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andriamahefaZoN DT MAST2 2017
andriamahefaZoN DT MAST2 2017
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FACULTÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE, DE GESTION
ET DE SOCIOLOGIE
******
DÉPARTEMENT DROIT
***
SOMMAIRE ............................................................................................................................. 1
RÉSUMÉ ................................................................................................................................... 3
LISTE DES ABRÉVIATIONS ............................................................................................... 4
INTRODUCTION .................................................................................................................... 7
1
SECTION DEUXIÈME : LA FABRICATION ORIGINELLE DES LEADERS
POLITIQUES ................................................................................................................ 72
SECTION TROISIÈME : LE RAPPORT ENTRE LE SYSTÈME ÉLECTORAL ET LE
GENRE ........................................................................................................................... 78
CHAPITRE DEUXIÈME : LE DÉSENGAGEMENT DES FEMMES MALGACHES
À LA POLITIQUE ........................................................................................................... 86
SECTION PREMIÈRE : LA PERSISTANCE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES
ANTAGONISTES AVEC L’ENGAGEMENT POLITIQUE DES FEMMES
MALGACHES................................................................................................................ 87
SECTION DEUXIÈME : LES FACTEURS DE BLOCAGE DE L'ENGAGEMENT
DES FEMMES MALGACHES EN POLITIQUE ....................................................... 101
2
RÉSUMÉ
La démocratie offre un espace de liberté et d'égalité à tous les citoyens. Pourtant à Madagascar, le
pouvoir demeure toujours l'apanage des hommes. Le régime politique malgache a toujours caractère «
hybride », c'est-à-dire qu'il présente l'apparence d'un régime démocratique amalgamé avec des
pratiques autoritaires.
L'un des concepts clés pour consolider la démocratie est celui de la liberté. S'extraire de l'emprise de
la domination masculine nécessite beaucoup de conviction et de force de caractère chez les femmes.
La « liberté politique » n'a de sens si elle ne peut être exercée librement par tout citoyen
indépendamment de son sexe. Pourtant, la culture du « patriarcat politique » domine encore le
fonctionnement du système politique malgache, en mettant les femmes à l'écart. La politique demeure
encore un espace inégalitaire.
Ainsi, la réforme de la pratique politique malgache nécessite une prise de conscience collective pour
que tous les citoyens participent à l'action politique. Le droit doit prévoir des dispositifs légaux qui
garantissent la parité en politique. Le champ politique doit être un espace que tout citoyen peut
réaliser un projet politique. L'intégration de l'approche genre dans une réforme du système politique
malgache est l'une des conditions indispensables pour redynamiser la démocratie à Madagascar.
Mots clés : Genre, Sexe, Démocratie, Politique, Socialisation, Parti Politique, Inégalité,
Discrimination, Liberté, Justice
3
LISTE DES ABRÉVIATIONS
- AG : Assemblée Générale
- AN : Assemblée Nationale
- CT : Congrès de la Transition
- ENSOMD : Enquête Nationale sur le Suivi des Objectifs du Millénaire pour le Développement
4
- GGGR : Global Gender Gap Report
5
- PNPF : Politique Nationale pour la Promotion des Femmes
- PR : Président de la République
- UA : Union Africaine
- UE : Union Européenne
6
INTRODUCTION
Mon sujet de recherche porte sur l’analyse de la conjoncture politique malgache avec
les lunettes de genre. La question de genre est devenue un sujet de préoccupation
incontournable pour toute société moderne. Les femmes malgaches commencent à bénéficier
des différents droits qu'elles ne peuvent en prétendre auparavant. Malgré une longue tradition
de domination masculine, les transformations économiques et sociales ont fait leur œuvre
dans la reconnaissance progressive des droits des femmes.
Les droits de l'homme vont devenir un enjeu primordial dans la reconfiguration de la scène
internationale afin de ne pas répéter les erreurs de la Société Des Nations (SDN). La création
de l'ONU apporte une révolution dans les relations internationales puisque désormais, la
question des droits de l'homme devient un sujet de préoccupation du droit international. De ce
fait, l'individu est devenu un acteur du droit international. L'ONU va être le précurseur de la
promotion et d’avant garde des droits de l'homme puisque sa charte constitutive constitue le
fondement des leurs mécanismes de protection au niveau international.
1
BUHRER, Jean-Claude et LEVENSON, Claude B., L'ONU contre les droits de l'homme?, Mille et une nuits,
Paris, 2003, p. 17
7
Pourtant, la charte constitutive de l’ONU ne fait que reconnaître de manière expresse les
droits et libertés fondamentaux, mais n'apporte pas de précision quant à leur contenu. Pour
consolider les droits énoncés, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) fut
proclamée lors de l'Assemblée Générale (AG) des Nations Unies suivant la résolution 217 A
(III) du 10 décembre 1948. Elle énumère et détaille les droits et libertés, reconnus à tout
individu et que tout État se doit de les garantir. L’essence même de la vie humaine se rattache
indéniablement à ces droits, parce que le non respect de ces droits entraine la dénaturation de
la personne humaine.
Ces trois instruments internationaux vont constituer la Charte des Droits de l'Homme qui
constitue la pierre angulaire de toute politique internationale relative à la promotion des droits
de l'homme. Chaque État se doit ainsi garantir ces droits, dits fondamentaux, et des
mécanismes de contrôle au niveau international ont été mis en place à travers la création les
organes de contrôle. La Charte des droits de l'homme accorde une préférence inconditionnelle
à la valeur égalitaire même si « l'égalité des sexes n'est pas qu'un principe fondateur des
droits du genre humain »3.
L'égalité signifie que les différentes formes d'altérité entre les individus ne doivent pas être
vues comme des obstacles pour la jouissance des droits de l'homme. Le principe d'égalité tend
ainsi à combattre les facteurs d'exclusion sociale. Depuis toujours, la différence de sexe est
source de plusieurs formes d'inégalités subies par les femmes partout ailleurs dans le monde.
2
Le Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) et le Pacte International
relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP)
3
Christine, OCKRENT (dir.), Le livre noir de la condition des femmes, XO, Paris, 2006, p. 567
8
Malgré le fait que « l'égalité entre les femmes et les hommes est apparemment acquise sur le
principe. Mais, (…) les pratiques ne suivent pas ou avec retard cette évolution des mentalités
»4, du fait de la persistance des injustices que les femmes subissent quotidiennement.
S'intéresser aux femmes sous l'angle des droits humains ne doit pas uniquement se focaliser
sur les violences physiques ou corporelles, dont les femmes sont les premières victimes.
Certes, ces types de violence constituent une atteinte grave aux droits de l'homme, et doivent
être combattus fermement.
Mais à côté, il y a une autre forme de violence dite « symbolique », qui est moins flagrant aux
yeux de la société. Cette violence symbolique va limiter les opportunités ouvertes aux femmes
dans divers domaines de la vie sociale. Elle va ainsi handicaper fortement les femmes à
pouvoir mener une vie professionnelle semblable à celle des hommes. Cette forme d'injustice
s'est fortement ancrée dans la société et la conscience collective puisqu'elle est devenue la
norme sociale acceptée par tous. Pourtant, au nom de l'égalité de genre, « aucune religion,
aucune coutume ne justifie qu'on asservisse les femmes, qu'on les humilie, qu'on les prive des
droits élémentaires de la personne »5.
Les inégalités subies par les femmes peuvent être constatées dans plusieurs domaines de la vie
sociale, « plus que d'autres univers sociaux, le champ politique est associé au masculin »6.
L'étude du champ politique à l'aune de la notion de genre est une démarche récente, même si «
l'exclusion politique des femmes n'est pas une spécificité de l'époque contemporaine. À
travers les siècles et les régimes, les femmes ont été mises à l'écart du pouvoir »7. L'étude sur
le genre permet de desceller les non-dits de la société sur l'inégalité politique subis par les
femmes.
4
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), Les discriminations entre les femmes et les hommes,
Presses de Sciences Po, Paris, 2011, p. 163
5
Christine, OCKRENT (dir.), op. cit., p. 7
6
Laure, BERENI, et al., Introduction aux études sur le genre, 2é éd., De Boeck, coll. Ouvertures politiques,
Bruxelles, 2012, p. 213
7
Ibid., p. 215
9
contemporain est toujours qualifié de « démocratie exclusive », selon l'expression de la
philosophe Geneviève Fraisse. La réalité politique contredit les diverses énonciations
égalitaires prévus par les textes.
L’étude sur le genre est complexe et ne doit pas se réduire à une vision universaliste de son
contenu. Il faut tenir en compte les spécificités propres à chaque société, puisque le genre
concerne à la fois des dimensions sociologique et symbolique. La liberté politique est
reconnue à tout citoyen. Or, « la "démocratie exclusive" est de faire en sorte d'exclure les
femmes sans l'énoncer comme tel »8. Peut-on alors parler de régime démocratique si la moitié
des citoyens est écartée, de manière implicite ou explicite, de l'arène politique ?
Le qualificatif « "exclusive" indique que les femmes n'auront pas à plaider pour leur
inclusion, elles sont bien dedans mais dans des souterrains de mensonges, de dénis, de
masques »9. Face à cette injustice, « l’accès à l’égalité politique reste un objectif central des
féministes d’après guerre »10 à travers la lutte pour le droit de vote des femmes, le droit
d’éligibilité et la mise en place des mesures légales en faveur de l'égalité de genre, etc.
L'étude de la politique sous l'angle du genre est une démarche récente puisque la politique
était longtemps un univers monopolisé par les hommes. Ce n'est que vers 1950 que le genre
commence à intégrer dans le champ d'analyse de la politique. C'est à partir du concept
anglophone « gender gap », qui désigne l'écart de participation et de comportement électoral
des femmes dans la vie politique, que l'étude du genre commence à dénoncer la domination
masculine du monde politique.
À partir des années 1980, le genre est devenu une catégorie d'analyse de la politique. Durant
les années 1990 et 2000, le genre va être intégré comme un élément de définition et de
8
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), op. cit., p. 42
9
Ibid., p. 43
10
RIOT-SARCEY, Michèle, Histoire du féminisme, La découverte, coll. Repères, Paris, 2008, p. 74
11
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), Esclavage et libération à Madagascar, Karthala/Centre Foi et
Justice, coll. Hommes et sociétés, Paris/Antananarivo, 2014, p. 181
10
structuration du champ politique. Le concept genre va s'enrichir au fur et à mesure de
l'évolution des idées reçues sur l'étude des facteurs qui mettent à l'écart les femmes à la
participation politique.
En effet, les actions menées pour une plus grande représentation des femmes au sein des
institutions de la démocratie représentative n’est que la suite logique du mouvement pour
l'égalité de droit entre homme/femme. Joni Lovenduski établit une distinction entre deux
générations de droits des femmes : « l'un, plus ancien, centré sur l'obtention des droits pour
les femmes, l'autre, plus contemporain, davantage axé sur la libération des femmes »12.
Durant la période de la royauté « merina »13, les femmes ont déjà investi au sommet du
pouvoir royal. Les jeux de rivalité entre les différentes classes (« hova » 14 et « andriana » 15)
semblent justifier l'intronisation d'une reine à la tète de la royauté « merina ». L'accession de
la reine Ranavalona I est interprétée comme un affaiblissement du pouvoir des « andriana »
au profit de la classe roturière, « hova », qui tient le poste de premier ministre. Mais il serait
hasardeux de conclure que la société malgache est matriarcale durant les dernières périodes de
la royauté.
La société malgache s'apparente aux caractéristiques propres d'une société patriarcale. Les
hommes jouent une place primordiale dans les rapports sociaux. La sphère publique semble
être le terrain de jeu masculin. En outre, dans la sphère familiale, l'homme endosse le rôle de
chef de famille et la femme est reléguée à un rôle subsidiaire.
12
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), Genre, citoyenneté et représentation, PUL, Québec, 2007, p. 191
13
« Merina » : a) groupe ethnique des hauts plateaux malgaches ; b) le royaume dominant Madagascar vers la
fin du XIXe siècle
14
« Hova » ou « homme libre » : désigne une caste formant le deuxième groupe après les « andriana » dans la
hiérarchie Imerina
15
« Andriana » désigne : a) le Roi ou la Reine en « Imerina » ; b) pseudo-équivalent de « noble », première caste
merina
16
Didier, GALIBERT, Les gens du pouvoir à Madagascar. État postcolonial, légitimités et territoire (1956-
2002), 2e éd., Karthala, coll. Hommes et sociétés, Paris, 2011, p. 419
11
V- Le constat de la sous-représentation des femmes malgaches en politique
Cependant, cette évolution sociale ne s’est pas accompagnée d’une entrée massive des
femmes en politique. Ce qui fait que d’autres facteurs de blocage persistent à exclure les
femmes de mener une carrière politique.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, « la démocratie semble être, dans son principe,
la façon la plus séduisante d'organiser le pouvoir dans une société : le peuple se gouverne
lui-même ou par ses représentants et chacun, étant à la fois gouverné et gouvernant, apprend
à tenir compte de l'intérêt général aussi bien que de ses intérêts individuels »19. À la veille de
son indépendance, Madagascar a « allègrement suivi, imité et intériorisé le dogme : seule la
démocratie libérale occidentale est pensable dans le monde des idées et du gouvernement des
sociétés ; elle seule constitue la force civilisatrice des sociétés humaines »20.
La domination politique durant la colonisation a causé des séquelles dans le système politique
malgache, à savoir son incapacité à trouver un modèle étatique qui lui convient. Après plus
17
P., NGOMA-BINDA, Démocratie, Femme et Société civile en Afrique, L’Harmattan, coll. Comptes rendus,
Paris, 2012, p. 11
18
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 173
19
Jean-Vincent, HOLEINDRE et Benoit, RICHARD (coord.), La démocratie, histoire théories, pratiques,
Sciences humaines, Auxerre, 2010, p. 5
20
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 13
12
d’un demi-siècle de démocratisation, il convient de s’interroger sur le bilan de ce processus.
Madagascar reste un pays jalonné par des crises cycliques qui remettent en cause la
compatibilité du processus démocratique aux réalités propres du pays.
Le constat de Jean-Marie Denquin résume bien la situation politique malgache : dans « des
sociétés mal structurées, manquant d'élites, marqués par une arriération économique et
culturelle, souvent traumatisées par une colonisation suivie d'une décolonisation précipitée,
ne trouvent pas en elles-mêmes les ressources et le temps qui ont permis aux sociétés
occidentales d'inventer, à travers une maturation longue et difficile, des formes politiques
adaptées et efficaces »21.
21
Jean-Marie, DENQUIN, Science politique, 3em éd., PUF, coll. Droit fondamental, Paris, 1985, p. 293
22
Elise,RASOAMAMPIONONA, députée depuis 1964 à la faveur d'une élection partielle dans la province de
Tananarive et des sections féminines du PSD, est nommée secrétaire d'Etat à la femme et à l'Enfant le 22
septembre 1970, Fatima Achino et Marcelline RAZANANPARANY sont nommées respectivement dans les
jours suivants comme Commissaire général à la Protection de l'Enfant et à la Promotion de la Femme ; leur
commission est érigée en Secrétariat d'État Adjoint le 2 février 1971
13
Il est à signalé que le droit positif malgache reconnaît l'égalité entre l'homme et la femme dans
le domaine politique. Aucune entrave légale n’empêche les femmes de mener une carrière
politique. L'exclusion des femmes du monde politique n'est que le prolongement de la
hiérarchie entre sexe, fortement ancrée dans la culture malgache.
Suite à une mobilisation des sociétés civiles, Madagascar s’est engagé à promouvoir l’égalité
de genre dans les différents domaines, surtout dans le monde politique, avec un objectif de
50/50 fixé en 2015 dans les différentes instances de décision. Un objectif qui est encore une
utopie si on se réfère aux dernières données statistiques produites en 2016.
L'étude du genre permet de comprendre les mécanismes de fabrication des hiérarchies de sexe
au sein même du champ politique. Il s'agit de mettre en exergue la « violence symbolique »
limitant la participation féminine au pouvoir. Même si la démocratie n'est pas encore
effective, du point de vue quantitatif, la proportion de femmes dans les rouages de l'État reste
dérisoire.
Pour mieux déceler les racines de cette inégalité dans la configuration du paysage politique
malgache, il faut explorer les différents domaines liés au champ politique. La compréhension
du fonctionnement d'un système politique doit s'appuyer sur une analyse du processus de
formation des élites politiques, en intégrant la dimension genre. En effet, « une analyse du
pouvoir qui ne traiterait pas de l'exclusion des femmes serait nécessairement incomplète »23.
23
Hilary, CHARLESWORTH, Sexe, Genre et droit international, A. Pedone, coll. Doctrine(s), Paris, 2013, p. 9
14
Les activités politiques malgaches ont été construites à l'aide une opposition conceptuelle
entre la sphère publique et la sphère privée.
La réflexion sur le genre est légitime au regard des engagements internationaux entrepris par
Madagascar. Dans cette optique, la compréhension de la réalité sociale sous l'angle genre
permet de déconstruire les divers processus inégalitaires inscrits dans l'expérience de chaque
individu. L’approche genre opte pour une analyse transversale puisqu’elle met l'accent sur le
caractère construit, et donc à défaire, des rapports sociaux de sexe.
Les effets de ce processus vont dicter une division sexuelle du travail, qui réduit la place des
femmes à un rôle de « figurine » dans le monde politique. Mais ces effets ne sont pas
immuables, puisqu'ils ne sont pas naturels. C'est dans cette croyance au changement qui
justifie l'engagement des militants féministes tout au long de l'histoire de l'humanité.
La problématique qui se pose est de déterminer les implications de l’approche genre dans la
lecture de la conjoncture politique malgache. En d'autres termes, comment associer plus
étroitement les femmes à la vie politique et à la prise de décision ? Ici la politique est
entendue au sens donné par Max Weber, comme « la direction du groupement politique que
nous appelons aujourd’hui ʺÉtatʺ, ou l’influence que l’on exerce sur cette direction »24.
Poser la question de la participation politique dans un État où la démocratie est encore à son
état embryonnaire, avec un système de pouvoir hiérarchisé et vertical, s’avère complexe à
plusieurs égards. L’accession au pouvoir est encore loin des mécanismes démocratiques, tel
qu’on voit dans les pays occidentaux. Par conséquent, articuler la question de participation
politique avec celle du genre doit tenir en compte des rouages du système politique malgache.
Mais il ne faut pas faire un « forcing », il faut harmoniser l'impératif genre avec l'identité
culturelle malgache. L’histoire de féminisme a montré qu’il serait impossible d’imposer une
24
Max, WEBER, Le savant et le politique, Bibliothèque 10/18, Paris, 1963, p. 124
25
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., Égalité de genre et processus électoraux à
Madagascar, 2009, p. 6
15
vision universaliste des droits des femmes. Le genre ne doit pas être figé sur le modèle
sociétal du monde occidental, mais en une procédure évolutive qui doit être continuellement
réinterprétée. La question de « statut » d’un individu, en l’occurrence la femme, implique un
jugement relatif en fonction de la société étudiée.
Pour sauver la démocratie à Madagascar, il faut la « réinventer », pour qu’elle intègre la vertu
et l’éthique par le renouvellement des acteurs politiques en impliquant davantage les femmes
ayant les compétences requises. Cette approche s’interroge sur les potentialités démocratiques
du concept genre en politique : la participation féminine en politique signifie-t-il davantage de
démocratie ? À travers ce constat, on en déduit l’existence d’un lien étroit entre genre et
démocratie, le premier constitue une indéniable voie de consolidation de la seconde.
Transposée dans le contexte malgache, l’exigence de l’égalité de genre suscite une réflexion
sur son opportunité. La promotion de l'égalité de genre est un élément à prendre en compte si
on veut réformer le système politique malgache.
La réflexion du système politique sous les lunettes de genre permet ainsi d’appréhender et de
comprendre les réalités cachées et dissimulées. La réalité vécue par les femmes n’est pas
toujours conforme aux principes défendus par la législation en vigueur.
Pour mieux cerner la problématique, le présent mémoire va se diviser en deux parties bien
distinctes. La première partie va donner un aperçu général du cadre juridique et politique du
principe d’égalité de genre. La maîtrise des concepts, des notions et du fonctionnement du
système politique s’avèrent incontournables pour mieux délimiter le champ d’analyse. La
deuxième partie est consacrée à l’étude des différents obstacles pour l’engagement des
femmes malgaches en politique. Le système politique est considéré comme un espace hostile
à l’engagement féminin. La domination masculine est ancrée dans le fonctionnement du
26
Le monde. Histoire, Les femmes du droit de vote à la parité, série : Comprendre un monde qui change, 2013,
p. 10
16
système politique. « L’absence de parité politique est à la fois révélatrice d’un état de fait, et
aussi instrument de la perpétuation »27 de l’inégalité de genre en politique. Face aux
inégalités subies par les femmes, elles ont tendance à s’auto-exclure du monde politique.
27
Françoise, DEKEUWER-DÉFOSSEZ, L’égalité des sexes, Dalloz, coll. Connaissance du droit, Paris, 1998, p.
89
17
PARTIE PREMIÈRE
Cette lutte pour l’égalité politique a permis la reconnaissance quasi-universelle des droits de
vote et d’éligibilité des femmes. D’autres mesures plus affirmatives ont même été prescrites
pour encourager et garantir la parité du pouvoir politique. Mais l’évolution de la culture
politique et l’évolution du droit n’évoluent pas sur les mêmes rythmes. Partout ailleurs dans le
monde, les femmes sont toujours marginalisées de la vie politique. Le fonctionnement du
système politique donne encore une priorité aux hommes.
18
CHAPITRE PREMIER
La démocratie est devenue une exigence politique pour tout État moderne. Pourtant, la
démocratie n’allait pas nécessairement de pair avec l’égalité de genre. Depuis plusieurs
décennies, le pouvoir est un domaine monopolisé par les hommes. Cette exclusion est un
prolongement des inégalités subies par les femmes dans la société.
