devons pas consideƴ rer non plus
comme choƸ mage involontaire le refus de travail d'une corporation ouvrieư re qui n'accepte
pas de travailler au-dessous d'une certaine reƴ muneƴ ration reƴ elle. De notre deƴ finition du
choƸ mage « involontaire »,il convient aussi d'exclure le choƸ mage « de frottement ». Cette
deƴ finition sera donc la suivante: Il existedeschômeursinvolontairessi,encasd'unelégère
hausse du prix des biens de consommation ouvrière par rapport aux salaires nominaux,
l'offreglobaledemainǦd'œuvredisposéeàtravaillerauxconditionscourantesdesalaireet
lademande globalede mainǦd'œuvre aux mêmesconditions s'établissenttoutes deuxauǦ
dessusduniveauantérieurdel'emploi.Une seconde deƴ finition, qui revient d'ailleurs au
meƸ me, sera donneƴ e au Chapitre suivant (p. 48).

De cette deƴ finition, Il reƴ sulte que l'eƴ galiteƴ du salaire reƴ el et de la deƴ sutiliteƴ marginale de
l'emploi, que preƴ suppose le second postulat, correspond lorsqu'elle est interpreƴ teƴ e dans
le monde reƴ el aư l'absence de choƸ mage « involontaire ». C'est cet eƴ tat des affaires, lequel
n'exclut ni le choƸ mage « de frottement » ni le choƸ mage « volontaire » que nous appellerons

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le «plein emploi ». Ceci s'accorde, comme nous le verrons, avec les autres caracteƴ ristiques
de la theƴ orie classique, qui devrait logiquement eƸ tre consideƴ reƴ e comme une theƴ orie de la
distribution des richesses en situation de plein emploi. Aussi longtemps que les postulats
classiques restent vrais, le choƸ mage involontaire au sens preƴ ceƴ dent du mot ne peut
exister. Le choƸ mage apparent ne peut donc. eƸ tre que le reƴ sultat ou du deƴ bauchage
temporaire de la main-d'œuvre « aư reclasser » ou du caracteư re intermittent des besoins
de ressources treư s speƴ cialiseƴ es ou de l'effet sur l'emploi de la main-d’œuvre libre d'un «
interdit » prononceƴ par un syndicat. Les eƴ crivains de tradition classique, ayant meƴ connu
l'hypotheư se speƴ ciale qui se trouvait aư la base de leur theƴ orie, ont ainsi eƴ teƴ ameneƴ s aư la
conclusion ineƴ vitable et parfaitement logique dans cette hypotheư se que le choƸ mage
apparent (sous reƴ serve des exceptions admises) ne peut eƸ tre duƸ en deƴ finitive qu'au refus
des facteurs inemployeƴ s d'accepter une reƴ muneƴ ration en rapport avec leur productiviteƴ
marginale. Un eƴ conomiste classique peut consideƴ rer avec sympathie le refus de la main-
d’œuvre d'accepter une amputation du salaire nominal, il peut admettre qu'il soit sage de
ne pas l'obliger aư s'adapter aư des conditions qui ont un caracteư re temporaire, mais la
probiteƴ scientifique l'oblige aư deƴ clarer que ce refus n'en est pas moins la cause profonde
du mal.

Cependant, si la theƴ orie classique n'est applicable qu'au cas du plein-emploi , il est
eƴ videmment trompeur de l'appliquer aux probleư mes du choƸ mage involontaire, aư sup-
poser qu'une pareille chose existe (et qui le niera ?). Les theƴ oriciens de l'eƴ cole classique
ressemblent aư des geƴ omeư tres Euclidiens qui, se trouvant dans un monde non Euclidien et
constatant qu'en fait les lignes droites qui semblent paralleư les se coupent freƴ quemment,
reprocheraient aux lignes leur manque de rectitude, sans voir aucun autre remeư de aux
malencontreuses intersections qui se produisent. En veƴ riteƴ il n'y a pas d'autre remeư de que
de rejeter le postulatum d'Euclide et de mettre sur pied une geƴ omeƴ trie non Euclidienne.
Une opeƴ ration de ce genre est aujourd'hui neƴ cessaire dans le domaine de la science
eƴ conomique. Il est indispensable qu'on se deƴ barrasse du second postulat de la doctrine
classique et que l'on construise un systeư me eƴ conomique ouư le choƸ mage involontaire au
sens strict du mot soit possible.

