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L E P I È G E D E B A N G K O K

*N° 1 S.A.S. A ISTANBULN° 2 S.A.S. CONTRE C.I.A.*N° 3 S.A.S. OPÉRATION APOCALYPSEN° 4 SAMBA POUR
S.A.S.*N° 5 S.A.S. RENDEZ-VOUS A SAN FRANCISCO*N° 6 S.A.S. DOSSIER KENNEDYN° 7 S.A.S. BROIE DU NOIR*N°
8 S.A.S. AUX CARAÏBES*N° 9 S.A.S. A L’OUEST DE JÉRUSALEM*N° 10 S.A.S. L’OR DE LA RIVIÈRE KWAÏ*N° 11
S.A.S. MAGIE NOIRE A NEW YORKN° 12 S.A.S. LES TR OIS VEUVES DE HONG KONG*N° 13 S.A.S. L’ABOMINABLE
SIRÈNEN° 14 S.A.S. LES PENDUS DE BAGDADN° 15 S.A.S. LA PANTHÈRE D’HOLLYWOODN° 16 S.A.S. ESCALE A
PAGO-PAGON° 17 S.A.S. AMOK A BALIN° 18 S.A.S. QUE VIVA GUEVARAN° 19 S.A.S. CYCLONE A L’ONUN° 20 S.A.S.
MISSION A SAIGONN° 21 S.A.S. LE BAL DE LA COMTESSE ADLERN° 22 S.A.S. LES PARIAS DE CEYLANN° 23 S.A.S.
MASSACRE A AMMANN° 24 S.A.S. REQUIEM POUR TONTONS MACOUTESN° 25 S.A.S. L’HOMME DE KABULN° 26
S.A.S. MORT A BEYROUTHN° 27 S.A.S. SAFARI A LA PAZN° 28 S.A.S. L’HÉROÏNE DE VIENTIANEN° 29 S.A.S.
BERLIN CHECK POINT CHARLIEN° 30 S.A.S. MOURIR POUR ZANZIBARN° 31 S.A.S. L’ANGE DE MONTEVIDEO*N°
32 S.A.S. MURDER INC. LAS VEGASN° 33 S.A.S, RENDEZ-VOUS A BORIS GLEBN° 34 S.A.S. KILL HENRY
KISSINGER!N° 35 S.A.S. ROULETTE CAMBODGIENNEN° 36 S.A.S. FURIE A BELFASTN° 37 S.A.S. GUÊPIER EN
ANGOLAN° 38 S.A.S. LES OTAGES DE TOKYON° 39 S.A.S. L’ORDRE RÈGNE A SANTIAGON° 40 S.A.S. LES
SORCIERS DU TAGEN° 41 S.A.S. EMBARGON° 42 S.A.S. LE DISPARU DE SINGAPOURN° 43 S.A.S. COMPTE A
REBOURS EN RHODÉSIEN° 44 S.A.S. MEURTRE A ATHÈNESN° 45 S.A.S. LE TRÉSOR DU NÉGUSN° 46 S.A.S.
PROTECTION POUR TEDDY BEARN° 47 S.A.S. MISSION IMPOSSIBLE EN SOMALIEN° 48 S.A.S. MARATHON A
SPANISH HARLEM*N° 49 S.A.S. NAUFRAGE AUX SEYCHELLESN° 50 S.A.S. LE PRINTEMPS DE VARSOVIEN° 51
S.A.S. LE GARDIEN D’ISRAËLN° 52 S.A.S. PANIQUE AU ZAÏREN° 53 S.A.S. CROISADE A MANAGUAN° 54 S.A.S.
VOIR MALTE ET MOURIRN° 55 S.A.S. SHANGHAÏ EXPRESS*N° 56 S.A.S. OPÉRATION MATADORN° 57 S.A.S. DUEL
A BARRANQUILLAN° 58 S.A.S. PIÈGE A BUDAPESTN° 59 S.A.S. CARNAGE A ABU DHABIN° 60 S.A.S. TERREUR AU
SAN SALVADOR*N° 61 S.A.S. LE COMPLOT DU CAIREN° 62 S.A.S. VENGEANCE ROMAINEN° 63 S.A.S. DES ARMES
POUR KHARTOUMN° 64 S.A.S. TORNADE SUR MANILLE*N° 65 S.A.S. LE FUGITIF DE HAMBOURG*N° 66 S.A.S.
OBJECTIF REAGANN° 67 S.A.S. ROUGE GRENADE*N° 68 S.A.S. COMMANDO SUR TUNISN° 69 S.A.S. LE TUEUR DE
MIAMI*N° 70 S.A.S. LA FILIÈRE BULGARE*N° 71 S.A.S. AVENTURE AU SURINAM*N° 72 S.A.S. EMBUSCADE A LA
KHYBER PASS*N° 73 S.A.S. LE VOL 007 NE RÉPOND PLUSN° 74 S.A.S. LES FOUS DE BAALBEKN° 75 S.A.S. LES
ENRAGÉS D’AMSTERDAMN° 76 S.A.S. PUTSCH A OUAGADOUGOUN° 77 S.A.S. LA BLONDE DE PRÉTORIA
DU MÊME AUTEUR
(* titres épuisés)

N° 78 S.A.S. LA VEUVE DE L’AYATOLLAHN° 79 S.A.S. CHASSE A L’HOMME AU PÉROUN° 80 S.A.S. L’AFFAIRE


KIRSANOVN° 81 S.A.S. MORT A GANDHIN° 82 S.A.S. DANSE MACABRE A BELGRADE*N° 83 S.A.S. COUP D’ÉTAT
AU YEMEN*N° 84 S.A.S. LE PLAN NASSER*N° 85 S.A.S. EMBROUILLES A PANAMAN° 86 S.A.S. LA MADONE DE
STOCKHOLMN° 87 S.A.S. L’OTAGE D’OMANN° 88 S.A.S. ESCALE A GIBRALTARN° 89 S.A.S. AVENTURE EN
SIERRA LEONEN° 90 S.A.S. LA TAUPE DE LANGLEYN° 91 S.A.S. LES AMAZONES DE PYONGYANGN° 92 S.A.S. LES
TUEURS DE BRUXELLESN° 93 S.A.S. VISA POUR CUBA*N° 94 S.A.S. ARNAQUE A BRUNEI*N° 95 S.A.S. LOI
MARTIALE A KABOUL*N° 96 S.A.S. L’INCONNU DE LENINGRADN° 97 S.A.S. CAUCHEMAR EN COLOMBIEN° 98
S.A.S. CROISADE EN BIRMANIEN° 99 S.A.S. MISSION A MOSCOUN° 100 S.A.S. LES CANONS DE BAGDAD*N° 101
S.A.S. LA PISTE DE BRAZZAVILLE*N° 102 S.A.S. LA SOLUTION ROUGEN°103S.A.S.LAVENGEANCEDE
SADDAMHUSSEINN° 104 S.A.S. MANIP A ZAGREBN° 105 S.A.S. KGB CONTRE KGBN° 106 S.A.S. LE DISPARU DES
CANARIES*N° 107 S.A.S. ALERTE AU PLUTONIUMN° 108 S.A.S. COUP D’ÉTAT A TRIPOLIN° 109 S.A.S. MISSION
SARAJEVON° 110 S.A.S. TUEZ RIGOBERTA MENCHUN° 111 S.A.S. AU NOM D’ALLAH*N° 112 S.A.S. VENGEANCE A
BEYROUTH*N° 113 S.A.S. LES TROMPETTES DE JÉRICHON° 114 S.A.S. L’OR DE MOSCOUN° 115 S.A.S. LES CROISÉS
DE L’APARTHEIDN° 116 S.A.S. LA TRAQUE CARLOSN° 117 S.A.S. TUERIE A MARRAKECH*N° 118 S.A.S. L’OTAGE
DU TRIANGLE D’ORN° 119 S.A.S. LE CARTEL DE SÉBASTOPOLN°120S.A.S.RAMENEZ-MOILATÊTED’ELCOYOTE*N° 121
S.A.S. LA RÉSOLUTION 687N° 122 S.A.S. OPÉRATION LUCIFERN° 123 S.A.S. VENGEANCE TCHÉTCHÈNEN° 124
S.A.S. TU TUERAS TON PROCHAINN° 125 S.A.S. VENGEZ LE VOL 800*N°126S.A.S.UNELETTREPOURLAMAISON-BLANCHEN° 127 S.A.S.
HONG KONG EXPRESSN° 128 S.A.S. ZAÏRE ADIEU
AUXÉDITIONSGÉRARDDEVILLIERS
N° 129 S.A.S. LA MANIPULATION YGGDRASIL*N° 130 S.A.S. MORTELLE JAMAÏQUEN° 131 S.A.S. LA PESTE NOIRE
DE BAGDAD*N° 132 S.A.S. L’ESPION DU VATICANN° 133 S.A.S. ALBANIE MISSION IMPOSSIBLE*N° 134 S.A.S. LA
SOURCE YAHALOMN° 135 S.A.S. CONTRE P.K.K.N° 136 S.A.S. BOMBES SUR BELGRADEN° 137 S.A.S. LA PISTE DU
KREMlINN° 138 S.A.S. L’AMOUR FOU DU COLONEL CHANG*N° 139 S.A.S. DJIHAD*N° 140 S.A.S. ENQUÊTE SUR UN
GÉNOCIDE*N° 141 S.A.S. L’OTAGE DE JOLON° 142 S.A.S. TUEZ LE PAPE*N° 143 S.A.S. ARMAGEDDONN° 144 S.A.S.
LI SHA-TIN DOIT MOURIR*N° 145 S.A.S. LE ROI FOU DU NÉPALN° 146 S.A.S. LE SABRE DE BIN LADEN*N° 147 S.A.S.
LA MANIP DU « KARIN A »N° 148 S.A.S. BIN LADEN: LA TRAQUEN° 149 S.A.S. LE PARRAIN DU « 17-NOVEMBRE
»N° 150 S.A.S. BAGDAD EXPRESS*N° 151 S.A.S. L’OR D’AL-QUAIDAN° 152 S.A.S. PACTE AVEC LE DIABLEN° 153
S.A.S. RAMENEZ-LES VIVANTSN° 154 S.A.S. LE RÉSEAU ISTANBUL*N° 155 S.A.S. LE JOUR DE LA TCHÉKA*N° 156
S.A.S. LA CONNEXION SAOUDIENNEN° 157 S.A.S. OTAGE EN IRAK*N° 158 S.A.S. TUEZ IOUCHTCHENKO*N° 159
S.A.S. MISSION : CUBA*N° 160 S.A.S. AURORE NOIRE*N° 161 S.A.S. LE PROGRAMME 111*N° 162 S.A.S. QUE LA
BÊTE MEURE*N° 163 S.A.S. LE TRÉSOR DE SADDAM Tome IN° 164 S.A.S. LE TRÉSOR DE SADDAM Tome IIN° 165
S.A.S. LE DOSSIER K.N° 166 S.A.S. ROUGE LIBANN° 167 POLONIUM 210N° 168 LE DÉFECTEUR DE
PYONGYANG Tome. IN° 169 LE DÉFECTEUR DE PYONGYANG Tome. IIN° 170 OTAGE DES
TALIBANN° 171 L’AGENDA KOSOVON° 172 RETOUR À SHANGRI-LAN° 173 S.A.S. AL QAIDA ATTAQUE
Tome IN° 174 S.A.S. AL QAIDA ATTAQUE Tome IIN° 175 TUEZ LE DALAÏ-LAMAN° 176 LE PRINTEMPS DE TBILISSIN°
177 PIRATESN° 178 LA BATAILLE DES S300 Tome IN° 179 LA BATAILLE DES S300 Tome II
COMPILATIONSDE5SAS
LA GUERRE FROIDE Tome 1 (20
󲂬
)*LA GUERRE FROIDE Tome 2 (20
󲂬
)LE CONFLIT ISRAËLO-PALESTINIEN (20
󲂬
)LA TERREUR ISLAMISTE (20
󲂬
)*GUERRE EN YOUGOSLAVIE (20
󲂬
)GUERRES TRIBALES EN AFRIQUE (20
󲂬
)L’ASIE EN FEU (20
󲂬
)LA GUERRE FROIDE Tome 3 (20
󲂬
)LES GUERRES SECRÈTES DE PÉKIN (20
󲂬
)RÉVOLUTIONNAIRES LATINOS (20
󲂬
)RUSSIE ET CIA (20
󲂬
)LA GUERRE FROIDE Tome 4 (20
󲂬
)TUMULTUEUSE AFRIQUE (20
󲂬
)LA GUERRE FROIDE Tome 5 (20
󲂬
)CONFLITS LATINOS (20
󲂬
)VIOLENCES AU MOYEN-ORIENT (20
󲂬
)

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GÉRARD DE VILLIERS
L E P I È G E D E B A N G K O K
Éditions Gérard de Villiers

COUVERTUREPhotographe : Thierry VASSEURArmurerie : Cybergunboutique.com140, av. Victor


Hugo75116 PARISMaquillage : Marion MAZOVêtements : Jean-Claude JITROIS
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et3° a),
d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privédu copiste et
non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyseset les courtes
citations dans un but d’exemple et d’illustration, «toute représentation oureproduction
intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayantsdroit ou ayants
cause est illicite» (art. L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que
ce soit, constituerait doncune contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du
Code de la propriétéintellectuelle.
© Éditions Gérard de Villiers, 2009.ISBN 978-2-84267-944-6

PROLOGUE
Du 23
e
étage de l’hôtel Sofitel de Silom road, ona v a i t u n e v u e m a g n i f i q u e s u r B a n g k o k .
P o u r t a n t , les trois hommes installés assez loin du bar ne sem-blaient guère s’y intéresser. Différents
documentsétaient étalés sur leur table, à côté des verres videse t l e u r c o n v e r s a t i o n ,
p r i n c i p a l e m e n t e n e s p a g n o l , semblait les absorber complètement. L’un des troishommes, massif,
blond roux, le visage barré d’unemoustache, se pencha vers ses deux interlocuteursa s s i s e n
f a c e d e l u i e t d i t , à v o i x b a s s e , e n e s p a - gnol : – Je suis désolé pour ce qui
est arrivé il y a deux jours.Les deux hommes approuvèrent d’un
hochementd e t ê t e , v i s i b l e m e n t r e c o n n a i s s a n t s d e c e
t t e remarque.L ’ u n d ’ e u x , q u i s ’ é t a i t p r é s e n t é s o u s l e n o m d e Manuel Sanchez, répondit
simplement : –
Muchas gracias
1
.Deux jours plus tôt, le 4 mars 2008, Raul Reyes,
1. Merci beaucoup.

un des dirigeants les plus anciens des FARCS


1
,a v a i t é t é t u é p a r l ’ a r m é e c o l o m b i e n n e , d a n s l e s jungles du sud-
ouest de la Colombie, vaste zonecontrôlée par la guerilla marxiste, où celle-ci culti-vait
intensivement la coca.L a c o n v e r s a t i o n r e p r i t . M a n u e l S a n c h e z e t s o n ami, Hugo Sinaloa,
avaient contacté Viktor Bout àMoscou, plusieurs mois auparavant, par téléphoneet par e-mail,
dans le but de lui demander s’il pou-v a i t l e u r p r o c u r e r d e s a r m e s . G r â c e à l a
v e n t e d e c o c a ï n e – l e s F A R C S é t a i e n t d e v e n u s u n d e s p l u s importants cartels de la drogue
en Colombie – cetteg u e r i l l a d i s p o s a i t d e s o m m e s c o n s i d é r a b l e s d i s s i - mulées dans
différents paradis fiscaux.O r , j u s q u ’ à 2 0 0 3 , d a t e à l a q u e l l e V i k t o r B o u t , ancien
officier soviétique reconverti dans la ventede matériel de guerre aux pays sous embargo, s’étaitretiré à Moscou, ce
dernier, surnommé par certains« t h e L o r d o f W a r »
2
, était connu pour ses innom-b r a b l e s t r a n s p o r t s d ’ a r m e s , d e d i a m a n t s ,
d’or etm ê m e d ’ h o m m e s , g r â c e à u n e v é r i t a b l e
f l o t t e aérienne d’avions cargos en leasing opérant à partird e s É m i r a t s A r a b e s U n i s .
T o u t l e m o n d e f a i s a i t appel à lui : les trafiquants de diamants du Libériaou de Sierra
Léone, les Taliban alors au pouvoir àK a b o u l , o u u n e g u e r i l l a a n t i -
m a r x i s t e c o m m e l’UNITA angolaise, pour acheter des armes.
L e s A m é r i c a i n s , e u x , à c o u r t d ’ a v i o n s d e t r a n s p o r t , l’avaient utilisé
pour acheminer du matériel en Irak
10
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Guerilla marxiste colombienne.2 . L e S e i g n e u r d e l a G u e r r e .

et en Afghanistan. Les Français, de leur côté,avaientchoisi, en 1994, une des compagnies de Viktor Boutp o u r t r a n s p o r t e r l e s
2 4 0 0 h o m m e s d e l ’ o p é r a t i o n « T u r q u o i s e » , d e F r a n c e a u R w a n d a . Bref, Viktor Bout, au
départ modeste lieutenantd e l ’ A r m é e R o u g e , r e n d u à l a v i e c i v i l e e n 1 9 8 9 , pour
cause de désintégration de l’Union Soviétique,avait monté, à vingt-quatre ans, un petit empire
det r a n s p o r t e t d e v e n t e s d ’ a r m e s , g r â c e a u x i n n o m - b r a b l e s s t o c k s d e m a t é r i e l
m i l i t a i r e o r p h e l i n s , e n R u s s i e , e n U k r a i n e , e n B i é l o - R u s s i e o u a u K a z a - khstan,
louant pour une bouchée de pain des appa-reils russes ou ukrainiens qui pourrissaient sur
destarmacs, un peu partout en Europe de l’Est.Son nom était dans tous les carnets de ceux qui,à
travers le monde, cherchaient des armes, à ache-ter ou à transporter.C’est la raison pour laquelle il
n’avait pas été sur-p r i s l o r s q u e l e s d e u x r e p r é s e n t a n t s d e s
F A R C S l’avaient contacté à Moscou, où il s’était retiré en2004, poursuivi par la vindicte de
certaines agencesonusiennes. Après deux contacts préliminaires auD a n e m a r k e t e n R o u m a n i e ,
rendez-vous avait étép r i s à B a n g k o k , d a n s l a c a p i t a l e t h a ï l a n d a i s e ,
l a T h a ï l a n d e a c c o r d a n t f a c i l e m e n t d e s v i s a s a u x citoye
ns russes.Viktor Bout était arrivé de Moscou à huit heuresdu matin, le 6 mars 2008, et s’était installé
dans unechambre du dix-huitième étage du Sofitel. Le tempsd e p r e n d r e u n e d o u c h e e t
d e s e r e p o s e r , i l é t a i t monté au vingt-troisième étage, vers une heure del ’ a p r è s -
midi, pour y retrouver ses deux «clients».
LE PIÈGE DE BANGKOK
11

Avec le ferme espoir de leur vendre un vieil Ilyou-c h y n e 7 8 q u i l u i é t a i t r e s t é s u r


l e s b r a s , s u i t e à l a cessation de ses activités. S’ils voulaient des armes,il fallait bien les
transporter.Ils étaient arrivés maintenant à la fin de leur dis-cussion exploratoire. Viktor Bout
avait devant luiune feuille de papier sur laquelle il avait griffonnél a « s h o p p i n g l i s t »
d e s e s a c h e t e u r s : 7 0 0 o u 8 0 0 missiles sol-air Igla destinés, selon eux, à
abattrel e s h é l i c o p t è r e s « B l a c k h a w k » e t
« A p a c h e » d e l’armée colombienne, dix millions de cartouches decalibre 7,62, des mines anti-
personnel et des explo-s i f s , d e p r é f é r e n c e d u C . 4 , d e s
é q u i p e m e n t s d e vision nocturne, des ULM et des drones destinés àê t r e é q u i p é s d e
m i s s i l e s . L e m e e t i n g a l l a i t s e t e r - miner. Aucun argent n’avait changé de main,
maisV i k t o r B o u t a v a i t p r o m i s d e s e p e n c h e r s u r l e u r commande dès son
retour à Moscou et de garder lecontact avec eux.Il était en train de ramasser les feuilles de
papierdevant lui, lorsque, soudain, ses deux interlocuteurssautèrent de leurs sièges en brandissant des
cartesg a i n é e s d e c u i r , c o m m e d a n s l e s s é r i e s t é l é v i s é e s . Manuel Sanchez lança d’une
voix de stentor : –
S p e c i a l A g e n t L o u i s M i l l i o n e . D E A
( D r u g Enforcment Administration). You are under arrest.This meeting has been recorded
1
.Pendant qu’il parlait, le second représentant desF A R C S r a f l a i t l e s p a p i e r s r e s t é s s u r l a
table et les
12
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Agent Spécial Louis Millione, D.E.A. Vous êtes en étatd’arrestation. Ce meeting a été
enregistré.

enfouissait dans une serviette de cuir. D’abord stu-péfait, Viktor Bout reprit vite son sang-
froid. Il setrouvait sur le territoire thaïlandais, où les Améri-c a i n s , d e q u e l q u e
A g e n c e q u e c e s o i t , n ’ a v a i e n t aucun pouvoir de police. – Vous n’avez rien à me
reprocher, protesta-t-il.Et vous n’avez pas le droit de m’arrêter.Il n’avait pas terminé sa phrase que la
porte s’ou-v r i t s u r d e u x T h a ï l a n d a i s e n c i v i l , d o n t l ’ u n ,
l e c r â n e r a s é , p o r t a i t u n T - s h i r t « A b e r c o m b i e » e t , l’autre, plus
âgé, une chemise blanche.Ils exhibèrent des cartes, eux aussi, et, en anglais,annoncèrent à Viktor Bout
: – Nous faisons partie de la «Crime SuppressionU n i t D i v i s i o n » d e l a p o l i c e r o y a l e t h a ï l a n d a i s e
e t nous vous arrêtons pour avoir tenté d’effectuer uneopération illégale sur le territoire du Royaume…
Eux
, a v a i e n t l e d r o i t d e l ’ a r r ê t e r ! A u s s i , s e laissa-t-il
faire lorsqu’ils lui passèrent les menottes,les bras ramenés en avant, et
l’entraînèrent. – Je veux prévenir mon consulat! protesta Vik-tor Bout.Ils ne l’écoutèrent pas et le poussèrent
dans l’as-c e n s e u r . E n f a c e d u S o f i t e l , i l y a v a i t d a n s S i l o m r o a d , u n g r o s 4
×
4 e n p l a q u e s C D , u n c i v i l a u v o l a n t
.
Les deux Américains de la DEA y poussèrent Vik-t o r B o u t e t l ’ u n d e s p o l i c i e r s
t h a ï s p r i t p l a c e à l’avant, l’autre regagnant une voiture grise et bleuede la police thaï qui
alluma aussitôt son gyrophare.L e s d e u x v é h i c u l e s d e s c e n d i r e n t S i l o m
p u i s , avant d’arriver à Charoen Krun, tournèrent à droite.Viktor Bout commença à s’inquiéter.
LE PIÈGE DE BANGKOK
13

– Où allons-nous? demanda-t-il aux deux agentsde la DEA qui l’encadraient.Ils ne répondirent pas mais,
une minute plus tard,le 4
×
4 et la voiture de police s’engagèrent sur l’ex-pressway, l’autoroute urbaine suspendue dont
uneb r a n c h e m e n a i t à S a v a r n a b h u m i , l e n o u v e l a é r o - port, situé à l’est de la
ville.C e p e n d a n t , a u l i e u d e p r e n d r e c e t t e s o r t i e , i l s c o n t i n u è r e n t
v e r s l e n o r d . D ’ a b o r d , V i k t o r B o u t pensa qu’ils allaient au QG de la police,
mais lors-q u ’ i l a p e r ç u t l e s p a n n e a u x d e s i g n a l i s a t i o n v e r t s i n d i q u a n t « D o n
Muang», il comprit. Don Muang,c’était l’ancien aéroport, qui n’accueillait plus
d e v o l s c o m m e r c i a u x e t s e r v a i t d é s o r m a i s d e b a s e à l’armée de l’air thaïlandaise.
***
D o u g l a s F a r a h , d i r e c t e u r r é g i o n a l d e l a D E A , attendait depuis presque deux
heures dans une Che-vrolet climatisée, à côté d’un Grunman 900 affrétép a r l a C I A . L ’ é q u i p a g e
du Grunman était dans lecockpit et Douglas Farah estimait avoir suffisam-ment
goinfré de dollars le capitaine de l’armée del’air thaï, responsable de la tour de
c o n t r ô l e , p o u r être certain d’obtenir un créneau de décollage dèsq u e s o n « c l i e n t » s e r a i t
a r r i v é . L e G r u n m a n 9 0 0 s e dirigerait ensuite vers l’île d’Okinawa au Japon, oùl ’ U S A r m y
possèdait une base importante. De là,V i k t o r B o u t s e r a i t a c h e m i n é v e r s l e s
É t a t s - U n i s , pour être présenté au procureur du Southern Dis-
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LE PIÈGE DE BANGKOK
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t r i c t d e l ’ É t a t d e N e w - Y o r k q u i l ’ i n f o r m e r a i t d e s charges retenues contre lui.Une belle


opération : depuis qu’en 2004, le pré-sident Georges W.Bush avait enfin signé
l’affida-vit
1
accusant Viktor Bout de trafic d’armes, la DEAet la CIA n’avaient pas chômé, cherchant à coincerleur
suspect. Il y avait évidemment un hic : depuis2004, justement, Viktor Bout s’était retiré à Mos-
c o u , a v e c s a f e m m e e t s a f i l l e . O r , i l n ’ é t a i t p a s question, même en
r ê v e , d e d e m a n d e r a u g o u v e r - nement russe son extradition.L a C I A a v a i t d o n c f a i t
a p p e l à s e s « c o u s i n s » d e la DEA pour monter un piège, activité où les agentsde cette Agence étaient
particulièrement efficaces,autorisés par le gouvernement américain à faire dela provocation.
Bien entendu, la CIA avait promisde régler tous les frais de cette opération de
longueh a l e i n e , e t , e n s u i t e , d e p a r t a g e r l e s i n f o r m a t i o n s recueillies.L e p o r t a b l e
de Douglas Farah sonna et il sortitaussitôt de la Chevrolet pour répondre, ne
t e n a n t p a s à c e q u e s o n c h a u f f e u r t h a ï e n t e n d e c e q u i s e dirait.L a c h a l e u r l u i
tomba dessus comme une massec h a u d e e t b r u l a n t e . I n t e n a b l e .
H e u r e u s e m e n t , l a conversation ne fut pas
longue. – Mister Farah, annonça la voix du «speciala g e n t » M i c h a e l A u m o n t ,
we are nearing
2
.C ’ e s t l u i q u i s ’ é t a i t f a i t p a s s e r p o u r M a n u e l
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15
1. Réquisitoire.2. Nous sommes tout près.

S a n c h e z , l e r e p r é s e n t a n t d e s F A R C S . D o u g l a s Farah ne
prit même pas le temps de répondre au«special agent» de la DEA. Il se
p r é c i p i t a v e r s l e Grunman, grimpa la passerelle et lança au pilote
: – Demandez un créneau de décollage. Noussommes prêts dans un quart d’heure.L e t e m p s d e
regagner la Chevrolet, il était enn a g e . A v e c l a m o u s s o n ,
l e t h e r m o m è t r e a t t e i - gnait 40°! Au moins, à Okinawa, en cette
s a i s o n , la température était humaine. Il reprit place dans lav o i t u r e , s u r v e i l l a n t l a b a r r i è r e
p r o t é g e a n t l ’ e n t r é e de l’aéroport militaire.Il n’eut pas à attendre longtemps. Cinq minutesplus
tard, il aperçut le 4
×
4 de la DEA de Bangkok.Le véhicule s’arrêta devant la barrière ainsi que lavoiture de la police
thaï qui le suivait. Un policierthaï en sortit et se dirigea vers le poste de garde del’armée de
l’air thaï.Douglas Farah soupira de soulagement, intérieu-r e m e n t . D a n s u n e d e m i - h e u r e , i l s
s e r a i e n t p a r t i s , a v e c l e u r « c l i e n t » . L e s f é l i c i t a t i o n s a l l a i e n t p l e u - voir, de
Washington et de Langley.
***
V i k t o r B o u t s e p e n c h a e n a v a n t e t a p e r ç u t u n e barrière horizontale peinte aux couleurs
de la Thaï-lande et, derrière, ce qui ressemblait fort à une baseaérienne. – Où est-ce qu’on est? demanda-t-
il.Personne ne répondit.Soudain, en se baissant, il aperçut le jet privé sta-
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LE PIÈGE DE BANGKOK
t i o n n é à u n e c e n t a i n e d e m è t r e s , v i s i b l e m e n t p r ê t au décollage.Juste au moment où le
policier thaï ressortait duposte de garde, en compagnie d’un militaire de l’ar-mée de l’air
thaïlandaise.V i k t o r B o u t n ’ h é s i t a p a s . E n d é p i t d
e s e s menottes, bousculant l’agent de la DEA qui se trou-vait à sa gauche, il parvint à ouvrir la
portière et semit à hurler en anglais. – C’est un kidnapping! Appelez le consulat deR u s s i e !
Appelez un avocat!L e « s p e c i a l a g e n t » e s s a y a d e r e f e r m e r l a p o r -
t i è r e , m a i s , m û p a r l ’ é n e r g i e d u d é s e s p o i r , V i k t o r Bout parvint à passer par-dessus son corps et
à tom-ber sur la chaussée. Au lieu de chercher à s’enfuir,i l f o n ç a v e r s l e
p o s t e d e g a r d e e t y p é n é t r a e n t r o m b e . S e s
o c c u p a n t s , p l u s i e u r s s o l d a t s e t u n sous-officier, sursautèrent devant
l’irruption de ce
farang
1
visiblement très énervé. Viktor Bout levales bras, exhibant ses menottes et lança en anglais
: – J’ai été kidnappé! On veut me faire sortir dec e p a y s i l l é g a l e m e n t ! J e s u i s c i t o y e n r u s s e .
Appe-l e z m o n c o n s u l a t . C e s g e n s s o n t d e s g a n g s t e r s .
Please, help me!
Le policier thaï ne parlait que quelques motsd ’ a n g l a i s
m a i s i l c o m p r i t q u a n d m ê m e q u e c e «
farang
» paraissait très en colère et faisait appel àe u x . L e s d e u x a g e n t s d e l a D E A s e r u è r e n t à
l e u r tour dans le poste de garde et Viktor Bout se mit àhurler de plus belle.
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1. Étranger en thaï.


Help! Call a lawyer
1
!À c e m o m e n t , l e s d e u x A m é r i c a i n s c o m m i r e n t une lourde faute psychologique. Sans s’occuper
desmilitaires thaïs, ils voulurent entraîner Viktor Boutà l ’ e x t é r i e u r . C e l u i -
c i s ’ a c c r o c h a a l o r s a u sous-officier thaï, tout en continuant
à h u r l e r . I l y e u t u n e m ê l é e c o n f u s e , l e s q u a t r e h o m m e s r e b o n - dissant contre les murs, et,
involontairement, un desA m é r i c a i n s b a l a y a l ’ o r d i n a t e u r d u p o s t e d e g a r d e q u i t o m b a à
t e r r e ! F u r i e u x , l e s e r g e n t t h a ï s e d é g a g e a d e l a m ê l é e et invectiva d’une voix aiguë le policier
thaï qui tra-duisit aux deux Américains. – Le sergent dit qu’ici, c’est lui qui commande!I l t r o u v e c e t t e
affaire bizarre. Il va demander desordres à sa hiérarchie. Ne vous en faites pas,
t o u t va s’arranger…V i k t o r B o u t e t l e s d e u x a g e n t s d e l a D E A s ’ a s - sirent sur un banc, sous
le regard suspicieux du ser-gent qui se mit à glapir dans son portable de sa voixaiguë. Après avoir
raccroché, il lança en anglais. –
My boss is coming
2
…Comme un disque usé, Viktor Bout continuait àrépéter en boucle
: – Appelez le consulat russe. Je suis citoyenrusse, je n’ai rien fait…L e s d e u x A m é r i c a i n s
c o m p r i r e n t q u ’ u n e s o r t i e en force n’était pas indiquée. Vexés, les militairesthaïs pouvaient se
comporter très violemment… Le
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LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Appellez un avocat.2 . M o n c h e f a r r i v e .
n o m b r e d e p r é v e n u s q u i s e r é v o l t a i e n t d a n s u n commissariat
et qui finissaient avec une balle dansla tête était extrêmement élevé. Il n’y avait pas quede la douceur
derrière le sourire thaï.Très vite, les trois
farangs
f u r e n t e n n a g e ; i l n ’ y avait pas de clim dans le petit poste de garde.V i n g t m i n u t e s
p l u s t a r d , u n e v o i t u r e m i l i t a i r e déboula jusqu’à l’entrée, avec gyrophare et
sirène.I l e n d e s c e n d i t u n o f f i c i e r f i l i f o r m e a r b o r a n t t r o i s b a r r e t t e s s u r l e s
é p a u l e s . U n c a p i t a i n e . U n d e s agents de la DEA jura entre ses
dents. La portièrede la voiture arborait une inscription en thaï et
e n anglais.« M i l i t a r y P o l i c e » Le capitaine pénétra dans le poste de garde, saluép a r l e s « w a i
1
» respectueux de ses subordonnés.L e s e r g e n t l u i e x p l i q u a l a s i t u a t i o n d ’ u n e
v o i x hachée. L’officier se tourna alors vers Viktor Boutet demanda en anglais. – Que se passe-t-
il? – J’ai été agressé au bar du Sofitel de Silom roadpar deux individus se présentant comme agents dela
DEA, qui m’ont accusé de trafic d’armes. Ils onté t é r e j o i n t s p a r d e u x p o l i c i e r s
t h a ï s q u i m ’ o n t menotté et j’ai été embarqué de force avec ces deuxA m é r i c a i n s q u i
s ’ a p p r ê t e n t à m e f a i r e q u i t t e r l e pays, contre mon gré. Je suis citoyen russe; je
n’aic o m m i s a u c u n d é l i t , j ’ e x i g e q u e l ’ o n p r é v i e n n e mon ambassade.
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1 . L e w a i e s t l e s a l u t t h a ï l a n d a i s , m a i n s j o i n t e s à p l a t a u - dessus du front.

L e c a p i t a i n e d e m e u r a s i l e n c i e u x q u e l q u e s i n s - tants, perplexe. Pour une affaire aussi


délicate, l’ex-f i l t r a t i o n d ’ u n
farang
, i l a u r a i t d û r e c e v o i r d e s instructions, au moins officieuses, de sa
hiérarchie.Le policier thaï interrompit ses réflexions. –
Khun
1
c a p i t a i n e , c e t h o m m e e s t u n c r i m i n e l recherché par tous les pays du monde. C’est la
rai-son pour laquelle nous avons prêté main forte à noscollègues de la DEA.Le capitaine ne répondit
pas. Police et armée sedétestaient cordialement. Il avait là une belle occa-sion de leur créer des
problèmes. – Cet homme a-t-il fait l’objet d’un arrêté d’ex-p u l s i o n ? d e m a n d a - t - i l . A - t - i l
prolongé son séjours a n s
v i s a ? – Je suis arrivé ce matin! clama Viktor Bout, et j’ai un visa d’un mois. – Vous avez votre passeport? de
manda poli-ment le capitaine thaï. – Je n’ai même pas eu le temps de le prendre!a s s u r a l e R u s s e ,
i l s e t r o u v e à l ’ h ô t e l , a v e c m e s affaires…L e c a p i t a i n e d e l a M i l i t a r y P o l i c e
h o c h a l a t ê t e et laissa tomber en thaï. – Cet homme n’a pas de passeport, je ne peuxpas lui laisser
quitter la Thaïlande.Il répéta la même phrase en anglais à l’intentiondes deux Américains,
blêmes de fureur. – OK! conclut Michael Aumont, on repart aveclui.
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LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Monsieur (signe de respect).

Une fois à l’ambassade américaine, on aurait let e m p s d e v o i r v e n i r . I l c r u t r e c e v o i r


l e c i e l s u r l a tête lorsque l’officier thaï laissa tomber
d’une voixcalme. – Impossible, sir! Cet homme se trouve désor-m a i s e n z o n e m i l i t a i r e . C ’ e s t n o u s
q u i e n a v o n s l a charge. Accomplissez les démarches nécessaires etnous le remettrons à qui de droit. Ou à
notre police,o u à l a j u s t i c e , a f i n q u ’ i l s o i t p r é s e n t é d e v a n t u n juge.Michael Aumont
l’aurait étranglé. Mais, en dépitde sa silhouette frêle et de sa taille de jeune fille,
le jeune capitaine était chez lui. S’attaquer à un offi-cier thaï aurait été suicidaire, même pour un «spe-
cial agent» de la DEA.E n m a u g r é a n t , i v r e s d e
r a g e , l e s d e u x A m é r i c a i n s se dirigèrent vers la porte, suivis du policier
t h a ï . Une phrase lançée d’une voix criarde arrêta le poli-cier. Il fouilla dans sa poche et tendit à
l’officier lac l é d e s m e n o t t e s . V i k t o r B o u t r e g a r d a l e s
d e u x véhicules qui l’avaient amené faire demi-tour
etd é m a r r e r c o m m e a u x « V i n g t - q u a t r e h e u r e s d u Mans»,
p a s s a n t l e u r f u r e u r s u r l e u r s p n e u s . I l s e tassa sur son banc. Il avait échappé au
pire, mais iln’était pas encore sorti de l’auberge. Dans un paysaussi corrompu que la Thaïlande, tout
pouvait arri-v e r . I l r e l e v a l a t ê t e e t a d r e s s a u n s o u r i r e a u c a p i - t a i n e d e l a « m i l i t a r y
police» et demanda :
– Can you call Russian Embassy, please
1
?
LE PIÈGE DE BANGKOK
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1. Pouvez-vous appeler l’ambassade russe, s’il vous plaît?

CHAPITRE PREMIER
Pisit Aspiradee n’arrivait pas à détacher les yeuxd e l a b l o n d e l o n g i l i g n e à l a p o i t r i n e a r r o g a n t e
quis e t e n a i t d e l ’ a u t r e c ô t é d e l a t a b l e d e
r o u l e t t e . Depuis son arrivée dans ce petit casino clandestinde «Second Road», à la suite
de l’homme qu’il sui-v a i t , e l l e l u i a v a i t a d r e s s é à p l u s i e u r s r e p r i s e s d e s regards
appuyés. Elle ne semblait pas en chance etla pile de jetons posée devant elle diminuait à cha-
cune de ses mises. Avec sa grosse bouche rouge etsa robe noire s’arrêtant dix centimètres au-
dessousde son entrejambe, elle affichait la couleur : c’étaitu n e d e s i n n o m b r a b l e s
p r o s t i t u é e s r u s s e s , u k r a i - niennes ou moldaves, qui s’étaient abattues sur Pat-taya
depuis quelques mois.Quand elles ne travaillaient pas, elles se ruaientd a n s l e s
c a s i n o s c l a n d e s t i n s c o m m e c e l u i o ù s e trouvait Pisit Aspiradee,
p o u r y f l a m b e r l ’ a r g e n t gagné à la sueur de leurs cuisses. C’était plus
f o r t q u ’ e l l e s ! A u s s i , r e p a r t a i e n t - e l l e s a p r è s l e u r v a c a - tion de quelques mois aussi pauvres
qu’elles étaientarrivées.

Pisit Aspiradee sursauta en entendant le croupierannoncer : – Le sept!L e n u m é r o o ù i l a v a i t m i s é ,


m o d e s t e m e n t , c e n t baths
1
. M a i s c e l a l u i f a i s a i t 3 6 0 0 b a t h s q u i s ’ a j o u - taient à ses gains précédents. En tout, il devait
avoirg a g n é p r è s d e 5 0 0 0 b a t h s . Une petite fortune, à son échelle.Détective très mal payé de
la police royale thaï,a f f e c t é a u s e i z i è m e d i s t r i c t d e B a n g k o k , i l a r r o n - d i s s a i t s o n
s a l a i r e e n e f f e c t u a n t d e s f i l a t u r e s p o u r le compte de la Central Intelligence Agency. Un des e s
c o p a i n s d e s « S t u p s » t h a ï l a n d a i s l u i a v a i t p r é - senté un jour un grand Américain
rougeaud qui luia v a i t d i t s ’ a p p e l e r « M i k e » , c e q u i é t a i t é v i d e m - m e n t
f a u x , e t a v a i t b e s o i n d ’ u n « l o c a l » p o u r d e s filatures discrètes.Depuis, ils se
retrouvaient régulièrement au res-t a u r a n t C h i e n g P e n , e n f a c e d u L u m p i n i
B o x i n g Stadium, à deux pas de Thanon Wittaya, que lesc h a u f f e u r s d e
t a x i c o n t i n u a i e n t à a p p e l e r d e s o n ancien nom, Wireless Road, où se
dressait l’am-bassade américaine. Entre un Kai Yaom
2
e t u n e salade de choux chinois, Pisit Aspiradee recevaits e s c o n s i g n e s .
C e l l e s - c i é t a i e n t d ’ u n e s i m p l i c i t é biblique : «Mike» lui remettait une
photo, le nome t l ’ a d r e s s e d e l a « c i b l e » , u n e m o d e s t e a v a n c e , e t c’était à
P i s i t d e n o t e r s e s d é p l a c e m e n t s , l e s g e n s qu’il rencontrait et les lieux qu’il fréquentait.
Bien
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LE PIÈGE DE BANGKOK
1 . E n v i r o n 3 d o l l a r s . 2. Poulet grillé épicé.
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entendu, pour pouvoir effectuer ces filatures, PisitAspiradee était obligé de se mettre en congés mala-
die. Ceux-ci étaient acceptés régulièrement par sonc h e f , l e d é t e c t i v e c h e f P a t h o r n P a i , c o n t r e
4 0 % d e ses gains américains.Ce qui était un arrangement très convenable, per-m e t t a n t à P i s i t d e
mener une vie au-dessus de sesmoyens de policier sous-payé et d’apporter régu-
lièrement des offrandes au bouddha du petit templeErawan.D e p u i s l e d é b u t d e s e s r e l a t i o n s
a v e c « M i k e » , c ’ é t a i t l a p r e m i è r e f o i s q u e s a f i l a t u r e l ’ e m m e n a i t hors de Bangkok.De
l’autre côté de la table de roulette, la blondeposa sa dernière pile de jetons sur le 00. Son regardc r o i s a
e n s u i t e d e n o u v e a u c e l u i d e P i s i t , s ’ a t t a r d a un peu et un sourire salace écarta ses grosses
lèvres.P i s i t A s p i r a d e e r e g r e t t a v i v e m e n t d ’ ê t r e e n s e r - vice… Aux trousses
d’un certain Dimitri Korsanov.D é j à , à B a n g k o k , P i s i t a v a i t e u d u m a l à l e
s u r - veiller. En effet, il demeurait au nord de Bangkok,d a n s u n
soi
1
peu fréquenté, derrière PhaholyoutinRoad, dans une maison ocre au toit plat d’un étage,qui semblait
abandonnée. Pourtant, dès qu’on s’enapprochait, une nuée de chiens qui semblaient tousplus
méchants les uns que les autres, se mettaient àa b o y e r c o m m e d e s f o u s , s e
p r e s s a n t d e r r i è r e l e grillage de la cour, apparemment prêts à
d é v o r e r tout intrus.U t i l i s a n t u n e m o t o - t a x i , c o m m e b e a u c o u p d e
LE PIÈGE DE BANGKOK
25
1. Chemin.

T h a ï s , P i s i t A s p i r a d e e a v a i t p u s e p l a n q u e r p l u - sieurs jours, sans


t r o p s e f a i r e r e m a r q u e r d a n s c e quartier désert que le Russe quittait souvent à
pied,e m p r u n t a n t e n s u i t e d e s t a x i s o u l e B T S , l e m é t r o aérien.Étant donné le nombre élevé de
ses rendez-vous,Pisit s’était dit qu’il devait trafiquer du
Yaa Baa
1
.D i m i t r i K o r s a n o v n e s e m b l a i t p a s r o u l e r s u r l ’ o r . Beaucoup de «
farangs
» désargentés se faisaient del ’ a r g e n t d e p o c h e e n r e v e n d a n t a u p r i x f o r t
d e s cachets qu’ils payaient à peine 40 baths. Seulement,eux, savaient où se les procurer.Avec le faux
Viagra, c’était une des drogues lesp l u s p o p u l a i r e s à B a n g k o k . T o u t e s l e s
s e m a i n e s , des célibataires du troisième âge débarquaient det o u s l e s p a y s e t s e
ruaient dans les bars de
Nana-P l a z a E n t e r t a i n e m e n t
, à l a h a u t e u r d u
soi
4 deS u k h u m v i t r o a d . B o u r r é s d e V i a g r a , i l s a s s o u v i s - saient leur libido sur les petites putes qui
n’en pou-v a i e n t p l u s , m a i s s e p r ê t a i e n t g e n t i m e n t à
l e u r s « p r o u e s s e s s e x u e l l e s » . P a r f o i s , l ’ u n d ’ e u x e x p l o s a i t , n e s u p p o r t a n t p a s le
mélange Viagra-
Yaa Baa
. On l’évacuait discrè-tement et la fête continuait. Les filles étaient payéesà la prestation et donc
ravies. – Le 7! annonça le croupier de sa voix aiguë.M a c h i n a l e m e n t , P i s i t p o s a
s o n r e g a r d s u r l a blonde. Juste à temps pour la voir esquisser une gri-m a c e
d é g o û t é e : e l l e n ’ a v a i t p l u s u n s e u l j e t o n devant elle.
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LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Amphétamines, très populaires en Thaïlande.

Elle s’éloigna de la table, se noyant dans la foule.P i s i t A s p i r a d e e l a c r o y a i t p a r t i e


lorsqu’une voixs u a v e f i t d a n s s o n d o s e n a n g l a i s , a v e c u n
f o r t accent russe : –
Lucky
1
?Au même moment, Pisit sentit un corps se pres-ser contre lui. La masse douce d’une poitrine
pesaits u r s e s o m o p l a t e s e t u n v e n t r e p l a t
s ’ i n c r u s t a i t c o n t r e s e s f e s s e s , e n u n m e s s a g e s i l e n c i e u x m a i s expressif.Il
se retourna.La blonde lui souriait avec une expression si sen-s u e l l e q u e l e s a n g l u i m o n t a à l a
t ê t e . – Vous, beaucoup gagner, susurra-t-elle ena n g l a i s . M a i n t e n a n t , p a r t i r . F a i r e « b o u m -
b o u m » . L e d é t e c t i v e t h a ï r e t i n t u n s u r s a u t : u n e m a i n venait de se
poser sur son sexe. Celle de la blonde.Les joueurs étaient tellement serrés les uns contreles
autres que nul ne s’en aperçut. Il regarda son tasd e j e t o n s , p u i s D i m i t r i K o r s a n o v ,
l ’ h o m m e q u ’ i l était chargé de surveiller pour le compte de la CIA.Le Russe se trouvait à l’unique table de
black-jack,et lui tournait le dos. Sa silhouette massive faisaitparaître ses voisins minuscules.
Avec ses cheveuxblonds, ses yeux bleus, son bouc bien taillé, il res-semblait à un acteur de
cinéma.I l é t a i t t o u j o u r s v ê t u d ’ u n e t e n u e
v a g u e m e n t m i l i t a i r e , k a k i , a v e c d e s p o c h e s p a r t
o u t , u n e sacoche accrochée à l’épaule. D’après le peu quel u i a v a i t d i t
«Mike», c’était un ancien officier de
LE PIÈGE DE BANGKOK
27
1. Chanceux.

l ’ a r m é e s o v i é t i q u e … P o u r t a n t , i l v i v a i t d e p u i s longtemps à
Bangkok.C e m a t i n - l à , a p r è s a v o i r p r i s u n t h é a u M a r w a y G a r d e n H o t e l , n o n l o i n d e
c h e z l u i , i l é t a i t m o n t é dans un taxi et Pisit l’avait suivi dans un autre.I l s a v a i e n t
descendu l’interminable Sukhumvitr o a d e t d é b o u c h é d a n s u n e z o n e s e m i
u r b a i n e o ù cocoteraies et villages alternaient. Prenant ensuitel’autoroute toute neuve en
direction de Pattaya, laM e c q u e d e l a p r o s t i t u t i o n t h a ï l a n d a i s e . O n d i s a i t que le chiffre
d’affaires de l’industrie du sexe à Pat-t a y a d é p a s s a i t l e b u d g e t d u p a y s …
D e p u i s t r è s l o n g t e m p s , c e t t e s t a t i o n b a l n é a i r e , a u b o r d d e l a mer
d’Andaman, à 150 kms de Bangkok, était ungigantesque lupanar. Des milliers de
j e u n e s p u t e s thaïs y accueillaient tous les «
farangs
» en quête dec h a i r f r a î c h e : A u s t r a l i e n s b u v e u r s d e b i è r e , A l l e - m a n d s a m a t e u r s d e
j e u n e s g e n s , h o m o s e x u e l s d e tous les pays, cherchant à assouvir des
fantasmesq u i l e s a u r a i e n t m e n é s e n p r i s o n d a n s l e u r
p a y s d’origine. Des centaines de bars, de salons de mas-s a g e , d e r e s t a u r a n t s ,
c a n a l i s a i e n t c e t t e f a u n e , s u r - tout situés à Pattaya Beach, la plage du nord.Au sud, le long de
Jomtien Beach, les bars étaientnettement moins nombreux.Après avoir quitté le freeway, le taxi
transportantDimitri Korsanov avait franchi la grille d’une rési-
d e n c e u l t r a m o d e r n e , « S e a O r c h i d A p a r t m e n t s » , érigée sur la
c o l l i n e c o u v e r t e d e v é g é t a t i o n t r o p i - cale qui séparait Pattaya Beach de Jomtien
Beach.Évidemment, Pisit Aspiradee n’avait pu le suivre,l ’ e n t r é e é t a n t g a r d é e p a r d e
sourcilleux vigiles en
28
LE PIÈGE DE BANGKOK

uniforme. Il avait donc payé son taxi – 1500 baths


1
une somme énorme – et, grâce à son portable, avaittrouvé une moto-taxi pour la journée.I n s t a l l é s o u s
un banian à l’ombre, il avait tran-q u i l l e m e n t a t t e n d u q u e s o n « c l i e n t »
r e s s o r t e . C e qui s’était produit en fin de journée : Dimitri Kor-s a n o v a v a i t f r a n c h i
la grille du domaine sur unemoto - tax i q u i l’av ait déposé au
c o i n d e P a t t a y a beach road et du
soi
13. Là où les bars pullulaient.L e R u s s e s ’ é t a i t e n g o u f f r é d a n s l ’ u n d ’ e u x à l ’ e n - s e i g n e
romantique : «The Prick and the Pussy
2
».P i s i t n ’ é t a i t p a s e n t r é e t s ’ é t a i t a t t a b l é a u « B e s t F r i e n d » , c a f é o u v e r t à t o u s
l e s v e n t s d ’ o ù i l p o u - v a i t s u r v e i l l e r l ’ e n t r é e d u b a r . C o n t e m p l a n t l ’ a n i - mation
autour de lui. Durant cette saison des pluies,à l ’ é t o u f f a n t e c h a l e u r h u m i d e , l e s
farangs
étaientt o u j o u r s m o i n s n o m b r e u x . À c e l a s ’ a j o u t a i e n t l a crise mondiale et
l’épidémie de grippe porcine quiterrifiait Japonais et Chinois. De l’autre côté de Pat-taya Beach road,
des centaines de chaises longuese n t o i l e v i d e s s ’ a l i g n a i e n t à p e r t e d e
v u e s u r l a p l a g e . À q u e l q u e s m è t r e s d e s e s s a i m s d e j e u n e s putes
a r p e n t a n t l a p r o m e n a d e à l a r e c h e r c h e d ’ u n des rares
farangs.
P i s i t l e s r e g a r d a i t à p e i n e . I l v i v a i t a u m i l i e u d’elles depuis si
longtemps qu’elles ne l’excitaientpas.Dimitri Korsanov était enfin sorti du «Prick
andP u s s y » p o u r r e m o n t e r à p i e d l e
soi
13 jusqu’à
LE PIÈGE DE BANGKOK
29
1. Presque 50 dollars.2 . L a q u e u e e t l a c h a t t e .

Second road, parallèle à Pattaya Beach road, où lesboutiques s’alignaient à la queue leu leu. Le
Russeé t a i t e n t r é d a n s u n e p e t i t e g a l e r i e m a r c h a n d e e t n ’ é t a i t p a s
r e s s o r t i ! Pisit avait attendu un peu et y avait pénétré à sont o u r . S o n « c l i e n t » n e s e t r o u v a i t
d a n s a u c u n e d e s b o u t i q u e s . C o m m e i l s e m b l a i t c h e r c h e r q u e l q u e chose,
un jeune homme l’avait abordé, lui glissant
: – Tu cherches l’entrée du casino? – Oui, avait confirmé automatiquement Pisit. – C’est là, avait dit le jeune ho
mme, désignantu n e p o r t e n o i r e , a u f o n d , s a n s a u c u n e i n s c r i p t i o n . Pour 500 baths, je peux
te faire entrer. – 300, avait rétorqué Pisit.5 0 0 , c ’ é t a i t l e p r i x d ’ u n e
p a s s e … L e j e u n e homme avait empoché les trois billets de cent pourf r a p p e r
ensuite à la porte, selon un code convenu,d i s c u t a n t e n s u i t e q u e l q u e s
instants avec un typeénorme au crâne rasé, genre champion
de TaekW o n -
D o , f a i s a n t a l o r s s i g n e à P i s i t d ’ e n t r e r . Celui-ci
avait découvert une grande salle au pla-f o n d b a s o ù p a s u n m
2
n’était perdu. Machines àsous, tables de
Big and Small
, black-jack et rou-l e t t e . L e s j o u e u r s é t a i e n t s e r r é s c o m m e d e s s a r -
dines, les croupiers annonçaient les gagnants d’unevoix criarde, une forte odeur de sueur, de bière,
desaleté, imprégnait l’atmosphère.Il n’y avait que des Thaïs, à l’exception de deux
farangs
: u n e b l o n d e d e v a n t l a r o u l e t t e e t l e «client» de
Pisit, en face d’une table de black-jack.Pisit s’était éloigné le plus possible de lui, se réfu-
giant à la table de roulette.
30
LE PIÈGE DE BANGKOK

Ensuite, presque à l’insu de son plein gré, il avaitcommencé à miser très modestement. La meilleuref a ç o n d e
n e p a s s e f a i r e r e m a r q u e r . L e s j o u e u r s e t les croupiers semblaient détendus, ce qui
signifiaitq u e c e c a s i n o c l a n d e s t i n é t a i t s o u s l a « p r o t e c t i o n » de la police
locale…P i s i t s e t r o u v a i t l à d e p u i s e n v i r o n u n e d e m i -
heure, lorsque la blonde avait perdu ses
d e r n i e r s jetons et fait le tour de la table de roulette pour lerejoindre.Il se raidit : la main posée sur son sexe
avait com-m e n ç é à l e m a s s e r ! Protégée par la foule épaisse, la blonde Russe luidonnait discrètement un
aperçu de son savoir-faire.C o l l a n t s a b o u c h e c o n t r e l ’ o r e i l l e d e P i s i t ,
e l l e répéta : – «Boum-Boum»?L e d é t e c t i v e j e t a u n c o u p d ’ œ i l e n d i r e c t i o n d u R u s s e
i n s t a l l é à l a t a b l e d e b l a c k - j a c k . N o r m a l e - ment, il ne devait pas le quitter d’une semelle.
Seu-lement, ses pensées se brouillaient. La main habiled e l a R u s s e v e n a i t d e d e s c e n d r e
s o n z i p e t l ’ a v a i t empoigné à pleine peau.A u t a n t , P i s i t é t a i t i n d i f f é r e n t
a u x p u t e s t h a ï s , autant l’exotisme de cette blonde lui faisait perdrela tête.I l t o u r n a
l a t ê t e e t s o u f f l a : – Combien? – Mille baths.Le double du tarif des petites Thaïs.P i s i t
hésitait, non à cause du prix, mais de safilature. Son «client»
était toujours à la table de
LE PIÈGE DE BANGKOK
31

black-jack et ne semblait pas prêt à en décoller…Et le détective avait très envie


d e s ’ o f f r i r u n p e t i t plaisir. À quoi bon gagner de l’argent si c’est pourn e p a s l e
d é p e n s e r ? – 800, proposa-t-il. –
Niet
!L e s d o i g t s s e d e s s e r r è r e n t a u t o u r d u
membre,m a i n t e n a n t e n é r e c t i o n . V o y a n t s o n f a n t a s m
e s’éloigner, Pisit fit hâtivement : – OK, OK, mais on ne va pas loin… – Sur la plage, fit la blonde. On
sera tranquilles.P i s i t f a i l l i t l a r e m e r c i e r : c ’ é t a i t e x a c t e m e n t c e q u ’ i l v o u l a i t .
A i n s i , i l n ’ a b a n d o n n e r a i t p a s s o n « c l i e n t » t r o p l o n g t e m p s . Après être
sortis du casino clandestin, ils descen-dirent le
soi
13/4 et la Russe lui prit la main commes i e l l e a v a i t p e u r q u ’ i l s e s a u v e … I l s t r a v e r s è r e n t P a t t a y a
B e a c h r o a d e t g a g n è r e n t l a p l a g e , z i g z a - guant entre les chaises longues vides,
alignées surdix rangées, pratiquement jusqu’à la mer. Quelques jeunes garçons dormaient sur des bâches, veillant àce
qu’on ne les vole pas. Ils ne levèrent même pasl e s y e u x s u r l e c o u p l e .
C ’ é t a i t c o u r a n t q u e , p a r économie, les putes emmènent leurs clients sur lest r a n s a t s ,
q u i t t e à d o n n e r 2 0 b a t h s à c e u x q u i l e s gardaient… – Comment t’appelles-
tu? demanda Pisit, policomme tous les Thaïs. – Oksana. Et toi? – Pisit.I l n e s o n g e a m ê m e p a s à
d o n n e r u n f a u x n o m : il ne faisait rien de mal.
32
LE PIÈGE DE BANGKOK

I l s a r r i v è r e n t a u d e r n i e r r a n g d e s t r a n s a t s . D e s vaguelettes s’écrasaient
doucement sur le sable àquelques mètres d’eux. L’air était délicieusementt i è d e
e t , a u l a r g e , o n a p e r c e v a i t l e s l u m i è r e s d e quelques petites îles
où, dans la journée, on emme-nait les touristes pour une «découverte» de la Thaï-l a n d e
p r o f o n d e . M ê m e s u r c e s î l e s , l e s p u t e s attendaient les
farangs
de pied ferme.O k s a n a s ’ a r r ê t a e t s e r a p p r o c h a d e P i s i t , r e p r e - nant sa masturbation là
où elle l’avait laissée. Trèsvite, le Thaï se mit à souffler comme un phoque. –
Davai
1
! s o u f f l a l a R u s s e , p o u s s a n t P i s i t v e r s un transat vide. – On ne va pas baiser là-
dedans! protesta leThaï. – On ne va pas baiser, précisa la Russe, je vaiste sucer. Comme tu ne l’as jamais
été. Allez, tu med o n n e s 1 0 0 0 b a t h s . Pisit sortit les billets de sa poche, ravi. Il préféraitde loin
une bonne fellation à une étreinte peu natu-relle et la grosse bouche d’Oksana le faisait fantas-mer.
Celle-ci enfouit les deux billets de 500 bathsdans son décolleté et lança. – Installe-toi.P i s i t s e
l a i s s a a l l e r d a n s l e t r a n s a t , r e g a r d a n t l e ciel étoilé. Il avait l’impression d’être un «
farang
»t r è s r i c h e . I l s e n t i t l e s d o i g t s h a b i l e s d e l a R u s s e reprendre leur office, et, très vite,
fut en pleine érec-tion, mais elle continua.Furieux, Pisit lui prit le poignet.
LE PIÈGE DE BANGKOK
33
1. Allons-y.

– Hé! Tu m’as dit une pipe!L a R u s s e a r r ê t a s o n m a n è g e e t d i t d ’ u n e


v o i x provocante
: – Tu veux un petit coup de langue, hein… – Oui, avoua Pisit d’une voix mourante.Aussitôt, il sentit les deux
grosses lèvres se refer-mer sur son membre, l’avalant presque en entier.« C ’ e s t v r a i , s e d i t - i l ,
e l l e e s t t r è s b o n n e . . » Maintenant, elle l’engoulait à longues saccadeset il sentit qu’il allait
jouir. S’accrochant des deuxmains aux montants de bois du transat, il
gémit. – Continue! Continue!I n s t i n c t i v e m e n t , s o n b a s s i n s e s o u l e v a i t
p o u r aller à la rencontre de la bouche gainant son sexe.C’est tout juste s’il sentit le bras
puissant qui serefermait autour de son cou et l’arrachait littérale-ment du transat.
***
Plié en deux, Pisit poussa un cri aigu lorsqu’unelourde chaussure s’écrasa contre son flanc
droit. Ilroula sur le sable, essayant d’échapper aux
coups.M ê m e d a n s l a p é n o m b r e , i l a v a i t r e c o n n
u l’homme qui l’avait arraché du transat au momentoù il allait se répandre dans la bouche de
la Russe,s o n « c l i e n t » . O k s a n a a v a i t d é j à d i s p a r u e n d i r e c - t i o n d e P a t t a y a
Beach road. Deux autres hommesa v a i e n t s u r g i d e l ’ o b s c u r i t é ,
observant le grandR u s s e b l o n d e n t r a i n d e l e b o u r r e r
d e c o u p s
d e pieds.P i s i t s e r e l e v a à q u a t r e p a t t e s , a p e r ç u
t l e s
34
LE PIÈGE DE BANGKOK

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lumières de la promenade avec ses bars et ses bou-t i q u e s . I l v o u l u t c o u r i r d a n s c e t t e


d i r e c t i o n , m a i s , d’un nouveau coup de pied, le Russe l’expédia surle sable.Il lança queques
mots dans sa langue et les deuxa u t r e s s a i s i r e n t P i s i t s o u s l e s b r a s , l e s t o r d a n t
e n a r r i è r e e t l e f o r ç è r e n t à s e m e t t r e à g e n o u x d a n s l e sable, face à la mer. Il ne sentait plus
son corps, tanti l a v a i t r e ç u d e c o u p s e t s o n s e x e p e n d a i t e n c o r e , f l a s q u e , p a r - d e s s u s
s o n p a n t a l o n . L e g r a n d R u s s e blond s’approcha et lui releva la tête en le tirant
parles cheveux. – Qui t’a dit de me surveiller? lança-t-il, enanglais.Pisit secoua la
tête. – Personne. – Menteur!Les coups recommencèrent à pleuvoir, puis s’ar-r ê t è r e n t . T a n d i s
q u e l e s d e u x a u t r e s h o m m e s l e tenaient, Dimitri Korsanov prit Pisit par la
nuque,lui enfonça la tête dans le sable.Le détective sentit le sable entrer dans sa bouche,s e s
n a r i n e s , s e s y e u x . I l s u f f o q u a i t , s e d é b a t t a i t comme un homme en
train de se noyer.O n l e r e d r e s s a e t D i m i t r i K o r s a n o v r é p é t a
l a m ê m e q u e s t i o n . C e t t e f o i s , P i s i t n e p u t m ê m e p a s répondre, du sable plein la bouche.
Alors, les troish o m m e s c o m m e n ç è r e n t à l e f r a p p e r e n s i l e n c e , à coups de pieds et de
poings. Méthodiquement.D e n o u v e a u , l e s c o u p s s ’ a r r ê t è r e n t . C e t t e f o i s , Pisit était
allongé à plat dos. Le géant blond se pen-c h a s u r l u i e t c r a c h a :
LE PIÈGE DE BANGKOK
35

– Je vais te buter, petit salaud!C e t t e f o i s , P i s i t e u t v r a i m e n t p e u r . I l r é u s s i t


à balbutier. – Je suis policier.Dimitri Korsanov s’arrêta net et
lança. – C’est tes chefs qui t’ont dit de me suivre? – Oui! Oui! jura Pisit, le colonel Pattikorn.I l p o u s s a u n
h u r l e m e n t . D e n o u v e a u , l a l o u r d e chaussure avait failli lui éclater le
foie!B r u t a l e m e n t , l e g r a n d R u s s e , q u i d e v a i t p e s e r p r è s d e c e n t
kilos, se laissa tomber sur lui, s’as-seyant sur son estomac, tandis que
s e s d e u x a c o - lytes tenaient les bras du jeune
Thaï. – Tu vas me dire la vérité ou je te fais bouffert o u t l e s a b l e d e c e t t e
p l a g e , m e n a ç a D i m i t r i Korsanov.C o m m e P i s i t n e r é p o n d a i t
p a s , i l r a m a s s a u n e p o i g n é e d e s a b l e e t l a l u i e n f o n ç a d e f o r c e d a n s l a bouche,
en lui pinçant le nez.Le détective thaï se mit à tousser, suffoquant, lesy e u x h o r s d e l a t ê t e .
I l e n t e n d a i t v a g u e m e n t l e s mots éructés par son tortionnaire mais il était inca-pable
de lui répondre. Comme pris de démence, leRusse commença à piocher dans le sable humide età
en enfoncer des poignées dans la bouche de Pisit.Celui-ci se débattit, eut un hoquet terrifiant et cessade
bouger.Pourtant, Dimitri Korsanov continua jusqu’à ceq u ’ u n d e s e s d e u x h o m m e s l e
p r e n n e p a r l e b r a s . – Arrête,
bolchemoi
1
. Il est mort.
36
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Bon Dieu.

Lentement, le Russe déplia sa grande carcasse et,une fois debout, envoya un formidable coup de piedd a n s l e
f l a n c d e s a v i c t i m e . L e v i s a g e c o u v e r t d e sable, Pisit venait de mourir, étouffé.À
quelques dizaines de mètres de la promenade,où pétaradaient les motos.Dimitri Korsanov était
furieux contre lui-même :i l n ’ a v a i t p a s r e m p l i s a m i s s i o n d e f a i r e p a r l e r
l e d é t e c t i v e t h a ï e t a l l a i t s e f a i r e e n g u e u l e r . U n d e s deux hommes lança à voix
basse : –
Davai
! I l f a u t s e t i r e r . – Si c’est vraiment un flic, remarqua Boris, c’estemmerdant. – Fouillez-
le! ordonna Dimitri Korsanov.B o r i s T i t o v t r o u v a d a n s l a p o c h e r e v o l v e r u n e c a r t e
p l a s t i f i é e d e l a p o l i c e r o y a l e t h a ï . L e s i n s - criptions étaient en thaï, il
n e p u t q u e c o m p a r e r l a p h o t o a v e c l e v i s a g e d e l ’ h o m m e q u ’ i l v e n a i t d e tuer.
C’était bien lui. –
Dobre
1
, fit-il. On va le foutre à l’eau, on croiraqu’il s’est noyé. Aidez-moi.À t r o i s , i l s l e t r a î n è r e n t
j u s q u ’ a u r e s s a c e t , l e s jambes dans l’eau tiède, abandonnèrent Pisit àq u e l q u e s m è t r e s d u
r i v a g e , f l o t t a n t e f f e c t i v e m e n t comme un noyé.I l s s e s é p a r è r e n t
p r e s q u e a u s s i t ô t , l e s d e u x Russes partant en biais sur la plage et
Dimitri Kor-s a n o v r e g a g n a n t l e c a s i n o c l a n d e s t i n . I l s e r e m i t à l a t a b l e d e b l a c k - j a c k
p o u r s e c a l m e r l e s n e r f s . I l s’en voulait de s’être emporté, mais ce petit con qui
LE PIÈGE DE BANGKOK
37
1. Bien.

n e l e l â c h a i t p a s d e p u i s p l u s i e u r s j o u r s , l ’ a v a i t rendu
f o u . O r , e n c e m o m e n t , i l n e p o u v a i t s e p e r - mettre d’être surveillé.I l r e t o u r n a u n n e u f
e t u n a s , g a g n a n t l e c o u p . Satisfait, il empocha les billets – ici, on ne jouaitp a s a v e c d e s j e t o n s –
e t g a g n a l a s o r t i e . S e d i s a n t que les seuls qui pouvaient
vraiment
s’intéresser àlui, c’étaient ces fumiers d’
Amerikanski
1
.Il les haïssait viscéralement.
38
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Américains.