SECTION PREMIÈRE
DÉLIMITATION CONCEPTUELLE
Le principe d’égalité de genre est un concept polysémique, puisqu’il est sujet à discussion
concernant ses véritables portées dans la pratique. Le point de départ de la réflexion porte sur
les évidences biologiques : l’espèce humaine est mâle et femelle. Sur ce donné naturel se sont
construites des règles sociales inégalitaires en défaveur des femmes.
L’apparition d’autres concepts risque de créer une confusion sur l’interprétation des rapports
sociaux entre les deux sexes. Pour circonscrire le champ conceptuel, il apparaît opportun de
voir dans un premier temps, les différentes explications théoriques concernant le concept de
genre. Dans un second temps, on voir la place du principe d'égalité du genre au niveau
international. L'égalité de genre est un principe directeur contenu dans les droits de l'homme.
Malgré l'esprit égalitaire véhiculé par les droits de l'homme, une analyse critique des droits
énoncés suivant l'approche genre remet en cause leur neutralité.
19
Paragraphe 1- Le concept de genre
1- L'histoire du féminisme
Différents concepts ont été utilisés pour expliquer les différentes raisons des inégalités entre
homme/femme. Le champ d'analyse va dépendre énormément du sens donné à chaque
concept utilisé. L'histoire du féminisme fait émerger deux concepts de base : « le sexe » et « le
genre ». L'usage de ses deux termes peut prêter une confusion voire une contradiction.
La délimitation conceptuelle du « genre » est fortement influencée par les théories dégagées
par le mouvement féministe. Si le concept genre trouve sa genèse dans la longue lutte
féministe, on va se contenter de restituer sa trajectoire historique. Le mouvement féministe
peut être défini comme une mobilisation collective qui a pour raison d’être la dénonciation et
l’éradication des différentes formes d’inégalité entre homme/femme. Le concept de
« féministe » a été théorisé pour la première fois par Hubertine Auclert en 1882. Mais, son
essor sur le plan international a été constaté vers la seconde moitié du XIXe siècle.
La trajectoire historique du mouvement féministe peut être définie en trois vagues en fonction
de la nature des droits revendiqués. Vers le début des années 1950, le mouvement féministe
est axé sur la revendication d’une égalité juridique entre les deux sexes. A l’époque, les
militants féministes réclament l’égalité homme/femme devant la loi. Le sexe ne doit pas un
critère de discrimination ou d’exclusion sur le plan juridique.
Le monde politique demeure encore un domaine réservé aux hommes, et des dispositions
juridiques érigent des barrières infranchissables pour maintenir cette domination. C’est pour
cela que les droits de vote et d’éligibilité des femmes constituent les principaux objectifs de
revendication de ce mouvement.
A partir de 1960, le mouvement féministe va orienter ses actions vers la lutte contre les
différentes formes d’oppressions subies par les femmes. Cette nouvelle génération de
militants, dite la « deuxième vague », dénonce les différents systèmes d’exploitation et de
domination des femmes. Leur slogan, « le personnel est politique », illustre bien la stratégie
20
adoptée qui vise à ce que la politique s’occupe des sujets traditionnellement considérés
comme du domaine « privé »28.
Dès le début des années 1990, des jeunes militants féministes apportent une reconfiguration
de la nature du mouvement féministe, en abordant d’autres thèmes29. L’apparition de cette
nouvelle génération de militant est souvent qualifiée par les observateurs comme une
« troisième vague » du mouvement féministe.
Malgré cet idéal commun affiché pour la promotion des droits des femmes, des multiples
tensions internes vont ternir l’image de ce mouvement. Parmi les points de divergence
concerne l’enjeu de la lutte, en l’occurrence la conception idéologique de la lutte30. Cette
controverse théorique crée des clivages entre les différents militants féministes. Ces clivages
liés à l’imbrication des luttes sociale avec la politique vont ainsi entraîner une scission du
mouvement. C’est ainsi qu’à partir de 1980, les féministes des pays du Sud, dits « black
feminism », dénoncent les grandes lignes du courant de pensée féministe qui ignorent les
réalités vécues par les femmes africaines et américaines.
2- L'approche genre
La polysémie du terme genre rend difficile l'appréhension de concept dans l'étude des
inégalités entre homme/femme. Pourtant, la compréhension de concept est indispensable si on
veut mettre en lumière les différents facteurs produisant cette inégalité.
Actuellement, le concept « genre » est devenu la référence pour toutes études sur les droits
des femmes, sans pourtant délaisser le concept de « sexe ». La frontière entre les deux varie
en fonction des positionnements politiques défendus. Vu son caractère évolutif, le concept «
genre » va connaître une multitude d’interprétations quant à sa définition.
28
Les sujets de revendication portent sur : l’avortement, l’accès à l’emploi, la contraception, etc.
29
Exemples d’autres thèmes abordés : mixité, transgenre, etc.
30
Le fondement idéologique de la lutte est varié et parfois contradictoire, a titre d’exemple on peut citer la
divergence entre les deux courants idéologiques : le socialisme et le libéralisme.
21
de circonscrire un objet d’analyse afin de mieux analyser ses implications. Généralement, le
genre désigne « le champ de recherches sur les rapports sociaux entre les sexes »31.
Le mot « genre » est la traduction française de mot anglais « gender ». L’invention de ce mot
est attribuée à Robert Stoller, un psychiatre psychanalyste nord américain qui distinguait le «
sex biologique » au « gender socialement acquis ». En effet, « la société fait correspondre un
sex donné à des stéréotypes de gender; il n'y a pas de nécessité biologique à cette
correspondance, mais une obligation sociale si forte qu'elle justifie à ses yeux de transformer
les corps intersexes »32.
Dans sa globalité, le genre a pour objet d'étude les hommes et les femmes, le féminin et le
masculin. L'approche genre s'appuie sur l'analyse du rapport social, qui « produit une division
entre les catégories "hommes" et "femmes", qui ne lui préexistent donc pas, et origine un
principe de classement appliqué à l'ensemble du monde social, dans ses dimensions
matérielles et symboliques »33. L'étude sur le genre ne va plus se focaliser sur la différence
biologique comme facteur déterminant des inégalités subies par les femmes. D'autres
paramètres entrent en jeu pour que les femmes ne puissent bénéficier le même statut que les
hommes dans différents domaines de la vie sociale.
Le mouvement féministe s'appuie sur la différence entre le sexe et le genre pour promouvoir
la libération des femmes. Dans cette optique, le sexe a le caractère inné et invariable à lequel
il est difficile de corriger la différence biologique entre les deux sexes. Par contre, le genre
intègre une dimension culturelle qui influe l'intégration des femmes dans la vie sociale.
Mais des critiques se sont levées concernant cette approche fondée sur la dichotomie entre le
sexe et le genre. En effet, le fait de reléguer le concept sexe à la différence entre mâle/femelle,
sous-entend implicitement un renforcement de la différence biologique. Il serait alors difficile
d'infléchir la culture vers l'égalité si au départ il existe une réalité intangible d'inégalité. Au
départ, la nature impose une identité avant que la culture puisse imprégner une valeur
égalitaire aux femmes.
31
Laure, BERENI, et al., op. cit., p.13
32
Isabelle, CLAIRE, Sociologie du genre, Armand Colin, Coll. 128. Série Sociologies contemporaines, Paris,
2012, p. 80
33
Sophie, RÉTIF, Logiques de genre dans l'engagement associatif. Carrières et pratiques militantes dans des
associations revendicatives, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Paris, 2013, p. 4
22
La deuxième évolution du concept genre réside alors dans la négation du sexe biologique
comme une réalité naturelle. Le genre ne se réduit plus à la notion de « sexe social » mais « le
système qui produit ces sexes comme deux réalités sociales distinctes »34. Le concept « genre
» permet d'analyser tout système qui produit la hiérarchie entre les sexes, suivant une partition
inégalitaires des rôles dans le rapport social. Il permet d'appréhender la division sociale à
travers les notions de « domination », « pouvoir », « oppression », etc.
L'innovation apportée par le concept genre ne réduit pas uniquement à la prise en compte de
l’élément social, mais « le fait d'appréhender le social comme un domaine autonome, doté
d'une causalité propre irréductible à des lois biologiques »35. Selon Laure Berini, l'approche
genre apporte une « dénaturalisation » dans la compréhension des inégalités subies par les
femmes.
L'approche genre ne signifie pas pour autant qu'elle n'intégra pas la différence biologique dans
son champ d'analyse. Sophie RÉTIF affirme que, cette nouvelle conception, basée sur la
dichotomie entre le sexe et le genre, « ne permettait pas de prendre en compte le fait que la
matérialité des corps est elle-même forgée par la construction sociale de la différence des
sexes »36.
Pourtant, l’aspect biologique doit rester un élément subsidiaire et non déterminant puisque «
la société ne façonne pas seulement la personnalité et le comportement, mais aussi la manière
de percevoir le corps »37. Le genre est un « diviseur » puisque le système social va produire
deux sexes opposés, marqués par une relation dominant/dominé.
Les mouvements féministes ont beaucoup œuvré dans l'édification de cette nouvelle
démarche basée sur le concept de genre. Depuis les années 1970, le concept genre va
connaître une évolution constante tout en intégrant d'autres paramètres pour mieux
comprendre les causes des différentes inégalités subies par les femmes. Dans cette optique, on
peut relever quatre grandes tendances du champ d'investigation de l'étude du genre :
34
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 30
35
Ibid., p. 24
36
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 3-4
37
Linda, NICHOLSON, Comment interpréter le genre, in Nouvelles Questions Féministes 2009/3 (Vol. 28), p.
62, disponible sur http : //www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2009-3-page-62.htm, consulté le
12 mars 2017
23
- l'approche sociale de genre explique les inégalités basées sur le sexe, non plus sur le plan
du déterminisme biologique mais sur le plan du rapport social. Simone de Beauvoir fut le
précurseur de cette nouvelle vision à travers le concept de « genre social ». Elle est rendue
célèbre à travers la fameuse phrase : « on ne naît pas femme : on en devient »38, qui montre
l'infériorité des femmes vis-à-vis des hommes, en s'appuyant sur l'idée que la différence entre
homme/femme est une construction sociale. La parution de son ouvrage intitulé « Le
deuxième sexe II. L’expérience vécue » va entraîner de ce qu’on a appelé « les années
mouvements ». Cet ouvrage va constituer l'un des textes de référence pour les luttes
féministes. Sa théorie repose sur la notion de « situation », c’est n’est pas par nature que les
femmes sont « enfermées dans leur immanence », car il n’y a pas d'essence de « féminité ».
Cette démarche tend ainsi à combattre le déterminisme biologique des caractéristiques
associées à chaque sexe. Le genre est ainsi « un produit de conditions sociales ou historiques
qui forgent des rôles, des manières de penser, des attitudes en fonction de l'appartenance
sexuelle »39.
- le genre analysé comme un rapport de pouvoir met l'accent sur l'existence d'une
hiérarchie dans le rapport social, en défaveur des femmes. Ce rapport de domination peut
prendre sous diverses formes dont l'intensité peut varier d'une société à l'autre. Dans cette
optique, plusieurs théories ont été développées faisant références aux différents concepts
comme « l'exploitation du travail 41», « valence différentielle des sexes », etc.
- l'approche genre prend en compte d'autres facteurs pour expliquer les rapports sociaux.
Dans cette perspective, le champ d'analyse ne se focalise pas uniquement sur l'aspect genre,
38
Simone, DE BEAUVOIR, Le deuxième sexe II. L'expérience vécue, Gallimard, coll. Folio essais, Paris, 1976,
p. 13
39
Vinciane, DESPRET et Isabelle, STENGERS, Les faiseuses d'histoires. Que font les femmes à la pensée?, La
Découverte, Paris, 2011, p. 56
40
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 8
41
Une thèse soutenue par les féministes dits « matérialistes », comme Christine DELPHY et Colette
GUILLAUMIN
24
mais va tenir en compte les « modalités d'imbrication du genre dans d'autres rapports de
pouvoir qui traversent l'ordre social »42.
L'analyse du champ politique sur le plan du genre doit intégrer les constructions sociales qui
entravent l’accès des femmes à la politique. Le monde politique doit être un espace d’égalité
où chaque acteur soit « libre de tout marqueur biologique et/ou social »43.
1- Les droits des femmes : entrant dans le cadre de la promotion des droits de
l’homme
La reconnaissance des droits de l'homme par le droit international constitue un tournant dans
la reconfiguration des relations internationales depuis la seconde moitié du XXe siècle. La
DUDH permet de déterminer les principes de base des divers droits reconnus à tout être
humain.
Pour renforcer la portée juridique de la DUDH, deux pactes ont été adoptés en 1966.
L’évolution des droits humains est associée à l’évolution des différentes « générations » des
droits. La première génération de droits concerne les droits civils et politiques, qui sont prévus
par le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP). La deuxième
génération est relative aux droits économiques, sociaux et culturels, qui est associée au Pacte
International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels (PIDESC). La troisième
42
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 10
43
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 5
25
génération est consacrée aux droits collectifs ou solidaires44, qui ne sont pas encore contenus
dans une convention, bien que certains textes en fassent déjà mention.
Cette distinction en termes de « générations » fut dénoncée par certains auteurs puisqu'elle
suppose l’idée d’une hiérarchie entre les différents droits. En plus, l’interprétation de ces
différents droits n’est pas la même entre les différents pays. Les pays occidentaux mettent
l’accent sur les droits civils et politiques, par contre les pays de l’Est privilégient les droits
sociaux économiques. Par contre, les pays du Sud mettent l’accent sur les droits collectifs ou
solidaires, afin de renforcer leur indépendance face aux colonisateurs.
De ce fait, la question des droits de l’homme relève d’une question éminemment politique. La
compréhension de la promotion des droits de l’homme ne peut pas être analysée sans prendre
en compte les intérêts géopolitiques qui y sont liés.
Sous le travail de lobbying des mouvements féministes, les droits des femmes deviendront un
sujet de préoccupation des acteurs des relations internationales. C'est pour cela que le droit
international constitue un instrument auquel le mouvement féministe a beaucoup œuvré pour
la promotion les droits des femmes.
En principe, le droit international est basé sur la notion de volonté et de contrat social, qui
contredit les théories tendant à la reconnaissance d'un droit naturel en dehors de tout
consentement de l'État. Le libéralisme dans les relations internationales implique la
suprématie de la souveraineté étatique et la prépondérance des valeurs procédurales plutôt que
substantielles. Pour que les droits de femmes puissent être reconnus sur la scène
internationale, ils doivent être insérés dans les différents instruments internationaux prévus
par l'article 38-145 du statut de la Cour Internationale de Justice (CIJ).
44
À titre d'exemple on peut citer : le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et des ressources naturelles, le
droit à la paix, le droit au développement, etc.
45
Article 38-1 du statut de la CIJ : « La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international
les différends qui lui sont soumis, applique :
a) Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément
reconnues par les États en litige ;
b) La coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant de droit ;
c) Les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ;
d) Sous réserve de la disposition de l’article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les
plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »
26
L’article article 1er.3 de la Charte constitutive de l’ONU stipule que la promotion de la
coopération internationale doit tenir en compte « le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de
religion ». Cette reconnaissance du principe de l’égalité de sexe est le fruit des actions menées
par les militants du mouvement féministe, qui sont présents lors de la rédaction de cette charte
pour faire valoir leur cause46. En plus, la Commission de la Condition de la Femme (CCF)
crée en 1946, apporte leur contribution dans la rédaction de la DUDH, qui va renforcer la
reconnaissance du principe d’égalité entre homme/femme.
L’ONU va développer des instruments de promotion des droits des femmes et mettre des «
instances internationales qui allaient favoriser la diffusion de la philosophie des droits de
l'homme »47.
Les articles 2 des deux pactes précités (PIDCP et PIDSEC) prévoient une égalité en droit
entre l’homme et la femme, et les articles 3 condamnent toutes formes de discrimination
fondée sur le sexe. Le principe de la non-discrimination est considéré comme la version
négative du principe d’égalité.
En outre, l’ONU développa des instruments internationaux dédiés à la promotion des droits
des femmes. Parmi ces instruments, on peut citer la Convention sur les droits politiques des
femmes, qui fut adopté en 1952. Elle s’engagea dans la mise en place des politiques
internationales pour réduire les inégalités entre les sexes. Le principe de l’égalité entre les
sexes sera associé aux différents objectifs entrepris par l’ONU, en l’occurrence la question de
développement et de la paix.
Mais le droit international sur les droits des femmes va évoluer selon la conception du
principe d’égalité. La convention n°111 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de
1958 concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession consacre la lutte
contre toutes formes de discrimination, en l'occurrence la discrimination sexuelle, et promeut
dans son article 2 « l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession,
afin d'éliminer toute discrimination en cette matière ». L’accent est mis sur l’égalité de
chance entre l’homme et la femme pour accéder à une égalité réelle.
46
Parmi les femmes signataires on trouve : Minerva, BERNARDINO (République dominicaine), Virginia,
GILDERSLEEVE (États-Unis d’Amérique), Bertha LUTZ (Brésil), Wu Yi FANG (Chine), etc.
47
Christine, OCKRENT (dir.), op. cit., p. 586
27
Pourtant, le traitement égalitaire entre l’homme et la femme ne permet pas d’éradiquer les
différentes formes d’inégalités constatées dans la société. Un pas important fut franchi par
l’adoption de la Convention pour l’Élimination des Discriminations Envers les Femmes
(CEDEF), adoptée en 1979, en affirmant le principe d’égalité substantielle.
Dans ce sens, la discrimination est appréhendée comme toutes formes discriminations mettant
en cause l’égalité entre l’homme et la femme. La CEDEF apporte une interprétation large du
concept de discrimination, puisqu'elle est définie comme « toute distinction, exclusion ou
restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la
reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, (…), des droits de l'homme et des
libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou
dans tout autre domaine »48.
Pour que les femmes puissent s’insérer facilement dans le monde professionnel, cette
convention condamne « toute discrimination à l’égard des femmes, qu’elle soit fondée sur
leur sexe ou leur statut marital, et faisant explicitement référence aux discriminations
intervenant dans la sphère privée »49. La lutte contre la discrimination ne se réduit plus à une
égalité formelle en affirmant les mêmes droits ou une égalité de chance entre l’homme et la
femme. Elle englobe aussi toute pratique qui peut nuire à l’égalité de sexe.
L’essor du droit international relatif aux droits des femmes constitue une réponse de la
communauté internationale face à la nécessité de promouvoir les droits des femmes dans le
monde. Vers la fin du XIXe siècle, « la question de la présence des femmes dans les lieux de
pouvoir a été inscrite aux premières lignes de l'ordre du jour international »50. Elle est
favorisée par la troisième vague de démocratisation symbolisée par la chute du mur de Berlin,
mais aussi dans la Plate-forme d'Action de Beijing de 1995 dont le chapitre V (art. 181 à 195),
qui plaide sciemment pour une représentation équilibrée entre les deux sexes en politique. La
CCF a tenu une conférence aux Nations Unies le 27 février au 10 mars 2006, portant sur
l'égalité de genre dans la prise de décision démocratique.
48
Article 1 de la CEDEF
49
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 339
50
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 13
28
La promotion des droits des femmes a toujours été une préoccupation majeure de l’Union
Africaine (UA) depuis sa création. L’égalité entre homme/femme a toujours été reconnue par
la charte constitutive de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ou de l’actuelle UA. Le
31 juillet 1962, une conférence des femmes africaines a été organisée pour discuter sur des
stratégies à adopter pour améliorer les conditions de vie des femmes africaines. Cette journée
a été baptisée « journée de la femme africaine ». Par la suite, des conventions51 ont été
adoptées pour promouvoir les droits des femmes en Afrique.
Dès le début des années 1980, des critiques du mouvement féministe ont été adressées à
l’encontre de l’application des droits de l’homme. La remise en cause des droits de l’homme
porte à la fois sur les fondements mêmes de ses droits que sur leur portée juridique. Une
lecture critique suivant l'approche genre remet en cause le fondement même du modèle social
véhiculé par les droits de l'homme.
51
La charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1995) et le Protocole à la charte africaine des droits
de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique (2003)
29
Évidemment, le principe d'égalité de genre est explicitement reconnu et défendu, mais
différentes formes d'inégalités subies par les femmes sont ignorées. Les militants féministes
ont mis en lumière ces non-dits pour démontrer que les droits de l'homme s'appuient sur une
base inégalitaire.
Malgré, les caractères neutre et objectif des différents droits reconnus par les droits de
l’homme, les critiques portent sur le caractère omniprésent des postulats liés au genre.
L’expérience féminine n’est pas prise en compte dans la rédaction de ces différents
instruments internationaux relatifs aux droits humains.
Les analyses féministes s’appuient sur l’idée que le système juridique issu des droits de
l’homme contribue à la reproduction de la hiérarchie de genre, fondée exclusivement sur
l’expérience des hommes. Hilary Charlsworth affirme que le droit international des droits
humains est un droit masculin, puisqu’il « repose sur la distinction entre les univers public et
privé et la renforce. Cette distinction contribue à étouffer les voix des femmes jusqu'à les
rendre parfois complètement silencieuses »52. Elle apporte « une réflexion sur la norme
masculine ayant servi de référence pour définir et mesurer les droits de l’homme »53.
Depuis le début des années 1980, le mouvement féministe commence à dénoncer le caractère
discriminatoire des droits de l'homme. Les droits humains tendent à garantir les droits et
libertés des individus face aux pouvoirs détenus par l’État. Dans cette optique, la sphère
privée n'entre pas dans le champ d'application des droits de l'homme que de manière
exceptionnelle. Les droits humains relevant dans le domaine privé n'entrent pas dans la
préoccupation du droit international mais du droit interne de chaque État.