V

Si nous insistons sur le point qui nous seƴ pare de la doctrine classique, nous ne devons pas
pour autant meƴ connaÇƸtre, un point important qui nous reste commun. Car nous
conservons le premier postulat comme par le passeƴ , sous le beƴ neƴ fice des meƸ mes
restrictions que la theƴ orie classique ; et il convient de s'arreƸ ter un moment pour en
examiner la porteƴ e. Ce postulat signifie que, dans un eƴ tat donneƴ de l'organisation, de
l'eƴ quipement, et de la technique, les niveaux dit salaire reƴ el et les volumes de la pro-
duction (c'est-aư -dire de l'emploi) sont lieƴ s un aư un, de telle sorte qu'un accroissement de
l'emploi ne peut, en geƴ neƴ ral, se produire sans qu'il y ait en meƸ me temps une diminution
des salaires reƴ els. Nous ne contestons pas cette loi primordiale, qu'aư juste titre les
eƴ conomistes classiques ont deƴ clareƴ e inattaquable. Dans un eƴ tat donneƴ de l'organisation,
de l'eƴ quipement et de la technique, aư chaque niveau du salaire reƴ el gagneƴ par une uniteƴ de
travail correspond, par une relation inverse, un seul volume de l'emploi. Par conseƴ quent,
si l'emploi augmente, il faut en reư gle geƴ neƴ rale que dans la courte peƴ riode la reƴ muneƴ ration
de l'uniteƴ de travail, exprimeƴ e en biens de consommation ouvrieư re, diminue et que les
profits augmentent.

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Ceci n'est que le revers d'une proposition familieư re : pendant la courte peƴ riode ouư
l'eƴ quipement, la technique, etc. sont censeƴ s rester constants, l'industrie travaille nor-
malement avec des rendements deƴ croissants; par suite le volume marginal de la pro-
duction dans les industries produisant les biens de consommation ouvrieư re (lequel
gouverne les salaires reƴ els) est obligeƴ de diminuer aư mesure que l'emploi augmente. Aussi
longtemps que cette proposition restera vraie, toutemesure propre aư augmenter l'emploi
ameư nera ineƴ vitablement une baisse paralleư le de la production marginale et partant du
taux des salaires mesureƴ s au moyen de cette production.

Mais, si on eƴ carte le second postulat, un deƴ clin de l'emploi , encore qu'inseƴ parable du fait
que le travail reçoit un salaire eƴ quivalant aư une quantiteƴ plus grande de biens de
consommation ouvrieư re, n'est plus une conseƴ quence neƴ cessaire du fait que le travail
demandeune quantiteƴ plus grande de ces biens ; et l'acceptation par la main- d'œuvre de
salaires nominaux plus faibles n'est plus une condition neƴ cessaire de la diminution du
choƸ mage. Toutefois la Theƴ orie du Salaire dans son rapport avec l'Emploi, que nous
sommes en train d'anticiper, ne pourra eƸ tre compleư tement eƴ lucideƴ e avant que nous ayons
atteint le Chapitre XIX et son Appendice.

Document2
Liêm Hoang Ngoc, Les théories économiques, petit manuel hétérodoxe, La
dispute, 2011, p. 84-95.

Chapitre5:Keynesàlarecherched’unethéoriegénérale
(…)

1.Lechômageestinvolontaire

Le cœur du raisonnement de Keynes consiste à introduire l’hypothèse
d’incertitude au sein du modèle néoclassique, dont il retient par ailleurs l’essentiel des
hypothèses. Il utilise la même fonction de production, avec fixité à court terme du stock
de capital, et productivité marginale du travail décroissante. Sous cette hypothèse, toute
augmentation de l’emploi se traduit par une baisse des salaires, dès lors que les
entreprises rémunèrent leurs salariés à la productivité marginale. Keynes admet
précisément cette hypothèse pour relever le paradoxe qu’il entend démêler : pourquoi,
si l’on admet l’existence d’une relation inverse entre l’emploi et les salaires, les
travailleurs qui acceptent une baisse de leur salaire ne trouvent-ils pas d’emploi ? C’est
justement en soulevant ce paradoxe que Keynes construit sa définition du chômage
involontaire.Lechômageestinvolontairelorsqu’ilexistedestravailleurssouhaitantoffrir
leurtravailauxconditionsdumarché,maisquinetrouventpasd’entreprisesayantintérêt
àlesembaucher.
L’explication de ce paradoxe est l’objet de la Théorie Générale. Le cœur de
l’analyse proposée par Keynes tourne autour des déterminants de la demande effective.
Si les capacités de production sont sous-utilisées, malgré l’existence d’un chômage
involontaire, c’est que la demande effective est insuffisante. Si l’on s’en tient à un
raisonnement en économie fermée, les composantes de la demande effective sont la
consommation (C) et l’investissement (I). Les modèles ultérieurs incluront dans la
demande effective la dépense publique (G) et, en économie ouverte, le solde du
commerce extérieur, donné par la différence entre les exportations (X) et les