CHAPITRE II
– La police thaï a conclu à la noyade, annonçaG o r d o n B a c k f i e l d d ’ u n e v o i x a c c a b l é e , e n r e p r e -
nant des mains de Malko les photos d’un jeune Thaï à la peau très sombre, au visage gonflé, prises à
lamorgue de Pattaya.Malko allait répondre lorsque les grandes baiesv i t r é e s d u b u r e a u
f u r e n t m a r t e l é e s p a r d ’ é n o r m e s grêlons, portés par une brutale averse tropicale. Lec i e l
était devenu d’un noir d’encre et des rafalest o r r e n t i e l l e s v i d a i e n t
l e s rues. Que lque s Thaï s, stoïques, continuaient à marcher,
r u i s s e l a n t s , d e l’eau jusqu’aux chevilles.L a s a i s o n d e s p l u i e s é t a i t p a r t i c u l i è r e m e n t
v i o - lente cette année. D’habitude, en mai, il ne pleuvaitpas trop. Ces averses n’abaissaient pas la
tempéra-ture qui flirtait avec les 35°.À s o n h a b i t u d e , M a l k o s ’ é t a i t i n s t a l l é a u S h a n - gri-
La, au bord de la Chao Prya, une suite au vingt-c i n q u i è m e é t a g e , a v e c u n e v u e i m p r e n a b l e s u r
l a v i l l e . M ê m e d a n s l a b a i g n o i r e , o n p o u v a i t r ê v e r devant les gratte-ciel
illuminés.B a n g k o k r e s s e m b l a i t d e p l u s e n p l u s à L o s

A n g e l e s , a v e c s o n t a p i s d e m a i s o n s p l a t e s d ’ o ù émergeaient les
rubans de béton des expresswayss u s p e n d u s e t d e s g r a t t e -
c i e l t o u j o u r s p l u s n o m b r e u x . Maintenant, on pouvait à peine s’entendre dansle bureau de
Gordon Backfield, tant les grêlons cré-pitaient sur les vitres. Malko se leva et s’approchad’une des
baies. Celle-ci plongeait sur le jardin del a r é s i d e n c e d e l ’ a m b a s s a d e u r
d e s É t a t s - U n i s , contiguë à l’ambassade, un luxueux pavillon cernéd’un grand parc,
au cœur de Bangkok. Noyé par lapluie, on l’apercevait à peine.Gordon Backfield éternua
violemment. –
Gesundheit
1
! fit poliment Malko.L a c l i m f a i s a i t r é g n e r d a n s l e b u r e a u u n f r o i d féroce,
en dépit des 35° extérieurs. Les Américainsn e p o u v a i e n t v i v r e q u e d a n s c e
f r o i d s i b é r i e n , sinon, ils attrapaient toutes les maladies du monde.Malko revint s’asseoir à
côté du chef de Stationde la CIA et conclut
:
– Si j’ai bien compris, ce Pisit Aspiradee, poli-cier thaï, travaillait aussi pour l’Agence… –
Right
, c o n f i r m a G o r d o n B a c k f i e l d . I l é t a i t «traité» par un de
mes deputies, Ronald Bowes, un«
stringer
2
» extrêmement motivé qui ne rêvait qued’émigrer aux États-Unis. Un type bien. – Et que faisait-
il? – Des filatures, des enquêtes dans les fichiers del a p o l i c e , i l a l l a i t p a r t o u t
o ù n e p e u v e n t p a s s e rendre les «
farangs
».
40
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. À votre santé.2. Supplétif.

Les Thaïs avaient beau être extrêmement hospi-t a l i e r s , i l y a v a i t u n e b a r r i è r e é t a n c h e e t


invisibleentre eux et les étrangers. Différence de civilisa-tion, pudeur,
bouddhisme aussi, qui les amenait àse conduire parfois d’une façon bizarre aux
y e u x des
farangs.
A u s s i , p o u r m e n e r u n e e n q u ê t e e n Thaïlande, on avait obligatoirement besoin de
genscomme ce Pisit Aspiradee.Malko bâilla : les cinq heures de décalage horaireétaient en train de le
rattraper. Lorsque le COS
1
deVienne l’avait appelé au château de Liezen pour luiproposer de partir en Thaïlande, pour un petit souciqu’il
pourrait régler facilement grâce à sa connais-s a n c e d u p a y s , i l a v a i t a c c e p t é
i m m é d i a t e m e n t . Adorant la Thaïlande, il était venu seul, sa fiancéeAlexandra
s’occupant beaucoup trop à ses yeux desa mère, âgée certes, mais qui n’avait rien perdu des o n
v e n i n . E l l e n e s u p p o r t a i t t o u j o u r s p a s q u e s a fille ne se marie pas…L o r s d e
son précédent voyage en Thaïlande
2
,M a l k o a v a i t e m m e n é A l e x a n d r a à B a n g k o k p o u r u n e l u n e d e m i e l ,
hélas, écourtée, la CIA ayantretrouvé sa trace… Furieuse,
A l e x a n d r a l ’ a v a i t planté, retournant en Autriche pour faire Dieu saitquoi…M a l k o
b u t u n p e u d e t h é : c e l a v a l a i t e n c o r e mieux que l’immonde café
américain. Devant lui,Gordon Backfield était en train de faire glisser unepoudre blanche dans
son thé.
LE PIÈGE DE BANGKOK
41
1. Chef de Station.2 . V o i r S A S :
Retour à Shangri-La.

– C’est du
Yaa Baa
? demanda malicieusementMalko.Gordon Backfield eut un sursaut
horrifié. – Vous n’y pensez pas! Non, c’est un truc pourm o n u l c è r e à l ’ e s t o m a c . L e t o u b i b
m ’ a d o n n é ç a p o u r f a i r e u n e e s p è c e d ’ e m p l â t r e . À B a n g k o k , j e souffre le martyre à cause
de la nourriture thaï. J’aib e a u d e m a n d e r d a n s l e s r e s t a u r a n t s d e s p l a t s n o n épicés, c’est
toujours du feu. Je ne me ferai jamaisà c e p a y s . E f f e c t i v e m e n t , d e p u i s l e u r d e r n i è r e
rencontre,d e u x a n s p l u s t ô t , a l o r s q u e G o r d o n
B a c k f i e l d a r r i v a i t t o u t j u s t e , l ’ A m é r i c a i n s e m b l a i t
s ’ ê t r e déplumé. Ses cheveux de plus en plus clairsemésr é v é l a i e n t u n
c r â n e d ’ œ u f , i l a v a i t d e l o u r d e s poches sous les yeux et le teint
blafard… – Encore un an à tirer! soupira-t-il. Après, jeretrouve la civilisation. On m’a promis de me nom-mer
chef du secteur Extrême-Orient, à Langley.O n a l e s r ê v e s q u ’ o n p e u t … – Dites-
moi ce qui est vraiment arrivé à votre« s t r i n g e r » e t e n q u o i c e l a j u s t i f i e m a p r é s e n c e
i c i ? – C’est une longue histoire! soupira GordonB a c k f i e l d , e n b u v a n t s o n t h é a v e c u n e g r i m a c e
dedégoût. Si vous voulez, on va déjeuner à la «can-tine», je vous raconterai
t o u t . La «cantine» c’était un restaurant italien, le Pae-sano, dans le
soi
Ton San bordé par un Khlong mai-grelet et malodorant qui longeait la face arrière desé n o r m e s
b â t i m e n t s d e l ’ a m b a s s a d e a m é r i c a i n e . Sombre, glacial et peu fréquenté,
n’accueillant qued e s g r o u p e s d ’ e x p a t s m a l d i r i g é s . É v i d e m m e n t ,
42
LE PIÈGE DE BANGKOK

c’était plus sûr pour l’estomac de Gordon Backfieldque les piments


thaïlandais.. – Vous ne voulez pas m’en dire plus mainte-n a n t ? i n s i s t a M a l k o . D ’ a b o r d , q u ’ e s t -
c e q u i v o u s f a i t c r o i r e q u e v o t r e « s t r i n g e r » n e s ’ e s t p a s n o y é ? Gordon
Backfield secoua la tête avec tristesse. – Ilavaitdusablepleinlespoumons.Etdansl’es-tomac aussi. Plus des
ecchymoses sur tout le corps.Il a dû être battu comme plâtre avant qu’on lui fasseavaler la moitié du sable de la plage de
Pattaya. – Si c’est un meurtre, concéda Malko, cela n’estpas forcément lié à vos activités communes. Il
avaitpeut-être des dettes. Dans ce pays, c’est dangereux.En Thaïlande, les «loan-sharks
1
» chinois étaienta s s e z f é r o c e s e t l e u r t a u x d e
r e c o u v r e m e n t d e créance extrêmement élevé. Cependant, ces usu-
r i e r s c h i n o i s t u a i e n t r a r e m e n t l e u r s v i c t i m e s , s e contentant de leur briser
les jambes ou les bras.Les morts sont de très mauvais créanciers…G o r d o n B a c k f i e l d
o u v r i t l a b o u c h e p o u r d i r e quelque chose, mais se contenta d’un
éternuementsonore. – Puisque ce Pisit Aspiradee était policier,insista Malko, sa hiérarchie en sait peut-
être plus.A p r è s s ’ ê t r e m o u c h é , G o r d o n B a c k f i e l d a r b o r a un sourire
résigné. – Le colonel Pattikorn, le chef du District 16,m’a reçu avec énormément de politesse pour m’as-surer
qu’une enquête très complète avait été menéeconfirmant l’accident.
Bullshit

LE PIÈGE DE BANGKOK
43
1. Usuriers.

– Il est idiot ou acheté? – Ni l’un ni l’autre. Simplement thaï. On règles e s a f f a i r e s e n


f a m i l l e , i c i , s a n s y m ê l e r l e s «
farangs
». Bien sûr qu’il sait que son détective aé t é a s s a s s i n é , m a i s c ’ e s t
lui
q u i v e u t t r o u v e r l e s a s s a s s i n s . P e u t - ê t r e p o u r l e u r r é c l a m e r l e p r i x d u sang, ce
qui peut monter assez haut…Un ange traversa la pièce et alla s’écraser sur unedes grandes baies
vitrées. C’étaient vraiment deuxmondes
différents. – OK, conclut Malko. Pisit Aspiradee a étéa s s a s s i n é . S i v o u s m ’ a v e z
d e m a n d é d e v e n i r à Bangkok, c’est que vous pensez que cela a un liena v e c l e s
activités de ce «stringer» pour l’Agence.V o u s a v e z b i e n u n e
i d é e ? – Bien sûr, reconnut l’Américain.Il regarda sa montre. – On devrait y aller, j’ai donné rendez-
vous àu n e d e n o s « s t r i n g e r s » , a u r e s t a u r a n t . S i e l l e n e nous voit pas, elle
n’osera pas entrer…M a l k o s ’ i n c l i n a m a i s i l a u r a i t p r é f é r é m a n g e r thaï. Ils
gagnèrent le rez-de-chaussée, puis traver-sèrent la cour séparant les deux bâtiments de l’am-
bassade pour gagner la porte donnant sur le
soi
Tonson.Assommés par la chaleur humide : la pluie avaitc e s s é , m a i s i l
f a i s a i t b i e n 4 0 ° à l ’ o m b r e . D e s dizaines de personnes faisaient la
queue devant lesmarchands ambulants, installés le long du Khlong,e t a l l a i e n t e n s u i t e
s ’ a c c r o u p i r a u b o r d d u K h l o n g manger leur soupe chinoise ou leur poulet frit.À
p e i n e G o r d o n B l a c k f i e l d e t M a l k o a t t e i -
44
LE PIÈGE DE BANGKOK

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g n a i e n t - i l s l e r e s t a u r a n t q u ’ u n e m i n u s c u l e s i l - houette
émergea d’un
Tuk-Tuk
1
garé devant. – Ah, voilà Mai, lança l’Américain.Mai ne faisait pas plus de 1 m 20 au garrot… UneThaï miniature au visage
rond mais plutôt gracieux,vêtue d’une robe blanche s’arrêtant au premier tiersdes cuisses. Elle s’inclina profondément devant
lesdeux hommes, les mains jointes au-dessus de sa tête,pour un
wai
cérémonieux et gazouilla : –
Sawadee Ha
2
…Quand ils eurent épuisé les
wai
, ils entrèrent tousles trois au Paesano. Celui-ci était totalement videet ils s’installèrent dans un box du
fond. Si profondq u e M a i , s i e l l e s ’ e n f o n ç a i t d a n s s a
b a n q u e t t e , voyait ses pieds décoller du sol…G o r d o n B a c k f i e l d c o m m a n d a u n j u s
d e t o m a t e non assaisonné, Malko et Mai un
Namanao
3
, s a n s sucre.Mai gazouillait dans un anglais parfait, visible-m e n t i n t i m i d é e d e s e
t r o u v e r d a n s c e r e s t a u r a n t dont la carte était presque aussi grande qu’elle.
Ilschoisirent rapidement : pizzas et raviolis, arrosés deSan Pellegrino.M a l k o é t e r n u a à s o n t o u r : i l
faisait encore plusfroid que dans le bureau de Gordon Backfield. ÀBangkok, la
climatisation était un signe extérieurde richesse… À peine son jus de tomate
t e r m i n é , Gordon Backfield entra dans le vif du sujet.
LE PIÈGE DE BANGKOK
45
1. Tricycle à moteur, servant de taxi.2 . B o n j o u r . 3 . B o i s s o n a u c i t r o n .

– Après la mort de Pisit Aspiradee, j’ai envoyéMai enquêter à Pattaya. En trois jours, elle a décou-vert pas
mal de choses. – Attendez, coupa Malko, lorsque ce détective aé t é t u é , i l t r a v a i l l a i t p o u r
v o u s ? – Oui, lâcha l’Américain, mais, en principe, pasà Pattaya. Mai a pu reconstituer les heures qui
ontprécédé sa mort. C’est
très
intéressant. Mai, allez-y.La petite Thaïlandaise abandonna la paille de sonNamanao et protesta d’une voix
fluette. –
Khun
1
Gordon, je n’ai pas trouvé grand-chose.Toujours la modestie bouddhiste. – Si, répliqua le chef de Station
de la CIA. Mai,racontez à
Khun
Malko ce que vous avez appris. – Quand je suis arrivée à Pattaya, commença la jeune Thaï, j’ai
tout de suite été au commissariat, àl’entrée du
soi
9. J’ai prétendu être la petite amied e P i s i t A s p i r a d e e e t v o u l o i r
c o n n a î t r e l e s c i r - c o n s t a n c e s d e s a m o r t . D ’ a b o r d ,
i l s n e m ’ o n t r i e n d i t , p u i s l e c o m m i s s a i r e a a c c e p t é d e m e p a r - ler. – Contre
5000 baths, commenta sobrement Gor-don
Backfield. – Que vous a appris ce commissaire? demandaMalko. – Après avoir trouvé le corps sur la plage, lesp
o l i c i e r s o n t c h e r c h é à s a v o i r c e q u ’ i l a v a i t f a i t l a veille au soir. Ils ont trouvé facilement : Pisit
Aspi-radee a passé un bon moment dans un casino clan-destin, le Number One, dans Second
Road. Or, cet
46
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Monsieur.

établissement est sous la protection de la police dePattaya… J’ai attendu le soir et j’ai été dans
ce petitcasino, continua Mai. Les croupiers m’ont parlé. Ilsavaient repéré Pisit Aspiradee, parce qu’il a
quittél e c a s i n o v e r s o n z e h e u r e s d u s o i r e n c o m p a g n i e d’une prostituée russe. – Il
y avait beaucoup de gens? demanda Malko. – Oui, mais les policiers ont montré aux crou-p i e r s e t a u
v i d e u r d e s p h o t o s d e P i s i t . I l s
l ’ o n t reconnu. – Et la Russe? insista Malko. – Elle n’est pas revenue au casino. Ils ne l’ontpas vue
depuis. – Et avant, interrogea Malko. – Elle venait régulièrement. – Où a-t-
on trouvé le corps de Pisit Aspiradee? – Sur la plage, juste en face du
soi
1 3 , l e p l u s c o u r t c h e m i n p o u r a l l e r d u « N u m b e r O n e » à l a plage.
Les employés de la plage l’ont pris pour uni v r o g n e . I l é t a i t a u b o r d d e l ’ e a u ,
la marée avaitr a m e n é s o n c o r p s . O n n e l u i a v a i t r i e n
v o l é , n i argent, ni papiers. Les policiers m’ont dit qu’il
avaité t é b a t t u , q u e c e d e v a i t ê t r e l e s « l o a n -
s h a r k s » locaux à qui il devait de
l’argent. – Il venait souvent à Pattaya? – Ils ne l’avaient jamais vu.J u s q u e - l à , c ’ é t a i t m a i g r e …
G o r d o n B a c k f i e l d , sentant la perplexité de Malko, lança à Mia. – Dites à
Khun
M a l k o c e q u e v o u s a v e z a p p r i s sur cette prostituée.M a i p r i t l e t e m p s d ’ a v a l e r u n
r a v i o l i e t p r é c i s a de sa voix fluette :
LE PIÈGE DE BANGKOK
47

– Elle venait souvent au casino «Number One»,surtout pour jouer, car les prostituées
farangs
sonttrop chères pour les clients de ce casino. – Les
farangs
s e r e s s e m b l e n t t o u s p o u r
l e s T h a ï s , o b j e c t a M a l k o . C o m m e n t l ’ o
n t - i l s r e c o n n u e ? – Elle avait distribué des cartes au casino, pourtrouver des clients, précisa Mai.
Ils m’en ont donnéune.Elle sortit de son sac un rectangle de bristol et let e n d i t à M a l k o . C ’ é t a i t
une carte de visite un peus p é c i a l e , a v e c l a p h o t o c o u l e u r d ’ u n e
t r è s j o l i e blonde avec un décolleté profond, sur une poitrinemagnifique, une mini et des
bottes. Au-dessous del a p h o t o , u n n o m , O k s a n a e t u n n u m é r o d e t é l é -
phone (087) 4134
8888. – C’est le numéro d’un salon de massage deJ o m t i e n B e a c h , « T h e P i n k P a r a d
i s e » , f r é q u e n t é par les
farangs
, s u r t o u t d e s R u s s e s , p r é c i s a M a i . J’ai appelé, je l’ai demandée et une femme m’a
ditq u ’ e l l e n e s e t r o u v a i t p l u s à P a t t a y a , m a i s q u ’ i l y avait
d’autres masseuses.Masseuses-salopes, pour être précis.Mai se mit à avaler ses raviolis à la vitesse
d’unechatte affamée. Elle repoussa ensuite son assiette etregarda sa montre. – Je dois y aller,
Khun
Gordon, j’ai un rendez-vous à Dhomburi. – Attendez, Mai! protesta l’Américain, vousn ’ a v e z p a s
parlé à
Khun
Malko du
farang
q u i s e t r o u v a i t a u « N u m b e r O n e » c e s o i r - l à , e n m ê m e temps que
Pisit.
48
LE PIÈGE DE BANGKOK

– C’est vrai, reconnut la petite Thaï. Il y avaitun autre


farang
à une table de black-jack, en mêmetemps que Pisit. Il est sorti tout de suite après Pisitet est revenu
au casino une demi-heure plus tard. – Vous avez pu l’identifier? demanda Malko àMai.C’est Gordon
Backfield qui répondit. – Cet homme correspond exactement au signa-lement de l’homme que Pisit
Aspiradee avait reçul’ordre de suivre. Un certain Dimitri Korsanov, déjàimpliqué dans des affaires
sensibles.M a l k o d e m e u r a s i l e n c i e u x , S h e r l o c k H o l m e s , même ivre-mort,
aurait eu des soupçons.
LE PIÈGE DE BANGKOK
49

CHAPITRE III
– Pourquoi votre «stringer» surveillait-il Dimi-tri Korsanov? demanda Malko en commandant
unsecond expresso.G o r d o n B a c k f i e l d s ’ e s s u y a l e v i s a g e , c o u v e r t d’une
mauvaise sueur. Il avait le teint gris et trans-pirait en dépit de la clim féroce. – Excusez-moi, je ne
me sens pas bien. Ces consont du mettre des épices dans les raviolis.Malko le laissa tamponner son
front et l’Améri-cain reprit : – C’est une longue histoire, qui remonte à l’an-n é e d e r n i è r e ,
c o m m e n ç a - t - i l . L e n o m d e V i k t o r Bout, le trafiquant d’armes russe, mêlé au
transportde l’or d’Al Qaida
1
v o u s d i t q u e l q u e c h o s e ? Malko esquissa un sourire
ironique. – Gordon, je n’ai pas encore été atteint par lamaladie d’Alzheimer. Vous savez très bien que
j’aicroisé ce monsieur dans les Émirats, il y a cinq ous i x a n s . P o u r q u o i m e p a r l e r d e
l u i ? – Parce qu’il se trouve à Bangkok, dans la pri-
1. Voir SAS :
L’or d’Al Qaida.

son de Remond qui fait partie du centre péniten-ciaire de Khlong Prem,


e n a t t e n t e d ’ ê t r e e x t r a d é chez nous. – Pourquoi voulez-
vous le faire extrader? – Il est accusé, répondit prudemment le chef deS t a t i o n , d e c o m p l
o t e r p o u r t u e r d e s c i t o y e n s a m é r i c a i n s e n l i v r
a n t d e s a r m e s a u x F A R C S colombiens.I l o u v r i t s a s e r v i e t t e
e t e n s o r t i t u n d o c u m e n t qu’il tendit à Malko. – Lisez ceci, c’est l’
Affidavit
r é d i g é p a r n o t r e ambassade et remise aux autorités thaïs pour justi-fier son extradition.
Pendant ce temps, je vais auxtoilettes.M a l k o s e p l o n g e a d a n s l a l e c t u r e d u d o c u m e n t d’une
vingtaine de pages, assez peu consistant, enréalité. Les Américains accusaient Viktor Bout, tra-fiquant
d’armes international, d’avoir rencontré, àt r o i s r e p r i s e s , d e s
r e p r é s e n t a n t s d e s F A R C S e t d’avoir accepté de leur livrer une
« s h o p p i n g l i s t » d’armes impressionnante, allant du missile sol-airIGLA aux drones
armés.G o r d o n B a c k f i e l d r é a p p a r u t a u m o m e n t o ù M a l k o
c o n t e m p l a i t d e s g r i b o u i l l i s d e l a m a i n d e Viktor Bout, censés représenter son
acceptation dela commande des FARCS. – Qu’en pensez-vous? demanda l’Américain
ense rasseyant. – Je suis perplexe, avoua Malko. Dans la plupartd e s p a y s « n o r m a u x » a u c u n
t r i b u n a l n ’ a c c o r d e r a i t une extradition au vu de cet affidavit.L’Américain eut un sourire
ironique.
LE PIÈGE DE BANGKOK
51

– C’est la raison pour laquelle nous avons choisil a T h a ï l a n d e p o u r e s s a y e r d e l e


r é c u p é r e r … L e s policiers des Stups de la Royal Thaï Police man-gent dans la
m a i n d e s « c o u s i n s » d e l a D E A e t , i c i , quand il est suffisamment arrosé, un juge prononcela
sentence qu’on désire…Quelque chose échappait à Malko. – Pourquoi tenez-
vous tellement à récupérerV i k t o r B o u t ? I l v o u s a n u i e n
T h a ï l a n d e ? – Non, c’est nous qui l’avons attiré ici. – Alors? – C’est l’épilogue d’une longue histoire. Nous
a v o n s d e m a n d é s o n e x t r a d i t i o n a u x T h a ï s . E t ç a traîne… – Pourquoi le voulez-
vous? – Viktor Bout s’est spécialisé depuis lesa n n é e s 9 0 d a n s l ’ a c h a t e t l e t r a n s p o r t
d ’ a r m e s , à destination des pays sous embargo. Il avait de trèsb o n s c o n t a c t s e n B u l g a r i e ,
pays peu regardant surles clients de ses usines d’armement, en Russie eten
Ukraine. D’abord, il a travaillé du «bon côté».I l n o u s a a i d é s à r a v i t a i l l e r e n
armes la rebelliona n t i - c o m m u n i s t e d e J o n a s S a w i m b i , e n
A n g o l a . A v e c d e s « e n d - u s e r s » t o g o l a i s . E n s u i t e , i l a r a v i - taillé les rebelles du
Liberia et de Sierra-Leone, unedes guerres civiles les plus sanglantes d’Afrique. – Il n’y a pas de
quoi fouetter un chat, remarquaM a l k o . C ’ e s t a m u s a n t q u e V i k t o r B o u t ,
R u s s e , r a v i t a i l l e u n e r é b e l l i o n a n t i - c o m m u n i s t e . O n n e peut pas dire
que ce soit un idéologue. – D’autant, précisa l’Américain, que noussommes à peu près certains que, dès le
début de ses
52
LE PIÈGE DE BANGKOK

opérations, Viktor Bout a travaillé la main dans lamain avec les Services russes. Ce sont eux
qui ontfinancé ses premières
opérations. – Quel était leur intérêt? – Apprendre des choses sur les responsablespolitiques corrompus.
Pour, éventuellement, fairepression sur eux. Et aussi, connaître l’équilibre desforces. De 1996 à 2001,
comme il s’était basé auxÉ m i r a t s A r a b e s U n i s , l e C h e i k h
Z a y e d d ’ A b u Dhabi lui a demandé d’aider ses amis taliban, alorsa u p o u v o i r à K a b o u l ,
m a i s c o u p é s d e t o u t p a r u n embargo assez bien observé. Là aussi, Viktor Bouta fait des
miracles. Il a monté une petite compagniea p p e l é e « F l y i n g D o l p h i n » e t a g o i n f r é d ’ a r m e s
l e s Taliban, tout en fournissant en même temps le com-mandant Massoud. Parfois, dans le même
voyage,il déchargeait sa cargaison d’abord à Mazar-e-Sha-rif pour l’Alliance du Nord, puis à
Kandahar, chezles Taliban. – Tout cela était archi-
connu, remarqua Malko. – C’est vrai, reconnut Gordon Backfield. Àl ’ é p o q u e , s e u l e s l e s
O N G e t l e s N a t i o n s - U n i e s s’égosillaient à dénoncer le «marchand de
mort»,« T h e L o r d o f W a r »
1
. – Les États-
Unis n’ont rien fait contre lui? – Si, mollement, avoua l’Américain. En 2000,l ’ a d m i n i s t r a t i o n
C l i n t o n a d e m a n d é a u C h e i k h Zayed d’interdire à Viktor Bout
d ’ o p é r e r à p a r t i r des Émirats. Hélas, Zayed était un allié des Taliban,a l o r s a u p o u v o i r à
Kaboul. Il a envoyé promener
LE PIÈGE DE BANGKOK
53
1. Le Seigneur de la Guerre.

Clinton et nous n’avons pas insisté. Parfois, ViktorB o u t n o u s r e n d a i t s e r v i c e . E t


p u i s , l ’ A m é r i q u e n’était pas là pour débarrasser le monde de tous lesm a l f a i s a n t s .
L o r s q u e G e o r g e s W . B u s h o c c u p a l a Maison Blanche, au début de 2001, le dossier
Vik-tor Bout est tombé aux oubliettes. C’étaient plutôtl e s d é m o c r a t e s q u i b r a n d i s s a i e n t
l ’ é t e n d a r d b l a n c de la
Vertu… – Je ne vois toujours pas pourquoi vous lui envoulez… – Tout aurait continué à bien se passer pour lui
s’il n’avait pas eu de mauvaises fréquentations,répliqua le chef
d e s t a t i o n d e l a C I A . G r â c e a u x Taliban, il avait fait la connaissance des gens
d’AlQaida. Le 11 septembre 2001 ne fut pas une bonnen o u v e l l e p o u r l u i .
D ’ a b o r d , i l p e r d i t u n d e s e s clients, le commandant
M a s s o u d , a s s a s s i n é s u r l’ordre d’Oussama Bin Laden le 9 septembre 2001.C e n ’ é t a i t
p a s t r o p g r a v e : M a s s o u d n ’ é t a i t p a s u n gros client. Par contre, sachant que les
Américainsallaient se venger, Taliban et Al Qaida commençè-r e n t à r e t i r e r l e u r s a v o i r s
d’Afghanistan. Princi-palement de l’or et des devises. Les
T a l i b a n n e possédant pas d’avions, c’est donc à Viktor
B o u t qu’ils s’adressèrent. Celui-ci organisa de multiplesvols entre Kaboul et Karachi, puis
entre Kaboul etD u b a ï . I l e m m è n e r a m ê m e g r a t u i t e m e n t u n e c e n - taine de Taliban patchoun en
déroute à Abu Dhabi,invités par le Cheikh Zayed. – Comme on dit, remarqua Malko, lorsqu’ils’agit d’or,
toutes les routes mènent à Dubaï… – Ce n’est pas tout, renchérit Gordon Backfield.
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A p r è s l e 1 1 s e p t e m b r e , V i k t o r B o u t a t r a n s p o r t é dans ses avions plusieurs


« o p é r a t i f s » d ’ A l Q a i d a , occupés à planquer leur trésor, au Pakistan, à Dubaï et au Soudan. Grâce à ses
relations au Sierra Leoneet au Liberia, il les a branchés sur Charles Taylor,le sanglant patron du
Liberia. Ce qui a permis auxm e m b r e s d ’ A l Q a i d a d ’ a c h e t e r l e s « d i a m a n t s
d u sang» souvent payés au-dessus de leur cours. Ous-s a m a B i n L a d e n a v a i t
c o m p r i s q u e l e s d i a m a n t s étaient la meilleure façon de conserver son
t r é s o r de guerre. – On sait ce que sont devenus ces diamants?Gordon Backfield fixa
Malko. – Non, mais Viktor Bout a peut-
être une idée. – Cela portait sur des sommes importantes? – Entre Kaboul et Karachi, les transferts s’éle-vaient
à deux ou trois millions de dollars par
jour.
Entre le 12 novembre 2001, date où les Taliban onta b a n d o n n é K a b o u l e t l e 7 d é c e m b r e d e
la mêmea n n é e , q u a n d l e s c h e f s t a l i b a n e t O u s s a m a
B i n L a d e n s e s o n t é v a n o u i s d a n s l a n a t u r e à p a r t i r d e Jallalabad, on pense que
plusieurs centaines de mil-lions de dollars, en or, devises ou diamants, ont ététransportés par les avions de
Viktor Bout… À desdestinations encore inconnues aujourd’hui.U n a n g e v o l e t a p é n i b l e m e n t d a n s
l ’ a t m o s p h è r e glaciale du restaurant, alourdi par le placage en orm a s s i f d e s e s b e l l e s
a i l e s b l a n c h e s . M a l k o c o m - mençait à comprendre l’intérêt des États-Unis pourViktor
Bout. – En plus, enchaîna Gordon Backfield, une par-tie de l’or d’Al Qaida a été tranférée aux États-Unis
LE PIÈGE DE BANGKOK
55

après
le 11 septembre, sur des appareils d’une descompagnies de Viktor
Bout. – Et l’Administration américaine ne s’y est paso p p o s é e ? Le chef de station
soupira. – D’abord, on l’apprenait toujours
après.
Ensuite, Georges W. Bush semblait ne pas vouloirt o u c h e r à V i k t o r B o u t . C e
dernier avait effectuéb e a u c o u p d e t r a n s p o r t s p o u r l e
P e n t a g o n e . E n Somalie, en Irak et même en
Afghanistan. – C’est Barack Obama qui l’a pris en grippe?d e m a n d a M a l k o , q u i
c o m m e n ç a i t à g r e l o t t e r . I l finissait par rêver à la chaleur moite qui
r é g n a i t à l’extérieur. – Non, en 2004, le président Bush, convaincup a r l e s r a p p o r t s d e l ’ A g e n c e ,
signa un «executiveo r d e r » d e m a n d a n t e n f i n
l ’ a r r e s t a t i o n d e V i k t o r Bout pour ses activités en liaison avec Al
Qaida. – Nous sommes en 2009, cela fait cinq ans…Gordon Backfield eut un sourire
confus. – Viktor Bout a eu vent de ce qui se passait. Ila rendu ses avions en leasing, a fermé ses
bureauxu n p e u p a r t o u t d a n s l e m o n d e e t s ’ e s t i n s t a l l é à Moscou
avec son frère Serguei. Un paisible retraité.U n e f o i s à M o s c o u , i l é t a i t e n
p a r f a i t e s é c u r i t é . Cette situation s’est prolongée jusqu’à cette année,o ù l e s « c o u s i n s » d e
l a D E A l ’ o n t a p p â t é a v e c l ’ a f - f a i r e d e s F A R C S ; – Sachant qu’il était dans le collimateur du
gou-v e r n e m e n t a m é r i c a i n , o b j e c t a M a l k o , p o u r q u o i a - t - i l p r i s
l e r i s q u e d e r e p r e n d r e d u s e r v i c e ? E n principe, il devrait être
extrêmement riche…
56
LE PIÈGE DE BANGKOK

– C’est une excellente question, reconnut Gor-d o n B a c k f i e l d . D e p u i s l e d é b u t d e l a


carrière deViktor Bout, à l’Agence, nous étions
p e r s u a d é s qu’il n’était qu’un opérateur des Services russes,qui prélevaient la
p l u s g r o s s e p a r t i e d e s b é n é f i c e s générés par ses trafics, ne lui abandonnant
qu’unem o d e s t e c o m m i s s i o n . N o u s a v o n s d e m a n d é à l a Station de Moscou
d’effectuer une enquête sur lui.C e q u e n o u s a v o n s d é c o u v e r t a c o n f i r m é c e
q u e nous pensions. Viktor Bout, depuis sa «retraite»,v i v a i t
m o d e s t e m e n t d a n s u n q u a r t i e r e x c e n t r é , à l’ouest de Moscou, sur la
M i n s k C h a u s s e e , n ’ e m - ployait pas de personnel et n’avait en rien le profild’un
oligarque. – Donc, conclut Malko, Viktor Bout auraitrepris du service par besoin
d’argent. – Je ne vois pas d’autre explication, reconnutG o r d o n B a c k f i e l d . E t ,
probablement aussi, dansl’espoir de revendre un vieil avion
d e t r a n s p o r t Ilyouchine 76 qui lui reste sur les bras. D’ailleurs,après son arrestation en
Thaïlande, sa femme, Alla,a d é c l a r é à d e s j o u r n a l i s t e s à M o s c o u ,
q u ’ e l l e n’avait que mille dollars devant elle. – C’est mal de vous attaquer à un pauvreretraité,
remarqua Malko, mi-figue, mi-raisin…L’Américain lui jeta un regard
noir. – Ce n’est pas un retraité comme les autres.N o t r e i d é e e s t s i m p l e : u n e f o i s q u ’ i l s e r a
b i e n a u chaud dans une prison new-yorkaise, on va lui faireu n e p r o p o s i t i o n q u ’ i l n e p o u r r a
p a s r e f u s e r : s o n carnet d’adresses contre cinq cents ans de prison.
LE PIÈGE DE BANGKOK
57
Ce qui nous permettra de retrouver le trésor
d ’ A l Qaida. – Donc, si je comprends bien, conclut Malko,V i k t o r B o u t s e t r o u v e e n c e
moment en prison
àB a n g k o k , e n a t t e n t e d ’ e x t r a d i t i o n p o u r
l e s États-Unis. Pourquoi vous tracassez-vous? – La situation n’est pas aussi simple, reconnutl e
c h e f d e S t a t i o n d e l a C I A . N o u s n e s o m m e s p a s les seuls à réclamer Viktor Bout. La
Russie déploied e s e f f o r t s d i p l o m a t i q u e s i n s e n s é s p o u r q u ’ i l n e s o i t p a s
extradé, mais expulsé vers le pays de sonchoix. C’est-à-dire la Russie. Cela dure
d e p u i s u n a n … C o m m e n o u s m e t t o n s l a p r e s s i o n m a x i m a l e sur les Thaïs et qu’ils nous
doivent beaucoup, c’estd i f f i c i l e p o u r e u x . D ’ a u t a n t q u e l e s
R u s s e s o n t menacé de cesser de leur vendre du pétrole à prixc a s s é e t d e
fournir en armes la rébellion musul-mane du sud du pays, si
V i k t o r B o u t p a r t a i t a u x États-Unis.» A l o r s , à l e u r h a b i t u d e , l e s
T h a ï s g a g n e n t d u t e m p s , e n e s p é r a n t l e m i r a c l e . L a p r o c é d u r e d u r e déjà depuis
plus d’un an. La décision finale de l’ex-trader ou non doit être prise le 11 du mois prochain,c’est-à-dire dans
quinze jours. Sauf si le gouverne-ment thaï trouve encore une échappatoire. – Comment avez-
vous raté une opération enp r i n c i p e f a c i l e ? s ’ é t o n n a M a l k o . E n T h a ï l a n d
e , avec de l’argent, on a tout ce qu’on veut.Gordon Backfield leva les yeux au ciel. – Ne remuez
pas le couteau dans la plaie… Toutd e v a i t m a r c h e r c o m m e s u r d e s r o u l e t t e s , m a i s c e s
58
LE PIÈGE DE BANGKOK

c o n s d e l a D E A o n t o u b l i é d ’ a r r o s e r u n e d e s p a r - ties prenantes. – Laquelle? – Les militaires.


Viktor Bout devait être exfiltréà partir de Don Muang, qui est désormais une basemilitaire de l’Armée
de l’Air thaï. Or, la DEA avaito u b l i é d e l e s a r r o s e r … C o m m e V i k t o r B o u t a f a i t du tintouin
en arrivant à Don Muang, les militairesqui détestent la police, ont bloqué l’opération
sousp r é t e x t e q u e V i k t o r B o u t n ’ a v a i t p a s d e p a s s e p o r t pour sortir du pays. Et, depuis,
c’est la
merde. – Vous n’êtes pas certains que les Thaïs vous lel i v r e n t ? – Non, avoua Gordon Backfield. Même le P
re-mier ministre ne veut pas prendre de décision. Il ar e f i l é l e d o s s i e r a u g é n é r a l P h r a
S a m u t p r a k a n , l e c h e f d ’ É t a t - M a j o r d e l ’ a r m é e . E t c e l u i - c i e s t t o u t aussi embêté. En
plus, la vraie raison de votre pré-sence ici est la certitude que le FSB, qui ne fait pasp l u s
c o n f i a n c e a u x T h a ï s q u e n o u s , e s t e n t r a i n d e monter une opération clandestine pour sauver Vik-
tor Bout. Ce qui arrangerait bien les Thaïs. C’est cequ’il faut éviter à tout
prix. – Bien, conclut Malko, c’est plus clair. Quel estl e l i e n e n t r e l ’ e x t r a d
i t i o n d e V i k t o r B o u t e t l e m e u r t r e s u p p o s é
d e v o t r e « s t r i n g e r » P i s i t Aspiradee?G o r d o n B a c k f i e l d
r e g a r d a a u t o u r d e l u i . B i e n qu’ils soient les derniers clients du
restaurant, ils e m b l a i t c r o i r e q u e l e s m u r s é t a i e n t
f a r c i s d e micros.
LE PIÈGE DE BANGKOK
59

– Rentrons au bureau, proposa-t-il. Je vais vousl’expliquer.


***
D e r e t o u r à l ’ a m b a s s a d e , G o r d o n B a c k f i e l d ouvrit un tiroir
e t e n s o r t i t p l u s i e u r s p h o t o s q u ’ i l tendit à
Malko. – Voilà le lien entre Viktor Bout et PisitAspiradee.L e s p h o t o s , t o u t e s p r i s e s a u
t é l é o b j e c t i f , r e p r é - sentaient un homme blond, très grand, avec un boucb i e n t a i l l é , v ê t u d ’ u n e
t e n u e v a g u e m e n t m i l i t a i r e , une sacoche accrochée à l’épaule. – Qui est-ce? demanda Malko. – Un
certain Dimitri Korsanov. Citoyen russe. Ilvit à Bangkok depuis une quinzaine d’années. – Qu’y fait-
il? – Nous aimerions bien le savoir, reconnutl’Américain. Même les autres Russes de Bangkokne
semblent pas le savoir. Il vit plus ou moins d’ex-p é d i e n t s , d e p e t i t s b o u l o t s e t d ’ u n e
o r g a n i s a t i o n , t y p e O N G , q u ’ i l a b a p t i s é e « L a T r o i s i è m e v é r i t é sur le 11
s e p t e m b r e » . d a n s l e s t y l e n é g a t i o n n i s t e . Une chose est certaine : il déteste l’Amérique et
lesA m é r i c a i n s . I l p r é t e n d a v o i r a p p a r t e n u a u G R U
1
,dans la section qui veillait à la protection des armesnucléaires en Union
Soviétique. C’est invérifiable.N o u s a v o n s f a i t u n e e n q u ê t e a u p r è s d e s T h a ï s : i l n’est plus
enregistré au Consulat de Russie comme
60
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Service Militaire de Renseignement.

un national, bien que rien ne lui soit reproché


e n Russie. – Il n’a plus de passeport? – Si, un passeport diplomatique uruguayen…Que les Thaïs
reconnaissent comme valable. – C’est un mythomane?L’Américain secoua la
tête. – Partiellement. Cependant, après les attentatsislamistes de Bali, en 2004, qui ont fait 204
morts,la Station de Djarkarta a découvert sur un des cou-p a b l e s l e s r e s t e s
c a l c i n é s d ’ u n p a s s e p o r t u r u - gayen… Bien entendu, nous
a v o n s é t a b l i l e l i e n avec Dimitri Korsanov à qui la rumeur attribuait untrafic de passeports
uruguayens…» À n o t r e d e m a n d e , i l a é t é a r r ê t é p a r l e s T h a ï s q u i l ’ o n t c u i s i n é
p l u s i e u r s m o i s . H é l a s , i l s n ’ o n t rien trouvé et ils ont été obligés de le
relâcher. – Qu’en pensez-vous? – Qu’il a vendu des passeports aux Islamistes dela
Jaama Ismaelia
1
d’Indonésie. Les Thaïs se sontbasés sur un fait pour le relâcher : il n’avait jamaisq u i t t é l a
Thaïlande depuis longtemps et la
Jaama Ismaelia
n ’ a a u c u n e a t t a c h e i c i . E l l e n e c o o p è r e même pas avec les insurgés
musulmans du sud dela Thaïlande qui donnent tant de fil à retordre
a u x Thaïs. – Donc, il serait innocent, conclut Malko. Onn’envoie pas de faux passeports par la
poste. – Pas sûr, rectifia Gordon Backfield. DimitriK o r s a n o v a u n e c o p i n e p h i l i p p i n e ,
Perlita Patik,
LE PIÈGE DE BANGKOK
61
1. Organisation terroriste islamiste indonésienne.

qui,
elle
, s’est rendue avant l’attentat aux Philip-p i n e s v o i r s a f a m i l l e .
E n f a i s a n t u n e e s c a l e à D j a k a r t a , e n I n d o n é s i e . B i e n
e n t e n d u , n o u s n e l’avons appris que beaucoup plus tard, trop
t a r d pour vérifier quoi que ce soit. – C’est un pro-
islamiste, ce Dimitri Korsanov? – Non, il s’en fout, laissa tomber l’Américain,m a i s i l a b e s o i n
d ’ a r g e n t e t i l h a i t l ’ A m é r i q u e . Donc, ses ennemis sont ses
amis… – Bien raisonné, admit Malko. Mais quel liena v e c V i k t o r B o u t ? – Celui-ci est emprisonné
au centre pénitentiaired e K h l o n g P r e m , a u n o r d d e l a v i l l e . I l r e ç o i t d e s visites tous les
jours, sauf les week-ends. D’abordsa femme, Alla, qui s’est installée à Bangkok depuiss o n
i n c a r c é r a t i o n , s o n a v o c a t e t d e s a m i s . B i e n entendu, nous
s u r v e i l l o n s c e s v i s i t e s , g r â c e à d e s «stringers» locaux qui se mêlent à la foule des visi-
t e u r s . O r , D i m i t r i K o r s a n o v v i e n t t o u s l e s d e u x j o u r s et semble en excellents
termes avec Viktor
Bout. – Ils sont russes tous les deux, ce n’est pasextraordinaire. – Certes, reconnut Gordon Backfield, maisD i m i
tri Korsanov se rend
aussi
a u x a u d i e n c e s e t p a r a î t s u i v r e d e t r è s p r è s l e s o r t j u d i c i a i r e d e V i k - tor
Bout. – Jusque-là, ce n’est pas probant. – OK, ajouta Gordon Backfield. Parmi lesv i s i t e u r s d e
V i k t o r B o u t , i l y a a u s s i E v g u e n i Makowski, un journaliste
r u s s e c o r r e s p o n d a n t d u journal de la Douma. Il parle parfaitement thaï etnous savons qu’il
appartient à la structure clandes-
62
LE PIÈGE DE BANGKOK

t i n e d u F S B , e n T h a ï l a n d e . O r , à t r o i s r e p r i s e s , Dimitri Korsanov
et Evgueni Makowski ont quittéensemble la prison où se trouve Viktor Bout, dansla voiture de
ce dernier. – Quelle conclusion en tirez-vous? – Je crains que le FSB n’ait un plan pour récu-pérer Viktor Bout
au cas où la justice thaï nous don-n e r a i t r a i s o n . N o u s s a v o n s , p a r l e s é c o u t e s r a d i o , que le
FSB Moscou se préoccupe beaucoup du sortde Viktor Bout. Les jours d’audience, il y a un
netaccroissement des messages radio… – Pourquoi ne surveillez-
vous pas EvgueniM a k o w s k i ? – Nous avons essayé. C’est difficile. Il conduitl u i - m ê m e , c e
q u i e s t t r è s r a r e p o u r u n
farang
,c o n n a î t B a n g k o k c o m m e s a p o c h e e t n ’ a q u ’ u n e a d r e s s e f i x e , l e b u r e a u d e
s o n j o u r n a l a u b u i l d i n g Esmeralda, dans le
soi
Ngamdullee. Il y arrive tou- jours en moto-taxi et repart de la même façon. Pra-t i q u e m e n t i m p o s s i b l e à
s u i v r e . I l m e f a u d r a i t u n e main d’œuvre locale que je ne possède
pas. – Et son domicile? – Nous ignorons où il habite et les Thaïs aussi.Donc, j’ai décidé de me concentrer sur
Dimitri qui,lui, est plus facile à suivre. Il prend des taxis ou leB T S , a u n s e u l d o m i c i l e ,
f a c i l e à p l a n q u e r e t n ’ a pas l’air de se méfier
beaucoup. – Et vous aviez chargé Pisit Aspiradee dut r a v a i l ? – Tout à fait. Cela faisait une semaine qu’il su
r-v e i l l a i t D i m i t r i K o r s a n o v l o r s q u ’ o n l ’ a r e t r o u v é m o r t à P a t t a y a .
Je ne savais même pas qu’il s’y
LE PIÈGE DE BANGKOK
63

t r o u v a i t . C e l a a d û s e d é c i d e r r a p i d e m e n t . C ’ e s t Mai qui a découvert la


présence de Dimitri Korsa-n o v à P a t t a y a . D o n c , i l y a d e f o r t e s c h a n c e s
q u e P i s i t a i t é t é a s s a s s i n é p a r c e q u e l e R u s s e s ’ e s t aperçu
de sa filature. – C’est probable, reconnut Malko. Cela indiqueque si ce Russe n’a pas hésité à
assassiner un poli-cier, il avait un motif
important… – Je ne vous le fais pas dire, renchérit GordonBackfield. – Si je comprends bien, conclut Malko, v
ousd é s i r e z q u e j e r e p r e n n e l a s u r v e i l l a n c e d e D i m i t r i Korsanov, qui s’est terminée par le
meurtre de PisitAspiradee …C ’ e s t - à - d i r e t i r e r u n f i l à t i r e r a u b o u t d u q u e l i l pouvait y
avoir de très mauvaises surprises.
64
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CHAPITRE IV
– Tu as fait une connerie. Une énorme connerie!J e n e v e u x p l u s j a m a i s q u e t u p r e n n e s
d e s i n i t i a - tives sans m’en parler…Evgueni Makowski parlait d’une voix basse, ten-d u e , e n r u s s e ,
le visage à quelques centimètres deDimitri Korsanov, son opposé complet.. Gros,
lec h e v e u r a r e , u n e b a r b e m a l e n t r e t e n u e , l ’ a i r
négligé, la chemise pas vraiment nette. À côté delui, Dimitri Korsanov avait l’air
d ’ u n f l a m b o y a n t play-boy. Pourtant, le grand Russe blond réponditd’une voix
soumise. – Tu m’avais dit qu’il ne fallait pas que cettepetite merde thaï reste accrochée à moi, à
Pattaya. – C’est vrai, reconnut Evgueni Makowski, maistu t’y es pris comme un manche. Au casino
«Num-b e r O n e » , l e s g e n s t ’ o n t v u s o r t i r d e r r i è r e l u i ; e n plus, Oksana était
connue là-bas. Il aurait fallu quet u l e l i q u i d e s d a n s u n e n d r o i t d i s c r e t , s a n s
q u ’ o n p u i s s e l i e r s a d i s p a r i t i o n à t o i . T u a v a i s B o r i s e t Gleb pour
t’aider.D i m i t r i K o r s a n o v b a i s s a l a t ê t e , p e n a u d . L e s d e u x
hommes se trouvaient dans l’arrière-salle

d ’ u n b o u i - b o u i t h a ï l a n d a i s , l e T o n g - l a , a u c o i n d e Sukhumvit road et du
soi
23, où la nourriture étaitexcellente et pratiquement
donnée. – C’estgrave?demandaDimitri,lesyeuxbaissés.Evgueni Makowski lui jeta un regard
apitoyé. – Tu crois vraiment que ce petit flic thaï te sur-v e i l l a i t p o u r s o n
c o m p t e ? – Jenesaispas,bredouillaDimitri,deplusenplusmal à l’aise. Il ne touchait même plus à son anguilleaux piments, un
plat dont il raffolait pourtant. – Ce sont nos amis américains qui l’ont lâché surt o i , p r é c i s a E v g u e n i
M a k o w s k i . J ’ e n m e t t r a i s m a main au feu. Tu sais bien que, depuis l’histoire deBali, ils t’ont
dans le collimateur. – Mais pourquoi s’intéresseraient-ils à moi,
maintenant
? – Je sais qu’ils craignent que Viktor leur filee n t r e l e s d o i g t s . O r , t u v a s s o u v e n t l e v o i r d a n s
s a p r i s o n , n o n ? Dimitri Korsanov s’était tassé sur lui-même. Lesdeux hommes demeurèrent silencieux
quelques ins-t a n t s . O n n ’ e n t e n d a i t p l u s q u e l e g r o n d e m e n t d u métro aérien courant au-
dessus de Sukhumvit road,perpétuellement embouteillée.Evgueni Makowski acheva son Tom-Yan-
Kim,u n p l a t t r è s é p i c é e t r e g a r d a l a f o u l e q u i d é f i l a i t dans le
soi
.Pas vraiment inquiet.Il était pourtant certain que la N.I.A
1
thaï
l’avaiti d e n t i f i é c o m m e a g e n t d u F S B , m a i s i l s
’ e n
66
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. National Intelligence Agency.

moquait. Clandestin, avec une couverture en bétonde journaliste, personne ne pensait à lui
causer desennuis. D’ailleurs, à Bangkok, il ne travaillait pascontre les Thaïs, mais contre les
Américains.U n m o i s p l u s t ô t , i l a v a i t e f f e c t u é u n v o y a g e à Moscou, sous prétexte de préparer
l’ouverture d’unb u r e a u r é g i o n a l . C ’ e s t l à q u ’ i l a v a i t r e ç u d e s i n s -
t r u c t i o n s p r é c i s e s d e s o n c h e f d i r e c t , R e m A b s i l e n k o , le responsable au FSB, chargé des
«opérations spé-ciales» à l’étranger. Ses ordres étaient simples : il nefallait à aucun prix que Viktor Bout soit extradé auxÉtats-Unis.
D’abord, c’était un agent qui avait tou- jours très bien travaillé. Ensuite, il savait trop dechoses sur les Services
russes. Or, en dépit de leurspressions, les Russes ignoraient ce que serait la déci-sion finale des Thaïs.E v g u e n i
M a k o w s k i a v a i t r e ç u u n e f e u i l l e d e route très simple :I l d e v a i t à
tout prix connaître la décision
finaled u g o u v e r n e m e n t t h a ï a v a n t q u ’ e l l e n e
s o i t publique. En corrompant un des responsables thaïs,ce qui n’était pas d’une grande
difficulté.U n e f o i s c e t t e d é c i s i o n c o n n u e , s i l e g o u v e r n e - ment thaï décidait d’extrader
Viktor Bout vers lesÉ t a t s - U n i s , E v g u e n i M a k o w s k i d e v a i t m e t t r e e n route le
plan A. C’est-à-dire organiser l’évasion et,ensuite, l’exfiltration de Thaïlande de Viktor Bout.Au besoin avec
des complicités locales.S i c e t t e o p é r a t i o n s ’ a v é r a i t i m p o s s i b l e , o n p a s - s a i t a u p l a n B
: l ’ é l i m i n a t i o n p h y s i q u e d e V i k t o r Bout, afin d’empêcher son
extradition.L e r e s p o n s a b l e d e s O p é r a t i o n s S p é c i a
l e s
LE PIÈGE DE BANGKOK
67

Extérieures, le général Rem Absilenko allait luienvoyer du


r e n f o r t e t l e m a t é r i e l n é c e s s a i r e , c a r cette partie du plan devait rester strictement dans
lecercle FSB.C’était certes regrettable, mais Viktor Bout seraitr é c o m p e n s é à t i t r e
p o s t h u m e c o m m e l ’ a v a i t é t é , soixante ans plus tôt, Richard Sorge, le
m e i l l e u r espion que l’Union Soviétique ait placé auprès desJ a p o n a i s . S t a l i n e
l ’ a v a i t l a i s s é p e n d r e , m a i s u n envoyé spécial du Kremlin lui avait
r e n d u v i s i t e dans sa cellule, à Tokyo, quelques jours avant sonexécution, pour lui annoncer
qu’il serait décoré del’Ordre de Lénine.À titre posthume.En bon communiste, Richard Sorge avait
acceptéet était monté sur la potence sans rien dire.E v g u e n i M a k o w s k i é p r o u v a i t d e
la sympathiepour Viktor Bout et espérait qu’il n’aurait pas
à r e c o u r i r à c e t t e s o l u t i o n e x t r ê m e . C e p e n d a n t , i l devait s’y préparer.
Cela faisait partie de ses tâchesi m m é d i a t e s . I l a t t e n d a i t u n a p p e l d e l ’ a m b a s s a d e r u s s e q u i
l u i f i x e r a i t l e s m o d a l i t é s é v e n t u e l l e s d e l’opération.Dimitri Korsanov, qui avait respecté son
silence,piocha quelques champignons noirs dans son bol etosa demander
: – Et Oksana? – Elle est à l’abri, assura sèchement EvgueniMakowski. On lui a fait quitter Pattaya. Les
Ame-rikanski
v o n t s û r e m e n t a l l e r f o u i n e r l à - b a s , d o n c , toi non plus, tu n’y remets pas les pieds.
68
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Qu’est-ce que tu veux que je fasse, alors?interrogea Dimitri Korsanov, frustré.Evgueni lui expédia un
sourire
amical. – Rien. Pour l’instant. Tu es grillé. Tu te tiensà l ’ é c a r t d e V i k t o r .
O n t ’ u t i l i s e r a p l u s t a r d .
Karacho
1
?–
Karacho.
E v g u e n i M a k o w s k i l u i e n v o y a u n e b o u r r a d e amicale. – J’aurai
vraiment besoin de toi, plus tard. Tu esun type précieux.S’il le traitait trop mal, Dimitri Korsanov risquaitde
faire des conneries. Or, il en savait beaucoup surl e r é s e a u d e p r o s t i t u t i o n r u s s e q u i s e r v a i t d e
c o u - verture au FSB en Thaïlande.Il sortit des billets et posa 800 baths
2
sur la table. – Pars le premier, ordonna-t-il.Dimitri Korsanov ne discuta pas. Il sortit dans le
soi
23, puis tourna à gauche dans Sukhumvit pourr e j o i n d r e l a s t a t i o n T h o n g L a
d u B T S , l e m é t r o aérien.E v g u e n i M a k o w s k i a t t e n d i t q u e l q u e s
m i n u t e s avant de quitter le restaurant, puis fit quelques pasd a n s l e
soi
2 3 e t a r r ê t a u n e m o t o - t a x i d o n t l e c o n d u c t e u r à
l a c h a s u b l e v e r t e a c c e p t a d e l e conduire à Central World
Plaza pour 20 baths.T a n d i s q u ’ i l c h e v a u c h a i t l a m o t o , i l s e r e t o u r n a plusieurs fois, tendu.
Les Américains allaient sûre-m e n t r é a g i r a p r è s l ’ i n c i d e n t d e P a t t a y a . P a s p o u r
LE PIÈGE DE BANGKOK
69
1 . D ’ a c c o r d ? 2. 20 dollars.
venger leur «stringer» mais pour découvrir pour-quoi on l’avait tué. Il
f a l l a i t d o n c l e s t e n i r à d i s - tance, à tout prix. Il savait qu’ils l’avaient ciblé. Ildevait
donc, lui aussi, redoubler de prudence.
***
Alla Bout faisait les cent pas devant la vitrine dum a g a s i n d e f r i n g u e s « B é b é » . L o r s q u ’ e l l e
a p e r ç u t Evgueni Makowski, elle ne broncha pas. Le Russei n s p e c t a l e s a l e n t o u r s u n e
d i z a i n e d e m i n u t e s a f i n de voir si tout était clair, avant de la rejoindre.C e t i m m e n s e
centre commercial, en plein cœurde Bangkok, sur Rama I, était l’endroit idéal
p o u r un rendez-vous discret.L o r s q u ’ i l f u t s û r q u e l a f e m m e d e V i k t o r
Boutn ’ a v a i t p a s é t é s u i v i e , i l l ’ e n t r a î n a j u s q u ’ à
u n e cafeteria. – Tu vas à
Remond
d e m a i n ? – Comme tous les jours.La prison de Remond était la branche de KhlongPrem réservée aux
détenus en préventive. –
Karacho.
Tu vas dire à Viktor que tu m’as vu,que je vais le sortir de là. Pas oralement. Tu collesun mot
en russe contre la vitre de séparation. – C’est tout? – Qu’il tâte le gros Nigérien, tu sais le mec quis’est
fait piquer avec quarante kilos de dope, poursavoir s’il serait partant pour quelque chose.
Tou- jours avec le même système. Des petits mots quetu brûles en revenant à l’hôtel. Ensuite, voilà ce quetu
vas faire, toi.
70
LE PIÈGE DE BANGKOK

A l l a B o u t l ’ é c o u t a s a n s d i s c u t e r . E l e a u r a i t f a i t n’importe quoi pour récupérer son mari.


***
– Je vaisdonc reprendre la surveillance de Dimi-tri Korsanov, conclut Malko lorsque Gordon Back-field eut
terminé son exposé. – Non, j’ai une meilleure idée, répliqua le chef d e S t a t i o n d e l a C I A .
Dimitri Korsanov se méfies û r e m e n t d é s o r m a i s e t d o i t f a i r e
a t t e n t i o n . S i c e malheureux Pisit a été tué, je pense que c’est qu’ilse passe quelque chose à
Pattaya, lié à Viktor Bout.Il faudrait découvrir
quoi. – Comment? – Nous avons un point de départ : cette prosti-tuée russe dont nous avons la photo et le
téléphone.Ele était très probablement la complice de ceux quiont tué Pisit. Ou, au moins, elle les a
vus… – Bien. En route pour Pattaya. – Mai va venir avec vous. Elle sera très utile. – Pas de problème.Gordon
Backfield demeura silencieux quelquesinstants puis avança
timidement. – Je crois que vous avez des relations intéres-s a n t e s à B a n g k o k ? I l f i x a i t M a l k o
a v e c u n r e g a r d e n c o i n . C e l u i - c i ne se troubla
pas. – Vous voulez parler de mon amie chinoise,L i n g S i m a ? – Oui.
LE PIÈGE DE BANGKOK
71

– Je ne pense pas qu’elle soit branchée sur lesRusses. – Elle connaît tout le monde à Bangkok, insistal’Améric
ain. C’est un atout formidable. – Bien,concédaMalko,je vaisla contacter. C’estvrai qu’elle nous a déjà rendu
beaucoup de services.P r a t i q u a n t l ’ h y p o c r i s i e c o m m e u n v r a i d i p l o - mate. La
première chose qu’il avait faite en arrivantà B a n g k o k a v a i t é t é d e t é l é p h o n e r à
L i n g S i m a , colonel du
Guoanbu
1
chinois avec une couvertured e b i j o u t i è r e . S o n a c t i v i t é p r i n c i p a l e c o n s i s t a i t
à contrôler le chef de la Triade chinoise Sun Yee On,I m a l a i Y o d o n g , é g a l e m e n t
c o l o n e l d e l a P o l i c e Royale Thaï.B i e n e n t e n d u , l e s S e r v i c e s t h a ï s é t a i e n t a u
cou-r a n t d e s o n a p p a r t e n a n c e a u
Guoanbu
, m a i s l a Chine était un Grand Frère aux griffes très acérées,qu’on ne contrariait qu’en cas de
nécessité absolue.H i é r a t i q u e , d i s t a n t e e t s e n s u e l l e , L i n g
S i m a t e n a i t u n e b i j o u t e r i e a u c œ u r d e C h a r i n g r o a d e t d’un petit
soi
, dans
Yeowarat
, le quartier chinois deB a n g k o k . C ’ e s t d a n s s o n a p p a r t e m e n t p r i v é a t t e - nant que Malko l’avait
rencontrée sept ans plus tôt.N o r m a l e m e n t , p o u r q u ’ e l l e l u i r e m e t t e u n e
l e t t r e d ’ i n t r o d u c t i o n p o u r u n r e s p o n s a b l e d e T r i a d e a u x Philippines
2
. Ce contact professionnel s’était trans-f o r m é s a n s q u e M a l k o a i t r i e n p r é m é d i t é , e n
u n e « b r è v e r e n c o n t r e » . E n d é c o u v r a n t c e t t e f e m m e a u port altier et aux pommettes
saillantes qui lui don-
72
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Services de Renseignement Chinois.2 . V o i r S A S
Les otages de Jolo.

n a i e n t l ’ a i r d ’ u n e p r i n c e s s e m a n d c h o u e , v ê t u e d’une sage
tunique et d’un pantalon de cuir noir quila moulait comme un gant, il s’était embrasé. LingS i m a
a v a i t d û é p r o u v e r u n e p u l s i o n s i m i l a i r e c a r elle ne l’avait pas repoussé, lorsque, dans la
petitepièce aux murs de laque noire utilisée pour les ren-c o n t r e s d i s c r è t e s , i l
l ’ a v a i t v i o l é e d e t o u t e s l e s façons, sans même échanger un baiser.L a
Chinoise ne lui en avait pas voulu car, cinqans plus tard, quand il était
v e n u , à n o u v e a u , l u i demander un service
1
, elle s’était encore offerte àlui. Cette rencontre-là avait duré plus
longtemps.L o r s q u e , p o u r l a r e m e r c i e r d e l u i a v o i r
a p p o r t é l ’ a i d e d e l a t r i a d e S u n Y e e O n p o u r e x f i l t r e r u n défecteur nord-
coréen, à travers la Chine, Malko luia v a i t o f f e r t u n c œ u r e n r u b i s , L i n g
Sima s’étaite n f i n a v o u é à e l l e - m ê m e q u ’ e l l e é t a i t
t o m b é e a m o u r e u s e d e M a l k o , e n d é p i t d e t o u t c e q u i l e s séparait.Une
troisième fois, deux ans plus tôt, alors qu’ils e t r o u v a i t a u L a o s
2
, e l l e l u i a v a i t p r a t i q u e m e n t sauvé la vie.Chacune de leurs rencontres se terminait
toujoursde la même façon, en étreintes passionnées.À p e i n e d é b a r q u é d ’ a v i o n , M a l k o a v a i t
a p p e l é Ling Sima, qui, au téléphone, arborait toujours unea t t i t u d e d i s t a n t e , c o m m e s ’ i l s s e
c o n n a i s s a i e n t à peine.E l l e l u i a v a i t q u a n d m ê m e d o n n é r e n d e z - v o u s
LE PIÈGE DE BANGKOK
73
1. Voir SAS
Le défecteur de Pyong-Yang.
2. Voir SAS
Retour à Shangri-La.

pour dîner au Grand China Princess, sur


Yeowaratroad. – De toute façon, précisa Gordon Backfield àMalko, vous partez demain matin pour
Pattaya enc o m p a g n i e d e M a i . I l f a u t r e m e t t r e l a m a i n
surO k s a n a , c e t t e p r o s t i t u é e r u s s e q u i a
s û r e m e n t a s s i s t é a u m e u r t r e d e P i s i t A s p i r a d e e .
E s s a y e z quand même de contacter votre amie chinoise avantde partir.
***
Le grand China Princess Hotel faisait le coin deYeowarat road et de Thanon Mangton. Malko bon-d i t
d e s o n t a x i , f u r i e u x . À c a u s e d u t r a f i c , i l a v a i t près d’une heure de retard. Le restaurant se
trouvaitau dixième étage du China Princess et l’ascenseurgrimpait avec une sage lenteur.En
passant la porte de laque rouge du restaurant,M a l k o e u t u n c h o c : l a s a l l e é t a i t
t o t a l e m e n t v i d e ! Il faut dire que sa Breitling indiquait neuf heures etq u e l e s C h i n o i s
d î n e n t à s e p t h e u r e s … I l a l l a i t repartir, furieux et déçu – Ling Sima ne l’avait
sûre-m e n t p a s a t t e n d u – l o r s q u ’ u n e s e r v e u s e s u r g i t e t s’inclina devant lui, lui
faisant signe de la suivre…Ils passèrent devant la porte ouverte d’un salon par-t i c u l i e r o ù u n e
vingtaine de Chinois fêtaient unmariage en jouant au
k a r a o k é d a n s u n v a c a r m e infernal, puis la serveuse s’arrêta devant une porteoù
elle frappa un coup léger, s’effaçant ensuite pourlaisser passer Malko.C ’ é t a i t u n t o u t p e t i t s a l o n
particulier, avec une
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LE PIÈGE DE BANGKOK

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m u r e t d e s s i è g e s , une télévision et quelques gravures au mur.L i n g S i m a é t a i t
a s s i s e f a c e à l a p o r t e , s u p e r b e dans une robe chinoise rouge sang, fermée au
cou,pudique comme une nonne. Malko s’arrêta, un petitpincement au cœur : elle était toujours aussi
belle,en dépit de son regard assombri par la fureur. Il eutd u m a l à d i s t i n g u e r l e p e n d e n t i f
e n r u b i s q u ’ i l l u i avait offert deux ans plus tôt, qui se confondait avecla robe.La Chinoise lui jeta
d’une voix furibonde. – Tu me prends pour une bonne? Cela fait uneh e u r e q u e j e s u i s i c i . T u
m ’ a s f a i t p e r d r e l a f a c e auprès du personnel. Ils vont me prendre pour unefemme faible,
esclave de ses sentiments, alors que j’ai voulu te rendre service.L a « f a c e » p o u r l e s C h i n o i s ,
c e l a c o m p t a i t b e a u - coup. Malko s’inclina sur sa main et la
baisa. – Je te demande dix mille fois pardon, fit-il desa voix la plus charmeuse. Dans le taxi qui se
traî-nait à deux à l’heure, j’avais envie de m’arracher lecœur…U n p e u d e l y r i s m e n ’ a v a i t j a m a i s
fait de mal etl e s A s i a t i q u e s a d o r a i e n t l e l a n g a g e f l e u r i .
L i n g Sima, pourtant, ne se calma pas. – La cuisine va fermer, menaça-t-elle; je ne suismême pas
certaine de pouvoir manger.C o m m e p o u r l a d é m e n t i r , l a s e r v e u s e
s u r g i t accompagnée d’un garçon portant plusieurs plats :d’abord la peau d’un canard laqué,
accompagné deb o î t e s e n b o i s c o n t e n a n t l a s a u c e e t d e s
p e t i t e s
LE PIÈGE DE BANGKOK
75

crêpes, puis un second plat contenant la viande duc a n a r d c o u p é e e n m o r c e a u x e t


e n f i n , d e s b o l s d e soupe, pour terminer le repas. Et du thé, beaucoupde
thé. – C’est le meilleur canard laqué de Yeowarat!l a n ç a L i n g S i m a . M a n g e ! C e n ’ é t a i t p a s
très romantique, mais le canardé t a i t d é l i c i e u x . P e n d a n t q u e l q u e s
i n s t a n t s , i l s l e dégustèrent en silence.L i n g S i m a m a n g e a i t c o m m e
t o u s c e u x d e s a race : rapidement et gloutonnement, sans un regardpour Malko.I l n ’ y
a v a i t d a n s c e t o c é a n d e f r o i d e u r q u ’ u n e petite balise encourageante : le
pendentif en rubis.L e j o u r o ù M a l k o l ’ a v a i t o f f e r t à L i n g S i m a ,
s a carapace avait fondu et ils avaient fait l’amour jus-q u ’ à l ’ é p u i s e m e n t . E n d é p i t
d e s o n a l l u r e h i é r a - tique, Ling Sima était une femme de feu. Sept ansplus tôt, elle lui
avait pardonné de l’avoir sodomi-sée sauvagement, alors qu’il la connaissait depuisune heure à
peine.C ’ é t a i t b e a u c o u p m o i n s g r a v e q u e d e l a f a i r e attendre dans un
restaurant…En vingt minutes, il ne resta plus rien du canard.L i n g S i m a s e m b l a i t p l u s
d é t e n d u e . P o u r t a n t , e l l e regarda sa montre. – Il est tard, remarqua-t-
elle. – Pour moi, il n’est pas tard, à cause du déca-lage horaire…Il se leva, fit le tour de la table et posa
ses mainssur les épaules de la Chinoise. – Je suis content de te retrouver…
76
LE PIÈGE DE BANGKOK