Les droits de l’homme ne trouvent pas leur raison d’être que dans la sphère publique puisque
« le noyau dur des droits humains vise à protéger les individus d'une variété d'interventions
publiques »54. Or, « la forme la plus répandue des préjudices subis par les femmes survient
souvent au cœur du sanctuaire de la sphère privée, au sein de la famille »55, ces violences
sont ignorées par les différentes dispositions des droits de l’homme. L'inaction du droit
52
Hilary, CHARLESWORTH, op. cit., p. 112
53
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 343
54
Hilary, CHARLESWORTH, op. cit., p. 55
55
Ibid., p. 115
30
international favorise l'inaction de l'État pour lutter contre les violences envers les femmes
dans la sphère dite « privée ».
Face à l’inefficacité du droit international à protéger les droits des femmes et la persistance
des injustices envers les femmes, des voies se sont levées pour remettre en cause le caractère
libéral des droits de l’homme. Parmi les exemples cités pour dénoncer la théorie libérale des
droits de l’homme concerne la protection du droit à la vie. L’article 6 du PIDCP ne prend pas
en compte les différentes violences subies par les femmes dans la sphère privée. Or, ces
violences sont dénoncées quand elles sont perpétrées dans les prisons mais non lorsqu’elles
sont perpétrées dans la sphère familiale.
La dualité entre la sphère publique/privée signifie que la sphère privée ne relève pas du droit
international mais du droit interne. La CEDEF n’a pas rompu pas avec cette logique de dualité
puisqu’elle ne traite que certains cas particuliers de violence, par exemple la traite des
femmes. Mais, elle ne fait aucune référence directe à la notion de violence. Par la suite, des
rectifications ont être apportées pour condamner les différentes formes de violence subies par
les femmes. La Recommandation générale n° 12, adoptée par le Comité pour l’Élimination de
la Discrimination à l’Égard des Femmes reconnait implicitement les violences privées subies
par les femmes.
Le dilemme qui se pose est de déterminer le mode opérationnel à entreprendre pour mettre en
valeur les droits des femmes sur la scène internationale. La conception « sidestreaming »
implique que : « les questions liées à l'égalité de genre sont ici conçues comme spécifiques,
comme devant être traités dans des textes et par des institutions spécialement créées à cet
effet »56. Elle implique la mise en place d’un système particulier traitant les droits des
femmes.
Mais le risque est la marginalisation des questions relatives aux droits des femmes par rapport
aux autres droits humains. C’est cette marginalisation de la question des droits des femmes
qui est souvent décriée par les mouvements féministes au motif que les textes spécifiques
relatifs aux droits des femmes sont fragiles du fait de la faiblesse de son mécanisme de
protection.
56
Hilary, CHARLESWORTH, op. cit., p. 12
31
Les critiques féministes adressées à la théorie libérale des droits de l’homme impliquent une
redéfinition des « droits humains » et la relation entre État et le citoyen. Cette reconsidération
ne signifie pas pour autant que la distinction entre public /privé soit une problématique, mais
« s’assurer que toute distinction est faite de façon à ne pas dévaloriser ni marginaliser, les
expériences des femmes »57. Cette reconstruction du droit international, s’appuie sur des
« valeurs partagées universellement ». Un consensus politique a été trouvé lors de la
Conférence sur les droits de l’homme, tenu en 1993, qui vise à assurer que le système
international des droits humains réponde aux préoccupations des femmes sans pour autant
négligées celles des hommes. Par la suite cette initiative sera approfondie par la plate-forme
d’action de la quatrième conférence mondiale sur les femmes de Beijing en septembre 1995.
SECTION DEUXIÈME
L’ÉGALITÉ DE GENRE DANS LE CHAMP POLITICO-JURIDIQUE MALGACHE
Au terme de cette entreprise de délimitation conceptuelle, cette nouvelle section va être axée
sur l’analyse de la dimension genre dans le champ politique malgache. Même si les inégalités
de genre demeurent, cela ne signifie par pour autant que l’égalité de genre soit ignorée par le
droit positif et les politiques publiques malgaches. Malgré la reconnaissance juridique de ce
principe, la réalité vécue par les femmes est encore loin des engagements entrepris par l’État
malgache. Au regard des données statistiques, la politique demeure toujours un domaine de
prédilection pour les hommes.
La mutation de la société malgache tend à « substituer une relation verticale entre des
peuples n’ayant pas la même conception de temps et de d’identité à une relation de type
horizontal »58. Dans ce sens, ce qui compte c'est l’égalité entre les citoyens. En effet, l’État
malgache a réaffirmé son engagement à atteindre les objectifs fixé par les Objectifs du
Développement Durable (ODD)59. Malgré son bilan insatisfaisant au regard des objectifs fixés
57
Hilary, CHARLESWORTH, op. cit., p. 156
58
Velomihanta, RANAIVO, Plurilinguisme, francophonie et formation des élites à Madagascar (1795-2012).
De la mixité des langues, L’Harmattan, coll. Espaces discursifs, Paris, 2013, p. 44
59
L’objectif n° 5 : réaliser l’égalité des genres et donner des capacités et du pouvoir aux femmes et aux filles
32
par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Le principe d'égalité de genre
est devenu un principe majeur du droit malgache.
Les textes internationaux relatifs aux droits de l’homme de base ont été toujours intégrés dans
les diverses constitutions, qu’a connu Madagascar. L’actuelle constitution61 de la quatrième
République ne déroge pas à cette règle. Cette reconnaissance symbolique met en exergue la
haute importance accordée aux valeurs qui y sont véhiculées.
Pour eux, elle ne fait que reconnaitre le principe d’égalité de genre sans pour autant prévoir
des dispositions plus énergiques pour assurer son effectivité. Elles affirment qu’une «
constitution ʺneutreʺ ne peut que produire des résultats ʺneutresʺ alors qu’elle s’applique à
un environnement marqué par un déséquilibre flagrant entre femmes et hommes, notamment
60
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 175
61
Le préambule de la constitution de la quatrième République prévoit expressément : « la Charte internationale
des droits de l’homme et les conventions relatives aux droits de la femme »
33
en termes de représentation et de participation dans la vie politique et publique »62.
L’absence des dispositions positives en faveur des femmes justifie le caractère « neutre » des
dispositions constitutionnelles relatives à l’égalité de genre.
En tout état de cause, Madagascar fait parti des pays qui accordent au principe d’égalité de
genre une valeur constitutionnelle. L’État s’engage ainsi à lutter contre les inégalités et les
discriminations subies par les femmes.
L’internalisation du principe d’égalité de genre dans l’arsenal juridique malgache s’est fait
progressivement. À la veille de l'indépendance, le droit malgache semble réticent à traiter
l’homme et la femme sur les mêmes pieds d’égalité. L’ancrage culturel et le rejet des valeurs
occidentaux, véhiculées par la colonisation, ont motivé le législateur de l’époque à adopter
une méfiance vis-à-vis de l’approche genre.
Ce n’est que récemment que l’État malgache commence à apporter des retouches pour
modifier les textes jugés inégalitaires. Parmi ces ajustements on peut citer les cas suivants :
- la loi n°2000-021 complétant certaines dispositions du code pénal afin de lutter contre les
violences sexuelles subies par les femmes, elle érige en une infraction pénale et alourdit les
peines encourues pour le harcèlement sexuel et l’attentat à la pudeur ;
- la loi n° 2003-044 du 28 juillet 2004, portant code du travail apporte une garantie pour le
respect du principe d’égalité de genre et prévoit des dispositions spéciales en faveur des
femmes.
Au delà de cette reconnaissance juridique, ce qui importe est que le principe d’égalité de
genre ait une traduction concrète dans le monde politique. Certes, l’inclusion des femmes
dans la vie politique ne se décrète pas car plusieurs paramètres entre en jeu. Mais, la
62
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 8
34
modernisation du système politique malgache passe par un encadrement juridique cohérent
pour éviter l’anarchie, les dérives autoritaires et l'exclusion d'une partie de la population à la
vie politique.
Vu les conséquences irréversibles de la crise politique de 2009, les acteurs politiques se sont
rendus compte de l’urgence d’un changement radical dans la pratique de la politique à
Madagascar. Du fait de cette prise de conscience progressive, l’approche genre en politique
commence à gagner du terrain dans les débats politiques. Mais sa traduction réelle dans les
diverses lois relatives à la régulation du jeu politique semble de moindre portée.
Madagascar a encore du chemin à faire pour que le droit malgache soit conforme aux
standards internationaux en matière des droits de l’homme car certaines « législations en
vigueur contiennent encore des dispositions discriminatoires, attentatoires aux droits et
libertés fondamentales de la femme, qui la maintiennent dans une situation de faiblesse et
d’infériorité par rapport à l’homme »64. Certaines lois sont encore en contradiction avec les
engagements internationaux pris par l’État en matière de promotion des droits des femmes.
La promotion des droits des femmes n’est devenue un objectif stratégique pour l’État
malgache que vers le début des années 1990, à travers l’adoption de la Politique Nationale
pour Développement Économique et Social (PNDES). Même si la promotion des droits des
femmes est déjà insérée dans la « charte socialiste » de 1975, c’est la PNDES qui prévoit
explicitement des mesures relatives à la promotion des droits des femmes comme la réduction
de la morbidité et la mortalité des mères et des enfants.
63
La feuille de route a été insérée dans le droit positif malgache par la loi n° 2011-014 du 28 décembre 2011
64
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 178
35
Suite aux recommandations de la plate-forme mondiale de Beijing sur les femmes en 1995, le
Ministère de la Collaboration avec la Société Civile, a élaborée une Politique Nationale pour
la Promotion des Femmes (PNPF) en 2000. C’est le premier document officiel formulé par
l’État malgache qui traite spécifiquement la question de genre. Parmi les objectifs majeurs de
cette politique figure la promotion de la participation féminine à la prise de décision.
65
Parmi les objectifs du MAP (2012-2017) : 30% représentation des femmes au parlement, etc.
66
Ex : DSRP, MAP, PND
67
Parmi les instruments utilisés sont les statistiques genrées, la formation des acteurs concernés pour l’enjeu du
gender mainstreaming, etc.
36
1- Le système politique malgache
L’histoire politique malgache est marquée par des crises politiques fréquentes, engendrant des
changements ponctuels de système politique. Le mimétisme juridique fait que l’État malgache
s’est inspiré du modèle français dans l’organisation et le fonctionnement de son système
politique. Les différentes constitutions successives ont toujours reconnu la démocratie
représentative comme le fondement de mode de désignation des gouvernants.
Le principe de la séparation des pouvoirs a été toujours reconnu dans les diverses
constitutions successives. Les trois pouvoirs sont incarnés par trois organes distincts, mais
dans la réalité, ils sont tenus de collaborer pour assurer le bon fonctionnement du système.
Madagascar a opté pour un régime présidentiel, avec une variance semi-présidentiel suivant
les modifications constitutionnelles. Le Président de la République (PR) est élu au suffrage
universel direct et dispose d’un pouvoir large au sein de l’exécutif. Le premier ministre est à
la tête du gouvernement, qui est en principe désigné par le Président de République. Avec un
système d’équilibre des pouvoir, le gouvernement est responsable devant le parlement. Ce
dernier peut user son droit de motion de censure suivant une procédure prévue par la
constituions. La déchéance est aussi une entre les mains de l’Assemblée Nationale (AN)
ouvrant droit à l’empêchement du PR. En contre partie, ce dernier a le droit de dissoudre l'AN
pour provoquer une nouvelle élection législative.
Du fait de son caractère semi-présidentiel, les régimes successifs ont montré la prépondérance
du PR dans le système politique malgache. Le pouvoir politique est incarné par le PR, qui
dispose une emprise sur les différents moyens de contrôle politique. Le sénat constitue une
anti-chambre pour tempérer les pouvoirs de l’AN. Du fait de son privilège de nommer les
trois tiers de ses membres, le parti présidentiel est sûr d’avoir la majorité absolue de la
chambre haute. La justice, qui est toujours érigée en autorité, est largement dépendante du
pouvoir exécutif. Le PR est le président du conseil supérieur de la magistrature, qui est
l’organe de contrôle des magistrats.
37
2- Le fonctionnement du système politique malgache
Madagascar se veut être un pays démocratique et les discours des dirigeants successifs ne font
que répéter cette liturgie. Pourtant, la réalité politique malgache est loin des standards
internationaux en matière de respect des principes démocratiques. L’élection, qui est source
de légitimation et de légalisation du pouvoir, n’est qu’une procédure de façade. Les pratiques
frauduleuses sont toujours constatées, quelque soit la nature de l’élection. Le parti tenant du
pouvoir va tout faire pour que l’élection soit un moyen de consolidation de leur pouvoir.
A l’examen des faits, l’instauration de la pensée unique imposée par les tenants du pouvoir
devient la stratégie de contrôle et de conservation du pouvoir politique afin d’étouffer et
d'absorber toute forme d’opposition au régime. Pour ne pas éveiller l’esprit de contestation et
de révolte de la population, « le populisme des partis au pouvoir a gardé une vivacité
mensongère et démagogique »69. Les dirigeants font semblant de gouverner, mais en réalité,
ils ne font que s’accaparer des richesses du pays. Les intrigues politiques, les coups d’État, la
mal-gouvernance et les corruptions à grande échelle, sont les preuves de l’absence d’une
véritable culture démocratique à Madagascar.
68
Sylvain, URFER, L’écume et la vague. Où va Madagascar ?, Foi et justice, Antananarivo, 2015, p. 9
69
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 26
38
et mesure que le temps passe, les mauvaises pratiques prennent leur droit et la question de
genre disparaisse de l’horizon politique.
Pour mieux appréhender la sous représentation des femmes au pouvoir politique, un survol
des données statistiques s’avère indispensable. L’exercice du mandat électif par les femmes
demeure toujours une exception à Madagascar, surtout pour les zones rurales. Les inégalités
de genre demeurent une réalité constatée dans divers aspects de la vie sociale. L’inégalité de
genre se traduit par l’exclusion silencieuse des femmes des sphères du pouvoir politique et
aussi au-delà, économique, social et professionnel.
La société malgache est loin d’avoir une aspiration pour le principe d’égalité. La distribution
des rôles au sein de la société se fait de manière verticale. « Celui qui n'agit pas comme on n'a
jamais cessé de faire est non seulement un insensé, mais c'est surtout quelqu'un qui risque de
porter gravement atteinte à l'harmonie -réelle ou présumée- du monde et de la société »70.
Cette déviance risque d’entrainer une réprobation sociale.
70
Alain, COÏANIZ et Paule, FIOUX (eds.), Ancrages identitaires dans l'Océan Indien. La Réunion,
Madagascar, Mayotte, Les Comores, Maurice, L'Harmattan, coll. Langue et parole, Paris, 2011, p. 63
71
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 280
72
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 5
39
cercle familial. En général, une grande partie des droits fondamentaux73 demeure inaccessible
pour la majorité des femmes malgaches. L’inégalité de genre engendre plusieurs formes de
violences, tant sur le plan physique que moral.
La genèse des études du genre à Madagascar date au début du XIXe siècle, par des
missionnaires et explorateurs européens75. Ils affirment que les femmes malgaches de
l’époque sont opprimées, même si elles jouent des rôles importants dans certains domaines
stratégiques liés à la pratique de la religion traditionnelle. La conclusion des ces auteurs
doivent être comprises en tenant compte les mœurs de l’époque et aussi leur mission
d’évangélisation qui est considérée comme le seul moyen de libération des femmes.
Par la suite, plusieurs études monographiques ont été faites sur les différentes ethnies
malgaches76. Une étude comparative anthropologique de la situation des femmes malgaches
montrent une diversité culturelle sur le statut qu’elles occupent dans les différentes régions.
Ainsi, Bodo Ravololomanga souligne l’importance des femmes dans le système de parenté et
la valeur d’ainé an tant que « ray aman-dreny » à travers le « kabarom-biavy »77. Mais dans
certains cas, des pratiques sociales mettent en valeur les femmes. Suzy Ramamonjisoa affirme
même sur la base du l’ouvrage « Tantara ny Andriana », que les femmes « merina » tiennent
des rôles majeurs dans des activités religieuses et jouent des rôles actifs dans la société.
Pourtant, plusieurs chercheurs jugent cette conclusion comme une « généralisation hâtive ».
73
A titre d’exemple, on peut citer : le droit au travail, le droit à la santé, le droit à l’éducation
74
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER, (dir.), op. cit., p. 278
75
Lars VIG, Gustave MONDAIN, Joseph PEARSE et Alfred GRANDIDIER
76
Voir Ralph LINTON, « Tanala » et Raymond DECARY, « L’Androy »
77
Ex : une pratique sociale de l’ethnie Tanala : si une femme se sent injurier par un homme, toutes les femmes
du village se réunissent pour en débattre, au cours de la quelle elles demandent le mea culpa de l’homme fautif si
non elles quittent le village et laissent aux hommes d’accomplir les tâches domestiques
40
Dans la vie politique, plusieurs indices peuvent être pris en compte pour montrer la
représentation féminine dans la vie politique. L’engagement des femmes en politique reste
marginal, malgré les améliorations constatées sur le plan statistique. L’égalité devant la loi
(les droits de vote et d’éligibilité) ne garantie en rien une parité au pouvoir. Les données
statistiques disponibles montrent que Madagascar a fait des avancés dans la promotion des
droits des femmes.
En fait, ce sont les jeunes filles qui sont les plus touchées par le non enregistrement de leur
naissance devant un officier d’état civil. Le manque d’infrastructure et de sensibilisation font
que les mères de famille ne soucient pas de leur responsabilité envers l’enfant. À défaut d’une
CIN, à chaque élection, une part importante de la population en âge de voter n’est pas inscrite
dans la liste électorale.
Le nombre des électeurs inscrits dans liste électorale ventilée par sexe78 montre que le
pourcentage des femmes inscrites est toujours en deçà des hommes, alors que selon les
estimations, les femmes représentent une part élevée de population générale. Ce manque
d'exclusivité de la liste électorale remet en cause la légitimité du tout processus électoral à
Madagascar.
78
Le pourcentage des femmes inscrites à la liste électorale : 45% (en 2006), 44,9% (en 2007), 46% (en 2013)
(sources : Ministère de l’Intérieur, CENIT et CENI)
41
L’indexe genre et développement de la SADC (SGDI) est une mesure empirique basée sur 23
indicateurs dans six domaines différents : Gouvernance, Éducation, Économie, Santé Sexuelle
et Reproductive, Virus de l'Immunodéficience Humaine (VIH)/ Syndrome Immunodéficience
Acquise (SIDA) et Média. Pour Madagascar79, son SGDI a connu une nette amélioration
depuis son adhésion à la SADC, mais qui reste en deçà de la moyenne régionale.
La Carte de Score des Citoyens (CSC) mesure les perceptions des citoyens sur la performance
de leurs gouvernements en matière de droits constitutionnels et légaux sensibles au genre.
Pour Madagascar, son CSC a connu une nette augmentation passant de 44% en 2011 à 70%
en 2014.
L’Indice de Participation Féminine (IPF), qui saisit la représentation des femmes aux postes
de prise de décision dans le domaine politique. Pour Mireille Rabenoro, l’IPF de Madagascar
a connu une évolution en dent de scie malgré l’évolution constante de son ISDH. L’IPF de
Madagascar se présente comme suit :
- 0,346 (en 1997) (vers le début du mandat du président Didier Ratsiraka), cet indicateur
est passé à 0,396 en 2001 (à la fin de son mandat)
Suivant ces données statistiques, elle constate que « c’est seulement vers la fin de leur mandat
que les dirigeants se préoccupent d’inclure des femmes dans les instances dirigeantes, peut-
être dans le souci de s’attirer les voix des électrices »81. Madagascar n’ayant jamais eu de
femmes chef d’institutions que récemment, en l’occurrence Attalah Béatrice, comme
présidente de la CENI-T et Christine Razanamahasoa Rakotozafy qui fut (brièvement) la
79
SGDI : 59% (2011), 61 % (2014) (source : Gender Links 2014)
80
ISDH : 0,38 (1993) à 0,569 (2008)
81
Mireille, RABENORO, Le mythe des femmes au pouvoir, arme de l'antiféminisme à Madagascar, Cahiers du
Genre 2012/1 (n° 52), p. 82, disponible sur http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2012-1-page-75.htm,
consulté le 8 février 2017
42
présidente de la chambre basse. Manorohanta Cécile a même été ministre de la défense durant
la fin de mandat de Marc Ravalomanana. En général, les différentes institutions politiques
malgaches sont largement dominées par les hommes82.
82
Les femmes membres de l’AN : 2,5 % en 1977, 6% en 1989, 4,9% en 1993, 9,6 % en 2004, 11 % en 2007,
19,20 % en 2013 et 17 % pour le congrès de la transition, 19,2% en 2013.
En 2017, AN : 19%, sénat : 21%, gouvernement : 20%, les institutions décentralisées : 16,8% (source : Le
citoyen, 26 avril 2017, n° 338).
43
CHAPITRE DEUXIÈME
La promotion de l'égalité de genre dans le monde politique n’est pas uniquement une question
de parité. L’exclusion du plus de la majorité de la population dans la gestion des affaires
publiques sous-entend une idée de crise de représentativité politique. Le jeu politique
malgache reste dominer par des pratiques arbitraires dépourvues de toutes considérations
morale et éthique. La féminisation du monde politique est jugée comme une option pour
moraliser la vie politique à Madagascar.
La troisième section va analyser les pistes de réflexion sur les mesures visant à promouvoir la
participation politique des femmes. Le fait d’attendre à ce que l’égalité de genre soit
intériorisée dans la culture malgache peut prendre beaucoup de temps. Si Madagascar veut
atteindre les objectifs fixée en matière d’égalité de genre, on devrait réfléchir sur les mesures
légales à entreprendre à fin de déconstruire cette forme d’esclavage culturel des femmes.
