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Virginie GIRO, académie de Grenoble.

Introduction à l’analyse de l’image


Martine JOLY (coll. 128, Nathan, 1993)

L’image communique et transmet des messages. Les « nouvelles » images / images


virtuelles proposent des mondes illusoires.

QU’EST-CE QU’UNE IMAGE ?

Une peinture pariétale = gravée ou peinte sur les parois et les voûtes des grottes
préhistoriques.

Définition de l’image, Platon : « J’appelle images d’abord les ombres ensuite les reflets
qu’on voit dans les eaux, ou à la surface des corps opaques… » = miroir, représentation,
image comme objet second par rapport à un autre. « Dieu créa l’homme à son image » :
ressemblance.
Image médiatique : télévision (un médium), publicité (un contenu) visuelle. Image fixe /
mobile.
1ers moyens de la communications humaines : les dessins/figures sur les rochers « les
avant-courriers de l’écriture », pétrogrammes si dessinés ou peints, pétroglyphes si
gravés ou taillés.
Iconophile ≠ iconoclaste : membre d’une secte religieuse du VIIIème qui proscrivait le
culte des images ; qui est sans respect pour les traditions, qui cherche à détruire tout
ce qui se rattache au passé. Iconoclasme byzantin.
Renaissance : séparation de la représentation religieuse et de la représentation
profane à l’origine de l’apparition des genres picturaux.
Imago en latin = masque mortuaire porté aux funérailles dans l’Antiquité romaine ; c’est
aussi le fantôme.
Image à l’origine de l’écriture, des religions, de l’art, du culte des morts.
Platon : l’image imitatrice, elle trompe, détourne de la vérité, séduit les parties les
plus faibles de notre âme ≠ l’image « naturelle ».
Aristote : l’image éduque, conduit à la connaissance, est efficace par le plaisir même
qu’on y prend.
Les « nouvelles images » : images de synthèse, des logiciels servent à créer des univers
virtuels, des mondes simulés, imaginaires, illusoires ; à truquer n’importe quelle image
apparemment « réelle ». Toute image est désormais manipulable et peut perturber la
distinction entre « réel » et virtuel. La « truca numérique » est un ordinateur qui permet
des effets spéciaux repérables et d’autres imperceptibles. Le morphing, qui consiste à
opérer des transformations numériques sur des images « réelles » scannérisées, permet
des manipulations illimitées des images (fiction, pub, clip, information).
Séméion en grec signifie « signe », la « sémiologie » discipline médicale dès l’Antiquité
= étudier l’interprétation des signes, des symptômes des différentes maladies. Les
Anciens considéraient aussi le langage comme une catégorie de signes ou de symboles
servant aux hommes à communiquer entre eux. Le concept de signe est donc très ancien
et désigne déjà quelque chose que l’on perçoit (couleurs, chaleur, formes, sons) et à quoi
on donne une signification. La sémiotique en sciences humaines est apparue au début du

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XXème siècle : sémiotique = d’origine américaine, terme canonique qui signifie la


philosophie des langages. Sémiologie = d’origine européenne, étude de langages
particuliers (image, gestuelle, théâtre…).

Ferdinand de Saussure (1857-1913) : signe, diagramme = Sé (le concept) / St (les sons)


modèle linguistique pour comprendre ce qu’est une image, ce qu’elle dit et comment elle
le dit.

Charles Sanders Peirce (1839-1914) : théorie générale des signes, triangulation =


« representamen » la face perceptible du signe ou signifiant ; « objet » ce qu’il
représente ou référent ; « interprétant » ce qu’il signifie ou signifié.

Signifié
Interprétant

Representamen Objet
Signifiant Référent

Une photographie (signifiant) représentant un joyeux groupe de personnes (référent)


peut signifier selon le contexte, « photo de famille » ou dans une publicité « joie » ou
« convivialité » (signifiés). Trois grands types de signes : l’icone, l’indice, le symbole.
Une icône : image du Christ, de la Vierge et des saints dans les Eglises d’Orient de
tradition byzantine, Eglises orthodoxes. L’icône byzantine était considérée par les
iconophiles comme un outil d’intercession vers Dieu par l’intermédiaire de la beauté, mais
par les iconoclastes comme un double blasphématoire.

Une icone : relation d’analogie entre le signifiant et son référent ; iconicité du


« cocorico » dans la langue, du diagramme et de la métaphore (une photo représentant
un arbre ressemblant à un arbre, son enregistré du galop d’un cheval, grain du skaï
imitant le cuir au toucher).
L’image rassemble les icones qui entretiennent une relation d’analogie qualitative entre le signifiant et le
référent (formes, couleurs, proportions).
Le diagramme utilise une analogie relationnelle interne à l’objet (l’organigramme d’une société, le plan d’un
moteur).
La métaphore serait une icone qui travaillerait à partir d’un parallélisme qualitatif.
→ image visuelle, diagramme, métaphore sont des signes iconiques.