E l l e n e r é p o n d i t p a s m a i s n e c h e r c h a p a s à s e dégager. Enhardi, Malko


laissa glisser ses mains,e m p r i s o n n a n t l e s s e i n s m o u l é s p a r l a s o i e
r o u g e , découvrant leurs pointes dures comme du jade. – Tu es toujours aussi belle, dit-
il doucement.Ling Sima cracha furieusement. – Je n’ai pas le temps, je dois rentrer.C o m m e e l l e
e s q u i s s a i t l e g e s t e d e s e l e v e r , i l recula, lui barrant le chemin de la
porte. – J’ai eu une journée très fatiguante, dit LingSima. Puisque tu veux bavarder, je vais juste
fumerquelques pipes d’opium pour me détendre.Elle se leva, dépliant sa haute taille. Sa
robe chi-n o i s e é t a i t f e n d u e s i h a u t q u ’ e l l e d é c o u v r a i t s a cuisse
gauche pratiquement jusqu’à l’aine. Malkoen eut des fourmis dans les doigts.L i n g S i m a s e
d i r i g e a v e r s l a l a r g e b a n q u e t t e e t fit basculer son plateau. Elle était creuse et la Chi-
n o i s e s o r t i t d e c e p l a c a r d i m p r o v i s é u n e p i p e à opium en
ébène, avec un fourneau d’argent et unep e t i t e b o î t e c o n t e n a n t l a p â t e b r u n e ,
e t e n f i n u n «oreiller» de bois en forme de
b i l l o t . – Tu vas vraiment fumer ici? s’étonna Malko. – Bien sûr. Tout est privé. Personne ne viendrame
déranger, j’ai donné des ordres. Tu veux
fumera u s s i ? – Non, déclina Malko, qui n’avait jamais aiméles paradis artificiels. – Alors, rends-
toi utile! lança sèchement LingSima, prépare-moi une pipe.E l l e s ’ a l l o n g e a s u r l e c ô t é d r o i t , l e
dos au mur,
LE PIÈGE DE BANGKOK
77

l a t ê t e c a l é e s u r l e b i l l o t d e b o i s p e i n t , l a j a m b e gauche découverte
jusqu’à l’aine.Malko alluma la petite lampe à huile et fit chauf-fer la pâte d’opium. On n’en trouvait
pratiquementplus en Thaïlande, remplaçé par l’héroïne. Ensuite,avec la longue aiguille d’or, il remplit
le fourneaud e l a p i p e e t l a t e n d i t à L i n g S i m a . C e l l e - c i s e m i t à a s p i r e r a v i d e m e n t l a
fumée à l’odeur douceâtre,les yeux clos. On n’entendait plus que le grésille-ment
d e l a l a m p e e t l e b r u i t d e l e u r s r e s p i r a t i o n s . La pièce semblait flotter dans
l’espace.M a l k o , a s s i s s u r l e b a t - f l a n c , n ’ o s a i t p a s d é r a n - ger cette harmonie. Pendant un
temps qui lui paruttrès long, Ling Sima tira sur le bambou. Il la voyaits e d é t e n d r e p r e s q u e à
vue d’œil. À la quatrièmep i p e , i l n ’ y a v a i t p l u s
d ’ o p i u m . L a C h i n o i s e entr’ouvrit les yeux, posa la pipe et adressa à Malkoun
regard flou. – Je me sens bien, dit-elle, je vais me reposer.Elle referma les yeux.Il attendit un peu pour
poser la main sur la cuissedécouverte par la robe fendue. Ling Sima ne réagitp a s ; i l c o m m e n ç a
a l o r s à l a c a r e s s e r d o u c e m e n t , puis remonta à la poitrine. Les seins tendus sous las o i e
r o u g e s e m b l è r e n t s ’ a n i m e r , m a i s l a C h i n o i s e restait, extérieurement, de marbre.Ce n’est
que lorsque Malko atteignit le creux deson ventre dépourvu de toute protection, que la Chi-noise
réagit.O u v r a n t l e s j a m b e s a u t a n t q u e l e p e r m e t t a i t l a robe très ajustée.M a l k o
était déjà en train de caresser son sexe
78
LE PIÈGE DE BANGKOK

offert. Ling Sima émit un soupir, puis se mit sur ledos et remonta ses jambes, ce qui eut pour
effet dela découvrir jusqu’au ventre. La toison noire, épi-lée soigneusement, brillante comme
de l’astrakan,fascinait Malko. Sans qu’il y pense, son sexe avaitgonflé brutalement et il avait
désormais une érec-tion violente, impérieuse.I l é t a i t e n t r a i n d e l i b é r e r s o n s e x e l o r s q u e
L i n g S i m a e n t r ’ o u v r i t l e s y e u x e t m u r m u r a d ’ u n e v o i x rauque. – Baise-
moi un peu, maintenant. Doucement.Lorsqu’il entra en elle, millimètre par millimètre,la jeune femme frémit
de tous ses muscles. Malkor e s t a i m m o b i l e p u i s c o m m e n ç a u n t r è s l e n t m o u -
vement de va-et-vient.Ling Sima avait l’immobilité d’une statue maisM a l k o a v a i t
l ’ i m p r e s s i o n d ’ ê t r e p l o n g é d a n s d u miel brûlant…S o n a b s e n c e d e d e s s o u s
é t a i t l a p r e u v e q u ’ e l l e était bien venue avec l’intention de faire l’amour,mais elle aurait
préféré se faire couper l’auriculaireplutôt que de l’avouer.La face, toujours.S o u d a i n , e l l e c r a q u a .
A v e c u n c r i b r e f , s e s b r a s se refermèrent sur le dos de Malko et elle ouvrit lesc u i s s e s s i
b r u t a l e m e n t q u e s a r o b e s e d é c o u s i t s u r vingt centimètres.Malko s’enfonça en elle sauvagement et
elle criaencore. Pendant quelques minutes, ils se cognèrentl ’ u n à l ’ a u t r e s u r l e b a t -
f l a n c , j u s q u ’ à c e q u ’ i l explose, lui aussi, avec un cri violent.I l s
restèrent dans la même position. Apaisée,
LE PIÈGE DE BANGKOK
79

L i n g S i m a a v a i t r e p r i s u n e r e s p i r a t i o n n o r m a l e , Malko toujours fiché en


elle. Quand elle ouvrit lesyeux, Malko demanda. – Pourquoi as-
tu voulu fumer? – Pour oublier toutes les femmes que tu as bai-s é e s d e p u i s q u e n o u s n o u s s o m m e s
vus. Sinon, jen ’ a u r a i s p a s p u . J ’ a i h o n t e d e c e q u e t u m ’ a s f a i t d e v e n i r .
J ’ a i l ’ i m p r e s s i o n d ’ ê t r e u n e p u t a i n . U n e femme
faible. – Tu es une femme forte, assura Malko. Trèsforte, même. – Baise-moi encore un peu! demanda soudain
la jeune femme. Je suis bien. Avec l’opium j’ai l’im-pression que tu me pénètres partout à la fois.Ils
recommençèrent à faire l’amour.Ling Sima eut un second orgasme, moins brutalq u e l e
p r e m i e r , u n e s o r t e d e v a g u e d e f o n d q u i l a laissa pantelante. Lorsqu’elle rouvrit
les yeux, elledit d’une voix à peine teintée d’amertume. – Si tu me respectes un peu, dis-moi pourquoi
tue s v e n u m e v o i r . E n d e h o r s d e t e s e r v i r d e m o i , comme une
putain.M a l k o s e n t i t q u ’ i l n e f a l l a i t p a s m e n t i r . L i n g Sima l’écouta
sans l’interrompre, superbe dans sarobe déchirée, les traits marqués par le plaisir. Lors-qu’il eut
terminé, elle dit simplement. – Je connais l’homme le plus puissant du pays,l e g é n é r a l P h r a
Samutprakan. Lui, peut
vraiment
t’aider. Mais c’est un homme dangereux, féroce,t e r r i b l e m e n t
c o r r o m p u . M ê m e u n c o b r a f o u e s t moins dangereux que lui.
80
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Présente-moi à lui, proposa Malko. Crois-tuq u ’ i l s o i t a u c o u r a n t d e l ’ a f f a i r e d e


V i k t o r B o u t ? Ling Sima eut un sourire ironique. – Il est au courant de tout, le Premier Ministrel u i
m a n g e d a n s l a m a i n . D o n c , f o r c é m e n t d e c e t t e affaire. Mais il faut que tu sois très
prudent.
LE PIÈGE DE BANGKOK
81

CHAPITRE V
V i k t o r B o u t c o m p t a i t l e s m i n u t e s , a c c r o u p i a u milieu des trente détenus qui
partageaient son dor-toir à la prison de Remond. De six heures du matinà quatre heures de
l’après-midi, ils étaient regrou-p é s d a n s u n e c o u r i n t é r i e u r e .
L e s d e u x a u t r e s
farangs
blancs, un Ukrainien et un Kazakh, étaientdans un autre
dortoir.P a r c o n t r e , d a n s s o n g r o u p e , i l y a v a i t a u s s i u n N o i r , gigantesqueetaciturne,Oyo.UnNigérien,interpeléà
ladouaneavecquarantekilosd’héroïne…Sonave-nirétaittouttracé:quaranteansdepénitencier.C’est-à-direqu’ilymourrait.Ilétaitleseulà
avoirl e s c h e v i l l e s e n t r a v é e s p a r l e s l a r g e s m e n o t t e s r é u n i e s par une chaîne qu’on leur mettait quand ils
sortaientde la prison. Les gardiens thaïs avaient peur de lui.D’uneseulemain,ilauraitpuenétranglerdeux.S’ilavalait deux
comprimés de
Yaa Baa
, il risquait dedevenir incontrôlable, comme un éléphant «amok».L a v o i x n a s i l l a r d e d u h a u t -
p a r l e u r t r o u b l a l e s i l e n c e d e l a c o u r . V i k t o r B o u t n e c o m p r e n a i t p a s les mots,
n’ayant pas appris le thaï, mais savait quecela annonçait l’heure de la visite pour son groupe,

les visites s’échelonnant de 9 h 15 à 14 h 50. Vingtm i n u t e s q u o t i d i e n n e s , s a u f l e


week-end. Un gar-d i e n , q u i p a r l a i t q u e l q u e s m o t s d ’ a n g l a i s ,
c o m - mença à appeler les numéros.Q u a n d i l e n t e n d i t C . 8 2 9 , V i k t o r B o u t s e l e v a e t s e
d i r i g e a v e r s l e « p a r l o i r » , u n l o n g c o u l o i r c o m - portant neuf boxes. Le prisonnier
s’asseyait sur unb a n c , f a c e à u n e v i t r e é p a i s s e l e s é p a r a n t d e s v i s i - teurs. Une bande
métallique semée de minusculesouvertures faisait office d’hygiaphone.Il entra dans le couloir, où un
gardien en T-shirtb l a n c , u n b r a s s a r d r o u g e a u b r a s d r o i t , l u i d é s i g n a sa place.Alla, sa
femme, était déjà là, sur un tabouret. Ilsse sourirent. – Tu as l’air en forme! cria-t-elle.Avec sa chemise
et son short orange, Viktor Boutavait presque l’air d’un vacancier, mais, en un an,i l a v a i t p e r d u
q u i n z e k i l o s . B i e n q u e n o u r r i q u o t i - diennement de l’extérieur.I l s ’ a s s i t s u r l e b a n c e t
d e m a n d a : – Tu es seule?Souvent, Evgueni, Dimitri ou d’autres amis russesvenaient aussi partager les vingt minutes de
parloir. – Oui, dit Alla, mais j’ai deux messages pour toi.E l l e t i r a u n p a p i e r d e s a p o c h e e t l e c o l l a
c o n t r e la glace. Il n’y avait qu’une seule phrase en russe :« E v g u e n i v a t e s o r t i r d e
l à . » Il sourit et elle escamota le papier pour en collerun second contre la glace, avec un texte un peu
pluslong. Ce qu’il fallait dire à Oyo, le
Nigérien.Indifférent,legardien,deboutderrièreViktorBout,
LE PIÈGE DE BANGKOK
83

bâillait aux corneilles. Tous les prisonniers commu-niquaientainsi,afindegarderunpeud’intimité.Persuadés que des micros étaient
dissimulés dansl’armature de la glace blindée…Ce qui était probablement vrai, mais, comme
onétait en Thaïlande, ils ne fonctionnaient que par à-coups…Viktor Bout regarda sa femme. Elle était
toujoursmaquillée et soignée, quand elle lui rendait visite,ses courts cheveux bouclés, moulée dans un
T-shirtrose et un jean serré. Cela faisait plus d’un an qu’ilsn’avaient pas fait l’amour et, souvent, revenu
danssa «cage», Viktor Bout se masturbait comme beau-coup de ses co-prisonniers.I l a v a i t
toujours refusé le
Yaa Baa
qui circulaitdans la prison, de peur de péter les plombs et de neplus pouvoir se retenir.D e
n o u v e a u , A l l a é t a i t e n t r a i n d e g r i f f o n n e r quelques mots. Il lut le
m e s s a g e p l a q u é c o n t r e l a glace. – Dis à Oyo de faire ce que lui dira sa femme.Viktor Bout approuva
de la tête et le papier dis-parut. Ensuite, elle lui donna des nouvelles de leurfille, Svetlana,
demeurée seule à Moscou.À q u a t o r z e a n s , e l l e s o u f f r a i t b e a u c o u p
d ’ ê t r e séparée de son père et de le savoir en prison. Heu-r e u s e m e n t , s a m è r e n e l u i a v a i t
jamais montré
l e s journaux annonçant qu’il risquait une peine det r e n t e a n s d e p r i s o n d a n s u n p é n i t e n c i e r
a m é r i c a i n … D e p u i s l e 1 1 s e p t e m b r e 2 0 0 1 , l e s A m é r i c a i n s bafouaient
joyeusement les lois dès qu’on touchaitau terrorisme. Guantanamo en avait été le meilleur
84
LE PIÈGE DE BANGKOK
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exemple, mais au moindre soupçon de terrorisme,l e s e u l b u t é t a i t d e m e t t r e l e s s u s p e c t s


hors de cir-cuit. Viktor Bout ne se faisait aucune illusion : siles Américains
réussissaient à le faire extrader, ilétait en route pour l’enfer. La discipline dans
l e s pénitenciers américains, ce n’était pas cette prisonassez bon enfant aux visites
quotidiennes…Le gardien lui tapa légèrement sur l’épaule et ils e l e v a a p r è s u n d e r n i e r
s o u r i r e à s a f e m m e , l a i s - sant sa place aux suivants.A l l a B o u t s o r t i t d u b o x e t s ’ a s s i t
d a n s l ’ e s p a c e réservéauxvisiteursfaceauxparloirs.Plusieursran-géesdechaisesenplastique,occupéespourlaplupartpar des femmes, parfois
avec leurs enfants.
L’uned ’ e l l e s b r a n d i s s a i t u n b é b é d e q u e l q u e s m o i s q u i a l l a i t connaître son père. De grands
ventilateurs sur piedentretenaientunetempératuresupportable.Àl’entrée,unbouddhaenboispeinturluré,descolliersdefleursautour du
cou, était censé porter chance aux prison-niers. Face aux parloirs, de l’autre côté des chaises,setrouvaitunpetitsupermarchéoùlesfamillespou-vaientse
procurerdesvivrespourlesprisonniers.T o u t é t a i t c a l m e , s a n s u n c r i , u n e e x c l a m a t i o n . A l l a Bout aperçut
soudain celle qu’elle cherchait : uneNoire aux proportions colossales, plus de un mètreq u a t r e -
v i n g t s , s e r r é e d a n s u n b o u b o u m a u v e q u i m o u - laituneénormepoitrineetunecroupeincroyable.Levisage lisse comme une
statue. L’épouse de Oyo leNigérien.Elleaussivenaittouslesjours.Àsontour,elle gagna le box numéro 9. Alla Bout s’éloigna
eta l l a s ’ a s s e o i r s u r u n b a n c à l ’ e x t é r i e u r . U n e d e m i -
heureplustard,ellevitarriverlaNigériennequi
LE PIÈGE DE BANGKOK
85

longeait d’un pas lent les bassins cernant l’extérieurde la prison. Elle la suivit et l’aborda. –
You, wife Oyo
1
? demanda-t-elle en anglais.La Nigérienne s’arrêta et se retourna d’un
bloc,l’enveloppant d’un regard méfiant. –
You, who
2
?–
My husband is inside. He knows your man
3
.–
So
4
?–
I want to talk to you
5
.

Go ahead
6
.

No, in my place
7
.La Nigérienne eut un geste évasif.
– OK. – I have a taxi.
P l u s i e u r s t a x i s a t t e n d a i e n t f a c e a u x b â t i m e n t s . Les deux femmes s’installèrent
dans l’un d’eux etAlla Bout lança au chauffeur. – Marway Garden Hotel.Pendant le trajet, les deux
femmes n’échangèrentpas un mot. Le Marway Garden Hôtel était un petithotel en retrait de Phahalyothin
road, dans le quar-tier de Chatuchai, surtout fréquenté par des Thaïs.Pas luxueux mais suffisant
pour un long séjour. Etsurtout, peu éloigné de la prison.LesdeuxfemmesgagnèrentlacafeteriaNamania.
86
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Vous êtes la femme d’Oyo?2 . Q u i ê t e s - v o u s ? 3. Mon mari est en prison.
Il connaît le vôtre.4 . E t a l o r s ? 5. Je veux vous parler.6. Allez-y.7. Non, pas
ici.


W h a t d o y o u w a n t
1
? d e m a n d a a l o r s l a Nigérienne. – Votre mari va être jugé, fit Alla, il risque p
lu-sieurs années…L e v i s a g e d e l a N o i r e m o n t r a e n f i n
q u e l q u e expression. – Je sais, dit-elle, c’est pour cela que je vienst o u s l e s j o u r s . C ’ e s t u n
h o m m e b o n . I l a p r i s d e s risques pour nourrir nos enfants. Il y en a huit…La Russe
hocha la tête, compréhensive. – Que dit l’avocat? –
Bullshit
2
! c r a c h a l a N i g é r i e n n e . I l m e p r e n d du fric pour rien. – OK, fit Alla d’un ton apaisant.
Devant la Cour,votre mari n’a aucune chance. Mais il y a peut-êtreune autre
solution. – Laquelle?Alla Bout baissa la voix et exposa ce que lui avaitdicté Evgueni Makowski. Le plan
A, au cas où lesp r e s s i o n s s u r l e s T h a ï s n e s u f f i r a i e n t p a s à f a i r e libérer
Viktor Bout. La Noire l’écouta sans l’inter-rompre, puis hocha la
tête. – Il faut que je réfléchisse. C’est dangereux. – C’est vrai, reconnut Alla Bout, mais il n’y ap a s
d’autre alternative. On ne vit pas longtempsd a n s u n e p r i s o n
t h a ï l a n d a i s e . S u r t o u t s i o n e s t Noir.
***
LE PIÈGE DE BANGKOK
87
1 . Q u ’ e s t - c e q u e v o u s v o u l e z ? 2. Foutaises.

L e c o l o n e l P e t c h a r a t R a n g N a m l a n ç a b r u s q u e - ment à son chauffeur : – Arrête-


toi là! Au coin du
soi
25.A b s o r b é p a r u n e c o n v e r s a t i o n s u r s o n p o r t a b l e , il avait failli laisser passer l’endroit
où il allait.Le policier, au volant de la Bentley, se rabattit sibrutalement sur la gauche qu’il
manqua écraser un jeune couple. Le colonel Rang Nam avait déjà sautéà terre et s’enfonçait à pied dans
l’étroit
soi
25, lais-s a n t d e r r i è r e l u i l e v a c a r m e d e S u k h u m v i t r o a d . Avec sa silhouette
frêle et son costume plutôt malcoupé, il ne payait pas de mine.C ’ é t a i t p o u r t a n t
u n d e s o f f i c i e r s d e l a P o l i c e Royale Thaï les plus riches de Bangkok.À
l a t ê t e d u D é p a r t e m e n t « I m m i g r a t i o n » , i l t r a - vaillait la main dans la main avec son
collègue desdouanes, ce qui permettait de juteuses combines. Samagnifique Bentley, par exemple, avait
été confis-q u é e p a r l a d o u a n e à u n r i c h e C h i n o i s , p u i s m i s e a u x e n c h è r e s .
E n c h è r e s r e m p o r t é e s p a r l e c o l o n e l Rang Nam pour 10000 baths
1
. Environ la valeur des a v i e i l l e D a t s u n m a r r o n d e s e r v i c e q u i f r ô l a i t l e s 2 0 0 0 0 0
kilomètres.Le commissaire-priseur qui lui avait accordé cep e t i t p l a i s i r , d e v a i t
souvent se rendre à l’étrangere t n ’ a v a i t j a m a i s d e p r o b l è m e
a v e c l ’ I m m i g r a - t i o n . B i e n s û r , p a r p u d e u r , l a B e n t l e y
a v a i t é t é enregistrée au nom de la sœur du colonel
R a n g N a m . Grâce au même procédé, ce dernier s’était appro-
88
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Environ 300 dollars.

prié un yacht d’un million de dollars utilisé pour letrafic d’héroïne et confisqué.Cependant, ces
heureux accidents n’étaient quela pointe de l’iceberg.L e s « v r a i s » r e v e n u s d u c o l o n e l
R a n g N a m p r o - venaient de sa protection tutélaire sur le plus impor-t a n t r é s e a u d e
p r o s t i t u t i o n r u s s e d e T h a ï l a n d e . N o r m a l e m e n t , l a l o i
e x i g e a i t q u e l e s é t r a n g e r s n’obtiennent que des visas d’un mois,
o b l i g é s d e ressortir du pays pour en obtenir un nouveau.Toutes les prostituées russes munies
de contratsd e « d a n s e u s e s » n ’ a v a i e n t p a s à s u b i r c e s t r a c a s s e - ries. Un messager portait
leurs passeports en quêtede renouvellement au bureau de l’Immigration,
soi
Suan Phlu, d’où ils repartaient dûment tamponnés.C e q u i é t a i t u n e g r o s s e
é c o n o m i e d e t e m p s e t d’argent. En plus, le colonel Rang Nam s’était asso-c i é a v e c s o n
collègue, responsable du 8
e
District,pour que les différents salons de massage, propriétéd e l a m a f i a r u s s e , n ’ a i e n t j a m a i s
l e m o i n d r e p r o - blème avec les autorités.Grâce à cette bienveillance tous azimuts, il
avaitp u i n v e s t i r d a n s u n e c e n t a i n e d e b u n g a l o w s p o u r t o u r i s t e s s u r l ’ î l e d e
SaMui, quelques terrains
l e l o n g d u M é k o n g , u n e m a g n i f i q u e d e m e u r e à Chia
ng Mai où il avait installé sa seconde épouse,lui-même vivant avec sa première épouse et ses
sixenfants, dans le quartier de Bangna.C e q u i s ’ a p p e l a i t t i r e r l e m a x i m u m d e
p r o f i t s d’une solde de 35000 baths
1
.
LE PIÈGE DE BANGKOK
89
1. Environ 1000 $.

Après une centaine de mètres dans le


soi
2 5 , l e colonel poussa la porte d’une petite maison noyéede verdure, dont la façade blanche portait
l’inscrip-tion en lettres vertes : DIVANA, massages et Spa.U n d e s é t a b l i s s e m e n t s l e s p l u s c h e r s e t
les plusc o u r u s d e B a n g k o k . B e a u c o u p d e f e m m e s d e l a bonne
société venaient s’y faire une seconde jeu-n e s s e . L e p r i x d ’ u n s o i n
r e p r é s e n t a i t e n v i r o n l e salaire mensuel d’une secrétaire…Le colonel Rang Nam
pénétra dans un minusculesalon de thé dont les baies donnaient sur un jardintrès bien entretenu,
enrichi d’un magnifique flam-boyant. Des bâtiments bas couraient le long de cettepelouse, desservis
par une galerie extérieure.Ici, tout sentait le luxe et la propreté.U n b a t t a n t d e t e c k
s ’ o u v r i t s u r u n e r a v i s s a n t e hôtesse thaï pieds nus, vêtue de la tenue tradition-
n e l l e , c a r a c o d e s o i e t r è s a j u s t é , s é p a r é p a r u n e bande de peau
nue de la longue jupe assortie, des-cendant jusqu’aux chevilles.La jeune femme, cassée en deux, joignit ses
mainsdevant son visage, pour un
wai
plein de respect. – Vous êtes un peu en avance,
Khun
Petcharat,g a z o u i l l a - t - e l l e , v o u l e z -
v o u s p r e n d r e q u e l q u e c h o s e p e n d a n t q u ’ o n p r é p a r e v o t r e c a b i n e ? Elle
l’installa devant une table basse et s’esquiva.Quelques instants plus tard, une autre hôtesse appa-r u t e t
s ’ a p p r o c h a d u c o l o n e l R a n g N a m , à g e n o u x sur la moquette et lui demanda ce qu’il
désirait. – Un bon
Mékong
! dit-il.L e w h i s k y t h a ï l a n d a i s , u n e h o r r e u r p o u r l e s étrangers,
mais les Thaïs adoraient…
90
LE PIÈGE DE BANGKOK

Q u e l q u e s i n s t a n t s p l u s t a r d , e l l e r é a p p a r u t , s e déplaçant toujours
à g e n o u x , u n v e r r e d e M e k o n g sur un plateau d’argent.A u D i v a n a , o n a v a i t l e s e n s d e s
traditions… Lecolonel eut à peine le temps de boire son whisky :une troisième
créature de rêve, maquillée commeles danseuses traditionnelles, s’inclina devant
l u i avec un
wai
profond. – Votre cabine est prête,
khun
Petcharat.L e c o l o n e l R a n g N a m l a s u i v i t d a n s u n é t r o i t c o u l o i r a u
parquet de teck ciré et s’effaça pour lal a i s s e r e n t r e r d a n s
l a « c a b i n e » . E n r é a l i t é , u n e grande pièce aux parois de bois, avec
u n j a c u z z i , un canapé et une table basse, croulant sous les bois-s o n s e t l a n o u r r i t u r e .
L e c e n t r e d e l a p i è c e é t a i t occupé par une grande natte sur laquelle était
poséune sorte de matelas orange : la table de massage. – Vous avez pris la formule n°7,
Khun
Petcha-r a t , g a z o u i l l a l ’ h ô t e s s e . V o u s a v e z r a i s o n , c ’ e s t l a meilleure.Et la plus chère aussi;
pour les clients ordinaires,c e l a c o û t a i t 7 5 0 0 b a t h s
1
p o u r t r o i s h e u r e s d e détente absolue…O r , l e c o l o n e l R a n g N a m v e n a i t
a u m o i n s u n e fois par semaine…L ’ e a u b o u i l l o n n a i t d a n s l e j a c u z z i .
A v e c d e s g e s t e s d é l i c a t s , l a j e u n e T h a ï e n t r e p r i t d e d é s h a - biller le colonel,
posant ensuite ses vêtements, soi-gneusement pliés, sur une table basse.L o r s q u ’ i l f u t
entièrement nu, elle le conduisit
LE PIÈGE DE BANGKOK
91
1. Environ 200 dollars.

jusqu’au jacuzzi et l’aida à s’y installer. À peine les jets d’eau commençaient à le fouetter qu’une ser-vante
silencieuse entra avec son verre de Mekong.Dès qu’il l’eut terminé, il sortit du jacuzzi, on
lesécha et on l’étendit surle matelas. Deux masseusesen T-shirt blanc et jeans s’agenouillèrent
à côté delui, l’une lui massant les épaules, l’autre lui admi-
n i s t r a n t u n « f o o t -
m a s s a g e » p a r t i c u l i è r e m e n t élaboré…Ce n’était que le commencement
du traitement.Mentalement, le colonel Rang Nam remercia leB o u d d h a d e l ’ a v o i r
r é i n c a r n é d a n s l a p e a u d ’ u n officier de police. Il multipliait les offrandes à dif-
férents temples, espérant ainsi être réincarné poursa prochaine vie, dans un éléphant ou un
cobra : cequ’on faisait de mieux.
***
Evgueni Makowski continuait sa «tournée», afinde structurer son Plan A, la libération et
l’exfiltra-tion de Viktor Bout, avant son procès. Se déplaçantsurtout en moto-taxi ou en BTS.I l
d e s c e n d i t à l a s t a t i o n T h o n g L a e t s ’ e n f o n ç a dans un
soi
étroit zigzaguant derrière l’Emporium, jusqu’à un grand building tout blanc de 50 étages.L e v i g i l e q u i l e
c o n n a i s s a i t , l e s a l u a d ’ u n s o u r i r e . Le Russe prit l’ascenseur jusqu’au vingtième étageet sonna à
l’appartement 2004.U n e b r u n e d e p e t i t e t a i l l e , v ê t u e d ’ u n e
r o b e i m p r i m é e e n c o t o n , l u i o u v r i t . L e v i s a g e d u r , p a s maquillé,
mais assez harmonieux.
92
LE PIÈGE DE BANGKOK

Dobredin
1
,
Natalya, fit le Russe, j’espère quet u a s q u e l q u e c h o s e d e f r a i s à b o i r e … –
Tchai
glaçé?
Namanao
? Soda. –
Namanao.
I l s e l a i s s a t o m b e r d a n s l e c a n a p é d e c u i r b l a n c tandis que la jeune femme filait vers la
cuisine.N a t a l y a I s a k o v é t a i t u n e d e s p i è c e s m a î t r e s s e s d u d i s p o s i t i f
r u s s e e n T h a ï l a n d e . C ’ e s t e l l e q u i accueillait et dispatchait les filles
arrivant de Mos-cou, d’Irkoutsk ou de Kiev, en logeant certaines, et,q u i , e n m ê m e t e m p s , g é r a i t l e s
r e l a t i o n s a v e c l e u r protecteur, le colonel Petcharat Rang Nam.Discrète, effacée, parlant
d’une voix douce, per-sonne ne la soupçonnait de se livrer à ces activités.Natalya Isakov réapparut avec
son
Namanao
qu’ilbut d’un trait. En reposant son verre, il annonça. – Il faut que je voie «Japonski». Vite.C’était le surnom du colonel
Petcharat Rang Nam,en raison de sa ressemblance avec un
Japonais. – C’est facile, affirma Natalya. Aujourd’hui, ilfait sa visite hebdomadaire chez Divana, au
soi
25.T u v e u x q u e j e v é r i f i e s ’ i l e s t l à ? –
Pajolsk
2
.E l l e a p p e l a l a r e s p o n s a b l e d u S P A e t r a c c r o c h a quelques secondes plus
tard. – Il est en plein traitement. Si tu vas là-bas dansune heure et demie, ce sera parfait. –
Spasiba
3
.
LE PIÈGE DE BANGKOK
93
1. Bonjour.2. S’il te plaît.3. Merci.

Evgueni Makowski en profita pour se détendreun peu. L’élément n°1 de son Plan
A é t a i t l ’ i n f o r - mation sur le sort que les Thaïlandais réservaient àV i k t o r B o u t . S i ,
comme il le craignait, ils déci-d a i e n t d e l e r e m e t t r e a u x
A m é r i c a i n s , i l d e v a i t impérativement le savoir bien avant.O r , c ’ é t a i t u n
d e s s e c r e t s l e s m i e u x g a r d é s d e Thaïlande. Les Russes n’avaient aucune chance
del e c o n n a î t r e , p a r l e s c a n a u x o f f i c i e l s . S e u l , u n homme
comme le colonel de l’Immigration pouvaitpeut-être le savoir.U n e f o i s l ’ i n f o r m a t i o n
a c q u i s e , i l n e r e s t e r a i t p l u s q u ’ à o r g a n i s e r , d ’ a b o r d , l ’ é v a s i o n d e V i k t o r Bout,
et, ensuite, son exfiltration de Thaïlande.Pour l’évasion proprement dite, Evgueni était entrain
d’échafauder un plan. Mais, ensuite, il faudraitg é r e r l a s i t u a t i o n ; p a s q u e s t i o n d e f a i r e s o r t i r
V i k - tor Bout de Thaïlande immédiatement.I l f a l l a i t d o n c l e p l a n q u e r d a n s u n
e n d r o i t s û r , quelques jours ou quelques semaines.E v g u e n i M a k o w s k i a v a i t t r o u v é
l’endroit
i d é a l à P a t t a y a . C ’ e s t l a r a i s o n p o u r l a q u e l l e i l f a l l a i t , à t o u t prix, éloigner
les Américains de la station balnéaire.L’alter ego de Natalya Isakov, à Pattaya, s’appe-lait Igor Krassilnikov. Un
intellectuel dévoyé, quid i r i g e a i t à p a r t i r d ’ u n c o n d o m i n i u m d e
luxe,
l e « S e a O r c h i d A p a r t m e n t s » , l ’ a n t e n n e l o c a l e d u réseau de
prostitution. Les officiers supérieurs de lapolice et de l’armée thaï raffolaient des belles putesrusses et il leur en
fournissait toujours de nouvelles.Parfois, des rabatteurs lui amenaient une vierge lao-t i e n n e q u ’ o n
vendait à prix d’or au général thaï
94
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commandant la Troisième Région. Il adorait lesv ierge s e t


c ’ é t a i t u n p r o d u i t i n t r o u v a b l e d e p u i s longtemps en Russie.L’idée
d’Evgueni Makowski était donc de plan-q u e r V i k t o r B o u t d a n s c e t i m m e n s e
a p p a r t e m e n t , en toute sécurité.L e g é n é r a l d e l a p o l i c e r o y a l e t h a ï r e s p o n s a b l e de la
Troisième Région touchait 500000 baths
1
parmois pour protéger ce réseau de prostitution.V i k t o r B o u t s e r a i t a u s s i e n
s é c u r i t é d a n s l e s « O r c h i d A p p a r t m e n t s » q u e d a n s u n c o f f r e - f o r t . Ensuite, il
restait l’exfiltration. Là aussi, Evguenia v a i t q u e l q u e s i d é e s , m a i s c e n ’ é t a i t p a s
m û r . I l avait quand même chargé Dimitri Korsanov de luiprocurer un passeport vierge. On
en trouvait, volésà l’aéroport international de l’île de Samui, et intel-ligemment maquillés.S a n s s ’ e n
r e n d r e c o m p t e , E v g u e n i M a k o w s k i s’assoupit sur le canapé blanc, épuisé par la
chaleuret la tension nerveuse.
***
Le colonel Petcharat Rang Nam était désormaisallongé à plat dos sur le matelas orange, le
corps etl e v i s a g e r e c o u v e r t s d e s e r v i e t t e s c h a u d e s , c e q u i lui donnait l’air d’une
momie.T r o i s m a s s e u s e s s ’ a c t i v a i e n t a u t o u r d e l u i , v e r - sant sur ses serviettes des huiles
parfumées censéesresserrer les pores de la peau. Et aussi, lui massant
LE PIÈGE DE BANGKOK
95
1. 15000 $.

c h a q u e m u s c l e u n p a r u n . D e s d o i g t s a g i l e s c o u - raient sur sa nuque et il


a v a i t l ’ i m p r e s s i o n d ’ ê t r e réincarné en empereur. Une douce musique d’am-biance complétait
l’atmosphère relaxée.Après le jacuzzi, il avait eu une pause repas. Uneautre délicieuse hôtesse lui avait
apporté une bièreet deux cornets de cafards frits encore chauds, ache-tés sur un stand de
Nana Plaza
. Ils craquaient sousl e s d e n t s e t l e c o l o n e l R a n g N a m e n a v a i t e n c o r e l’eau à la
bouche.Une voix douce murmura à son oreille. – Nous avons terminé,
Khun
P e t c h a r a t . N o u s vous souhaitons mille ans de félicité.P i e d s n u s , e l l e s s e d é p l a ç a i e n t
de façon totale-ment silencieuse et il ne les entendit pas sortir del a p i è c e . I l
attendit, le cœur battant, le
meilleurm o m e n t d e s o n t r a i t e m e n t . I l a v a i t b
e a u s ’ y attendre, il sursauta lorsqu’une voix douce, à l’ac-cent étranger, fit à voix
basse : –
Sawadee Haa, Khun
Rang Nam. –
Sawadee Ka
, répondit-il.I l s e d i t q u ’ i l n e r e c o n n a i s s a i t p a s l a v o i x d e
s a m a s s e u s e h a b i t u e l l e . M a i s , q u e l l e i m p o r t a n c e ! L’inconnue
entreprit d’ôter les serviettes qui recou-vraient son corps. Comme il effleurait celle posées u r s o n
v i s a g e , l a v o i x o r d o n n a ! – Pas encore,
Khun
Rang Nam.I l o b é i t . C h e z D i v a n a , i l n ’ a v a i t j a m a i s e u d e mauvaises
surprises.Des mains recommençèrent à l’effleurer, pour unnouveau massage. Un peu différent des autres
: lesdoigts semblaient voler sur sa peau, s’attardant à sa
96
LE PIÈGE DE BANGKOK

poitrine, à son ventre, à ses cuisses. Et enfin, effleu-rant la serviette posée en travers de son bas-
ventre.Immédiatement, il sentit son sexe durcir et se dres-s e r , c o n t e n u p a r l a
s e r v i e t t e h u m i d e . I l s u r s a u t a quand une langue aiguë effleura un de ses
mame-lons, puis l’autre… Gémissant de désir, il envoyal a m a i n a u h a s a r d e t s e
h e u r t a à u n e b l o u s e b o u - tonnée. À tâtons, il glissa une main entre deux bou-t o n s e t d é c o u v r i t
la tiédeur d’une peau de femme.I l d e s c e n d i t p l u s b a s , r e n c o n t r a n t
l e r e n f l e m e n t d’un sexe enfermé dans du nylon.. – Soyez patient,
Khun
R a n g N a m , d e m a n d a s a masseuse.O b é i s s a n t , i l r e t i r a s e s d o i g t s . C o m m e p o u r
l e récompenser, il sentit qu’elle faisait glisser la ser-v i e t t e d e s o n b a s -
v e n t r e . S o n s e x e n e r e s t a q u e quelques secondes à l’air
l i b r e . E n t o u r é p a r u n e main douce, qui commença à l’enduire d’une crèmeo d o r a n t e à
b a s e d ’ o p i u m e t d ’ u n h u m i d i f i c a t e u r végétal.Maintenant, la main ne le massait plus, le
serrantà l a b a s e d e s o n p é n i s . I l a v a i t l ’ i m p r e s s i o n q u e celui-ci allait
exploser.La voix annonça soudain. – Je m’appelle Oksana,
Khun
R a n g N a m , e t j e suis là pour vous détendre complètement.La serviette glissa enfin de son visage
et il décou-v r i t d e u x y e u x g r i s , u n e g r a n d e b o u c h e t r è s r o u g e et une poitrine magnifique,
moulée par une blouseb l a n c h e . L a m a s s e u s e d é f i t l e n t e m e n t l e s b o u t o n s e t a p p a r u t
t o t a l e m e n t n u e , l e p u b i s r a s é . L e p o u l s du colonel Rang Nam fila vers le ciel.
LE PIÈGE DE BANGKOK
97

Celle-là, il ne l’avait jamais vue! Et il lui en


f i t la remarque. – Je suis nouvelle, expliqua Oksana. J’arrivedirectement de Moscou. Mais je sais qui
vous êteset je connais vos goûts.Sa bouche se pencha sur son sexe et l’avala len-tement. La
fellation ne dura pas longtemps. Juste letemps de l’amener au bord de l’explosion.O k s a n a s e
r e d r e s s a e t , a v e c s o u p l e s s e , e n j a m b a alors le Thaï, s’agenouillant de façon à ce que
sonentrejambe se trouve exactement au-dessus du sexed r e s s é . E l l e l u i p r i t l a m a i n
d r o i t e e t l a r e f e r m a autour du membre tendu. – Choisissez,
Khun
Rang Nam.E n m ê m e t e m p s , e l l e c o m m e n ç a i t à d e s c e n d r e très lentement. L’officier thaï
n’hésita que quelquessecondes, tirant son sexe légèrement en arrière.Il y eut une fraction de
seconde éblouissante, aum o m e n t o ù l e g l a n d g o r g é d e s a n g
a t t e i g n i t l e sphincter de la masseuse. Le colonel s’attendait àé p r o u v e r u n e
résistance, mais son sexe fut avalésans le moindre à-coup jusqu’à ce que
l e s f e s s e s d’Oksana se retrouvent en contact avec le ventre ducolonel Rang Nam.Comme elle s’était
plaçée face à lui, il put refer-mer ses mains sur les seins pulpeux tandis qu’elleremontait avec
douceur.C’est elle qui le guida alorsvers l’ouverture de son ventre.Ils continuèrent ainsi, alternant
les deux orifices.Le colonel thaï avait l’impression qu’il allait mou-rir de plaisir. La pommade
l’empêchait d’exploserimmédiatement. Oksana se pencha sur lui.
98
LE PIÈGE DE BANGKOK
– Dans quel orifice veux-tu te répandre? – Ta bouche, haleta Petcherat Rang Nam.L a j e u n e R u s s e s e
r e t i r a d ’ u n m o u v e m e n t g r a - cieux et referma ses lèvres épaisses sur le membrea u b o r d
d e l ’ e x p l o s i o n , t i r a n t v i o l e m m e n t l a p e a u vers sa racine. Le colonel Rang Nam explosa
dansun hurlement d’agonie. Oksana le maintenait danssa bouche, avalant tout ce qui sortait de lui.
Ensuite,elle l’essuya et remit sa blouse.E l l e l ’ a i d a à s e r e l e v e r , p u i s
à s ’ h a b i l l e r e t annonça ensuite : – Quelqu’un vous attend dans le salon vert. Jevais vous
y conduire.L e c o l o n e l t h a ï s e l a i s s a f a i r e , e n c o r e g r o g g y e t un peu surpris. Ce n’était
pas le jour où Natalya luiremettait sa contribution mensuelle.Un gros barbu, la chemise maculée de
taches desueur, boudiné dans un pantalon de toile trop serré,é t a i t a f f a l é d a n s u n f a u t e u i l . I l s e
leva, adressa un
wai
respectueux à l’officier et annonça dans un thaï parfait : – Je suis un ami de Natalya qui m’a dit que
vouspourriez peut-être me rendre un service.L e c o l o n e l R a n g N a m s o u r i t
n i a i s e m e n t ; d a n s l’état de félicité où il se trouvait, il aurait dit «oui»à n’importe qui.
LE PIÈGE DE BANGKOK
99

CHAPITRE VI
D e s p a n n e a u x e t d e s p u b l i c i t é s e n r u s s e é t a i e n t placardés sur tous les murs du lobby du Royal
Cliff Beach, le meilleur hôtel de Pattaya.Étonnant…Pas un chat en vue et le barman somnolait à
soncomptoir. Ici aussi, c’était la crise. Pourtant, à tra-v e r s l e s i m m e n s e s b a i e s
d o m i n a n t l e s d e u x p i s - cines, on apercevait le bleu engageant de la
m e r d ’ A d a m a n . É r i g é s u r l a p l u s h a u t e c o l l i n e d e P a t - taya, le Royal Cliff en était le
joyau hôtelier.Malko sourit à Mai. – Cela a bien changé. Avant, ici, tout était enanglais ou en thaï.L a
j e u n e T h a ï p o u f f a d i s c r è t e m e n t e t g a z o u i l l a de sa voix imperceptible
: – Les Russes aiment beaucop Pattaya,
Khun
M a l k o . I l y a t e l l e m e n t d e p r o s t i t u é e s ! I l s p e u v e n t rester mille ans sans les épuiser
toutes…I l s s e d i r i g è r e n t v e r s l a r é c e p t i o n e t M a l k o p r é c i s a : – J’ai retenu deux cha
mbres, bien entendu.Mai émit un gazouillis embarrassé et dit : –
Khun
Malko, cela va nous faire remarquer. Ici,

quand un
farang
arrive avec une Thaï, ils prennentla même chambre. Cela ne me gêne pas.S e s b o n n e s
intentions n’étaient pas récompen-s é e s , p o u r t a n t , i l n ’ a v a i t
a u c u n e m e n t l ’ i n t e n t i o n d’abuser de la situation… Cependant, la remarquede Mai était
pleine de bon sens. Le tourisme sexueln ’ a d m e t t a i t p a s l e s c h a m b r e s s é p a r é e s …
M a l k o demanda donc une suite à l’étage le plus élevé et laréceptionniste fondit de bonheur :
visiblement, lesc l i e n t s n e s e b o u s c u l a i e n t p a s . D è s l e u r a r r i v é e , u n e
n u é e d e g r o o m s s ’ é t a i t r u é e s u r l e u r s m a i g r e s bagages comme des vautours.O n s e
s e r a i t c r u a u c h â t e a u d e M a r i e n b a d . L e Royal Cliff était, de toute évidence,
peu occupé. – Vous avez beaucoup de Russes? demandaespièglement Malko à la réceptionniste. – Oh
oui! fit-elle, extasiée. Ce sont de très bonsclients. D’ailleurs, la femme du directeur est consulde Russie à
Pattaya.Malko marcha jusqu’aux baies dominant la plusgrande des piscines : pas un
chat…Pourtant, en arrivant par l’autoroute de Bangkok,prolongation de Sukhumvit road, il avait découvertu n
Pattaya b ien d iffér en t du village d e ses sou -venirs. Des
d i z a i n e s d e c o n d o m i n i u m s f l a m b a n t neufs, des boutiques à perte de
vue, et des hôtelsa l i g n é s l e l o n g d e S u k h u m v i t r o a d , a u l a r g e
d e s plages, et même, deux mosquées toutes neuves auxminarets bardés de haut-
parleurs.D é s o r m a i s , a u l i e u d e p r e n d r e t r o i s h e u r e s , l e trajet depuis
Bangkok en demandait la moitié et lac h a u s s é e n ’ a v a i t p r e s q u e p l u s d e t r o u s . Q u a n d o n
LE PIÈGE DE BANGKOK
101

l a q u i t t a i t , c ’ é t a i t u n e a u t r e p a i r e d e m a n c h e s : l e s chemins escaladant la colline du Royal


Cliff étaientpresque tous en terre battue.I l s g a g n è r e n t e n f i n l e u r s u i t e ,
e scor tés d ’ u n emeute d’employés, prêts à respirer à leur
place.Tous les dix mètres, l’un d’eux s’inclinait pro-
f o n d é m e n t , d e m a n d a n t s i l a j o u r n é e a v a i t é t é bonne.À
peine seuls, Mai annonça : – Je dormirai sur le divan du
sitting-room, Khun
Malko. Il est très large.É t a n t d o n n é s o n g a b a r i t , t o u t l u i
p a r a i s s a i t immense…Malko regarda la photo de la mystérieuse Oksanae t d e m a n d a à M a i
: – Vous savez où se trouve le salon de massageo ù c e t t e f i l l e e s t c e n s é e t r a v a i l l e r ? – Oui.
Sur Jomtien Beach road au coin du
soi
11, juste avant le
Grand Jomtien Palace
. Vous voulezq u ’ o n y a i l l e ? Malko ne put retenir un sourire. – Mai, cela serait mieux si j’y
allais seul. Je suissupposé être un
farang
en quête de chair fraîche…De votre côté, vous pourriez aller à Pattaya Beach,voir si vous
pouvez glaner des informations sur lesRusses. On se retrouve ici.
***
L e t a x i d e s c e n d a i t l a p l a g e d e J o m t i e n , m o i n s polluée que Pattaya
beach, au nord, mais avec
une n v i r o n n e m e n t p r e s q u e s i m i l a i r e : c ô t é m e r , d e s r a n -
102
LE PIÈGE DE BANGKOK

gées de transats vides, côté «ville», une enfiladei n i n t e r r o m p u e d e


b a r s , d e r e s t a u r a n t s , d e s a l o n s de massage, de petits hôtels. Malko se fit
déposerd e v a n t l e
Grand Jomtien Palace
qui n’avait depalace que le nom. Quelques cubes
blanchâtrese n r e t r a i t d e J o m t i e n b e a c h . I l r e m o n t a à
p i e d jusqu’au coin du
soi
11. On ne pouvait pas rater le«Pink Paradise», le salon de massage conseillé parO k s a n a .
U n e p e t i t e b a r a q u e b l a n c h e a u x v i t r i n e s couvertes d’annonces en anglais et en russe, vantantl e s
qualités des prestations. Toutes les formes dem a s s a g e s , d u « f o o t -
m a s s a g e » a u « b o d y - b o d y » , nettement plus sulfureux.I l p o u s s a l a
p o r t e , d é c l e n c h a n t u n e s o n n e r i e mélodieuse qui fit surgir une
petite Thaï, entière-ment refaite : lèvres gonflées au collagène, seinsp o i n t a n t
c o m m e d e s o b u s e t u n e m i n i s ’ a r r ê t a n t juste en dessous du pubis. Après un
wai
cérémo-n i e u x , e l l e s ’ e n q u i t d e s e s d é s i r s , l u i m o n t r a n t
lesd i f f é r e n t s « p r o g r a m m e s » . M a l k o c h o i s i t c e l u i à 1 5 0 0 b a t h s , e t
l ’ h ô t e s s e l u i m a n i f e s t a a u s s i t ô t u n respect à la hauteur du
prix. – Il y a beaucoup de clients? demanda-t-il.L a T h a ï a r b o r a a u s s i t ô t u n e m i n e
c o m i q u e m e n t désolée. –
Non, non beaucoup, no good season.
Il la suivit dans une cabine de massage et lui ten-dit un album. –
You make choice, all girls very good
1
.Une galerie de Thaïes souriantes avec des ongles
LE PIÈGE DE BANGKOK
103
1. Faites votre choix, toutes les filles sont très bonnes.

rouges interminables comme des griffes, mouléesdans des blouses blanches guère plus grandes
qu’unmaillot de bain.Malko lui rendit l’album et demanda : –
No foreign? I want foreign girl
1
.À Pattaya, cela ne pouvait être qu’une Russe.La Thaï manifesta une grande nervosité, puis
ser u a s u r u n t é l é p h o n e p o u r u n e l o n g u e c o n v e r s a - tion en thaï, visiblement
dépassée. Elle revint versMalko, arborant un sourire ravi. –
OK, foreign girl. Half hour. Now, you go withKat. Kat, number one
2
!
Kat surgit, tout sourire, la blouse gonflée par unep o i t r i n e f o r t e m e n t s i l i c o n é e e t
a i d a M a l k o à s e déshabiller. Comme il s’obstinait à garder son slip,e l l e l u i t e n d i t u n e
s e r v i e t t e a v e c u n r i r e c o m p l i c e , baissant pudiquement les yeux. –
Body-body
?S a n s a t t e n d r e s a r é p o n s e , e l l e c o m m e n ç a à l ’ e n d u i r e
d’une huile odorante. Puis, elle fit glis-s e r s a b l o u s e e t a p p a r u t , v ê t u e
u n i q u e m e n t d ’ u n minuscule slip noir qui ne devait pas peser plus dev i n g t
grammes. Délicatement, elle le fit retour-ner et s’allongea
sur lui, commençant à ondulerd e f a ç o n e x t r ê m e m e n t
s u g g e s t i v e . I l s e n t a i t l a pointe de ses seins lui rayer le dos.
L ’ i m p r e s s i o n de se trouver avec un petit animal affectueux.A u b o u t d ’ u n
m o m e n t , i l s e n t i t u n e m a i n s e
104
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Pas d’étrangère? Je veux une étrangère.2. OK, une étrangère, dans une demi-
h e u r e . M a i n t e n a n t , vous prenez Kat. Kat est super.

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g l i s s e r e n t r e l e m a t e l a s e t l u i , p u i s s e r e f e r m e r autour de
son sexe.Kat sussura d’une voix caressante. –
Special massage
, 500 baths. –
Later
1
, déclina Malko.Se demandant s’il allait voir surgir Oksana, cellequi avait entraîné le «stringer» de la
CIA à la mort.
***
Evgueni Makowski arrêta sa voiture en face del ’ e n t r é e d e « S e a O r c h i d s
A p p a r t m e n t s » e t b a i s s a sa glace, glissant au vigile : – Je vais chez
Khun
Igor.L e T h a ï l e v a l a b a r r i è r e e t l e R u s s e s e g a r a a u p i e d d e
l ’ i m m e u b l e d e 4 0 é t a g e s , à l ’ o m b r e . I l n’avait mis
q u ’ u n e h e u r e e t q u a r t p o u r v e n i r d e Bangkok, mais ce voyage plutôt
a g r é a b l e n ’ a v a i t p a s c a l m é s e s a n g o i s s e s . P o u r t a n t , e n a p p a r e n c e , son entrevue
de la veille avec le colonel PetcharatRang Nam s’était plutôt bien passée.L o r s q u e
l ’ e u p h o r i e g é n é r é e p a r l a p r e s t a t i o n exceptionnelle d’Oksana s’était dissipée, le
colonelR a n g N a m , f l a i r a n t l a b o n n e a f f a i r e , s ’ é t a i t m i s
àd i s c u t e r f é r o c e m e n t d u m o n t a n t d e l a « r é c o m - p e n s e » .
Lorsqu’il avait annonçé le chiffre de sixm i l l i o n s d e b a t h s
2
, E v g u e n i M a k o w s k i s ’ é t a i t récrié.Il avait essayé de discuter, mais, sans se
départir
LE PIÈGE DE BANGKOK
105
1. Plus tard.1. Environ 200000 dollars.

d e s o n s o u r i r e t h a ï , l e c o l o n e l n ’ a v a i t p a s a b a n - donné un bath. Sentant


que son interlocuteur avaitv r a i m e n t b e s o i n d e c e t t e i n f o r m a t i o n … É v i d e m - m e n t ,
le Russe ne pouvait pas savoir qu’il s’agis-s a i t d e r é g l e r u n e d e t t e
p a r t i c u l i è r e m e n t c r i a r d e e n v e r s u n « l o a n - s h a r k » d e Y e o w a r a t q u i m e n a ç a i t de
s’en prendre à l’intégrité physique du colonel…Une fois d’accord sur le montant qui devait
êtreversé le jour où il communiquerait l’information àEvgueni Makowski, ils s’étaient séparés avec
moult
wais
…Le Russe avait calculé qu’il ne restait que
treize jours avant la date de la comparution de ViktorB o u t d e v a n t l e t r i b u n a l t h a ï q u i d e v a i t l e
f i x e r s u r son sort.Le colonel Rang Nam avait promis sur la tête deBouddha qu’il ne faillirait
pas…C e t t e p r o m e s s e a u r a i t r a s s u r é q u e l q u ’ u n
d e m o i n s m é f i a n t q u ’ E v g u e n i M a k o w s k i , m a i s l e Russe vivait
depuis assez longtemps en Thaïlandep o u r s a v o i r q u ’ u n T h a ï d é t e s t a i t p e r d r e l a f a c e
e t d i s a i t t o u j o u r s « o u i » , q u i t t e à s e r é t r a c t e r e n s u i t e , avec des explications fumeuses…
Ensuite, la pers-p e c t i v e d e g a g n e r s i x m i l l i o n s d e b a t h s , m ê m e e n e n r é t r o c é d a n t
u n p e u , p o u v a i t l u i f a i r e p e r d r e l a tête.Et lui faire dire n’importe quoi.E n d é p i t
de ces réserves, Evgueni Makowskiétait bien obligé de se
f i e r à s a « s o u r c e » . C e t t e information était la base de toute l’opération.L e
p l a n A é t a i t q u a n d m ê m e e n p r é p a r a t i o n : l’évasion de Viktor Bout.
106
LE PIÈGE DE BANGKOK

Il était à Pattaya pour en verrouiller la


s e c o n d e p a r t i e . L a p l a n q u e d e V i k t o r B o u t e t s o n e x f i l t r a t i o n . Il prit
l’ascenseur jusqu’au 31
e
étage et sonna àu n e p o r t e m a s s i v e e n t e c k s o m b r e
c o m m e d e l’ébène. Elle s’ouvrit quelques instants plus tard suru n e b l o n d e a u r e g a r d a s s u r é ,
à la bouche botoxéeà m o r t , a v e c d e s é p a u l e s d e d o c k e r , d e s
f e s s e s é n o r m e s e t d e s j a m b e s c o m m e d e s p o t e a u x , v ê t u e d’une robe de stretch noir
guère plus large qu’uneceinture, pieds nus. – Igor est là? demanda Evgueni Makowski. –
Da
.Il la suivit dans un grand penthouse dont les baiesdonnaient sur la mer d’Andaman. On pouvait mêmed i s t i n g u e r l e s î l e s d e
K o h L a r n d a n s l a b r u m e d e chaleur. La blonde s’éclipsa et le Russe s’installas u r u n
c a n a p é d é f o n c é , a u m i l i e u d ’ u n d é s o r d r e incroyable. D’abord des
livres, des piles de
livres,p a r t o u t ! D e s t a b l e a u x a u s s i , r a n g é s l e l o n g d e s m u r s
. U n a s p i r a t e u r é t a i t a b a n d o n n é a u m i l i e u d e la pièce, comme un monstre foudroyé, des
dessousféminins traînaient sur tous les meubles, au milieude bouteilles vides et de cendriers pleins.
Plusieursbouteilles de bière avaient roulé sous la table basse.Une vague odeur de haschich flottait dans
l’atmo-sphère.Une voix lança derrière lui. –
Dobredin
! Evgueni.Evgueni se retourna : Igor Krassilnikov, le maîtredes lieux, venait d’entrer, le visage bouffi
d’alcools o u s u n e t i g n a s s e g r i s e e n é p i s , d é b r a i l l é , l a c h e - m i s e s u r u n p a n t a l o n s a n s
forme, un vague air de
LE PIÈGE DE BANGKOK
107

savant fou… Ce qu’il avait été d’ailleurs, dans uneautre vie : un brillant physicien de l’Union
Sovié-t i q u e , m i s a u c h ô m a g e à c a u s e d e l a f e r m e t u r e d e son Institut.D é s o r m a i s , i l é t a i t
maquereau à plein temps ets e s t e n d a n c e s i n t e l l e c t u e l l e s s ’ e s t o m p a i e n t à
vued ’ œ i l . C e t a p p a r t e m e n t a v e c c i n q c h a m b r e s
à c o u c h e r é t a i t l a t ê t e d e p o n t d e l ’ o r g a n i s a t i o n d e prostitution russe à
Pattaya. Igor abritait toujoursu n e d i z a i n e d e f i l l e s f r a î c h e m e n t « i m p o r t é e s »
etp o u v a i t f a i r e a p p e l a u c h e p t e l l o c a l e n c a s
d e surchauffe.I l s ’ a s s i t p a r t e r r e , l e d o s a p p u y é à u n f a u t e u i l branlant et soupira
: – C’est le bordel ici! Hier soir, il y a eu unepetite fête avec le général commandant la Région 3et trois de ses
colonels : ils sont arrivés, bourrés deViagra et se sont déchaînés sur les filles. Elles n’enp o u v a i e n t
plus. J’ai dû faire appel à des putes du
soi
13 pour les finir! Enfin, ils ont laissé 5000 dol-l a r s … J ’ e s p è r e q u e t u n e
v i e n s p a s c o n s o m m e r , ajouta-t-il avec un sourire salace. Elles sont nazes.Il faut les
laisser refroidir.L a b l o n d e r e p a r u t , t e n a n t d e u x b o u t e i l l e s
d e vodka, qu’elle déposa sur la table basse. – Je te présente Lara, dit Igor. Les Thaïs raffo-lent
d’elle.E v g u e n i M a k o w s k i s e d i t q u e l e s T h a ï s a v a i e n t de drôles de
goûts. – J’ai deux trucs à te demander, annonçaEvgueni. – Vas-y.
108
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Est-ce que je peux planquer quelqu’un ici,s a n s r i s q u e q u e p e r s o n n e n e v i e n n e f o u i n e r ? Igor


Krassilnikov vida un petit verre de vodka etlaissa tomber : – Le général nous prend 10000 dollars par
moisp o u r a s s u r e r n o t r e t r a n q u i l l i t é . J ’ a i t o u s s e s p o r - tables et un numéro fixe
qui a des instructions. – Et la police? – Ils touchent aussi et le colonel qui a Jomtiene n c h a r g e e s t
un de nos meilleurs clients. Pour-
q u o i ? – Viktor Bout. – Il a été libéré? – Non, mais il pourrait l’être, par nous. – Je vois.I g o r
K r a s s i l n i k o v n e p o s a a u c u n e q u e s t i o n . L a vie l’avait rendu prudent. Il se contenta de
répondreavec un sourire. – Viktor sera le bienvenu, et il pourra rattraperson retard de baise…
Compliment of the house
1
.Les deux hommes rirent, un peu détendus. – Seconde question, lança Evgueni Makowski.J’aurais
éventuellement besoin d’un bateau. Stylecabin-cruiser. Puissant et rapide, de préférence sanséquipage
thaï. – Pour aller loin? – Assez, oui, mais retour dans la journée. – Je connais un type sur le port, Sam Lo. Il
louedes
speed-boats
équipés de deux Yamaha 200 che-v a u x . D e s b o m b e s . C ’ e s t p o u r d e l a d r o g u e ?
LE PIÈGE DE BANGKOK
109
1. Gratuitement.
– Non. – OK. Voilà son portable, il parle anglais. Tuv i e n s d e m a p a r t . I l f a i t d e s
p r i x . – Tu sais conduire ce truc? – Oui. –
Karacho,
j e v a i s y a l l e r . À t o u t à l ’ h e u r e . Il avait eu une idée pour exfiltrer Viktor Bout, àpartir de
Pattaya. Bien sûr, il pouvait le mêler à ungroupe de touristes en partance pour le Laos, maisi l
y avait quand même un risque de contrôle à laf r o n t i è r e . A u
c o n t r a i r e , s o n p l a n é t a i t p r e s q u e dépourvu de risques.T o u s l e s
j o u r s , p l u s i e u r s b a t e a u x q u i t t a i e n t l e port de Pattaya à destination des îles voisines.
Biene n t e n d u , i l n ’ y a v a i t a u c u n c o n t r ô l e , c e s î l e s é t a n t thaïlandaises et les touristes revenant le
soir même.S o n i d é e é t a i t s i m p l e . A v e c u n b a t e a u r a p i d e , f i l a n t à 30 nœuds, il pouvait, en
deux heures, se retrouveren pleine mer, hors des eaux territoriales. La suited é p e n d a i t d e
M o s c o u . E v g u e n i M a k o w s k i a v a i t demandé si on pouvait affecter un sous-marin clas-sique
– classe Kilo – au sauvetage de Viktor Bout.C e r t a i n s é t a i e n t b a s é s à V l a d i v o s t o k e t c e l a n e p o s a i t
a u c u n p r o b l è m e t e c h n i q u e d e
d e s c e n d r e jusqu’au large de la Thaïlande.G r â c e a u G P S , i l s e r a i t p o s s i b l e d e s e
f i x e r u n rendez-vous précis, loin des côtes.L’opération pouvait ne durer que peu de temps.Le
sous-marin émergeait à l’endroit convenu, pre-nait Viktor Bout à son bord et repartait en
plongée.Tandis que le bateau qui l’avait amené repartaitpour Pattaya.
110
LE PIÈGE DE BANGKOK

Au moment où Evgueni se levait, une autre filleapparut, superbe, avec de longs cheveux auburn,
unv i s a g e p a r f a i t e t d ’ e x t r a o r d i n a i r e s y e u x g r i s b l e u . S e u l e s , s e s j a m b e s
p l u t ô t é p a i s s e s g â c h a i e n t s a silhouette. – C’est Mariana, annonça Igor. Elle part tra-
vailler. Tu peux la descendre? Ça évitera un
t a x i . – Oui. – Sur Jomtien Beach, on a un salon de massagelà-bas, au coin du
soi
11. –
Vsié normalno
1
! lança Evgueni.Mariana bâilla à se décrocher la
mâchoire. – J’espère que ce blaireau ne va pas me retenirlongtemps, maugréa-t-elle. J’ai dormi trois
heures.
Dobre
. J e v a i s p r e n d r e m o n s a c . Quand elle fut sortie, Igor remarqua : – Elle
vient d’arriver de Moscou où son mec l’ap l a n t é e . E l l e n ’ a p a s b o n c a r a c t è r e e t e l l e n ’ a i m e pas
sucer…Evgueni était déjà debout. –
Karacho
. J e v a i s v o i r l e m e c d u b a t e a u e t j e reviens avant de repartir pour
Bangkok. – Tu aurais pu rester un peu. – J’ai des trucs à faire pour mon journal, soupiraEvgueni Makowski.I l
p r e n a i t b e a u c o u p d e s o i n à p r é s e r v e r s a c o u - verture. Des trois journalistes présents à
Bangkok,il était le plus respecté.
***
LE PIÈGE DE BANGKOK
111
1. Pas de problème!

Malko était resté seul dans la cabine, abandonnépar la masseuse thaï, déçue qu’il ait refusé son mas-
sage spécial…La porte s’ouvrit soudain sur une créature ravis-sante dont le regard se posa sur lui, avec une indif-
f é r e n c e m a n i f e s t e . V ê t u e d ’ u n e r o b e j a u n e b o u t o n n é e devant, d’une longueur normale; elle lança à Malko. –
Gavarit po russki
1
?–
Da
.Elle se détendit un peu, attira une chaise et défitp o s é m e n t l e s d e r n i e r s b o u t o n s d e s a
r o b e , d é c o u - vrant des cuisses charnues et l’amorce d’une culotteblanche. –
Dobre
, a n n o n ç a - t - e l l e , i l p a r a î t q u e t u a s demandé une Russe pour te finir.
C’est 10000 baths.Je ne suce pas et je ne baise pas. Ça te va?Un peu surpris, Malko sourit. –
Da
.D e v a n t c e t t e b o n n e v o l o n t é é v i d e n t e , e l l e d é f i t e n c o r e u n b o u t o n e n b a s e t d e u x e n
h a u t a v a n t d e préciser. – Tu peux mater si tu veux.D é j à , e l l e l u i a v a i t e m p o i g n é l e s e x e . L e s
yeuxd a n s l e s s i e n s , e l l e s e m i t à l e m a s t u r b e r , d ’ a b o r d l e n -
tement, puis plus vite, le regard absent. Conscien-cieuse mais distraite.Malko sentit quand même le
plaisir monter; elles ’ e n r e n d i t c o m p t e , a u s s i , e l l e a c c é l é r a , l e t r a y a n t c o m m e u n e
vache. Jusqu’à ce qu’il éjacule. Elle
112
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Vous parlez russe?

avait déjà retiré sa main. Elle se leva, reboutonnasa robe et lança


: – Tu paies à la caisse. Et ne déconne pas. Celane te réussirait
pas… – Attendez, demanda Malko, la dernière fois, j’avais eu une fille super, Oksana. – Connais pas. – Vous po
uvez vous renseigner?L a R u s s e r e s t a à c ô t é d e l a p o r t e , h é s i t a n t e e t laissa
tomber. – Tu es à l’hôtel? – Oui. Royal Cliff.Visiblement, il remonta un peu dans son
estime. – Quelle chambre? – 424. –
Dobre
. Je vais voir si je peux te l’envoyer.
Dosvidania
1
.
– Attendez, dit Malko, vous ne voulez pas venirp r e n d r e u n v e r r e ? Elle se retourna avec un sourire
ironique. – Pas le temps! Si tu veux me revoir, tu viensici et tu demandes Mariana.
***
Mai se prélassait au bord de la piscine du RoyalCliff. Quand elle aperçut Malko, elle se leva et vintlui sauter au cou, se
frottant longuement contre
lui.D e v a n t s o n g e s t e d e r e c u l , e l l e m u r m u r a à s o n o r e i l l e . – Il ne faut pas nous faire r
emarquer,
Khun
LE PIÈGE DE BANGKOK
113
1. Au revoir.

Malko, ici, les


farangs
qui sont avec des filles, c’esttoujours pour faire boum-boum.E l l e p o u f f a ,
t o u j o u r s c o l l é e à l u i , a v a n t d e s’étendre à
nouveau. – Vous avez trouvé quelque chose, demanda-t - e l l e , a u s a l o n d e
m a s s a g e ? – Pas vraiment, reconnut Malko.Elle écouta son récit et
ajouta. – On m’a dit en ville que beaucoup de fillesrusses sont regroupées dans un grand
appartement,mais nul ne sait où il se trouve. Peut-être que cetteOksana s’y trouve
aussi. – Demain, je vais retourner au salon de massageet demander cette Mariana. Pouvez-vous
planquere t s u i v r e l e s f i l l e s é t r a n g è r e s q u i s o r t e n t ? p r o p o s a Malko. – Je vais le faire, affirma
aussitôt Mai. Avec unemoto-taxi, c’est facile.D’énormesgouttescommençaientàtomber.Ils
ser é f u g i è r e n t d a n s l a p i s c i n e d o n t l ’ e a u d e v a i t f a i r e 3 0 ° .
***
L o r s q u e E v g u e n i M a k o w s k i r e g a g n a l ’ a p p a r t e - ment d’Igor, après s’être renseigné sur la
locationd’un bateau, trois filles papotaient dans le salon, enbuvant du thé. Une habillée, les deux autres
en slipet soutien-gorge.Le Russe s’assit à côté d’elles. – Igor est là? – Non, il est descendu en
ville acheter des livresa u n o u v e a u M a l l , « L e C e n t r a l » . T u v e u x d u t h é ?
114
LE PIÈGE DE BANGKOK

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Ils bavardèrent. Celle qui l’avait invité s’appelaitValerya, une splendide brune, visiblement intelli-
gente, diplômée en puériculture, qui avait décidé devenir gagner sa datcha à Pattaya. La plus belle
dest r o i s é t a i t M a r i a n a q u i é t a i t r e v e n u e d e J o m t i e n b e a c h .
Q u a n d V a l e r y a v o u l u t l a l u i p r é s e n t e r , Evgueni précisa
aussitôt. – Nous nous sommes vus tout à l’heure. Elleallait faire un massage, ajouta-t-il en souriant.La
belle Russe eut une moue dégoûtée. – Le massage n’est pas mon truc. J’ai l’impres-sion d’être une
fermière, au fond de l’Oural.Valerya éclata de
rire. – C’est moins fatigant que de sucer des bites…Mariana haussa les épaules et demanda à la can-
tonade. – À propos, il y a une fille qui s’appelle Oksana,i c i ? A u c u n e d e s f i l l e s n e d e s s e r r a l e s
lèvres. Toutesa v a i e n t r e ç u d e s c o n s i g n e s d ’ I g o r . S i q u i q u e c e soit
d e m a n d a i t d e s i n f o r m a t i o n s s u r O k s a n a , e l l e n’avait jamais existé. Mais Evgueni faillit
en ren-verser sa tasse de thé. – Pourquoi demandes-
tu cela? – Le type que j’ai massé a demandé après elle,fit Mariana.Le Russe sentit son pouls grimper au ciel.
Impos-sible que ce soit une coïncidence : Oksana
n’avait jamais travaillé au salon de massage. Elle étaitréservée aux
colonels. – C’est tout ce qu’il t’a dit? demanda-t-il. – Il m’a dit où il était : au Royal Cliff, chambre424.
LE PIÈGE DE BANGKOK
115

– Comment il est? – Plutôt beau mec, blond, il parle bien russemais il n’est pas russe. –
Spasiba
, fit Evgueni.L a p o r t e c l a q u a : I g o r r e v e n a i t a v e c u n s a c
enp l a s t i q u e p l e i n d e l i v r e s . A u s s i t ô t , E v g u e n i
M a k o w s k i l e p r i t à p a r t , r e l a t a n t s a c o n v e r s a t i o n avec
Mariana. – Vérifie si ce type est déjà venu au massage,demanda-t-il.Igor était déjà au téléphone avec le salon de
mas-sage. Lorsqu’il raccrocha, il annonça simplement
: – La réceptionniste m’a dit que ce type n’est jamais venu avant…Evgueni Makowski ne répondit pas. Édifié :
l’er-reur de Dimitri Korsanov commençait à porter sesfruits, si on peut
dire. – Tu as des types sûrs, ici? demanda-t-il à Igor.Le Russe leva son index et son
majeur. – Deux : Gleb et Boris. – Ils sont vraiment sûrs? – Ils étaient avec Oksana et Dimitri,
l’autre soir. – Qu’est-ce qu’ils font d’habitude? – Un peu de tout. Ils transportent les filles, ser-vent de body-guards,
écartent les petits macs locaux,achètent du
Yaa Baa
. Pour le moment, ils dorment,e n b a s , à P a t t a y a . I l s o n t
d e s p i a u l e s s u r S e c o n d r o a d . T u v e u x l e s v o i r ? – Oui.S i , c o m m e i l l e
craignait, le client du salon demassage venait enquêter sur Oksana, donc
s u r l e meurtre du policier thaï, il ne fallait pas lui laisserle temps de remonter jusqu’à leur nid
d’amour.
116
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE VII
Une chaleur poisseuse écrasait les rares clientsd u « B e s t F r i e n d » , u n g r a n d
bar-restaurant ouvertà tous les vents, au coin du
soi
1 3 / 4 e t d e l a p r o - m e n a d e d e b o r d d e m e r . L e s v e n t i l a t e u r s a v a i e n t beau
brasser paresseusement l’air empuanti par lafumée des cigarettes et les effluves d’alcool, la tem-
pérature ne baissait pas d’un degré. La chemise envoile de Malko était collée à son torse par la
trans-piration.Alignées le long du bar ou installées aux grandestables rectangulaires, des grappes de
putes désœu-vrées s’apprêtaient à fondre sur le moindre client.À côté d’eux, un gigantesque
Australien avalait augoulot des bières qui semblaient distendre sa panseénorme, entouré d’une douzaine de
filles cherchantà attirer son attention.Patientes, elles savaient qu’il finirait par céder
àleurs avances.Mai, juchée sur un tabouret aussi haut qu’elle, sepencha vers
Malko. – Vous voyez les deux types là-bas,
Khun
Malko? Ce sont des Russes.