44
SECTION PREMIÈRE
LES OPPORTUNITÉS RÉSULTANT DE L'IMPLICATION DES FEMMES EN
POLITIQUE
L’inclusion des femmes au pouvoir constitue une étape incontournable pour la promotion des
droits des femmes. En terme absolu, l’égalité ne prend pas en compte les caractères propres à
chaque individu. Il ne faut pas que les différences propres à un individu, ou à un groupe
social, soient invoquées pour leur octroyer un statut social particulier. La démocratie ne tolère
aucune exclusion des citoyens dans la gestion des affaires publiques. Leur prise de
responsabilité politique permet ainsi de déconstruire les normes sociales inégalitaires du point
de vue du genre.
1- La notion d’émancipation
L’égalité de genre permet d’affirmer la valorisation des identités féminines par rapport à une
domination de la culture masculine. Les femmes disposent des qualités et des potentiels
spécifiques que les hommes n’en disposent pas. La promotion de la justice dans la société
tend à une revalorisation des identités méprisées en prenant la diversité comme une richesse et
non pas comme un fardeau.
L’émancipation des femmes signifie une libération contre toutes formes de contrainte qui les
empêchent d’avoir une autonomie. La société doit pouvoir offrir à chaque individu un espace
lui permettant de poursuivre librement ses ambitions. La libération contre toutes formes de
violence et de domination étant les éléments essentiels de l’émancipation.
La liberté et l'égalité sont les deux faces d'une même réalité. La liberté ne peut être conçue
sans la reconnaissance du principe de l'égalité. L'égalité part du principe de la reconnaissance
de la diversité entre les individus. Pour mieux appréhender le principe d'égalité, il faut partir
de l'idée de la reconnaissance de l'altérité entre les citoyens. Cette altérité peut se présenter
sous différents aspects, comme différence de sexe, de race, de religion, etc. Par la suite, il faut
appréhender cette différence en termes d'égalité et non d'infériorité.
45
Ce qui fait que les rôles des femmes ne doivent plus être cantonnés dans la sphère privée, ou
plus précisément dans la vie familiale. Il faut leurs donner l’opportunité de s’investir dans des
domaines qui sont auparavant réservés aux hommes. Les obstacles, visibles ou invisibles,
doivent être levés pour ne pas limiter les champs d’action des femmes dans la société. C’est
pour cela que la théorie de l’empowerment « considère la participation active des citoyens
comme un vecteur de capacitation permettant l’accumulation de ressources par les individus
(self-developpement) et par conséquent l’émancipation économique et politique »83.
Ainsi, l’émancipation des femmes signifie une libération des femmes à travers un processus
de subjectivation qui « suppose une reconnaissance des rapports différenciés que les femmes
entretiennent par rapport aux hommes dans leurs expériences de la vie quotidienne »87. Par
conséquent, l'émancipation politique signifie que les femmes puissent entrer librement dans le
83
Guillaume, GOURGES, Les politiques de démocratie participative, PUG, coll. Libres cours politique,
Grenoble, 2013, p. 15
84
Sylvain, URFER, Le doux et l'amer. Madagascar au tournant du millénaire, Foi et justice, coll. Questions
actuelles, Antananarivo, 2003, p. 107
85
Sophia, MAPPA et al., Développer par la démocratie ? Injonctions occidentales et exigences planétaires,
Karthala, Paris, 1995, p.8
86
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), op. cit., p. 23
87
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 32
46
monde politique. Libres de toutes contraintes sociales, les femmes peuvent ainsi poursuivre
leur ambition personnelle sur le plan professionnel.
L’entrée en politique ne doit pas être soumise à des conditions préalables. Chaque individu
devrait en principe avoir la possibilité de participer à la vie sociale et politique. Si on veut
envisager une émancipation des femmes, il est indispensable « d'examiner en profondeur tous
les types de normes du point de vue la justice »89. Cette remise en cause des normes sociales
permet de déconstruire celles qui sont inégalitaires afin d’assurer un rééquilibrage des
rapports sociaux en faveur des femmes.
La démocratie permet d'assurer une cohabitation pacifique des différentes altérités de chaque
citoyen dans la société. C'est pour cela que « l'aspiration à l'égalité de l'altérité fait de la
démocratie le seul système qui permet l'expression de tous les conflits dans le cadre de la
nation, et qui conduit à la formation des unités de plus en plus grandes »90. À travers l'idée
d'une société égalitaire, « les choix de valeurs qu’effectue notre conscience sont de plus en
plus souvent de vrais choix, des choix libres, de moins en moins contraints, à mesure que la
société et sa culture deviennent proprement démocratiques »91.
88
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 32
89
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), op. cit., p. 27
90
Sophia, MAPPA et al., op. cit., p. 22
91
Alain, RENAUT, Quelle éthique pour nos démocraties?, Buchet-Chastel, Paris, 2011, p. 23
47
elles dérangent tout l’ordre des valeurs dominantes : économiques, sociales, morales, (...).
Elles interpellent le fondement même de notre ordre social et culturel, dont le système
patriarcal a prescrit l’organisation »92.
L’approche genre dans la politique n’implique pas uniquement sur la conquête des droits,
mais elle implique aussi une nouvelle forme du mode d’organisation politique. L’organisation
du pouvoir politique doit être le reflet des aspirations sociales. Une fois que la question de
genre soit reconnue comme un enjeu de la gouvernance, l’État s'engage à prendre des mesures
concrètes pour la promotion des droits des femmes.
A titre d’exemple, en 1990, Céline Ratsiraka, alors première dame, a démontré que la
coutume n’était pas aussi incontournable en usant de son lobbying auprès des députés issus du
parti créé par son époux, alors majoritaire à l’Assemblée nationale, pour faire voter une loi
ordonnant le partage par moitié des biens du ménage en cas de dissolution du mariage.
« Il faut absolument augmenter le nombre de femmes au pouvoir, parce qu'elles amènent des
changements »93. La maternité a constitué une stratégie efficace pour les femmes, on leur a
accordé une écoute au nom de l'autorité que procurait leur fonction maternelle. En effet les
femmes sont les mieux placées pour comprendre les réalités vécues par la population au
quotidien.
Partout ailleurs dans le monde, les femmes au pouvoir contribuent à la promotion de l'égalité
de genre. « Ce fut (...) le cas de Michelle Bachelet, qui a ramené au sein du Sénat chilien le
débat sur le droit à l'avortement et sur le droit de disposer de son corps. Ce fut aussi le cas de
Ellen Johnson-Sirleaf, qui a fait voter au Liberia une loi criminalisant le viol, et des
92
Luce, IRIGARAY, Ce sexe qui n’en est pas un, Les éditions de minuit, coll. Critique, Paris, 1977, p. 160
93
Pascale, NAVARRO, Les femmes en politique changent-elles le monde, Boréal, Paris, 2010, p. 39
48
parlementaires rwandaises qui ont permis que les filles de leur pays puissent hériter des
terres »94.
L'engagement des femmes dans le domaine social tient au fait à ce que Nancy Naples qualifie
d’« activist mothering »95. En effet, les femmes sont les mieux placées pour occuper les
postes liés au domaine social. Il faut relever que « la familiarité des femmes avec la maternité
ou la vie privée fut souvent un piège, car elles ont longtemps été cantonnées aux ministères
sociaux : bien que ces dossiers soient centraux dans la marche de la société »96. La
spécialisation des femmes dans les affaires sociales maintient une forme d’inégalité suite à
une division sexuelle du travail.
SECTION DEUXIÈME
LA DÉMOCRATIE RENFORCÉE PAR L'IMPLICATION DES FEMMES EN
POLITIQUE
Face aux diverses crises politiques, il ne faut pas tirer une conclusion hâtive pour discréditer
la démocratie à Madagascar, sans apporter une solution alternative crédible. Le risque est de
plonger le pays dans un système dictatorial. L’idée est que la démocratie libérale reste le
choix optimal pour Madagascar, mais ce sont les acteurs politiques qui l'ont détourné pour
servir leurs propres intérêts. Les promoteurs de l’égalité de genre ventaient pour une réforme
du système politique, en intégrant l’approche genre. La compréhension de la structuration du
champ politique malgache ne peut être comprise sans que ce soient pris en compte le rapport
de genre.
À partir du XVIIIe siècle, l'égalité entre les individus est reconnue comme un principe
fondateur dans l'organisation de la société. La démocratie est considérée comme le seul type
de régime politique qui répond aux aspirations de l'égalité entre les citoyens. Malgré la
reconnaissance de ce principe, il a été constaté la mise à l'écart des femmes de la citoyenneté
politique. Ce « paradoxe » est souvent ignoré par les penseurs de l'époque puisque la division
94
Pascale, Navarro, op. cit., p. 36
95
Ex. des mobilisations féminines : contre la dictature (les Mères de la place d’Argentine), contre les guerres (les
mobilisations pour la paix en Israël), etc.
96
Pascale, NAVARRO, op. cit., p.23
49
entre la sphère publique et la sphère privée demeure une réalité évidente. Les femmes ne
peuvent pas encore bénéficiées de leurs droits politiques.
L'âge classique de la Grèce antique (Ve et IVe siècle avant Jésus Christ) fut « le terreau des
principes et des institutions qui, au cours des siècles, ont inspiré la citoyenneté et la
représentation en Occident »97. Durant cette époque, l’égalité prévalait entre semblables et
non entre différents puisque « la citoyenneté athénienne était exclusive : entre autres traits, le
citoyen était homme et issu de parents athéniens, ce qui excluait les esclaves, les métèques et
les femmes »98.
Le Moyen âge va se caractériser par l’émergence des idéologies qui remettent en cause les
formes traditionnelles d’autorité politique. Suite à l’émergence d’État souverain, la protection
des droits des citoyens passe par la limitation du pouvoir public99. Des balises ont ainsi
émergé progressivement pour encadrer l’exercice du pouvoir politique.
Les progrès démocratiques issus du siècle des Lumières avaient maintenu la domination
masculine du champ politique. L'injustice se manifeste par l'assignation des femmes dans la
sphère privée. Une relecture critique du processus de démocratisation des pays occidentaux
permet d'apercevoir la mise à l'écart des femmes de la citoyenneté politique à travers des
mesures d'interdiction explicite. Les féministes insistent sur le caractère excluant de la
démocratie, « le qualificatif "excluante" impliquerait qu'il y ait eu une détermination, une
décision, une justification comme telle de l'exclusion des femmes de l'espace démocratique.
Or le principe même de la démocratie, c'est la l'égalité pour tous »100.
Selon Carol Paterman, l’histoire politique moderne est basée sur le concept de « contrat
social fraternel » (ou « contrat sexuel »), fondé sur la thèse patriarcale selon laquelle les
pouvoirs paternel et politique ne font qu’un. La face cachée de la théorie sur le contrat social
est son caractère fraternel, malgré son apparence égalitaire.
Dans cet ordre d’idée, la théorie développée par John Locke101, part du principe d’égalité
entre fils et leur père. L’homme acquiert sont autonomie vis-à-vis de l’autorité paternelle,
97
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 1
98
Ibid., p. 2
99
Ex : Machiavel (1469-1527) : séparation du pouvoir politique et la raison d'État, Luther (1483-1546) et Calvin
(1509-1564 ) : la liberté de religion et le pluralisme d'opinion
100
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), op. cit., p. 42
101
Dans son ouvrage intitulé : Two treatises gouvernment
50
pour exercer ses droits politiques. Par contre, les femmes sont encore destinées à être
soumises à leur mari. Cette hiérarchie entre homme et femme est considérée comme naturelle
puisque la femme est confinée dans la sphère domestique. De ce fait, les individus engagés
dans le contrat social sont donc des hommes. Les femmes y sont exclues.
Malgré les progrès démocratique du XVIIIe siècle, il a été reconnu l'égalité en droit entre les
individus (nouvelle norme philosophique et politique) mais avec la mise à l'écart des femmes
de la citoyenneté politique.
Par la suite, l’égalité de genre commence à être revendiquée dans les luttes politiques. Joan
Landes affirme que le genre est au cœur de la définition de la « sphère publique républicaine
», au cours du XVIIIe siècle en France. La révolution a apporté des progrès démocratiques
majeurs avec l’abolition du suffrage censitaire mais elle « ne consacra nullement l’égalité des
sexes »102. Pour Michèle Ferrand, « la révolution française marque un recul pour les femmes
»103. L’idée de nature a été évoquée pour justifier cette exclusion puisque « les femmes sont,
comme d'autres catégories du peuple, perçues comme des figures "dépendantes", qui ne
peuvent s'affranchir des figures d'autorité (père ou mari) dans l'espace domestique »104.
Ainsi il a été reconnu que les femmes ne disposent pas les qualités requises pour pouvoir
exercer une responsabilité politique. C’est tout au long des XIXe et XXIe siècles, que le
concept genre est devenu l'un des critères déterminants pour qualifier un système de
démocratique, à travers la reconnaissance des droits de vote et d’éligibilité aux femmes.
Effet, la démocratie inclusive suppose la participation effective de tous les citoyens à la vie
politique sans distinction de sexe. Sous l'éclairage critique du genre, la participation des
femmes dans le champ politique est « non seulement d'une question d'égalité mais encore de
démocratie »105. Ce survole de l’historique nous montre que la démocratie s’est construite sur
la mise à l’écart des femmes du monde politique.
La démocratie « est un système politique dans lequel la souveraineté est exercée, en principe,
par le peuple ou ses représentants élus, à la suite de consultations libres, régulières et neutres
102
Françoise, DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit., p. 7
103
Michèle, FERRAND, Féminin Masculin, La Découverte, coll. Répères, Paris, 2004, p. 72
104
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 220
105
Hilary, CHARLESWORTH, op. cit., p. 10
51
»106. Dans ce sens, le « principe démocratique, fondé sur la "trans-substantiation" quasi
religieuse de la majorité en unanimité »107 qui s'appuie sur la pratique d'une élection libre,
comme moyen de prise de pouvoir. La démocratie implique un « mode de gouvernement, des
institutions, des constitutions qui sont gardiens et garants de son application »108. Par
conséquent, l’État démocratique fonde sa légitimité sur la volonté exprimée par les électeurs
lors des élections lorsqu’ils exercent leur rôle en tant que citoyens.
Depuis les années 1980, diverses explications ont été développées pour analyser la démocratie
du point de vue du genre. La revendication de l’égalité de genre dans la démocratie est loin
d’être acquise sur le plan théorique parce que la pertinence de la dimension genre dépend du
sens qu’on attribue à la démocratie.
En effet, l’exigence de l’égalité de genre demeure un non lieu dans le cadre d’un système
démocratique, si on se base sur la conception essentiellement représentative et non
participative. Dans cette acception, l’essentiel est que le processus de désignation des
dirigeants respecte les exigences procédurales. Le jugement porte ainsi sur les procédures et
non sur les résultats. La question de parité concernant le résultat de l’élection n’est pas un
élément déterminant d’appréciation de la qualité d’un processus démocratique.
Par contre, le concept de démocratie participative met l’accent sur la participation effective de
tous les citoyens dans la gestion des affaires publiques. La démocratie s’apprécie en fonction
de la participation citoyenne à la vie politique, qui ne doit pas se résumer à l’acte de
désignation des gouvernants par le biais d'une élection. Les différentes forces vives de la
société devront être représentées au pouvoir.
Ce qui signifie que les femmes, entant que groupe à part entière de la société, doit avoir la
possibilité d’accéder au pouvoir. La sous-représentation des femmes au pouvoir remet en
106
Martin, KUENGIENDA, Quelle démocratie pour l'Afrique ? Pouvoir, éthique et gouvernance, L'Harmattan,
coll. Etudes africaines, Paris, 2007, p. 17
107
Alain, MINC, L'ivresse démocratique, Gallimard, Paris, 1994, p. 17
108
Francis, BOURDON, Attention ! Démocratie, Des Ecrivains, Paris, 2000, p. 16
109
Jean-Vincent, HOLEINDRE et Benoit, RICHARD (coord.), op. cit., p. 42
52
cause la viabilité de la démocratie puisqu’en principe cette exclusion porte atteinte au principe
d’égalité de chance entre l’homme et la femme pour accéder au pouvoir.
3- La démocratie inclusive
La quête du pouvoir dans un régime démocratique doit se faire, en principe, par le biais d’une
élection. Le processus électoral doit respecter les principes démocratiques pour que l’élection
reflète réellement la volonté de la majorité de la population. Dans le système de démocratie
représentative, le « principe de représentation place l'éligibilité au centre des conditions de la
légitimité politique »110.
Madagascar a encore de long chemin à parcourir pour que les valeurs démocratiques soient
réellement respectées. Selon P. Ngoma-Binda, la démocratie en Afrique est encore incomplète
et imparfaite puisque la femme occupe encore une place infime, voire dérisoire, dans les
institutions démocratiques. « En 1959, lors d'un colloque sur la démocratie au Conseil de
l'Europe, que l'historienne Guibert-Sledziewski a dénoncé concrètement l'injustice : "Aucune
démocratie réelle n'est possible […] si la question de l'égalité entre les hommes et les femmes
n'est pas posée comme un préalable politique". Cette affirmation est juste : il n'y a pas de
meilleur baromètre pour juger de la qualité d'une démocratie que d'analyser le statut des
femmes qui en font partie. »111 .
La participation citoyenne est au cœur de tout système démocratique, à travers le respect des
principes démocratiques, à savoir la justice et l’égalité. La promotion de l’égalité de genre va
ainsi au-delà de la question féminine puisque « la participation des femmes à la politique est
une question de démocratie »112. Il existe un lien d’interdépendance entre la démocratie et la
participation politique des femmes. Actuellement, la dimension genre est un critère de
définition de la démocratie qui est attendu comme un « système politique dans lequel la
souveraineté appartient à l'ensemble des citoyens, la reconnaissance du suffrage féminin va
de pair avec la réalisation démocratique »113.
La démocratie inclusive veut que l’exercice du pouvoir démocratique soit ouvert à tous
citoyens. En d’autres termes, « l’engendrement de la vie politique achevée, d’une société
110
Didier, GALIBERT, op. cit., p. 331
111
Pascale, NAVARRO, op. cit., p. 100
112
Ibid., p. 39
113
Christine, OCKRENT (dir.) , op cit., p. 584
53
politique véritable démocratique, implique la venue maximale de la femme sur la place
publique politique, à savoir, l’engendrement de la société politique comme démocratisation
ʺsexualementʺ universelle »114. L'idée de démocratie ne se réduit pas uniquement à l'exercice
des fonctions politiques par les femmes, mais l'enjeu majeur est que « la réalisation
démocratique (...) reste l'enjeu de fond de la participation politique des femmes et des
hommes »115. L’exercice du pouvoir doit permettre à la promotion des droits et libertés
individuels de tous les citoyens.
Chaque individu a ses propres comportements individuels suivant leur caractère. L’animalité
est un caractère inné pour tout être humain. Mais, la raison constitue une barrière pour ne pas
hasarder sur le terrain d’animalité maximale. Selon P. Ngoma-Binda, la raison permet un
« élagage perpétuel des ex-croissances dans l’animalité maximale tolérable sur la place
publique, comme instance éthique et intellectuelle de civilisation de la politique »116.
La réflexion sur le genre nous amène à l’idée que l’entrée en politique des femmes constitue
une opportunité pour changer le paysage politique à Madagascar. L’arrivée de ces nouvelles
actrices politiques peut insuffler « le retour à la raison et à l’éthique de la modestie, de la
droiture et de la justice »117, afin de régénérer la démocratie à Madagascar. Dans le domaine
politique, « est civilisée la personne qui porte en elle l’exigence éthique de la reconnaissance
de l’autre dans son droit fondamental à l’harmonie, à la coexistence pacifique, et à
l’existence la plus longue et la plus heureuse possible au sein d’une communauté »118.
114
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 62
115
Christine, OCKRENT (dir.) , op. cit., p. 585
116
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 15
117
Ibid., p. 16
118
Ibid., p. 132
54
« L'ancrage des femmes politiques dans la vie de famille est systématiquement rappelé pour
mettre en avant leur aptitude à se soucier du quotidien, du détail, des autres »119. Elles ont un
comportement plus altruiste grâce aux expériences de la maternité. Il est de notoriété publique
que les femmes, ou une très grande partie d’entre elles, font preuve d’une grande honnêteté en
matière de gestion de l’argent dans la maison, de même dans les entreprises.
Il est reconnu que le dévouement de la femme à l’amour et le soin de son foyer, ont des
répercussions positives sur le plan professionnel. La sensibilité féminine envers la question
d’humanité incline au dialogue, à la concertation, au compromis et à l’ouverture
démocratique.
Le fait d’affirmer que « les politiciennes apporteraient de l'éthique dans la politique »120 doit
être tempéré puisqu’il serait difficile de concilier la question éthique et loyauté partisane. Les
partis politiques sont loin d’être un appui pour des bonnes initiatives politiques à Madagascar.
L’option d’une création d’un nouvel parti politique121 mettant en valeur la question de genre
demeure une solution pour pallier les carences du système.
En 1995, la Conférence mondiale de Pékin a marqué une rupture dans la manière de prendre
en compte les intérêts des femmes et leur participation aux processus de développement.
L’approche « genre et développement » veut considérer les femmes non plus comme un
groupe particulier dans les programmes de développement, mais prendre en compte les deux
sexes dans une vision transversale. L’approche « genre et développement » ne se rapporte pas
119
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, Les femmes et la politique, PUG, coll. Politique en plus,
Grenoble, 2004, p. 139
120
Pascale, NAVARRO, op. cit., p. 82
121
A titre d’éxemple : Ampela Manao Politika (AMP), etc.
55
uniquement à la résolution des « problèmes des femmes » mais, tend à équilibrer les rapports
de pouvoir entre les deux sexes.