L’index ou indice : relation causale de contiguïté physique entre le signe et ce qu’il


représente (la pâleur pour la fatigue, la fumée pour le feu, la trace laissée par le
marcheur sur le sable ou par le pneu d’une voiture dans la boue).

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Le symbole : relation de convention entre le signe et son référent (les drapeaux pour
les pays, la colombe pour la paix).

L’image est hétérogène, elle rassemble et coordonne différentes catégories de signes :


des images (signes iconiques, analogiques), des signes plastiques (couleurs, formes,
composition interne, texture), des signes linguistiques → c’est leur interaction, leur
relation qui produit du sens.
Images fabriquées (icones) ≠ images enregistrées (ce sont des traces, des indices) :
c’est l’opacité qui donne alors à l’image la force de la chose même et provoque l’oubli de
son caractère représentatif, cet oubli provoque la confusion entre image et chose.

Dimension iconique, indicielle, symbolique de l’image (Peirce)

imite image
ressemblance icones relationnelle,
diagramme
qualitatif, métaphore
signes contiguïté indices
physique

arbitraire symboles

L’ANALYSE DE L’IMAGE : ENJEUX ET MÉTHODE

La lecture de l’image n’est pas universelle. Ne pas confondre perception et


interprétation. Reconnaître des motifs dans les messages visuels et les interpréter sont
deux opérations mentales complémentaires. Ce que l’auteur a voulu dire, personne n’en
sait rien ; l’auteur lui-même ne maîtrise pas tout de la signification du message qu’il
produit. Interpréter un message, l’analyser, ne consiste certainement pas à essayer de
retrouver au plus près un message préexistant, mais à comprendre ce que ce message-là,
dans ces circonstances-là, provoque de significations ici et maintenant, tout en essayant
d’y démêler ce qui est personnel de ce qui est collectif. Etudier les circonstances
historiques de la création d’une œuvre pour la mieux comprendre peut être nécessaire,
mais n’a rien à voir avec la découverte des « intentions » de l’auteur. Ne pas considérer
que le domaine de l’art relève plus de l’expression que de la communication.
L’image est un langage, un langage spécifique et hétérogène ; à ce titre, elle se
distingue du monde réel, et elle en propose, au moyen de signes particuliers, une
représentation choisie et nécessairement orientée.
Approche sémiotique de la communication publicitaire. Dès l’apparition de la
« sémiologie de l’image », de grands théoriciens se sont distingués au sein d’agences de
publicité : Jacques Durand, Georges Péninou (chercheurs chez Publicis).
Une bonne analyse se définit par ses objectifs, définir l’objectif d’une analyse est
indispensable pour mettre en place ses outils.

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Roland Barthes, « Rhétorique de l’image » : le concept d’italianité pour les pâtes


Panzani est produit par différents types de signifiants (linguistiques, iconiques,
plastiques). Méthode : partir des signifiés pour trouver des signifiants, et donc les
signes, qui composent l’image. L’image est composée de différents types de signes
(linguistique, iconique, plastique) qui concourent ensemble à construire une signification
globale et implicite.
Le principe de la permutation permet d’interpréter les couleurs, les formes, les motifs,
pour ce qu’ils sont mais surtout pour ce qu’ils ne sont pas : cette méthode ajoute à
l’analyse simple des éléments présents celle du choix de ces éléments parmi d’autres.
Considérer l’image comme un message visuel composé de différents types de signes
revient à la considérer comme un langage et donc comme un outil d’expression et de
communication. Qu’elle soit expressive ou communicative, une image constitue toujours
un message pour autrui, même lorsque cet autrui est soi-même. Pour comprendre au
mieux un message visuel, il faut donc chercher pour qui il a été produit.

Image et communication : schéma de Roman Jakobson

CONTEXTE

DESTINATEUR MESSAGE DESTINATAIRE

CONTACT

CODE

Les fonctions du langage


DÉNOTATIVE
ou COGNITIVE
ou RÉFÉRENTIELLE

EXPRESSIVE ou ÉMOTIVE POÉTIQUE CONATIVE

PHATIQUE

MÉTALINGUISTIQUE

Le rappel des fonctions du langage insiste sur le fait que la fonction communicative d’un
message visuel, explicite ou implicite, détermine fortement sa signification.
La fonction informative (ou référentielle), souvent dominante dans l’image, peut aussi
s’amplifier en une fonction épistémique, lui donnant alors la dimension d’outil de
connaissance. Faire une image, c’est d’abord regarder, choisir, apprendre.
Prendre en compte au moment de l’interprétation analytique, les différents moments
de la vie de l’œuvre : celui de sa production, celui qui l’a précédée et celui de sa
réception (exemple le tableau Usine à Horta de Ebro de Picasso, peint en 1909).

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IMAGE PROTOTYPE

L’image de publicité = prototype de l’image médiatique.