Les deux hommes étaient attablés à une table duf o n d d e v a n t d e s b i è r e s .


L ’ u n a v a i t l e s c h e v e u x réunis en catogan, le visage en lame de
c o u t e a u , l’autre, le crâne rasé, massif, moulé dans un T-shirtà la propreté douteuse, évoquait un
bûcheron. – Des touristes? – Non, ils sont là très souvent, j’avais demandéh i e r s o i r . I l s h a b i t e n t
Pattaya, mais on ne sait
p a s où.U n e v o i t u r e d e p o l i c e p a s s a l e n t e m e n t s u r P
attaya Beach road et donna un coup de klaxon.U n e d e s b a r m a i d s
a d r e s s a u n s i g n e j o y e u x a u chauffeur…B i e n q u ’ i l y a i t p e u
de
farangs
, la promenadeg r o u i l l a i t d e m o n d e , e n t r e l e s p u t e s d é s œ u v r é e s e t
les innombrables stands installés sur les trot-t o i r s , o f f r a n t
t o u t , d e s b r o c h e t t e s a u x C D p i r a - tés. Pattaya attendait la fin de
la mousson et de lac r i s e , t o u r n a n t a u r a l e n t i . L a p l u p a r t d e s
h ô t e l s é t a i e n t v i d e s . C o m m e l e s c e n t r e s c o m m e r c i a u x , tout neufs et les
innombrables condominiums bâtisen retrait.Le Blackberry crypté de Malko émit un couine-ment
plaintif.C’était Gordon Backfield, à qui il avait déjà parléun peu plus tôt. – J’ai une bonne nouvelle, annonça-
t-il, vousallez recevoir du renfort. – Quel renfort? – Chris Jones et Milton Brabeck. Langley m’ad o n n é
l ’ o r d r e d e l e s e x p é d i e r i c i . L a m o r t d e P i s i t Aspiradee a traumatisé l’Agence.
118
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Ils vont venir à Pattaya? interrogea Malko,stupéfait. – C’est là que cela se passe pour le moment.V o u s
m’avez dit tout à l’heure que votre enquêtene faisait que commencer… Ce n’est
p a s M a i q u i v a v o u s s e r v i r d e « b a b y - s i t t e r » . S i t o u t s e p a s s e bien, ils
seront à Bangkok demain. Je leur donne unchauffeur et je vous les envoie.L e s j o i e s d u
« B e s t F r i e n d » é p u i s é e s , M a i e t Malko descendirent de leurs tabourets,
s’enfonçantdans le
soi
13/4. Les néons criards flamboyaient det o u s l e s c ô t é s s u r l e s s a l o n s d e m a s s a g e , l e s b a r s , l e s
«live-show», les tatoueurs. Il fallait se faufilere n t r e d e s c e n t a i n e s d e
m o t o s o c c u p a n t l ’ é t r o i t e chaussée des deux côtés. Presque à chaque
m è t r e , un rabatteur vous tirait par la manche. L’un d’euxa c c r o c h a M a i ,
m u r m u r a n t q u e l q u e s m o t s à s o n oreille. – C’est une boîte de
Katoi
, expliqua-t-elle. – Qu’est-ce que c’est? – Des transsexuels, il y en a beaucoup ici.M a l k o a v a i t r a l e n t i . I l
s ’ a r r ê t a d e v a n t l a v i t r i n e du bar Las Vegas et vit passer derrière lui les deuxRusses du
«Best Friend» qui continuèrent en direc-tion de Second road. Cela pouvait être une coïnci-
d e n c e o u a u t r e c h o s e . É t a i t - i l s u i v i ? – On peut aller au casino où se trouvait cetteO k s a n a ?
d e m a n d a - t - i l à M a i . L a T h a ï e u t u n r i r e g ê n é . – Ils n’acceptent pas les
farangs
… – Pourtant, il y avait Oksana et ce Russe, Dimi-tri Korsanov.
LE PIÈGE DE BANGKOK
119

– Quelqu’un l’avait introduit. Quant aux prosti-tuées, elles jouent beaucoup et perdent toujours.I l s
é t a i e n t d é s o r m a i s d e r r i è r e l e s d e u x R u s s e s . Ceux-ci tournèrent à gauche dans
S e c o n d r o a d e t s ’ e n f o n ç è r e n t d a n s u n e p e t i t e g a l e r i e m a r c h a n d e aux magasins
fermés. Pour ne pas réapparaître. – Où sont-
ils passés? demanda Malko. – C’est là que se trouve l’entrée du casino« N u m b e r O n e » e x p l i q u a
M a i . – Allez vous renseigner, demanda Malko. Jevais attendre ici.Lorsque Mai réapparut, tout excitée elle annonça
: – Ils sont bien dans le casino, j’ai parlé auvideur, il m’a dit qu’il les connaissait. Ils viennentsouvent,
mais ce ne sont pas des touristes. Ils habi-tent un peu plus loin, dans Second road. – Qu’est-
ce qu’ils font?La Thaï eut un geste évasif. – Rien, officiellement.I l s a r r ê t è r e n t u n t a x i p o u r
rentrer. Dans le halld u R o y a l C l i f f , M a i p r i t o s t e n s i b l e m e n t l a
m a i n d e M a l k o e n p a s s a n t d e v a n t l a r é c e p t i o n , p o u r l a lâcher ensuite dans
l’ascenseur, en pouffant.U n e f o i s d a n s l a s u i t e , e l l e f i l a s u r l e b a l c o n e t Malko
se coucha.S’endormant sans même s’en apercevoir.
***
Boris Titov et Gleb Papouchine n’étaient pasvenus jouer
mais rencontrer deux trafiquants de
Yaa Baa
, chez qui ils se fournissaient parfois. Des
120
LE PIÈGE DE BANGKOK

petits voyous thaïs, sournois, vicieux et méchants,q u i f a i s a i e n t u n p e u l e s m a c s à


l ’ o c c a s i o n . F o u r - nissant alors des filles locales au réseau russe.Ils buvaient des bières au bar,
au milieu du brou-haha des joueurs.À la troisième bière, Pichai, le «chef», demanda : –
You need girls number one
1
?Gleb secoua la tête négativement. –
Niet
.–
Yaa Baa
? – No.Devant l’incompréhension de Pichai, il lui expli-qua ce qu’il voulait. Les deux voyous se
consultè-rent alors en thaï. – 300000 baths
2
c o n c l u t P i c h a i . L a m o i t i é d’avance.
***
Malko se réveilla en sursaut. La première choseq u ’ i l a p e r ç u t f u t l e m i n o i s
s o u r i a n t d e M a i . L a Thaïe était torse nu, ses petits seins pointus fière-
ment dressés, et annonça, confuse : –
Khun
M a l k o , d e s g e n s t e d e m a n d e n t à l a réception.I l j e t a u n
c o u p d ’ œ i l à s a B r e i t l i n g . D i x h e u r e s dix. Le
décalage. – Des gens? – Oui. Deux Américains, très grands.
LE PIÈGE DE BANGKOK
121
1. Vous avez besoin de filles «super»?2 . 1 0 0 0 0 $.

Ce ne pouvait être que Chris Jones et Milton Bra-b e c k ! Il empoigna son téléphone, appela la réception
etdemanda : – Passez-moi les gens qui me demandent. – Allo! lança la voix mâle de Chris Jones,quelques
instants plus tard. – Chris, annonça Malko, je suis en bas dans troisminutes. Allez au bar et relaxez-
vous…L e « g o r i l l e » r i c a n a . – Après vingt-huit heures de vol, j’ai l’impres-s i o n d ’ ê t r e
m o r t . E n p l u s , i l f a i t u n e p u t a i n d e chaleur ici et c’est plein
de «gooks»
1
. – C’est leur pays, précisa Malko. L’hôtel estclimatisé.Il se jeta sous la douche.
***
A v e c l e u r c o s t u m e c l a i r f r o i s s é c o m m e
d e s c h i f f o n s , l e u r c r a v a t e d e t r a v e r s , l e u r s t r
a i t s tirés, Chris Jones et Milton Brabeck, «gorilles»d e c h o c
d e l a D i v i s i o n d e s O p é r a t i o n s d e l a CIA, faisaient
peine à voir. Affalés devant le bar,C h r i s J o n e s s e r u a s u r
M a l k o e t l u i é c r a s a l e s phalanges. – My God, on a cru jamais arriver! Un
“deputy”du COS nous a pris à l’aéroport pour nous conduiredirectement
ici… – On dormait dans la voiture, renchérit Milton
122
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Bougnoules.

Brabeck. Moi, je ne suis plus bon à rien. J’ai l’im-pression qu’on m’a
démonté… – Vous allez vous reposer à la piscine, conseillaMalko. Après, vous serez tout neufs. – Je
crève de faim, soupira Chris Jones. Il y a dum a n g e r d e B l a n c ,
i c i ? – Ils ont de très bonnes sauterelles grillées,affirma Malko. Du serpent, mais aussi, des pizzaset
des hamburgers.Mai venait d’arriver. Elle adressa un
wai
respec-t u e u x a u x d e u x « g o r i l l e s » d e l a C I A , q u i l a r e g a r - dèrent, estomaqués, les bras
ballants. – C’est notre interprète, précisa Malko.M a i a r r i v a i t à p e u p r è s à l a t a i l l e d e s d
e u x h o m m e s . Desmassesdechairmusculeuses,dévouéesàlaban-nièreétoiléeetàMalko,necraignantdanslaviequeles insectes et les
maladies tropicales… Générale-ment armés comme de petits porte-avions, c’étaientles meilleures «baby-
sitters» de l’Agence.P o u r e u x , l e m o n d e s ’ a r r ê t a i t à l a c ô t e e s t d e s États-
Unis. Après, c’était une planète inconnue.A u m o m e n t o ù i l s q u i t t a i e n t l e b a r , u n e
blondehallucinante de beauté déboucha de l’ascenseur :u n e p o i t r i n e à
faire se pendre Marilyn Monroe,une croupe cambrée, la
bouche botox ée à mor t, de longues jambes émergeant d’un short
m i c r o - s c o s p i q u e e t u n e d é m a r c h e d e v r a i e s a l o p e t r o p i - cale. –
Holy cow
! m u r m u r a M i l t o n B r a b e c k . J e n e regrette pas le voyage.Mai se tordait de
rire. – C’est un
katoi
, gazouilla-t-elle.
LE PIÈGE DE BANGKOK
123

– Un transsexuel, précisa suavement Malko.L e s d e u x A m é r i c a i n s faillirent en


a v a l e r l e u r cravate. – Rendez-vous à la piscine dans une heure.
***
S a n s m ê m e d é j e u n e r , M a i é t a i t p a r t i e p l a n q u e r devant le salon de massage du
soi
11, chevauchantu n e m o t o - t a x i p a y é e à l ’ h e u r e . I l l u i a v a i t
f a l l u a t t e n d r e d e u x h e u r e s , à l ’ o m b r e d ’ u n b a r v o i s i n , pour voir enfin une
farang
sortir du salon de mas-sage. Celle-ci avait arrêté un taxi et Mai avait suivisur la moto-taxi.Le taxi, après
avoir cahoté sur un chemin de terred é f o n c é , s ’ é t a i t a r r ê t é d e v a n t u n e
s o m p t u e u s e grille noire défendant l’entrée d’un condominiumt o u t b l a n c , r é c e m m e n t
s o r t i d e t e r r e . L o r s q u e M a i avait voulu y pénétrer, les vigiles thaïs l’en
avaientempêchée.V i s i b l e m e n t t r è s m é f i a n t s , l a p r e n a n t p o u r u n e p r o s t i t u é e . E l l e
avait un peu bavardé, prétendanta l l e r v o i r u n e c o p i n e r u s s e ,
O k s a n a , m a i s é t a i t repartie avec une seule information. Le
nom duc o n d o m i n i u m , i n s c r i t s u r u n e p l a q u e d e
c u i v r e «Sea Orchid Apartments».
***
L e t é l é p h o n e s o n n a à c ô t é d u l i t d ’ I g o r K r a s s i l - nikov : le Russe émergeait des brumes
de la vodkae t m i t q u e l q u e t e m p s à c o m p r e n d r e c e q u ’ o n l u i
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LE PIÈGE DE BANGKOK

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v o u l a i t . L ’ a p p e l v e n a i t d ’ u n d e s v i g i l e s p o s t é s à l’entrée du domaine. –
Khun
I g o r , f i t c e l u i q u i p a r l a i t l e m i e u x a n g l a i s ,
q u e l q u ’ u n n o u s a p o s é d e s q u e s t i o n s , demandant s’il y
a v a i t d e s R u s s e s i c i . E l l e a p r é - tendu avoir une copine habitant ici, une Russe, avecun nom
russe. – Oksana? demanda Igor Krassilnikov, complè-tement sorti de sa
sieste. – Oui, c’est ça, confirma le vigile. – Elle est où, cette fille? – Elle est partie. – C’est une Thaïe? – Oui. –
OK, si elle revient, tu me préviens.I l l a f e r a i t m o n t e r c h e z l u i e t B o r i s e t G l e b
s e f e r a i e n t u n p l a i s i r d e l u i f a i r e c r a c h e r c e q u ’ e l l e avait dans le ventre.
Heureusement qu’il avait lancéu n e c o n t r e - o f f e n s i v e . C e p e n d a n t , i l n ’ a i m a i t
pasc e l a d u t o u t . A p r è s l ’ é t r a n g e c l i e n t d u s a l o n d e massage
q u i c h e r c h a i t a u s s i O k s a n a , c e l a f a i s a i t beaucoup…Il fallait prévenir Evgueni
Makowski.
***
C h r i s J o n e s e t M i l t o n B r a b e c k a v a i e n t é t a l é s u r la courte-pointe rose ornée d’éléphants
le contenud’une mallette métallique. – On n’a rien pu amener de la Maison, soupiraM i l t o n B r a b e c k ,
c’est tout ce que nous a donné le
LE PIÈGE DE BANGKOK
125

« d e p u t y » q u i e s t v e n u n o u s c h e r c h e r . E n p l u s , i l a fallu qu’on signe un reçu. – Ces


armes appartiennent à la Station de Bang-kok, remarqua Malko, c’est normal.I l y a v a i t
q u a n d m ê m e d e u x G l o c k à q u i n z e coups et deux petits
revolvers Smith et Wesson« d e u x p o u c e s » a v e c d e s é t u i s d e
c h e v i l l e , p l u s quelques harnais. Pas la moindre grenade et
p a s d ’ U z i ! C ’ é t a i t n e t t e m e n t e n d e ç à d e l e u r é q u i p e - ment
habituel. – Avec qui on va se battre? demanda Milton,pragmatique. – Peut-
être avec personne, répliqua Malko.Nous sommes en période d’exploration.Il leur expliqua la situation. Au mot
de «Russes»,les visages des deux «gorilles» s’éclairèrent. – Ah bon, c’est des Russkoffs! Je pensais pasq u ’ i l s
é t a i e n t v e n u s s i l o i n . O n s e r e t r o u v e à l a bonne vieille époque. Donc,
ils sont toujours com-munistes, ces enfoirés.L e s c o m m u n i s t e s e t l e s m o u s t i q u e s
é t a i e n t s e s deux hantises. – Non, assura Malko, mais toujours aussi dan-g e r e u x . P o u r l e
m o m e n t , r e m e t t e z v o t r e é q u i p e - ment dans la boîte. Quand on sortira, vous
mettrezun des Glock dans la ceinture, sous votre chemise.Milton Brabeck le regarda,
horrifié. – Mais c’est les gangsters qui font cela, à LosA n g e l e s ! N o u s , o n a d e s
h o l s t e r s . – Portés sous une chemise, cela se remarque,o b s e r v a M a l k o , e t e n
d e s s u s , e n c o r e p l u s . O r , ici, personne ne met de veste. Il suffit
d’avoir des
126
LE PIÈGE DE BANGKOK

chemises assez amples. Moi, je prendrai un des«deux


p o u c e s » . – Et votre copine, elle peut mettre des munitionsd a n s s o n
s a c ? – Ce n’est pas ma «copine», corrigea Malko.Chris Jones étouffa un ricanement
poli. – Ah bon? Vous êtes dans la même suite… – C’est une couverture, protesta Malko. À Pat-taya, la vertu
n’est pas bien vue. – On peut aussi avoir une «couverture»?demanda Milton Brabeck qui se
dévergondait. – Ce soir, on essayera de vous en trouver une,p r o m i t M a l k o . P o u r l ’ i n s t a n t , o n
v a à l a p i s c i n e . Mai doit nous y rejoindre.
***
I l f a i s a i t 4 7 ° à l ’ o m b r e e t b e a u c o u p p l u s
a u soleil…D’ailleurs, la piscine était déserte. Chris et Mil-ton, qui avaient voulu bronzer,
ressemblaient à desécrevisses un peu trop cuites.M a i s u r g i t u n e d e m i - h e u r e p l u s
t a r d , u n e s e r - viette autour du corps, s’en débarrassa et plongeadans la piscine.
Q u a n d e l l e e n r e s s o r t i t , e l l e r e j o i - gnit Malko. Ses yeux brillaient
d’excitation. – Je sais où habitent les prostituées russes,annonça-t-elle.Malko l’écouta : c’était un grand
pas en avant. – C’est formidable! approuva-t-il. – Ce n’est pas tout, compléta la Thaïe. Quand je
LE PIÈGE DE BANGKOK
127

suis rentrée, j’ai vu un des deux Russes d’hier soir.Il était au bar, tout
seul. – Ça n’est pas une coïncidence, conclut Malko.C e s o i r , n o u s a l l o n s f a i r e u n t o u r d u c ô t é
d e s « S e a Orchid Apartments». Mais, avant, on va essayer derepérer ces deux Russes en
bas. – Il faudrait louer une voiture, suggéra Mai; entaxi, ce n’est pas
pratique. – Vous savez conduire? – Bien sûr, fit la jeune Thaïe, vexée. J’ai aussiune voiture à
Bangkok. – On pourrait conduire, suggéra Chris Jones,t r a u m a t i s é à l ’ i d é e d ’ ê t r e c o n d u i t p a r u n e
f e m m e , et asiatique, de surcroît. – En Thaïlande, précisa suavement Malko, onroule à gauche…L e s
d e u x « g o r i l l e s » d e m e u r è r e n t m u e t s c o m m e des
carpes. – On remonte s’équiper, annonça Chris Jones.I l s é t a i e n t a l l é s d a n s l a b o u t i q u e
d e l ’ h ô t e l « J i m T h o m s o n » a c h e t e r d e s c h e m i s e s h a w a ï e n n e s q u i les faisaient
ressembler à des touristes en goguette.
***
Igor Krassilnikov tendit à Boris Titov une liassed e b i l l e t s d e 1 0 0 0 0
b a t h s . – Tu ne leur donnes que la moitié d’avance,recommanda-t-il, ce sont de voyous.B o r i s T i t o v
enfouit les billets dans son jean. Ila v a i t u n p e u g r o s s i l e m o n t a n t
d e l a p r e s t a t i o n réclamée à Pichai, ce qui allait lui permettre
de
128
LE PIÈGE DE BANGKOK
s’offrir quelques menus plaisirs. Igor Krassilnikovlui jeta un regard
méfiant. – Ils ne risquent pas de baver, ces types? –
Niet
. I l s s a v e n t q u ’ o n l e s f l i n g u e r a i t ; e t i l s savent aussi qu’on est bien
avec les flics… –
Karacho
.Il regarda les deux Russes se diriger vers la
porte.I l s é t a i e n t b i e n u t i l e s ; e m p l o y é s c o m m e v i d e u r s d a n s u n
c a s i n o d e N o v y A r b a t , à M o s c o u , i l s avaient été obligés
de quitter la Russie, après avoirtabassé à mort un tricheur. Ici, ils servaient un peuà t o u t . D e
temps en temps, on les laissait profiterd ’ u n e d e s f i l l e s h é b e r g é e s p a r
I g o r , p a r c e q u ’ i l s n’aimaient pas les locales.C’est eux qui avaient conduit Oksana à
Bangkok,dans la voiture d’Igor, le lendemain du meurtre dePisit Aspiradee.R e s t é s e u l , I g o r s e
v e r s a u n e r a s a d e d e « R u s s k i Standart». Il n’aimait pas l’affaire Oksana. Il étaitv e n u à
Phuket parce que c’était un job tranquilled ’ ê t r e m a q u e r e a u d a n s
c e s c o n d i t i o n s e t q u ’ i l gagnait bien sa vie. Les Thaïs se moquaient
é p e r - d u m m e n t d e l a p r o s t i t u t i o n e t , à c o n d i t i o n d ’ ê t r e payés, leur laissaient une
paix royale.Ce qui permettait à Igor Krassilnikov de lire beau-coup, sa passion. Il n’aurait jamais pensé être mêléà un
meurtre. Seulement, il ne pouvait rien refuser àEvgueni Makowski qui était son «kricha
1
» vis-à-visdes autorités russes. Dimitri Korsanov ne lui avait jamais inspiré confiance : trop exalté, mythomane,
LE PIÈGE DE BANGKOK
129
1. Sa protection.

tordu et, surtout, violent, ne sachant pas se contrô-l e r ; i l y a v a i t d e s f a ç o n s


p l u s d i s c r è t e s d e s e débarrasser de l’homme attaché à ses basques.
Et,maintenant, c’était lui, Igor, qui était chargé de gérerle problème qui se compliquait tous les jours. Pré-venu, Evgueni
Makowski lui avait enjoint de faire lenécessaire pour supprimer le problème.
***
Milton Brabeck, au milieu du
soi
13/4, tomba enarrêt devant l’enseigne du «Cock and Pussy bar
1
»et s’exclama : –
Holy shit
! Même à Vegas, je n’ai pas vu cela.Les deux gorilles écarquillaient les yeux devantl e s
néons agressifs, les filles assises devant lesbars, rameutant
l e s p a s s a n t s , l e s a b o i e m e n t s d e s haut-parleurs, offrant des prestations pour tous
lessexes. Tout ce stupre étalé, sans gêne aucune, dansc e t t e c h a l e u r m o i t e . L e s h o r d e s d e
p r o s t i t u é e s l e s suivaient comme des coyotes.T o u t e s l e s h o r r e u r s d u m o n d e , à
des prix
t r è s abordables.M a i a v a i t l o u é u n e g r o s s e T o y o t a A
c c o r d b l a n c h e q u ’ i l s a v a i e n t g a r é e d a n s S e c o n d r o a d , dans un
terrain vague entre le
soi
13/4 et le
soi
13/3.Chris se rapprocha de Malko. – J’ai l’impression que tout le monde voit nosflingues.Ils avaient
chacun glissé un Glock dans leur cein-
130
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Bar de la bite et de la chatte.
ture, à la hauteur du nombril, dissimulé sous la che-m i s e . M a l k o e n a v a i t f a i t
a u t a n t a v e c l e « d e u x pouces» et le sac de Mai était bourré de
c h a r g e u r s de rechange. – Tout le monde s’en moque, assura Malko. Lesgens sont là pour
s’amuser.U n c o u p l e p a s s a p r è s d ’ e u x : u n v i e i l h o m m e c h a u v e
t e n a n t p a r l a m a i n u n a d o l e s c e n t q u i n e devait pas dépasser quinze
ans…I l n ’ y a v a i t p a s q u e l e s p e t i t e s p a y s a n n e s q u i s e prostituaient.Ils avaient eu beau traîner
dans les
soi
, et sur Pat-t a y a B e a c h r o a d , i l s n ’ a v a i e n t p a s r e v u l e s d e u x Russes. Mai
avait été jeter un œil au casino «Num-b e r O n e » , s a n s p l u s d e
s u c c è s . – On rentre? suggéra Chris Jones. – Vous ne voulez pas une couverture? ironisaMalko.Le gorille en
eut un haut-le-
cœur. – Je suis sûr qu’elles ont toutes le sida. – Pas toutes, assura Malko. Si vous en prenezu n e d e
t r e i z e o u q u a t o r z e a n s , i l y a d e b o n n e s chances de passer à
travers.I l s é t a i e n t a r r i v é s s u r S e c o n d r o a d . D è s q u e l e petit Thaï à la peau sombre qui
avait garé la Toyota,les aperçut, il courut dégager la voiture et l’amenaà la sortie du parking, portières
ouvertes, moteur enr o u t e . M a l k o l u i g l i s s a 1 0 0 b a t h s e t i l s e c a s s a e n d e u x d e
b o n h e u r , s ’ é l o i g n a n t e n s u i t e e n t r e l e s voitures.Mai prit le volant,
Malko à côté d’elle, les deuxgorilles à l’arrière.
LE PIÈGE DE BANGKOK
131

Ils allaient démarrer quand Chris Jones lança


: – Hé! On dirait qu’il y a quelqu’un dans lec o f f r e ! Malko tendit l’oreille. Effectivement, des
bruitssourds provenaient du coffre, comme si quelqu’unc h e r c h a i t à s ’ e n é c h a p p e r . I l
s o r t i t d e l a T o y o t a , s ’ i m m o b i l i s a n t à c ô t é d u c o f f r e . À l ’ e x t é r i e u r , l e bruit était
encore plus fort : des coups sourds.Malko, intrigué, tapa sur le coffre et
cria. – Il y a quelqu’un?Pas de réponse.L e g a r d i e n d u p a r k i n g s ’ é t a i t
v o l a t i l i s é . M a i descendit à son tour. – C’est quelqu’un qui a fait une blague, avançaChris
Jones.Mai s’avança, les clefs de la voiture à la main. – Je vais ouvrir.À l e u r t o u t ,
C h r i s J o n e s e t M i l t o n B r a b e c k étaient sortis de la
v o i t u r e . M a l k o é t a i t i n t r i g u é mais pas vraiment inquiet. Qu’est-ce qui
p o u v a i t arriver à trois hommes armés et sur leurs gardes, enp l e i n P a t t a y a ? U n e v o i t u r e b l e u e
e t g r i s e a p p a r u t , r e m o n t a n t lentement Second road. Mai s’avança vers elle
e t l u i f i t s i g n e . L a v o i t u r e s ’ a r r ê t a e t u n p o l i c i e r e n sortit, puis un
second. – Expliquez-leur ce qui se passe, dit Malko.M a i e n g a g e a l a c o n v e r s a t i o n a v e c l e s
p o l i c i e r s , se tournant ensuite vers Malko. – Ils disent qu’on vous a fait une blague. On adû enfermer un
chien errant dans votre coffre. Il n’ya qu’à l’ouvrir.
132
LE PIÈGE DE BANGKOK

LE PIÈGE DE BANGKOK
133
L e s d e u x p o l i c i e r s s ’ é t a i e n t a v a n c é s j u s q u ’ à l’arrière de la
grosse Toyota. Comme la clef étaitd é j à d a n s l a s e r r u r e d u c o f f r e , u n d e s
p o l i c i e r s l a tourna, soulevant le couvercle du coffre. Dans lap é n o m b r e ,
M a l k o a p e r ç u t u n e m a s s e n o i r e q u i o c c u p a i t t o u t l e
c o f f r e , a g i t é e d e m o u v e m e n t s ondulatoires.Ce n’était pas un chien.Soudain,
un long trait noir jaillit du coffre verti-c a l e m e n t ! Un serpent.C e l u i - c i o s c i l l a q u e l q u e s
f r a c t i o n s d e s e c o n d e , puis se projeta en avant, à une vitesse stupéfiante.Un cobra royal.Un
des policiers poussa un hurlement : le cobravenait de le mordre à la joue! Déjà, il reculait et
sep r é p a r a i t à m o r d r e d e n o u v e a u . M a l k o , h o r r i f i é , a p e r ç u t d ’ a u t r e s
c o b r a s q u i s e d r e s s a i e n t h o r s d u coffre. Celui-ci en était plein. Une demi-
douzaine.L ’ u n d ’ e u x c o m m e n ç a à s e b a l a n c e r , p r e n a n t s o n élan, pour se projeter sur celui le
plus proche de lui.Malko.La morsure d’un cobra de cette taille ne pouvaitêtre que mortelle.
Terrifié, Malko plongea la mains o u s s a c h e m i s e , p o u r a t t r a p e r l e « d e u x p o u c e s » . Juste au
moment où la tête triangulaire plongeaitvers lui.

CHAPITRE VIII
T o u t e n a r r a c h a n t l e r e v o l v e r d e s a c e i n t u r e , M a l k o ,
i n s t i n c t i v e m e n t , f i t u n b o n d e n a r r i è r e . D é s é q u i l i b r é ,
l e c o b r a p l o n g e a s u r l e s o l . À u n mètre devant lui. Un second, puis un
troisième, sed r e s s è r e n t d a n s l e c o f f r e , c h e r c h a n t q u i f r a p p e r . Puis, un
quatrième se jeta comme un fou en direc-tion de Mai, qui recula avec un hurlement. CommeMalko
visait au jugé le cobra en train de se redres-s e r d e v a n t l u i , u n e d é t o n a t i o n l u i
f i t e x p l o s e r l e tympan et la tête du cobra se désintégra.Chris Jones n’avait pas perdu la
main.À son tour, Malko visa un des cobras en train desortir du coffre.P e n d a n t
q u e l q u e s i n s t a n t s , l e s d é t o n a t i o n s s e s u c - cédèrent, comme dans un stand de tir. Milton
Bra-beck et Chris Jones vidaient les chargeurs de leursG l o c k s s u r l e s g r a n d s
s e r p e n t s n o i r s q u i c o n t i - nuaient leur attaque.Le second policier thaï,
penché sur son collègueétendu à terre, se tordant de douleur, brandit à sontour son pistolet de
service et vida son chargeur au jugé dans le coffre.

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L a f u s i l l a d e s ’ a r r ê t a d ’ u n c o u p , f a u t e d e c i b l e s . Tous les cobras étaient morts. La


carrosserie de laToyota était criblée de balles et les serpents gisaientu n p e u p a r t o u t ,
d a n s l e c o f f r e e t p a r t e r r e . U n e odeur âcre flottait dans l’air brûlant : celle du
venin.Mai tremblait convulsivement, pleurant à chaudeslarmes, ne quittant pas des yeux les longs
cylindresnoirs tordus devant elle.Malko reprit son sang-froid. Lui aussi avait vidéson
barillet. – My God! My God! répéta à mi-voix MiltonBrabeck.I l é t a i t b l a n c c o m m e u n l i n g e e t
C h r i s J o n e s n e valait guère mieux. Avec des gestes machinaux, ilsrechargèrent leurs armes,
désormais inutiles.Malko s’approcha du policier allongé à terre. Sonv i s a g e a v a i t d o u b l é d e
volume. Il était secoué det r e m b l e m e n t s c o n v u l s i f s ; à c ô t é d e l u i , s o n
c o l - lègue criait, pleurait, maudissant les serpents.L e s b a d a u d s
c o m m e n ç a i e n t à s e r a s s e m b l e r autour de la voiture. En
Th aï l ande, l’u sag e de s armes à feu est assez rare. Le policier
s u r v i v a n t abandonna le blessé et se rua dans sa voiture, appe-lant au secours par radio.C h r i s
J o n e s s ’ a p p r o c h a d e M a l k o e t d i t d ’ u n e voix blanche. – On aurait dit qu’ils étaient
fous! J’avais jamaisvu ça, même au cinéma.Malko ne répondit pas. Deux voitures de
policea r r i v a i e n t , s i r è n e s h u r l a n t e s . E l l e s b l o q u è r e n t S e c o n
d r o a d . P l u s i e u r s p o l i c i e r s , a r m e s a u p o i n g , entourèrent le petit groupe, les interpellant
en thaï.
LE PIÈGE DE BANGKOK
135
Heureusement, Mai se mit à expliquer ce qui s’étaitpassé, de sa voix aiguë.Menaçants, les policiers
semblaient prêts à tirere t M a l k o s e d e m a n d a s i , a p r è s a v o i r é c h a p p é a u x cobras, ils
n’allaient pas tomber sous les balles dela police thaï.Avec des gestes volontairement
très lents, il sor-t i t s o n B l a c k b e r r y c r y p t é e t a p p e l a l e n u m é r o d e Gordon
Backfield, heureusement en mémoire. – Gordon, lança-t-il, dès qu’il eut le chef de Sta-tion de la CIA,
on vient d’avoir un gros problème.I l f a u t q u e v o u s i n t e r v e n i e z a u p r è s
d e l a p o l i c e locale, que vous leur expliquiez qui nous sommes.Il n’eut pas le temps d’en
dire plus : un des poli-ciers venait de lui arracher son portable, tandis quedeux autres le
menottaient.Une ambulance était arrivée et deux brancardiersy e n f o u r n è r e n t l e p o l i c i e r
m o r d u a u v i s a g e , q u i semblait inconscient. Le véhicule démarra dans unhurlement de
sirène. Les badauds contemplaient lessept cobras gisant sur le sol du parking, la tête écla-tée, avec un mélange de
crainte et d’admiration : enThaïlande, le cobra est un animal sacré. Le vœu detout Thaï est de se
réincarner dans un cobra royal…Mai continuait à glapir quand on les poussa tousdans un fourgon
bleu de police. Menottés et désar-més. Impossible de s’expliquer.On entoura la voiture et les
serpents morts d’unruban jaune, interdisant l’accès du site. Assis sur leb a n c d u f o u r g o n , M a l k o
r e g a r d a s e s m a i n s e t v i t qu’elles tremblaient.
136
LE PIÈGE DE BANGKOK

***
Cela faisait deux heures qu’ils étaient assis sur leb a n c d ’ u n e c e l l u l e d e l a P o l i c e S t a t i o n
du
soi
9,dans une odeur d’urine, de vomi et de chou pourri,partageant les lieux avec un drogué, tassé
dans unc o i n , e t d e u x p u t e s t h a ï e s q u i l e s r e g a r d a i e n t
a v e c incrédulité.L e c o m m i s s a r i a t é t a i t e n é b u l l i t i o n
. S a n s arrêt, des policiers en uniforme venaient contem-p l e r l e s «
farangs
» . L ’ h i s t o i r e a v a i t f a i t l e t o u r de Pattaya. Malko regarda sa Breitling : minuit
dix.P o u r v u q u e G o r d o n B a c k f i e l d a i t p u i n t e r v e n i r ! S i n o n , i l s
é t a i e n t b o n s p o u r p a s s e r l a n u i t s u r place…Vers une heure du matin,
deux policiers ouvrirentenfin la porte de la grande cellule, s’approchèrentd’eux et, posément, leur
enlevèrent leurs menottes,avant de lancer quelques mots à Mai. – Leur chef est arrivé, annonça la Thaïe, le colo-
nel Lek Suppathorn. Il parle anglais.I l s g a g n è r e n t u n b u r e a u c l i m a t i s é , a u
fond duc o m m i s s a r i a t , d é c o r é d ’ u n p o r t r a i t d u r o i e t
d e photos de cérémonies officielles. Un Thaï maigre-l e t , e n u n i f o r m e , l e s
a c c u e i l l i t a v e c u n s o u r i r e crispé, jetant immédiatement quelques mots à
Maiqui traduisit. – Le policier qui a été mordu vient de mourir.On n’a pas pu le sauver, le venin avait
déjà attaquéle cerveau. Il est très triste. C’était un bon policier.Connaissant la mentalité thaïe,
Malko dit aussi-t ô t :
LE PIÈGE DE BANGKOK
137

– Puisqu’il est intervenu pour nous sauver, nousveillerons à ce que sa famille touche un dédomma-
gement important.L e c o l o n e l n e r é p o n d i t r i e n m a i s s e
d é t e n d i t imperceptiblement : ces
farangs
savaient vivre. – Que s’est-il passé? demanda-t-il à Malko. Onv i e n t d e m ’ a p p e l e r d e B a n g k o k p o u r
m e d i r e q u e vous faites partie d’une équipe d’agents secrets à larecherche de trafiquants de
drogue. – C’est exact, confirma Malko. – Qui vous a attaqués? – Nous n’avons vu personne, à part les
serpents.Nous avions garé notre voiture sur ce parking avecl’aide d’un gardien. Nous arrivions
du Royal Cliff e t l e c o f f r e é t a i t v i d e . C ’ e s t c e t h o m m e q u i a v a i t g a r d é l e s
c l e f s d e l a v o i t u r e . C e s e r a i t s û r e m e n t utile de l’interroger.Le colonel
Suppathorn hocha la tête. – Il n’y a jamais de gardien sur ce parking etnous n’avons retrouvé
personne.Ce qui signifiait qu’on les avait suivis et profitéd e l e u r b a l a d e p o u r
e n f o u r n e r l e s c o b r a s d a n s l e coffre de la
voiture… – Vous avez une idée de ceux qui ont organiséc e l a ? e n c h a î n a l e
T h a ï . – Oui, dit Malko. Ceux que nous surveillonss o n t d e s R u s s e s q u i v i v e n t d a n s l e
c o n d o m i n i u m «Sea Orchid Appartments» mais nous ignorons oùe x a c t e m e n t … I l s
s ’ o c c u p e n t d e p r o s t i t u t i o n e t d e trafic de drogue.Le colonel thaï demeura de marbre.
138
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Il n’y a pas de prostituées étrangères à Pattaya,annonça-t-il, froidement.Malko et lui se défièrent du


regard. – Peut-être, répliqua ce dernier, mais ce sont lesseules auxquelles nous nous intéressons…
Quelquec h o s e m ’ i n t r i g u e . P o u r q u o i c e s c o b r a s é t a i e n t - i l s comme fous? Dès que nous
avons ouvert le coffre,ils ont bondi sur nous.L e c o l o n e l t h a ï h o c h a l a t ê t e e t l a n ç a
a v e c s o n accent haché. – Vous avez eu beaucoup de chance… Cescobras étaient drogués. Si vous
n’aviez pas ouvertl e c o f f r e , i l s a u r a i e n t d é f o n c é l a p a r o i
s é p a r a n t celui-ci de l’habitacle et se seraient jetés sur vous.D a n s c e t e s p a c e
r e s t r e i n t , v o u s n ’ a v i e z a u c u n e chance. Vous seriez tous morts.M a l k o
e n e u t l a c h a i r d e p o u l e , i m a g i n a n t l ’ i r - ruption des reptiles pendant qu’ils roulaient. Effec-
t i v e m e n t , i l s n ’ a u r a i e n t e u a u c u n e c h a n c e d e l e u r échapper. – Colonel, dit-
il, vous me dites qu’ils étaientd r o g u é s . C ’ e s t i n c r o y a b l e ! C o m m e n t e s t - c e p o s -
s i b l e ? – On leur a donné du
Yaa Baa
, expliqua le colo-n e l t h a ï . À h a u t e d o s e . C e l a l e s r e n d f o u s e t t e r r i - blement
agressifs. – Mais le
Y a a B a a
s e v e n d e n c o m p r i m é s , objecta Malko.Il voyait mal un cobra avalant de bonne grâce
uncomprimé. – On dissout le comprimé dans de l’eau et on
LE PIÈGE DE BANGKOK
139

l’injecte avec une seringue dans l’anus du serpent,expliqua le colonel d’une voix
lasse.N o u v e a u m y s t è r e : M a l k o n e v o y a i t p a s l e s Russes
utiliser ce procédé. – Cela arrive souvent? demanda-t-il. – Quelquefois, laissa tomber le colonel Suppa-
thorn. Quand on a des dettes.Évidemment, c’était plus efficace qu’un huissier.L ’ o f f i c i e r d e
p o l i c e t h a ï r e g a r d a s a m o n t r e , étouffa un bâillement et annonça
: – Vous êtes libres. Je vais vous faire raccom-pagner à votre hôtel. Nous gardons vos armes pourl e
m o m e n t . L a v o i t u r e e s t h o r s d ’ u s a g e . I l f a u d r a remplir un procès-verbal
demain.P e r s o n n e n e p o s a d e q u e s t i o n s . C h r i s J o n e s e t Milton Brabeck
ressemblaient à des somnanbules.Dans le fourgon de police, ils n’échangèrent pas unmot jusqu’au
Royal Cliff.A r r i v é à l ’ h ô t e l , C h r i s J o n e s f r o t t a m a c h i n a l e - ment ses poignets et
lança : – Je n’aurais jamais cru voir un truc pareil!C’est
dingue. – Ce sont les serpents qui l’étaient, corrigeaMalko.U n e f o i s d a n s l a s u i t e , i l a p p e l a
G o r d o n B a c k - field qui semblait encore sous le coup de l’émotion.L’Américain annonça
immédiatement. – Je serai là demain matin. D’ici là, j’aurai faitappeler le colonel Suppathorn pour qu’il
vous rendevos armes.M a l k o n ’ a v a i t p a s e n v i e d e d i s c u t e r . I l s e j e t a
140
LE PIÈGE DE BANGKOK
s o u s u n e d o u c h e . C o m m e s ’ i l é t a i t i m p r é g n é d u venin des serpents.Il y
était encore lorsqu’il vit surgir Mai entière-ment nue, le regard flou. Sans un mot, elle se glissadans la
douche, à côté de lui.P e n d a n t u n m o m e n t , i l s n ’ é c h a n g è r e n t p a s u n mot,
encore choqués. Il n’y avait d’ailleurs rien desexuel dans l’attitude de Mai. Malko sortit le pre-
mier de la douche et alla s’allonger sur le lit. Lesl o n g s s e r p e n t s n o i r s
dansaient encore devant sesyeux; il sursauta en sentant un contact tiède
: c e n’était que Mai, enveloppée dans une serviette deb a i n , q u i v e n a i t s e l o v e r
c o n t r e l u i , t r e m b l a n t d e tous ses membres. – J’ai eu si peur! fit-
elle d’une voix minuscule.J ’ a i t o u j o u r s e u p e u r d e s c o b r a s . Q u a n d
j ’ é t a i s petite, il y en avait un au fond du jardin, mais lesbonzes interdisaient
qu’on lui fasse du mal parcequ’il était sacré. Ils venaient le nourrir régulière-
ment. – Calmez-vous! dit gentiment Malko, en luic a r e s s a n t l e d o s . C ’ e s t f i n i .
V o u s a v e z é t é t r è s courageuse. – Demain, fit-elle, il faudra aller porter desoffrandes au
temple et allumer des bâtonnets d’en-c e n s p o u r r e m e r c i e r l e D i e u d e s s e r p e n t s d e
n o u s avoir protégés.P l u s s u p e r s t i t i e u x q u e l e s T h a ï s , c ’ e s t i m p o s -
sible…Malko était vidé. Allongé sur le dos, il sentit sesmuscles se détendre progressivement et
s’endormitsans même s’en rendre compte.
LE PIÈGE DE BANGKOK
141

C’est une caresse très douce qui le réveilla : ilf a i s a i t n u i t . M a i s e


f r o t t a i t d o u c e m e n t à l u i , s e s deux cuisses refermées autour d’une des siennes. Ils e n t a i t
son sexe chaud frotter contre sa peau. Elleé t a i t e n t r a i n d e s e c a r e s s e r , s a n s
r i e n d e m a n d e r , comme un petit animal en quête d’affection. Réa-l i s a n t q u e
M a l k o é t a i t r é v e i l l é , e l l e e f f l e u r a s a poitrine d’une caresse
presque irréelle. Sa respira-tion s’était accélérée et, tout à coup, elle frémit det o u t s o n
corps puis se détendit : elle venait de
s e d o n n e r d i s c r è t e m e n t d u p l a i s i r . E l l e d e m e u r a encor
e quelques instants contre lui, puis se leva etdisparut sans un
mot.M a l k o n ’ e n r e v e n a i t p a s ! L e m a n è g e d e M a i déclencha chez
lui une érection puissante. Il se levaà s o n t o u r e t p a s s a d a n s l e
sitting room
. M a i é t a i t sur le canapé. En le voyant, elle murmura. – Pardon, je ne voulais
pas vous réveiller! Mais j’avais eu si peur. Il fallait que je fasse partir lesmauvais esprits.Ce n’est qu’alors
qu’elle parut remarquer le sexedressé à quelques centimètres de son visage. Malkon ’ e u t a u c u n
g e s t e à f a i r e . L a p e t i t e T h a ï s ’ a g e - nouilla sur le canapé et
l ’ e n v e l o p p a d e s a b o u c h e . T o u j o u r s d e b o u t , i l f e r m a l e s y e u x t a n t s a c a r e s s e était
parfaite : elle remuait la tête d’avant en arrière,avec douceur.Comme un cobra.Mais un cobra très
doux.C ’ é t a i t s i e x c i t a n t q u ’ i l v o u l u t r e p o u s s e r s a t ê t e p o u r l u i f a i r e l ’ a m o u r ,
mais elle s’accrocha à sa
142
LE PIÈGE DE BANGKOK

hampe, n’interrompant sa fellation que pour mur-


murer. – Non, je ne veux pas, je suis vierge.E l l e r e p l o n g e a s u r l u i , a c c é l é r a n t s o n r y t h m e
e t Malko, quelques instants plus tard, se répandit danssa bouche avec un cri sauvage.C o m m e i l
t i t u b a i t e n c o r e , f o u d r o y é d e p l a i s i r , Mai répéta, têtue. – Demain, il faudra aller au temple.
***
L e c o l o n e l S u p p a t h o r n é t a i t d a n s u n e f u r e u r indescriptible.
A p r è s a v o i r b u u n e d e m i - b o u t e i l l e de
Mekong
il avait commencé à tirer des coups defeu dans les murs de son bureau, pour soulager
sesn e r f s . C o m m e i l é t a i t c o u t u m i e r d u f a i t , a u c u n d e ses subordonnés ne s’inquiétait
trop. On respectaitla douleur du chef.C e d e r n i e r é t a i t d é c h i r é e n t r e
d e u x f i d é l i t é s . S a m a i , l e p o l i c i e r t u é p a r l e
c o b r a , v e n a i t d u même village que lui. En plus, il
a v a i t t o u j o u r s versé scrupuleusement la part réservée au coloneld e s s o m m e s
e x t o r q u é e s l o r s d e s d i v e r s r a c k e t s d e la
Police Station
du
soi
9.N o r m a l e m e n t , s a m o r t a p p e l a i t u n e v e n g e a n c e . Grâce aux premières déclarations des
victimes, lec o l o n e l S u p p a t h o r n a v a i t f a c i l e m e n t i d e n t i f i é l e s c o m m a n d i t a i r e s
d e l ’ o p é r a t i o n e t c o n f i r m é s e s soupçons grâce à une enquête ultra-
r a p i d e m e n é e en pleine nuit.Pattaya était quand même une petite ville. Vers
LE PIÈGE DE BANGKOK
143

quatre heures du matin, deux de ses hommes luiavaient amené Pichai, un


j e u n e h o m m e m e n o t t é , marbré de coups, car les policiers s’étaient défou-l é s s u r l u i , l e
c o l o n e l a y a n t i n t e r d i t d e l e t u e r . O n avait découvert une douzaine de cobras lovés
dansu n e f o s s e c r e u s é e d a n s l e s o l d e s a m a s u r e d u
soi
Yume. C’est lui qui fournissait les reptiles droguésaux trafiquants de
Yaa Baa
voulant se venger d’unmauvais payeur.P o u r l a m o d i q u e s o m m e d e 1 0 0 0 0 b a t h s . L e s c o b r a s
ne lui coûtaient rien. Il les attrapaitd a n s l e s c o l l i n e s e t l a d o s e d e
Yaa Baa
injectée,g u è r e p l u s d e 1 0 0 b a t h s . C e q u i l a i s s a i t u n e b e l l e marge.B a t t u c o m m e p l â t r e ,
r e c r o q u e v i l l é d a n s s a c e l - lule, Pichai attendait, terrifié, le verdict du colonel.L o r s q u e l e s
p o l i c i e r s v e n u s l ’ a r r ê t e r l u i a v a i e n t appris qu’il avait involontairement tué un
des leurs,il avait été atterré. Se demandant pourquoi ils ne luiavaient pas déjà tiré une balle dans la
tête.U n e t e l l e m a n s u é t u d e é t a i t m i r a c u l e u s e e t susp
ecte…Le colonel Suppathorn posa son pistolet sur sonbureau et hurla
: – Qu’on m’amène Pichai.Trente secondes plus tard, deux policiers proje-taient le coupable dans le
bureau, le visage déformépar les coups. Il se laissa tomber devant le colonelS u p p a t h o r n e t s e
t r a î n a à g e n o u x j u s q u ’ à l u i , l e s deux mains réunies au-dessus de la tête, en un
wai
suppliant.Le colonel le repoussa brutalement.
144
LE PIÈGE DE BANGKOK

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S a i s i s s a n t s o n p i s t o l e t , i l p o s a l ’ e x t r é m i t é d u canon sur le front de


Pichai. – Tu as tué un de mes policiers, dit-il, je vais tetuer.Le prisonnier s’accrocha à ses jambes,
suppliant,s’excusant, promettant n’importe quoi. – Qui t’a payé pour mettre les cobras dans lav o i t u r e ?
d e m a n d a l e c o l o n e l S u p p a t h o r n , q u a n d i l le jugea à point.Pichai n’hésita pas une
seconde. – Un
farang.
Boris. Il est russe. – Comment le connais-tu? – Il m’achète du
Yaa Baa
. – Il t’a payé combien pour les cobras? – 10000 baths. – Comment tu as trouvé la voiture? – Il m’a appelé. Je cro
is qu’il la suivait. Il m’ad i t d e m e t e n i r p r ê t a v e c l e s s e r p e n t s e t d ’ a l l e r a u p a r k i n g
comme si je m’en occupais. Quand les
farangs
sont arrivés, j’ai garé leur voiture pour eux.I l m ’ a a p p e l é d e n o u v e a u p o u r m e d i r e d e
m e t t r e les serpents dans le coffre. Après, je suis
parti. – Où il habite, ce Boris? – Je ne sais pas, je le vois au «Number One».Le colonel Suppathorn ne fit aucun
commentairemais son pouce ramena en arrière le chien extérieurde son pistolet. Un claquement sec qui retentit
dansla tête de Pichai comme un glas. – Ceux qui lui donnent des ordres habitentd a n s u n
c o n d o m i n i u m b l a n c a v a n t l e R o y a l C l i f f , bredouilla-t-
il. – À quel étage? insista le colonel Suppathorn.
LE PIÈGE DE BANGKOK
145

– Je ne sais pas.C’était un vrai cri du cœur. Il avait trop peur pourmentir.L e c o l o n e l n ’ i n s i s t a


p a s , P i c h a i c o n f i r m a i t c e qu’avaient déclaré les victimes. Les gens respon-
sables de la mort de Samai étaient aussi ceux qui lenourrissaient. En tant que responsable
du centre dePattaya, il touchait d’eux 500000 baths par mois eta v a i t l e d r o i t d e s e
s e r v i r d e s f i l l e s d e t e m p s e n temps.C’était un vrai conflit d’intérêt : même en Thaï-
lande, on ne mord pas la main qui vous nourrit.I l n e r é f l é c h i t p a s l o n g t e m p s . S a i s i s s a n t
P i c h a i p a r s e s c h e v e u x n o i r s , i l l u i j e t a : – Tu vas repartir chez toi. Tu reviens demain
soira v e c 2 0 0 0 0 b a t h s . S i n o n , j ’ e n v o i e m e s h o m m e s t’enfoncer une anguille dans
le cul. Elle te boufferav i v a n t ! F o u s l e c a m p ! C ’ e s t à q u a t r e p a t t e s q u e
P i c h a i s ’ e n f u i t d u bureau. Le colonel hurla un ordre bref pour qu’onl e
l a i s s e p a s s e r . J a m a i s , i l n e f e r a i t é t a t d e c e t t e conversation. Les
farangs
n’avaient pas à connaîtreles histoires des Thaïs.On lavait son linge sale en famille.À p e i n e s e u l ,
il reprit sa bouteille de
Mekong
ete n a v a l a u n e l o n g u e r a s a d e . I l a v a i t u n v r a i p r o - blème. Vis-à-vis de ses
hommes, il ne pouvait pasl a i s s e r l a m o r t d e S a m a i i m p u n i e . M a i s i l n e v o u - lait pas, non
plus, tuer la poule aux œufs d’or.I l t r o u v a l a s o l u t i o n d a n s l a d e r n i è r e g o u t t e
des o n w h i s k y . A p r è s t o u t , c ’ é t a i t u n e h i s t o i r e d e
146
LE PIÈGE DE BANGKOK

LE PIÈGE DE BANGKOK
147
farangs
: il n’avait pas à s’en mêler ou alors, justeun peu.Il prit une feuille de papier et écrivit, en
s’appli-quant, quelques mots :« A p p a r t e m e n t 3 1 0 , 3 1
e
é t a g e , A s c e n s e u r d e droite. Résidence Sea Orchids Appartments.»E n s u i t e , i l
demanda à un de ses hommes de luia p p o r t e r l e s a c o ù o n a v a i t m i s l e s a r m e s
c o n f i s - q u é e s . I l y g l i s s a l e p a p i e r , s o i g n e u s e m e n t p l i é e t referma le sac… Il savait
qu’il allait devoir rendrec e s a r m e s . L e s
farangs
q u i a v a i e n t é c h a p p é a u x cobras voulaient aussi certainement se venger. Lap e t i t e
i n d i c a t i o n q u ’ i l a v a i t g l i s s é e a u m i l i e u d e leurs armes, les y aiderait
certainement.
CHAPITRE IX
Jamais du champagne n’avait paru aussi exquisà M a l k o . I n s t a l l é a v e c M a i , C h r i s J o n e s
e t M i l t o n Brabeck sous des grands parasols au bord de la pis-cine du Royal Cliff, il laissait les bulles
glacées duT a i t t i n g e r C o m t e s d e C h a m p a g n e r o s é g l i s s e r s u r sa langue.C’est lui qui avait
tenu à fêter leur «victoire» surles cobras…M a i , q u i s e m b l a i t b o i r e d u c h a m p a g n e
p o u r l a première fois de sa vie, était euphorique.U n e s i l h o u e t t e a p p a r u t e n
h a u t d e s e s c a l i e r s menant au lobby. Gordon Backfield, en chemise,un
g r o s s a c à l a m a i n . I l s e l a i s s a t o m b e r s u r u n e d e s c h a i s e s , t r a n s p i - rant à grosses
gouttes. –
My God
! l a n ç a - t - i l . D i e u é t a i t d e v o t r e c ô t é , hier soir. Je sors de chez le colonel Suppathorn :
ilm’a dit que le Bouddha vous avait protégés. On nesurvit normalement jamais à ce genre
d’attaque…M a l k o v o u l u t l u i v e r s e r d u c h a m p a g n e
m a i s s’aperçut que la bouteille était vide.I l h é l a l e g a r ç o n , t a p i d a n s u n c o i n d ’ o m b r e ,
et

c o m m a n d a u n e s e c o n d e b o u t e i l l e d e C o m t e s d e Champagne
rosé.Gordon Backfield s’essuyait le front. – C’est une méthode courante chez les voyous,dit-il. Le cobra
et le
Yaa Baa
sont des matières pre-mières bon marché en
Thaïlande. – Pas en Russie, corrigea Malko. Cela signifieq u e l e s a m i s d e V i k t o r
B o u t o n t d e s c o m p l i c e s locaux. Et qu’ils savent que nous sommes
derrièreeux…Le garçon revenait avec une bouteille de Taittin-ger dans un seau à glace grand comme
lui. Pendantq u ’ i l f a i s a i t s a u t e r l e b o u c h o n , G o r d o n B a c k f i e l d soupira
: – Vous ne devriez plus y être… La piqure d’uncobra de cette taille est mortelle dans 90% des cas.Il y
eut une minute de silence pendant qu’il vidaitsa première flûte. –
My God
! soupira le chef de Station de la CIA, je ne regrette pas d’avoir fait le voyage. Avec cettechaleur, c’est
génial, ce champagne.Q u a n d i l s e u r e n t f o r t e m e n t e n t a m é l a s e c o n d e b o u - teille de Comtes de
Champagne, Malko demanda : – Quel est le programme maintenant? La policel o c a l e v a f a i r e u n e
e n q u ê t e ? – Le colonel Suppathorn, en me rendant vosa r m e s , m ’ a p r é c i s é q u e
l ’ e n q u ê t e s e r a i t l o n g u e et difficile. C’est-à-dire qu’ils
v o n t r ég ler l eurs comptes entre eux. En ce qui concerne la
p a r t i e thaïe, du moins. – Et les Russes? demanda Malko. – Nous savons que ce sont eux, mais sans la
LE PIÈGE DE BANGKOK
149

moindre preuve. Les Thaïs ont horreur de se mêlerd e s a f f a i r e s d e s


farangs
; i l s n e f e r o n t a u c u n e enquête de ce côté-là.M a i , d o n t l e s y e u x
b r i l l a i e n t à c a u s e d u c h a m - pagne, approuva le chef de Station. –
Khun
Gordon a raison. Le colonel Suppathornva punir les Thaïs mais pas les
Russes. – Donc, conclut Malko, il faut continuer. Jus-qu’à ce qu’on remonte à cette Oksana.Gordon
Backfield fit la moue. – À mon avis, elle a quitté Pattaya depuis long-temps, ils ne sont pas fous.I l
r a m a s s a l e s a c d e t o i l e q u ’ i l a v a i t a m e n é e t l e posa sur la table, à côté du seau à
champagne. – Voilà votre artillerie. Le colonel Suppathorna v a i t r e ç u d e s o r d r e s d e B a n g k o k .
V o u s n e s e r e z pas inquiétés. C’était juste un incident regrettable.J ’ a i p r o m i s a u
c o l o n e l q u e l a f a m i l l e d u p o l i c i e r mort allait être indemnisée, puisqu’il avait été
tuéen défendant des citoyens américains.Il regarda sa montre. – OK, je dois retourner à Bangkok.
Je pense quel e m i e u x , c ’ e s t d e « d é m o n t e r » . P o u r
r e p r e n d r e l’enquête à Bangkok en s’occupant des visiteurs deViktor Bout à la prison.Il faisait trop
chaud pour rester longtemps dehorset ils remontèrent dans la suite de Malko où il vidale sac sur son
lit, effectuant ensuite la distributiondes armes et des chargeurs. En même temps que lesarmes, un
papier plié s’échappa du sac.Malko le déplia.
150
LE PIÈGE DE BANGKOK

Q u e l q u e s m o t s e n t h a ï é t a i e n t é c r i t s d e s s u s e t i l le tendit à Mai. – Qu’est-ce que c’est?La


jeune femme y jeta un œil rapide et sursauta. – C’est une adresse : appartement 310, 31
e
étageRésidence Sea Orchid Appartments.C ’ e s t l à o ù h a b i t e n t l e s R u s s e s ! Malko sentit son
pouls s’envoler : ou c’était unee r r e u r , o u q u e l q u ’ u n a v a i t v o u l u l e s a i d e r … d a n s les
deux cas, c’était inespéré. –
Well
, fit-il, nous allons à la chasse aux cobras.Je pense que les Thaïs ne nous ennuieront pas.Chris
Jones était déjà en train de remplir un char-geur avec des gestes amoureux. Il n’avait jamais euaussi peur de sa
vie et il fallait que quelqu’un paye. – Je vais louer une autre voiture? demanda Mai. – Non, trancha Malko,
on ne perd pas de temps.On prend une voiture de l’hôtel.
***
L e t é l é p h o n e s o n n a i t d e p u i s u n m o m e n t d a n s la chambre d’Igor
Krassilnikov quand il arriva àle prendre à tâtons. Il avait peu et mal
dormi. Lan o u v e l l e d u r a t a g e d e l ’ o p é r a t i o n r é c l a m é e
parE v g u e n i M a k o w s k i n ’ é t a i t p a s d e n a t u r e à
l u i donner un sommeil de plomb. –
Da
? fit-il en décrochant. – Igor. –
Da.
– C’est Elena. Mes clients sont en route pouraller chez toi.
LE PIÈGE DE BANGKOK
151

I g o r K r a s s i l n i k o v e u t l ’ i m p r e s s i o n q u ’ o n l u i versait de
l’acide dans l’estomac. – Comment…E l l e a v a i t d é j à r a c c r o c h é . E l e n a é t a i t l a f e m m e d u
d i r e c t e u r d u R o y a l C l i f f e t a i d a i t l e r é s e a u d e prostitution en lui signalant
les clients éventuels.Q u a n d l e c o n c i e r g e a v a i t a p p r i s o ù
a l l a i e n t l e s survivants de l’attaque des cobras, il l’avait immé-diatement prévenue.I g o r
K r a s s i l n i k o v b o n d i t d e s o n l i t , e n s h o r t , e t fonça vers les chambres des filles, en
glapissant. – Les filles, levez-vous!E n p l u s , B o r i s T i t o v d o r m a i t à p o i n g s
f e r m é s dans la chambre de Lara, après avoir vidé une bou-t e i l l e d e v o d k a . P o u r l e r é c o m p e n s e r
d e s a p r e s t a - tion, il avait eu droit à une étreinte gratuite.C o m m e u n f o u , I g o r s e r u a
s u r s o n p o r t a b l e e t appela Evgueni Makowski.Répondeur.En Thaïlande, on ne peut pas laisser de
messages.I l r a c c r o c h a , m o r t d e t r o u i l l e e t v i t M a r i a n a surgir,
enveloppée dans un peignoir bleu, les yeuxgonflés de sommeil. – Qu’est-
ce qui se passe? – Une merde! fit sobrement Igor Krassilnikov.V a t ’ h a b i l l e r . E t f i l e !
***
Le vigile thaïlandais s’approcha de la voiture duRoyal Cliff et demanda avec un sourire
: – Où allez-vous?
152
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Chez les Russes du 310, répondit Mai en thaï. – OK, je vais les prévenir.I l s e d i r i g e a i t d é j à v e r s
s a g u é r i t e q u a n d C h r i s Jones jaillit de la voiture. En deux enjambées, il lerattrapa et le
saisit par le col de sa chemise. Il étaità p e u p r è s d e u x f o i s p l u s g r a n d q u e l u i … L e
T h a ï commença à se débattre, affolé.H e u r e u s e m e n t , M a i a v a i t s a u t é d e l a v o i t u r e
à s o n t o u r . E l l e s e p r é c i p i t a , u n e l i a s s e d e b i l l e t s d e 100 baths à la main et la fourra dans celle
du vigile. – Il ne faut pas les prévenir, lança-t-elle en thaï.Chris Jones lâcha le vigile qui enfouit les
billetsdans sa poche. Ravi.I l s s e g a r è r e n t a u p i e d d u b u i l d i n g d e
q u a r a n t e é t a g e s , f l a m b a n t n e u f . P e r s o n n e d a n s l e h a l l . I l s tenaient à
peine dans le petit ascenseur. Il faut direque les deux gorilles occupaient les trois quarts
del’espace.A r r i v é s s u r l e p a l i e r d u 3 1
e
é t a g e , i l s n ’ e u r e n t m ê m e p a s à s e p o s e r d e p r o b l è m e s . U n e p o r t e , e n face de
l’ascenseur, venait de s’ouvrir sur Mariana,l a « m a s s e u s e » d e M a l k o ! C e l l e - c i d e m e u r a
f i g é e sur place, puis voulut faire demi-tour. Elle n’eut pasle temps de rentrer dans l’appartement. Chris
Jonesl’avait devancée et bloquait la porte.Malko adressa un sourire ironique à la
Russe. – Mariana, puisque vous partiez, ne vous gênezpas…Sans un mot, la Russe plongea dans
l’ascenseure t i l s e n t r è r e n t d a n s l ’ a p p a r t e m e n t : l e l i v i n g , e n désordre, était
vide.
LE PIÈGE DE BANGKOK
153

Automatiquement, les deux gorilles avaient sortileurs Glocks. À tout hasard.Une fille surgit d’un couloir,
en jean et T-shirt etfit demi-tour, affolée.R e m p l a c é e p a r u n h o m m e
a u x c h e v e u x e n bataille, qui sortait visiblement de son lit, et
q u i interpella Malko. – Q’est-ce que vous faites ici? Qui êtes-vous?C o m m e n t ê t e s -
v o u s e n t r é ? – Par la porte, dit Malko, elle était ouverte. – Que voulez-
vous? – Savoir où se trouve une certaine Oksana. – Connais pas!I l d é f i a i t M a l k o ,
v i s i b l e m e n t d é c i d é à n e r i e n lâcher. – Chris, ordonna ce dernier, fouillez l’apparte-
ment.Chris Jones s’enfonça dans le couloir. Malko fitf a c e a u R u s s e e t l u i d i t d a n s s a
l a n g u e : – Hier soir, on a essayé de nous assassiner avecd e s c o b r a s d r o g u é s . J ’ a i d e t r è s b o n n e s
r a i s o n s d e croire que c’est vous le commanditaire. – Vous êtes fou! protesta le Russe. Je vais appe-ler
la police. – Bonne idée, approuva Malko. Un policier thaï a é t é t u é p a r u n d e c e s s e r p e n t s .
J e p e n s e q u e l e s policiers thaïs seront heureux de vous entendre.Il ne put continuer, sa
voix couverte par des gla-p i s s e m e n t s a i g u s , u n b r u i t d e l u t t e ,
d e s c r i s d e femme.Chris Jones ressurgit du couloir, traînant par soncatogan un homme
en caleçon d’un blanc douteux.
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LE PIÈGE DE BANGKOK

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– Regardez ce que j’ai trouvé dans une chambreavec une bonne femme, lança-t-il triomphalement.L e
type qui nous espionnait hier soir!C ’ é t a i t j u s t e l e p e t i t
m o r c e a u d e p u z z l e q u i manquait à Malko. – Comment vous appelez-
vous? demanda-t-ilau Russe, surgi le premier. – Igor. – Igor, dit-il, je veux savoir où se trouve Oksana.Et
vous allez le dire, sans appeler la police.Igor Krassilnikov le toisa et lâcha
: – J’ai fait deux ans de goulag, alors je vousemmerde! Mais vous allez avoir de gros problèmes.De très gros
problèmes.M a l k o s e n t i t q u e l e R u s s e n e s e l a i s s e r a i t p a s démonter et changea
de tactique. – Chris, dit-il, pouvez-vous demander polimenta u g a r ç o n q u e v o u s a v e z s o r t i d u l i t
s ’ i l s a i t o ù s e trouve cette prostituée.Cela se passa très vite. Chris Jones poussa sur lecanapé
l’homme au catogan. De la main gauche, illui tira la tête en arrière, et, de la droite, lui
plaqual e c a n o n d e s o n G l o c k s u r l a b o u c h e . Comme il avait cogné assez fort sur ses incisives,le
Russe poussa un cri de douleur. Ce qui permit àChris Jones d’enfoncer une bonne partie du
canonde son arme dans la bouche du Russe. Celui-ci émitun son inarticulé, des larmes plein les
yeux. – Chris, reprit Malko, prenez un coussin, il nefaut pas faire trop de bruit.Obéissant, le gorille retira
son arme de la bouched u R u s s e , l ’ a l l o n g e a s u r l e c a n a p é , l u i p l a q u a u n
LE PIÈGE DE BANGKOK
155

c o u s s i n e n s o i e r o u g e d é c o r é d ’ u n é l é p h a n t s u r l e visage et y enfonça le canon du Glock,


assis sur letorse de sa victime.Comme Igor esquissait un geste, Milton Brabecks ’ i n t e r p o s a
a v e c u n s o u r i r e e t s o n G l o c k . T r è s menaçant.M a l k o s e
p e n c h a s u r l ’ h o m m e a l l o n g é s u r l e divan. – Je compte jusqu’à dix, annonça-
t-il. Ensuite,m o n a m i v o u s f a i t s a u t e r l a t ê t e . C e l a p o u s s e r a peut-
être Igor à retrouver la mémoire.Il commença à compter, à haute voix.À s i x , l ’ h o m m e d u
divan émit un bruit étouffé,C h r i s J o n e s s o u l e v a l é g è r e m e n t
l e c o u s s i n e t l’homme
glapit. – À Bangkok. Elle est à Bangkok! – Bon début, approuva Malko. Où, à Bangkok?Il y a douze
millions d’habitants. – Je ne sais pas, gémit le Russe au catogan. Jevous le jure.D ’ a p r è s s o n
a i r a f f o l é , c ’ é t a i t p e u t - ê t r e v r a i . Malko se retourna vers
I g o r , s o n « d e u x p o u c e s » braqué sur son ventre. – Igor, dit-
il, votre ami est intelligent, ne soyezpas stupide.Comme le Russe demeurait muet, il repoussa
lec h i e n d u « d e u x p o u c e s » e t p r é c i s a . – Je vais d’abord vous tirer une balle dans legenou. Il
paraît que cela fait horriblement mal. Oùe s t - e l l e , à B a n g k o k ? I g o r r e g a r d a l e c a n o n
d e l ’ a r m e , p u i s l e r e g a r d doré et glacial fixé sur lui. Il avait l’habitude de la
156
LE PIÈGE DE BANGKOK

v i e e t s a v a i t d i s t i n g u e r l e s g e n s v r a i m e n t d a n g e - reux. – Chez une copine, dit-


il. Natalya Isakov. Ellehabite dans un grand condo derrière l’Emporium
deSukhumit. – Son nom. – Je ne sais pas. C’est le plus grand. Cinquanteétages. – À quel étage habite cette Natal
ya Isakov. – Appartement 2004.Livide, il bredouilla : – Ils vont me tuer. – Qui «ils»?Cette fois, il ne
répondit pas. Sa bouche semblaitavoir disparu, tant il se la mordait. Redressé sur lecanapé, l’homme au
catogan ressemblait à un lapinaffolé. Malko se dit qu’il fallait en profiter. Tournévers lui, il
lança. – C’est vous qui avez tué Pisit Aspiradee, lep o l i c i e r t h a ï q u i e s t s o r t i d u « N u m b e r
O n e » a v e c O k s a n a ? Le Russe blêmit et Malko fut certain qu’il avaittouché juste. – Non, jeta
l’homme au catogan, je n’ai rien fait,c’est Dimitri.T i l t ! – Dimitri Korsanov?L e R u s s e i n c l i n a l a
t ê t e s a n s u n m o t . É v i d e m - ment ce serait dur de le faire témoigner.Malko aperçut
soudain deux filles blotties dansl ’ o m b r e d u c o u l o i r , v i s i b l e m e n t
t e r r i f i é e s e t s e tourna vers Igor Krassilnikov.
LE PIÈGE DE BANGKOK
157

– Quel est le nom d’Oksana? – Fibirova. – Qu’est-ce qu’elle faisait à Pattaya?Le Russe haussa les
épaules. – Comme les autres filles. – La pute?Il inclina la tête affirmativement. Malko était unp e u
d é s a r ç o n n é , i l é t a i t v i s i b l e m e n t t o m b é s u r un vrai réseau de
prostitution. Rien à voir avec lesa c t i v i t é s d e V i k t o r B o u t . E t p o u r t a n t , l ’ a f f a i r e d u cobra
était bien partie de cet appartement… – Pour qui travaillez-vous? demanda-t-il.Pas de
réponse. – Vous connaissez Viktor Bout? – De nom.Il n’y aurait plus rien à en tirer. Malko remit
sonarme dans sa ceinture et conclut froidement. – Igor, contentez-vous d’être maquereau, à l’ave-n i r .
N e t o u c h e z p l u s a u x c h o s e s d a n g e r e u s e s . E t surtout, refrénez vos envies d’appeler
vos amis deBangkok, dès que nous serons partis.C ’ e s t d a n s u n s i l e n c e d e m o r t q u ’ i l s
q u i t t è r e n t l’appartement. Dans l’ascenseur, Chris Jones lança,tout guilleret : – C’était extra! Le type
sur le canapé, il va fairedes cauchemars. C’était comme à Guantanamo.Il avait des joies simples.
***
Igor Krassilnikov avait bu trois vodkas coup surc o u p . E n c o r e s o u s l e c h o c . L e s
pensées s’entre-
158
LE PIÈGE DE BANGKOK

LE PIÈGE DE BANGKOK
159
c h o q u a i e n t d a n s s a t ê t e . D ’ a b o r d , q u i l e s
a v a i t b a l a n c é s ? L e s
Amerikanski
n ’ a v a i e n t p a s p u trouver l’appartement seuls…V a l e r y a , u n e d e s
p r o s t i t u é e s , s e g l i s s a d a n s l a pièce et demanda : – Qu’est-ce qu’on fait? – Vous bossez!
lança Igor, passant sa hargne sure l l e . I l y a e n c o r e b e a u c o u p d e q u e u e s à s u c e r
à Pattaya.I l r e g r e t t a i t a m è r e m e n t d e n e p a s s ’ e n ê t r e t e n u à s o n r ô l e d e m a c .
S e u l e m e n t , i l n e p o u v a i t r i e n refuser à Evgueni Makowski, son
kricha

***
L e s c o c o t e r a i e s e t l e s r i z i è r e s d é f i l a i e n t à t o u t e vitesse, de chaque côté de la route. Ils avaient
louéu n e v o i t u r e , p o u r g a g n e r p l u s v i t e B a n g k o k . M a i conduisait. Encore traumatisée, mais, au fond,
ravie. – On va direct au grand condo? demanda ChrisJones,
émoustillé. – Pas tout de suite, tempéra Malko. On vad’abord procéder à une enquête
d’environnement.D e t o u t e f a ç o n , i l s a u r o n t e u l e t e m p s d e
m e t t r e O k s a n a à l ’ a b r i . M a i s o n a u n f i l à t i r e r . Un fil dangereux comme un panier de
cobras.