SECTION TROISIÈME
LES MESURES À ENTREPRENDRE POUR LA PROMOTION DE L'ÉGALITÉ DE
GENRE EN POLITIQUE
Les mécanismes appropriés pour la promotion de l'égalité de genre en politique sont difficiles
à mettre en place. Le changement de la culture et des traditions ne se font pas sans une réelle
volonté politique des acteurs concernés. Ainsi, le droit doit ainsi lutter contre la
discrimination de genre parce que l’égalité est une norme juridique qui doit être défendue et
protégée par l’État. La présente section va proposer des pistes de réflexion pour améliorer la
représentation des femmes au sein des différentes instances politiques à Madagascar.
122
Christine, OCKRENT (dir.), op. cit. p. 9
123
GUILLARME, Bertrand, L'individu et le groupe, in Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et
politiques, n° 84, La liberté, p. 42
124
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 250
56
1- La difficulté à surmonter : la tolérance sociale aux inégalités
Annie Junter reprend le constat de Goffman Erving concernant l’inégalité de genre dans les
termes suivants, « si désolante que soit la place qui leur est faite dans la société, la vision
officielle de ce qui distingue leurs caractéristiques naturelles de celles des hommes est
exactes et qu’elle l’est éternellement et naturellement »125. En effet, les inégalités de genre se
sont fortement imprégnées dans les normes sociales. Les formes de discrimination sont
devenues comme des pratiques sociales courantes acceptées par tous.
La société a tendance à tolérer les inégalités rencontrées par les femmes tout au long de leur
vie. Cette indifférence sociale est un facteur qui fait perpétuer les normes inégalitaires d’une
génération à l’autre. L’absence d’une réaction sociale constitue un obstacle majeur pour la
promotion de l’égalité de genre à Madagascar. La culture est encore très marquée par le rôle
prépondérant des hommes dans la vie sociale.
La promotion de l’égalité de genre exige une mobilisation de tous les acteurs. Il faut
s’affranchir des normes sociales qui engendrent des inégalités en défaveur des femmes. Ce
changement des mœurs se fait progressivement suite à une intense campagne de
sensibilisation. En effet, « le droit ne pourra être mobilisé sur ce terrain à grande échelle que
lorsque cette discrimination aura acquis le statut d’une discrimination intolérable et qu’à
partir du moment où une part significative de corps social la condamnera »126.
Madagascar a fait des efforts importants pour la promotion des droits des femmes, si on
compare les différents indicateurs sur le genre depuis ces dix dernières années. Mais, on
constate « un ISDH en croissance constante, mais un indice de participation des femmes en
dents de scie »127. Selon Mireille Rabenoro, « ce n’est pas l’empowerment (autonomisation)
des femmes - en leur donnant les moyens d’avoir le pouvoir de faire quelque chose,
125
Annie JUNTER, L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : une exigence politique au cœur du
droit du travail, Travail, genre et sociétés, 2004/2 N° 12, p. 196, disponible sur http://www.cairn.info/revue-
travail-genre-et-societes-2004-2-page-191.htm, consulté le 13 mars 2017
126
Miné MICHEL et Coste CHRISTINE, op. cit., p. 110
127
Mireille, RABENORO, op. cit. , p. 82
57
l’éducation étant le plus efficace de ces moyens - qui rencontre la résistance des dirigeants,
c’est le power proprement dit, c’est-à-dire le fait d’avoir du pouvoir sur les autres »128.
L’autonomisation des femmes passe par leur émancipation sur le plan professionnel. Tant que
la dépendance économique des femmes envers leur mari reste la règle, elles auront du mal à
avoir une liberté pour mener une carrière politique.
Ainsi, la promotion du genre doit s'intégrer dans toutes politiques de développement. Mais,
l'articulation de cet impératif pose un dilemme. Les « politiques singulières ciblées, on risque
de minorer le problème, (...) et en intégrant le principe d'égalité entre les sexes dans
l'ensemble des politiques, on risque de le dissoudre dans le neutre »129.
L’approche juridique des inégalités de genre en politique doit s’élargir vers des mesures
adaptées spécifiques aux femmes, connues sous la terminologie anglaise « affirmative action
». Cette conception anglophone de l’égalité trouve sa traduction française sous l’appellation «
discrimination positive ». Gwénaële Calves définit la discrimination positive comme « un
programme obligatoire de distribution préférentielle d’un bien ou d’une prestation aux
membres d’une minorité ou d’un groupe social défavorisé en vue de compenser l’inégalité
sociale»130.
Garantir des droits égaux n’implique pas impérativement un traitement identique à tous
individus. En effet, l’application du principe d’égalité peut parfois supposer l’application de
mesures spécifiques de protection ou de promotion, dites « spéciales » ou « positives », qui
visent à atténuer ou à supprimer les conditions qui contribuent à perpétuer les inégalités. Ces
128
Mireille, RABENORO, op. cit., p. 82
129
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER, op. cit., p. 51
130
cité par Anne, LEVADE, « Discrimination positive et principe d'égalité en droit français », Pouvoirs, 2004/4
n° 111, p. 59, disponible sur http://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-4-page-55.htm, consulté le 12 mars
2017
58
mesures spéciales vont compenser les inégalités de fait existant entre les hommes et les
femmes en créant des discriminations paradoxalement redistributrices d’égalité.
La démocratie paritaire exige une égalité statistique entre homme/femme dans les différentes
instances politiques. Ici,le concept de parité est entendu au sens de « "pareil", "égal" ; il s'agit
donc pour une partie d'obtenir le même traitement, le même statut que l'autre partie. En
politique et pour les femmes, cela signifie parvenir à la représentation égale des sexes dans
les partis et dans les Parlements. La parité est donc une idée, et pour la réaliser il existe
différentes stratégies »131.
Le système de quota figure parmi les mesures positives, qui est utilisé dans différents pays
pour contraindre le système politique à respecter une représentation équitable entre les deux
sexes. Le quota peut être inscrit dans les lignes directrices des partis ou dans les dispositions
légales pour avoir plus de force contraignante.
À partir des expériences en vigueur dans différents pays, on peut relever trois versions du
système de quota. D'abord, il y a le système de quota volontaire, qui prévoit des mesures
prisent à l’initiative des acteurs politiques pour garantir l’égalité de genre dans le
fonctionnement de leur parti. Des mesures incitatives peuvent ainsi être prévues pour que
cette prise de conscience soit concrétisée lors de la présentation des candidats aux élections.
L’inconvénient de ce système est l’absence d’une force contraignante pour assurer le respect
de cet engagement. Mais son efficacité dépend de l’ancrage de la valeur égalitaire dans la
culture politique.
En effet, dans les pays scandinaves, qui sont habitués aux respects du principe d’égalité, ce
système suffit à promouvoir la participation des femmes en politique. Son efficacité ne
dépend pas de leur caractère légal ou intra-partisane, mais de la puissance des organisations
féminines au sein des partis politiques.
Ensuite, pour contraindre les partis politiques à respecter le système de parité lors des
élections, on peut prévoir « une disposition formelle s'appliquant aux élections publiques, qui
introduit un seuil de représentation dans le processus de (s)élection politique : au niveau des
131
Pascale, NAVARRO, op. cit., p. 102
59
aspirantes et aspirants, des candidates et candidats (appelé quota de liste ou de
candidatures), ou des élues et élus (appelé quota de résultat) »132.
D’autre part, l’autre version prévoit que lors d’une élection, les partis politiques sont obligés
de présenter des femmes aux élections selon un pourcentage fixé par la loi. Le non respect de
ce pourcentage expose le parti politique récalcitrant à des sanctions (ex: les sanctions
financières, la disqualification, etc.).
Pour Madagascar, la question de quota a été toujours soulevée lors des différents débats sur la
refonte du code électoral. Mais, la majorité des partis politiques est encore réticente quant à
l’opportunité de ce système. Cette carence juridique ne fait que perpétuer le système de
domination masculine du monde politique malgache.
Il est à signaler que, même s'il y a consensus sur la nécessité de remédier à l'exclusion des
femmes en politique, le système de quota réactive les clivages idéologiques entre la tendance
« universaliste » et la tendance « différencialiste ». Une opposition fondée sur l'interprétation
contradictoire du concept « d'égalité ».
En effet, « les universaliste redoutent les effets pervers de la revendication d'une place pour
les femmes, en raison de leur spécificité "féminine" (...) la mise en évidence d'une différence
porte toujours le risque de l'infériorisation »133. Cette vision est issue de la conception
française de l’égalité, en l'occurrence le « contrat social » de Jean-Jacques Rousseau, qui est
basée sur l’égalité naturelle entre les hommes.
Elle se manifeste par « une égalité juridique abstraite » puisque l’égalité naturelle des
hommes conduit à ce que tous les citoyens soient égaux devant la loi, qui « doit être la même
pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse »134. Le fait d'octroyer un traitement de
faveur pour les femmes risque de tomber dans une nouvelle construction arbitraire et
normative d'une identité féminine.
132
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 172
133
Michèle, FERRAND, op. cit., p. 78
134
Michel, MINÉ et Christine, COSTE, Droit et discrimination sexuelle au travail, Cités, 2002/1 n° 9, p. 94,
disponible sur http://www.cairn.info/revue-cites-2002-1-page-91.htm, consulté le 10 mars 2017
60
Par contre, la conception anglophone du principe d’égalité nie l’existence d’une égalité
absolue entre les citoyens. Elle va se baser autour du concept d’« égalité réelle », car elle
reconnait que l’égalité peut être rompue du fait de l’existence d’une inégalité sociale. Pour
tenter de rétablir l’égalité, du moins l’égalité des chances, il est indispensable de « de
compenser des inégalités en créant des discriminations paradoxalement redistributives
d’égalité »135.
Ainsi, les « différencialistes » (ou « paritaristes ») affirment que « les femmes sont différentes
et complémentaires des hommes. Il y a deux sexes (...) qui doivent être également mais
séparément représenté »136. Dans ce sens, les différentialistes reconnaissent le principe de la
dualité entre l'homme et la femme. Des dispositions spéciales doivent être prises, du moins
provisoirement, en faveur des femmes en raison de leur vulnérabilité, qui dérogent aux règles
applicables à tous citoyens.
Vu le contexte politique malgache, il ne faut pas attendre à ce que la loi prévoit une
disposition positive pour assurer une égalité dans la politique. Il faut accroitre le degré de
combativité des femmes pour asseoir leur légitimité politique. « La participation des femmes
dans les canaux d’expression politique doit être renforcée, accrue et qualitativement
améliorée (...) il faudrait des femmes beaucoup plus déterminées, plus convaincantes et plus
possessives de la scène politique »137. Les qualités de combativité et de compétitivité aussi
bien sur le plan intellectuel que sur le plan de la capacité de leadership organisationnel, social,
économique ou politique doivent être renforcées.
Le leadership peut être défini comme étant la capacité d’une personne de mobiliser un groupe
vers un objectif défini d’avance. Être leader est une reconnaissance et non un statut. Le
renforcement du leadership politique exige que « l'accès à la profession politique est
étroitement lié à un ensemble de ressources, comme l'origine sociale, ne niveau de diplôme
ou le statut professionnel »138 pour surmonter les obstacles liées aux stéréotypes genres.
135
Anne, LEVADE, op. cit., 57
136
Michèle, FERRAND, op. cit., p. 78
137
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 76 et 77
138
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 231
61
PARTIE DEUXIÈME
Les chercheurs sur le genre ne se sont pas préoccupés sur le rapport entre le genre et la
politique que tardivement. La raison de cette ignorance est que la monopolisation masculine
de la politique est jugée naturelle et ne fait l’objet d’aucune contestation. Ce n’est que vers le
début des années 1980 que le genre est reconnu comme un outil indispensable pour analyser
la politique.
Le premier chapitre montre que la structuration du champ politique malgache s’appuie sur
une culture d’exclusion des femmes. Le processus de formation des élites politiques
malgaches n’échappe pas au système de domination masculine. L’approche genre consiste à
analyser « les mécanismes souterrains, non avouables de la volonté de domination ainsi que
le refus opposé à la domination »140 masculine du monde politique. Le second chapitre
analyse la méfiance généralisée sentie par les femmes envers la politique. En effet, le pouvoir
politique se décline toujours au masculin car la société malgache maintient le modèle sexué
des « sphères séparées » (masculin-public/féminin-privé). Face à cette image symbolique de
la politique, les femmes s’auto-excluent de la politique. La socialisation de genre est un long
processus qui s’opère tout au long la vie d’une femme dans différents sphères de la vie
sociale.
139
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 5
140
Velomihanta, RANAIVO, op. cit., p. 42
62
CHAPITRE PREMIER
L'histoire politique malgache n'a débuté au sens moderne du terme que très récemment. C'est
après l'indépendance, que les partis politiques malgaches ont pu s'organiser légalement.
Pendant la colonisation, la nature répressive du pouvoir colonial a empêché toute création
d'organisation politique. Cette interdiction n'a pas empêchée la constitution des mouvements
de résistance nationale. Des sociétés secrètes ont été créées après la seconde guerre mondiale,
en l'occurrence le Parti des Déshérités de Madagascar (PADESM) et le Mouvement
Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM).
Dès le départ, l’espace politique malgache est dominé par les hommes. La domination
masculine de monde politique est le reflet d'une réalité sociale inégalitaire. En effet, la
citoyenneté politique est analysée comme le produit du mécanisme de « l'ordre social
inégalitaire ». Le fonctionnement du monde politique est fortement influencé par les règles
sociales en vigueur. La première section va être axée sur cette interaction entre le monde
politique et l’ordre social. L’inégalité entre homme/femme est fortement ancrée dans la
société malgache, qui va se prolonger dans l’organisation et le fonctionnement des partis
politiques. Même si « les partis politiques (...) sont censés faciliter l'expression des
aspirations populaires »141. On se demande si l'égalité de genre s'inscrit dans l'aspiration de la
population malgache.
La troisième section porte sur l’existence d’un lien de causalité entre le système électoral et la
sous-représentation des femmes en politique. Même si cette corrélation n’est pas automatique,
il y a des systèmes électoraux qui favorisent l’élection des femmes.
141
François, ROUBAUD, Identités et transition démocratique : l'exception malgache?, Tsipika/L'Harmattan,
coll. Repères Madagascar et l'Océan indien, Paris, 2000, p. 93
63
SECTION PREMIÈRE
LES LOGIQUES ANDOCENTRÉES DE LA PROFESSIONNALISATION
POLITIQUE
Les partis politiques figurent parmi les acteurs clés de la scène politique. Le degré
démocratisation d’un pays s’analyse « à travers la vitalité des partis politiques puis ensuite à
partir du cadre juridique dans lequel baignent les acteurs politiques »142. Le but de tout parti
politique est la conquête du pouvoir. Ainsi, l’adhésion à un parti politique constitue un
passage obligé pour accéder au pouvoir.
La prise de responsabilité au sein d’un parti politique constitue une étape à franchir pour
pouvoir prétendre une place à l'investiture partisane. Si les femmes sont sous-représentées
dans les différentes instances du pouvoir, c’est que les partis politiques sont dominés par les
hommes. À Madagascar, la promotion du principe d’égalité de genre dans la vie partisane est
loin d’être une priorité. La majorité des cadres des partis politiques pensent que la situation
politique actuelle ne leur permet pas encore de mettre les femmes devant la scène politique.
À Madagascar, surtout dans les zones rurales, la culture et les principes hérités de la tradition
continuent à influencer les mentalités et pratiques sociales. « Les hommes n’acceptent pas
encore le fait d’être dirigés par des femmes »143. L’imaginaire politique reste encore hostile à
la participation des femmes car le système de patriarcat « cantonne les femmes dans la sphère
privée où il est attendu d’elles qu’elles soient épouses, des mères et des pourvoyeuses de
soins »144.
La féminisation du pouvoir politique suppose une reconnaissance et une confiance envers les
femmes, qu’elles sont aptes à incarner et à représenter le corps politique. Le fait d’être une
femme ne doit plus être considéré comme un handicap pour le métier de politicien. L’homme
politique ne doit plus être vu sous l’angle des critères fondés sur la distinction de sexe.
142
Toavina, RALAMBOMAHAY, Comparatif Madagascar-Maurice. Contribution au développement de
Madagascar, L’Harmattan, Paris, 2013, p. 90
143
Ialfine, PAPISY et al., Sur le terrain. Genre et collectivité locales à Madagascar, Gender links, 2010, p. 63
144
Ibid., p. 63
64
Selon Jean-Marc Coicaud, « la légitimité, c’est la reconnaissance du droit de gouverner »145,.
Elle sous-tend l’idée d’un consentement de la population. Ce qui fait que le processus de
création des élites politiques est le produit de la combinaison de plusieurs facteurs sociaux.
Or, le sexe figure parmi les éléments déterminants dans les critères de sélection des élites
politiques. La réalité sociale est que le jugement apporté sur un homme politique est
fortement imprégné par la logique de différenciation de sexe. Dans ce sens, l’expression «
femme politique » semble un oxymore puisque l’homme est appréhendé comme une figure
hégémonique et légitime aux yeux de la société. Ce regard privilégiant l’homme en politique
est présent dans toutes les différentes structures partisanes et démontre « l’extrême difficulté
de créer un espace féministe dans les partis traditionnels »146.
Une femme qui veut s’investir dans le monde politique « doit sans cesse conquérir une
confiance qui ne lui est pas d'abord accordée : au départ, elle est suspecte, il faut qu'elle
fasse ses preuves »147 suite aux préjugés défavorables. La légitimation politique des femmes
passe par des actions concrètes pour déconstruire les images négatives qui leurs sont
assignées.
En fait, l’homme est supposé endosser la qualité de bon père de famille quand il exerce un
poste de responsabilité. À travers cette image, il aura plus de crédibilité et de légitimité. La
« norme de la masculinité hégémonique » constitue une manifestation des stéréotypes
assignés aux femmes. Cette réticence envers les femmes en politique demeure une réalité à
Madagascar, selon les résultats de l’Afrobaromètre parus en janvier 2014 148, il n'y a que 62 %
de la population malgache considèrent que les hommes sont plus aptes à occuper des postes
politiques. C’est une forme de discrimination envers les femmes puisqu’au départ, les
145
Jean-Marc, COICAUD, Légitimité et politique. Contribution à l’étude du droit et de la responsabilité
politiques, PUF, coll. Questions, Paris, 1997, p. 1
146
Mariette, SINEAU, Le monde. Histoire, Les femmes du droit de vote à la parité, série : Comprendre un
monde qui change, 2013, p. 30
147
Simone, DE BEAUVOIR, op. cit., p. 614
148
Résultats de la 5ème série d’enquêtes Afrobaromètre à Madagascar dont la perception du genre à Madagascar,
2013, Madagascar, Coef Ressources/Institut de Recherche et Développement
65
jugements négatifs liés à la féminité politique fausse déjà l’égalité de genre dans
l’engagement en politique.
Dans un système démocratique, il revient aux citoyens de choisir ses représentants à travers
une élection. La représentation politique dépend ainsi du choix des électeurs. Suite à la sous-
représentation des femmes dans les mandats électifs, la question qui se pose est de déterminer
le degré de sensibilité des électeurs à la question de genre. En effet, « dans un système électif
où les femmes représentent largement plus de la moitié du corps électoral (...), il faut
supposer que leur sous-représentation résulte au moins pour partie de la façon dont elles ont
exercé leur droit de vote »149.
Les électeurs malgaches ne se préoccupent pas des offres émissent par les partis politiques à
travers des programmes politiques. Ce qui signifie que les attentes de la population à l'État «
sont liées aux circonstances contextuelles de leur énonciation, plus qu'à un programme
abstrait de croyances, impossible à consigner graphiquement ; elles sont ainsi sujettes à des
variations constantes »150. La traduction de ces attentes est difficile à saisir pour qu'elles
soient traduites à travers un programme politique cohérent.
Ce « jugement superficiel »151 va au détriment des femmes candidates puisque elles ont moins
de légitimité politique par rapport aux hommes. Le jeu électoral ne porte pas sur les débats
d’idées mais sur le degré de notoriété des candidats. Seules les femmes qui jouissent d’une
notoriété publique peuvent espérer être élues.
Mais certaines villes constituent des exceptions à cette tendance, puisque le choix des
électeurs porte sur la couleur politique des candidats et non sur la personnalité des candidats.
149
Françoise, DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit., p. 92
150
Jean-François, BAYART, L'État en Afrique. La politique du ventre, éd., Fayard, coll. L'espace politique,
Paris, 2006, p. 31
151
Selon rapport Afrobaromètre en 2013 : 62% des malgaches affirmes qu’il ne doit pas avoir de différence entre
les hommes et les femmes (élues à des postes politiques) contre 81 % en 2005
66
L’affiliation à un parti figure parmi le critère déterminant dans le choix des électeurs de la
capitale. Ce qui a permis l’élection de plusieurs femmes présentées par deux formations
politiques majeures152dans la capitale, lors de la dernière élection législative de 2013. En
dehors des villes, les qualités liées à la personne du candidat emporte plus que les
programmes présentés lors des propagandes.
Le populisme domine le champ politique malgache qui fausse la rationalité d’une élection.
Les partis politiques s’intéressent moins à la question de représentation politique des femmes.
Le marché électoral n’intègre pas la dimension genre comme un critère indispensable pour
que le résultat soit équitable du point de vue du genre.
L’engagement des femmes aux partis politiques se heurtent aux différentes pratiques
discriminatoires qui les empêchent d’accéder aux postes de responsabilité. En plus de ce
facteur culturel, le manque de transparence et de culture démocratique rendent opaque le
mode d’organisation et de fonctionnement des partis politiques. De ce fait, la pratique
discriminatoire envers les femmes constitue une réalité constatée dans tous les partis
politiques malgaches.