L’image prototype désigne traditionnellement l’empreinte du visage du Christ sur le
voile de Véronique ; cette image prototype-là reste le modèle de l’image-trace, non faite
de la main de l’homme.
L’image publicitaire choisie très tôt comme terrain d’étude pour la sémiologie de
l’image, alors naissante (cf. Roland Barthes : « Si l’image contient des signes, on est
certain qu’en publicité ces signes sont pleins, formés en vue de la meilleure lecture :
l’image publicitaire est franche ou du moins emphatique »).
L’image pure = tout ce qui dans l’annonce n’est pas linguistique. Message visuel =
l’annonce dans son ensemble.
Jakobson a montré que les troubles du langage affectent soit l’axe syntagmatique, soit
l’axe paradigmatique du langage. Il a démontré que « la métaphore devient impossible
dans les troubles de similarité et la métonymie dans les troubles de la contiguïté ».
Dans les années 1960, Barthes entend le terme de rhétorique sous deux acceptions :
mode de persuasion et d’argumentation ; figures. Il reconnaît à l’image la spécificité de
la connotation : une rhétorique de la connotation = la faculté de provoquer une
signification seconde à partir d’une signification première, d’un signe plein.

Signifiant Signifié
Signifiant Signifié

D’où le concept de Barthes de lecture « symbolique » de l’image ; pour lui ce processus


de connotation est constitutif de toute image : il n’existe pas d’image « adamique ». Que
le moteur de cette lecture seconde, ou interprétation, soit l’idéologie, pour une société
donnée et une histoire donnée, n’enlève rien au fait que, pour Barthes, une image veut
toujours dire autre chose que ce qu’elle représente au premier degré, au niveau de la
dénotation. Toute forme d’expression et de communication est connotative. Ce que cette
rhétorique de la connotation révèle, ce n’est pas tant la qualité d’ image du message
visuel que sa qualité de signe. La connotation est constitutive de la signification par
l’image. Les images ne sont pas les choses qu’elles représentent, mais elles s’en servent
pour parler d’autre chose.
Analyse d’une publicité pour les vêtements Marlboro Classics : la distinction théorique
entre signes plastiques et signes iconiques remonte aux années 1980, lorsque le groupe
Mu a réussi à démontrer que les éléments plastiques des images : couleurs, formes,
composition, texture, étaient des signes pleins et à part entière et non la simple matière
d’expression des signes iconiques (figuratifs).

1. Le message plastique :
• le support,
• le cadre (= la limite de la représentation visuelle),
• le cadrage (= la taille de l’image, distance entre le sujet photographié et l’objectif),
• l’angle de prise de vue (plongée, contre-plongée, à hauteur d’homme et de face,
oblique) et choix de l’objectif (grande profondeur de champ), la notion de profondeur

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de champ est liée à une représentation de l’espace qui donne l’illusion de la troisième
dimension alors qu’on a affaire à une image plate en deux dimensions.
• la composition, mise en page, (Paul Klee « L’œil suit les chemins qui lui ont été
ménagés dans l’œuvre » ≠ lecture « globale » de l’image ; quatre configurations dans
l’image publicitaire : la construction focalisée, les lignes de force convergent vers un
point de l’annonce ; la construction axiale qui place le produit dans l’axe du regard ; la
construction en profondeur où le produit est au 1er plan ; la construction séquentielle
est celle en Z qui commence en haut à gauche et finit en bas à droite sur la
représentation du produit),
• les formes (interprétation anthropologique et culturelle),
• les couleurs et l’éclairage : ont sur le spectateur un effet psycho-physiologique parce
que « perçus optiquement et vécus psychiquement » (Kandinsky) ils mettent le
spectateur dans un état qui ressemble à celui de son expérience première et
fondatrice des couleurs et de la lumière,
• la texture (grain {tactile} ou lisse {visuel}, glacée),

2. Le message iconique :
• les motifs,
• la pose du modèle, scénographie,
=> l’interprétation des motifs se joue par l’intermédiaire du processus de la connotation.

3. Le message linguistique :
Il canalise la polysémie de l’image. Pour Roland Barthes, le texte a par rapport à l’image
soit une fonction d’ancrage (légende), soit une fonction de relais (indications précises de
lieu, temps, durée, pensées / paroles des personnages).
La différence de contenu des messages linguistiques est marquée par la typographie, la
couleur, la disposition dans la page.
Le contenu linguistique.

La signification globale d’un message visuel est construite par l’interaction de


différents types de signes (plastiques, iconiques, linguistiques), leur interprétation joue
sur le savoir culturel et socioculturel du spectateur, dans l’esprit duquel tout un travail
d’associations mentales est sollicité.
Dans la publicité analysée, les concepts fondateurs sont les signifiés des signes
plastiques ; ces concepts sont soutenus par des figures de rhétorique (visuelle ou
verbale). La rhétorique cherche ici « à plaire et à toucher » dans la pure tradition
classique : la fonction du message publicitaire est conative, centrée sur le destinataire.

L’IMAGE, LES MOTS

Jean-Luc Godard : « Mot et image, c’est comme chaise et table : si vous voulez vous
mettre à table, vous avez besoin des deux. »
Dans notre civilisation de l’image, l’image n’exclut pas le langage verbal (cf. titres,
commentaires, légendes, bulles, didascalies, slogans…).

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