CHAPITRE X
– Il faut, plus que jamais, découvrir ce que lesR u s s k o f s p r é p a r e n t p o u r s o r t i r V i k t o r B o u t
d ’ a f - faire, martela Gordon Backfield. En tout cas, monintuition ne m’avait pas trompé pour
Pisit. Ni pourDimitri Korsanov. – On ne peut pas demander aux Thaïs de nousretrouver Oksana Fibirova?
interrogea Malko.L’Américain secoua la tête. –
No way
! Ils ne veulent pas se mêler de cetteaffaire. Nous ne pouvons compter
q u e s u r n o u s - mêmes.Ils s’étaient tous réunis dans le bureau du chef deStation, pour un breafing
complet. – Alors, allons rendre visite à Natalya Isakov,m ê m e s ’ i l e s t c e r t a i n q u e n o u s n ’ y
trouverons pasO k s a n a . C e l a v a d o n n e r u n c o u p d e p i e d d a n s l a fourmilière…
D e t o u t e f a ç o n , i l s s a v e n t q u e n o u s sommes sur leur
piste. – Comme vous voudrez, conclut Gordon Back-
field. – Et les deux autres Russes? interrogea Malko.Dimitri Korsanov et, surtout, Evgueni Makowski,

l’homme du FSB. Vous ignorez où ils se trouvente t c e q u ’ i l s


f o n t ? – Nous avons l’adresse de Dimitri, répondit lechef de Station. On peut mettre une planque devantchez
lui, mais je pense qu’il s’est mis au vert. Quantà E v g u e n i M a k o w s k i , n o u s i g n o r o n s o ù i l
habitevraiment. Auprès des autorités thaïes, il a donnél ’ a d r e s s e d e
s o n b u r e a u , l e b u i l d i n g E s m e r a l d a , dans le
soi
Ngamdullee, en prétendant qu’il dormaitsur place. Je suis certain qu’il a une autre planque,mais il
faudrait tout un dispositif que nous n’avonsp a s p o u r l e s u r v e i l l e r . I l
s e d é p l a c e à p i e d , e n moto-taxi et en voiture qu’il conduit lui-
même. – Si on envoyait Mai planquer chez Dimitri?suggéra
Malko. – Pourquoi pas? Mais je n’y crois pas trop. – Il y a la prison aussi, avança Malko. C’est unp o i n t d e
passage obligé pour les amis de
V i k t o r Bout.Gordon Backfield sourit. – Elle ne peut pas se couper en deux. On fait lepoint dans
quarante-huit heures, conclut le chef
deStation. – Et nous? demanda Chris Jones. – Vous restez avec moi, dit Malko, au cas oùnous croiserions
d’autres cobras.
***
Evgueni Makowski donnait des coups de poings u r s o n v o l a n t , f o u f u r i e u x .
L ’ e x p r e s s w a y s ’ é t a i t transformé en parking géant! Sur trois kilomètres.
LE PIÈGE DE BANGKOK
161

I m p o s s i b l e d ’ e n s o r t i r e t , p a r m o m e n t s , i l a v a i t envie de
s a u t e r e n c o n t r e b a s , e n a b a n d o n n a n t s a voiture.Depuis le coup de fil d’Igor Krassilnikov, il
avaitparé au plus pressé, donnant des consignes à Nata-l y a I s a k o v q u i a v a i t m i s
Oksana à l’abri. Désor-m a i s , e l l e d o r m a i t à l ’ i n s t i t u t D i v a n a , l à o ù
e l l e travaillait. Évidemment, le plus simple eût été de laf a i r e s o r t i r d e T h a ï l a n d e p o u r l a
r e n v o y e r à M o s - cou. Mais, c’était prendre un risque. Si les Améri-c a i n s a v a i e n t
c o n v a i n c u l e s T h a ï s q u ’ e l l e é t a i t mêlée au meurtre de Pisit Aspiradee,
ils pouvaientl’arrêter à l’aéroport.Fâcheux, car elle parlerait sûrement.D o n c , l a
s i t u a t i o n a c t u e l l e é t a i t l a m e i l l e u r e : désormais, il était suspendu
a u x i n f o r m a t i o n s d u c o l o n e l R a n g N a m , q u i d e v a i t l e r e n s e i g n e r s u r l e sort officiel
de Viktor Bout. Pourvu qu’il obtiennel’information…En attendant, il fallait tout préparer, comme
si…Hélas, après ce qui s’était passé à Pattaya, il fallaittrouver une autre planque pour Viktor Bout et,
pro-bablement aussi, une autre méthode d’exfiltration.Comme si les choses n’étaient pas assez compli-
quées, il avait reçu un message codé lui annonçantq u e l e « s p e t n a t z » e n v o y é
p o u r , l e c a s é c h é a n t , liquider Viktor Bout, était arrivé et se trouvait
a u Novotel, chambre 128.Il devait donc passer le voir.Les voitures avancèrent de quelques
mètres, soncœur battit, mais tout se gela de nouveau.Son portable sonna : c’était Dimitri
Korsanov.
162
LE PIÈGE DE BANGKOK

– J’ai reçu les «rock lobsters» annonça-t-il. Onpeut les bouffer quand tu veux.Evgueni Makowski le
coupa vivement. – OK. On se voit demain là où on mange lesanguilles. Midi. Je suis arrivé.I l a v a i t
toujours peur que cet excité parle trop.S o n c o u p d e f i l s i g n i f i a i t q u ’ i l a v a i t
l e p a s s e p o r t destiné à Viktor Bout.I l a l l u m a u n e c i g a r e t t e , r o n g e a n t s o n
f r e i n , s e d e m a n d a n t o ù l e s A m é r i c a i n s a l l a i e n t f r a p p e r . À Bangkok, il ne
disposait d’aucune force de frappe,s a u f l ’ i n c o n t r ô l a b l e D i m i t r i . I l p o u v a i t f a i r e d e
l a résistance passive, mais rien d’actif. Il se dit qu’ilallait faire venir Boris Titov et Gleb Papouchine
dePattaya.Une violente averse se déclencha : la pluie mar-telait le toit de la voiture. Il avait
envie de hurler.
***
L i n g S i m a a r r i v a e n c o u r a n t , e s c o r t é e d e s o n chauffeur sourd-
m u e t , q u i r e p l i a s o n p a r a p l u i e . I l tombait des cordes. – J’ai failli ne pas trouver, fit-elle. Je
n’aime pasc e t e n d r o i t ! E l l e a v a i t h o r r e u r d e s o r t i r d e Y e o w a r a t , m a i s , e n m ê m e
temps, n’aimait pas s’y afficher avec un
farang
. L e s T r i a d e s a v a i e n t d e s m i l l i e r s d ’ y e u x dans son
quartier. – Moi aussi, j’ai eu du mal à trouver, avouaMalko.À p e i n e r e n t r é d e
P a t t a y a , i l l ’ a v a i t a p p e l é e ,
LE PIÈGE DE BANGKOK
163
a y a n t h â t e d e s a v o i r s i s o n a m i , l e g é n é r a l S a m u t - prakan lui avait donné des
informations sur le sortde Viktor Bout. Et aussi, pour le plaisir de la retrou-v e r . I l l u i a v a i t d o n n é
rendez-vous à un restaurantà la mode, le ZEN, au 16
e
étage de l’ancien WorldT r a d e C e n t e r , u n e i m m e n s e r u c h e
commerciale,avec ses centaines de boutiques, ses dizaines
d e restaurants.I l s d é b o u c h è r e n t s u r l a t e r r a s s e . L a p l u i e a v a i t c e s s é e t o n y
avait une vue magnifique sur Bang-k o k . M a l k o c o m m a n d a u n e b o u t e i l l e
d e T a i t t i n - ger Brut millésimé. Avec le cognac, c’était le seulalcool que la Chinoise
buvait.C e l l e - c i s ’ é t a i t v ê t u e à l ’ e u r o p é e n n e , a v e c u n chemisier ivoire, sur
lequel se détachait le penden-tif de rubis, et une courte jupe noire. – À quoi penses-tu? demanda-t-
elle. – À toi, dit Malko. Je suis heureux de te retrou-ver.Elle lui adressa un sourire
venimeux. – Tu n’as pas trouvé chaussure à ton pied, àP a t t a y a ? C e n e s o n t p o u r
t a n t p a s l e s f i l l e s q u i manquent…Il fallait toujours qu’elle agresse Malko, même
sielle fondait dès qu’elle était dans ses bras.L e c h a m p a g n e é t a i t m e i l l e u r q u e l a
n o u r r i t u r e . Après les crevettes piquantes, il osa demander : – As-
tu eu des nouvelles du général Samutpra-k a n ? Ling Sima lui jeta un regard
noir. – C’est pour cela que tu voulais me voir… Oui,i l d o i t m e r a p p e l e r . J e p e n s e q u ’ i l v a
t’aider. Bon,
164
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m a i n t e n a n t q u e t u s a i s c e q u e t u v e u x , t u p e u x m e raccompagner…Toujours odieuse.Il paya


et ils gagnèrent l’ascenseur. – J’ai envie de toi, dit Malko. Tu es toujoursaussi
belle. – Je ne veux pas aller au Shangri-La, fit-ellef e r m e m e n t . J ’ a i l ’ i m p r e s s i o n
d ’ ê t r e u n e p u t a i n . Si quelqu’un me voit avec toi là-bas, je suis désho-
norée. – Onnepeutpasfairel’amourdansl’ascenseur… – On peut aussi ne pas faire l’amour…Furieux, Malko
passa une main décidée sous sacourte jupe noire et appuya sur son sexe, à traversle nylon de sa
culotte. – Je vais te violer! menaça-t-il.Elle recula si violemment que toute la cabine
entrembla. – Tu es fou! Si quelqu’un nous voyait!D a n s u n e c a b i n e d ’ a s c e n s e u r , i l y a v a i t
p e u d e chances. Malko sentit toutefois que ce bref contactl’avait ébranlée.I l s s o r t i r e n t
d u W o r l d T r a d e C e n t e r e t M a l k o aperçut la limousine noire de Ling Sima au bord
dutrottoir. Le chauffeur se précipitant déjà
pour ouvrirles portières. – Très bien, dit la Chinoise, tu vas me raccom-pagner.Dans la voiture, Malko laissa
une main posée trèsh a u t s u r s a c u i s s e , p o u r n e p a s r o m p r e l e c h a r m e . Q u a n d i l v i t l a
voiture s’arrêter à l’entrée du
soi
LE PIÈGE DE BANGKOK
165
menant à son bureau attenant à la bijouterie, il com-prit.Le
soi
était désert. Lorsqu’ils entrèrent, une forteo d e u r d ’ o p i u m l u i s a u t a a u x n a r i n e s .
L i n g S i m a avait ses petits vices.Elle alluma et se tourna vers lui. – Qu’est-
ce que tu veux boire? Je n’ai pas dechampagne.Malko répondit en l’enlaçant. D’abord, elle tentade reculer mais
il déboutonna posément les boutonsd e s o n c h e m i s i e r e t c o m m e n ç a à l u i
c a r e s s e r l a poitrine. – Arrête! fit-elle, mais son ventre continuait às’appuyer au sien.Leur baiser
dura une éternité. Ling Sima ne pro-t e s t a p a s q u a n d M a l k o f i t d e s c e n d r e l e z i p d e
s a jupe qui tomba mollement sur le tapis chinois. Leslip noir suivit. Par le chemisier ouvert, il
pouvait jouir de ses seins gonflés. Maintenant, il avait trèse n v i e d ’ e l l e . I l l a p o u s s a d o u c e m e n t
s u r l e c a n a p é en L et l’y agenouilla.D e b o u t d e r r i è r e e l l e , i l n ’ e u t p l u s q u ’ à s ’ e n f o n - cer
dans son ventre d’une poussée lente qui arrachau n l o n g s o u p i r à L i n g S i m a . D é s i r a n t p r e n d r e
s o n p l a i s i r a u t r e m e n t , i l s ’ a r r ê t a e t f i t p i v o t e r l a C h i - noise. Lorsque celle-ci vit le sexe dressé
à quelquesc e n t i m è t r e s d e s a b o u c h e , e l l e c r a c h a c o m m e u n chat en colère
: – Je ne suis pas une putain!Il sourit, se rapprocha encore. Alors, elle entr’ou-vrit la bouche, découvrant
deux rangées de canineséblouissantes et murmura :
166
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Vas-y, mais ce sera la dernière fois de ta vie.E l l e é t a i t p a r f a i t e m e n t c a p a b l e


d e l e m o r d r e jusqu’au sang.Malko n’insista pas. Pour une raison mystérieuseet probablement
culturelle, Ling Sima assimilait lafellation à une humiliation.I l n e r e s t a i t p l u s
q u ’ à l a « p u n i r » . C e q u ’ e l l e espérait probablement. Il eut à peine à
forcer pourl’installer sur le canapé noir, prosternée, sa croupemagnifique offerte. Quand elle le
sentit se rappro-c h e r , e l l e l a n ç a à v o i x b a s s e : – Non, je ne veux pas!C ’ é t a i t d é j à
t r o p t a r d . M a l k o a v a i t f o r c é s o n sphincter. Il lui sembla beaucoup plus
serré que led e r n i è r e f o i s . L i n g S i m a n ’ a v a i t p a s p r i s d e
Yaa Baa
pour se désinhiber. – Retire-toi, ordonna-t-elle de sa voix de colo-n e l d u
Guoambu
, t u v a s m e f a i r e m a l ! J e d é t e s t e ça!Cette remarque agaça Malko. Dès leur
premièrerencontre, il avait sodomisé Ling Sima. Jusqu’à lag a r d e . E t e l l e a v a i t b e a u c o u p
a p p r é c i é … L ’ h y p o - crisie était un vilain défaut.Il passa le bras gauche autour de sa taille, la
col-lant à lui, et donna un féroce coup de rein. Son sexes ’ e n f o n ç a à m o i t i é d a n s L i n g S i m a q u i
p o u s s a u n h u r l e m e n t s a u v a g e . M a i s , i m m o b i l i s é e , e l l e é t a i t impuissante. Malko
reprit son souffle et, cette fois,fit pénétrer son sexe aussi loin qu’il le pouvait. Jus-q u ’ à c e q u e l e u r s
peaux soient en contact. C’étaitdélicieux de sentir les courbes des fesses de
L i n g Sima contre son ventre.
LE PIÈGE DE BANGKOK
167

– Salaud! murmura la Chinoise, plus quelquesinjures chinoises.I l s e r e t i r a p a r t i e l l e m e n t e t


continua à la sodo-miser, sans soucis de ses protestations qui dimi-
nuèrent progressivement. Sa muqueuse, assouplie,le laissait désormais coulisser presque trop
facile-ment. Il se pencha à son oreille. – Tu sens comme cela rentre bien…E l l e n e r é p o n d i t p a s
mais, sa croupe déjà dres-s é e , s e c a m b r a i m p e r c e p t i b l e m e n t , c o m m e
p o u r l’encourager. C’en était trop, en quelques coups dereins, il arriva à son plaisir et la
laissa s’aplatir surle canapé, encore fiché en elle.E n t r e l e s m u r s d e l a q u e n o i r e ,
l e s i l e n c e é t a i t absolu. On n’entendait que leurs
respirations. – Tu as eu ce que tu voulais! siffla Ling Sima,t u p e u x m e l a i s s e r d o r m i r ,
m a i n t e n a n t . J ’ o u v r e l a b i j o u t e r i e t r è s t ô t d e m a i n p o u r u n g r o s c l i e n t q u i vient
de Chieng Rai. – Non, je n’ai pas tout à fait ce que je veux,répliqua Malko, vexé par cet entêtement dans l’hy-
pocrisie. – En plus du général Phra Samutprakan, je vou-drais que tu demandes à tes amis de la Sun Yee
Once qu’ils savent sur la prostitution russe à Bangkok.Elle se retourna, le regard flamboyant, alors
qu’ils’arrachait d’elle. – Pourquoi? Tu veux une femme plus docile… – La prochaine fois, je t’attacherai! fit-
il sim-plement. Je t’invite à dîner demain. J’espère que tuauras ces informations.Il était déjà à la porte
lorsqu’elle le rattrapa. Il se
168
LE PIÈGE DE BANGKOK

retourna et la Chinoise se colla à lui, l’embrassantviolemment. Quand elle se détacha, elle dit à
voixbasse. – Je ne comprends pas ce que j’ai avec toi! Siun autre homme me traitait de cette façon, je le
feraichâtrer. – À demain, dit-il, avec un chaste baiser; jecompte sur toi, c’est important…I l d u t
parcourir cinq cents mètres dans les ruessombres et désertes de Yeovarat avant de
t r o u v e r un taxi.
***
E v g u e n i M a k o w s k i s o n n a à l a p o r t e d e
l a chambre 128 et attendit. Il avait traversé le Novo-t e l s a n s r i e n d e m a n d e r à
p e r s o n n e . L e h a l l é t a i t désert et les clients faisaient la queue à la réceptionpour payer.
Fréquenté par une clientèle moyenne,a v e c b e a u c o u p d e R u s s e s , l ’ h ô t e l
é t a i t t o u j o u r s plein.U n e v o i x d e f e m m e d e m a n d a à t r a v e r s l a p o r t e , en anglais
: – Qui est-ce?Le Russe se crispa. – Rien, c’est une erreur.Il s’éloigna aussitôt et, redescendu dans le
lobby,consulta le télégramme reçu de Moscou. Le «spet-natz» qu’on lui avait envoyé devait bien
se trouverà la chambre 128.Il gagna la réception.
LE PIÈGE DE BANGKOK
169

– J’attends un ami qui arrive de Russie, dit-il àl’employé thaï. Il doit être à la chambre 128.Le Thaï
consulta son écran. – Yes Sir, elle est là, dit-il. Chambre 128.Tatiana Mira.Il n’avait plus qu’à remonter. Il
frappa au battantet, dès qu’il entendit des pas, lança en russe. – C’est moi, Evgueni.La porte s’ouvrit sur
une apparition inattendue :Miss Piggy! Une femme aux courts cheveux blonds,a v e c u n r e g a r d t r è s b l e u , u n
v i s a g e c a r r é e t h o m - m a s s e , d e s é p a u l e s d e b û c h e r o n s i b é r i e n e t t r e n t e kilos de trop. Sa
mini découvrait des cuisses mons-trueuses, ce qui ne semblait pas la gêner. – Tatiana Mira, fit-
elle simplement en russe.J ’ a p p a r t i e n s a u 8
e
bataillon de la 34
e
armée. J’aiservi en Tchétchénie. J’ai abattu plus de quarante
boiviki
1
.D o n c , c ’ é t a i t b i e n u n e « s p e t n a t z » . A p r è s t o u t , elles étaient quelques-unes dans
l’armée russe. – Bienvenue à Bangkok! dit Evgueni aimable-m e n t . C ’ e s t t o i q u i a s c h o i s i t a
mission? –
Da.
On m’a dit qu’ici les filles se défendaientb i e n . J ’ e n a i m a r r e d e c r a p a h u t e r d a n s l e
C a u c a s e pour une poignée de roubles. Ici, je pourrai mieuxgagner ma vie.Inattendu. Pute et
spetnatz à la fois, ce n’était pascourant.Evgueni Makowski se dit, qu’avec son physique,elle risquait de
mourir de faim.
170
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Rebelles tchétchènes.

LE PIÈGE DE BANGKOK
171
– Cela va être difficile de s’entraîner à Bangkok,remarqua-t-
il.Tatiana Mira protesta fermement. – Je n’ai pas besoin d’entraînement. Je vaisr e c e v o i r p a r
l a v a l i s e d i p l o m a t i q u e m o n a r m e personnelle. Il suffira de la
remonter. –
Dobre
. D a n s c e c a s , j e v a i s t ’ e m m e n e r , a f i n que tu repères les lieux.Elle prit son sac et
descendit avec lui. Elle avaitvraiment l’air d’une pute. Et pas vraiment sophis-tiquée.En ouvrant
la portière de sa voiture, il se dit queT a t i a n a M i r a p o u v a i t n e p a s
s e u l e m e n t s e r v i r à liquider Viktor Bout.

CHAPITRE XI
V i k t o r B o u t r e s p i r a a v e c d é l i c e s l ’ a i r p o u r - tant
brûlant et imprégné d’humidité de la cour del a p r i s o n d e R e m o n d . C o m m e
t o u s l e s j o u r s , o n venait de les faire sortir pour quelques heures etils
pouvaient faire autre chose que fabriquer desy o g h o u r t s . C e g r a n d
d o r t o i r , o ù i l s d o r m a i e n t , vivaient et travaillaient avait une atmosphère telle-ment
empuantie qu’un nouveau venu suffoquait aubout de quelques minutes.I l l a i s s a l e s
g r o u p e s d e p r i s o n n i e r s s e f o r m e r , puis se dirigea vers Oyo, l’immense Nigérien
assissur ses talons, à l’écart, et lui offrit une cigarette.L ’ a u t r e a c c e p t a s a n s
u n m o t . V i k t o r B o u t l e laissa l’allumer puis s’assit en face du
Nigérien. – Tu passes quand?L’autre leva un regard torve. – Je ne sais pas. Je dois voir mon
avocat demain. – Tu es optimiste? –
Fuck you
! Avec un
lawyer
pourri et un tribu-nal aux ordres… Moi, je n’appartenais pas à un desg r a n d s r é s e a u x p r o t é g é s p a r
la police ou l’armée.

A l o r s , p e r s o n n e n e m ’ a p r o p o s é u n e
l i b é r a t i o n conditionnelle. – Tu penses prendre combien? – Vingt ans, ou plus…V i k t o r B o u t
d e m e u r a s i l e n c i e u x q u e l q u e s i n s - tants. Il réfléchissait avant de sauter le pas.
Certes,le Nigérien n’avait rien à perdre. Cependant, il pou-v a i t a u s s i ê t r e t e n t é d e n é g o c i e r
u n e i n f o r m a t i o n s e n s i b l e p o u r ê t r e j u g é a v e c p l u s d ’ i n d u l g e n c e … Or, Viktor Bout
savait qu’il ne pouvait pas se pas-ser de lui pour une évasion. Alors, il se
lança… – Ça te dirait de sortir avant. Très vite?L’Africain le fixa, avec
incrédulité. – Comment? Je ne suis pas un oiseau… – Par la porte.Il lui expliqua son plan. Se dévoilant
compléte-m e n t . D a n s l e f o u r g o n q u i l e s t r a n s p o r t a i t a u t r i - b u n a l , i l y
avait toujours deux gardiens armés àl’arrière, avec les
prisonniers, et, dans la cabineavan t, le ch auffeur et son
a s s i s t a n t , n o n a r m é s . C’étaient les deux premiers qu’il fallait neutraliser.Seul, un homme aussi
fort qu’Oyo le Nigérien, pou-vait y parvenir, même avec des chaînes aux
pieds. – Et ensuite? demanda Oyo. – Une voiture nous attendra dehors. Et après,
unbateau. – Un bateau? Il n’y a pas la mer à Bangkok! – Il y a la mer un peu plus loin, assura ViktorBout.S a n s
l u i d o n n e r p l u s d e d é t a i l s ; i l f a l l a i t q u a n d même se préserver au cas où le Nigérien ne
suivrait
LE PIÈGE DE BANGKOK
173

pas ou serait empêché par une circonstance impré-vue.Oyo écrasa sa cigarette sur le
sol. – OK, je vais réfléchir. – Ne réfléchis pas longtemps, insista ViktorBout. Il y a une condition
essentielle. À travers tonavocat, tu dois t’arranger pour que nos deux affairessoient jugées le même
jour. La mienne passe le 11.Dans deux jours. – Ça va coûter de l’argent, et je n’en ai pas. – Alla,
ma femme, en donnera à la tienne. C’estprévu.Le haut-parleur appelant à la visite résonna de savoix criarde
dans la cour et ils se levèrent. – Je vais voir, fit simplement le Nigérien.Viktor Bout le regarda s’éloigner.
Se disant qu’ily avait de grandes chances pour qu’il accepte.Évidemment, il fallait que l’équipe du FSB
rem-p l i s s e s a p a r t d u c o n t r a t . H e u r e u s e m e n t , i l a v a i t confiance dans son
ancien Service. Au KGB ou auF S B , o n n e l a i s s a i t p a s t o m b e r l e s a n c i e n s c a m a - r a d e s .
P a r f i d é l i t é d ’ a b o r d , e t a u s s i , p a r c e q u ’ u n homme frustré peut se révéler
dangereux.Or, Viktor Bout savait beaucoup de choses et sedoutait que l’acharnement du FSB et
du gouverne-ment russe à le tirer d’affaire, n’était pas seulementdicté par la fidélité.
***
Assourdi par les aboiements de ses chiens quise déchaînaient chaque
fois qu’un piéton passait
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devant la grille, Dimitri Korsanov broyait du noir,v e x é d e n e p o u v o i r s e


r e n d r e à l a p r i s o n . O r d r e d’Evgueni.O r , i l s ’ é t a i t p r i s d ’ a f f e c t i o n p o u r
V i k t o r B o u t , marginal comme lui, un bon Russe, qui avait servisa patrie. Il ne s’en voulait
aucunement d’avoir tuéà coups de pied cette petite larve thaïe, mais en vou-lait à Evgueni de l’ostraciser et
de le voir désormaisa u c o m p t e - g o u t t e s , u n i q u e m e n t p o u r d e s r a i s o n s précises.
Comme le rendez-vous d’aujourd’hui auc o u r s d u q u e l D i m i t r i K o r s a n o v a l l a i t l u i
r e m e t t r e un magnifique passeport allemand dérobé sur l’îled e S a m u i à u n t o u r i s t e ,
« n e t t o y é » e t p r ê t à s e r v i r avec un autre nom.Il venait de le récupérer sur une péniche
remon-tant le port de Bangkok.Deux mille dollars.Il ne demanderait pas un sou. Ce serait sa contri-
bution à l’effort de guerre. Il sortit par la porte don-nant sur le
soi
40, assailli par la chaleur étouffante.Personne en vue, à l’exception du conducteur d’unemoto-taxi en train
de réparer sa machine, sa passa-gère debout à côté de lui, le houspillant d’une
voixcriarde.D i m i t r i s a v a i t q u ’ i l a v a i t à m a r c h e r c i n q c e n t s m è t r e s a v a n t d e
p o u v o i r t r o u v e r u n t a x i , m a i s s e lança courageusement dans la fournaise, sa
sacochec o n t e n a n t l e p a s s e p o r t v o l é à S a m u i a c c r o c h é e à l ’ é p a u l e .
C o m m e p o u r s e d o n n e r d u c o u r a g e , i l avait pris aussi son vieux Makarov
9 mm, contem-p o r a i n d e l ’ U n i o n S o v i é t i q u e , s e u l l i e n a v e c s o n ancienne vie.
LE PIÈGE DE BANGKOK
175

I l t r o u v a u n t a x i s u r P h a h o l y o n t h i n r o a d e t l u i donna l’adresse : Sukhumvit et


soi
23.U n e h e u r e p l u s t a r d , a v a n t d ’ e n t r e r d a n s l e boui-
boui il fit tout un tour à pied.Par sécurité.Evgueni Makowski n’était pas encore là. Il n’ar-
rivait jamais le premier…Lorsqu’il surgit, vingt minutes plus tard, et rejoi-gnit Dimitri, installé dans
l’arrière-salle, invisibled e l a r u e , D i m i t r i l u i t e n d i t l e p a s s e p o r t d e s t i n é à Viktor
Bout. – Voilà, il est allemand. Mais Viktor parle alle-mand.I l y a v a i t b e a u c o u p d e
t o u r i s t e s a l l e m a n d s e n Thaïlande. Physiquement, Viktor Bout pouvait par-faitement passer pour
l’un d’eux. Ce passeport étaitauthentique, volé à l’arrivée de l’aéroport interna-tional de
Samui. – Combien? demanda Evgueni. – Rien.L’agent du FSB demeura impassible. –
Spasiba. Spasiba bolchoi
. S i o n n e l ’ u t i l i s e pas, je te le rendrai. Tu pourras le revendre facile-ment.Le pouls
de Dimitri Korsanov accéléra. – Tu crois que ton plan va marcher? – J’espère. Les
Amerikanski
m e t t e n t u n e p r e s - sion d’enfer sur les Thaïs pour qu’ils le leur livrent.Alors, il faut prévoir.Le
serveur arriva, lui demandant ce qu’il voulaitmanger. Au Tong-la, il n’y avait pas de
carte. – Rien, fit le Russe. Je n’ai pas le temps.
176
LE PIÈGE DE BANGKOK

Cinq minutes plus tard, il repartait comme il étaitvenu, laissant Dimitri Korsanov en tête-à-tête avecson
anguille. Celui-ci, furieux, se dit qu’il pouvaitq u a n d m ê m e f a i r e q u e l q u e c h o s e :
p r é v e n i r A l l a , la femme de Viktor Bout, de la bonne nouvelle dupasseport.
***
Après s’être perdu deux fois, agoni d’injures parD i m i t r i , l e c h a u f f e u r s ’ a r r ê t a e n f i n
e n h a u t d e l a r a m p e d e s s e r v a n t l e M a r w a y G a r d e n H o t e l e t s e retourna vers
son passager avec un sourire ravi. – Marway Hotel! lança-t-il triomphalement.Ils avaient bien fait dix
kilomètres de trop. Dimi-tri lui abandonna 150 baths et pénétra dans le lobby.G a g n a n t l e s « h o m e
t e l e p h o n e s » s u r l a d r o i t e , i l appela la chambre 730.Pas de réponse.Il gagna
alors la partie gauche du lobby et s’ins-t a l l a d a n s u n f a u t e u i l d ’ o ù i l
pouvait surveillerl ’ e n t r é e . A l l a d e v a i t e n c o r e s e
t r o u v e r à l a p r i - son, mais elle ne tarderait pas, passant ses
j o u r - n é e s à l ’ h ô t e l à e n v o y e r d e s m a i l s p a r t o u t p o u r réclamer de
l’aide… Il était fier d’avoir pu trouverce passeport, en réactivant ses anciennes filières, cequi
représentait pourtant un risque.A l l a B o u t a p p a r u t u n e h e u r e p l u s
t a r d e t s o n visage s’éclaira en reconnaissant Dimitri. Elle avaitb e a u s a v o i r q u ’ i l é t a i t
u n p e u a l l u m é , c ’ é t a i t u n homme sincère qui avait toujours proposé son aide.
LE PIÈGE DE BANGKOK
177

Ils s’embrassèrent chastement et s’installèrent àune table plus discrète. –


Tchai
1
?Alla approuva de la tête et laissa tomber : – C’est dur d’aller là-bas.Depuis quatorze mois, elle avait
tout abandonné,même sa fille de quatorze ans, pour venir soutenirs o n m a r i . P a s s a n t s e s
journées entre ce petit hôtelm o d e s t e e t s a n s c h a r m e , l a p r i s o n e t l e s
r e n d e z - vous avec les avocats. – Comment va-t-il? demanda Dimitri. – Ça va, fit Alla évasivement.Elle
ne voulait pas dire à Dimitri que Viktor Boutr e p r e n a i t e s p o i r g r â c e à s o n
p r o j e t d ’ é v a s i o n . Celui-ci grillait de se faire valoir. Il se pencha
à l’oreille d’Alla et souffla. – J’ai remis un passeport vierge à Evgueni,a u j o u r d ’ h u i . J e
c r o i s q u ’ i l a q u e l q u e c h o s e e n cours…A l l a e n r e s t a m u e t t e . C ’ é t a i t à
l u i , s u r v e i l l é p a r la CIA, notoirement allumé, qu’on avait fait appel!C o m m e s i l e F S B
n ’ a v a i t p a s d e s p é c i a l i s t e s ! – Ah bon! fit-elle simplement. J’espère quandm ê m e q u e l e s
T h a ï s v o n t l e l i b é r e r e t l ’ e x p u l s e r vers la Russie. Son avocat est optimiste.Elle
mentait effrontément. Maître Lak Nitiwak semontrait au contraire de plus en plus évasif et récla-mait toujours
plus d’argent pour des démarches quirestaient fumeuses. Dimitri regarda sa montre et dit. –
Dobre
. J’y vais. Dis à Viktor que je l’aime.
178
LE PIÈGE DE BANGKOK
1 . T h é ?
Elle le regarda s’éloigner à grandes enjambées.Par économie, il allait marcher
p r è s d e d e u x k i l o - mètres pour regagner sa tanière du
soi
40.
***
Malko se trouvait avec Gordon Backfield, faisantle point de la situation lorsque Mai fit dire
qu’elleétait en bas.Dès qu’elle entra dans le bureau, la jeune femmeannonça,
triomphante. – J’ai suivi Dimitri Korsanov! Il s’est rendud a n s u n p e t i t r e s t a u r a n t
d u
soi
2 3 o ù E v g u e n i M a k o w s k i l ’ a r e j o i n t . I l e s t r e p a r t i
t r è s v i t e e t , ensuite, Dimitri a été passer un moment avec AllaBout, à son hôtel.Elle
en aurait pleuré de
fierté. – Il ne vous a pas repérée? s’inquiéta Malko. – Non, je ne pense pas. J’étais en moto-
taxi. – Donc, ce Dimitri est toujours dans le coup,conclut Malko.P o u r q u ’ u n h o m m e a u s s i
p r u d e n t q u ’ E v g u e n i Makowski rencontre Dimitri Korsanov, il
f a l l a i t q u e c e s o i t p o u r u n e r a i s o n s é r i e u s e , s a c h a n t c e dernier surveillé
par les Américains. – Il faut continuer à surveiller Dimitri, conseillaM a l k o e t t e n t e r d e l o c a l i s e r l a
planque d’EvgueniMakowski. En attendant, il y a encore une porte
à fermer. – Laquelle? demanda le chef de Station. – L’appartement de Natalya Isakov, où estc e n s é e
vivre Oksana. Dans le grand «condo» de
LE PIÈGE DE BANGKOK
179

cinquante étages, derrière l’Emporium. On va


y aller. – Ils vous attendent sûrement… – Chris et Milton viendront avec moi. Et Mai, jusqu’au rez-de-
chaussée, pour nous aider.
***
Tatiana Mira était partie à la découverte de Bang-kok, après sa tournée avec Evgueni, en reconnais-
s a n c e d ’ o b j e c t i f . N o t a n t l ’ i t i n é r a i r e d e l a p r i s o n au Palais de Justice,
a f i n d e v o i r d ’ o ù e l l e p o u v a i t opérer…P o u r l ’ i n s t a n t , e l l e s e d é t e n d a i t e t
d é c o u v r a i t , q u ’ a u x y e u x d e s T h a ï s , e l l e é t a i t , c e r t e s g r o s s e , mais
aussi, très exotique.Les regards que certains lui lançaient étaient sou-vent très explicites. Ce qui lui ouvrait
des horizons.Il faut dire que sa façon de s’habiller, provocante,contribuait à la faire passer pour
ce qu’elle n’étaitpas encore.Épuisée par la chaleur lourde, mourant de faim,e l l e s e j e t a
d a n s u n t a x i e t l u i m o n t r a l a c a r t e d e l’hôtel. Ne parlant ni thaï ni anglais, elle était légè-
r e m e n t h a n d i c a p é e . P e n d a n t l a c o u r s e , e l l e r e p é r a le regard du chauffeur, posé par
l’intermédiaire durétroviseur, sur ses énormes cuisses roses.Le lobby du Novotel était délicieusement
frais etl’orchestre philippin, juché sur une estrade au fond,se déchaînait
déjà.T a t i a n a M i r a s ’ a s s i t à u n e t a b l e p r è s d u b a r e t c o m - manda une
bière. Moins de vingt minutes plus tard,
180
LE PIÈGE DE BANGKOK

un Thaï à la peau plutôt sombre, bien habillé, s’as-sit à une table voisine et lui adressa un sourire…T a t i a n a
M i r a n ’ e n r e v e n a i t p a s , i g n o r a n t q u e l’hôtel était le QG de toutes
les putes russes de
l a v i l l e , d o n t u n e b o n n e p a r t i e é t a i t l o g é e l à ! L e ma
nège l’intriguait. Aussi, prenant ostensiblements a c l e f m a g n é t i q u e e n m a i n , e l l e
s e d i r i g e a v e r s l’ascenseur après avoir payé. L’inconnu la suivit. Àp e i n e d a n s l ’ a s c e n s e u r , i l
l u i a d r e s s a u n n o u v e a u sourire et demanda :
boum-boum, how much
1
?T a t i a n a M i r a n e c o m p r i t p a s l e s p a r o l e s m a i s leur sens était clair.
Indiciblement flattée, elle levad e u x d o i g t s e n l ’ a i r , a u h a s a r d . A u s s i t ô t , l e
T h a ï sortit de sa poche une liasse de billets et en sortitdeux de cent baths qu’il
f o u r r a d a n s l a m a i n d e l a Russe.Ils sortirent ensemble de l’ascenseur et se dirigè-rent, l’un suivant
l’autre, vers sa chambre. TatianaMiraignorantévidemmentqueletarifminimumdesprestations sexuelles était de 500 baths.C’étaient
les soldes avant l’heure.S o n « a c h e t e u r » n e p e r d i t p a s d e t e m p s : à p e i n e dans la
chambre, il la bouscula, pétrissant fébrile-ment ses seins énormes. Tatiana Mira ne trouva pascela
désagréable, mais déjà, le Thaï abandonnait sap o i t r i n e p o u r f o u r r a g e r s o u s s a m i n i . I l
n ’ e u t p a s à a l l e r b i e n l o i n p o u r t r o u v e r s a c u l o t t e e t l a f a i r e descendre le long de ses
cuisses grasses.T a t i a n a M i r a a v a i t l ’ i m p r e s s i o n d e s e
retrouvere n T c h é t c h é n i e a v e c s e s c o l l è g u e s « s p e t n a t z
»
LE PIÈGE DE BANGKOK
181
1. C’est combien pour baiser?

q u a n d , a p r è s a v o i r v i d é d e u x b o u t e i l l e s d e v o d k a , ils auraient baisé une chèvre.U n


crissement de zip. Le Thaï exhibait un sexemodeste mais, apparemment prêt à
s e r v i r . D e v a n t une invite aussi explicite, Tatiana recula jusqu’aul i t e t s ’ y l a i s s a
t o m b e r , r e l e v a n t l a m i n i s u r s e s hanches, découvrant son ventre et sa toison
blonde.Le Thaï demeura figé quelques secondes. C’étaitl a p r e m i è r e f o i s q u ’ i l v o y a i t u n e v r a i e
b l o n d e ! D u m o i n s , d e p r è s . I l r e v i n t v i t e d e s o n a d m i r a t i o n e t se rua sur Tatiana,
écartant les énormes cuisses.T a t i a n a l e s e n t i t à p e i n e , m a i s , à
s e s g e s t e s convulsifs et aux cris de souris qu’il poussa ensuite,elle comprit qu’il était
satisfait…I l n e s ’ a t t a r d a p a s . S e r a j u s t a e t g a g n a l a p o r t e a v e c u n
s o u r i r e r a v i … T a t i a n a M i r a r a m a s s a s a culotte, se disant qu’elle
avait trouvé un pays decocagne!J a m a i s , e l l e n ’ a u r a i t p e n s é f a i r e
c o m m e r c e d e son corps. Même en Tchétchénie, elle avait du malà trouver des partenaires.
***
Le majestueux condominium blanc brillait sousl e s o l e i l , d e r r i è r e l ’ E m p o r i u m , à u n e
c e n t a i n e d e m è t r e s d e S u m k h u m v i t . M a l k o , a c c o m p a g n é d e Mai et des deux
gorilles, s’était fait déposer devantl ’ E m p o r i u m . I l s p é n é t r è r e n t d a n s l ’ é n o r m e l o b b y d e
marbre, réfrigéré comme une chambre froide.Un vigile thaï, à la
réception, veillait devant ses
182
LE PIÈGE DE BANGKOK

é c r a n s d e c o n t r ô l e . M a i s e d i r i g e a v e r s l u i , e s c o r - tée des trois hommes, s’approcha et


annonça : – Nous allons chez Natalya Isakov, appartement2004.L e T h a ï é t a i t e n t r a i n d e d é c r o c h e r
l ’ i n t e r p h o n e quand Malko déposa sur le bureau un billet de centb a t h s . E n p l u s , l e T h a ï
c r o i s a l e r e g a r d d e C h r i s Jones et choisit la prudence. Le billet fut avalé aussivite que par la
langue d’un gekko. – Mai, dit Malko, on se retrouve au café italiende
l’Emporium.D a n s l ’ a s c e n s e u r , C h r i s e t M i l t o n v é r i f i è r e n t l e u r s G l o c k s e t f i r e n t
m o n t e r u n e b a l l e d a n s l e c a n o n . L’épisode des cobras les avait rendus prudents.I l n ’ y
a v a i t q u e d e u x p o r t e s s u r l e p a l i e r , s a n s indication. Malko choisit celle de gauche
et sonna.I l s a t t e n d i r e n t l e c œ u r b a t t a n t , d é p l o y é s s u r l e palier. – Si c’est un serpent
qui ouvre, murmura MiltonBrabeck, je le coupe en
rondelles.L e b a t t a n t d ’ a c a j o u s ’ o u v r i t . P a s s u r u n c o b r a m a i s s u r u n e
jeune femme aux cheveux auburn, plutôtp e t i t e , s a g e m e n t v ê t u e d ’ u n
c h e m i s i e r o p a q u e e t d’une jupe au-dessous du genou. – Qui demandez-vous? demanda-t-elle enanglais,
avec un accent chantant russe. – Vous êtes Natalya Isakov? – Oui.Surpris par son calme, Malko
enchaîna : – Je cherche une certaine Oksana Fibirova.Sans s’étonner de voir trois inconnus débarquer
LE PIÈGE DE BANGKOK
183
184
LE PIÈGE DE BANGKOK
chez elle, le sourire de la jeune femme s’élargit etelle ouvrit la porte toute grande. – Elle
n’est pas ici, annonça-t-elle, mais je peuxpeut-être vous aider. Entrez, je vous prie.I l s é t a i e n t
t e l l e m e n t s t u p é f a i t s q u ’ i l s m i r e n t quelques secondes à la
suivre dans un immenseliving-room au sol de marbre recouvert
d e t a p i s c h i n o i s . D e s m e u b l e s m o d e r n e s , d e b o n g o û t . D e grandes baies. Un
appartement luxueux, sans clin-quant. – Excusez-moi, fit Natalya Isakov, je reviens.E l l e
d i s p a r u t d a n s u n c o u l o i r . D i s c r è t e m e n t , Chris Jones coinça son
Glock entre deux coussinsde cuir.Q u e l q u e s i n s t a n t s p l u s t a r d , i l s e n t e n d i r e n t
u n m a r t è l e m e n t d e h a u t s t a l o n s d a n s l e c o u l o i r . L a Russe revenait. Malko
sentit son pouls s’accéléreret Chris Jones posa la main sur la crosse du Glock.On pouvait
craindre le pire.

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CHAPITRE XII
Le bruit des talons résonnait sur le marbre dansu n s i l e n c e d e m o r t .
L e s t r o i s h o m m e s c r i s p é s , avaient les yeux fixés sur l’entrée du
couloir.N a t a l y a I s a k o v r é a p p a r u t , s a n s a r m e n i c o b r a , mais avec un
gros album qu’elle déposa sur la tableb a s s e , a v e c u n s o u r i r e e n g a g e a n t . E l l e
l ’ o u v r i t , d é c o u v r a n t l a p h o t o d ’ u n e s p l e n d i d e b l o n d e e n bikini.
Un nom : Irina, et ses mensurations étaientcalligraphiées sous la
photo. – Voici ce que je peux vous offrir à la place deO k s a n a , a n n o n ç a - t - e l l e , l e r e g a r d
f i x é s u r C h r i s Jones.Celui-ci s’empourpra, muet de réprobation.Malko laissa tomber
: – Vous gérez un réseau de prostitution… – D’hôtesses, corrigea avec un sourire innocentl a R u s s e . J e
pensais que vous le saviez. Ici, celan’a rien de vraiment illégal. Il
suffit de payer un
kricha
.L e s d e u x g o r i l l e s n e s a v a i e n t p l u s o ù s e m e t t r e . C h r i s J o n e s e s s a y a i t d e d i s s i m u l e r
avec sa grossep a t t e l e G l o c k e n f o n c é e n t r e d e u x c o u s s i n s
d u

canapé. Malko, impassible, se mit à feuilleter l’al-b u m , s o u s l e r e g a r d


r é p r o b a t e u r d e C h r i s e t d e Milton. Une fille superbe s’étalait à
c h a q u e p a g e . Il referma l’album et demanda à la
Russe. – Oksana n’est pas là. On m’a dit qu’elle étaittrès belle.La Russe arbora aussitôt un air
désolé. – Ah oui! Oksana! C’est vrai, elle est très belle.M a l h e u r e u s e m e n t , j e n e l a
« c o m m e r c i a l i s e » p l u s . – Pourquoi? – Elle est retournée en Russie, elle ne se plaisaitp a s i c i . E l l e
a travaillé quelque temps à Pattaya,p u i s a l a i s s é t o m b e r .
C e p e n d a n t , j ’ a i b e a u c o u p d’autres filles aussi belles et il en arrive chaque jourde
nouvelles.S o n r e g a r d i n n o c e n t e t s o n s o u r i r e c o m m e r c i a l opposaient un mur infranchissable aux
questions deMalko.Ce dernier comprit qu’il était inutile d’insister. – Tant pis, dit-il.Il se leva, imité par
les deux gorilles. Natalya pritune carte et la lui
tendit. – Si vous changez d’avis, n’hésitez pas à met é l é p h o n e r . J e f e r a i t o u t p o u r v o u s
s a t i s f a i r e . C e s messieurs aussi.Milton Brabeck et Chris Jones baissèrent la tête,honteux. C’était
un coup à se faire dégrader sur lefront des troupes.Sur le palier, Chris Jones interpella
Malko. – Qu’est-ce que vous en pensez? – Elle attendait notre visite. Mais c’est un
vrai
186
LE PIÈGE DE BANGKOK

r é s e a u d e p r o s t i t u t i o n . A u q u e l s e s u p e r p o s e n t d’autres
activités. – On aurait pu la secouer un peu, cette mèremaquerelle, regretta Milton
Brabeck. – Elle aurait appelé la police, dit Malko, ensouriant. En Thaïlande, la prostitution n’est
qu’unm é t i e r c o m m e u n a u t r e . C e t t e v i s i t e n ’ e s t
p a s i n u t i l e : c e u x q u e n o u s c h e r c h o n s r i s q u e n t
d e s’affoler et de commettre des erreurs. – Pourquoi est-elle si importante, cette Oksana,i n t e r r o g e a
M i l t o n B r a b e c k . C ’ e s t u n e p u t e , c ’ e s t tout. – Exact, reconnut Malko, mais une pute qui a
étéc o m p l i c e d ’ u n m e u r t r e c o m m a n d i t é p a r c e u x q u i s’occupent de Viktor Bout. Sans que nous
sachionsexactement ce qu’ils font. Cependant, s’ils ont sup-
p r i m é l e « s t r i n g e r » d e G o r d o n B a c k f i e l d , c ’ e s t qu’ils
a v a i e n t q u e l q u e c h o s e à c a c h e r . I l n e n o u s reste plus comme piste que
D i m i t r i K o r s a n o v . C e n’est pas fameux. Il faut se concentrer sur lui. Quip e u t n o u s
m e n e r a u v é r i t a b l e « o p é r a t e u r » , t r è s probablement Evgueni
Makowski. Qui, lui, est un
Silovik
1
.
***
Evgueni Makowski effaça le long texto envoyépar Natalya Isakov, pensif. La visite des gens de
laCIA n’était pas une surprise, mais démontrait qu’ilsn e l â c h a i e n t p a s p r i s e . O r ,
c’était très fâcheux.
LE PIÈGE DE BANGKOK
187
1. Membre des Services.

D’abord, parce que Oksana était toujours à Bang-kok et, ensuite, organiser
l ’ é v a s i o n é v e n t u e l l e d e V i k t o r B o u t a v e c u n e é q u i p e d e l a C I A s u r l e d o s , c’était
limite…Dans n’importe quel autre cas de figure, il aurait« d é m o n t é » . L à , i l n ’ a v a i t p a s
le choix. Si le colonel Petcha-rat Rang Nam lui apprenait que les Thaïs
a v a i e n t décidé d’extrader Viktor Bout aux États-Unis, il nelui restait que neuf jours pour
s’organiser.L e b o n s e n s c o n s i s t a i t d o n c à a c h e t e r d u t e m p s . I l s a v a i t c o m m e n t
t r a v a i l l a i t l a C I A . C ’ é t a i t u n e administration aussi lourde que la sienne.Si le chef de
mission affecté au cas Viktor Boutdisparaissait, cela prendrait du temps pour le rem-
p l a c e r . S û r e m e n t p l u s d e d i x j o u r s . E n s u i t e , c e Malko
Linge, une des bêtes noires de son Service,était particulièrement accrocheur. Il risquait
d’êtreremplacé par moins bon que lui.Il n’y avait qu’une seule conclusion.I l t a p a u n
c o u r t t e x t o à l ’ i n t e n t i o n d e D i m i t r i Korsanov :« H u i t h e u r e s a u “ B e i
Otto”» et l’envoya.Le «Bei Otto» était un restaurant allemand – les e u l d e
B a n g k o k – q u e l e s R u s s e s a d o r a i e n t , y retrouvant la lourde
nourriture d’Europe centrale.C e l a f a i s a i t b i e n l o n g t e m p s q u ’ i l n ’ a v a i t
p a s d é j e u n é e t d î n é l e m ê m e j o u r a v e c D i m i t r i , m a i s c’était pour la bonne cause.
***
188
LE PIÈGE DE BANGKOK
Gordon Backfield, le teint toujours aussi jaunâtre,décrocha son téléphone. – Je vais demander immédiatement à notrecontact à
l’Immigration s’ils ont enregistré le départdu territoire
d’Oksana Fibirova. – Ce serait récent, objecta Malko, tout n’estpeut-
être pas enregistré. – Les Thaïs sont entièrement informatisés,répliqua l’Américain. Tous les mouvements de
pas-s a g e r s s o n t r e g r o u p é s d a n s u n f i c h i e r , e n t e m p s réel.S o n
interlocuteur décrocha et, après quelquessalamalecs, le chef de
Station de la CIA posa laq u e s t i o n q u i l ’ i n t é r e s s a i t ,
é p e l a n t l e n o m d e l a prostituée russe. Il lui manquait, hélas, sa date
d e naissance. – Il me rappelle dans une demi-heure, annonça-t - i l , a p r è s a v o i r r a c c r o c h é . V o u s
v o u l e z u n t h é o u u n c a f é ? – Vous avez du Coca? demanda timidementChris Jones.Ç a , a u
m o i n s , c e n ’ é t a i t p a s u n e b o i s s o n e x o - tique… Milton Brabeck soupira en regardant
le cielplombé et le thermomètre annonçant la températureextérieure,
37°. – Dire qu’il va falloir ressortir! On est bien ici.Malko revint à son
analyse. – Les gens du FSB qui s’occupent de ViktorB o u t s ’ a p p u i e n t s u r u n r é s e a u r u s s e l o c a l
d e p r o s - titution. Comme la femme que nous avons vue. Onne leur sortira
rien. – Je me demande ce qu’ils préparent, soupira
LE PIÈGE DE BANGKOK
189

Gordon Backfield. Ils doivent exercer des pressionsféroces sur les


Thaïs. – Vous n’avez pas de nouvelles officielles?demanda
Malko. – Rien. Je fais téléphoner tous les jours auP r e m i e r m i n i s t r e . J ’ a i f a
i t p a s s e r l e m e s s a g e qu’on pourrait l’avantager sur un prochain
contratd ’ a r m e s . C e l a n e c o û t e r a i t p a s u n s o u a u c o n t r i - buable américain.Ils
eurent le temps de boire plusieurs cafés avantque la ligne directe de Gordon Backfield ne
sonne.La conversation fut brève, et quand il raccrocha, ilavait le visage
grave. – Aucune Russe du nom d’Oksana Fibirovan ’ e s t s o r t i e d e T h a ï l a n d e a u c o u r s
d e s d e r n i è r e s semaines, annonça-t-il. Ils ont trouvé trace de sona r r i v é e , i l y a t r o i s
m o i s . D ’ a p r è s m o n c o r r e s p o n - dant, elle se trouve toujours en
Thaïlande. – Elle n’avait pas donné une adresse? demandaMalko. – Si, celle du condominium où vous avez ren
-c o n t r é N a t a l y a I s a k o v . B i e n e n t e n d u , l a p o l i c e thaïlandaise
sait qu’il s’agit d’un réseau de prosti-tution mais ferme les yeux, les paupières alourdiespar
des liasses de billets… – Donc, sauf si elle est repartie clandestinement,e l l e s e t r o u v e t o u j o u r s
ici. Vraisemblablement
à Bangkok, conclut Malko. – Pour une fille comme elle, c’est difficile desortir clandestinement du pays,
remarqua le chef deStation. Sauf par le Laos, mais, ensuite, elle risque
190
LE PIÈGE DE BANGKOK

de se retrouver coincée là-bas. Il faut donc tout fairepour la


retrouver. – Elle n’est sûrement pas dans un hôtel, remar-q u a M a l k o . O n p e u t s u r v e i l l e r
l ’ a p p a r t e m e n t d e Natalya Isakov, mais je n’y crois pas. Elle doit êtrep l a n q u é e c h e z u n a m i ,
c o m m e D i m i t r i K o r s a n o v . Si elle ne sort pas, ce sera difficile de la trouver.Malko se leva et
demanda : – Que les Thaïs vous dressent la liste dese n d r o i t s f r é q u e n t é s p a r l e s R u s s e s . J e v a i s
v o i r c e que je peux trouver de mon côté.
***
L’enseigne annonçait :
Schwartzwald Stube
1
. Onaurait dit une taverne bavaroise, avec ses tables ets e s b a n c s d e b o i s , à l ’ e x t é r i e u r
e t s a f a ç a d e é v o - quant un chalet.Seulement, on n’était pas à Munich, mais dans le
soi
20 à Bangkok.« B e i O t t o
2
» é t a i t l a c o q u e l u c h e d e s R u s s e s . Faute de restaurant russe, ils
s’étaient rabattus surcet ilôt d’Europe, plein au déjeuner comme le soir.E v g u e n i
M a k o w s k i p o u s s a l a p o r t e , f a c e a u grand bar carré où
trois barmen thaïs débitaientdes bières à la chaîne. L’éclairage
é t a i t s u c c i n c t et le restaurant, bondé. Une foule bruyante, atta-blée aux
grandes tables de bois devant des mon-ceaux de charcuteries importées à
prix d’or. Les
LE PIÈGE DE BANGKOK
191
1. Auberge de la Forêt Noire.2 . « C h e z O t t o » .

innombrables photos tapissant les murs ajoutaientu n e t o u c h e i n t i m e . P a s


d e s c é l é b r i t é s , s i m p l e - ment les meilleurs clients.L e R u s s e a p e r ç u t
e n f i n D i m i t r i K o r s a n o v s u r une des banquettes du fond, se glissa à côté
d e l u i et commanda immédiatement une bière.Dimitri, visiblement inquiet, demanda : – Pourquoi
voulais-tu me voir? On s’est vu toutà l ’ h e u r e . Q u e l q u e c h o s e n e v a p a s a v e c l e p a s s e -
p o r t ? E v g u e n i a t t e n d a i t q u e l e g a r ç o n s e s o i t é l o i g n é pour dire à voix
basse. – Non, non, mais j’ai un service à te demander.Pour Viktor.Le visage de Dimitri Korsanov
s’éclaira. – Tu sais bien que je ferais n’importe quoi pourlui, fit-il avec
chaleur. – Tu as une arme ou tu peux t’en procurer une?demanda Evgueni
Makowski. – J’en ai une. Mon Makarov. Pourquoi? – À la suite de l’incident de Pattaya, nous avonsla CIA sur
le dos. Malko Linge, un de leurs agentsparticulièrement teigneux. Il est venu en
Thaïlandespécialement pour Viktor. Il nous
gêne. Beaucoup. – Tu veux que je le tue? demanda avec simpli-cité Dimitri Korsanov.Il rayonnait
intérieurement, à l’idée de se rendreutile, d’être
reconnu. – Ce serait bien, reconnut Evgueni Makowski.Dimitri lui jeta un regard soudain
méfiant. – Pourquoi me demandes-tu ça, à moi? Il y a desdizaines de Thaïs qui le feront pour 100000
baths.
192
LE PIÈGE DE BANGKOK

L’agent du FSB n’hésita pas. – Parce que j’ai besoin de quelqu’un d’absolu-ment sûr. Un type qui ne
s’allonge pas à la moindregifle. Les Thaïs sont brutaux. Tu sais ce que c’est…Dimitri Korsanov savait. Lors de
son arrestation,i l a v a i t é t é b a t t u c o m m e p l â t r e a v e c d e s
B o t t i n téléphoniques, des coups de pied…Le silence retomba. Evgueni recommanda
deuxbières.Dimitri demanda. – Où est-il ton Malko? – Il loge au Shangri-La, suite 2521, dernierétage. Il est
probablement armé et a deux gardes ducorps. Des Américains. – Tu as une photo? – Plusieurs.I l l u i
t e n d i t u n e e n v e l o p p e . D e s d o c u m e n t s envoyés de
Moscou et récupérés à
l ’ a m b a s s a d e russe. – Mon Service ne l’aime pas, ajouta EvgueniM a k o w s k i . I l n o u s a f a i t
beaucoup de torts. Si tuprenais soin de son cas, on t’en serait très
r e c o n - naissant à Moscou. Cela pourrait t’aider à obteniru n n o u v e a u
p a s s e p o r t . T u a s t o u j o u r s t a m è r e à P e t r o g r a d ? – Oui.Evgueni
Makowski savait que Dimitri envoyaitdes textos à la vieille femme presque tous les jours.D i m i t r i
K i r s a n o v é t a i t m o r t d e f i e r t é . A p r è s toutes ces années d’errance, il
se retrouvait investid’une mission officielle, comme au temps béni où
LE PIÈGE DE BANGKOK
193

il travaillait pour le GRU… Evgueni Makowski vitla lueur de fierté dans ses yeux et dit à voix
basse. – Je vais faire part à Moscou de ta réaction. J’ensuis fier.
Dobre
, je vais partir le premier.
***
Cette fois, Ling Sima avait consenti à rejoindreM a l k o a u r e s t a u r a n t c h i n o i s d e
l ’ h ô t e l O r i e n t a l , dont la pénombre et les boxes discrets protégeaients a r é p u t a t i o n .
E l l e s ’ é t a i t h a b i l l é e c o m m e u n e Chinoise d’opérette,
a v e c u n e r o b e v e r t e r a s d u cou, fendue presque jusqu’à la hanche, un
chignono ù é t a i e n t p i q u é e s d e l o n g u e s é p i n g l e s d ’ o r e t d e s escarpins de quinze
centimètres.E l l e r e p o u s s a s o n a s s i e t t e , l ’ a i r d é g o û t é e
e t soupira. – Un jour, je te ferai de la bonne cuisinechinoise! Ici, c’est pour les Américains.M a l k o
p r i t l a b o u t e i l l e d e T a i t t i n g e r C o m t e s d e Champagne Blanc de Blancs dans son seau à
glaceet remplit leurs flûtes. Il adorait la cuisine chinoise,mais, avec du thé, c’était trop triste. Il leva sa
flûtepleine de bulles. – Au prochain dîner préparé par toi! Mais, tusais que je ne te vois pas pour tes talents
culinaires.Ling Sima lui jeta un regard noir. – Non, c’est vrai! Pour les informations que jet e d o n n e .
Tu me traites comme une «source»…Malko faillit lui faire remarquer qu’il ne
s o d o - m i s a i t p a s t o u t e s s e s s o u r c e s , m a i s s e t u t p o u r n e pas envenimer l’atmosphère.
194
LE PIÈGE DE BANGKOK

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– Quand j’étais au Laos, remarqua-t-il, je ne t’airien demandé. C’est toi qui m’as
contacté. – C’était pour te sauver la vie, parce que tu esu n i d i o t ! T u c o n n a i s l e p r o v e r b e
a m é r i c a i n : « F o o l s die
1
».U n e l o n g u e C h i n o i s e d i a p h a n e s u r g i t a v e c l a c a r t e d e s d e s s e r t s
e t L i n g S i m a l ’ i n t e r p e l l a d ’ u n e voix furieuse.L a s e r v e u s e s ’ e n f u i t l i t t é r a l e m e n t .
M a l k o é t a i t stupéfait. – Qu’est-ce que tu lui as dit? – Qu’elle devrait avoir honte de travailler dansu n
e n d r o i t o ù l a c u i s i n e e s t a u s s i m a u v a i s e ! – Tu exagères! reprocha Malko.Le regard de Ling
Sima flamboyait. Il lui sourit. – Tu es encore plus belle quand tu es en colère… – Tu dis ça parce que tu as
envie de me baiser…Malko décida de la choquer. – Non, répliqua-t-il, ce soir, je voudrais jouirdans ta
bouche, toi agenouillée devant moi.Il crut que la Chinoise allait lui sauter à la gorge.Elle se pencha au-
dessus de la table. – Jamais! Même si je vis dix mille ans! Ce sontl e s p u t e s q u i f o n t c e l a . S i c ’ e s t
c e q u e t u v e u x , t u vas pouvoir le faire ce
soir. – Avec toi?Nouveau regard furibond. – Tu m’as demandé des informations sur lesprostituées
russes, non? Eh bien, elles sont regrou-p é e s t o u s l e s s o i r s a u s o u s - s o l d e l ’ h ô t e l
Novotel,
LE PIÈGE DE BANGKOK
195
1. Les imbéciles meurent.

dans une sorte de boîte qui s’appelle «Le Bas». Tuy t r o u v e r a s t o u t c e q u e t u


v e u x . J e p e u x m ê m e t e donner les tarifs… – Merci. – Et si tu veux te faire «masser» par une
Russe,c o n t i n u a L i n g S i m a , i l y a trois SPA, la
chaîne« D i v a n a » , q u i a p p a r t i e n n e n t a u x R u s s e s , a s s o -
ciés avec des policiers thaïs. Là, c’est du haut
d e g a m m e . J u s q u ’ à 1 0 0 0 d o l l a r s . M a i s t u p e u x t e payer
cela sur tes notes de frais…Malko, agacé, réclama l’addition d’un geste.
LaChinoise maigrissime surgit quelques instants plustard et déposa une boîte en laque noire sur
la table,avec force
wais
. Malko l’ouvrit : la boîte était vide,à l ’ e x c e p t i o n d ’ u n e m a g n i f i q u e o r c h i d é e . L a s e r - veuse
chinoise se mit à pépier comme un oiseau des îles, cassée en deux devant Ling Sima. En dépit decette
soumission, la Chinoise semblait furieuse. – Que se passe-t-il? demanda Malko. C’est àc a u s e d e t a
r e m a r q u e s u r l a n o u r r i t u r e ? – Non, ils m’ont reconnue… Ils refusent de mef a i r e p a y e r . À c a u s e
d e l a S u n Y e e O n . – C’est sympathique. – Non! Je suis déshonorée. Tout Yeowarat vasavoir que je
baise avec un
farang
. – C’est mal? – Non, c’est pire… Je vais perdre la face. Mesclientes de la bijouterie me demanderont la taille
det a q u e u e , c o m m e n t t u m e f a i s l ’ a m o u r , c o m b i e n d e f o i s ? T u n e
c o n n a i s p a s l e s C h i n o i s e s . E l l e s n e pensent qu’à ça…I l s g a g n è r e n t l a s o r t i e , s o u s l e s
wais
de tout le
196
LE PIÈGE DE BANGKOK

LE PIÈGE DE BANGKOK
197
personnel. L’air était toujours aussi tiède, avec unv e n t l é g e r . Q u e l q u e s c h a u f f e u r s d e
taxis les hélè-rent, mais Malko repéra dans un coin d’ombre unSam-Lo, dont le
c o n d u c t e u r d o r m a i t e n é q u i l i b r e sur son siège. – Tu as vu le film «Emmanuelle»? demanda-t-il à
Ling Sima. – Oui, pourquoi? – On pourrait faire un tour dans ce Sam-
Lo.S e u l s , q u e l q u e s t o u r i s t e s n o v i c e s u t i l i s a i e n t e n c o r e
l e s «
tuk-tuk
» , t r i c y c l e s p é t a r a d a n t s q u i avaient succédé aux authentiques Sam-
L o s , t i r é s p a r u n c y c l i s t e . D a n s l e f i l m « E m m a n u e l l e » , l ’ h é - roïne traversait Bangkok,
blottie au fond d’un Sam-Lo, tandis que son amant la caressait.Ling Sima jeta à Malko un regard à
le réduire encendres. Elle se retourna, leva le bras et Malko vitune limousine noire garée en
face de l’Oriental, semettre doucement en route. La Chinoise était venuea v e c s o n c h a u f f e u r s o u r d -
m u e t . P e n d a n t q u ’ i l l u i ouvrait la portière, elle lança à Malko. – Amuse-toi bien au Novotel.