« La véritable raison de l'absence des femmes du monde politique tient à la misogynie des
partis politique »153 puisqu’ils « sont vus comme des espaces oligarchiques traversés par des
luttes de pouvoir »154 au détriment des femmes. La culture politique se caractérise par « le
"style" de militantisme qui prévaut dans la plupart des partis, (...), reste indexé sur les
manières d'être, les appétences et compétences socialement définies comme masculines »155.
152
Ex : TIM et MAPAR, etc.
153
Michèle, FERRAND, op. cit., p. 75
154
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 217
155
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 240
67
»156. L’analyse du mode de fonctionnement des diverses partis politiques malgaches montre
une domination sans partage des hommes.
Même si les femmes disposent des compétences et d’appétence politiques, elles font l’objet
d’un jugement négatif de la part des hommes, qui sont majoritaires à la tête du parti. Ainsi, les
partis politiques constituent un lieu d’exercice de l’autorité masculine. Les femmes sont
jugées inaptes à gérer la vie interne du parti. L’acquisition du leadership politique est
monopolisée par les hommes. On « parle de ʺ fratriarcat ʺ, signifiant par là qu’une longue
tradition de domination masculine a favorisé chez les hommes l’émergence de réflexes de
frères prompts à défendre leurs places et leurs privilèges »159.
Les hommes vont ainsi forger l’imaginaire du réel, en renforçant la légitimité de leur pouvoir
dans le fonctionnement du parti. Le but est de conforter leurs privilèges dans le système en
limitant le rayon d’action des femmes dans les rouages du parti. Pourtant, le jeu politique fait
que « l’accès au pouvoir ne se fera évidemment que par l’intégration des femmes aux
structures, notamment au sein commission d’investiture des parties politiques »160.
L’approche genre du mode d’organisation des partis politiques montre que les femmes sont
sous-représentées au fur et mesure qu’on monte d’échelle vers les instances de direction. Les
156
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), op. cit, p. 40
157
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit. , p. 97
158
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 16
159
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 97
160
Véronique, HELFT-MALZ, et Paule-Henriette, LÉVY, Les femmes et la vie politique française, PUF, coll.
Que-sais-je ?, Paris, 2000, p. 83
68
statuts des partis politiques ne traitent pas de manière spécifique la question de l’égalité de
genre, ils se contentent uniquement à une reconnaissance de principe.
Dans la réalité, le mode de fonctionnement des partis ne prévoit pas une disposition
discriminatoire, mais dans la pratique, les femmes sont assignées à des postes moins valorisés
par rapport aux hommes. Il existe alors une division verticale dans la distribution des postes
de responsabilité à l'intérieur de la structure partisane. La fabrication des élites politiques
illustre bien cette division sexuée du travail en politique.
Pour Mary Parlee, les postes assignés aux hommes sont ceux qualifiés d’« attention getting »
(attirer l'attention). Du fait de leur légitimité politique, les hommes vont occuper les postes de
responsabilité161 au sein des partis politiques. Par contre les femmes sont cantonnées à des
postes dits « attention giving » (prodiguer attention). Elles jouent un rôle subsidiaire dans le
fonctionnement du parti. « La dynamique des " rapports sociaux " assigne les hommes et les
femmes à des tâches distinctes et inégalement valorisées à l'intérieur des collectifs militants,
reproduisant ainsi la dichotomie hiérarchisée masculin-public/féminin-domestique »162.
La raison invoquée pour justifier cette pratique est la préservation de l’imaginaire masculine
assignée au parti politique. La norme sociale est que l’espace politique est réservé aux
161
En 2013, la représentation des femmes : dans les six premiers postes des partis politique est de 23% au poste
de trésorière est de 30%, au poste de secrétaire général est de 23% en 2013 (source baromètre Madagascar 2014)
162
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 258
163
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 15
164
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 244
165
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 98
69
hommes. Les partis politiques ne font que reproduire cette réalité sociale. Pour ne pas
transgresser cette réalité, les hommes continuent à la maintenir au détriment des femmes.
Le faible militantisme des femmes en politique se justifie par le maintien du modèle masculin
assigné à la politique. Le déterminisme social constitue un argument de poids pour la
marginalisation des femmes au sein des partis politiques. Cette « dénégation » de la question
de genre par les leaders politiques constitue un « refus de reconnaitre l'exclusion des femmes
de la citoyenneté comme un phénomène injuste et inégalitaire ; l'absence de volonté politique
pour remédier à cette exclusion »166.
De plus, la culture démocratique est loin d’être un mode de fonctionnement des partis
politique malgache. La vie partisane va dépendre de la vie personnelle de son fondateur. Vu
l’opacité de leurs règles de fonctionnement, l’évolution de carrière des femmes au sein des
parti se heurtent à un obstacle, désigné sous le nom de « plafond de verre ».
Le « plafond de verre » (ou « glass ceiling ») est un terme popularisé, en 1996, par le Wall
Street Journal. Il est défini comme les barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés
comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes
responsabilités. En effet, le mode de fonctionnement du parti ne vise pas à organiser la non
parité, mais qui, compte tenu de certaines différences entre les hommes et les femmes,
produisent un important effet genre.
Pour accomplir cette mission, l’administration peut recourir à l’usage des prérogatives de la
puissance publique, qui déroge aux règles reconnues dans le droit privé. Les agents publics
sont régis par un droit spécial, dérogatoire du droit commun. Mais en tout été de cause, ces
166
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 92
70
règles s’appuient sur les Normes Internationales du Travail (NIT) et la constitution qui
reconnaissent l’égalité de genre en matière d’accès à l’emploi.
Pour les fonctionnaires, la loi n° 2003-011 du 3 septembre 2003 portant statut général des
fonctionnaires affirme dans son article 5 que « pour l’application du présent statut il n'est fait
aucune discrimination de sexe ». Le statut général des fonctionnaires reconnait ainsi le
principe d’égalité en matière d’emploi dans la fonction publique. Le recrutement par voie de
concours, sur titre ou par voie d’intégration ne doit pas tenir en compte la différence sexuelle
entre les candidats.
Quel que soit le mode de recrutement d’un fonctionnaire, le statut de la fonction publique
malgache tend vers la mise en place progressive de la méritocratie. Seule la compétence du
candidat doit être le critère déterminant pour le recrutement d’un fonctionnaire. Toute
personne victime d’une discrimination de genre dans l’accès à la fonction publique peut saisir
la juridiction administrative pour faire valoir ses droits.
L’article 54-4° de la constitution prévoit que le PR « procède, en Conseil des Ministres, aux
nominations dans les hauts emplois de l’État dont la liste est fixée par décret pris en conseil
des ministres ». Ce qui signifie qu’il dispose les pleins pouvoirs pour nommer les hauts
responsables dans l’administration publique. La parité n’est pas encore un impératif qui limite
ce pouvoir discrétionnaire du Président.
Parmi les inégalités subies par les femmes dans le monde économique concerne les inégalités
d’accès à l’emploi. La représentation des femmes dans l’administration publique demeure
encore faible, qui est de l’ordre de 41,4% et que seuls 23,1% des directeurs au sein des
ministères sont des femmes167.
167
Source : ENSOMD 2012-2013
71
La nomination des hauts responsables dans l'administration publique se fait depuis toujours en
faveur des hommes, quelles que soient les compétences féminines disponibles. D’après une
étude menée par Mireille Rabenoro, au niveau de l’École Nationale d’Administration de
Madagascar (ENAM), elle a constaté que de plus en plus de femmes avaient passé le concours
d’entrée et la majorité des promotions sortantes avaient une femme à leur tête (ou major).
Ainsi, le problème se situe alors à un manque de confiance quant à la nomination des femmes
aux postes de responsabilité.
Plusieurs politiciens ont démarré leur carrière professionnelle dans l’administration avant de
mener une carrière politique. Leur passage dans l’administration leur permet d’acquérir de
l’expérience et de tisser des réseaux pour étendre leur champ d’influence. Les fonctionnaires
masculins sont mieux dotés en capital politique, qui facilite leur insertion dans le monde
politique.
SECTION DEUXIÈME
La carrière politique se construit à l’intérieur des partis. Le rapport de force entre les membres
du parti concerne le choix du candidat présenté à l’élection. Les fonctionnements internes des
« partis peuvent en effet être analysés comme des "organisations sexuées", c'est-à-dire
traversées par mécanismes qui, depuis leur base jusqu'à leur sommet, avantages les hommes
au détriment des femmes »168.
L’une des manifestations de cette domination masculine concerne l’exclusion des candidates
féminines aux élections. Plusieurs handicaps ont été invoqués pour justifier cette exclusion. Il
convient alors de savoir si cette exclusion résulte d’une méfiance du parti ou d’une traduction
de la demande électorale.
168
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 240
72
des élections, c’est que les partis politiques sont réticents à présenter une candidature
féminine. Pourtant, comme ce qui a été dit auparavant, la question de l’égalité de genre n’est
pas encore au centre de la préoccupation des partis politiques malgaches. Les leaders
politiques se réfugient derrière le postulat que la société malgache n’est pas encore prête à
accepter la participation féminine dans l’exercice du pouvoir.
Il reste à analyser les conditions requises par les partis lors de la sélection de leur candidat aux
élections. En effet, ces critères doivent se fonder sur une anticipation des attentes de
l'électorat. Les partis doivent chercher le (ou la) candidat(e) idéal(e) qui remplie ces
conditions. Pourtant, le jeu de l’offre et de la demande électoral ne prend pas en compte la
question de parité.
Selon l’opinion de la majorité des leaders politiques, le fait d’être une femme est considéré
comme un handicap. En plus, il faut insister le fait que les hommes sont dominants dans les
différentes instances de direction des partis.
En fait, la sociologie de mobilisation affirme que « les liens d'interconnaissance entre les
individus étaient dans le processus d'entrée dans les organisations militantes»172. Les partis
politiques sont par principe des machines électorales. Les candidats présentés sont ceux qui
ont de légitimité au sein de ce parti. La compétition interne constitue la première étape dans la
bataille électorale entre les membres du parti. Le candidat retenu est la personne disposant
169
La culture politique est définie comme l’ensemble des « habitudes et règles non dites qui déterminent ce
qu’est la politique, ses objectifs et ses moyens », Christine, FAURÉ, (dir.), Nouvelle encyclopédie politique et
historiques des femmes, Les belles lettres, Paris, 2010, p. 1008
170
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 247
171
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 78
172
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 191
73
d'une « lignée chargée d’honneurs, prestige personnel et une situation favorable »173. Par
conséquent, la candidature féminine demeure une exception vue le fonctionnement
discriminatoire des partis politiques174.
Il faut alors franchir le pas vers le cercle fermé des « élites politiques » pour pouvoir gagner
l’investiture du parti. En effet, lors d'une élection « les chances de se faire élire sont d'autant
plus grandes que l'on peut user des facilités d'un réseau, qu'il s'agisse d'intervention
concrètes ou de partage du capital symbolique de personnalités connues dans l'île toute
entières »175.
Les chances de réussite d'une candidature dépendent aussi du parti qui l'a proposé, tant en
termes d'idéologie que de force politique. Les critères de sélection dépendent de la capacité
politique du candidat qui « doit nécessairement attirer l’attention des électeurs (...), l’image
du candidat potentiel doit se détacher par un ou des caractères favorablement appréciés dans
une culture donnée »176 .
Par conséquent, il ne doit pas être handicapé par des traits jugés négatifs, dont les femmes en
sont victimes en politique. L’élection favorise les candidats saillants, favorablement jugés par
les électeurs. Les partis politiques ne font qu’anticiper ce jugement dans le choix du candidat
potentiel, qui priment « aux insiders : plus on détient une position politique établie, plus on a
de chances de remporter l'élection, et donc de se voir confier l'investiture pour un mandat
fortement convoité »177.
173
Françoise, RAISON-JOURDE et Gérard, ROY, Paysans, intellectuels et populisme à Madagascar. De Monja
Jaona à Ratsimandrava (1960-1975), Karthala, coll. Hommes et sociétés, Paris, 2010, p. 65
174
La proportion des femmes candidates pour les élections législatives : 8,5% en 2002, 11,2 % en 2007, 2013
pour l’élection présidentielle : 7,6 % en 2007, lors de la dernière élection présidentielle elles ne présentent que
6% des candidats (2 sur 33) alors qu’en 2007 il n’y avait qu’une candidate sur 13 (7,6 %)
175
Didier, GALIBERT, op. cit., p. 146
176
Bernard, MANIN, Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, coll. Champs, Paris, 1996, p. 182
177
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 244
74
investi beaucoup d’argent qui gagent systématiquement l’élection. La remise en cause de la
rationalité du vote reste au cœur du problème de la démocratie à Madagascar.
Or, la situation socio-économique malgache fait que ce sont les hommes qui disposent plus de
capacité financière par rapport aux femmes. Cette disparité tient au fait de l’inégalité
économique entre l'homme et la femme. Le monde des affaires est largement dominé par les
hommes. En réalité, « pour des raisons historiques, économiques et culturelles,
traditionnelles et modernes, les femmes sont la catégorie qui manque le plus de possibilités
financières pour pouvoir se jeter en toute confiance dans la bataille politique électorale »179.
À cause du vide juridique sur les modalités de financement des partis politiques, le monde
politique constitue une opportunité pour tout homme d’affaire désireux d’étendre leur activité
économique. L'aspect financier est une condition requise pour gagner l’investiture partisane
car « ce sont les candidats qui arrivent à supporter les frais pour ameuter les gens qui seront
priorisé »180. On ne doit pas s’attendre à ce qu’une loi régissant le mode de financement des
campagnes électorales et des partis politiques voit le jour parce que « ce vide juridique a
toujours arrangé et continue à arranger les tenants du pouvoir : à chaque élection, les
prérogatives de puissance publique et l’argent ont fait la différence »181. En outre, vu que
l'élection est un investissement aléatoire, elles « n’osent pas prendre ce risque et préfèrent
s’occuper de leur famille »182.
178
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., 2009, p. 16
179
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 99
180
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 16
181
L’Observatoire de la vie publique à Madagascar, D’une crise à l’autre (2001-2013), L’Harmattan, Paris,
2014, p. 139
182
Ialfine, PAPISY et al., op. cit., p. 63
75
système de hiérarchie entre les sexes rend difficile l’accès de femmes à des activités
lucratives.
De plus, la gestion du budget familial reste un pouvoir exclusif de mari. Tant que les femmes
ne soient pas indépendantes sur le plan économique, elles auront toujours des difficultés pour
réunir les conditions optimales pour s’investir en politique.
Mais il arrive aussi que les femmes remplissent les conditions requises pour représenter leur
parti. En réalité, leurs engagements sont supportés « par leur conjoint ou qui se proposent
justement pour appuyer les activités économiques de celui-ci »183.
L’obstacle financier est surtout constaté lors de l’élection présidentielle à travers le système
de « caution », qui est en principe instaurer pour limiter la candidature inopportune, qui est
remboursable uniquement pour les candidats obtenant 10% des voix. Du point de vue du
genre, le mécanisme électoral malgache porte atteinte au principe d’égalité des chances des
candidats puisqu’il pénalise les femmes. Une femme candidate à l'élection présidentielle aura
du mal à lever des fonds pour financer sa campagne électorale car « ni les dirigeants des
partis, ni les opérateurs économiques accordent peu de crédit à leur capacité de gagner aux
élections »184.
La démocratie est remise en cause, si le système électoral est dominé par des mécanismes
occultes de pression où « la conquête d'une position dans le champ des échanges
clientélaires, laquelle est source de voix et d'allégeances personnelles »185 en dehors de toute
idée de débat démocratique. Le manque de culture électorale de l’électorat malgache remet en
cause la rationalité du résultat du vote, sans parler du recours massif aux fraudes électorales.
Les femmes des hauts responsables politiques peuvent jouer un rôle non négligeable dans les
activités politiques de leurs maris. Évidemment, l’influence de ces femmes varie en fonction
de la personnalité de leur mari. Elles peuvent jouer un rôle déterminant pour l'orientation
183
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 16
Ex : Le maire de la capitale, Lalao RAVALOMANANA soutenu par son mari, l’ancien Président Marc
RAVALOMANANA, devenu son conseiller spécial
184
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 21
185
Didier, GALIBERT, op. cit., p. 332
76
politique du pays. Dans ce sens, la première dame est considérée comme « femme précieuse,
moitié de la République ».
Même si, sur le plan qualitatif, « l'implication politique des femmes ne se limite pas à ses
aspects institutionnels. Il demeure qu'une limite est marquée par l'insistance avec laquelle le
rôle - bien réel - des épouses de chefs d'État est spécifiquement traité par la presse et par les
multiples rumeurs du téléfaonina gasy sous l'angle de la gestion du patrimoine présidentiel et
du conseil officieux sur le choix des collaborateurs »186. L’épouse du chef de l’État figure
parmi l’illustration du pouvoir politique exercé par les femmes.
La loi sur les partis politiques187 n’énonce pas une disposition concrète traitant la question de
genre. Cette stratégie tend uniquement à améliorer l’image du parti envers la population. Au
cours de l’histoire politique malgache, cette pratique est surtout utilisée par les partis au
pouvoir188. La création d'une section féminine « a permis d'accroitre la position et l'influence
des femmes à l'intérieur du parti »189.
Pourtant, la responsabilisation des femmes dans la vie partisane reste marginale. Les femmes
sont utilisées pour nourrir le populisme. Les partis vont ainsi mettre en place des projets
intermittents, au gré de la conjoncture, pour faire passer le message qu'ils se préoccupent de la
question de genre. Il revient à cette section de diriger les œuvres sociales et caritatives du
parti.
Pour le régime en place, la politisation de la question de genre se concrétise par la place tenue
par la première dame. Il est difficile de délimiter les frontières entre les actions publiques,
menées au nom de l'État, avec celles menées au nom du parti politique de son mari. En effet,
l'épouse du PR est utilisée pour assurer pour soigner l'image de pouvoir en place auprès de la
population.
En vérité, les leaders féminins du parti au pouvoir sont mobilisés pour servir « les intérêts du
pouvoir en place (détenu généralement par les hommes) que ceux des femmes »190.
186
Didier, GALIBERT, op. cit., p. 419
187
Loi n° 2011-012 du 9 septembre 2011 relative aux partis politiques
188
PSD, AREMA, TIM, TGV et HVM
189
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 248
190
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 17
77
L’ambigüité entretenue par ces « ailes » se trouve aussi dans le manque de transparence dans
la gestion des fonds mobilisés. Ce fonds peut atteindre des sommes pharaoniques et il est géré
à la discrétion de la première dame.
C’est pour cela que les actions entreprises portent sur des actions « orientées vers le social et
ciblent plus les besoins pratiques des femmes (et souvent spécifiques) que leurs besoins
stratégiques »191. Les femmes sont appelées à être ministre sont appelées à jouer un rôle de
figurant dans le gouvernement.
Ce constat est confirmé par Rabenoro Mireille sur l’évolution inconstante de l’IPF durant les
deux précédents régimes, malgré les bonnes performances constatée pour le SGDI. Elle
constate que l’ « est faible au début du mandat de chaque dirigeant, et remonte vers la fin ».
La justification de ce contraste tient au fait que « c’est seulement vers la fin de leur mandat
que les dirigeants se préoccupent d’inclure des femmes dans les instances dirigeantes, peut-
être dans le souci de s’attirer les voix des électrices »192.
SECTION TROISIÈME
LE RAPPORT ENTRE LE SYSTÈME ÉLECTORAL ET LE GENRE
L’élection démocratique accorde une liberté pour tout citoyen de se porter candidat. Le droit
d'éligibilité des femmes n’est acquis dans le monde que vers le début de la moitié de XIXe
siècle.
Le système électoral en vigueur à Madagascar est depuis toujours basé sur le mode de scrutin
majoritaire simple avec quelques avec quelques variations suivant la nature de l’élection.
Malgré le respect des principes démocratiques lors d’une élection, la parité est loin d’être
garantie. Même si les partis politiques sont les premiers concernés par la question genre en
politique, le système électoral joue un rôle non négligeable dans la promotion de la parité
dans le monde politique. Une réflexion doit se poser sur l’existence d’un lien de causalité
entre le système électoral et la faible participation à la l’élection.
191
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 17
192
Ibid., p. 82
78
1- Le lien entre le mode de scrutin et le genre
Le système uninominal est moins favorable aux femmes. Dans ce système, la logique sexuée
est plus déterminante pour l'élection du candidat puisque l’élection est fortement
personnalisée, « les partis trouvent plus facilement le battant qui ʺtientʺ la circonscription
parmi les hommes que parmi les femmes »194. Le rapport de force est plus tendu entre les
prétendants à l’investiture partisane. La réalité est que les hommes sont en position de force
par rapport aux femmes. Or, la vie partisane demeure un terrain dominé par les hommes. Suite
à la faible potentialité politique des femmes, le scrutin uninominal est analysé par les
politologues comme un système qui maintient le « fratriarcat politique ».
Puisqu'il n'y a qu'un siège à pourvoir, le mode de scrutin uninominal « donne ipso facto du
poids à la personne et à sa notoriété »195. La réalité politique fait que les hommes sont mieux
dotés en termes de capital politique puisqu’en principe un candidat masculin « capitalise le
maximum de ressources sociales, politiques ou individuelles »196.
La notoriété sociale et politique est depuis longtemps accaparée par les hommes. De ce fait, le
scrutin donne plus d’opportunité aux hommes de se porter candidat. Cette tendance est
confirmée par les données de l’Union Interparlementaire (UIP) sur les assemblées
parlementaires renouvelées dans le monde en 2007, « les femmes occupent 18,3 % des sièges
dans les chambres élues à la proportionnelle, contre 13,8 % dans celles élues au scrutin
majoritaire »197. Le scrutin uninominal est, ainsi dénoncé puisqu’il est considéré comme une
193
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 11
194
Mariette, SINEAU, op. cit., p. 27
195
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 153
196
Manon, TREMBLAY, loc. cit.
197
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 246
79
« contrainte structurelle forte du champ politique, et analysé par les politologues comme un
frein à leur accès au Parlement »198.