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importations (M). Keynes s’en tient, dans la Théorie Générale, aux déterminants de
l’investissement et de la consommation. Il insiste en particulier sur la panne
d’investissement que subissent les économies développées dans les années trente. Ce
sous-investissement se répercute sur la consommation, dans la mesure où les
entreprises qui n’investissent pas n’augmentent pas, voire réduisent, leur masse
salariale.

2.Lesmarchésfinancierssontinefficients

Dans la théorie néoclassique, l’investissement est conditionné par l’accumulation


d’une épargne préalable. Or Keynes observe que l’épargne des classes riches (les seules
qui soient en mesure d’épargner), n’a aucunement relancé l’investissement. Elle a, au
cours de la crise de 1929, alimenté la spéculation et les placements financiers
aventureux (les Call Loans, actions que l’on pouvait acquérir à crédit), sans que les
marchés financiers ne draine l’épargne vers l’investissement. Plus généralement,
lorsque prévaut l’incertitude, Keynes montre que l’augmentation de l’épargne n’aboutit
pas nécessairement à une baisse des taux d’intérêt, contrairement à ce que prédit la
description classique d’un marché de fonds prêtable, où le taux d’intérêt est le prix
d’équilibre entre l’offre et la demande de capital. Ceci est dû au comportement
nécessairement spéculatif des agents économiques en incertitude radicale. Face à
l’inconnu, l’évaluation du risque est impossible. Les épargnants ne connaissent pas le
prix d’équilibre et adoptent des «comportementsmoutonniers»,imitant la décision de
leurs homologues, eux-mêmes sujets à la rumeur. Ils adoptent des « conventions », selon
la théorie du même nom1, conformes à l’opinion dominante du moment, mais totalement
subjectives. Keynes compare ainsi le marché financier à un concours de beauté. Le
critère de beauté du moment, ou la convention qui prévaut, est alors susceptible de sous-
évaluer ou surévaluer les risques associés à la détention de certains titres. Ce fut le cas
lors de la crise des subprimes en 2007-2008, où les agences de notation avaient sous-
évalué les risques associés à la détention de produits dérivés de crédits hypothécaires
dont les banques du monde entier avaient fait l’acquisition, estimant, selon la rumeur du
moment, qu’ils étaient sûrs car notés AAA. C’est encore le cas si les marchés surévaluent
les risques liés à la détention d’emprunts d’Etat en dégradant leur note ou en exigeant
des taux d’intérêt excessifs.
Si l’incertitude sur les marchés financiers est forte (et les perspectives de
valorisation de titres risquées), les agents peuvent alors être tentés de conserver leur
patrimoine sous la forme la plus liquide en revendant leurs titres. Keynes dit qu’ils ont
une plus forte préférence pour la liquidité. Il introduit dans l’équation de demande de
monnaie le motif de spéculation, à côté du motif de transaction (le seul pris en compte
dans l’équation quantitative de Fischer), pour signifier que les agents peuvent, face à
l’incertitude, accroître leur demande de monnaie pour attendre que les perspectives de
valorisation de leurs titres s’améliorent. Dans ce cas, malgré la présence d’une forte
épargne, les spéculateurs exigent une prime de risque élevée qui provoque une montée
du taux des obligations jugées les plus risquées. Ce phénomène concerne tout aussi bien
les titres privés que les obligations d’Etat. Ainsi, les politiques orthodoxes de stimulation
de l’épargne peuvent provoquer l’effet inverse à leurs objectifs. Loin d’abaisser le coût


1 RevueEconomique, « L’économie des conventions », mars, 1989. A propos du fonctionnement des marchés
financiers, voir André Orléan, L’impossible évaluation du risque, Centre Cournot pour a Recherche en
Economie, Prisme n° 18, avril 2010.

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