CHAPITRE XIII
« P u t e s d e t o u s l e s p a y s , u n i s s e z - v o u s » p e n s a Malko en
arrivant au «Le Bas».Cela tenait du «pool-room
1
» des petites villesa m é r i c a i n e s , d u b a r b r a n c h é à c a u s e d e s
t é l é v i - sions accrochées partout, de la discothèque, par lam u s i q u e t e c h n o
a s s o u r d i s s a n t e e t , s u r t o u t , d e l a boîte à putes.Des putes, il y en avait partout.
Assises sur destabourets, en train de danser dans des coins sombres,d e b o i r e à d e s t a b l e s , d e
s e p r o m e n e r d a n s l e s allées, ou de regarder les joueurs de billard…
Ellesg r o u i l l a i e n t ; d e s T h a ï e s , d e s E u r o p é e n n e s , d a n s t o u t e s l e s
t e n u e s , a t t a q u a n t l e s n o u v e a u x v e n u s avec une audace incroyable… Malko avait déboursé500
baths pour avoir accès à ce paradis dont l’ani-mation contrastait avec l’atmosphère mortifère
dulobby. Là, sur une grande estrade, deux chanteusesp h i l i p p i n e s a c c o m p a g n é e s d ’ u n
p i a n i s t e , s ’ é g o - sillaient pour quelques rares spectateurs. Vraisem-blablement,ceuxquiignoraientl’existencedubas…
1. Salle de billard.
Jusqu’au rez-de-chaussée, le Novotel paraissaitêtre un hôtel très convenable.Malko se dirigea
vers un des bars. On n’y voyaitpas beaucoup et il se demanda s’il allait reconnaîtreO k s a n a , v u e
s e u l e m e n t s u r u n e p h o t o , a u c a s o ù elle serait ici. Des Russes, il y en avait partout.
Unegrappe entourant ce qui semblait être la caricatured ’ u n j u i f n e w - y o r k a i s
avec d’énormes lunettesd’écaille, un crâne dégarni et des
t r a i t s b o u f f i s d’alcool.I l l o r g n a i t s u r l ’ é n o r m e p o i t r i n e d e s a
v o i s i n e , probablement née entre l’Oural et Vladivostok…U n p e u p l u s l o i n , l e l o n g
d’un bar, une longuef i l l e b l o n d e e m b r a s s a i t à p e r d r e h a l e i n e u n
S i k h barbu, en turban…L e t o u t d a n s u n e m u s i q u e d ’ e n f e r . L e
d é p a r t brusque de Ling Sima l’avait poussé à
e x p l o i t e r i m m é d i a t e m e n t l e s i n f o r m a t i o n s q u ’ e l l e l u i a v a i t fournies.Au moment où il
atteignait un des bars, il repéraune véritable créature de dessin animé : MissPiggy,l a
co chonne d e T ex Aver y. D es chev eux cour ts tombant en
f r a n g e n e t t e , d e s y e u x t r è s b l e u s , u n visage carré, un haut blanc porté sans soutien-
gorgeet une mini qui semblait faite avec une ceinture…M o n s t r u e u s e m e n t
g r o s s e , e l l e d e v a i t f r i s e r l e s 80 kilos, mais ne semblait pas s’en
s o u c i e r , d é v i - s a g e a n t l e s h o m m e s s a n s c i l l e r , v i s i b l e m e n t à l a recherche d’un
client.C o m m e o n n e s e r v a i t q u e d u C h i v a s R e g a l , M a l k o
e n c o m m a n d a u n e b o u t e i l l e à u n d e s b a r s , observant la salle.
LE PIÈGE DE BANGKOK
199

L e s c l i e n t s é t a i e n t é t r a n g e r s , d e s e x p a t s , d e s Russes, et
quelques Thaïs…Trois petites Thaïes s’approchèrent de lui, détail-lant dans un anglais sommaire ce qu’elles avaient àoffrir.
C’est-à-dire tout ce que l’imagination d’unobsédé sexuel peut concevoir. Devant le peu d’inté-rêtdeMalko,ellesglissèrent
versuneautreproie,unexpat de nationalité indéterminée, qui commença àlespeloterdiscrètement.La grosse blonde continuait
à naviguer entre lestables. Elle se rapprochait de Malko. Leurs regardsse croisèrent et il se dit qu’il
fallait bien commen-cer par quelque chose.À la première esquisse de sourire, elle fondit
surlui. –
You buy drink
1
? h u r l a - t - e l l e , p o u r c o u v r i r l e bruit de la musique.Malko lui désigna la bouteille de Chivas Regal
etd e m a n d a u n v e r r e a u b a r m a n . L a R u s s e a v a l a s a rasade à tuer un mammouth d’une seule traite,
et sesyeux bleus s’embuèrent légèrement. Malko lui versaune seconde dose et ils devinrent vraiment amis…La conversation était
impossible à cause du bruitet la Miss Piggy lui prit la main pour l’entraîner surdes petites pistes de
danse.I l s c o m m e n ç è r e n t à s ’ a g i t e r , à u n m è t r e l ’ u n d e l’autre, mais, profitant d’un changement
de rythme,la Russe se rapprocha, collant un ventre impérieuxà Malko. Pas longtemps. Le visage
levé, elle hurlaà nouveau.
200
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Vous m’offrez un verre.


You come my room
, 500 baths
1
.E l l e a v a i t e n f i n a s s i m i l é l e s t a r i f s e n v i g u e u r . Malko fit comme s’il n’avait
pas entendu. Sa Russerépéta son offre alléchante. –
Y o u r n a m e
? d e m a n d a - t - i l p o u r g a g n e r d u temps. – Tatiana.
You come. Bang-Bang
.Son anglais était très limité. À côté, le Sikh com-mençait à défaillir sous la caresse vigoureuse de
lablonde accrochée à lui. Celle-ci, qui pensait à l’ave-n i r , l a n ç a q u a n d m ê m e u n e œ i l l a d e à
M a l k o , t o u t en frottant fièvreusement le ventre de son copain.Une saine ambiance de
patronageDevant le peu d’enthousiasme de Malko, Tatiana,Miss Piggy, se fondit dans la foule. Il ne resta
passeul vingt secondes. Une liane blonde, infinimentplus sexy, s’approcha de lui avec un
sourire enga-geant. –
Good evening
!S o n a n g l a i s p a r a i s s a i t m e i l l e u r , m a i s l a l u e u r dans son regard suintait
le stupre. Malko attaqua denouveau la bouteille de
Chivas. – Je m’appelle Svetlana, cria la blonde, maistout le monde m’appelle Sweti. – Que faites-
vous à Bangkok?Elle eut une moue amusée. – Une copine qui a une agence de mannequinsm’avait trouvé
un contrat, mais il n’a duré que deuxmois. Après, il a fallu que je me débrouille. Je n’aip a s e n v i e
de retourner en Russie. Ici, au moins, il
LE PIÈGE DE BANGKOK
201
1. Vous venez dans ma chambre.

y a le soleil et la chaleur. Et on rencontre des genscomme vous.C ’ é t a i t g r o s c o m m e


u n e m a i s o n , m a i s M a l k o arriva à
sourire. – Votre copine, celle de l’agence, ce n’est pasN a t a l y a
I s a k o v ? – Vous la connaissez? – Un peu.L e « b o u m - b o u m - b o u m » d e l a t e c h n o s ’ é t a i t u n peu
calmé. La Russe se rapprocha de Malko, litté-r a l e m e n t c o l l é e à l u i , l e s b r a s n o u é s
autour de san u q u e . P u i s e l l e c o l l a s a b o u c h e à
l ’ o r e i l l e d e Malko et dit, en pouffant de
rire. – J’ai vu cette grosse truie de Tatiana vous dra-guer. Elle ne doute de
rien… – Si elle est venue à Bangkok, c’est qu’elle ycroit, remarqua Malko.Svetlana s’éloigna un peu pour
lâcher d’une voixméchante. – Elle n’est pas venue pour ça. – Pourquoi, alors? – Je ne sais pas… Elle reste toute
la journée danssa chambre et vient seulement ici le soir. Les fillesne l’aiment pas. – Pourquoi? – On
l’a vue avec un drôle de type, un Russe quip r é t e n d ê t r e j o u r n a l i s t e m a i s t o u t l e
m o n d e s a i t qu’il fait autre chose. Un gros barbu chauve, assezsale, négligé, qui a les
mains moites.I m m é d i a t e m e n t , M a l k o f i t l e r a p p r o c h e m e n t a v e c
E v g u e n i M a k o w s k i , l ’ a g e n t d u F S B à B a n g - kok.
202
LE PIÈGE DE BANGKOK

La Russe, habillée pour l’hiver, Svetlana revintaux choses sérieuses. – On monte? suggéra-t-
elle. J’habite l’hôtel. – Vous connaissez une fille qui s’appelleOksana? demanda Malko. Oksana Fibirova.
***
C h r i s J o n e s e t M i l t o n B r a b e c k s ’ e n n u y a i e n t comme des
r a t s m o r t s , a u b a r d u N o v o t e l . L ’ o r - chestre philippin continuait à brailler, rien que
poureux. Cependant, l’idée de redescendre dans la four-naise sexuelle du sous-sol était au-dessus de
leursforces…I l s s u i v i r e n t d e s y e u x u n h o m m e d e h a u t e t a i l l e q u i v e n a i t d e p o u s s e r l a
porte du lobby. Un grandb l o n d , u n e s a c o c h e a c c r o c h é e à l ’ é p a u l e .
I l t r a - versa le lobby sans les remarquer et s’engagea dansl’escalier menant au sous-
sol. – Encore un qui va baiser, ricana Milton Bra-beck. Pourtant, c’est un beau mec…
***
D i m i t r i K o r s a n o v s e p r é s e n t a à l ’ e n t r é e d e l a discothèque, salué de
wais
respectueux. Sa copinep h i l i p p i n e , P e r l i t a P a t i k , t r a v a i l l a i t d a n s l a b o î t e , afin de
compléter son maigre salaire de vendeuse àl a l i b r a i r i e K u n i k a w a . L e
R u s s e a v a i t d û s ’ e n accommoder, ne pouvant l’entretenir convenable-m e n t .
Il lui avait simplement enjoint de toujoursu t i l i s e r u n p r é s e r v a t i f . L a
Philippine exerçait sa
LE PIÈGE DE BANGKOK
203
s e c o n d e p r o f e s s i o n a v e c l a m ê m e i n d i f f é r e n c e . Totalement
détachée.Dimitri s’arrêta à côté du premier billard et par-c o u r u t l a t a b l e d u
r e g a r d , d é c o u v r a n t s a c o p i n e assise sur un tabouret, un peu plus loin. Il
allait lar e j o i n d r e q u a n d s o n r e g a r d r e p é r a , a u b a r ,
u n homme blond comme lui, en train de discuter avecune fille. Il était de profil, mais tourna
la tête et lepouls de Dimitri monta brusquement : cet inconnuressemblait furieusement aux
photos de l’agent del a C I A q u ’ i l d e v a i t a b a t t r e , r e m i s e s p a r
EvgueniM a k o w s k i . O r , D i m i t r i i g n o r a i t s i s a « c i b l e »
l e connaissait physiquement. Il ressortit vivement etlança à la fille de
l’entrée. – Dis à Perlita que je l’attends en haut. J’ai uncoup de fil à donner.Dans l’escalier, il se dit
qu’il avait son Makarovdans sa sacoche et que le ciel lui envoyait peut-êtreu n e o c c a s i o n
m e r v e i l l e u s e : l o r s q u ’ i l s o r t i r a i t , l’agent américain
serait une proie facile. Deuxballes dans le dos et Dimitri
s e p e r d r a i t d a n s l e dédale des petits
soi
du quartier.R e m o n t é d a n s l e l o b b y , i l s ’ i n s t a l l a l o i n
d e l’orchestre et alluma une cigarette.Cinq minutes plus tard, Perlita arriva,
essoufflée,pimpante et amoureuse. – Il est tôt, fit-elle. Tu veux déjà rentrer? – Finalement, pas tout de suite,
fit le Russe. J’at-tends quelqu’un. Si je ne te donne pas signe de vie,tu prends un taxi.Il lui tendit
200 baths : il habitait loin.Perlita Patik resta quelques minutes avec lui, puis
204
LE PIÈGE DE BANGKOK

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redescendit. Aussitôt, Dimitri Korsanov se dirigeavers les toilettes. Là, à l’abri dans une cabine, il ins-
pecta son Makarov et fit monter une balle dans lecanon. Il aurait bien voulu
l ’ e s s a y e r , c a r c e l a f a i - s a i t l o n g t e m p s q u ’ i l n ’ a v a i t p a s f o n c t i o n n é , m a i s cela aurait
risqué d’attirer l’attention.I l r e g a g n a s o n f a u t e u i l d u l o b b y . I l n ’ a v a i t p l u s qu’à attendre.
***
– Oksana? non, je ne connais pas, répondit Svet-l a n a , t o u j o u r s c o l l é e à M a l k o c o m m e u n
t i m b r e - p o s t e . E l l e e s t b e l l e ? – Il paraît. – Alors, elle travaille peut-être dans le circuitdes SPA. Tu
n’as qu’à la demander au Spa Divana,dans le
soi
25 de Sukhumvit. – Qu’est-ce que c’est «Divana»? – Des Spa haut de gamme achetés par desRusses. On y
fait de tout : soins de beauté pour lesfemmes thaïes, massages et le reste. Il paraît que desriches Thaïes viennent se
faire sauter par de jeunesvoyous, aussi. Mais, surtout, dans celui du
soi
25, tupeux te taper des filles russes. Évidemment, c’estcher, 500 dollars. Oksana travaille peut-être là-
bas. – Pourquoi vous n’y travaillez pas?Svetlana eut une moue dégoûtée. – Natalya est
trop gourmande. Ici, je suis à moncompte.V o y a n t q u e s o n m a n è g e l a i
s s a i t M a l k o d e marbre, elle conclut avec une pointe d’amertume :
LE PIÈGE DE BANGKOK
205

Dobre
, je ne suis pas assez bandante pour toi.
Tchao-Tchao
.E l l e s ’ e n f o n ç a i t d é j à d a n s l a p é n o m b r e . M a l k o d é c i d a q u ’ i l e n a v a i t a s s e z . L e
t u y a u d e S v e t l a n a r e c o u p a i t l ’ i n f o r m a t i o n d o n n é e p a r L i n g S i m a . I l n’y avait plus qu’à
l’exploiter. Il paya et se dirigeavers la surface.
***
Dimitri Korsanov se raidit : l’homme qu’il avaitr e p é r é d a n s « L e B a s » é m e r g e a i t
d e l ’ e s c a l i e r d u sous-sol. Il le laissa parcourir quelques mètres dansle lobby, puis se leva. Il avait fait
passer sa sacochedu côté droit, et allongé la courroie.D’un geste très naturel, il avait la main
plongéededans, serrant la crosse du Makarov.I l l u i s u f f i s a i t d e s u i v r e s a « c i b l e » , d e
t i r e r e t d e s’enfuir. Certes, les détonations s’entendraient maisqui allait le poursuivre dans le dédale des
soi
autourd e S i a m P l a z a ? Il adressa un sourire à la barmaid thaïe et emboîtal e p a s à l ’ h o m m e q u i
traversait le lobby. Il avaitd é c i d é d ’ a t t e n d r e q u ’ i l s o i t t o u t p r è s d e
l a p o r t e pour frapper.Encore quinze mètres et quelques secondes.
206
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE XIV
M a l k o é t a i t p r e s q u e a r r i v é à l a p o r t e d u l o b b y lorsque Chris et Milton, qui ne l’avaient
pas vu pas-s e r , s a u t è r e n t d e l e u r s f a u t e u i l s p o u r l e r e j o i n d r e . Sans prêter attention à
Dimitri, qui marchait à unedizaine de mètres, derrière Malko.L e R u s s e v i t l e s
deux hommes passer devantpour encadrer l’agent de la CIA
et s’arrêta net,comprenant que son idée de tuer sa «cible»
surp l a c e e t d e f i l e r e n s u i t e n ’ é t a i t p a s u n e
b o n n e idée… Il resta au milieu du lobby, laissant sortir lest r o i s h o m m e s , l e
c œ u r b a t t a n t l a c h a m a d e . À quelques secondes près, il se faisait tuer sur
place…
***
– C’était intéressant en bas? demanda ChrisJones avec une pointe
d’ironie. – Très, répondit Malko. Je sais peut-
être où setrouve Oksana. – Où? – Elle travaillerait dans un salon de massage,Divana, dans le
soi
25 de Sukhumvit, qui appartient

a u r é s e a u d e p r o s t i t u t i o n r u s s e . O n v a y
a l l e r demain.L e l o b b y d u S h a n g r i - L a é t a i t d é s e r t c o m m e u n c i m e t i è r e e t i l s
g a g n è r e n t l e u r s c h a m b r e s r e s p e c - tives. Malko trouva un message de Ling Sima. Iro-
n i q u e m e n t , e l l e l u i d e m a n d a i t s ’ i l a v a i t p a s s é u n e bonne soirée.Bonne, peut-être pas,
mais utile sûrement…I l a l l a i t j o u e r l e s c l i e n t s a u S p a « D i v a n a » . S ’ i l retrouvait
Oksana, il aurait fait un pas de géant dansl a l u t t e f é r o c e q u i l ’ o p p o s a i t a u F S B p o u r r é c u p é - rer
Viktor Bout. S’il pouvait arriver à impliquer ler é s e a u r u s s e d u F S B à B a n g k o k
d a n s l e m e u r t r e d’un policier thaïlandais, les Russes seraient sérieu-sement handicapés.
***
Oksana Fibirova n’arrivait pas à trouver le som-m e i l s u r l e l i t é t r o i t e t d u r q u ’ o n l u i
a v a i t a s s i g n é dans une dépendance du Spa Divana. Depuis qu’onl’avait forcée à quitter Pattaya, elle
avait l’impres-sion de ne plus s’appartenir. Elle regrettait amère-m e n t d ’ a v o i r
a c c e p t é l a p r o p o s i t i o n d e D i m i t r i Korsanov : séduire le policier thaï et l’entraîner
surla plage. Il lui avait juré que c’était pour une simplecorrection, pas pour un assassinat sauvage.Elle
avait accepté de rendre ce service à DimitriK o r s a n o v p a r c e q u ’ i l l u i p l a i s a i t b i e n .
E l l e a v a i t e u u n e b r è v e a v e n t u r e a v e c l u i e t i l s s e p a r l a i e n t souvent quand il
était à Pattaya.C e j o u r - l à , i l l u i a v a i t e x p l i q u é q u ’ i l
d e v a i t
208
LE PIÈGE DE BANGKOK

a b s o l u m e n t s e d é b a r r a s s e r d u T h a ï q u i l e s u i v a i t , parce qu’il préparait une opération audacieuse


pourf a i r e é v a d e r V i k t o r B o u t , d o n t i l é t a i t l a c h e v i l l e ouvrière.L’idée était d’attaquer
le fourgon de police entrela prison et le Palais de Justice, car il n’avait aucuneescorte.O k s a n a n e l ’ a v a i t
cru qu’à moitié, connaissants o n c ô t é m y t h o m a n e , m a i s a v a i t
a c c e p t é d e l u i donner un coup de main, ce soir-là.B i e n e n t e n d u , l o r s q u ’ e l l e
avait appris la vérité,d e r e t o u r à B a n g k o k , s o n p r e m i e r
r é f l e x e a v a i t été de quitter la Thaïlande, mais Natalya Isakovl ’ e n
a v a i t d i s s u a d é e … E x p l i q u a n t q u e l e s T h a ï s l’avaient sûrement identifiée lors
de leur enquête àP a t t a y a . I l s s e m o q u a i e n t d e s m a n i p s d e s
farangs
,m a i s p a s d u m e u r t r e d ’ u n d e l e u r s
c o l l è g u e s . Oksana Fibirova ne serait pas la première
farang
àê t r e c o n d a m n é e à u n e l o u r d e p e i n e e n T h a ï l a n d e . E t à l ’ e x é c u t e r . À l ’ i d é e d e
s e r e t r o u v e r d a n s u n pénitencier thaï, elle en avait des cauchemars.Sachant qu’elle n’y
survivrait pas.Elle se sentait complètement prise au piège. Elleé t a i t v e n u e e n T h a ï l a n d e
p o u r a m a s s e r l ’ a r g e n t nécessaire à de «vraies» études pour décrocher
u n job qui lui permettrait de vivre correctement.Le faitd e s e p r o s t i t u e r d a n s c e p a y s l o i n t a i n n e
l a g ê n a i t pas. Plus tard, personne n’en saurait rien…Seulement, elle n’aurait jamais pensé
être mêléeà u n m e u r t r e . M ê m e s i D i m i t r i K o r s a n o v n e l u i a v a i t
d o n n é q u e d e s e x p l i c a t i o n s s u c c i n c t e s , e l l e savait que cet assassinat était lié à
Viktor Bout. Le
LE PIÈGE DE BANGKOK
209

Russe lui avait dit aussi que les Américains étaientimpliqués dans l’affaire…A p r è s a v o i r b u
u n v e r r e d ’ e a u , e l l e e s s a y a d e faire le point.Impossible d’aller voir la police
thaïe.Les Russes ne prendraient pas le mal de la faires o r t i r d e T h a ï l a n d e c l a n d e s t i n e m e n t .
Cela coûtaitt r o p c h e r . D o n c , s e u l s , l e s A m é r i c a i n s p o u v a i e n t l ’ a i d e r .
E l l e s e d i t q u ’ e l l e e n s a v a i t a s s e z p o u r échanger une protection
contre son témoignage.Seulement, comment entrer en contact avec eux?S i e l l e q u i t t a i t l e
S p a , e l l e r i s q u a i t d ’ ê t r e s u i v i e e t elle ne savait même pas où se trouvait l’ambassadeaméricaine.Il
n’y avait plus qu’une solution : le téléphone.La Russe sortit de sa chambre et suivit la
galeriee x t é r i e u r e j u s q u ’ a u p e t i t s a l o n d e t h é d u S p a a t t e - n a n t à l a r é c e p t i o n . L à ,
e l l e t r o u v a u n a n n u a i r e e n anglais, avec la liste des ambassades et leurs numé-r o s d e
t é l é p h o n e . E l l e r e t o u r n a d a n s s a c h a m b r e et composa le numéro trouvé
d a n s l ’ a n n u a i r e . S e disant naïvement que les espions devaient sûrementt r a v a i l l e r a u s s i l a n u i t .
D o n c , l e f a i t q u ’ i l s o i t u n e heure du matin, n’était pas gênant.Au second essai, elle tomba
sur une voix neutrequi annonça, en anglais, avec un fort accent thaï. –
A m e r i c a n E m b a s s y , w h o d o y o u w h a n t t o speak to
1
? – Quelqu’un de la Central Intelligence Agency,répondit sans hésiter Oksana Fibirova.
210
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Ambassade américaine. À qui voulez-vous parler?

Il y eut un silence assez long, puis la même voixdemanda : – Puis-


je avoir votre nom? – Oksana Fibirova. – Votre adresse.Prise de court, Oksana Fibirova demeura
muette,b r u s q u e m e n t p a n i q u é e . S i l e s A m é r i c a i n s d é b a r - quaient au Spa Divana, les
Russes sauraient qu’elleles avait trahis.Sans répondre, elle raccrocha.
***
En lisant le texto de Dimitri Korsanov lui appre-nant que l’agent de la CIA Malko Linge se trouvaitla
veille au soir dans la boîte du Novotel, EvgueniMakowski sentit ses cheveux se dresser sur
sa tête.C o m m e n t é t a i t - i l a r r i v é l à ? Ce ne pouvait pas être une coïncidence. Le chef de
mission Malko Linge n’avait pas le profil d’una m a t e u r d e p u t e s … D o n c , i l
c h e r c h a i t q u e l q u e chose ou quelqu’un dans cette boîte.
C o û t e q u e coûte, il devait en savoir plus. Une seule personnep o u v a i t , é v e n t u e l l e m e n t ,
lui fournir des informa-tions : Tatiana Mira, la «spetnatz» venue, en prin-c i p e ,
l i q u i d e r V i k t o r B o u t , q u i a v a i t d é c i d é d e troquer son fusil
D r a g o n o v d e p r é c i s i o n p o u r u n e carrière de pute.Il effaça le texto, se disant que son idée
de «neu-t r a l i s e r » c e t a g e n t d e l a C I A s e r é v é l a i t d e p l u s e n plus utile. En attendant, il devait
en savoir plus pourprendre, éventuellement, des contre-mesures.
LE PIÈGE DE BANGKOK
211

Il acheva de s’habiller, puis sortit dans la cour desa petite maison. Il habitait une très vieille
maisont h a ï e n b o i s , q u i t o m b a i t u n p e u e n r u i n e s ,
a u x volets perpétuellement fermés, afin de faire croireq u ’ e l l e é t a i t i n h a b i t é e , d a n s u n
petit
soi
v o i s i n d e Thanon Khao San, où se tenait une foire aux pucesp e r m a n e n t e . D è s q u ’ i l
r e n t r a i t s a v o i t u r e d a n s l a cour, il la recouvrait d’une bâche et personne, dansl e
quartier, ne savait qu’un
farang
v i v a i t d a n s c e quartier de Banglampho, tout au nord de Bangkok,non loin de la rivière. Il
sortit. Ferma le cadenas del a p o r t e p r i n c i p a l e , ô t a l a b â c h e d e s a T o y o t a
e t démarra.
***
T a t i a n a M i r a s e r o n g e a i t l e s o n g l e s , l ’ a i r b o u - deur, dans sa tenue de pute de
province. – Combien de temps je vais attendre? demanda-t-elle.Evgueni Makowski décida de ne pas la
brusquer. – Cela ne dépend pas de moi, affirma-t-il. J’at-t e n d s l e D r a g o n o v q u i d o i t a r r i v e r à
l ’ a m b a s s a d e . J ’ a i a u t r e c h o s e à t e d e m a n d e r . H i e r s o i r , d a n s l a discothèque, tu as parlé
à un étranger, paraît-il. – Oui. – Comment était-
il? – Grand, blond, bien bâti. – Il ne t’a pas parlé d’Oksana Fibirova?Elle était toujours aussi
boudeuse. – Il a parlé à d’autres filles? – Oui, une conne qui s’appelle Svetlana. Celle-
212
LE PIÈGE DE BANGKOK

là, je vais lui péter la gueule, elle passe son tempsà se foutre de
m o i . – Elle habite ici? – Oui. Chambre 214. –
Dobre.
Je reviens te voir.I l d u t p r a t i q u e m e n t d é f o n ç e r l e b a t t a n t d e
l a chambre 214 avant de voir surgir une tête ébourif-fée blonde qui le toisa en
bâillant. – Qu’est-ce que tu veux? – Te parler, fit-il, en se glissant dans la chambreoù régnait un désordre
incroyable! Toutes les pos-s e s s i o n s t e r r e s t r e s d e l a j e u n e p u t e é t a i e n t é t a l é e s sur la
moquette verdâtre fortement tachée. – Tu as parlé à un étranger, hier soir, lançaE v g u e n i
M a k o w s k i . U n g r a n d b l o n d . Q u ’ e s t - c e qu’il voulait?La bouche de
S v e t l a n a s e t o r d i t e n u n e g r i m a c e amère. – En tout cas, il ne voulait pas me sauter… Ilm’a parlé
d’une certaine Oksana, que je ne connais-s a i s p a s . A l o r s , c o m m e j e s u i s b o n n e f i l l e , j e
l ’ a i orienté sur le Spa Divana.E v g u e n i M a k o w s k i s e n t i t d e n o u v e a u s e s p o i l s se hérisser
d’horreur. – Tu lui as dit qu’elle travaillait là? – Oui, que ça pouvait se faire. Pourquoi? – Pour rien.I l
é t a i t d é j à p a r t i . D i r e c t i o n l ’ a p p a r t e m e n t d e Natalya Isakov. Celle-ci
l’accueillit avec son sou-rire commercial habituel. –
Tchai
? C a f é ? T o u t v a b i e n ? – Non. J’ai un problème. Les
Amerikanski
sont
LE PIÈGE DE BANGKOK
213

sur la piste d’Oksana. Ils savent qu’elle travaille auSpa. Il ne faut pas qu’ils la trouvent. Où peut-on
lap l a n q u e r ? – Ici? – Surtout pas, tu es sûrement surveillée…L a m è r e m a q u e r e l l e
s ’ a s s i t p o u r r é f l é c h i r e t rabattit sa robe sur ses genoux ronds. Toujours
trèspudique. – Pour longtemps? demanda-t-elle. – Quelques jours.Après un long silence, Natalya laissa
tomber. – J’ai reçu une demande du concierge du
Wind-s o r S u i t e H o t e l
. Il voulait une ou deux filles pourune bande d’Arabes qui arrivent du Golfe et
v e u - lent s’amuser. – Bonne idée.Natalya secoua la tête. – Pas sûr. Ils traitent les filles comme des ani-
maux. Ils ont loué tout un étage. Seuls, les garçonssont thaïs. La plupart de mes filles refusent
d’allerl à - b a s , m ê m e s ’ i l s p a i e n t 5 0 0 0 d o l l a r s p a r
j o u r . – Pourquoi? – La dernière fois, il nous en ont rendu une ent r è s m a u v a i s é t a t . L a c é r é e
par des coups de cra-vache, violée avec des bouteilles.
D é f i g u r é e p a r les coups parce qu’elle avait résisté. Une fille
d e Vladivostok. – Qu’est-
ce qu’elle est devenue? – Elle n’a pas survécu. Les Arabes ont payé5 0 0 0 0 d o l l a r s q u ’ o n
a e n v o y é s à l a f a m i l l e e n disant qu’elle avait eu un
accident. – Les flics ne viennent jamais dans cet hôtel?
214
LE PIÈGE DE BANGKOK

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Natalya Isakov eut un sourire ironique. – C’est dans le 8


e
district. Colonel Pathorn, und e s p l u s p o u r r i s d e t o u s . L e s A r a b e s l e
c o u v r e n t d ’ o r . U n e f o i s l à - b a s , c ’ e s t c o m m e s i e l l e é t a i t e n prison. –
Karacho
, approuva Evgueni Makowski. Tu latransfères là-bas le plus vite
possible. – J’y vais, fit simplement Natalya Isakov.A p r è s ê t r e p a s s é e p a r l e s
m a i n s d e s A r a b e s , Oksana aurait envie de changer de
métier. – Je viens avec toi, avança Evgueni Makowski.I l s d é c i d è r e n t d e g a g n e r l e
soi
2 5 à p i e d . C e l a irait plus vite qu’en voiture.
***
L a v o i x d e L i n g S i m a é t a i t d o u c e c o m m e d u miel. C’était rare
qu’elle appelle Malko. – J’ai pensé à toi, dit-elle d’emblée. J’espère quetu as trouvé chaussure à ton
pied au Novotel. – C’est pour me dire cela que tu m’appelles? – Non, je t’attends à sept heures au
Grand ChinaPrincess
. Nous allons dîner à trois. – Qui est le troisième? – Un ami de la Sun Yee on, qui est aussi le cou-s i n d u
c h e f d ’ É t a t - M a j o r , l e g é n é r a l P h r a S a m u t - prakan. C’est lui qui gère le dossier Viktor Bout. Jelui
ai parlé de ton souci et il souhaite te rencontrer.Le pouls de Malko bondit au
ciel. – Il est fiable? – Avec moi, oui. Il va te dire la vérité.À p e i n e e u t - i l r a c c r o c h é q u e M a l k o
fonça chez
LE PIÈGE DE BANGKOK
215

l e c o n c i e r g e d u S h a n g r i - L a , l u i d o n n a 5 0 0 0 b a t h s , l’adresse de Ling Sima et l’ordre de lui


envoyer lesplus belles orchidées qu’il pourrait trouver.C h r i s J o n e s e t M i l t o n
B r a b e c k b â i l l a i e n t a u x corneilles dans le lobby. – On est obligés de sortir? demanda
Milton Bra-beck. Il fait 40° dehors. – On va à l’ambassade, dans un taxi climatisé.Gordon Backfield
allait être fou de bonheur.
***
Malko n’avait pas encore eu le temps de fairep a r t à G o r d o n
B a c k f i e l d d e s b o n n e s n o u v e l l e s , lorsque sa secrétaire entra et posa un papier
devantl u i . L e c h e f d e S t a t i o n l e p a r c o u r u t , s u r s a u t a e t releva la
tête. – Le standard de l’ambassade a reçu cette nuit à1 h 1 2 A M u n a p p e l b i z a r r e . U n e
f e m m e d i s a n t s’appeler Oksana voulait parler à quelqu’un de laC I A . Q u a n d o n
l u i a d e m a n d é s o n a d r e s s e , e l l e a raccroché.M a l k o é t a i t e n t r a i n d e d é v i d e r
t o u s l e s j u r o n s qu’il connaissait en allemand et en anglais,
quandl’Américain ajouta : – Attendez! Le standard a enregistré le numérode son portable.
216
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE XV
La sonnerie, retransmise par le haut-parleur, son-nait dans le vide. À la douzième, Gordon Backfieldcoupa la
communication. – On ne peut pas localiser ce portable?
demandaMalko. – Non. Il faudrait demander l’aide des Thaïs. – Elle dort peut-
être encore… avança Malko. – Je vais demander à ma secrétaire de rappelert o u s l e s q u a r t s d ’ h e u r e ,
d é c i d a l e c h e f d e S t a t i o n . Visiblement, il s’est passé quelque chose qui poussecette fille à changer de camp.»
J’espère que cela ne sera pas trop tard, soupiraGordon Backfield.M a l k o s e n t i t q u e c ’ é t a i t l e
m o m e n t d e r a s s u r e r l’Américain. – Gordon, annonça-t-il, j’ai de très bonnes nou-v e l l e s .
D ’ a b o r d , j e c r o i s p o u v o i r l o c a l i s e r c e t t e Oksana Fibirova. – Où est-
elle?Malko lui raconta sa rencontre, la veille au soir,a v e c l a p r o s t i t u é e r u s s e , S v e t l a n a ,
c e l l e q u i a v a i t mentionné le Spa Divana, et conclut :

– Je vais y aller comme client et tenter de «tam-ponner» quelqu’un pour retrouver


Oksana. – C’est dangereux, objecta le chef de Station. – Je ne serai pas seul : Chris et Milton viendrontse
détendre avec moi.Chris Jones se rembrunit. – Qu’est-
ce que c’est, ce Spa? Encore desh o r r e u r s ? – Des massages, Chris, uniquement des mas-sages, jura
Malko, et des bains. Si on vous proposea u t r e c h o s e , v o u s a v e z l e d r o i t d e
r e f u s e r . M a i s vous avez aussi le droit d’accepter…L e g o r i l l e r o u g i t
c o m m e u n e p i v o i n e e t b r e - douilla : –
No way
! – OK, conclut Malko, je pense que Mai peutnous présenter comme clients de sa
boîte. – Ne lui faites pas prendre de risques, recom-
manda l’Américain. C’est seulement une «strin-ger»; je ne suis
p a s s u p p o s é l a f a i r e p a r t i c i p e r à des actions clandestines offensives comportant
desrisques. – Tout cela va peut-être s’avérer inutile, répli-qua Malko. J’ai un rendez-vous très
intéressant cesoir.I l l u i f i t p a r t d e s o n d î n e r a v e c L i n g S i m a e t l e r e p r é s e n t a n t
d u g é n é r a l P h r a S a m u t p r a k a n , m a i s l’Américain ne manifesta pas la joie qu’il
escomp-tait. – OK, c’est super, reconnut-il, mais il y a deuxhypothèses. Si ces enfoirés de Thaïs relâchent Vik-
tor Bout, évidemment le FSB ne va pas se lancer
218
LE PIÈGE DE BANGKOK

dans des coups tordus. Mais, si c’est le contraire,ils feront tout pour l’empêcher
d e q u i t t e r c e p a y s . Il faut rester sur leur dos pour essayer de percer leurplan à
jour. – Parfait, accepta Malko, nous irons demain auS p a . J ’ e s p è r e q u e m o n
d î n e r d e c e s o i r r e n d r a inutile cette visite.
***
Evgueni Makowski et Natalya Isakov traversè-rent Sukhumvit qui n’était plus
q u ’ u n m a g m a d e véhicules immobilisés. À croire que toutes les voi-tures de Bangkok
s’étaient donné rendez-vous là.Le Russe regarda sa montre avec impatience. – J’ai un autre rendez-
vous, à midi…Natalya hocha la
tête. – J’aurais pu y aller toute seule. – Je ne veux pas qu’il y ait de problème. Il fautlui expliquer.À
p e i n e f u r e n t - i l s e n t r é s d a n s l a m i n u s c u l e tea-room du
Spa, que trois hôtesses, pieds nus, ens a r o n g , s u r g i r e n t , s o u r i a n t e s , p o u r u n
festival de
wais
.Evgueni Makowski demanda, en
thaï. – Où est la nouvelle, Oksana? – Dans sa chambre, au fond. – Emmenez-moi.E l l e s l e g u i d è r e n t à
travers des couloirs d’unep r o p r e t é m é t i c u l e u s e , p u i s l e l o n g d ’ u n e
g a l e r i e b o r d a n t l a p e l o u s e o r n é e d ’ u n g r a n d f l a m b o y a n t ; tout respirait le luxe
et la propreté.
LE PIÈGE DE BANGKOK
219

L e s a c t i v i t é s c o m m e n ç a i e n t s u r t o u t à p a r t i r d e midi. L’hôtesse s’arrêta devant


une porte et frappaun coup léger. Pas de réponse. – Elle est sortie? demanda Evgueni, inquiet,sans
savoir pourquoi. – Oh non! assura l’hôtesse. Il n’y a qu’une sor-t i e s u r l e
soi
, je l’aurais vue.E l l e o u v r i t l a p o r t e d o u c e m e n t e t i l s a p e r ç u r e n t u n e f o r m e a l l o n g é e
s u r l e l i t , à p e i n e c o u v e r t e p a r un drap. À cause de la clim, on grelottait. – OK, fit Evgueni
Makowski, je vais la réveiller.L a T h a ï e s ’ é c l i p s a . L e R u s s e a l l a i t
s e c o u e r O k s a n a l o r s q u ’ i l a p e r ç u t u n p o r t a b l e p o s é s u r l a table de
nuit. Par réflexe professionnel, il le prit etl’examina, appuyant sur le bouton «send». Le der-
nier numéro appelé s’afficha. Un numéro fixe deBangkok. Il remonta encore et ne
t r o u v a q u e d e s numéros russes. Revenant au premier, il l’afficha ànouveau et le nota.Puis, il secoua
doucement Oksana Fibirova, quise réveilla en sursaut. En voyant le Russe, elle eutun
mouvement de recul. – Que se passe-t-il? – Rien de grave, assura Evgueni, rassurant, maisles autorités
thaïes ont appris ta présence ici. Ils terecherchent pour l’affaire de Pattaya. Des témoinst’ont
identifiée au casino.Oksana Fibirova se décomposa. –
Bolchemoi
! Q u ’ e s t - c e q u e j e v a i s f a i r e ? – Je vais m’occuper de toi, promit EvgueniMakowski. J’ai trouvé un
endroit où tu pourras à la
220
LE PIÈGE DE BANGKOK

f o i s t r a v a i l l e r e t t e p l a n q u e r . P a s l o i n d ’ i c i . D e s clients
arabes. – Je n’aime pas les Arabes. – Ceux-là sont très gentils! Très civilisés, assurale Russe. De bons
clients de Natalya. Tu seras trai-tée comme une princesse. Habille-toi. Je t’attendsau tea-room
avec Natalya.À p e i n e h o r s d e l a c h a m b r e , i l c o m p o s a
l e numéro trouvé sur le portable de la prostituée russe.L o r s q u ’ i l e n t e n d i t u n e
v o i x t h a ï e a n n o n c e r , e n anglais : «Ici, l’Ambassade des États-Unis d’Amé-
rique, à qui voulez-vous parler?», il crut que sonc œ u r s ’ a r r ê t a i t . I l
refit le numéro, croyant à uneerreur et obtint le même résultat.
I l n ’ e u t p a s l e temps de se poser de questions : Oksana venait des o r t i r d e s a c h a m b r e ,
s o n s a c à l a m a i n . D i s s i m u - lant sa fureur, il repartit avec elle vers la sortie.N a t a l y a
I s a k o v l ’ a c c u e i l l i t c h a l e u r e u s e m e n t e t , durant le trajet, lui expliqua où elle
l’emmenait. – Un groupe de businessmen ont loué deuxétages au
Windsor Suites Hotel
, expliqua-t-elle : ilstravaillent beaucoup et ont besoin de se distraire…Seulement, ils n’aiment pas les
Thaïes, alors ils ontdemandé une très jolie Russe.O k s a n a n e r é p o n d i t p a s , s e
d isan t qu’ il seraitpeut-être plus facile là-bas de rentrer en
c o n t a c t avec ses sauveurs potentiels.I l s s e s é p a r è r e n t s u r S u k h u m v i t .
E v g u e n i p r i t N a t a l y a à p a r t q u e l q u e s m i n u t e s e t l u i s o u f f l a à l’oreille
: – Prends-lui son portable. Je t’expliquerai.O k s a n a e t N a t a l y a p r i r e n t u n t a x i . L e
Windsor
LE PIÈGE DE BANGKOK
221

Suites Hotel
se trouvait dans le
soi
2 0 ; j u s t e e n f a c e de «Bei Otto». Elles montèrent directement au sei-zième étage, après que
Natalya se fut annoncée aut é l é p h o n e . U n j e u n e A r a b e , l e b o u c b i e n t a i l l é , e n chemise
blanche, le regard brillant, les attendait surle palier.I l e m b r a s s a N a t a l y a e t
s ’ i n c l i n a s u r l a m a i n d’Oksana. – Elle est très belle, apprécia-t-il en louchant sursa
magnifique poitrine, avec un sourire gourmand.O n v a t o u t d e s u i t e l a p r é s e n t e r
a u p r i n c e M a h - m o u d . J e m ’ a p p e l l e H a d j A l i A h m e d e t j e s u i s l e secrétaire
particulier du prince Mahmoud.Natalya Isakov déclina d’un sourire. – Je vous attends là.
Oksana, laisse-moi ton sac.La jeune prostituée le lui tendit sans méfiance.O k s a n a , i n t i m i d é e ,
p é n é t r a d a n s u n e i m m e n s e suite, gardée par deux jeunes Arabes en
dichdacha
d’un blanc éblouissant. – Voici le prince Mahmoud, annonça Hadj AliA h m e d , d é s i g n a
n t u n h o m m e a f f a l é d a n s u n immense fauteuil, au milieu de la
pièce.O k s a n a e u t u n c h o c : l e p r i n c e M a h m o u d é t a i t un monstre. Au minimum
cent cinquante kilos, lebouc et les cheveux, très noirs, bien taillés, un torseénorme dégoulinant de
graisse, une serviette atta-c h é e à l a t a i l l e , d i s s i m u l a n t l e b a s d e s o n
c o r p s . Hadj Ali Ahmed lui adressa quelques mots en arabee t i l e s q u i s s a u n s o u r i r e e n e s s a y a n t
de s’arracherde son fauteuil. Dans ce mouvement, la servietteattachée autour de sa
taille, glissa, découvrant lesplis de son ventre retombant jusqu’en haut de ses
222
LE PIÈGE DE BANGKOK

c u i s s e s e t , u n s e x e a u s s i m o n s t r u e u x q u e s o n p r o - priétaire, une sorte de long gourdin mou


descendant jusqu’à mi-cuisse.Vivement, les deux jeunes Arabes ramassèrent laserviette et la remirent en
place.Oksana était clouée sur place, terrifiée.Le prince Mahmoud prononça quelques mots
enarabe, traduits par son secrétaire. – Le prince vous remercie infiniment du plaisirq u e v o u s a l l e z
l u i p r o c u r e r . I l a t r è s e n v i e d ’ u n e belle jeune femme comme vous.La Russe, dégoûtée,
battait en retraite, quand elleaperçut, dans le sitting-room, une sorte de chevalethorizontal en X. Détail
bizarre, des courroies pen-d a i e n t à c h a q u e e x t r é m i t é d e s q u a t r e
b r a n c h e s . Intriguée, elle examina l’étrange engin. Cela res-s e m b l a i t à u n
a p p a r e i l d e t o u r n a g e d e f i l m . À u n bout, un fauteuil profond, qui pouvait se
déplacersur deux rails comme un appareil de travelling. Àl ’ a u t r e , l e c h e v a l e t
m o n t é s u r u n a x e q u i l u i p e r - mettait de s’incliner de l’horizontale à la verticale.À
l’intérieur du X, il y avait un rembourrage de cuirnoir. – Qu’est-ce que c’est? demanda Oksana.Hadj Ali
Ahmed eut un sourire onctueux. – C’est un appareil pour permettre au princeMahmoud de faire un peu
d’exercice.O k s a n a r e t r o u v a N a t a l y a q u i l ’ a t t e n d a i t s u r l e palier. Elle lui dit en
russe : – Je n’aime pas ces gens. Je ne veux pas rester. – Ne fais pas de caprice! fit sèchement
Natalya.N’oublie pas que tu as les flics au cul.
LE PIÈGE DE BANGKOK
223

Elle lui tendit son sac et se dirigea vers l’ascen-seur.


***
I l é t a i t t r o i s h e u r e s l o r s q u e M a l k o , e s c o r t é d e s deux «baby-sitters», poussa la porte du
Spa Divana.Chris Jones et Milton Brabeck écoutèrent, effa-r é s , l a m e u t e d ’ h ô t e s s e s t h a ï e s
gracieuses commed e s i m a g e s , e n t r a i n d e l e u r d é t a i l l e r d ’ u n e
v o i x gazouillante les différentes possibilités du Spa. Ins-t a l l é s d a n s d e s s i è g e s d e r o t i n , d a n s l e
p e t i t s a l o n de thé à l’entrée, les deux gorilles ne comprenaientr i e n a u p r o g r a m m e q u i
s ’ é t a l a i t s u r v i n g t l i g n e s : massages, bains, SPA, nettoyage de peau, collationentre deux
exercices.Malko trancha et dit à l’hôtesse. – OK, trois N° 6.Un des programmes les plus chers,
s’étalant surp l u s d e d e u x h e u r e s . A u s s i t ô t , c h a q u e c l i e n t f u t e n t r a î n é
par deux hôtesses dans une explosion de
wais
, jusqu’à leurs cabines.Quand Chris Jones aperçut la baignoire, gracieu-s e m e n t d é c o r é e d e
f l e u r s d e s a « c a b i n e » , i l f a i l l i t s’étrangler. – C’est un truc de pédé! lança-t-il. – Si vous le
souhaitez, vous pouvez réclamer un
katoi,
suggéra Malko. – Qu’est-ce que c’est? – Un transsexuel. La spécialité de la Thaïlande.D’horreur, le
gorille faillit en laisser tomber sonGlock et protesta.
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LE PIÈGE DE BANGKOK

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– On n’est pas payé – mal – pour faire ce genred e c o n n e r i e s . Q u ’ e s t - c e q u ’ o n f o u t


i c i ? – L’unique témoin qui pourrait nous apprendrece qui se trame autour de Viktor Bout travaille
ici.Comme masseuse. Donc, gardez votre quincaille-rie à portée de main, soyez vigilant. Quand
on seraa r r i v é à l a p é r i o d e « m a s s a g e » , r é c l a m e z u n e m a s - seuse étrangère. Celle que nous
cherchons s’appelleOksana.
***
E v g u e n i M a k o w s k i r e s s o r t i t d e l ’ a m b a s s a d e d e Russie par la porte latérale du consulat
dans le
soi
Santiphop. Il avait pris sa voiture pour récupérer lem a t é r i e l e n v o y é p a r M o s c o u p o u r u n e
éventuelleliquidation de Viktor Bout : un fusil de précisionDragonov muni de sa
l u n e t t e d e v i s é e e t t r o i s p i s - tolets automatiques, munis de silencieux incorpo-rés, de
calibre 225, tirant des balles à faible vitesseinitiale.Il tourna dans Thanon Sap, passant devant l’im-
m e u b l e j a u n â t r e d e l ’ a m b a s s a d e , s i t u é e e n p l e i n Bangkok, et s’arrêta au feu rouge
de Surawong road.Juste au moment où son portable sonnait. La voixa l t é r é e d e N a t a l y a I s a k o v
l u i e n v o y a u n e g i c l é e d’adrénaline dans ses vieilles
artères. – Ils sont chez Divana, annonça la Russe d’unevoix altérée. – Qui «ils»? – Les
Amerikanski
. Ils se font faire des soins; ilsont pris le programme le plus long.
LE PIÈGE DE BANGKOK
225

E v g u e n i M a k o w s k i f u t t e l l e m e n t c h o q u é q u ’ i l oublia de redémarrer au feu


v e r t . A s s o u r d i p a r u n concert de klaxons, il lança à Natalya. –
Karacho
. Je m’en occupe.I l n ’ a l l a i t p a s r a t e r u n e o c c a s i o n p a r e i l l e .
L e s Américains se trouvaient au Spa pour deux heurese t d e m i e . I l a v a i t u n a r s e n a l d a n s
s a v o i t u r e : i l n e lui manquait plus qu’un opérateur… Il se gara surSuriwong et envoya un
texto à Dimitri Korsanov. – Où es-tu? Rappelle-moi. Urgent.Dimitri rappela cinq minutes plus
tard. – Où es-tu? jappa Evgueni Makowski. – En haut de Sathorn. – Saute dans un taxi et retrouve-
moi au «BeiO t t o » .
***
D i m i t r i K o r s a n o v é t a i t l à d e p u i s d i x m i n u t e s lorsque le gros
Russe se glissa à sa table. Le res-t a u r a n t é t a i t v i d e , à l ’ e x c e p t i o n
d ’ u n e c l i e n t e , à l’extérieur, en train de dévorer des
saucisses. – Tu sais, dit spontanément Dimitri, hier soir, j’aurais pu flinguer l’
Amerikanski
, m a i s j e m e s u i s dégonflé. Il avait deux types avec lui. Maintenant, je m’en veux. – Ne t’en
fais pas, le rassura l’agent du FSB. Ona u n e a u t r e o c c a s i o n a u j o u r d ’ h u i . C ’ e s t p o u r c e l a que je
voulais te voir.I l l u i e x p l i q u a c e q u i s e p a s s a i t e t s o r t i t d e
sasacoche un pistolet au très long canon qu’il lui
226
LE PIÈGE DE BANGKOK

glissa sous la table. Dimitri Korsanov prit


l ’ a r m e avec surprise. – Mais j’en ai déjà un! remarqua-t-il. – Celui-ci ne fait pas de bruit,
expliqua EvgueniMakowski, et il est intraçable.Fabriqué dans une usine de l’Oural, sans numérode série,
sans marque, acheminé par la valise diplo-matique. – Qu’est-ce que je dois faire? demanda Dimitri. – Une
razborka
1
expliqua Evgueni.Il reprit son portable et appela Natalya. – Renseigne-toi pour savoir dans quelles
cabinessont nos clients.Trois minutes plus tard, son portable couina.C a b i n e s 1 1 , 1 2 e t
1 3 , a n n o n ç a N a t a l y a . E l l e s donnent toutes sur la
pelouse. – Malko Linge, il est dans quelle cabine? – L’hôtesse n’a pas su me le dire, je ne parle pasa s s e z
t h a ï e t e l l e s c o n f o n d e n t t o u s l e s
farangs.
Q u ’ e s t - c e q u e t u v e u x f a i r e ? – Le ménage, laissa tomber Evgueni. – Mais ils ne trouveront rien là-
bas! pro-t e s t a N a t a l y a . O k s a n a e s t p a r t i e e t p e r s o n n e n e s a i t
o ù e l l e e s t . N e f a i s p a s d e c o n n e r i e s , s u p - plia Natalya.
On gagne beaucoup d’argent avec
lesSpa. – N’aie pas peur! fit Evgueni Makowski d’unton rassurant.L e s a u v e t a g e d e V i k t o r B o u t
passait au-
dessusd e s c o n s i d é r a t i o n s c o m m e r c i a l e s . A p r è s a v o i r
LE PIÈGE DE BANGKOK
227
1. Liquidation.
raccroché, il fixa Dimitri Korsanov et lança à voixbasse. – Tu vas chez Divana, au
soi
25. Tu as le numérodes cabines. Ils sont en train de se faire masser, pass u r l e u r s g a r d e s . T u l e s t u e s
t o u s e t t u r e v i e n s i c i . Je t’attends.
228
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE XVI
Une musique vaguement asiatique, diffusée à unn i v e a u t r è s b a s p a r d e s h a u t - p a r l e u r s
i n v i s i b l e s , encourageait la relaxation. Malko était déjà passép a r l ’ é p r e u v e
du bain, puis du massage crânien,su iv i d’un peu de
foot massage
et d’un passagedans le jacuzzi. Deux grosses Thaïlandaises
l u i avaient fait tous les ongles des pieds et des mains.Enfin, une des hôtesses du Divana, se déplaçant àgenoux
sur le parquet de teck, lui avait présenté unplateau avec un sirop thaï et des crevettes épicées.Vieille tradition
thaï…O n a r r i v a i t e n f i n a u m a s s a g e . L ’ h ô t e s s e
e n t r a , a c c o m p a g n é e d ’ u n e T h a ï e m a f f l u e , a u v i s a g e ing
rat, en blouse blanche, et annonça. – Nong va vous détendre. Vous devez dire quelmassage vous
préférez. – Je voudrais être massé par une étrangère, ditMalko en anglais. Il paraît que vous en avez de
trèsbelles.Comme l’hôtesse ne semblait pas comprendre, ilse leva, enroulé dans sa serviette et alla prendre
unel i a s s e d e b i l l e t s d a n s s e s a f f a i r e s , r a n g é e s s u r u n e

é t a g è r e . I l t e n d i t d e u x b i l l e t s d e 5 0 0 0 b a t h s e t préc
isa. –
Farang
massage.I m p a s s i b l e , l a g r o s s e m a s s e u s e t h a ï e a t t e n d a i t , u n s o u r i r e m é c a n i q u e f i g é
s u r s o n v i s a g e . P o u r n e p a s l u i f a i r e p e r d r e l a f a c e , l ’ h ô t e s s e l ’ e x p é d i a e n quelques
gazouillis et elle s’éclipsa après un
wai
unpeu sec. Malko en était gêné pour elle. Il avait l’im-pression de faire du tourisme sexuel. –
You wait
1
demanda l’hôtesse.M a l k o n ’ a t t e n d i t p a s p l u s d e d i x m i n u t e s . L a p o r t e
se rouvrit sur la même hôtesse qui s’effaçap o u r f a i r e e n t r e r
u n e j e u n e f e m m e e n b l o u s e blanche.M a l k o r e s t a i n t e r d i t : c ’ é t a i t
Mariana, sa «mas-s e u s e » d e P a t t a y a ! C e l l e - c i
e s q u i s s a u n l é g e r sourire et dit en russe
: – Je vois que vous connaissez les bons endroits. – Vous n’êtes plus à Pattaya?Mariana secoua la tête, avec
une mine dégoûtée. – On s’y emmerde et je n’aime pas aller ausoleil.C ’ e s t v r a i q u ’ e l l e a v a i t
la peau très pâle. Il sed it qu’elle était réellemen t belle.
Elle attira untabouret à elle et s’installa en face du divan
o ù M a l k o a v a i t p r i s s a c o l l a t i o n , p u i s d é b o u t o n n a posément
les boutons de sa blouse blanche, décou-vrant une superbe poitrine, puis, plus bas le
triangled’une culotte blanche. – C’est comme à Pattaya, annonça Mariana. Pas
230
LE PIÈGE DE BANGKOK
1. Attendez.

d e b o d y - b o d y , p a s d e p i p e , v o u s p o u v e z m e t o u - cher. J’aime bien sur les


s e i n s , s i v o u s n ’ ê t e s p a s b r u t a l . M o i , j e v a i s v o u s f a i r e u n e s u p e r b e b r a n l e t t e . Tout ça
pour seulement 200 dollars.Elle tendait la main vers lui, paumes en l’air. – Merci, dit-
il, ce n’est pas mon truc.M a r i a n a s e l e v a e t e n t r e p r i t d e r e b o u t o n n e r s a blouse
blanche. – Ce n’était pas la peine de me déranger! lâcha-t-elle. – Vous connaissez Oksana? fit Malko.Elle le
toisa, à la fois furieuse et intriguée. – Vous m’avez déjà posé la même question àP a t t a y a . J e v o u s
a i d i t « n o n » . – Je sais qu’elle travaille ici, insista Malko.Demandez aux autres filles et revenez.
Vous aurezvos deux cents dollars.Mariana sembla hésiter, puis tendit la main versMalko, à
nouveau. – L’argent d’abord.Quand Mariana eut les billets, elle les glissa danss o n s l i p e t l a n ç a : –
Karacho
. Vous ne dites rien à personne.À p e i n e é t a i t - e l l e p a r t i e , q u ’ u n e p e t i t e
T h a ï e entra à son tour, se déshabilla, ne gardant qu’un slipm i n u s c u l e , e t c o m m e n ç a à s ’ e n d u i r e
d ’ h u i l e o d o - rante afin de lui administrer un «body-body» digned e c e n o m . E l l e f i t
s ’ é t e n d r e M a l k o s u r l e m a t e l a s p o s é s u r le sol et commençait à s’allonger sur lui lorsque
laporte se rouvrit sur Mariana. Celle-ci s’approcha etd i t e n r u s s e :
LE PIÈGE DE BANGKOK
231

– Elle est partie ce matin, avec Natalya. On nes a i t p a s o ù e l l e e s t . E l l e a p r i s s e s


a f f a i r e s . I l y a quelqu’un à qui vous pourriez demander : DimitriK o r s a n o v . J e v i e n s d e
l e c r o i s e r à l a r é c e p t i o n . J e me demande vraiment ce qu’il fait ici, il n’a pas lesmoyens de s’offrir
le Divana.Le pouls de Malko était déjà au ciel. Il se relevasi brusquement que la petite
masseuse thaïe glissaà terre et se releva avec un sourire contraint. Malkose rua vers l’étagère où se trouvaient
ses affaires. Ils o r t i t d e s a s a c o c h e l e p e t i t « d e u x p o u c e s » e t
s e retourna.Mariana le fixait, ahurie. – Vous êtes un flic, lança-t-elle. – Non.I l n ’ e u t p a s l e
t e m p s d ’ e n d i r e p l u s . L a p o r t e venait de s’ouvrir, repoussant Mariana en
arrière.Une silhouette athlétique s’encadra dans le bat-t a n t : l e p u i s s a n t D i m i t r i
K o r s a n o v , u n p i s t o l e t a u très long canon dans la main droite.Mariana, figée sur place,
murmura : –
Bolchemoi
!E l l e s e t r o u v a i t e x a c t e m e n t e n t r e M a l k o e t Dimitri
Korsanov. Ce dernier l’écarta brutalement,visant Malko. Celui-ci tira le premier, deux fois des u i t e .
L ’ é n o r m e R u s s e t i t u b a e t r e c u l a , a p p u y a n t automatiquement sur la détente de son
arme.Il y eut deux «ploufs» caractéristiques des silen-cieux et Mariana poussa un cri bref.
Titubant, ellee s s a y a d e s ’ a g r i p p e r à l a p o r t e , p u i s s ’ e f f o n d r a , déchirant
les boutons de sa blouse, découvrant sesc u i s s e s j u s q u ’ à l ’ a i n e . D i m i t r i r e c u l a e t
disparut
232
LE PIÈGE DE BANGKOK

dans le couloir. Malko se pencha vers Mariana. Ilé t a i t c e r t a i n d ’ a v o i r


t o u c h é l e R u s s e e t c e l u i - c i n’irait pas loin… Une mousse rosâtre perlait
auxl è v r e s d e l a j e u n e f e m m e e t e l l e r e s p i r a i t
p a r saccades.M a l k o é t a i t e n t r a i n d e l a r e l e v e r q u a n d
u n e violente fusillade éclata dans le couloir.
***
Dimitri Korsanov, une balle dans l’épaule et unedans le flanc gauche, aurait peut-être pu s’échappersi les deux
portes des cabines voisines ne s’étaiento u v e r t e s s u r d e u x g é a n t s e n c a l e ç o n ,
b r a n d i s s a n t c h a c u n u n G l o c k 9 m m . I l s n ’ h é s i t è r e n t p a s u n e fraction de
seconde : on se serait cru dans un standde tir… Les portes des cabines voisines s’ouvrirentsur des visages
affolés, des hôtesses accoururent enpiaillant.Mariana ne respirait plus. Malko fonça à son tourd a n s l e
c o u l o i r . S o n « d e u x p o u c e s » a u p o i n g . L e s deux gorilles avaient vidé leurs chargeurs.
Le grandRusse au bouc blond gisait à plat dos au milieu ducouloir, criblé de balles, au moins trois dans
la tête,et le reste réparti équitablement entre le torse et lev e n t r e . I l é t a i t
t e l l e m e n t m o r t q u ’ o n p o u v a i t s e demander s’il avait jamais été vivant… –
Holy cow
! soupira Chris Jones, je croyais quec’était un endroit tranquille… Moi qui commençaisà prendre goût
à ces trucs-là… – Rhabillez-vous, suggéra Malko. La police ne
LE PIÈGE DE BANGKOK
233

va pas tarder. J’appelle Gordon. Sinon, il risque d’yavoir des malentendus.


***
Gordon Backfield, accompagné d’un diplomated e l ’ a m b a s s a d e a m é r i c a i n e ,
d i s c u t a i t â p r e m e n t avec le colonel Sathorn, de la Royal Thaï
Police,r e s p o n s a b l e d u s e c t e u r 8 d e B a n g k o k . O n a v a i t recouvert
le corps de Dimitri Korsanov d’un drapd é j à m a c u l é d e s a n g e t l e s c l i e n t s d u
S p a a v a i e n t tous déguerpi avant l’arrivée de la police.D a n s l e s a l o n d e t h é , t o u t e s l e s
h ô t e s s e s é t a i e n t serrées les unes contre les autres, comme des cha-t o n s e f f r a y é s ,
i n t e r r o g é e s p a r p l u s i e u r s p o l i c i e r s thaïs.L e c h e f d e S t a t i o n d e l a C I A é t a i t
n o n s t o p a u téléphone, cherchant à joindre le supérieur du colo-nel Sathorn. Il parvint enfin à
atteindre TawatchaiR o n g r u , l e p a t r o n d e l a N a t i o n a l
I n t e l l i g e n c e Agency, les Services thaïs.Pas question que Chris et Milton se retrouvent
enprison pour avoir fait leur devoir.A s s i s s u r u n e c h a i s e e n f a c e d e l u i , l e
colonelS a t h o r n s e d e m a n d a i t c o m m e n t i l a l l a i t
r e t i r e r quelque bénéfice de cet incident. Un
farang
tué,cela ne passait pas inaperçu. D’autre part, il sentaitbien qu’il n’avait pas affaire à des touristes
impuis-
sants…L ’ a r r i v é e d u g é n é r a l c o m m a n d a n t l a p o l i c e r o y a l e
de Bangkok mit fin à ses états d’âme. S’ily a v a i t d e l ’ a r g e n t à
p r e n d r e , c ’ e s t l u i q u i s ’ e n
234
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e m p a r e r a i t . L e s A m é r i c a i n s é t a i e n t c h e z e u x à Bangkok… Il
était certain de la façon dont l’affairese terminerait. On leur rendrait leurs armes et il n’ya u r a i t p a s
d ’ e n q u ê t e . A p r è s t o u t , i l n ’ y a v a i t e u qu’un mort : un
farang
.E t e n p l u s , u n R u s s e , q u i a p p a r e m m e n t , a v a i t déjà fait de la prison en
Thaïlande pour d’obscuresaffaires de trafic de faux papiers.A u t r e m e n t d i t , u n e c r é a t u r e
n é g l i g e a b l e , q u i s e réincarnerait probablement en cafard ou en insecte.
***
Evgueni Makowski se gara dans le
soi
perpendi-c u l a i r e à T h a n o n S a p e t s o n n a à l a p o r t e d e l ’ a m - bassade de Russie, côté consulat.
L’ouverture de laporte se déclencha quelques instants plus tard, sansqu’on ne lui ait rien demandé : il
était connu.D e p u i s l e m o m e n t o ù N a t a l y a I s a k o v l u i a v a i t a p p r i s c e q u i v e n a i t
d e s e p a s s e r a u S p a D i v a n a , i l ne vivait plus. Partagé entre la fureur et l’angoisse.Que
Dimitri Korsanov ait été abattu, c’était fâcheuxe t t r i s t e , m a i s p a s v r a i m e n t g r a v e . I l s ’ e n
v o u l a i t q u a n d m ê m e u n p e u d e l ’ a v o i r e n v o y é l i q u i d e r u n homme aussi protégé que cet
agent de la CIA.P a r c o n t r e , l a p o l i c e t h a ï e , e t d o n c , l e s A m é r i - cains, allaient
découvrir le pistolet muni d’un silen-c i e u x e n v o y é d e M o s c o u . M ê m e s ’ i l n ’ y a v a i t p a s de lien
direct avec les autorités officielles russes quipourraient toujours nier, c’était ennuyeux.Pour ne pas
dire plus.D é s o r m a i s , l e s A m é r i c a i n s a v a i e n t u n e p r e u v e
LE PIÈGE DE BANGKOK
235

m a t é r i e l l e d e l ’ i n v e s t i s s e m e n t d u F S B d a n s l ’ a f - faire Viktor Bout. Sans parler des


Services thaïs quirisquaient de s’intéresser à lui, connaissant son lienavec le FSB.En plus, il allait devoir
affronter la fureur d’IgorKrassilnikov et de Natalya, à cause de la perturba-t i o n d u r é s e a u d e
prostitution. Le colonel respon-s a b l e d u 8
e
district allait exiger un supplément desa prime de protection pour laisser le Spa ouvert.Même
pour les clients, c’était mauvais : un éta-b l i s s e m e n t d e r e l a x a t i o n o ù o n s ’ e x p l i q u e a u
p i s - tolet dans les couloirs, ne donne pas l’image d’uneo a s i s d e c a l m e . C ’ é t a i t m o i n s
g r a v e , m a i s i l a v a i t besoin d’eux.Il avait déjà envoyé un texto à Igor Krassilnikov,résumant
succinctement la situation. Et lui deman-d a n t d ’ e n v o y e r à B a n g k o k G l e b
P a p o u c h i n e e t Boris Titov. Il allait avoir besoin de main-d’œuvre.D a n s c e t o c é a n d e
m a u v a i s e s n o u v e l l e s , i l n ’ y avait qu’un point positif : il avait mis à temps cettesalope
d’Oksana à l’abri.I l s u r s a u t a . A l e x a n d e r T i m o n i n , o f f i c i e l l e m e n t v i c e - c o n s u l d e
R u s s i e , v e n a i t d ’ o u v r i r l a p o r t e d e son bureau et lui tendait la main. –
Dobredin
, Evgueni Ivanovitch. Que se passe-t - i l ? – Nous avons un problème, annonça sobrementEvgueni.L e
v i c e - c o n s u l é t a i t , a u s s i , l e r e p r é s e n t a n t d u FSB à Bangkok.
***
236
LE PIÈGE DE BANGKOK

La plupart des boutiques de Yeovarat commen-ç a i e n t à f e r m e r . L e s C h i n o i s a v a i e n t


h â t e d ’ a l l e r retrouver leur famille. Et, comme il n’y avait pasb e a u c o u p d e
c l i e n t s , i l s n e p e r d a i e n t p a s g r a n d - chose…Le taxi se traînait dans Meung road,
englué dansl a c i r c u l a t i o n . C h r i s J o n e s e t M i l t o n B r a b e c k s u i - v a i e n t d a n s u n
v é h i c u l e b a n a l i s é d e l ’ a m b a s s a d e américaine, conduit par un employé thaï de
l’am-b a s s a d e . A p r è s d e l a b o r i e u s e s d i s c u s s i o n s e t u n é c h a n g e
a s s e z c o n s é q u e n t d ’ a r g e n t , l e c o l o n e l Sathorn, sur l’amical conseil du
patron de la Natio-n a l I n t e l l i g e n c e A g e n c y , a v a i t a c c e p t é d e r e n d r e l e u r s a r m e s à
Malko et à ses deux «baby-sitters».L e c o l o n e l S a t h o r n a v a i t l u i - m ê m e d i c t é à
u n e secrétaire un procès-verbal officiel destiné au clas-s e m e n t d e l ’ a f f a i r e . U n e f u s i l l a d e e n t r e
un Russe,devenu «amok» à la suite d’un abus de
Yaa Baa
etun Special Agent de la DEA qui, Dieu merci, ne seséparait jamais de son arme.
Heureusement, aucuncitoyen thaï n’avait été touché.L e c o r p s d e D i m i t r i
Korsanovavaitété transportéà la morgue et le colonel Sathorn attendait
q u ’ o n v i e n n e l e r é c l a m e r . C e l a a p p o r t e r a i t u n p e t i t s u p - plément financier de
plus…L e t a x i d e M a l k o s ’ a r r ê t a d e v a n t l e
Grand C h i n a P r i n c e s s H o t e l
. I l e n d e s c e n d i t e t p r i t l’ascenseur pour le dixième
étage, priant pour quel ’ e n v o y é d u g é n é r a l P h r a
S a m u t p r a k a n a m è n e vraiment l’information qu’il
cherchait. Le gou-
LE PIÈGE DE BANGKOK
237
v e r n e m e n t t h a ï a l l a i t - i l l i v r e r V i k t o r B o u t
a u x É t a t s - U n i s ? L a s a l l e d u r e s t a u r a n t o ù i l a v a i t d é j à r e t r o u v é Ling Sima,
était un peu plus animée que la dernièrefois. Une hôtesse le conduisit directement dans undes petits
salons.L i n g S i m a , e n r o b e v e r t é m e r a u d e c h i n o i s e f e r - m é e j u s q u ’ a u c o u , p r e s q u e
sans maquillage, étaita c c o m p a g n é e d ’ u n T h a ï f l u e t , d ’ u n e
q u a r a n t a i n e d’années, en chemise rayée, qui ressemblait vague-ment à une fouine.La Chinoise fit les
présentations. – Le neveu du très honorable général PhraS a m u t p r a k a n . J e p e n s e q u ’ i l
a d e s i n f o r m a t i o n s intéressantes à vous communiquer.L e n e v e u , q u i p o r t a i t
u n n o m i m p r o n o n ç a b l e , accueillit Malko avec un
wai
p r o l o n g é e t s o l e n - n e l . À p e i n e c e d e r n i e r a s s i s , q u ’ i l l u i v e r s a d ’ a u - torité un
verre de
Mékong
. Par politesse, Malko nerecracha pas le liquide nauséabond.C’était le prix à payer pour
connaître le sort queles Thaïs réservaient à Viktor Bout.
238
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE XVII
R e n c o g n é d a n s l e c o i n l e p l u s s o m b r e d e « B e i Otto», Evgueni Makowski essayait
de se détendre.Lui qui ne buvait jamais, avait vidé deux chopes deb i è r e c o u p s u r c o u p . S a n s q u ’ i l
s e s e n t e v r a i m e n t mieux. Il regarda sa montre : sept heures et demie.G l e b P a p o u c h i n e
e t B o r i s T i t o v a u r a i e n t d é j à d û être là depuis une demi-heure.I l n e
m a n q u a i t p l u s q u ’ i l s s e d é f i l e n t … C e l a couronnerait une journée
catastrophique dont il sesouviendrait toujours…Son entrevue avec Alexander Timonin, le repré-
sentant du FSB à Bangkok, avait été tendue. Le faitq u ’ u n e a r m e e n d o t a t i o n d u
F S B s o i t e n t r e l e s mains des Américains et des Thaïs était plus
q u e fâcheux et Alexander Timonin n’avait pas été loind e l u i r e p r o c h e r u n e o p é r a t i o n
i m p r o v i s é e , d o n c , m a l p r é p a r é e . E v g u e n i M a k o w s k i n ’ a v a i t p u q u e reconnaître sa
responsabilité dans la fin tragique deDimitri Korsanov. – Il faut faire profil bas, avait conseillé le chef d e l a
Rezidentura.