Malgré la confirmation empirique de cette théorie, il n’existe pas un effet mécanique entre le
scrutin proportionnel et l’investiture féminine. Il faut tenir en compte la différence de culture
politique. Quoiqu’il en soit, « l'analyse de données émanant d'une vingtaine de démocraties
occidentales depuis 1945 suggère que, de manière générale, les femmes sont favorisées par
les scrutins de liste à la proportionnelle et pénalisés par les systèmes uninominaux »199.
Certes, le choix entre les deux types de scrutin soulève un enjeu majeur du point de vue du
genre. Une analyse comparative entre les deux systèmes doit tenir en compte l’aspect genre.
Si l'impératif de la parité est reconnu comme un objectif à atteindre à travers les élections, il
faut instaurer un mécanisme électoral qui incite les femmes à se porter candidat. Le constat
est que les femmes « sont toujours plus nombreuses quand le scrutin de liste à un mode de
scrutin à lieu à la proportionnelle (scrutin de liste) que quand il est uninominal »200.
L’autre argument avancé pour justifier la participation des femmes pour les élections
communales est lié à la spécificité de la fonction de maire. Le choix d'une candidature
féminine dépend des pouvoirs symbolique et matériel liées aux mandats électifs. La
spécificité de la nature féminine entre enjeu puisque les « candidatures féminines augmentent
avec le ʺ degré de proximité ʺ du mandat en jeu. Cette explication cadre bien avec le discours
198
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 152
199
Ibid., p. 151
200
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 29
201
Manon, TREMBLAY et al. (dir.), op. cit., p. 10
80
essentialiste selon lequel les femmes sont davantage motivées par des mandats qui permettent
une gestion concrète et pragmatique du quotidien »202.
C’est au niveau local que les politiques concrètes en faveur les femmes peuvent être menées.
C’est ainsi que les femmes élues maires « s’empressent naturellement d’agir sur le social, (...)
s’occupent plus des femmes et des enfants »203 (extrait d’une interview d'un parti politique).
Par contre, pour les élections nationales où l’enjeu soulevé est grand, la compétition pour
l'investiture partisane est plus disputée entre les différents prétendants. Les hommes sont plus
intéressés dès que le mandat offre plus de pouvoir et de prestige. Dans ce cas, les cadres du
parti, en majorité dominé par les hommes, sont réticents à la candidature féminine. Le constat
est que, « c’est dans les localités où les femmes siègent dans les bureaux politiques locaux
qu’elles ont plus de chance de se faire élire en nombre relativement plus importante en tant
que maires »204.
L’élection constitue un seul moyen de légitimation des dirigeants politiques. Mais le constat
de Toavina Ralambomahay est sans appel, « l’alternance politique non violente ou
démocratique est rarissime dans l’histoire malgache »205. On ne va pas relever les carences
des différentes lois électorales malgaches. Mais notre analyse va se focaliser sur le constat
général sur l’absence des dispositions spécifiques relatives au genre dans la législation
électorale.
L’organisation d’une élection crédible et inclusive a été admise comme le seul issu de la
résolution de la crise politique de 2009. Des lacunes ont été constatées pour les précédentes
lois électorales. Les acteurs politiques et les sociétés civiles sont unanimes à l’idée d’une
reforme du système électoral malgache. Plusieurs sujets ont été invoqués lors des différents
débats lors de l'élaboration du nouveau code électoral.
202
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 27
203
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 18
204
Ibid., p. 18
205
Toavina, RALAMBOMAHAY, La loi sur le statut de l’opposition à Madagascar : un mal nécessaire,
L’Harmattan, coll. Etudes africaines, Paris, 2016, p. 26
81
Les débats sur la réforme du code électoral portent sur deux grands axes majeurs, à savoir la
mise en place d’une structure indépendante de gestion des opérations électorales et du bulletin
unique. L’objectif est de mettre en place une élection transparente et crédible.
Pour la première fois, le bulletin unique est reconnu comme une solution pour assurer une
égalité de chance entre les candidats. Parmi les lacunes relevées lors des anciens codes,
concernent les difficultés rencontrées par les candidats d’acheminer leur bulletin dans les
bureaux de vote. Seuls les candidats qui disposent des moyens financiers suffisants peuvent
parvenir à temps leur bulletin dans tout Madagascar. La contrainte financière fausse ainsi
l’élection puisqu’elle constitue un moyen d’éviction indirecte des candidats. Ce système
profite aux candidats du pouvoir qui disposent des appuis financier et technique du pouvoir
central.
La question de parité a été abordée lors des débats, mais la majorité des acteurs politiques a
rejeté l’adoption d’une disposition spécifique allant dans ce sens. Elle se contente uniquement
de reconnaitre ce principe de façon abstraite. Implicitement, l’usage du bulletin unique peut
être analysé comme une disposition qui « pourrait contribuer à lever les barrières financières
à la participation des candidates femmes aux élections »206.
En effet, comme ce qui a été dit auparavant, les charges financières figurent parmi l'un des
facteurs de blocage qui entravent la candidature féminine. Le bulletin unique permet ainsi de
réduire les dépenses des candidats puisque l’impression et l’acheminement des bulletins sont
pris en charge par la CENI.
Mais, le constat est que les dispositions légales neutres ne peuvent que produire des effets
neutres en matière de parité. L'élection n'apporte pas un arbitrage juste dans la répartition
équitable des mandats électifs. Le fonctionnement du système électoral malgache ne fait que
reproduire le système d’exclusion des femmes de la vie publique.
206
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 23
82
2- La réticence des élites politiques à adopter des mesures positives
Au niveau des pays membres de la SADC, les pays qui ont adopté le système des quotas ont
obtenus des bons résultats en matière de parité. La reconnaissance du système de quota est
indispensable pour bouger les lignes en faveur de l’égalité. Mais, les leaders politiques
malgaches ce sont opposés à toute idée d’inclure le système de quota dans le code électoral.
Lors de la révision du code électoral de 2009, « dans leur majorité, les dirigeants de parti
politique et les responsables techniques dans l’administration, presque exclusivement des
hommes, perçoivent le quota comme mesure irréalisable, artificielle, inappropriée au
contexte du pays et discriminatoire, risquant de porter atteinte à la qualité et à la légitimité
des élus »207. Il reste à savoir si ces raisons invoquées sont pertinentes.
Face à la défaillance des partis politiques dans l’engagement citoyen, la société civile
constitue une alternative pour résoudre les problèmes sociaux et renforcer la cohésion sociale.
Leur action dans l’espace public tente de proposer des solutions face aux défis de la société.
Dans un système démocratique, la société civile regroupe les associations remplissant une
fonction démocratique éminemment positive. Pour Tocqueville, elle assure la médiation entre
les individus et l'État.
Les deux principaux rôles de la société civile sont de deux ordres. D’une part, elle dénonce les
injustices constatées dans la société, pour que les autorités concernées prennent leur
207
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 23
83
responsabilité. Leur action vise à l’interpellation et la dénonciation contre tous agissements
contraires aux des règles de droit et d’éthique.
D’autre part, elle doit aussi s’investir dans l’action citoyenne. Celle-ci concerne l’éducation et
la sensibilisation de chaque individu de leurs droits et devoirs en tant que citoyen. Elle a une
part de responsabilité pour l’apprentissage de la population des principes exigés par
l’évolution sociétale. Pour que cette rupture ne soit pas une source de crise, la société civile
joue un rôle de régulateur social pour assurer une modernisation sociale pacifique et
intelligente.
À titre d'exemple, le mouvement des femmes en politique dirigé par le Vondrona Mira Lenta
ho an’ny Fampandrosoana (VMLF) ont exigé l’application stricte des articles 4, 5, 6, 12 et 13
du SGDI lors de la révision de la loi sur les partis politiques. Plusieurs propositions ont été
faites mais qui n’ont pas été retenues suite à la réticence de la majorité de la classe politique.
Par conséquent, les différentes lois régissant le système politique malgache restent
uniquement au stade de déclaration relative aux questions de genre, dépourvue de toutes
dispositions concrètes.
Actuellement, l’élection est devenue un enjeu majeur pour la promotion de l’égalité de genre.
Pourtant, le code électoral malgache ne prévoit pas encore des dispositions spécifiques traitant
208
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 67
209
Ex : Vondrona Miralenta ho an’ny Fampandrosoana (VMLF), Electoral Institute of Sustainable Democracy in
Africa (EISA), Gender Links, Fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES), etc.
210
Ex : PNAGED, MAP, PND etc.
84
la question de genre. Ce vide juridique fait que « les organisations qui mènent les campagnes
d’éducation civique et citoyenne et effectuent les observations des élections ne sont pas
toujours celles qui sont acquises sur la parité entre les sexes »211. Le rôle de la société civile
durant le processus électoral reste encore marginal.
Les sociétés civiles spécialisées dans la promotion de l’égalité de genre ont peu de place dans
les différentes étapes électorales. « Leur rôle dans le processus électoral reste marginal,
sinon nul. Il se restreint à des actions ponctuelles de sensibilisation de la communauté sur le
devoir citoyen de vote, dans le cadre de leurs programmes plus globaux d’éducation »212.
211
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 15
212
Ibid., p. 10
85
CHAPITRE DEUXIÈME
Madagascar n'a pas réussi à tenir son engagement à atteindre une parité homme/femme de
50/50 dans le domaine de la gouvernance en 2015. Parmi les raisons invoquées de ce retard
concernent l'absence d'une disposition légale prévoyant des mesures positives en faveur de
l'égalité de genre en matière de gouvernance. Les expériences constatées dans d’autres pays
montrent que la loi constitue un moyen évident de favoriser la participation des femmes en
pouvoir.
Mais, il est à signaler que l'inégalité homme-femme demeure une pratique fortement ancrée
dans la culture malgache. Il ne faut pas s'attendre à ce que la loi constitue un moyen efficace
pour faire évoluer les mœurs. Ce chapitre va tenter d'expliquer les facteurs de blocage qui
justifient le désintéressement des femmes à la politique. Ce qui laisse penser une sorte de «
libido dominati », c'est-à-dire le désir de jouissance d'être dominé chez les femmes en
politique.
Du fait du caractère permanent de la hiérarchie entre les sexes, les femmes vont reproduire le
schéma de domination masculine. L'étude du genre met l'accent sur le caractère déterminant
du « social » pour comprendre l'intériorisation des femmes des inégalités. « Les femmes elles-
mêmes semblent les plus difficiles à mobiliser pour rallier un mouvement allant dans le sens
recherché »214 pour la promotion de l'égalité de genre.
213
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 169
214
EISA, en collaboration avec Noroarisoa, RAVAOZANANY et al., op. cit., p. 1
86
La sociologie de genre va analyser « les processus par lesquels les individus assignés depuis
leur naissance à une classe de sexe apprennent à se comporter, à sentir et à penser selon les
formes socialement associées à leur sexe et à "voir" le monde au prisme de la différence des
sexes »215. Elle tient aussi en compte d'autres processus de socialisation qui entravent à la
participation des femmes dans la vie politique. D'autres agents (ou plis) de socialisation vont
aussi s'imbriquer avec le premier pour accentuer ou atténuer les effets de l'inégalité.
SECTION PREMIÈRE
LA PERSISTANCE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES ANTAGONISTES AVEC
L'ENGAGEMENT POLITIQUE DES FEMMES MALGACHES
La hiérarchie entre homme/femme impose son déterminisme dans les rapports sociaux. La
contrainte sociale se transforme en l'expression du caractère personnel de chaque individu. Ce
sont les normes du genre qui vont déterminer les caractères communs propres aux hommes et
aux femmes. Pour comprendre le comportement d’un individu, il faut se référer à la nature
des normes sociales en vigueur.
La société malgache reste encore une société « holiste », puisque le social impose et fixe à la
personne son identité. Elle est régie par « la règle de la coutume qui impose à la famille, au
village ou au clan les interdits personnels et communautaires à éviter ou à lever »216. Il arrive
que ces normes sociales ne prennent pas en compte les principes reconnus par toute société
moderne, en l’occurrence les principes démocratiques. La domination masculine dans la
sphère sociale reste une manifestation du caractère patriarcal de la société malgache.
La question d’égalité véhiculée par pensée occidentale demeure un défi majeur pour
Madagascar car la réalité sociale semble en contradiction avec cette nouvelle exigence. La
politique demeure un espace exclusivement masculin et que les femmes sont assignées aux
tâches ménagères. La dynamique d’individuation de la personne est orientée vers une division
sexuelle des activités professionnelles.
215
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 107
216
URFER, Sylvain, Madagascar une culture en péril ?, No comment, Antananarivo, 2012, p. 30
87
L’égalité des sexes n’est comprise que si elle est abordée « dans le cadre familial, parce que
c’est là que gisent les origines des inégalités »217. La personnalité de l'individu est construite
« par la société globale et locale dans laquelle il vit, processus au cours desquels l'individu
acquiert (…) des façons de faire, de penser et d'être qui sont situées socialement »218. La
socialisation consiste en un processus qui va transformer les contraintes sociales en une
évidence naturelle. Ainsi, « la socialisation du genre est moins un apprentissage d'idées qu'un
apprentissage pratique de gestes, de réflexes, de sentiments, de manière d'éprouver le monde
et ses divisions »219, qui va être intériorisé par les femmes.
La distribution des tâches domestiques entre les différents membres de la famille a une
dimension culturelle. En général, on peut relever trois rôles principaux tenus par une mère de
famille, qui leurs donnent des places fictives de domination. Primo, une femme entant que
dyade des parents (ou « ray aman-dreny »). Elle est investie d’un pouvoir d’autorité. Le
respect des « ray aman-dreny », quelqu’en soit leur sexe est reconnu partout ailleurs à
Madagascar.
Secundo, la femme entant que mère, est inséparable de la vie des enfants dans le foyer. Elle
est garante du succès et du prestige de ses enfants. La pérennité, la stabilité et la réussite de sa
famille reposent essentiellement à la compétence de la mère, surtout pour l'éducation des
enfants où sa présence est indispensable.
217
Françoise, DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit., p. 17
218
Claude, DUBAR cité par Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 122
219
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 108
220
Pierre, RANDRIANARISOA, L'enfant et son éducation dans la civilisation traditionnelle malgache, Ny
Amboara, coll. Les croyances et les coutumes malgaches, N°1, p. 51
88
Tertio, la mère participe à la gestion de la famille en tant qu’en entité de consommation et de
production. La contribution économique des mères de famille ne date pas d’aujourd’hui
puisque que depuis toujours, elles ont déjà participé à des tâches de production pour subvenir
aux besoins de la famille.
Ce qui fait qu’elle trouve davantage à s’accomplir et à s’épanouir dans le cadre familial. Elle
n’éprouve pas le désir de s’imposer dans le monde social, qui est réservé au chef de famille.
On constate ainsi que les femmes contribuent à leur propre en fermement et à leur propre
domination dans le cercle familial. L’échange des rôles entre les deux parties demeure
inconcevable pour la culture malgache.
C’est pendant l’enfance que sont acquises les capacités d’évaluation et de jugement, qui vont
forger les attitudes et les caractères d’un individu. L’éducation des enfants dans la famille est
un processus qui forme la conception de la vie aussi bien psychologique que social d'un
221
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 115
222
Françoise, DE SINGLY, (dir.), L'injustice ménagère, Armand Colin, coll. Pluriel, Paris, 2007, p. 40
223
Ibid., p. 38
89
individu. La famille serait alors un espace de transmission des valeurs traditionnelles à
l’enfant.
La redistribution genrée des tâches domestiques reflète déjà la hiérarchie de sexe car « la
différenciation entre l'éducation à donner, d'une part aux filles, et d'une autre aux garçons,
traduisant bien les soucis des Anciens pour le maintien des traditions »224. Les parents
veillent à ce que « cet ordre se maintient parce que les tâches sont précisément réparties, et
que chaque individu s'efforce d'être à la hauteur de ce que lui dicte son statut »225.
La culture malgache226 reste inégalitaire du point de vue de genre puisque les jeunes filles (ou
femmes) sont « reléguées dans un statut secondaire peu favorable qui les maintient dans une
situation de dépendance, de soumission, voire de sujétion »227. En fait, d’autres pratiques
peuvent être soulevées pour justifier ce non respect des droits humains à l’endroit des jeunes
filles228.
Le rôle social attribué aux femmes se réduit aux tâches domestiques. Ce manque d’ambition
professionnelle va influencer leurs choix d’orientation scolaire et professionnelle. Dès
l’enfance, « le genre est montré ou (re)présenté dans les interactions de telle sorte qu’il
apparaisse comme quelque chose de «naturel », alors même qu’il s’agit d’une représentation
dont la production est socialement organisée »229. L’assignation statutaire basée sur les sexes
est maintenue de façon constante tout au long de la vie de chaque individu, parce qu’elle est
considérée comme légitime.
224
Pierre, RANDRIANARISOA, op. cit., p. 70
225
Pierre, RANDRIANARISOA, loc. cit.
226
A titre d’exemple : pour les Antefasy, le mari est à la fois maitre et seigneur
227
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 162
228
Exemples : prostitution forcée, mariage forcée, esclavage domestique, etc.
229
Candace, WEST et Don H., ZIMMERMAN, Faire le genre, Nouvelles Questions Féministes 2009/3 (Vol.
28), p. 38, disponible sur http://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2009-3-page-34.htm,
consulté le 12 mars 2017
90
Au regard de la psychanalyse et de la psychologie sociale, le père et la mère se comportent
différemment avec leurs enfants. La mère passe plus de temps au travail domestique.
L’engagement paternel est perçu comme un choix. Par contre l'engagement maternel est
considéré comme une injonction. « L'inégalité des investissements entre pères et mères
s'articule à une division sexuée des rôles parentaux »230.
On constate ainsi une division entre les fonctions « symboliques » (socialisation, autorité, etc.
) détenues par le père de famille et les fonctions de « maternage » (soins, sécurité affective,
etc.) confiées à la mère. En fait, « les femmes elles-mêmes reproduisent ce modèle en passant
tous leurs caprices au petit garçon, odieusement choyé, tandis que la fillette est astreinte, dès
qu'elle soit marcher, à s'occuper du dernier-né, faire la corvée d'eau, allumer le feu et
préparer le repas »231.
En outre, on relève aussi un comportement différencié des parents envers ses enfants. En fait,
les injonctions parentales varient selon le sexe des enfants. Les garçons sont plus avantagés
dans la famille dans l'organisation de la vie familiale. Les filles sont bien plus sollicitées, ou
contraintes, pour faire des tâches domestiques. Les garçons sont incités à se détacher de la
sphère familiale pour s'investir dans la vie sociétale.
En observant les comportements de leur parent, les enfants intériorisent les dichotomies
hiérarchisées des sexes qui sous-entendent la différence entre le public et le privé. Ce qui fait
que l'approche genre de la vie « intra-familiales » porte sur « la réflexion (...) de la question
de la formation des valeurs à celle de la formation de compétences, d'appétences et
d'attitudes »232. Dès l'enfance, les garçons acquièrent des expériences de la vie sociétale, qui
seront déterminantes pour leur choix de faire carrière en politique.
230
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 126
231
Sylvain, URFER, Madagascar une culture en péril ?, op. cit., p. 59
232
Sophie, RÉTIF, op. cit., p.156
233
Alain, COÏANIZ, et Paule, FIOUX, (eds.), op. cit., p. 70
91
Paragraphe 2- Les autres agents de socialisation genre
L'école est le passage obligé de tout individu dans les sociétés modernes. La démocratisation
de l’enseignement public malgache se traduit par la reconnaissance de la mixité scolaire, qui
est la traduction du principe d’égalité des usagers devant des services publics. En général, la
pauvreté est la principale cause de l’inefficacité du système éducatif malgache. L’analyse du
système éducatif malgache du point de vue du genre, permet de relever plusieurs formes
d’inégalités.
D'après des études menées dans le milieu scolaire, « l'alignement des élèves filles sur les
élèves garçons ne va pas toujours dans le sens d'une libération des femmes et ne les protège
pas de la domination masculine »234. Les enseignants traitent les garçons de manière
préférentielle par rapport aux filles. Pourtant, ils affirment que leur traitement envers les
élèves est parfaitement égalitaire. En réalité, le plus souvent inconsciemment, les enseignants
ont aussi intériorisé les stéréotypes genres.
On peut relever le cas du stéréotype genre assigné à chaque matière. La mathématique est
considérée comme une matière spécifiquement masculine. Par conséquent, les filles sont
moins encouragées par rapport aux garçons pour la maitriser. De ce fait, les filles qui
234
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 170
92
rencontrent des difficultés dans les matières scientifiques sont considérées par les enseignants
comme normales, ce qui n’est pas le cas à l’encontre des garçons. Ainsi, ces pratiques vont
fortement avoir des effets sur le développement affectif et cognitif des élèves.
L’appareil scolaire ne fait que reproduire les rapports sociaux inégalitaires, en l’occurrence les
stéréotypes genres. L'approche genre du système scolaire a donné des explications sur la
division sexuée des cursus scolaires des étudiants, qui constituent un élément déterminant
pour accéder un emploi déterminé. Le choix d’orientation scolaire est, en principe, issu du
choix personnel de chaque élève. Le « projet scolaire et professionnel est toujours la
projection d’une image de soi possible, d’une forme identitaire que l’on souhaite »235.
Pourtant, on constate que « les manuels scolaires véhiculent le plus souvent des images
stigmatisant de filles aux attitudes assez passive »236, donnant ainsi l’image que les hommes
tiennent toujours les rôles de dirigeants et les femmes leurs subordonnés. En réalité, le projet
d’orientation scolaire demeure un instrument de genre, c'est-à-dire un enjeu et une mise en jeu
de l’identité sexuelle de l’élève (ou l'étudiant). A travers ces choix d’orientation, la personne
montre un regard et un jugement de l’autre sur le regard qu’elle porte sur elle-même.