Evgueni s’attendait à ce conseil. Qu’il entrepritde réfuter, point par


point. – Nous ne savons toujours pas quel sort lesT h a ï s v o n t r é s e r v e r à V i k t o r B o u t ,
s o u l i g n a - t - i l . M o s c o u m ’ a d e m a n d é d e p r é p a r e r u n e o p é r a t i o n pour le
libérer et, ensuite, l’exfiltrer. Or, les
Ame-rikanski
s e r a p p r o c h e n t d e p l u s e n p l u s . I l s s o n t même arrivés jusqu’à ce Spa, où, à
quelques heuresprès, ils trouvaient Oksana Fibirova. Je ne peux rienfaire s’ils restent dans mes
pattes. – Que suggérez-vous? avait demandé Alexan-der Timonin, d’une voix arrivant en droite ligne
deSibérie. – Éliminer cet agent de la CIA, afin que nousa y o n s l e s m a i n s l i b r e s p o u r u n e
é v e n t u e l l e o p é r a - tion. Nous sommes à une semaine du jour J. En unlaps de temps aussi court, les
Amerikanski
n’aurontpas le temps de le remplacer.Alexander Timonin avait gardé le silence un longmoment avant de
demander. – Vous avez un plan opérationnel. Qui marche,c e t t e f o i s - c i ? Evgueni Makowski s’était
attendu à la question. – Oui.A l e x a n d e r T i m o n i n l ’ a v a i t é c o u t é s a n s l ’ i n t e r -
rompre, concluant : – Je vais envoyer un message urgent à Moscou.E n d o n n a n t u n a v i s f a v o r a b l e .
M a i s j ’ e s p è r e q u e , cette fois, cela marchera. Dans le cas contraire, ceserait une mauvaise
chose pour vous, comme pourmoi. – Ça marchera! avait juré Evgueni.
240
LE PIÈGE DE BANGKOK
À peine sorti de l’ambassade, il avait foncé chezNatalya Isakov qui l’avait accueilli par une
bordéed’injures. – À cause de toi, j’ai perdu une de mes plusb e l l e s f i l l e s ! L e s
g e n s , c h e z D i v a n a , s o n t p a n i - qués. Le salaud de colonel Sathorn
n o u s t a x e d e 10000 dollars pour ne pas fermer l’établissement.Evgueni Makowski l’avait écoutée,
résigné. Lors-qu’elle s’était tue, la bouche sèche, il avait riposté. – J’ai le feu vert de Moscou pour éliminer cetagent
américain. J’ai aussi une idée. Tu es toujoursb r a n c h é e s u r l a p e t i t e K a t ? – Oui. Pourquoi?K a t
é t a i t f e m m e d e c h a m b r e a u S h a n g r i - L a e t faisait parfois des extras pour
Natalya. – J’ai besoin d’un passe capable d’ouvrir toutesles chambres du Shangri-
La. – Tu es fou! murmura la Russe. Je ne veux pasmarcher là-dedans…E v g u e n i M a k o w s k i l u i j e t a u n
r e g a r d f é r o c e e t lâcha d’une voix douce. – Tu as envie de voir les
Amerikanski
d é b a r - q u e r d e n o u v e a u c h e z t o i ? I l s c h e r c h e n t t o u j o u r s Oksana. Tu sais ce que j’ai
découvert : elle a appeléla nuit dernière l’ambassade américaine de son por-table… Ce n’était pas pour
demander l’heure.N a t a l y a p â l i t . A p r è s a v o i r a v a l é s a s a l i v e , e l l e lâcha. –
Dobre
. Je vais m’en occuper. Je ne sais pas sielle travaille
aujourd’hui. – Fais vite. Autre chose, appelle Igor, dis-lui, sic e n ’ e s t p a s d é j à f a i t , d ’ e n v o y e r
immédiatement
LE PIÈGE DE BANGKOK
241

G l e b e t B o r i s à B a n g k o k . Q u ’ i l s s o i e n t à
s e p t h e u r e s a u « B e i O t t o » . – Pourquoi tu ne le fais pas toi-
même? – Parce que l’appel venant de toi est plusnormal.I l é t a i t s o r t i d e c h e z N a t a l y a a v e c
l ’ i m p r e s s i o n d’avoir disputé un match de boxe.
***
B o r i s e t G l e b é t a i e n t e n f i n a r r i v é s . À
c ô t é d’Evgueni Makowski, une tablée entière de prosti-t u é e s v i v a n t a u N o v o t e l
é t a i e n t v e n u e s s e r e f a i r e une santé, engloutissant des platées de choux,
d e pommes de terre et de saucisses, importées d’Alle-magne à prix d’or.G l e b
P a p o u c h i n e , q u i a v a i t l e c e r v e a u l e p l u s gros, entama fortement sa bière et se
pencha à tra-vers la table. – Pourquoi tu nous as fait venir à Bangkok?L’ancien OMON s’était
distingué en Tchétché-nie par sa cruauté. Éventrant les femmes enceintes,c h â t r a n t l e s
bolviki
e t a m a s s a n t u n e c o l l e c t i o n d’oreilles tchétchènes, qu’il avait très bien
reven-dues par la suite, à Moscou.B o r i s T i t o v , l u i , f i x a i t l a
p o i t r i n e d ’ u n e f i l l e attablée plus loin, avec un regard à la fois
b o v i n , gourmand et méchant. – Pour faire un truc qui va vous changer de votreboulot de mac, laissa
tomber Evgueni Makowski.Il eut un geste expressif, passant un pouce devantsa gorge.
242
LE PIÈGE DE BANGKOK

L e s d e u x R u s s e s n e b r o n c h è r e n t p a s .
G l e b Papouchine demanda simplement. – Combien? – 500000 baths, un billet d’avion pour Phuket ett r o i s
m o i s l à - b a s . N a t a l y a o u v r e u n e « f r a n c h i s e » . On aura besoin de protection. Phuket, c’est
super,beaucoup mieux que Pattaya. – C’est qui, le mec? Un local?I l s n ’ a i m a i e n t p a s
t r o p s ’ a t t a q u e r a u x T h a ï s , connaissant la susceptibilité de la police
locale. – Non. – Ah bon!Evgueni Makowski leur jeta un regard
ironique. – Ne pavoisez pas! C’est le mec que vous avezv u à P a t t a y a . L e g r a n d b l o n d q u i e s t
venu «bavar-d e r » a v e c I g o r . –
Bolchemoi
! m u r m u r a B o r i s . C ’ e s t 5 0 0 0 0 0
chacun
, alors. Ce mec n’est jamais seul. – Si, assura Evgueni. – Quand? – Quand il est sous sa douche. – Il la
prend en public? ricana Gleb Papouchine. – Non, j’ai quelqu’un qui va me filer un passeq u i o u v r e
t o u t e s l e s p o r t e s d u S h a n g r i - L a . U n e femme de chambre. Demain, je
v o u s l e d o n n e r a i , avec de l’artillerie. Ensuite, vous n’avez plus qu’àv o u s a s s u r e r q u ’ i l e s t
dans sa chambre, en le sur-veillant, d’attendre qu’il dorme ou qu’il soit danss a
s a l l e d e b a i n s e t … « b o u m » . Les deux Russes demeurèrent
silencieux. – Et les deux monstres qui ne le lâchent pas?demanda Boris Titov.
LE PIÈGE DE BANGKOK
243

– Il ne les cache pas sous son lit. Vous aurez desa r m e s q u i n e f o n t p a s d e b r u i t . V o u s


s e r e z d é j à à Phuket quand on s’apercevra qu’il est mort… –
Dobre
, fit Gleb Papouchine. Il faut la
m o i t i é avant… – Vous l’aurez, demain matin avec le matos.Rendez-vous ici. Midi.Il était déjà en train de
se
lever. – Vous ne dînez pas avec nous? – J’ai un autre dîner. – Vous savez pas où on pourrait trouverO k s a n a ?
I l p a r a î t q u ’ e l l e b o s s e i c i . – Elle estprise,fitsobrement Evgueni Makowski.E t b i e n p r i s e , s e d i t
l’agent du FSB. Si elle sor-t a i t i n t a c t e d e s m a i n s d e s A r a b e s , i l l a l i v r e r a i t
à Boris.
***
Attachée par des bracelets de cuir serrés autourde ses poignets et de ses chevilles,
le bois du che-v a l e t l a m e u r t r i s s a n t d o u l o u r e u s e m e n t ,
O k s a n a F i b i r o v a a u r a i t d o n n é n ’ i m p o r t e q u o i p o u r n e p a s se trouver là.Certes, elle
avait déjà participé, en service com-mandé, à des soirées sado-masos, mais cela
n’allait jamais loin avec les Thaïs. Ce n’étaient pas descompliqués. Là, c’était différent. Lorsqu’elle
étaita r r i v é e , o n a v a i t é t é t r è s g e n t i l a v e c e l l e , l u i a s s i - gnant une chambre somptueuse,
à côté de celle dup r i n c e M a h m o u d . H a d j A l i A h m e d , l e s e c r é t a i r e , l u i a v a i t a p p o r t é
un peignoir, des fruits et envoyé
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d e u x p e t i t e s T h a ï e s l u i e n d u i r e l e c o r p s d e c r è m e parfumée. Elle avait juste eu une


petite inquiétudelorsque les filles, après l’avoir enduite sous toutesl e s c o u t u r e s , l u i a v a i e n t
r a s é l e p u b i s , c o m p l é t a n t leur travail à la cire, puis avaient enduit longuementet minutieusement son
anus de crème.O k s a n a n ’ a i m a i t p a s c e l a . E n R u s s i e , e l l e a v a i t é t é v i o l é e d e c e t t e
f a ç o n - l à p a r s o n c o p a i n e t c e l a s’était mal passé.À peine les filles parties, elle s’était jetée sur
sonsac, à la recherche de son portable. Ne le trouvantpas, elle avait paniqué pour de bon. Elle se
revoyaitl e g l i s s a n t d a n s s o n s a c l o r s d e s o n d é p a r t d u S p a . Il n’avait pas pu tomber. Donc, on
le lui avait volé.Et cela ne pouvait être que Natalya à qui elle avaitc o n f i é s o n s a c .
L a R u s s e n e v o l a i t p a s l e s p o r - tables… Donc, elle
l ’ a v a i t f a i t s c i e m m e n t . E l l e repensa à son appel à l’ambassade
a m é r i c a i n e e t sentit son pouls exploser. Si on en trouvait la trace,ils la tueraient.Elle se rua sur le
téléphone fixe : pas de tonalité.Rhabillée en hâte, elle fonça vers la porte et débou-c h a d a n s u n l o n g
c o u l o i r . L a p o r t e d o n n a n t s u r l e palier était gardée par deux Arabes massifs, qui luifirent
signe de rentrer dans sa chambre.E l l e o b t e m p é r a e t f o n ç a v e r s l a
b a i e v i t r é e . Impossible de l’ouvrir : elle était scellée! À traversla glace, elle
apercevait les voitures, les piétons…La vie.Elle s’assit sur le lit, terrifiée.E n p l e i n
B a n g k o k , e l l e é t a i t p r i s o n n i è r e ! D a n s l’incapacité de communiquer ou de se sauver.
LE PIÈGE DE BANGKOK
245

Sans s’en rendre compte, elle s’était endormiel o r s q u e l a p o r t e


s ’ o u v r i t s u r H a d j A l i A h m e d e t deux jeunes gens à l’allure bizarre, maquillés,
pré-cieux, mais très musclés. Elle comprit, en un éclair,q u e c ’ é t a i e n t d e s e u n u q u e s ,
c e u x q u e l e s T h a ï s appelaient les «
katoi
». Les transsexuels. – Le prince vous attend, annonça Hadj AliAhmed, de sa voix parfaitement
contrôlée.O k s a n a n e d e m a n d a p a s p o u r q u o i e t s e l e v a , l e suivant comme une
automate.O n l a f i t e n t r e r d a n s l a s u i t e o ù e l l e é t a i t d é j à v e n u e . A u
m i l i e u , s e t r o u v a i t l ’ é t r a n g e a p p a r e i l qui l’avait intriguée, aux deux
p a r t i e s r e l i é e s p a r des rails. À gauche, un fauteuil profond, coulissants u r d e s r a i l s e t , à
d r o i t e , l e g r a n d c h e v a l e t e n X , légèrement incliné.L e s d e u x c a s t r a t s l ’ y
p o u s s è r e n t e t , e n u n c l i n d’œil, elle se retrouva impuissante, ligotée par lespoignets et
les chevilles. Le cuir lui entrait dans lapeau.U n e m u s i q u e o r i e n t a l e
c o m m e n ç a à s ’ é l e v e r dans la pièce.Une voix chuchota à son
oreille. – Le prince Mahmoud vient vous rendre visite.E l l e n e p o u v a i t q u e t o u r n e r l a t ê t e . L a
v u e d e l a silhouette monstrueuse du prince Mahmoud la ter-rifia. Il devait peser dans les cent
cinquante kilos.Un monstre qui se déplaçait lentement, pouvantà peine mettre un pied devant
l’autre.O k s a n a n e p o u v a i t d é t a c h e r l e s y e u x d u s e x e d é m e s u r é q u i
pendait, inerte, le long de sa cuisse.E l l e n ’ e n a v a i t j a m a i s v u d ’ a u s s i g r o s ,
ni d’aussi
246
LE PIÈGE DE BANGKOK

long. Une sorte d’elephantiasis… Son regard croisac e l u i d u p r i n c e M a h m o u d e t e l l e s e


s e n t i t g l a c é e jusqu’à l’os.L ’ é n o r m e A r a b e s o r t i t d e s o n c h a m p d e v i s i o n mais aussitôt,
un castrat apporta un miroir inclinée t l e p l a ç a d e v a n t O k s a n a , d e f a ç o n à c e
q u ’ e l l e puisse voir le prince Mahmoud qui venait de s’ins-taller dans le fauteuil, aidé par les
deux castrats.O n l u i a p p o r t a u n v e r r e d ’ e a u e t , p e n d a n t q u ’ i l b u v a i t , l e s d e u x j e u n e s
Arabes s’installèrent à sesp i e d s , s u r d e s c o u s s i n s , e t
c o m m e n ç è r e n t à l u i manipuler le sexe.Avec des gestes habiles de femme,
alternant lesm a i n s e t l e s c a r e s s e s d e l e u r s b o u c h e s . L e p r i n c e a v a i t f e r m é l e s y e u x e t
s e l a i s s a i t f a i r e . O k s a n a s e dit qu’ils n’arriveraient jamais à faire se dresser cemonstre. Elle
ferma les
yeux.L o r s q u ’ e l l e l e s r o u v r i t , e l l e r e t i n t u n c r i
: l ’ é n o r m e m a t r a q u e s e r e l e v a i t p e u à p e u , s o u s l e s caresses des castrats.L’un d’eux, en
introduisait le gland violacé danss a b o u c h e , p u i s l e m a s t u r b a i t f r é n é t i q u e m e n t : d e temps en
temps, le prince Mahmoud laissait échap-per un grognement de plaisir, sans ouvrir les yeux.C e l a
d u r a l o n g t e m p s , t r è s l o n g t e m p s . O k s a n a avait perdu la notion du temps et la musique
orien-tale lui envahissait le crâne, la plongeant dans unesorte de détachement. Soudain, elle rouvrit les
yeuxet sentit son estomac se contracter.L e s e x e m o n s t r u e u x é t a i t
d é s o r m a i s d r e s s é , presque à la verticale. Une érection
monstrueusequi évoquait un âne. Un des castrats prit un petit
LE PIÈGE DE BANGKOK
247
miroir et le plaça de façon à ce que le prince Mah-m o u d p u i s s e l ’ a p e r c e v o i r a u - d e l à d e s
p l i s d e s o n ventre.L’Arabe sembla extrêmement satisfait du spec-tacle et lança quelques
mots.A u s s i t ô t , l e s c a s t r a t s s a i s i r e n t d e u x c o r d e l e t t e s q u i p e r m e t t a i e n t d e f a i r e
glisser le fauteuil sur lesrails, et tirèrent. Il y eut quelques grincements etl e
f a u t e u i l d u p r i n c e c o m m e n ç a à s e r a p p r o c h e r d’Oksana.E l l e s e r r a
l e s d e n t s e t é t o u f f a u n c r i l o r s q u e l’énorme membre lui effleura
l e s c r o t u m . C ’ é t a i t chaud, humide et dur.P e n d a n t q u e l q u e s s e c o n d e s , e l l e
e s p é r a q u ’ i l a l l a i t s e c o n t e n t e r d e l a p r e n d r e p a r l e s e x e , m a i s son espoir fut vite
déçu.Un des castrats se précipita et, prenant le sexe dup r i n c e à p l e i n e s m a i n s , l e p l a ç a u n p e u
p l u s h a u t , juste sur l’ouverture des reins d’Oksana. Celle-cihurla. D’abord en anglais, puis en
russe. – Non, non, c’est impossible. Il est trop gros…V i s i b l e m e n t , l e s d e u x c a s t r a t s s e
r é g a l a i e n t d u spectacle. Délicatement, ils firent avancer le fau-t e u i l d e
quelques centimètres. Oksana sentit legland mafflu appuyer
s u r s o n s p h i n c t e r e t f a i l l i t défaillir. En même temps, le second castrat mas-
turbait rapidement l’énorme tige pour lui conserversa vigueur.M i l l i m è t r e p a r m i l l i m è t r e ,
O k s a n a s e n t a i t s o n sphincter céder, s’ouvrir. Se disant qu’elle allait
êtred é c h i r é e , m u t i l é e . F a i s a n t c o r p s a v e c l e c h e v a l e t , e l l e ne pouvait se dérober. Pendant
quelques secondes,
248
LE PIÈGE DE BANGKOK

e l l e s e d i t q u ’ e l l e a l l a i t s ’ e n t i r e r a v e c c e c o n t a c t , certes répugnant, mais pas trop douloureux.À ce


moment, elle vit les deux castrats saisir cha-cun une des cordelettes permettant de faire avancerle fauteuil.
Elle se raidit de toutes ses forces, maisla pression était trop forte.Soudain, elle poussa
un hurlement inhumain. Lem o n s t r u e u x p h a l l u s v e n a i t d e p é n é t r e r e n e l l e
d e plusieurs centimètres. Elle hurla sans discontinuer,tandis qu’elle sentait le membre l’envahir sauvage-ment.Il
y eut une pause. Les deux castrats sautaient
de joie en battant des mains, et en criant. – Ça entre! Ça entre!À travers ses larmes, Oksana croisa le
regard dup r i n c e M a h m o u d . I l e x p r i m a i t u n e f é l i c i t é s a n s l i m i t e
e t e n m ê m e t e m p s , u n e j o i e f é r o c e . E n c e t instant, Oksana le haïssait de toutes ses
forces. Ladouleur la submergea de nouveau. Tirant les câbles,l e s d e u x c a s t r a t s f a i s a i e n t p é n é t r e r
d a n s s e s i n t e s - tins la totalité du membre.La Russe sentit brutalement une chaleur
internel’envahir; elle faillit vomir et perdit connaissance.Juste comme le prince Mahmoud se vidait en
elleavec des cris aigus, sous les applaudissements desdeux castrats.Lorsqu’elle reprit connaissance,
elle était dans sac h a m b r e . O n l ’ a v a i t l a v é e , n e t t o y é e e t e l l e a v a i t envie de
mourir.E l l e s e d e m a n d a s i l e s A m é r i c a i n s l a r e t r o u v e - raient.
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CHAPITRE XVIII
Comme il se doit, aucun sujet sérieux n’avait étéa b o r d é p e n d a n t l a d é g u s t a t i o n
s a c r é e d u c a n a r d laqué et de ce qui allait avec. Le plateau central del a t a b l e
n’arrêtait pas de tourner et chacun se ser-vait comme il le voulait. On en était à
u n e e x c e l - lente soupe faite de la chair du canard additionnéed e c h o u x , l o r s q u e l e s d e u x
s e r v e u s e s v i n r e n t t o u t ôter, ne laissant que le thé.L e n e v e u d u g é n é r a l P h r a
S a m u t p r a k a n é r u c t a un discret rot, signifiant que le repas avait été par-f a i t e t a d r e s s a
u n s o u r i r e à M a l k o , e n m u r m u r a n t quelques mots en thaï à Ling Sima. – Notre ami souhaite
savoir ce que tu attends delui…C o m m e s ’ i l n e l e s a v a i t p a s … L i n g S i m a é t a i t censée
l’avoir mis au courant. – Tu ne le lui as pas dit? – Si, mais il veut l’entendre de ta bouche.C o m m e i l n e
parlait que thaï et chinois, c’étaitv r a i m e n t d u l u x e … N é a n m o i n s , M a l k o
s e l a n ç a dans son explication, traduite au fur et à mesurepar Ling Sima.
Lorsqu’elle eut terminé, le jeune
homme hocha la tête et lâcha une longue phrase
enchinois. – C’est effectivement le général Samutprakan,son oncle, qui est en charge du dossier Viktor Bout.I l
l u i a é t é r e m i s p a r l e P r e m i e r m i n i s t r e q u i l u i laisse le choix de la
décision.Malko se lança à l’eau. – Votre ami sait-il quelle va être la décision dug é n é r a l ? Rire aigrelet
du neveu et nouveau flot de paroles. – Le général est très perplexe, traduisit LingSima. Le problème est délicat, il
ne faut se brouillera v e c p e r s o n n e . N i a v e c l e s R u s s e s , n i a v e c l e s A m é - ricains qui sont
très bons avec nous.C’est-à-dire qui donnent beaucoup
d’argent… – Le général a bien un avis? insista Malko.Nouveau rire aigrelet. – Le général est un homme ex
trêmementconsciencieux, traduisit Ling Sima. Il n’arrive pasà se faire une opinion. Il consulte les dieux
très sou-v e n t . I l l e u r a p p o r t e d e s o f f r a n d e s p o u r
q u ’ i l s l ’ é c l a i r e n t . C ’ e s t u n e d é c i s i o n i m p o r t a n t e p o u r l a Thaïlande… On avait
prononcé le mot «offrande».Malko sauta sur
l’occasion. – Comment faire pour éclairer le général?demanda-t-il.Nouveau flot de
paroles. – Le général, traduisit Ling Sima, a égalementb e a u c o u p d e s o u c i s a v e c s a
f o n d a t i o n p o u r l e s enfants atteints du sida. Il n’arrive pas à trouver lesfonds nécessaires
pour leur administrer des traite-ments modernes. Cela obscurcit son jugement.
LE PIÈGE DE BANGKOK
251

Le neveu avait pris l’air d’un cocker malheureux.O n é t a i t e n f i n d a n s l e v i f d u s u j e t , m a i s


i l f a l l a i t a v a n c e r à p a s c o m p t é s , a f i n d e n e p a s f a i r e p e r d r e la face à la partie
adverse. – C’est une belle et noble tâche! assura Malko,essayant de garder son sérieux. Il s’agit de
sommesi m p o r t a n t e s ? L a r é p o n s e a r r i v a à l a v i t e s s e d ’ u n p r o j e c t i l e d e 357
Magnum. – Il s’agit d’environ 1500000 dollars. Lesmédicaments sont très chers…Ayant lâché son
offre, la «fouine» but un peu det h é e t c r o i s a l e s m a i n s s u r s o n
m a i g r e v e n t r e , comme un bouddhah heureux. Malko dissimulait sas a t i s f a c t i o n .
Il s’était attendu à pire. Il laissa leneveu du général
S a m u t p r a k a n b o i r e s o n t h é e t annonça d’une voix
égale. – Je pense que le gouvernement américain estc a p a b l e d ’ ê t r e é m u p a r l a d é t r e s s e d e c e s
e n f a n t s , é n o n ç a - t - i l g r a v e m e n t . J e v a i s e n p a r l e r à q u i d e droit, mais il me semble
que la réponse pourrait êtrefavorable.Ling Sima traduisit.P r e s q u e s a n s o u v r i r l e s y e u x , l e n e v e u
h o c h a l a tête et donna sa réponse. – C’est une excellente nouvelle, que j’aimeraisp o u v o i r
transmettre au général, lâcha le neveu. Ila e n e f f e t d e s o b l i g a t i o n s
p r e s s a n t e s : u n l o t d e médicaments à acheter. Il est prêt à emprunter
d e l’argent pour cela, mais cela coûte très cher.On lui mettait le couteau sur la gorge. En anglais,Ling
Sima lâcha d’une voix égale.
252
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Il veut une réponse tout de suite.M a l k o n e p o u v a i t p a s s ’ e n g a g e r


p e r s o n n e l l e - ment. Il trouva immédiatement le biais. – Je vais me laver les mains et réfléchir
quelquesinstants, dit-il.I l s o r t i t d u p e t i t s a l o n , g a g n a l e s
t o i l e t t e s e t appela Gordon Backfield. En trois minutes, l’Amé-ricain fut au courant. Le chef de
Station de la CIAn’hésita pas une seconde. – Je ne peux pas m’engager moi-
même, mais j’envoie un message
flash
à Langley. – Il veut la réponse ce soir. – Je vous l’envoie par SMS dès que je l’ai.Malko regagna le salon
et annonça gaiement : – Pensez-
vous qu’ils aient du champagne pourc é l é b r e r n o t r e r e n c o n t r e ? L i n g S i m a t r a d u i s i t a u n e v e u
ravi et appuya surun bouton se confondant avec une boiserie. Lors-q u e l a
s e r v e u s e a r r i v a , e l l e l ’ i n t e r p e l l a a v e c b r u - talité. Cinq minutes plus tard,
c e l l e - c i d é p o s a s u r la table une bouteille de champagne Taittinger Brute t c ’ e s t M a l k o q u i f i t
s a u t e r l e b o u c h o n . I l l e v a s a flûte le premier. – Au succès des entreprises du général Samut-
prakan.Traduction. Sourires. Toasts en thaï. – Au succès de toutes vos entreprises! lança lafouine.Seconde
tournée pour la bijouterie de Ling Sima.L e c h a m p a g n e é t a i t g l a c é à s o u h a i t e t l a
C h i n o i s e semblait l’apprécier au moins autant que le thé.La conversation, hachée, reprit, sur des
banalités.
LE PIÈGE DE BANGKOK
253

L a b o u t e i l l e d e T a i t t i n g e r é t a i t v i d e l o r s q u e
l e B l a c k b e r r y d e M a l k o c o u i n a , a n n o n ç a n t l ’ a r r i v é e du SMS.I l l ’ a c t i v a
e t v i t u n s e u l m o t s ’ a f f i c h e r
s u r l ’ é c r a n : « O K » . L a f o u i n e f a i s a i t s e m b l a n t
d e r e g a r d e r a i l l e u r s . M a l k o , d ’ u n a i r i n s p i r é , l a n ç a à Ling
Sima. – Notre ami semble fatigué. Dites-lui que j’air é f l é c h i e t q u e j e s u i s t o u t à f a i t d i s p o s é à
a i d e r l a fondation du général.La Chinoise traduisit et la réponse arriva commeun coup de
canon. – L’argent doit se trouver demain, à mon bureau,avant cinq heures. Le neveu du général passera
leprendre.Malko réprima un léger sursaut. – Comment suis-je sûr que le général va
tenir sap r o m e s s e ? L i n g S i m a n e s e t r o u b l a p a s e t c o m m e n ç a u n e l o n g u e
c o n v e r s a t i o n a v e c l e n e v e u d u
g é n é r a l Samutprakan. – Le neveu du général a une totale confiance enm o i . I l a c c e p t e
donc de nous fixer sur le sort deViktor Bout. Ce dernier va être
c o n v o q u é l e 1 1 , dans une semaine, pour une ultime audience. Onl u i
s i g n i f i e r a a l o r s q u e s o n e x t r a d i t i o n v e r s l e s États-Unis a été acceptée
par le gouvernement thaï,m a i s q u ’ i l p e u t f a i r e a p p e l . E n r é a l i t é , à s a s o r t i e d u t r i b u n a l , i l
s e r a p r i s e n c h a r g e p a r l e s h o m m e s du général qui l’emmèneront directement à l’aéro-p o r t
d e D o n M u a n g o ù i l s e r a r e m i s a u x a u t o r i t é s américaines.
254
LE PIÈGE DE BANGKOK

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– Et que va-t-il dire aux Russes?Ling Sima eut un sourire de


squale. – Cet argent l’aidera sûrement à trouver uneréponse convenable. En plus, ce n’est pas un poli-
t i q u e , m a i s s i m p l e m e n t l ’ h o m m e l e p l u s p u i s s a n t du pays. Les Russes ne peuvent rien
contre lui.L a « f o u i n e » é t a i t d é j à d e b o u t . E l l e a d r e s s a u n long discours à
Malko, cassée en deux. Ling Siman’en traduisit que
l’essentiel. – Il va transmettre au général, son oncle, cetteb o n n e n o u v e l l e e t v o u s p o u v e z ê t r e
certain que leg é n é r a l d é p o s e r a d e n o m b r e u s e s o f f r a n d e s p o u r que vous
v o u s r é i n c a r n i e z d a n s u n n o b l e a n i m a l , digne de votre générosité.Tout le monde était
content.Quand ils sortirent du
Grand China Princess
, iln ’ y a v a i t p a s u n c h a t d a n s Y e o w a r a t r o a d .
L a Fouine, après un dernier
wai
, fonça vers une voi-t u r e a u x v i t r e s f u m é e s , q u i a t t e n d a i t a u b o r d
d u trottoir et démarra aussitôt. – C’est un des véhicules de l’état-major, expli-qua Ling Sima.M a l k o
s e n t a i t s e s n e r f s s e d é n o u e r . G r â c e à l a Chinoise, une fois de plus, il s’était sorti
d’un pro-blème en apparence insoluble. Il la prit par le bras. – Il faut que nous allions fêter cela…Il
n’était que neuf heures et demie du soir. – Ce soir, je ne veux pas faire l’amour, avertitL i n g
S i m a . I l n e f a u t p a s m é l a n g e r l e s c h o s e s . C’était un dîner
d e b u s i n e s s , m a i s n o u s p o u v o n s aller admirer la vue à la
State Tower.
Le bar en plein air du soixante-quatrième étage
LE PIÈGE DE BANGKOK
255

de la tour en bas de Silom road était un


e n d r o i t magique.C ’ é t a i t m i e u x q u e r i e n e t M a l k o s e d i t
q u ’ i l arriverait peut-être à la faire changer d’avis.
***
Evgueni Makowski travaillait tard, devant sonordinateur. Un article à
t r a n s m e t t r e à M o s c o u . I l était presque apaisé. Oksana était hors circuit,
lesThaïs ne bronchaient pas et il ne restait plus qu’àl i q u i d e r l ’ a g e n t d e l a
C I A . N a t a l y a a v a i t r e n d e z - vous à onze heures au magasin Robinson avec Kat,la femme de
chambre du Shangri-La, qui avait pro-mis de lui remettre un passe permettant de s’intro-duire dans
toutes les chambres du palace.L e l e n d e m a i n s o i r , i l a v a i t r e n d e z - v o u s a v e c l e colonel
Petcharat Rang Nam, au Divana du
soi
35.I l n e r e s t e r a i t q u e s i x j o u r s a v a n t l e j o u r J . I l r e s t a i t
e n c o r e q u e l q u e s d é t a i l s à r é g l e r p o u r u n e éventuelle évasion de
V i k t o r B o u t m a i s E v g u e n i M a k o w s k i a v a i t b o n e s p o i r . I l a v a i t m ê m e t r o u v é un
endroit où le planquer, en attendant de pouvoirl’exfiltrer : la maison de feu Dimitri Korsanov dontil
avait les clefs.L à , o n n e v i e n d r a i t p a s l e c h e r c h e r . L e s T h a ï s , superstitieux,
n’approchaient pas de la maison d’unmort et les Américains n’y penseraient pas.É v i d e m m e n t , i l
y a v a i t e n c o r e p a s m a l d e p r o - blèmes en suspens, mais il était sûr de s’en sortir.L a
m o r t d e c e t a g e n t d e l a C I A q u i l u i p o u r r i s - sait la vie, allait lui rendre la joie de vivre.
256
LE PIÈGE DE BANGKOK

***
Du haut de la State Tower, la vue était toujoursaussi magique : tout Bangkok
i l l u m i n é , l e s q u e l - ques gratte-ciel émergeant comme des torches de lamasse des petits immeubles
traditionnels. La pluieavait cessé et l’air était délicieusement tiède.Sing Lima et lui, accoudés
à la balustrade domi-n a n t l e s 6 4 é t a g e s d e v i d e , u n e f l û t e d e T a i t t i n g e r Comtes de
Champagne rosé à la main, demeuraientsilencieux. C’est elle qui rompit le
silence. – Tu es content? – Bien sûr, mais je me demande si je n’auraispas dû discuter…La Chinoise
esquissa un sourire. – Non. Tout était fixé à l’avance. – Quand même, un million et demi de dollars,c’est
cher. – Il ne lui revient qu’un million, précisa suave-ment Ling
Sima. – Comment ça? Tu prends le reste? – Bien sûr que non! Les 500000 dollars sontpour la Sun Yee On.
Je leur ai demandé l’autorisa-tion d’arbitrer ce deal. Ils ont accepté,
moyennantune honnête commission. – Le tiers de la somme! – C’est le tarif. Mais tu peux être certain que l
egénéral tiendra sa parole. Sinon, il aurait la Sun YeeOn sur le dos. Et, même lui, ne peut pas lui faire
lag u e r r e . C ’ e s t u n h o m m e i n t e l l i g e n t ; V i k t o r B o u t s e r a l i v r é à D o n M u a n g
comme il l’a dit. Le Pre-
LE PIÈGE DE BANGKOK
257

m i e r m i n i s t r e s e f e r a t r a î n e r d a n s l a b o u e p a r l e s Russes, la Thaïlande en
souffrira peut-être, mais legénéral aura son million de dollars. – Qu’est-ce qu’il va en faire? – C’est
un homme très religieux. Il va construireun temple au bord du Mékong. Il vieillit et songe àson
avenir. – Il est déjà général cinq étoiles, chef d’état-major. – Pas cet avenir-
là, corrigea avec un sourirei n d u l g e n t L i n g S i m a . L ’ a u t r e , c e l u i q u i
c o m p t e vraiment. Le général voudrait se réincarner dans unéléphant. Pas dans une créature inférieure.
Alors, ilmultiplie les offrandes pour gagner des mérites.Malko la regarda,
effaré. – Tu y crois?Ling Sima lui jeta un regard impénétrable. – Peux-
tu jurer sur ta vie que c’est impossible?Donc, elle y croyait aussi. Leurs regards se croi-sèrent,
longuement.Malko lui prit la
main. – Viens, le dîner d’affaires est terminé. – Finissons le champagne, suggéra Ling Sima.Malko remplit
les flûtes à ras-bord de TaittingerBrut et vida la sienne d’un coup.
258
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE XIX
M a l k o r e g a r d a l a m a l l e t t e n o i r e p o s é e s u r l e bureau de Gordon
Backfield. Un million et demi ded o l l a r s e n b i l l e t s d e c e n t , j u s t e r e t i r é s d e l a R o y a l T h a ï
B a n k . T i r é s s u r u n c o m p t e « s p é c i a l » d e l a CIA, servant à financer les
opérations clandestines.Le chef de Station semblait
nerveux. – J’espère que votre amie chinoise est honnête!soupira-t-il.Malko
sourit. – Je ne peux pas garantir son honnêteté, maise l l e n e n o u s t r a h i r a p a s . C ’ e s t l a
T r i a d e S u n Y e e On qui est partie prenante.L a v e i l l e a u s o i r , i l a v a i t r a m e n é L i n g
Sima auShangri-La, passant par la piscine pour gagner sas u i t e , a f i n
d ’ é v i t e r l a r é c e p t i o n . E l l e n e s ’ é t a i t esquivée qu’à l’aube,
t r a v e r s a n t t o u t l ’ h ô t e l p o u r ressortir par la nouvelle aile, dans Sathorn Tai et nepas être
vue. – Donc, conclut l’Américain, nous n’avons plusde soucis à nous faire… – Du côté des Thaïs, non,
confirma Malko. Maisi l r e s t e l e s R u s s e s . A p r è s c e q u i s ’ e s t p a s s é h i e r ,

chez Divana, on peut conclure qu’ils cherchent àme neutraliser. Donc, qu’ils ont
une idée en tête,pour venir en aide à Viktor Bout, par des
m o y e n s illégaux. – Vous pensez qu’ils connaissent déjà la déci-s i o n d e s T h a ï s ? – Je n’en sais rien,
avoua Malko, mais, en Thaï-lande, rien n’est impossible. – Qu’est-ce qu’on peut faire? Ils ne vont tout
dem ê m e p a s a t t a q u e r l a p r i s o n d e R e m o n d ? – C’est peu probable, reconnut Malko, mais ilr e s t e
six jours avant que nous récupérions ViktorBout. Beaucoup de choses peuvent se
p a s s e r . L e s Russes n’ont pas essayé de m’éliminer hier par purev e n d e t t a … J ’ a i p e u t - ê t r e u n e
idée pour continuerl ’ e n q u ê t e . M a r i a n a , l a p r o s t i t u é e r u s s e , q u i
m ’ a i n v o l o n t a i r e m e n t s a u v é l a v i e , a v a i t r e c u e i l l i u n e information qu’elle était venue
me communiquer :Oksana était partie la veille du Spa et c’est NatalyaI s a k o v q u i é t a i t v e n u e l a
c h e r c h e r . D o n c , e l l e s a i t forcément où elle se trouve. Or, Oksana a tenté denous joindre et a
forcément des infos.Gordon Backfield lui lança un regard complice. – Vous devriez déjà être parti…
***
Oksana subissait passivement la remise en formepratiquée par deux jeunes Arabes qui la
massaient,dans les endroits les plus intimes, essayant de fairepasser la douleur du viol sauvage dont
elle avait étévictime la veille. Elle avait passé une nuit paisible,
260
LE PIÈGE DE BANGKOK

mais Hadj Ali Ahmed venait de la prévenir que leprince Mahmoud souhaitait s’amuser
avec elle unenouvelle fois.C’était, paraît-il, son seul plaisir dans la vie. Or,il n’y avait qu’à
Bangkok où il trouvait des volon-taires pour ses jeux cruels. Grassement rétribuées.U n e
d ’ e n t r e e l l e s a v a i t s u c c o m b é a u x m a u v a i s traitements.Désormais,
Oksana savait que les Russes avaientd é c o u v e r t s a t e n t a t i v e d e c o m m u n i c a t i o n a v e c l a C I A e t
qu’elle devait, coûte que coûte, passer unmessage à l’extérieur. Hélas, les deux
Arabes quis’occupaient d’elle ne parlaient pas un mot d’an-g l a i s . D e u x
g a r d e s v e i l l a i e n t d a n s l e c o u l o i r , l e téléphone était coupé et elle
n ’ a v a i t d o n c a u c u n e chance de s’évader.
***
N a t a l y a I s a k o v a t t e n d a i t a u r a y o n b a g a g e s d u grand magasin Robinson qui se
préparait à fermer :l a c r i s e . I l y a v a i t p a s m a l d ’ é t r a n g e r s e t o n n e l a remarquait
pas. Elle vit surgir dans la foule Kat, lafemme d’étage du Shangri-La.L e s d e u x f e m m e s
s’isolèrent dans un coin, res-t è r e n t q u e l q u e s i n s t a n t s a u r a y o n
d e s b a g a g e s , puis la Thaïe tendit une enveloppe à Natalya
q u i l’empocha. – Elle marche pour toutes les chambres? de-manda-t-
elle. – Oui, je m’en suis encore servie ce matin.R o y a l e m e n t , N a t a l y a l u i g l i s s a 2 0 0 0 0 b a t h s . L a
LE PIÈGE DE BANGKOK
261

femme de chambre était persuadée que la carte étaitd e s t i n é e à d e s v o y o u s t h a ï s d é s i r e u x d e


p i l l e r l e s chambres en l’absence de leur propriétaire. Elle sefondit rapidement dans la foule du
grand magasin.N a t a l y a I s a k o v g a g n a à p i e d l a s t a t i o n d u B T S d e S a p h a m
P a k s i n e t m o n t a d a n s u n e r a m e s e d i r i g e a n t v e r s
S u k h u m v i t , p o u r a l l e r r e t r o u v e r E v g u e n i M a k o w s k i
a u « B e i O t t o » a f i n d e l u i remettre le passe remis par la femme
d e c h a m b r e du Shangri-La.
***
Malko, escorté de ses «baby-sitters», se présentaà la réception du condominium où demeurait Nata-lya
Isakov. Il n’eut pas le temps d’ouvrir la bouche. –
Khun
Natalya est sortie, annonça-t-il. – Il n’y a personne là-
haut? – Personne. – Ce n’est pas grave, on va l’attendre, fit Malkoen souriant.L e s t r o i s h o m m e s
s ’ i n s t a l l è r e n t s u r u n e g r a n d e b a n q u e t t e r o u g e , a u f o n d d u h a l l d e m a r b r e , d ’ o ù on
surveillait très bien la porte d’entrée.N a t a l y a I s a k o v a l l a i t a v o i r u n e
m a u v a i s e s u r - prise.
***
Boris Titov et Gleb Papouchine étaient attablésdevant des chopes de bière énormes, le regard dansle
vide, dans l’ombre du «Bei Otto», à côté des pre-
262
LE PIÈGE DE BANGKOK

m i e r s c l i e n t s d u d é j e u n e r , l o r s q u ’ E v g u e n i M a k o w s k i les rejoignit. Il avait attendu Natalya Isakov


devantle
Schwarzwald Stube
et avait dû récupérer le passepour les chambres du Shangri-La. Il s’assit face auxdeux hommes et lança : –
Dobredin
.–
Dobredin
, firent-ils en chœur.L e R u s s e s o r t i t u n p a q u e t d e s a g r o s s e s a c o c h e noire et le poussa
vers Boris. – Il y a ce qu’il faut là-dedans, essayez de ne pasl e s p e r d r e . C h a c u n v a u t 1 0 0 0 0
d o l l a r s . Les deux pistolets étaient des armes de tueur pro-fessionnel. Faible vitesse initiale, mais leurs
ballesblindées avaient un grand pouvoir de pénétration.E v g u e n i M a k o w s k i
p o s a a l o r s s u r l a t a b l e l e «passe» remis par l’employée du
S h a n g r i - L a , e t leur expliqua comment
procéder. – Ce soir, vous attendez qu’il soit endormi.Ensuite, tandis que l’un de vous veille dans le
cou-l o i r , l ’ a u t r e e n t r e e t v a j u s q u ’ a u l i t . V o u s v i d e z l e chargeur, par précaution, et vous
repartez. Demainm a t i n , v o u s a v e z u n v o l p o u r P h u k e t . J e
v o u s remettrai vos billets en échange des deux pistolets.
Karacho
?–
Karacho
.I l s o r t i t u n r o u l e a u d e b i l l e t s d e s a p o c h e e t
l e joignit à la carte magnétique. – Voilà de quoi vous amuser à Phuket. Demain,rendez-vous à dix heures à la
station BTS Lumpini.Il était déjà reparti et parcourut deux cents mètresà pied pour récupérer sa voiture,
jetant au passageu n c o u p d ’ œ i l a u
Windsor Suites Hotel
. Oksana
LE PIÈGE DE BANGKOK
263

s e r a i t p u n i e p l u s t a r d , s i e l l e s u r v i v a i t à c e q u e l e s Arabes lui faisaient subir.


***
M a l k o b a i s s a l e s y e u x s u r s a B r e i t l i n g « B e n t - ley», nerveux. Cela
faisait une heure qu’ils atten-d a i e n t d a n s l e h a l l d u c o n d o m i n i u m
e t N a t a l y a Isakov ne s’était pas montrée. – Dans une heure, maximum, on «décroche»,lança-t-
il aux «baby-sitters». J’ai rendez-vous chezLing Sima pour lui remettre l’argent.I l
n ’ a v a i t p a s f i n i d e p a r l e r q u ’ u n e s i l h o u e t t e apparut, d’abord en
contre-jour. Une femme vêtued’une robe au-dessous du genou, avec des lunettesnoires.Elle
s’arrêta net lorsqu’elle vit les trois hommes,p u i s s e d i r i g e a v e r s e u x , a v e c u n
s o u r i r e u n p e u crispé. – Je vois que vous avez changé d’avis, lança-t-elle d’un ton
joyeux. – C’est exact, répondit Malko en souriant. J’ai-merais bien revoir votre album.Après
une imperceptible hésitation, Natalya Isa-kov leur fit signe de la suivre et se dirigea vers l’as-c e n s e u r .
À p e i n e d a n s l e g r a n d l i v i n g - r o o m a u s o l de marbre, elle se retourna vers
Malko. – Asseyez-vous, je vais chercher l’album. – Inutile! dit calmement celui-ci. Il n’y a qu’unes e u l e d e
v o s f i l l e s q u i m ’ i n t é r e s s e : O k s a n a F i b i - rova.
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LE PIÈGE DE BANGKOK

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Natalya se força à sourire, mais elle eut beaucoupde mal. – Je vous ai dit qu’elle était repartie à Moscou.Son
regard dérapait. Malko dit simplement : – Elle a dû revenir. Hier matin, vous êtes venuela chercher au
Spa Divana et vous êtes repartie avecelle. Je veux savoir où elle se trouve maintenant.Natalya Isakov ne
répondit pas tout de suite, puislâcha d’une voix changée, furieuse. – Mais enfin, qu’est-
ce que vous lui voulez àO k s a n a ? I l y a d e s d i z a i n e s d e f i l l e s p l u s
b e l l e s qu’elle. D’ailleurs, je n’ai pas à vous
répondre. – Oh si! fit Malko. Parce qu’Oksana est mêléea u m e u r t r e d ’ u n p o l i c i e r t h a ï
t r a v a i l l a n t p o u r l a CIA. Si les Thaïs apprenaient que vous la couvrez,vous pourriez
avoir de très gros ennuis… – Je ne crains rien de ce côté-là! lâcha la Russe. – Je sais que vous jouissez
d’un très bon
kricha
,reconnut Malko, mais, là, il va voler en éclats.Chris Jones s’interposa, grognon. – Qu’est-
ce qu’on attend pour la basculer dansla baignoire? C’est autorisé par le nouveau code del a
t o r t u r e . I l n e f a u t p a s q u e c e l a d u r e t r o p l o n g - temps, c’est tout.Déjà, il prenait
Natalya par le bras. Elle tenta derésister, mais n’était pas de force. – OK, lança Malko, mais ne
l’abîmez pas trop… – Pas plus qu’à Guantanamo! fit Chris Jones.N a t a l y a I s a k o v s ’ a c c r o c h a à l a
p o r t e e t s e m i t à hurler.Jusqu’à ce que la main puissante de Chris Jonesla bâillonne.
LE PIÈGE DE BANGKOK
265

Milton Brabeck avait disparu dans le couloir. Ilr é a p p a r u t c o m m e C h r i s J o n e s v e n a i t


d e s o u l e v e r Natalya du sol. – Le bain de Madame est prêt! lança-t-il joyeu-sement.La Russe poussa un
hurlement strident et envoyaune rafale de coups de pied à Chris Jones qui l’en-traîna dans le
couloir. Elle avait disparu du champd e v i s i o n d e M a l k o l o r s q u e c e d e r n i e r e n t e n d i t
u n hurlement strident. – Arrêtez! Je vais vous le dire!Malko rejoignit les deux Américains. Ils se trou-v a i e n t
d a n s l a p r e m i è r e s a l l e d e b a i n s à g a u c h e . Milton Brabeck, penché sur la
b a i g n o i r e , e n t r a i n d e f a i r e c o u l e r l ’ e a u a u m a x i m u m e t C h r i s J o n e s essayant de
garder le contrôle d’une Natalya Isakovhystérique. – Elle est chez les Arabes! hurla-t-
elle. – Quels Arabes? demanda Malko. – Ceux du
Windsor Suites Hotel
, dans le
soi
20.Au seizième étage, chez le prince Mahmoud.C h r i s J o n e s l ’ a v a i t l â c h é e , m a i s e l l e
d e m e u r a i t sur place, terrifiée. À son regard affolé, Malko sen-tit qu’elle disait la
vérité. – Ils l’ont louée pour plusieurs jours, continuaNatalya.M i l t o n B r a b e c k a v a i t a r r ê t é
l e s r o b i n e t s , l ’ a i r chagrin. – Très bien, dit Malko. Pourquoi refusiez-vousd e l e
d i r e ? – Qui êtes-vous? demanda la Russe, reprenantun peu d’assurance.
266
LE PIÈGE DE BANGKOK

Malko la toisa avec ironie. – Vous savez très bien qui nous sommes… Sivous avez la mauvaise idée de
prévenir ces Arabes,oubliez-la. Ce serait une très mauvaise idée…I l a d r e s s a u n s i g n e
d i s c r e t a u x d e u x « b a b y - s i t - ters» et ils traversèrent l’appartement, gagnant
l e palier. En attendant l’ascenseur, Malko demanda. – Qu’est-
ce que vous auriez fait si elle avaitr e f u s é d e p a r l e r ? – Rien, hélas! soupira Chris Jones. Vous savezbien
que les nouveaux règlements nous interdisentd e d é p a s s e r l e s t a d e d e l a t o r t u r e
p s y c h o l o g i q u e . Quelquefois, ça fonctionne…Les Droits de l’Homme étaient en
marche. – On va d’abord à Yeowarat, avertit Malko.Qui ne tenait pas à se lancer dans une
opérationd é l i c a t e a v e c u n m i l l i o n e t d e m i d e d o l l a r s
e n liquide.
***
Natalya Isakov tirait sur une Marlboro, encoresecouée. Certes, elle était habituée
à l a v i o l e n c e , mais c’était inattendu de la part d’Américains.E l l e r e g a r d a l e
t é l é p h o n e , p e s a n t l e p o u r e t l e contre. Le pour finit par l’emporter. Elle prit
dansson carnet le numéro du
Windsor Suites Hotel
et lecomposa. Lorsqu’elle eut le réceptionniste en ligne,elle demanda le prince
Mahmoud. – Il dort, répondit l’employé thaï, qui avait visi-blement des consignes. Avant de
raccrocher.N a t a l y a I s a k o v n ’ i n s i s t a p a s : e l l e a v a i t f a i t s o n
LE PIÈGE DE BANGKOK
267

devoir. De plus, en Thaïlande, les potentats arabesétaient une espèce protégée. À la première
menace,l ’ h ô t e l a p p e l l e r a i t l a p o l i c e t h a ï e q u i d é b o u l e r a i t s a n s
h é s i t e r . L e p r i n c e M a h m o u d é t a i t u n d e s meilleurs clients du
colonel de police Sathorn qu’ilcouvrait de cadeaux.L a R u s s e s e d e m a n d a s i e l l e p r é v e n a i t
E v g u e n i Makowski de l’incident et décida de n’en rien faire.Les manips du FSB avaient suffisamment
perturbéses activités commerciales.
***
L i n g S i m a n e c o m p t a m ê m e p a s l e s b i l l e t s , l e s mettant directement dans son coffre. Elle avait
reçuM a l k o e n t r e d e u x c l i e n t s , c a r , d a n s l a j o u r n é e , l a bijouterie
ne désemplissait pas. – Parfait, dit-elle. Désormais, tu sais que tu peuxdormir sur tes deux oreilles. Dès
que j’aurai remisl ’ a r g e n t , j e t e d o n n e r a i l e n u m é r o à a p p e l e r p o u r m e t t r e a u
p o i n t l e s d é t a i l s d e l ’ o p é r a t i o n a v e c u n subordonné du général. – Donne-le-
moi ce soir, suggéra Malko, celafera une occasion de nous voir. – On verra, fit la Chinoise.
***
Le taxi se traînait à dix à l’heure dans Sukhum-v i t . L e c a r r e f o u r d e N a n a
P l a z a é t a i t t o t a l e m e n t bloqué.
268
LE PIÈGE DE BANGKOK

– On devrait continuer à pied, suggéra ChrisJones. – On est encore loin, remarqua Malko, ici, c’estle
soi
4, on va au
soi
20.Milton Brabeck arborait une mine réjouie. – J’ai hâte de rencontrer ces Arabes. Depuisl’Irak, je
n’aime pas les Arabes.Avant non plus, mais ce n’était pas le sujet.M a l k o a v a i t h â t e d e
savoir enfin ce qu’OksanaFibirova, simple prostituée russe, savait de l’opé-
r a t i o n d u F S B d e s t i n é e à v e n i r e n a i d e à V i k t o r Bout.
LE PIÈGE DE BANGKOK
269

CHAPITRE XX
Le colonel Petcharat Rang Nam, directeur duDépartement
«Immigration» de la Police Thaïe,dessinait des ronds sur le
b u v a r d d e s o n b u r e a u , plongé dans une profonde réflexion. Il avait
r e n - dez-vous le soir-même, au Divana, avec son contactrusse pour lui apporter les informations concernantl e
sort de Viktor Bout. Informations qui devaientl u i r a p p o r t e r d e q u o i
r é g l e r s a d e t t e a u p r è s d e s «loan-sharks» chinois. Or, il n’avait
a u c u n e i n f o r - mation précise. Rien que des rumeurs. Bien sûr, ilpouvait prendre les six
millions de baths en racon-t a n t n ’ i m p o r t e q u o i , m a i s l e s R u s s e s l u i f a i s a i e n t p e u r ,
m ê m e l u i , c o l o n e l d e l a p o l i c e r o y a l e t h a ï e , n’était pas à l’abri de leur vengeance.Il se
préparait donc à dire la vérité, quitte à perdreses millions de baths lorsque sa ligne privée sonna.Il décrocha et
se raidit intérieurement.C ’ é t a i t l e g é n é r a l P h a t P r a b o n g , l e
d i r e c t e u r général de la police! Jamais, il ne téléphonait : dansson dispositif, le colonel Rang Nam
n’était qu’unef o u r m i . C e r t e s , c e d e r n i e r l u i r e v e r s a i t u n
p e t i t pourcentage des sommes rackettées dans ses Ser-

vices, mais c’était toujours à travers sa hiérarchie.Le général ne perdit pas de


temps. – Colonel Rang Nam, je vous attends à monbureau pour une communication importante. À
cinqheures.Le colonel raccrocha, tétanisé : une convocationd u p a t r o n d e l a p o l i c e
étaitrarement une bonne nou-velle. Il chercha en quoi il avait pu déplaire,
s a n s trouver. Il avait toujours scrupuleusement transmisà c e g r a n d c h e f l a p a r t q u i l u i r e v e n a i t
d e d r o i t . A f f o l é , i l s e d i t q u ’ i l a l l a i t l a i s s e r s a B e n t l e y e t aller au rendez-vous dans sa
Datsun de service. Sielle arrivait jusque-là.
***
Le lobby du
Windsor Suites Hotel
n ’ é t a i t p a s vraiment luxueux, d’après les critères de Bangkok.P l u t ô t p e t i t , u n b a r d é s e r t à
g a u c h e , l a r é c e p t i o n à droite, et les ascenseurs au fond.Les trois hommes passèrent sans s’arrêter
devantla réception. Aussitôt, l’employé les appela : – Messieurs, où allez-vous?C o m m e
personne ne lui répondit, il contournas o n c o m p t o i r e t l e s
r e j o i g n i t a u m o m e n t o ù l e s portes d’une cabine s’ouvraient. – Où allez-
vous? répéta-t-il, intimidé par lacarrure de deux de ces
inconnus. – Au seizième étage, annonça le troisièmehomme. Chez le prince
Mahmoud. – C’est interdit! couina le Thaï. Personne nepeut aller au seizième. Tout l’étage est loué.
LE PIÈGE DE BANGKOK
271

Milton Brabeck le
toisa. – Et toi, tu peux y aller? – Oui, fit le Thaï. – Eh bien, tu viens avec nous, fit le gorille en lepoussant dan
s l’ascenseur.Écrasé contre la paroi du fond et les 110 kilos demuscles de Milton Brabeck, le Thaï
demeura muet,le souffle coupé.M a l k o s e d i t q u e c ’ é t a i t u n e e x c e l l e n t e i d é e d e l’avoir
embarqué. Ainsi, personne ne pourrait pré-venir la police. L’ascenseur montait très
lentement.E n p a s s a n t l e d o u z i è m e é t a g
e , l e s d e u x «baby-sitters» dégainèrent leurs armes, laissant
l e dialogue à Malko.Terrifié par les gros pistolets noirs, le réception-niste thaï se
recroquevilla.L a p o r t e d e l ’ a s c e n s e u r c o u l i s s a : i l s é t a i e n t a u seizième étage.
***
Hadj Ali Ahmed s’approcha d’Oksana, attachéec o m m e l a v e i l l e a u c h e v a l e t , u n
m a u v a i s s o u r i r e sous sa fine moustache. – Regarde, dit-il, en montrant à la Russe un objetg l i s s é
a u t o u r d e s o n i n d e x . U n e s o r t e d ’ a n n e a u en cuir couleur chair,
h é r i s s é d e l o n g s p o i l s d u r s comme ceux d’un âne, de plusieurs centimètres
delong. – Tu sais ce que c’est?La Russe secoua la tête. – Non.
272
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Un guesquel. En Amérique latine, on s’ens e r t p o u r p u n i r l e s f e m m e s


i n f i d è l e s . L e p r i n c e Mahmoud a décidé de te donner du plaisir avec
ceguesquel.O k s a n a s e n t i t l e s a n g s e r e t i r e r d e s o n v i s a g e . Le sexe
monstrueux du prince arabe, équipé de cetengin infernal, allait être un instrument de mort.De
toutes ses forces, elle hurla. – Non, je ne veux pas. Laissez-moi. Détachez-m o i !
***
C’est Chris Jones qui mit le premier les pieds surl e p a l i e r d u s e i z i è m e . À g a u c h e
de l’ascenseur,deux Arabes en
dichdacha
é t a i e n t a s s i s s u r d e s tabourets. Ils bondirent en vociférant, en
d é c o u - vrant le gorille. Ce dernier, calmement, braqua sonGlock sur eux. –
C o o l ! D o w n !
On ne bouge pas…I l s s ’ i m m o b i l i s è r e n t , p é t r i f i é s , t a n d i s
q u e l a c a b i n e s e v i d a i t d e s e s t r o i s a u t r e s o c c u p a n t s . L e réceptionniste se
mit à glapir. – Ils m’ont forcé! Il faut appeler la police.Sans même se retourner, Milton Brabeck
envoyas o n c o u d e a v e c u n e t e l l e v i o l e n c e q u e l e
c h o c c o n t r e l e v e n t r e d u p e t i t T h a ï l e r e n v o y a
d a n s l’ascenseur.Malko s’approcha des deux Arabes transformésen statues de
sel. – Où est le prince Mahmoud? demanda-t-il.L e s A r a b e s n ’ e u r e n t p a s l e t e m p s d e
répondre.
LE PIÈGE DE BANGKOK
273
U n c r i p r o l o n g é , h o r r i b l e , v e n a i t d e t r o u b l e r l e silence feutré.Un cri
de femme.Venant du fond du couloir. – Milton, restez là, lança Malko. Je crois quenous sommes arrivés
au bon moment. Chris, venez.Pétrifiés, les deux Arabes faisaient face au Glockde Milton Brabeck.
L’employé de la réception res-sortit de l’ascenseur, courbé en deux, étreignant sonventre à deux
mains.M a l k o , s o n « d e u x p o u c e s » a u p o i n g , o u v r i t l a porte de la pièce d’où
était venu le cri.
***
– Tu vas te taire, chienne! Tu vas réveiller lep r i n c e ! S i t u c r i e s e n c o r e u n e f o i s , j e
t ’ a r r a c h e l e dos avec ça.Il brandissait une fine cravache de cuir.O k s a n a p o u s s a u n
s e c o n d c r i , a u s s i f o r t q u e l e premier. Hadj Ali Ahmed levait le bras pour la frap-per au moment
où la porte s’ouvrit.Personne n’ayant le droit de pénétrer dans cettepièce, il se
retourna.D e u x h o m m e s v e n a i e n t d ’ e n t r e r , c h a c u n u n e arme au poing.
Une sorte de bête, haute comme unem o n t a g n e , e t u n h o m m e b l o n d d ’ u n g a b a r i t
p l u s n o r m a l . C e d e r n i e r m a r c h a s u r l e c h e v a l e t , t a n d i s que l’autre avançait sur lui. Il
tenait encore sa cra-vache lorsque le canon du pistolet lui fit éclater lal è v r e s u p é r i e u r e ,
avant de s’enfonçer jusqu’à sa
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g l o t t e . L e r e p o u s s a n t j u s q u ’ a u m u r . I l l â c h a s a cravache,
hoquetant, les yeux remplis de larmes.Malko était déjà en train de défaire les braceletsde cuir
immobilisant la Russe sur le chevalet. – Vous êtes Oksana? demanda-t-il en russe. –
Da.
– N’ayez pas peur. C’est fini. Nous vous emme-nons.Il venait de défaire le quatrième bracelet et l’ai-
dait à se remettre debout. Titubante. Il dut passer unbras autour de sa taille pour qu’elle ne tombe pas. – Où m’enmenez-
vous? demanda Oksana. – À l’ambassade américaine. Où sont vos vête-
m e n t s ? – Dans ma chambre, à côté. – Allons-y.Ils sortirent de la pièce. Tandis que la Russe s’ha-b i l l a i t ,
Malko resta dans le couloir. Oksana réap-p a r u t q u e l q u e s i n s t a n t s p l u s
t a r d , t o u j o u r s a u s s i pâle, les lèvres tremblantes.Malko
appela. – Chris! On «démonte». – On l’emmène, lui? – Non.À regret, Chris Jones retira le canon de son
Glockd e l a b o u c h e e n s a n g l a n t é e d e H a d j A l i A h m e d , e t secoua la
tête. – J’aime pas la façon dont tu me regardes!I l r e c u l a u n p e u e t b a l a n ç a d e t o u t e s s e s
f o r c e s s o n p i e d d a n s l ’ e n t r e j a m b e d e l ’ A r a b e . C e l u i - c i poussa un cri aigu et
s’écroula en vomissant, restant
LE PIÈGE DE BANGKOK
275

recroquevillé sur la moquette, comme un ver coupéen deux. – Vous ne lui avez pas fait mal? demandaMalko
lorsque le gorille resurgit de la chambre. – Je lui ai juste dit au revoir, assura Chris Jones.M o i , j e
l e s a u r a i s b i e n t o u s « s é c h é s » . Malko soupira en poussant Oksana dans l’ascen-
seur. – On ne peut pas refaire le monde!Lorsqu’ils franchirent la porte du
Windsor Suites Hotel
, i l r e g a r d a s a B r e i t l i n g : i l s é t a i e n t r e s t é s exactement huit minutes
dans l’hôtel.
***
G o r d o n B a c k f i e l d r a y o n n a i t . I l p a s s a s a m a i n autour des épaules de
M a l k o , s e r e t e n a n t v i s i b l e - ment de l’embrasser. – Vous avez fait un travail formidable! J’ai
reçutout à l’heure un appel du général Samutprakan. Ila p r i s r e n d e z - v o u s p o u r m o n
«deputy» avec sondirecteur de cabinet afin de mettre au
p o i n t l e s modalités de l’extradition de Viktor Bout. Confir-m a n t t o u t c e q u e v o u s
m’avez dit. Dans six jours,l e 1 1 , V i k t o r B o u t s e r a e x t r a i t
d e l a p r i s o n d e R e m o n d e t a m e n é a u P a l a i s d e
J u s t i c e p o u r y entendre la décision prise par le gouvernement thaï à s o n e n c o n t r e . L e
j u g e l u i c o n f i r m e r a l a v o l o n t é de la Thaïlande de faire droit à l’extradition. Il luin o t i f i e r a
également qu’il peut faire appel de cetted é c i s i o n , m a i s q u e l ’ a p p e l
n ’ e s t p a s s u s p e n s i f . Une voiture de l’ambassade attendra dans la cour
276
LE PIÈGE DE BANGKOK

intérieure du Palais de Justice et nous le prendronsen compte immédiatement pour l’emmener à


DonMuang où un Falcon 900 l’attendra. Deux voituresde la police thaïe nous escorteront jusque-là.
Voilà,c ’ e s t t e r m i n é . V o u s a l l e z p o u v o i r p r e n d r e
d e s vacances.E u p h o r i q u e , G o r d o n B a c k f i e l d , q u i n e
b u v a i t d’habitude pas d’alcool, alla prendre dans son barune bouteille de Chivas Regal
réservée aux invitésd e m a r q u e e t e n v e r s a u n e b o n n e d o s e d a n s
u n verre, y ajoutant, pour la forme, quelques glaçons. – À votre santé! lança-t-
il en levant son verre. – Où se trouve Oksana? demanda Malko.Le chef de Station semblait avoir
complètementoublié la prostituée russe. – En bas, à l’infirmerie, dit Gordon Backfield.O n l u i f a i t u n
check-up et ensuite, on l’installerad a n s u n e c h a m b r e d ’ h ô t e . E l l e n e v o u s a
r i e n d i t d’intéressant lorsque vous l’avez
amenée? – Non, elle était encore trop choquée. J’irai luiparler plus tard.Gordon Backfield eut un geste
évasif. – Cela n’a plus beaucoup d’importance, désor-m a i s . V o u s i g n o r e z s i l e s R u s s e s
s o n t a u c o u r a n t p o u r V i k t o r B o u t ? – Le général Samutprakan dit que c’était uns e c r e t
a b s o l u . C o m m e l e s R u s s k o f s n e v o n t p a s attaquer la prison de Remond,
n o u s s o m m e s t r a n - quilles.
***
LE PIÈGE DE BANGKOK
277

Le colonel Petcharat Rang Nam attendait depuisune heure dans l’antichambre du bureau du généralPhat
Prabong, responsable de la police royale thaïe.Une secrétaire boulotte en uniforme ouvrit enfin laporte
capitonnée et lui lança sèchement. – Le général va vous recevoir.P l u s m o r t q u e v i f , l e
c o l o n e l R a n g N a m e n t r a dans le grand bureau en boiseries, où étaient expo-sées
d’innombrables photos officielles du général,dont une en compagnie du roi.L ’ o f f i c i e r
supérieur lui indiqua un siège et
l u i sourit. – J’ai d’excellents rapports vous concernant,colonel Rang Nam. Votre service fonctionne
avecune grande efficacité.Une centaine de malheureux, en situation irrégu-lière, pourrissaient dans la prison
de l’Immigration,au centre de Bangkok, pour différents problèmes devisas ou de faux
passeports.L e c o l o n e l R a n g N a m s o u r i t n i a i s e m e n t , n e s a c h a n
t q u e d i r e , e t l e g é n é r a l S a m u t p r a k a n e n c h a î n a . – J’ai vu, grâce à des notes confidentielles, que
v o u s e n t r e t e n e z d e b o n s r a p p o r t s a v e c u n g r o u p e d’investisseurs russes qui possèdent
une chaîne deS p a d a n s l e 8
e
district.L e c o l o n e l R a n g N a m s e r e c r o q u e v i l l a i n t é - rieurement.
On y était. Son collègue, en charge du8
e
district, voulait avoir une part de ce qu’il touchaitdes Russes pour les problèmes de visas.« L e s a l a u d ,
pensa le colonel Rang Nam, il doitê t r e v a c h e m e n t b i e n p l a c é p o u r
f a i r e p a s s e r s a demande par le grand chef.»
278
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Oui, reconnut-il, j’essaie, toujours dans lec a d r e d e l a l o i , d e l e u r f a c i l i t e r l e s c h o s e s .


N o u s sommes un pays d’accueil.Le général Phat Prabong approuva
gravement. – C’est une politique intelligente.Le colonel Rang Nam s’attendait au pire et faillitt o m b e r
d e s a c h a i s e l o r s q u ’ i l e n t e n d i t s o n c h e f annoncer : – Dans le cadre de vos
relations, je souhaite quev o u s l e u r t r a n s m e t t i e z u n e i n f o r m a t i o n e x t r ê m e - m e n t
i m p o r t a n t e e t e n c o r e t e n u e s e c r è t e , c o n c e r - nant le dénommé Viktor
Bout.C o m p l è t e m e n t d é s t a b i l i s é , l e c o l o n e l R a n N a m bredouilla. – Oui,
khun
général. – Je sais, par un très haut responsable que, danssix jours, notre gouvernement va donner son accordà
l’extradition de Viktor Bout. Cette décision seraimmédiatement exécutoire et il sera emmené direc-
t e m e n t d u p a l a i s d e J u s t i c e à l ’ a é r o p o r t d e D o n Muang, sous
escorte policière.L e c o l o n e l R a n g N a m é t a i t e n a p n é e ! O n
l u i apportait sur un plateau d’argent la réponse qu’ild e v a i t d o n n e r l e s o i r
m ê m e a u R u s s e q u i l ’ a v a i t contacté au Spa Divana.C ’ é t a i t u n
m i r a c l e , d o n t i l p r é f é r a i t n e
p a s c o n n a î t r e l ’ e x p l i c a t i o n . D a n s u n b r o u i l l a r d , i l enten
dit le général Phat Prabong continuer. – Ce serait une bonne chose que cette informa-t i o n
parvienne à l’ambassade de Russie, à titreconfidentiel, bien
e n t e n d u . J e p e u x c o m p t e r s u r vous, colonel Rang Nam?
LE PIÈGE DE BANGKOK
279

Le colonel s’ébroua. – Certainement,


khun
général.C e l u i - c i é t a i t d é j à d e b o u t . I l f i t l e t o u r d e s o n b u r e a u p o u r
s e r r e r l a m a i n d e s o n v i s i t e u r e t l u i assura avec un sourire
: – Sachez que je regarderai toujours d’un œilfavorable votre carrière. Au revoir, colonel.L e
c o l o n e l R a n g N a m s e r e t r o u v a d a n s l ’ a n t i - chambre, sonné, comme
a p r è s u n m a t c h d e b o x e . L e r e n d e z - v o u s a v e c l e R u s s e b a r b u a l l a i t ê t r e u n délice. Un
délice juteux.Tous ses problèmes s’envolaient d’un coup.La Datsun était bouillante, mais il ne
s’en renditmême pas compte. – On va au
wat
Erawan, lança-t-il à son chauf-feur.U n p e t i t l i e u d e p r i è r e , e n p l e i n e v i l l e , c o l l é a u Hyatt
Erawan. Après une telle bonne nouvelle, il sedevait d’apporter quelques offrandes et de brûler unbouquet de
bâtonnets d’encens.
***
Le général Phra Samutprakan, chef d’état-majord e l ’ a r m é e r o y a l e t h a ï e , r a c c r o c h a s o n
t é l é p h o n e , ravi, et sonna son secrétaire. Dès qu’il fut entré, illui tendit une enveloppe
: – Portez ceci d’urgence au général Phat Pra-b o n g , a u Q G d e l a p o l i c e . L ’ e n v e l o p p e
c o n t e n a i t c e n t m i l l e d o l l a r s , e n billets de cent. C’était une sorte d’assurance-
vie. Siles Russes se montraient trop hargneux, le général
280
LE PIÈGE DE BANGKOK

Samutprakan pourrait toujours arguer de son ami-t i é i n d é f e c t i b l e , m e t t a n t


s u r l e d o s d u P r e m i e r ministre cette décision néfaste.A u p r o c h a i n
p u t s c h m i l i t a i r e , l e s R u s s e s l u i renverraient peut-être l’ascenseur.S i c e u x -
ci tentaient un coup de folie, c’est surl a p o l i c e , q u e m é p r i s a i t
c o r d i a l e m e n t l e g é n é r a l Samutprakan, que retomberaient les ennuis.
***
M a l k o f r a p p a u n c o u p l é g e r à l a p o r t e d e l a chambre
o ù o n a v a i t i n s t a l l é O k s a n a F i b i r o v a , a u premier étage.L a R u s s e c r i a
: « e n t r e z » . Elle était assise sur son lit, en train de fumer unecigarette, qu’elle écrasa
aussitôt en voyant Malko. –
Spasiba, spasiba bolchoi
, lança-t-elle, pleinede chaleur. Ces salauds d’Arabes allaient me tortu-rer, me tuer peut-être. Ce sont
des porcs, des bêtessauvages… – Comment vous êtes-vous retrouvée là? – C’est cette salope de Natalya
qui m’a amenée.Soi-disant pour me protéger de la police thaïe. Ellem’a volé mon portable
aussi. – Pourquoi? – Je pense qu’ils ont appris que j’ai appelé l’am-b a s s a d e a m é r i c a i n e , j e n e
sais pas comment. Au
Windsor Suites Hotel
j ’ é t a i s c o m m e e n p r i s o n , j e ne pouvais ni sortir, ni téléphoner et la police thaïen e
vient jamais ici.
Bolchemoi
! T o u t c e q u e j e veux, c’est retourner en Russie.
LE PIÈGE DE BANGKOK
281

– Il n’y a pas de problème, assura Malko.C e p e n d a n t , j e v o u d r a i s q u e v o u s m e d i s i e z c e


q u e vous savez sur le meurtre de Pisit
Aspiradee. – Je ne savais pas qu’ils allaient le tuer! juraO k s a n a . D i m i t r i m ’ a v a i t b a r a t i n é e . I l
m ’ a v a i t d i t qu’ils allaient faire évader Viktor Bout et qu’il fal-lait absolument écarter ce Thaï
qui travaillait pourles Américains.Malko sentit son pouls
s’envoler. – Le faire évader de prison? demanda-t-il. – Non, précisa Oksana Fibirova. Pendant letrajet de la
prison au tribunal…L e s v a c a n c e s n ’ é t a i e n t p a s p o u r d e m a i n . V o i l à p o u r q u o i l e s
Russes s’étaient tellement acharnésc o n t r e l u i . G o r d o n B a c k f i e l d
n ’ a l l a i t p a s e n c o r e dormir sur ses deux oreilles.Le combat continuait.
282
LE PIÈGE DE BANGKOK

CHAPITRE XXI
– Que pouvez-vous me dire de plus sur ce projetd’attentat? insista Malko. – Pas grand-
chose, reconnut Oksana Fibirova.D i m i t r i é t a i t t o u j o u r s f l o u . J e n e s a i s m ê m e p a s s i c’était un
projet
sérieux. – Evgueni Makowski était au courant? – Il ne m’a rien dit. – Quand vous avez téléphoné à l’ambassade
,q u e v o u l i e z - v o u s n o u s d i r e ? – J’avais peur. Qu’il me tue parce que j’avaisaidé au meurtre de ce Thaï
et que je pouvais dénon-cer Dimitri. C’est tout.M a l k o c o m p r i t q u ’ i l é t a i t
i n u t i l e d ’ i n s i s t e r : Oksana ne savait rien de plus. – Reposez-vous, recommanda-t-
il. Dans quel-q u e s j o u r s , v o u s p o u r r e z r e t o u r n e r à M o s c o u . I c i , vous êtes en sécurité.D u
premier, il gagna directement le bureau deG o r d o n B a c k f i e l d ,
d o n t l ’ e u p h o r i e n ’ é t a i t
p a s retombée. – On pourrait dîner avec votre amie chinoise,suggéra l’Américain. Pour fêter notre
victoire.

Malko le regarda avec une imperceptible ironie. – Gordon, il y a un proverbe qui dit qu’il ne fautpas
vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué…Le chef de Station se figea. – Qu’est-
ce que vous voulez dire? – Que nos amis russes n’ont peut-être pas tirétoutes leurs cartouches…Q u a n d
M a l k o e u t t e r m i n é , G o r d o n B a c k f i e l d était beaucoup moins
flamboyant. – Qu’est-ce qu’on fait? demanda-t-il. – Pour l’instant, rien, conseilla Malko. ViktorBout est bien
au chaud dans sa prison. Il n’y a qu’unm o m e n t o ù l e s R u s s e s p e u v e n t
t e n t e r d e f a i r e évader Viktor Bout : le 11 au matin, dans six jours,d u r a n t l e
t r a j e t e n t r e l a p r i s o n d e R e m o n d e t l e Palais de Justice. À
c o n d i t i o n q u ’ i l s s a c h e n t q u e Viktor Bout ne ressortira pas libre. Normalement,ils
l’ignorent. – Que Dieu vous entende! soupira l’Américain. – Cela nous laisse quelques jours pour nouso r g a n i s
er, conclut Malko. Pour le moment, on ser e l a x e . J e s u i s d é s o l é p o u r c e s o i r ,
m a i s j e p e n s e q u e L i n g S i m a n e p e u t p a s s ’ a f f i c h e r a v e c v o u s . Cela pourrait
lui nuire auprès de ses amis chinois.
***
L e c o l o n e l R a n g N a m , a l l o n g é s u r l e v e n t r e , s e laissait masser, dans un état de sérénité
absolue. Ilétait resté prosterné vingt minutes au
wat
Erawan,r e m e r c i a n t B o u d d h a d e s ’ ê t r e p e n c h é s u r s o n
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m o d e s t e s o r t , a v a n t d ’ a l l e r d é t e n d r e s o n c o r p s fatigué.S ’ i l
n ’ a v a i t p a s é t é d ’ a u s s i b o n n e h u m e u r , i l aurait protesté
c o n t r e l ’ a b s e n c e d e s a m a s s e u s e russe, Oksana. Une Thaïe l’avait remplacée avec
lam ê m e c o n s c i e n c e p r o f e s s i o n n e l l e , l e v i d a n t d e s a semence, dans une fellation digne de
son rang.L e s d e u x m a s s e u s e s s e r e l e v è r e n t . L a s é a n c e s e t e r m i n a i t . U n p a s s a g e
r a p i d e d a n s l e j a c u z z i e t o n l’aida à se rhabiller. Une hôtesse surgit. –
Khun
Rang Nam, une personne étrangère vousattend dans le
tea-room
.Cela ne pouvait être que le gros Russe barbu quivenait aux nouvelles.
***
E v g u e n i M a k o w s k i a v a i t l ’ e s t o m a c t o r d u d e fureur. Le coup de
fil de Natalya Isakov lui annon-ç a n t l e c o u p d e f o r c e d e s A m é r i c a i n s a u
WindsorSuites Hotel
l’avait d’abord totalement paniqué. Etpuis, en réfléchissant, il avait conclu que c’était sur-tout fâcheux pour
Dimitri.Or, Dimitri était mort…O k s a n a i g n o r a i t l e r ô l e d e G l e b e t d e B o r i s ,
e t encore plus le sien.M ê m e s i c ’ é t a i t v e x a n t , c e n ’ é t a i t p a s
c a t a s - trophique. Évidemment, Natalya avait perdu desclients. Le
p r i n c e M a h m o u d é t a i t e n c o r e s o u s l e choc. Aucune de ses «barrières de sécurité»
n’avaittenu.
LE PIÈGE DE BANGKOK
285

Ce n’était quand même pas une bonne nouvelle.Pourvu que le colonel Rang Nam en ait une,
lui…La porte qui s’ouvrait l’arracha à sa méditation,l e c o l o n e l t h a ï , p l u s
f l u e t q u e j a m a i s , s e m b l a i t en pleine forme. Il adressa un
wai
c é r é m o n i e u x à Evgueni Makowski et prit place en face de lui.L e s h ô t e s s e s
v e r s è r e n t l e t h é e t s ’ é c l i p s è r e n t . Pendant une dizaine de minutes, comme la
traditionl ’ e x i g e a i t , l e s d e u x h o m m e s n ’ é c h a n g è r e n t q u e d e s
b a n a l i t é s . P u i s , E v g u e n i M a k o w s k i p o s a l a question qui lui brûlait les
lèvres. – Colonel, avez-vous de bonnes nouvelles?Le chef du Service de l’Immigration arbora aus-
sitôt une mine contrite. – J’ai des nouvelles, répondit-il. Mais elles nesont pas bonnes.Evgueni Makowski
sentit le sang se retirer de sonvisage. – C’est-à-dire? –
Khun
Viktor Bout va être extradé aux États-Unis. Le Premier ministre a signé le décret,
m a i s c e l a n e s e r a p u b l i c q u e l e j o u r d e l ’ a u d i e n c e , d a n s six jours. –
Bolchemoi
! murmura l’homme du FSB.C ’ é t a i t l a t u i l e , l ’ é n o r m e t u i l e . I l a l l a i t
f a l l o i r passer au Plan A.Comme s’il avait lu dans ses pensées, le colonelRang Nam ajouta
: – Il sera emmené directement du Palais de Jus-tice à l’aéroport de Don Muang pour y être embar-q u é
s u r u n a v i o n d e s A m é r i c a i n s . A v e c u n e f o r t e escorte policière. Je suis désolé…
286
LE PIÈGE DE BANGKOK

P a s c o m p l è t e m e n t : i l a v a i t q u a n d m ê m e g a g n é ses six millions de baths.E v g u e n i


s e d i t q u ’ i l n e r e s t a i t d o n c q u ’ u n e possibilité :
a t t a q u e r l e f o u r g o n d e l a p o l i c e q u i emmènerait Viktor Bout au tribunal. Ce n’était
pasfacile, mais pas impossible. Il avait donc six jourspour finaliser son plan. – Merci, fit-
il d’une voix absente. Je vous feraiporter ce qui était promis.I l q u i t t a l e S p a e t f i l a d i r e c t e m e n t
à son bureaup o u r r é d i g e r u n t é l é g r a m m e q u ’ i l p o r t a e n s u i t e
à l ’ a m b a s s a d e r u s s e , a f i n q u ’ i l y s o i t c r y p t é . I l y résumait
la situation et y proposait sa solution, avecses problèmes.D e v a i t - o n l a i s s e r p a r t i r V i k t o r B o u t
a u x É t a t s - Unis? De l’autre côté, il soulignait les risques maté-r i e l s e t p o l i t i q u e s d ’ u n e
o p é r a t i o n « c o m m a n d o » p o u r l i b é r e r l e m a r c h a n d d ’ a r m e s , d é t e n u p a r d e s policiers
thaïs.
***
Ling Sima, Malko, Chris Jones et Milton Bra-b e c k , s ’ é t a i e n t
g o i n f r é s d e c u i s i n e c h i n o i s e a u S h a n g r i - L a , u n d e s
m e i l l e u r s c h i n o i s d e B a n g - k o k , e n h a u t d e
S i l o m r o a d . M ê m e l e s d e u x «baby-
sitters», pourtant peu portés sur la nour-
r i t u r e e x o t i q u e , a v a i e n t r e c o n n u q u e l e « B e g -
g a r C h i c k e n
1
» f o n d a i t d a n s l a b o u c h e . É v i - demment, les
légumes et champignons de races
LE PIÈGE DE BANGKOK
287
1. Poulet mendiant.

indéterminées qui l’accompagnaient étaient moinsrassurants.Après l’opération contre le


Windsor Suites Hotel
c’était la détente.F i n a l e m e n t , C h r i s e t M i l t o n c o m m e n ç a i e n t
à a i m e r B a n g k o k . L e r e s t a u r a n t é t a i t d é j à p r e s q u e vide et Malko demanda
l’addition.À peine sur le trottoir, Ling Sima annonça : – Ma voiture va me ramener à Yeowarat.I l s
échangèrent quelques
wais
m a l a d r o i t s e t l a Chinoise s’engouffra dans sa limousine noire. Sousle regard goguenard des deux
Américains. – Elle est pas sympa, soupira Milton Brabeck. – Elle est stricte, assura Malko, sérieux commeun
pape.E n r é a l i t é , L i n g S i m a s e f a i s a i t r a c c o m p a g n e r chez elle par son chauffeur
pour repartir ensuite entaxi au Shangri-La rejoindre Malko, en passant parl’entrée de la
nouvelle aile.Sauvegardant ainsi sa réputation.I l s s e s é p a r è r e n t d a n s l e l o b b y
de l’hôtel. Lesdeux gorilles avaient envie de boire un verre
a u bord de la rivière. Malko monta seul dans sa suite.Il n’avait plus qu’à attendre Ling Sima. Il
faillit sedéshabiller puis se ravisa. Ling Sima n’aimerait pasle trouver déjà couché.I l g a g n a d o n c
le «sitting-room» dont les baiesd o n n a i e n t s u r l e C h a o P r y a , e t
a p p e l a l e « r o o m - service» pour commander une bouteille de Cham-pagne Taittinger
brut.L e s p e c t a c l e é t a i t m a g i q u e e t i l é t e i g n i t
l a lumière pour mieux en profiter.
288
LE PIÈGE DE BANGKOK

***
Boris Titov et Gleb Papouchine débarquèrent surle palier désert du 25
e
étage vers onze heures. D’undes fauteuils du hall, ils avaient assisté, une demi-h e u r e p l u s t ô t , à
l’arrivée de leur «cible». Consta-t a n t a v e c p l a i s i r q u e s e s d e u x g a r d e s d e
s é c u r i t é avaient gagné le niveau piscine. Ce qui supprimaitun risque.Ils gagnèrent le fond du
couloir, qui se terminaite n T . L a p o r t e d e l a s u i t e 2 0 2 5 é t a i t a u f o n d d e l a b r a n c h e
g a u c h e d u T . B o r i s T i t o v r e s t a à l ’ e n t r é e du T, surveillant le couloir principal et Gleb Papou-chine
s’approcha de la porte de la suite, collant sonoreille contre le battant, sans entendre aucun bruit.A v e c
p r é c a u t i o n , i l g l i s s a a l o r s l a c a r t e m a g n é - tique dans la fente de la serrure.L e v o y a n t
v e r t s ’ a l l u m a , a v e c u n l é g e r c l a q u e - ment. Gleb Papouchine entrouvrit alors légèrementl e
b a t t a n t , s o n c œ u r b a t t a n t l a c h a m a d e : l a s u i t e était plongée dans
l’obscurité. Sa «cible» avait dûse coucher. Il entra à pas de loup, suivant un
petitc o u l o i r q u i d e s s e r v a i t l a
sitting-room
, d e v a n t l u i e t , s u r l a g a u c h e , l a c h a m b r e e t l a s a l l e d e b a i n s . Arrivé à
l’entrée de la
sitting-room
très
vaguementé c l a i r é e p a r l a l u e u r d e l ’ e x t é r i e u r , i
l r e p r i t son souffle, distinguant, sur sa gauche, l’entrée dela chambre.Il s’immobilisa. À
force d’écarquiller les yeux, ildistingua la forme d’un lit. Il se dit que le plus sur
LE PIÈGE DE BANGKOK
289

était de s’approcher encore et de vider son chargeursur le dormeur.Il fit un pas en avant et sortit son pistolet. Il
tenditle bras vers le lit et bloqua sa respiration.
***
Malko avait entendu le claquement de la serruremagnétique. Il s’apprêtait à se lever pour
accueillirL i n g S i m a l o r s q u ’ i l r é a l i s a q u ’ e l l e n ’ a v a i t p a s l a clef de la chambre… Tous
ses muscles se tendirentet son cerveau se mit à fonctionner à toute vitesse.Grâce à la légère
lumière arrivant de l’extérieur,i l d e v i n a v a g u e m e n t u n e s i l h o u e t t e q u i v e n a i t
d e pénétrer dans la suite.S o n p o u l s g r i m p a à 1 5 0 e n u n e
f r a c t i o n d e seconde.C e l a n e p o u v a i t p a s ê t r e u n v i s i t e u r b i e n i n t e n -
tionné…Retenant son souffle, il tenta de suivre les dépla-cements de l’intrus.Cherchant comment s’en
sortir. Vraisemblable-m e n t , c e l u i q u i v e n a i t d ’ e n t r e r é t a i t v e n u p o u r l e t u e r .
O r , l e « d e u x p o u c e s » d e M a l k o é t a i t r e s t é dans sa chambre. Il n’allait
pas accueillir Ling Simaenfouraillé comme un voyou…L a s i l h o u e t t e d e l ’ i n t r u s a v a i t d i s p a r u
e t M a l k o réalisa qu’il venait d’entrer dans la chambre qu’au-cune porte ne séparait du reste de la
suite.Il allait vite réaliser qu’elle était vide…Malko prit sa décision en un éclair.M a r c h a n t
sans bruit sur la moquette, il traversa
290
LE PIÈGE DE BANGKOK
la
sitting-room
, p a s s a n t d e v a n t l a c h a m b r e e t c o u - rut jusqu’à la porte donnant sur le palier.I l l ’ o u v r i t à
l a v o l é e e t p l o n g e a d a n s l e c o u l o i r . Tombant sur un inconnu posté à l’entrée du
mêmec o u l o i r d e s s e r v a n t l e s d e u x s u i t e s . L ’ h o m m e
l u i jeta un regard effaré. Malko fonça. D’un coup detête en pleine poitrine, il fit tomber l’homme sur
lamoquette. Dans sa chute, sa main droite sortit de sapoche, serrée sur la crosse d’un pistolet. Malko étaitd é j à
d e b o u t . D ’ u n f u r i e u x c o u p d e t a l o n , i l é c r a s a la main qui tenait le pistolet. Sous le coup de
la dou-leur, l’inconnu lâcha son arme. Malko s’en emparaen un éclair et se redressa.
***
G l e b P a p o u c h i n e , p r e s q u e a u m ê m e m o m e n t , entendit un frôlement derrière
lui et réalisa qu’il n’ya v a i t p e r s o n n e s u r l e l i t ! I l p i v o t a v i v e m e n t e t v i t la porte qui
s’ouvrait, et une silhouette qui se glis-sait à l’extérieur.I l s e p r é c i p i t a , s e d i s a n t q u e
s a « c i b l e » a l l a i t s e retrouver coincée entre Boris et lui.
***
Malko expédia de toutes ses forces un coup depied dans le visage de l’homme à
q u i i l v e n a i t d e prendre son pistolet et qui cherchait à se relever.J u s t e a u m o m e n t o ù u n
s e c o n d i n d i v i d u s u r g i s - sait de la suite.Lui aussi, un pistolet à la main.
LE PIÈGE DE BANGKOK
291

Ce n’était pas le moment de prendre des risques.Sans hésiter, il appuya sur la détente de l’arme
qu’iltenait et laissa son index crispé dessus.I l y e u t u n e s é r i e d e « p l o u f s » l é g e r s e t
l ’ h o m m e q u i v e n a i t d e s o r t i r d e s a c h a m b r e t i t u b a , d u s a n g apparut sur son visage, son
bras droit retomba et ils’écroula, plié sur le côté.M a l k o é t a i t s i c o n c e n t r é q u ’ i l
n e v i t p a s c e l u i qu’il venait de frapper se relever et filer comme uneflèche dans le couloir
désert.Il se lança aussitôt à sa poursuite.
***
L i n g S i m a , a u m o m e n t o ù e l l e é m e r g e a i t d e l’ascenseur,
f a i l l i t ê t r e r e n v e r s é e p a r u n h o m m e qui venait de surgir du couloir, le
visage en sang.Sans un mot, il entra dans la cabine et appuya surle bouton du 1.L a
C h i n o i s e s ’ é l o i g n a i t d é j à e n d i r e c t i o n d e l a suite de Malko.E l l e n e
s ’ a t t e n d a i t p a s à l e v o i r v e n i r à s a r e n - contre. Et encore moins, un pistolet à la
main… – Qu’est-ce qui se passe? demanda-t-elle, inter-
loquée. – J’ai eu une visite désagréable, fit Malko. Jesuis d’autant plus heureux de te voir.Il l’entraîna
vers la porte de la suite et elle s’im-m o b i l i s a . E l l e a v a i t f a i l l i
m a r c h e r s u r l e c o r p s étendu au milieu du
couloir. – Viens, dit Malko en l’entraînant, on s’enoccupera après.
292
LE PIÈGE DE BANGKOK

Ling Sima était vraiment magnifique, avec sal o n g u e r o b e


n o i r e c h i n o i s e o r n é e d e b r o d e r i e s dorées, ajustée comme si elle
a v a i t é t é c o u s u e s u r elle. – C’est toi qui… – Oui.I l r e f e r m a l a p o r t e
d e r r i è r e l u i e t L i n g S i m a demanda,
stupéfaite. – Tu ne fais rien? Tu le laisses là? – Pour le moment, oui, j’ai mieux à faire.Il l’avait plaquée contre le
mur de l’entrée, cares-s a n t d é j à s a p o i t r i n e , p r e s q u e a v e c v i o l e n c e , s a i s i d ’ u n e
violente pulsion. Ils n’allèrent même
p a s jusqu’à la chambre. Malko appuya la Chinoise aupetit bureau qui faisait face à la baie vitrée,
relevas a r o b e , f i t d e s c e n d r e b r u t a l e m e n t s o n s l i p
l e l o n g d e s e s j a m b e s e t l a p r i t d e b o u t , c o m m e u n soudard.Il était
tellement excité qu’à peine planté en elle,i l j o u i t a v e c u n c r i s a u v a g e . S a n s s e p r é o c c u p e r
l e moins du monde de son plaisir.Q u a n d o n v i e n t d e f r ô l e r l a
m o r t , o n a d e s excuses…
***
E v g u e n i M a k o w s k i l i s a i t u n m e s s a g e q u ’ o n venait de lui apporter de
l’ambassade de Russie, enréponse au sien, envoyé après sa rencontre avec lecolonel Rang Nam. Il était
très court et très précis :une seule phrase.« V B n e d o i t e n a u c u n c a s ê t r e e x t r a d é » .
LE PIÈGE DE BANGKOK
293

C ’ é t a i t s i g n é I . G . l e s i n i t i a l e s d u c h e f d e s O p é - rations Extérieures du FSB. Il n’y avait


donc pas àdiscuter.Il venait de replier le papier, lorsque son portables o n n a . L e n u m é r o d e
B o r i s T i t o v s ’ a f f i c h a . P r i s d’un mauvais pressentiment, il enclencha
i m m é - diatement la communication. La voix essoufflée deBoris Titov envoya son pouls au
ciel. – Il faut que tu viennes me chercher, lança lev o y o u r u s s e , d ’ u n e v o i x p r e s s a n t e . V i t e . I l y
a e u un problème. – Quel problème? – Je t’expliquerai. – Où es-
tu? – En bas de la station du BTS de Saphan Tak-sin, juste avant le
pont. – Tu es seul? – Oui. – Et Gleb? – Il a eu un problème. Je t’expliquerai. –
Dobre.
J’arrive. Il me faut vingt minutes.Soupçonnant le pire, Evgueni Makowski se ruadans
l’ascenseur. Se disant que les ordres de Mos-cou allaient être difficiles à suivre.Hélas, il ne
pouvait pas les ignorer.
294
LE PIÈGE DE BANGKOK

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CHAPITRE XXII
Evgueni Makowski étouffait de rage, tandis qu’ilremontait Pathorn pour raccompagner Boris Titovdans
son petit hôtel de Koosham road.I l m i t l a r a d i o p o u r é c o u t e r
l e s n o u v e l l e s . Evgueni Makowski était modérément inquiet. GlebP a p o u c h i n e
n ’ a v a i t p a s d e p a p i e r s s u r l u i , e t l e s deux pistolets ne mèneraient nulle
p a r t . L a p o l i c e t h a ï e i d e n t i f i e r a i t f a c i l e m e n t l e R u s s e c a r i l é t a i t entré
légalement dans le pays.Il n’y avait plus qu’à faire le gros dos. Les Thaïsrisquaient de
s’énerver après la découverte de troispistolets de tueurs professionnels, en deux jours…I l n e
s a u r a i t j a m a i s , h é l a s , c o m m e n t G l e b P a p o u - chine avait merdé alors que tout devait se
déroulersans problème.Décidément, cet agent de la CIA avait
la baraka. – Tu ne sais vraiment pas ce qui s’est passé?demanda-t-il à Boris
Titov. – Non. La carte a bien marché. Gleb est entréd a n s l a s u i t e . A p r è s , c ’ e s t l ’ A m é r i c a i n q u i
a surgiet a foncé sur moi…
Evgueni Makowski renonça à en savoir plus… Àquoi
bon. – Tu pars quand même à Phuket demain matin,confirma-t-il, mais j’aurai peut-être encore
besoinde toi dans quelques jours. Voilà ton billet.Sur les vols Bangkok-Phuket, il n’y avait pas
decontrôle de passeport. Boris Titov serait plus tran-quille au soleil.Il roulait vers son
domicile. Evgueni Makowskis e d i t q u ’ i l é t a i t v r a i m e n t d a n s l a m e r d e . À p e i n e s i x
j o u r s p o u r o r g a n i s e r l ’ é v a s i o n d e V i k t o r B o u t et les Américains qui ne lâcheraient pas
prise.Une question le taraudait : savaient-ils déjà pourl’extradition? Le Russe conclut par
l’affirmative :b e a u c o u p m i e u x p l a c é s q u e l u i c h e z l e s T h a ï s , i l s avaient forcément été
mis au courant.I l n ’ y a v a i t p l u s u n e s e c o n d e à p e r d r e p o u r p r é - parer l’évasion de Viktor
Bout. Et ce qui suivrait.P l u s q u e s t i o n d e p l a n q u e r l ’ é v a d é à
P a t t a y a . L’intervention d’un sous-marin était donc exclue.I l a v a i t e u u n e a u t r e
i d é e : d e n o m b r e u x n a v i r e s russes relâchaient à Khlong Toey, l’avant-port
d e Bangkok.D a n s u n p r e m i e r t e m p s , E v g u e n i M a k o w s k i planquerait
Viktor Bout dans la maison de Dimitri.Ensuite, il obtiendrait la coopération du comman-d a n t
d’un navire russe pour embarquer clandes-t i n e m e n t V i k t o r
B o u t à b o r d , g r â c e à
q u e l q u e s p r e s s i o n s j u d i c i e u s e s d e l ’ a m b a s s a d e r u s s
e à Bangkok.D e r e t o u r c h e z l u i , i l r é d i g e a u n n o u v e a u t é l é - gramme résumant
l’échec de l’équipe Boris-Gleb,
296
LE PIÈGE DE BANGKOK

q u ’ i l a p p o r t e r a i t l e l e n d e m a i n à l ’ a u b e à l ’ a m b a s - sade pour une transmission


sécurisée.I l s e c o u c h a e n s u i t e e t s e d i t q u ’ i l a l l a i t
m a l dormir.
***
Malko bâilla : il avait encore passé une très courtenuit. Immédiatement après leur brève étreinte, LingSima s’était éclipsée, ne
tenant pas à être mêlée àune enquête policière. La Sun Yee On n’apprécieraitpas… Il n’avait même pas eu le temps de
déboucherla bouteille de Taittinger Brut.Immédiatement après son départ, il avait prévenula police et Gordon
Backfield. Tout le monde étaita r r i v é e n m ê m e t e m p s e t i l a v a i t r a c o n t é s o n h i s -
t o i r e . A g r e s s é d a n s s a c h a m b r e p a r u n i n c o n n u armé, il s’était
enfui, en avait trouvé un second der-rière la porte, l’avait désarmé et s’était servi de sonarme pour abattre son
premier agresseur…Les policiers thaïs semblaient considérablementembarrassés, devant ce
règlement de comptes entre
farangs
. Le mort était en cours d’identification.Tout cela, s’était terminé à trois heures du matin,sous le regard
penaud de Chris Jones et Milton Bra-b e c k , q u i s e s e n t a i e n t h o r r i b l e m e n t
c o u p a b l e s d ’ a v o i r é t é r e s p i r e r l ’ a i r h u m i d e d e l a C h a o P r y a plutôt que
d e v e i l l e r s u r l e u r « c l i e n t » . Malko les avait
réconfortés. – Vous n’auriez pas dormi dans la chambre… – On aurait pu rester devant la porte, avaitsuggéré
Chris Jones.
LE PIÈGE DE BANGKOK
297

– Mais non, corrigea Malko, vous auriez étéglués devant CNN.C e q u i l e u r o f f r a i t t o u s


les soirs une
b o u f f é e d ’ A m é r i q u e p o u r l e s c h a n g e r d e c e p a y s d e « g o o k s » où
tout le monde avait les yeux bridés.Il reprit un peu de l’immonde café préparé par lasecrétaire de Gordon
Backfield. – Vous n’êtes pas surpris de cette nouvelle ten-tative
d’élimination? demanda l’Américain. – Cela confirme deux choses, à mon sens, répli-q u a
M a l k o . D ’ a b o r d , l e s R u s s e s o n t d û a v o i r l a même information que
n o u s p o u r l ’ e x t r a d i t i o n d e Viktor Bout. Ensuite, ils ont décidé de tenter de
lefaire évader.Gordon Backfield arbora une moue sceptique. – Il reste cinq jours. Le seul moment
qu’ils peu-v e n t u t i l i s e r , c ’ e s t l e p a r c o u r s e n t r e l a p r i s o n e t l e Palais de Justice. À l’aller
ou au retour, s’ils igno-rent qu’il repartira avec
nous. – Cela peut suffire. – Je vais prévenir le général Samutprakan et luidemander une escorte militaire.
C’est plus sûr quela police, qui est totalement
corrompue. – Bonne idée, approuva Malko. En attendant,M a i d e v r a i t s u r v e i l l e r l e s v i s i t e s d e l a
p r i s o n . L e s Russes ont impérativement besoin de contacts avecViktor Bout, s’ils organisent quelque
chose. – Je la préviens immédiatement, assura le chef de Station. Elle sera là-bas à l’heure de la
visite. – Parfait. En attendant, je retourne au Shan-g r i - L a p r e n d r e u n s e c o n d b r e a k f a s t . J e
m e u r s d e faim.
298
LE PIÈGE DE BANGKOK

– Retrouvons-nous ici après. On peut déjeunerchez l’italien, suggéra Gordon Backfield.Malko fit la
grimace. – On ne peut pas aller ailleurs? Ce n’est pasterrible… – OK, concéda l’Américain, on va dans un thaï,
mais j’aurai encore l’estomac en vrac pendant trois jours.
***
Evgueni Makowski avait l’impression de dispu-ter un marathon. De chez lui, il avait d’abord
été àl’ambassade déposer son rapport, puis avait foncé jusqu’au Marway Garden Hotel, où demeurait
AllaBout. Il était important de la briefer sur ce qu’elled e v a i t d i r e à s o n m a r i . E t
aussi, de savoir si ellea v a i t o b t e n u u n e r é p o n s e p o s i t i v e d e
l a f e m m e d’Oyo, le Nigérien.Tout devait s’emboîter avec précision.Maintenant, il fonçait
vers le sud, sur l’express-w a y , r e j o i n d r e T a t i a n a M i r a , p o u r u n e
n o u v e l l e r e c o n n a i s s a n c e d e t e r r a i n . I l d e v a i t p e n s e r à s o n Plan B.
Selon les ordres de Moscou, s’il ne par-v e n a i t p a s à f a i r e
é v a d e r V i k t o r B o u t , i l d e v a i t l’éliminer.I l é t a i t s u r l e s n e r f s , l o r s q u ’ i l
se gara devant leNovotel. Heureusement, la «spetnatz» l’attendaitd e v a n t
l ’ h ô t e l e t i l s r e p a r t i r e n t i m m é d i a t e m e n t , direction Thanon
R a d j a d a p h i s e t , o ù s e t r o u v a i t l e Palais de Justice.P e n d a n t l e t r a j e t , i l
e x p l i q u a l e p r o b l è m e à
LE PIÈGE DE BANGKOK
299

Tatiana Mira. La seule possibilité qui pourrait s’of-frir à elle, c’était le moment où Viktor Bout suivraitl e
couloir allant du palier au neuvième étage jus-q u ’ à l a s a l l e d ’ a u d i e n c e . I l
p a s s e r a i t s u c c e s s i v e - ment devant deux fenêtres. Les chevilles entravées,il ne pouvait pas se
déplacer très vite.Comme il arrivait dans le fourgon de la police quip é n é t r e r a i t d i r e c t e m e n t d a n s l a c o u r
i n t é r i e u r e d u Palais de Justice, il était impossible de l’atteindreavant.Ils mirent quarante minutes pour
atteindre la citéadministrative où plusieurs bâtiments s’alignaientf a c e à d e s p a r k i n g s l e s
s é p a r a n t d e l a g r a n d e a v e - nue. Le Palais de Justice était le dernier, avec cinqmagnifiques
colonnades blanches.E v g u e n i M a k o w s k i s e g a r a e t l a n ç a à
T a t i a n a Mira. – Je t’attends ici, va d’abord au neuvièmeétage… – Tu ne vas pas m’apprendre mon métier! fi
ts è c h e m e n t l a « s p e t n a t z » . Le Russe la vit monter le perron et pénétrer dansl e b u i l d i n g
g a r d é p a r d e s p o l i c i e r s , n o n c h a l a n t s , qui la suivirent longuement des yeux. Avec sa
minid é c o u v r a n t s e s c u i s s e s é n o r m e s , T a t i a n a M i r a n e p a s s a i t p a s i n a p e r ç u e , m a i s
p e r s o n n e n ’ a u r a i t p u imaginer son véritable métier. Evgueni Makowskialluma une cigarette et mit
la radio. On commençaità p a r l e r d e l ’ i n c i d e n t d u S h a n g r i - L a .
Cependant,c o m m e i l s ’ a g i s s a i t d e
farangs
, c e l a n ’ i n t é r e s s a i t p a s trop les medias locaux.
300
LE PIÈGE DE BANGKOK

***
M a i é t a i t s a g e m e n t a s s i s e e n f a c e d e s p a r l o i r s , mêlée à la foule des visiteurs,
lorsqu’elle vit appa-raître Alla Bout, un sac de plastique à la main, pleinde fruits.Les visites venaient
juste de commencer.Un quart d’heure plus tard, la Thaïe vit la Russes e l e v e r e t g a g n e r l e
p a r l o i r N ° 9 . Elle se déplaça un peu et aperçut Viktor Bout, entenue orange, style Guantanamo, qui
s’asseyait enface d’elle.Alla Bout sortit un papier de son sac, visiblementpréparé à l’avance, et le colla
à la glace de sépara-tion. Mai était malheureusement trop loin pour voirl’expression du prisonnier.E l l e
d u t s e c o n t e n t e r d ’ o b s e r v e r à d i s t a n c e l a rencontre.
***
A l l a B o u t r e m i t d a n s s o n s a c l e p a p i e r q u ’ e l l e venait d’afficher sous les yeux de
son mari, où
unes e u l e p h r a s e é t a i t é c r i t e : « T u d o i s ê t r e e x t r a d é immédiateme
nt après l’audience du 11».Devant le visage décomposé de Viktor Bout, ellecolla aussitôt contre la
glace un second
message.« L ’ o p é r a t i o n e s t p r é v u e a v a n t , e n t r e i c i e t l e P a l a i
s d e J u s t i c e . E s t - c e q u ’ O y o e s t d ’ a c c o r d ? » Viktor Bout inclina la tête
affirmativement. – Alors, tout se passera bien! cria-t-elle à traversla glace, avec un optimisme un peu
forcé.
LE PIÈGE DE BANGKOK
301

L’essentiel était dit et ils parlèrent de leur fille etdes messages d’amitié qu’elle recevait
de Moscou.L e t e m p s p a s s a i t t r è s v i t e : l e g a r d i e n t a p a
s u r l’épaule de Viktor Bout alors qu’il avait l’impres-sion d’être là depuis cinq minutes à
peine.
***
T a t i a n a M i r a o u v r i t l a p o r t i è r e e t s e l a i s s a t o m - ber dans la Toyota d’Evgueni
Makowski. – J’ai trouvé! annonça-t-
elle d’une voix neutre. – Où? – Il y a un immeuble, de l’autre côté de l’ave-n u e , j u s t e e n f a c e . I l n ’ y a
pas de gardien. Au hui-t i è m e é t a g e , j ’ a i d é c o u v e r t d e s
b u r e a u x v i d e s . Quatre fenêtres donnent sur le Palais de
Justice. – C’est loin… – Pas pour moi, assura Tatiana Mira. En Tchét-c h é n i e , j ’ a i t o u c h é d e s c i b l e s
à d e s d i s t a n c e s b i e n plus importantes. J’ai observé les gens qui circulentdans le couloir. On les voit
parfaitement lorsqu’ilsp a s s e n t d e v a n t l e s f e n ê t r e s . I l y e n a t r o i s . V i k t o r passera deux
fois, pour gagner la salle d’audienceet pour en revenir. Cela fait six créneaux de
tir.I m p r e s s i o n n é p a r s o n p r o f e s s i o n n a l i s m e , E v - gueni Makowski
n’insista pas. –
Dobre,
conclut-il, on va passer à l’ambassaderécupérer ton arme.I l a v a i t r e ç u u n
t e x t o l u i a n n o n ç a n t q u e s o n caviar rouge était arrivé.
C ’ e s t - à - d i r e l e D r a g o - n o v q u e T a t i a n a M i r a d e v a i t u t i l i s e r p o u r a b a t t r e Viktor
Bout.
302
LE PIÈGE DE BANGKOK

Secrètement, il espérait que l’évasion réussirait,m a i s i l n e p o u v a i t p a s s e p e r m e t t r e d e n e


p a s p r é - v o i r d e P l a n B . Il quitta le parking et reprit la direction du centre.I l l u i r e s t a i t à
v a l i d e r l a p a r t i e . D ’ a b o r d , f a i r e l e point avec l’ambassade pour savoir quels étaient
lesnavires russes relâchant à Bangkok. Le jour venu,il utiliserait sa voiture pour gagner le port.
Parlantthaï et connaissant les raccourcis, il avait moins dec h a n c e s d ’ ê t r e i n t e r c e p t é . L e
c o f f r e d e l a T o y o t a était assez grand pour accueillir Viktor Bout, qui yserait, certes à
l’étroit, mais cela valait mieux quede passer trente ans dans un pénitencier américain.L e p l u s
dur restait à faire :M e n e r à b i e n l ’ a t t a q u e d u f o u r g o n d e
p o l i c e emmenant Viktor Bout au Palais de Justice. Ce der-n i e r l u i a v a i t d é j à f o u r n i l e
maximum d’informa-tions : le fourgon n’était jamais escorté. Il y avaitdeux
policiers, dont le chauffeur, dans la cabine,n o n a r m é s , e t d e u x
a u t r e s à l ’ i n t é r i e u r , a r m é s , veillant sur les prisonniers transportés.D e
p l u s , c e t t e p a r t i e d u v é h i c u l e n e p o u v a i t s’ouvrir que de
l’intérieur.Grâce à toutes ces données, Evgueni Makowskipensait avoir une bonne chance de
réussite.E t , s i c e l a r a t a i t , T a t i a n a M i r a s e r a i t e n p l a c e p o u r m e t t r e e n
r o u t e l e P l a n B . I l é t a i t c o n f i a n t : e n d é p i t d e s e f f o r t s d e l a C I A , Viktor Bout ne serait
pas transféré aux États-Unis.
LE PIÈGE DE BANGKOK
303

CHAPITRE XXIII
E n t r e d e u x n u a g e s , l e s o l e i l é t a i t b r û l a n t e t Malko
s’imposait de rester à l’ombre, pour ne passe transformer en homard cuit à point… Il fixait lesnuages qui
défilaient : encore deux jours avant l’au-dience où Viktor Bout devait être extradé. Jusque-l à , i l
n ’ y a v a i t p l u s r i e n à f a i r e . L e s A m é r i c a i n s , après avoir tâté la police thaïe,
a v a i e n t r e n o n c é à découvrir le domicile réel de Evgueni Makowski.Celui-ci semblait s’être
volatilisé. Un agent de laC I A p l a n q u a i t d e p u i s l a v e i l l e d e v a n t l e b u i l d i n g Esmeralda, sans
observer aucune activité.S o i t l e R u s s e s e c a c h a i t , a u c a s o ù l e s
T h a ï s réagiraient après l’incident du Shangri-La, soit
i l préparait quelque chose.M a i , q u i s u r v e i l l a i t l e s v i s i t e s à l a p r i s o n ,
n ’ y a v a i t v u q u e l a f e m m e d u t r a f i q u a n t d ’ a r m e s , q u i s’y rendait tous les jours.Personne
d’autre.G o r d o n B a c k f i e l d t e n a n t a b s o l u m e n t à c e
qu’ilr e s t e à B a n g k o k , a v e c s e s d e u x « b a b y -
s i t t e r s » , jusqu’à l’extradition de Viktor Bout, Malko enp r o f i t a i t p o u r v i v r e q u e l q u e s
jours de «vacances

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t h a ï l a n d a i s e s » a v e c L i n g S i m a q u i s ’ é c h a p p a i t d e sa bijouterie, chaque fois qu’elle le


pouvait.C h r i s J o n e s e t M i l t o n B r a b e c k s o n g e a i e n t p
resque à revenir en vacances à Bangkok… ayanttrouvé plusieurs restaurants de
« f a s t - f o o d » . Son portable sonna, c’était Ling Sima. – On se retrouve à l’Emporium? suggéra-t-elleJe
suis libre jusqu’à deux heures.M a l k o s e l e v a e t f i t s i g n e à s e s « b a b y -
s i t t e r s » qu’il était temps d’abandonner le farniente.Encore deux jours.
***
Evgueni Makowski, allongé nu sur son lit, trans-p i r a i t à g r o s s e s g o u t t e s . L a m a i s o n d e f e u
DimitriKorsanov n’avait pas de clim et une chaleur écra-s a n t e c h a u f f a i t
l e s m u r s à b l a n c . I l p r e n a i t u n e douche toutes les deux heures
p o u r r e s t e r o p é r a - tionnel.Dans la chambre voisine, Boris Titov souffrait lemême calvaire. Evgueni
l’avait fait revenir de Phu-ket, ne pouvant mener l’opération du 11 tout seul.Il avait été le récupérer à
l’aéroport, suivant ensuiteu n i t i n é r a i r e c o m p l i q u é d e r u p t u r e s d e
f i l a t u r e s , pour arriver à la maison de Dimitri.C ’ e s t p a r p r u d e n c e q u ’ i l a v a i t c h o i s i d e
c o u p e r tout lien avec sa vie habituelle. Sa voiture était sousu n e b â c h e d a n s l a c o u r ,
g a r d é e p a r l a m e u t e d e chiens qui signalaient toute approche humaine.I l a v a i t
accumulé des vivres et de l’eau, afin de
LE PIÈGE DE BANGKOK
305

n e p a s ê t r e o b l i g é d e r e s s o r t i r u n e f o i s q u e V i k t o r Bout serait là.Il n’y avait plus qu’à


attendre.T r o i s f o i s d é j à , i l a v a i t p r o c é d é à u n e « r e c o n - n a i s s a n c e
d ’ o b j e c t i f » e t s a v a i t o ù i l a l l a i t t e n t e r d’intercepter le fourgon emmenant
Viktor Bout.I l n ’ y a v a i t p l u s q u ’ à p r i e r … I l s e l e v a e t a l l a prendre sa
sixième douche de la journée.
***
M a l k o r e g a r d a i t l a l u m i è r e c r u e q u i f i l t r a i t à travers les rideaux.
Les aiguilles lumineuses de saBreitling indiquaient sept heures du matin.D a n s u n e
h e u r e e t d e m i e , i l d e v a i t ê t r e p o s i - tionné, avec les
« b a b y - s i t t e r s » , à l a s o r t i e d e l a prison de Remond, pour prendre en charge
le four-g o n d e p o l i c e e m m e n a n t V i k t o r B o u t a u P a l a i s d e Justice.E n p r i n c i p e ,
p o u r f a i r e d e l a f i g u r a t i o n … L e général Samutprakan ayant promis à Gordon
Back-field une escorte militaire.I l s ’ é t i r a e t s e r e d r e s s a i t p o u r s e l e v e r l o r s q u ’ i l s e n t i t
l e b r a s d e L i n g S i m a s e p o s e r s u r s o n t o r s e , comme pour le retenir.I l s a v a i e n t p a s s é l a
soirée ensemble, et, excep-t i o n n e l l e m e n t , e l l e n ’ é t a i t p a s
retournée dormirc h e z e l l e . D e r e t o u r a u S h a n g r i - L a ,
i l s a v a i e n t alterné étreintes et champagne. Le cadavre d’uneb o u t e i l l e
d e T a i t t i n g e r C o m t e s d e C h a m p a g n e Blanc de Blancs était encore sur
la moquette.Ling Sima se déplaça légèrement et posa la tête
306
LE PIÈGE DE BANGKOK

sur le ventre de Malko. Comme si elle voulait conti-nuer à dormir sur cet oreiller de chair.Mais, ce n’était
pas pour continuer sa nuit. Malkosentit la bouche de la Chinoise se poser sur son sexeet tout son sang se rua
sur son ventre. Depuis qu’ilconnaissait Ling Sima, c’était seulement la secondefois qu’elle lui offrait
sa bouche. Et, lors de la pre-mière expérience, elle avait évacué ses inhibitionsavec une dose
massive de
Yaa Baa
…L à , c ’ é t a i t d i f f é r e n t . L a b o u c h e d e L i n g S i m a l ’ a v a l a i t
progressivement, au fur et à mesure ques o n é r e c t i o n p r e n a i t f o r m e . S a
c a r e s s e é t a i t m a l - adroite, désordonnée, mais, en quelques instants, ilfut dur comme un morceau
de teck.C ’ é t a i t i n o u ï ! C o m m e s ’ i l a v a i t s e i z e a n s ! I n s - tinctivement, il appuya
légèrement sur la tête de la jeune femme et elle le laissa enfoncer encore plusson membre dans sa
bouche.C’était trop bon, il fut incapable de se retenir ets e d é v e r s a d a n s s a b o u c h e a v e c u n
c r i s a u v a g e , l a tête rejetée en arrière.Ling Sima le but jusqu’à la dernière goutte, puisr e c u l a
a u f o n d d u l i t , l a t ê t e c o u v e r t e p a r l e d r a p , comme un animal qui rentre dans sa
tanière.T i t u b a n t d e p l a i s i r , M a l k o s ’ a r r a c h a d u l i t . L a journée commençait bien.
***
M a i , q u i c o n d u i s a i t , n e s ’ a r r ê t a q u e q u e l q u e s secondes à l’entrée de l’expressway pour
donner ses4 5 b a t h s à u n p r é p o s é , l e v i s a g e c o u v e r t d ’ u n m a s q u e
LE PIÈGE DE BANGKOK
307

en carton anti-pollution, qui le faisait ressembler autueur anthropophage du «Silence des Agneaux».Heureusement, il n’y
avait pas trop de monde surl’expressway et ils arrivèrent à la prison de Remondun quart d’heure avant
l’heure, se garant devant las t a t i o n d e t a x i s , v i d e . L e m a t i n , i l n ’ y a v a i t g u è r e d e
v i s i t e u r s . M a l k o r e g a r d a a u t o u r d e l u i : p a s l a moindre trace de protection
militaire.Il appela Gordon Backfield. – Il n’y a que nous, annonça-t-il. Essayez d’ap-peler le général
Samutprakan. – Tout de suite! assura le chef de Station de laCIA, visiblement très nerveux.Il n’avait pas
rappelé lorsqu’ils virent un fourgonb l e u s o r t i r d e l a g r a n d e p o r t e d e l a p r i s o n . I l
é t a i t exactement 8 h 30. Il fallait environ une demi-heurepour rejoindre le Palais de Justice.Mai prit
position derrière le fourgon qui se glissadans la circulation. Il n’avait aucune escorte et rou-l a i t a s s e z
lentement. Elle n’avait aucun mal à lesu ivre. À cô t é d’e l l e,
M a l k o é t a i t t e n d u c o m m e une corde à violon. Son intuition lui disait que
lesR u s s e s n e p o u v a i e n t p a s n e p a s t e n t e r
q u e l q u e chose.U n e p e n s é e h o r r i b l e l ’ e f f l e u r a : e t s i
l ’ i n f o r - m a t i o n t r a n s m i s e p a r L i n g S i m a é t a i t i n e x a c t e ? Dans
ce cas, les Russes ne tenteraient évidemmentrien. Il écarta vite cette hypothèse, la Chinoise
étaittotalement fiable…Ils avançaient de plus en plus lentement, engluésdans la circulation du
matin.M a l k o n ’ a r r i v a i t p a s à d é t a c h e r l e s y e u x d e
308
LE PIÈGE DE BANGKOK

l ’ a r r i è r e d u f o u r g o n , c e t t e p o r t e d ’ a c i e r d e r r i è r e laquelle se trouvait
Viktor Bout.E n c o r e v i n g t m i n u t e s e t c e s e r a i t f i n i ; u n e f o i s au tribunal, Malko
passait la main aux Thaïs et auxAméricains.I l s p a s s è r e n t s o u s l e f r e e w a y
m e n a n t à D o n Muang. Le portable sonna. – Le cabinet du général Samutprakan me dit quele
nécessaire a été fait, annonça Gordon Backfield. – Je ne vois personne, mais tout se passe bien.L e
f o u r g o n r a l e n t i t e n a r r i v a n t à l ’ e n t r é e d ’ u n petit parc.I l s f u r e n t d o u b l é s
p a r u n e v o i t u r e b l a n c h e q u i doubla aussi le fourgon. Celui-ci ralentit : la
routes i n u a i t d a n s u n m i n i - p a r c , a v a n t d e
r e p r e n d r e T h a n o n R a d j a d a p h i s e t , l ’ a v e n u e o ù s e t r o u v a i t l e tribunal civil.Le
portable de Malko sonna. La voix de GordonBackfield était tellement changée qu’il ne l’identi-
f i a p a s i m m é d i a t e m e n t : u n e v o i x d ’ o u t r e - t o m b e , comme s’il venait d’enterrer toute sa famille.
Il pro-n o n ç a u n s e u l m o t : –
Abort
1
. – Qu’est-ce qui se passe? demanda Malko,stupéfait.La voix de l’Américain grinçait de fureur
rentrée. – Un deal vient d’être scellé entre la MaisonB l a n c h e e t l e K r e m l i n . N o u s
a b a n d o n n o n s n o t r e demande d’extradition. Notre ambassadeur est ent r a i n
d’avertir le gouvernement thaï. Je viens de
LE PIÈGE DE BANGKOK
309
1. Annulez tout.

r a p p e l e r l e v é h i c u l e q u i d e v a i t e m m e n e r V i k t o r Bout à Don
Muang. – Pourquoi?On sentait Gordon Backfield littéralement grin-cer des
dents. – Les Russes acceptent de laisser transiter nosa v i o n s d e t r a n s p o r t q u i r a v i t a i l l e n t
l ’ A f g h a n i s t a n par la base du Kirghistan qu’ils s’apprêtaient à fairefermer. Ils échangent cette
concession stratégiquecontre la liberté pour Viktor Bout. Celui-ci va êtreexpulsé vers le pays
de son choix… – Donc, la Russie! compléta Malko. – Tout juste! Vous pouvez regagner la piscinedu
Shangri-La, lança amèrement le chef de Stationd e l a C I A . L a v o i t u r e r a l e n t i t
b r u t a l e m e n t p o u r n e p a s emboutir le fourgon de police qui s’était
p r e s q u e arrêté.
***
E v g u e n i M a k o w s k i s u r v e i l l a i t d a n s s o n r é t r o - viseur le fourgon qu’il
venait de dépasser. À côtéd e l u i , B o r i s T i t o v s e r r a i t l a c r o s s e d ’ u n
p i s t o l e t mitrailleur Skorpio. –
Davai
! lança Evgueni.Il ralentit et s’immobilisa, bloquant l’étroite rue.L e f o u r g o n n e
p o u v a i t p a s s e r , n i à g a u c h e n i à droite. Au moment où il sortait
d e l a v o i t u r e , p i s - t o l e t a u p o i n g , s o n p o r t a b l e c o m m e n ç a à s o n n e r . C’était
vraiment le moment…B o r i s T i t o v e t l u i c o u r u r e n t v e r s l e f o u r g o n e t
310
LE PIÈGE DE BANGKOK
a p e r ç u r e n t à t r a v e r s s o n p a r e - b r i s e d e u x v i s a g e s effarés : le chauffeur et
le convoyeur.Evegueni Makowski ouvrit la portière tandis queB o r i s T i t o v s e c h a r g e a i t d u
c o n v o y e u r . L e s d e u x portes ouvertes, ils émirent en même temps : –
Don’t move
!L e s d e u x p o l i c i e r s t h a ï s , t é t a n i s é s , n e r é a g i r e n t pas. Evgueni Makowski se pencha,
arracha la clef d u c o n t a c t e t l a j e t a l e p l u s l o i n p o s s i b l e , t a n d i s que
Boris Titov continuait à braquer les deux poli-ciers.Le portable d’Evgueni Makowski cessa
enfin desonner au moment où il donnait un violent coup dep o i n g s u r l a p a r o i s é p a r a n t
l ’ h a b i t a c l e d u f o u r g o n proprement dit.Le signal, destiné à Viktor Bout, annonçant quec’était à
lui de jouer.
***
T o u s s e s m u s c l e s c r i s p é s , V i k t o r B o u t l a n ç a u n regard bref à Oyo, le colosse nigérien,
assis à côtéde lui. Leurs deux gardes semblaient surpris par cetarrêt imprévu, mais pas inquiets.I l s
n ’ e u r e n t m ê m e p a s l e t e m p s d e r é a g i r l o r s - que le colosse noir se jeta sur
eux, en dépit de sesc h e v i l l e s e n t r a v é e s . I l r e f e r m a c h a c u n e
d e s e s énormes mains sur le cou d’un des policiers, serrantd e t o u t e s s e s f o r c e s , c o g n a n t
e n s u i t e f é r o c e m e n t leurs deux têtes.I l s n e s e d é b a t t i r e n t m ê m e p a s ,
d é j à à m o i t i é asphyxiés. Viktor Bout courait déjà vers l’arrière
LE PIÈGE DE BANGKOK
311

aussi vite que le lui permettait la chaîne entravants e s c h e v i l l e s . I l s e j e t a s u r l e l o q u e t d e


la porte etl e r e l e v a , p o u s s a n t d ’ u n c o u p d ’ é p a u l e l e s
d e u x battants qui s’ouvrirent largement.L a p r e m i è r e c h o s e q u ’ i l a p e r ç u t f u t u n e
g r o s s e voiture sombre arrêtée derrière le fourgon.I l s a u t a a u s s i t ô t à t e r r e ,
t o m b a à c a u s e d e s e s chevilles entravées, puis se releva, tenant entre sesd e n t s l a
f i c e l l e q u i e m p ê c h a i t s a c h a î n e d e t r a î n e r par terre et hurla à l’intention du Nigérien. –
Come! Quick!
A b a n d o n n a n t l e s d e u x p o l i c i e r s à m o i t i é é t r a n - glés, Oyo courut jusqu’à l’arrière, et, à
son tour, selaissa tomber sur la chaussée.Viktor Bout avait déjà commencé à courir le longd u
f o u r g o n , m a l a d r o i t e m e n t , à c a u s e d e s c h a î n e s . En apercevant la lourde silhouette
d’Evgueni Ma-kowski, il faillit hurler de bonheur.Il était sauvé.
***
Pétrifiés, Malko, Chris Jones et Milton Brabeckv e n a i e n t d e v o i r l e s d e u x
p r i s o n n i e r s s a u t e r d u fourgon sous leur nez et commencer à
d é t a l e r ! – Qu’est-ce qu’on fait? lança Chris Jones àMalko.Celui-ci se retourna et laissa tomber
: – Rien! Ce sont les ordres. –
God damn us
! lâcha Milton Brabeck. Ils sontf o u s à W a s h i n g t o n ! I l s v i r e n t u n d e s p o l i c i e r s d u
fourgon se relever
312
LE PIÈGE DE BANGKOK

en titubant, sortir son pistolet et sauter à terre à sontour, à la poursuite des deux
évadés. – Il va les flinguer! lança Chris Jones.C e n ’ é t a i t p l u s l e u r p r o b l è m e : i l s n e
pouvaientq u a n d m ê m e p a s s ’ o p p o s e r à d e s p o l i c i e r s
thaïse s s a y a n t d e r a t t r a p e r d e s f u g i t i f s é v a d é s ! U n
e pensée dérangeante traversa Malko. Pourquoi lesR u s s e s é t a i e n t -
i l s i n t e r v e n u s ? A l o r s q u e , d a n s quelques minutes, un juge allait
annoncer à Vik-tor Bout qu’il était libre?P l u s i e u r s c o u p s d e f e u
c l a q u è r e n t , v e n a n t d e l’avant du fourgon.M a l k o s a u t a à t e r r e ,
s a n s s o r t i r s o n a r m e , e t courut dans la direction des coups de feu.
***
Ivre de fureur, encore suffoquant, le policier thaï aperçut à quelques mètres devant lui le gros Nigé-
r i e n c o u r a n t m a l a d r o i t e m e n t e n d i r e c t i o n d ’ u n e voiture blanche qui
bloquait le fourgon.S a n s h é s i t e r , i l l e v i s a e t c o m m e n ç a à v i d e r s o n c h a r g e u r . A u
t r o i s i è m e c o u p d e f e u , l e N i g é r i e n tituba et s’effondra, à plat ventre, sur la
chaussée.D é c o u v r a n t l e g r o s b a r b u a r m é d ’ u n p i s t o l e t , qui menaçait
les deux policiers de l’avant, le poli-c i e r q u i v e n a i t d ’ a b a t t r e l e N i g é r i e n , n ’ h é s i t a
p a s u n e s e c o n d e , a c h e v a n t d e v i d e r s o n c h a r g e u r s u r l’homme qui menaçait ses
collègues.L e b a r b u t i r a p r e s q u e e n m ê m e t e m p s q u e l u i , cinq ou six coups, se
raccrocha d’une main à la por-t i è r e d u f o u r g o n , p u i s g l i s s a à t e r r e , d u s a n g p l e i n
LE PIÈGE DE BANGKOK
313

sa chemise. Boris Titov, son pistolet-mitrailleur àla main, courait déjà vers la voiture blanche. Il l’at-
teignit au moment où le second policier arrivait enb r a n d i s s a n t s o n p i s t o l e t . V i k t o r B o u t
n ’ e u t m ê m e pas le temps de monter dans la voiture : Boris Titovavait démarré en trombe.J u r a n t
c o m m e u n c h a r r e t i e r , V i k t o r B o u t s e retourna vers le
s e c o n d p o l i c i e r , e t , s a n s h é s i t e r , leva les deux bras au dessus de sa tête, le plus
hautqu’il put. L’autre tira, mais en direction de la voi-ture qu’il rata. Puis, il hésita. Viktor
Bout vit dansses yeux qu’il avait très envie de le tuer. Mais fina-l e m e n t , i l s e r u a s u r l u i e t
c o m m e n ç a à l e f r a p p e r avec son arme jusqu’à ce qu’il tombe. Ensuite, il leb o u r r a d e c o u p s
d e p i e d , j u s q u ’ à e n p e r d r e u n e chaussure.A r r i v a n t à c o n t r e s e n s , u n e
v o i t u r e d e l a p o l i c e royale thaïe s’immobilisa devant le fourgon et il en jaillit quatre policiers qui
relevèrent Viktor Bout, levisage en sang.
***
– C’est un foutu merdier! grommela GordonBackfield. Un foutu merdier.I l a v a i t v i e i l l i
d e d i x a n s e n q u e l q u e s h e u r e s . Malko respecta son silence. Lui aussi était vidé.
Lespoliciers thaïs les avaient pris pour de simples pas-sants et ils n’avaient eu aucun problème à filer
pourregagner l’ambassade.P o u r y t r o u v e r l e c h e f d e S t a t i o n
t o t a l e m e n t accablé.
314
LE PIÈGE DE BANGKOK

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– Mais enfin, qu’est-ce qui s’est passé? demandaMalko. – Au dernier moment, le Kremlin a fait à laM a i s o n
B l a n c h e u n e o f f r e q u ’ e l l e n e p o u v a i t p a s refuser : l’autorisation de transit par le
Kirghistan.U n g e s t e s t r a t é g i q u e . C ’ e s t l e p r é s i d e n t O b a m a lui-même
qui a appelé le patron de la DEA pour luiordonner de retirer sa demande d’extradition. LesThaïs
venaient d’être notifiés eux aussi… – Mais alors, pourquoi les Russes ont-ils attaquél e
f o u r g o n ? – Je n’en sais foutre rien, admit l’Américain.Mauvaise coordination, probablement.S o n
t é l é p h o n e s o n n a . L a c o n v e r s a t i o n f u t t r è s brève. – C’est mon homologue de la
National Intelli-gence
qui m’annonce que le tribunal vient de pro-n o n c e r u n a r r ê t é d ’ e x p u l s i o n e n f a v e u r d e
V i k t o r Bout. – Et la tentative d’évasion?L’Américain eut un geste
évasif. – On va l’oublier… C’est du deal d’État à État.M a l k o a v a i t e n v i e d e
v o m i r e n r e v o y a n t l e Nigérien face contre terre, criblé de balles, le poli-
c i e r t h a ï e t E v g u e n i M a k o w s k i q u ’ i l a v a i t e n f i n retrouvé.Trois morts pour
rien…Certes, l’avenir du trafiquant de drogue nigérienn’était pas rose, mais là, il n’avait plus
d’avenir dutout.Le portable de Malko sonna.C’était Ling Sima, bouleversée.
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– Nous ne t’avions pas trompé, jura-t-elle, je tepromets. – Je sais, répondit Malko, rassure tes amis.
***
Tatiana Mira se releva et s’épousseta machinale-m e n t . A p r è s p l u s d ’ u n e h e u r e e n
p o s i t i o n d e t i r , s a n s n o u v e l l e s d ’ E v g u e n i M a k o w s k i d o n t l e p o r - table ne
répondait plus, elle venait, enfin, de rece-v o i r u n m e s s a g e s i b y l l i n d ’ u n i n c o n n u , l u i
d i s a n t qu’elle devait rentrer à Moscou d’urgence, sa mèreétant gravement souffrante.Celle-ci étant décédée
deux ans plus tôt d’un can-cer foudroyant, cela ne pouvait être qu’un messagede son
Service.C o n s c i e n c i e u s e m e n t , e l l e d é m o n t a s o n D r a g o - n o v e t l e r e m i t d a n s s o n
é t u i , p u i s d e s c e n d i t e t s e posa au bord de la chaussée. Dix minutes plus tard,u n t a x i r o s e s ’ a r r ê t a
e t e l l e l u i d o n n a l ’ a d r e s s e d e l’ambassade russe.Miracle : il comprit où elle voulait aller.Une
heure plus tard, elle s’arrêtait devant la portemassive de l’ambassade. Elle appuya sur le boutone n
dessous de la caméra et attendit. Une voix luid e m a n d a , q u e l q u e s
i n s t a n t s p l u s t a r d , c e q u ’ e l l e voulait. – J’ai un paquet pour Alexander Timotin,annonça-t-
elle en russe.La porte s’ouvrit et Tatiana Mira se dirigea versle poste de garde.
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Dobredin
, d i t - e l l e p o l i m e n t . V o u s r e m e t t r e z ceci à Alexander Timotin.Avant que le garde
puisse dire un mot, elle étaitdehors. Un taxi s’arrêta et elle lui montra l’adresseécrite en thaï
du condominium où demeurait Nata-lya Isakov.E l l e n e r e n t r e r a i t p a s à M o s c o u ,
u n e n o u v e l l e carrière l’attendait ici.
***
Du soixante-quatrième étage de la State Tower,on avait tout Bangkok à ses pieds. La
températureé t a i t d é l i c i e u s e , l a n o u r r i t u r e b o n n e e t L i n g S i m a éblouissante dans une robe
européenne au décolletéprofond…On apporta l’addition et elle s’en empara. Malkovoulut la récupérer mais
elle lui dit fermement. – Ce sont nos amis de la Sun Yee On. Ils tien-nent à te dédommager.C ’ é t a i t
un dîner à 500000 dollars.L a t r a q u e d e V i k t o r B o u t é t a i t
t e r m i n é e . L e Russe avait quitté Bangkok le matin même, dans una p p a r e i l d ’ A é r o f l o t . L e s
j o u r n a u x t h a ï s n ’ a v a i e n t soufflé mot des derniers événements.C o m m e d a n s u n t h é â t r e
d ’ o m b r e s , l e s p r o t a g o - nistes de cette traque sanglante, s’étaient évanouiscomme s’ils
n’avaient jamais existé.M a l k o c r o i s a l e r e g a r d d e L i n g S i m a e t c e q u ’ i l y lut ne lui fit pas
regretter d’être venu traquer Vik-tor Bout à Bangkok.
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