La déperdition scolaire est une réalité constatée partout à Madagascar. La cause de cette
hémorragie du système éducatif s’explique par l’extrême pauvreté de la plupart des familles
malgaches. Mais, la raison économique ne justifie qu’en partie la désertion des filles de
l’école. D’autres raisons plus culturelles liées au contexte genre tendent à accentuer cette
tendance.
La crise politique de 2009 a des répercussions négatives sur le système éducatif malgache.
Les données statistiques (Rapport : ENSOMD) publiés en 2012 confirment ce recule du
système éducatif du pays : un individu de 15 ans et plus sur 4 est sans instruction ; le taux net
de scolarisation est de 69, 4%. En plus, il en résulte que les filles sont plus frappées par la
235
Françoise VOUILLOT, L'orientation aux prises avec le genre, Travail, genre et sociétés, 2007/2 (Nº 18), p.
87, disponible sur http://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2007-2-page-87.htm, consulté le 12 mars
2017
236
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 171
93
déperdition scolaire. Le ratio fille/garçon diminue au fur et à mesure qu’on monte à un niveau
d’étude supérieure237.
La pauvreté présente un désavantage manifeste pour les filles en termes d'éducation. Les filles
en âge d’aller à l’école primaire dans les ménages pauvres rencontrent plus de risque d’être
déscolarisées que celles des ménages riches. Les familles « favorisent l’envoi des garçons à
l’école, estimant qu’ils ont plus de chance de réussite et que l’opportunité pourra toujours se
présenter pour eux d’occuper un travail mieux rémunérant »238,
En effet, la faible place accordée par les politiques publiques à la question du genre dans le
système éducatif malgache, condamne le plus souvent les responsables des établissements
scolaires à ignorer l’existence des ces pratiques inégalitaires. La mise en place d'une
pédagogie appropriée au principe égalitaire ne sera pas être efficace que si les enseignants
auront pris conscience de l'existence de ces traitements inégalitaires. Il faut que l'institution
scolaire soit capable « d'apprendre aux enfants à devenir citoyens en leur donnant les savoirs
leur permettant de comprendre le monde et d'intervenir en êtres libres dans la vie de la cité
»239.
Même si on annonce souvent que Madagascar est une nation unique et indivisible, on constate
une grande diversité culturelle dans les différentes régions. La place occupée par les femmes
varie suivant les valeurs traditionnelles propres à chaque région. On ne va pas faire
l’inventaire culturel de la place des femmes dans les différentes régions de Madagascar, mais
simplement de donner un panorama anthropologique du statut assigné aux femmes de la
société malgache à travers quelques exemples.
237
Rapports filles/garçons dans l’enseignent : primaire (1,05), collège (0,93), lycée (0,86) et supérieur (0,73),
source PND
238
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 170
239
Jean-Vincent, HOLEINDRE et Benoit, RICHARD (coord.), op. cit., p. 61
240
Pierre, RANDRIANARISOA, op. cit., p. 51
94
société malgache, le genre ne doit être entendu « comme une simple "norme"
incompréhensible, appliqué mécaniquement par les individus, mais comme un jeu de pouvoir
»241.
Sur le plan sociologique, « chaque individu est doté d'un statut social, qui dépend à la fois de
critères sur lesquels il ne peut agir (sexe, âge, origine sociale des parents, couleur de la peau,
etc.) et de critères sur lesquels il peut agir (diplômes, culture, choix professionnel,
engagement politique ou associatif, etc.) »242. Dans une société fortement hiérarchisée, «
chacun est à la place qui est la sienne, et qu'il ne peut troquer contre n'importe quelle autre
»243. Le sexe constitue un facteur de discrimination qui va amoindrir le statut de la femme
dans la société malgache.
Pour que le garçon puisse devenir un homme, il doit endosser les rôles et les pouvoirs que la
société lui inculque. L’insertion sociale d’un homme est conditionnée par le respect des
qualités sociales qui lui sont exigées et imposées. Par la suite, ces rôles et pouvoirs vont se
transformer en « devoirs » que tous hommes doivent honorer. Ce qui signifie que les
privilèges accordés aux hommes assurent le bon fonctionnement de la société.
Plusieurs croyances consacraient cette idée de l’infériorité de la femme. Chez les Merina, « la
naissance d’un garçon (...) était saluée avec plus de joie que celle d’une fille et une fécondité
heureuse se devait d’être concrétisée par la venue d’un hérité mâle »244. Plusieurs dictons245
attestent cette stigmatisation de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes.
La question du processus de construction d'identité « d'homme » est symbolisée par des rites
lors du passage de l'enfance à l'âge adulte. Cet « arrachement à l'univers féminin se donne à
voir de manière spectaculaire dans les rites »246. Cette asymétrie des modes de définition
d'homme et de femme dans la société permet de comprendre pourquoi les transgressions de
genre sont davantage sanctionnées pour les hommes que pour les femmes.
241
Laure, BERENI, et al., op. cit., 2012, p. 117
242
Michèle, FERRAND, op. cit., p. 66
243
Alain, COÏANIZ et Paule, FIOUX, (eds.), op. cit., p. 66
244
Ginette, RANDRIAMBELOMA, Rencontre des soeurs brontë en terre malgache, L’Harmattan, Paris, coll.
Repères en terre malgache et l’Océan Indien, 1989, p. 105
245
Ex : « au mari, il suffit de faire trois pas pour trouver son idée, mais il faut que la femme se penche quatre
fois pour trouver la sienne » trad. en malgache « ny lahy mamindra intelo ka mahazo hevitra ; ny vavy
miondrika inefatra vao mahazo ny azy », J.A., HOULDER, Ohabolana ou proverbes malagasy, TPFLM,
Antananarivo, 1957, p. 150
246
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 114
95
Cette asymétrie symbolique montre que les hommes sont les premiers acteurs de la vie
sociale. Les hommes sont contraints à affirmer leur pouvoir dans les rapports sociaux. Le
processus de socialisation dans la société malgache n’est pas encore prêt à accepter qu’une
femme ait de l’autorité. L’exercice de cette autorité doit être exclusivement attribué aux
hommes.
Les femmes qui dérogent à cette règle s’exposent à des réprobations sociales. La persistance
des normes et des pratiques culturelles inégalitaires œuvrent à la pérennisation de
l’environnement socioculturel niant les droits de l'homme à Madagascar.
La société malgache conserve encore les vestiges de sa tradition patriarcale. Selon Elisabeth
Dadinter, « l'acquisition d'une identité (sociale ou psychologique) est un processus
extrêmement complexe qui comporte une relation positive d'inclusion et une relation négative
d'exclusion »247. Le déterminisme social va influer fortement la vie d'une femme, en
l'occurrence sa carrière professionnelle.
Les femmes sont vouées à la vie familiale. Pourtant, la démocratie s'appuie sur l'effectivité du
principe d'égalité en tant que norme directrice de la vie sociétale. Pourtant, l'inégalité de genre
est fortement ancrée dans les mœurs puisque « l'homme s'accroche à ses privilèges (la parole,
le pouvoir et les honneurs) en maintenant la femme en situation d'infériorité et de dépendance
»248.
L’ambition pour la politique se construit tout au long de la vie. On ne mène pas une carrière
politique par hasard. La volonté personnelle de s’engager en politique est indispensable pour
247
Elisabeth, DADINTER, XY De l'identité masculine, Odile Jacob, Paris, 1992, p. 47
248
Sylvain, URFER, Le doux et l'amer. Madagascar au tournant du millénaire, op.cit. , p. 106
249
THÈRY, Irène et BONNEMÈRE Pascale (dir.), Ce que le genre fait aux personnes, École des hautes études
en sciences sociales, coll. Enquête, Paris, 2008, p. 31
96
s’initier aux exigences de la profession. Au-delà de cette conviction personnelle, les normes
sociales vont contribuées énormément à la construction de cette appétence à la politique.
L’asymétrie entre les deux sexes joue un rôle important dans le processus de construction des
identités masculines et féminines. La construction de l’identité homme est appréhendée
comme un arrachement de l’univers féminin. La socialisation masculine prépare davantage
l’homme à assumer une responsabilité sociale.
« Une longue tradition a voulu que la femme malgache, (...,), limite son action à son rôle
d’épouse, de mère »250. L'assignation des femmes à des tâches domestiques représentent bien
plus que d’un investissement du temps parce qu’il faut prendre en compte leurs impacts
psychologiques. La réalisation de ce travail confère un statut social à travers la perpétuation
de la « culture féminine du domestique ». Il ne s'agit pas uniquement d'un processus de
différenciation mais aussi pour que chaque individu sexué puisse apprendre à situer leur statut
dans la famille.
Cette asymétrie « symbolique » doit être appréhendée comme un rapport de force produisant
une hiérarchie entre les deux sexes et non comme une simple norme dépourvue de
signification sociale. Une fois que la différence entre sexe soit intériorisée, la représentation
sociale d’une activité professionnelle aura toujours une connotation fondée sur le sexe.
Pour que la prédétermination sociale ne soit faussée, la société va inculquer à chaque individu
ses caractères propres en fonction de son sexe. Suite à la division des rôles sociaux, les filles
sont moins socialisées que les garçons.
De ce fait, les filles ont tendance à se mettre en retrait lorsque le niveau de la sélection
s’élève. « Leurs fantasmes d'autoréalisation (socioculturellement construits) tendent à
canaliser leurs aspirations vers les rôles privés et à les détourner de la sphère politique »251.
250
Lantosoa, ANDRIANJAFITRIMO, La femme malgache en Imerina au début du XXI e siècle, Karthala/Inalco,
coll. Hommes et sociétés, Paris, 2003, p. 160
251
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 179
97
La politique qui demeure un domaine foncièrement masculin fait que « la socialisation
masculine prépare davantage les garçons à la "certitude de soi" et à la culture du conflit qui
s'aère être des atouts importants au moment des choix décisifs d'orientation »252.
2- La socialisation politique
La démocratie garantie une entière liberté à tout citoyen de s'engager en politique. Mais, les
pratiques politiques « recouvrent au contraire des formes discrètes et subtiles, qui
n'apparaissent pas a priori comme la manifestation d'une résistance à l'entrée des femmes en
politique »254.
Sur le plan politique, on retrouve le même processus. La socialisation politique se définit par
l’acquisition de « capital social » susceptible d’être converti en « capital politique ». Elle
assure la transmission et l'intériorisation des valeurs, orientations et attitudes à l'égard de la
politique. En effet, les attitudes politiques sont « des prédispositions, des propensions sous-
jacentes à réagir d'une certaine manière face à certaines situations politiques »256.
252
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 151
253
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 156
254
Ibid., p. 82
255
Roger-Gérard, SCHARTZENBERG, Sociologie politique, 4e éd., Montchrestien, coll. Domat science
politique, Paris, 1988, p. 113
256
Ibid., p. 113
98
La réalité sociale malgache est que les hommes sont les mieux placés pour acquérir ce capital
politique. Les rapports sociaux sont largement dominés par des normes ou pratiques
inégalitaires. On va relever quelques exemples qui véhiculent ces valeurs inégalitaires.
C’est à travers la maitrise de l’art oratoire que se joue la légitimité politique d’un individu. La
politique exige la maitrise d’un code linguistique qui lui est propre. La légitimité du locuteur
est jugée en fonction de la détention des compétences à la fois cognitive, analytique et
argumentative. La perpétuation de cette confiscation masculine de la prise de parole va
pérenniser la croyance à un statut d’infériorité des femmes sur le plan social.
La hiérarchie entre homme/femme s’est basée sur la différence de nature. Cette asymétrie de
sexe a un effet idéologique à l'encontre du statut attribué aux femmes dans la société. Les
stéréotypes assignés aux femmes vont guider les engagements des femmes vers un statut
préconfiguré socialement. Des contraintes sociales vont s’exercer en permanence pour éviter
tout comportement de déviance, qui remettrait en cause la tradition.
Les théories féministes « ont depuis toujours reconnu l’importance du langage dans la
production, la reproduction et la contestation des rapports sociaux »258. Il y a un lien étroit
entre les « structures langières » et les représentations sociales de genre. C’est ainsi que « la
désignation de la femme par fanaka malemy (meuble et ustensile fragiles) étant l'exact
répondant de "sexe faible. (…) l'homme reste convaincu d'être intrinsèquement supérieur à la
femme »259. La dépendance affective à l'homme fait que « le travail de socialisation subi par
les femmes fait qu'elles développent une estime de soi inférieur à celle des hommes, ce qui les
prépare mal à affronter les situations de compétition. »260.
257
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 194
258
Natacha, CHETCUTI et Luca, GRECO, Luca (dir.), La face cachée du genre, Presses Sorbonne Nouvelle,
Paris, 2012, p. 10
259
Sylvain, URFER, Madagascar une culture en péril ?, op. cit., p. 58
260
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 163
99
Cette conception malgache du rapport de genre rejoint l’idée d’une exclusion des femmes
basée sur leur incapacité à gouverner. « C'est au nom de leur "nature spécifique" que les
femmes se voient refuser l'accès à une citoyenneté active »261. Il y a un glissement de la nature
à la culture puisque la différence de sexe sert de support à la division sexuelle du travail.
261
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 6
262
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 119
263
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 67
264
Ignace, RAKOTO et Sylvain, URFER (dir.), op. cit., p. 173
265
Françoise, MILEWSKI et Hélène, PÉRIVIER (dir.), op. cit., p. 46
266
Ibid., p. 47
267
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 62
100
genre est possible s'il y a une prise de conscience collective pour la promotion du principe
d'égalité de genre pour que le groupe dominant (les hommes) passe du statut de dominant à
celui de pair.
SECTION DEUXIÈME
LES FACTEURS DE BLOCAGE DE L'ENGAGEMENT DES FEMMES
MALGACHES EN POLITIQUE
La démocratie implique une participation active de tous les citoyens dans la vie politique du
pays. Les femmes doivent ainsi jouer un rôle prépondérant en politique en tenant compte la
parité. La démocratie a mis du temps pour reconnaitre la parité comme un principe
incontournable. Les femmes ont toujours subi différentes formes d'inégalité et de
discrimination dans la société, sauf pour les rares sociétés régies par le système matriarcal. Ce
qui signifie que la conquête du pouvoir par les femmes est une lutte permanente en remettant
en cause l'ordre établi. Actuellement, le fonctionnement de la société ne permet pas aux
femmes d'acquérir les ressources indispensables pour mener une carrière politique. En plus, le
système politique n'est que le reflet de cet ordre social inégalitaire.
Le système politique est attendu comme l'ensemble d'éléments interdépendants dans une
société donnée. Les partis politiques constituent les premiers acteurs majeurs du jeu politique.
Naturellement, tout parti politique a « pour objectif de s'emparer du pouvoir ou de participer
à son exercice »268. Mais, pour s'accaparer du pouvoir, il doit avoir le soutien populaire.
Chaque citoyen est appelé à s'identifier au parti politique de leur choix. Dans ce sens, la
politisation se définit comme « le rapport plus ou moins étroit que les individus entretiennent
avec la politique, leur degré de compétence et leur valorisation de ce domaine »269.
Pour les malgaches, l’État a toujours une connotation symbolique et sacrée, qui est incarné
par les hommes au pouvoir. Les dirigeants (ou « Mpitondra ») sont considérés comme des
parents (ou « Ray aman-dreny ») qui sont censés veiller au bien-être de la population. En
268
Roger-Gérard, SCHARTZENBERG, op. cit., p. 396
269
Bréchon, cité par Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 12
101
contre partie, les dirigeants doivent s'engager à satisfaire l'intérêt général. Malheureusement,
cette obligation que ne sera pas tenue par les dirigeants qui ce sont succédés à Madagascar.
Les normes sociales enlèvent toutes initiatives de remise en cause de l’autorité des dirigeants.
La sacralisation du pouvoir politique remet en cause tous les mécanismes de contrôle
démocratique. De ce fait, la politique est devenue un espace de non droit et de tous les abus.
L’image de la politique s’est détériorée face aux pratiques politiques politiciennes dépourvues
d’éthique et de morale. Selon l’expression Didier Galibert, la situation politique malgache
s’apparent à « une grande falsification », qui est une pratique héritée de la colonisation.
La politique est devenue un moyen d’enrichissement rapide et durable pour les politiciens et
leur complice. Chaque poste administratif et politique est une source d’enrichissement
personnel pour celui qui l’occupe et de promotion sociale pour ses amis et sa famille. À
Madagascar, on a du mal tracer la frontière entre le bien commun et le bien personnel des
dirigeants politiques.
270
François, ROUBAUD, op. cit., p. 97
271
Ex: le parti politique AREMA passe du credo socialiste, à un libéralisme
272
Lantosoa, ANDRIANJAFITRIMO, op. cit., p. 164
102
Le jeu politique est loin de l’éthique exigée par la démocratie. La politique obéit à une
logique d'affrontement entre les différents acteurs pour s’accaparer du pouvoir. Pour ne pas
tomber dans l’anarchie et l’autoritarisme, il faut que le droit régi cette compétition de manière
rationnelle. Pourtant, faute d’une culture démocratique, « les partis et ses alliances se font et
se défont au gré des intérêts dictés non par des idéologies, mais par des intérêts
matériels »273. Cette pratique politicienne est la première cause qui nourrit les crises politiques
malgaches.
Face à l’incapacité des dirigeants à éradiquer la pauvreté, « les citoyens soupçonnent toujours
la pratique politique comme source de mensonge ou quelque chose d’immoral »274. La
politique a perdu toute crédibilité aux yeux de la population. Le système est tellement
dépravé, de telle sorte que les nouveaux entrants sont obligés de reproduire les mauvaises
pratiques s’ils veulent accéder au pouvoir. De ce fait, l’activité politique est devenue une
activité dépourvue d’éthique et de moralité, ce qui fait qu’« elle fait peur, en particulier aux
hommes et femmes de sensibilité élevée vis-à-vis des valeurs morales et humaines estimées
absolues et inviolables »275.
En effet, les caractères276 propres aux femmes semblent difficilement compatibles avec la
réalité politique malgache. Paradoxalement, le pouvoir est défini comme un outil de
gouvernance permettant aux dirigeants de satisfaire leurs intérêts personnels et non l'intérêt
général. Cette perception négative entretenue par les femmes conduit généralement à
l’immobilisme.
En effet, pour ne pas renier à ses valeurs, les femmes se mettent à l’écart de la politique. Le
constat est que « la politique hargneuse et agressive déplait généralement aux femmes »277. Il
faut quand même préciser que « c'est la manière de pratiquer le métier qui les rebute, et non
la politique elle-même »278. Le « clientélisme politique »279 et le protocole clientélaire du
273
Toavina, RALAMBOMAHAY, La loi sur le statut de l’opposition à Madagascar : un mal nécessaire, op.
cit., p. 31
274
Blanche Nirina, RICHARD et Michel, LESOURD, (dir.), Ethique, démocratie, développement, Tsipika,
Antananarivo, 2013, p. 161
275
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 96
276
Ex : esprit pacifiste, douceur, priorité à la vie familiale, compassion, indisponibilité psychique, etc.
277
Pascale, NAVARRO, op. cit., p. 52
278
Ibid., p. 55
279
Une règle d'affiliation politique obligatoire, qui est surtout pratiquée par le parti politique au pouvoir
103
patronage électoral font que « les partis idéologiques restent en position dominée dans le
champ politique, quelle que soit la période considérée et le modèle de référence »280.
Selon l’enquête Afrobaromètre en 2005, les femmes sont plus marquées à se désintérêt à la
politique puisque 60 % d’entre elles déclarent l'absence ou le faible intérêt aux affaires
publiques.
Les femmes sont les premiers responsables des tâches domestiques de la famille, elles devront
les assumer pleinement. La « distribution inégalitaire »281 des tâches domestiques entre
homme/femme a une dimension culturelle. Le poids du travail non rémunéré va restreindre la
disponibilité des femmes à pouvoir s’engager librement en politique. Cependant, la politique
qui exige un investissement à plein temps et demande beaucoup de sacrifice.
La hiérarchie entre les sexes fait que « la famille constitue la clé de voute qui soutient tout
l'édifice de la domination masculine : l'assignation des femmes à la prise en charge du
quotidien (tant sur le plan matériel que mental) se traduit, pour elles, par une moins grande
disposition pour les rôles professionnels et publics (tant sur le plan matériel que mental) »282,
ce qui les met dans une position professionnelle fragilisée.
La contrainte temps rend les femmes moins disponibles puisque « les différences de
politisation et de participation politique proviennent pour une large part de ce partage
inégalitaire des tâches domestiques : les femmes sont nettement moins disponibles pour les
rôles publics que les hommes, lesquels sont largement déchargé de l'intendance domestique
»283. En fait la conciliation entre la vie en tant que mère de famille et épouse nécessite des
grands sacrifices pour toute femme voulant menée une carrière politique.
280
Didier, GALIBERT, op. cit., p. 167
281
Non respect du principe de « parité domestique »
282
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE,op. cit., p. 121
283
Ibid.., p. 66
104
3- Les contraintes féminines liées à la spécificité du monde politique
Le stéréotype genre est tellement ancré dans la conscience féminine de telle sorte qu'elle va
entrainer leur méfiance à l'idée d'un engagement politique par peur de soi et par peur de
l'autre. Il est difficile de suivre une voie déviante à celle reconnue par la société. En effet, il
est « il est difficile de ne pas entrer dans le rang et de ne pas reprendre sa place, lorsque les
succès de sa vie professionnelle se heurtent à l'incompréhension, à la jalousie et aux envies
intéressées de son entourage »284.
La dévalorisation systématique et les images négatives pèsent sur le vécu de la femme. Elles
entrainent ainsi une violence psychologique car elles ont un pouvoir destructeur sur leur
personnalité. Un profond malaise et une méfiance sont constatés dès qu’une femme prend de
l’initiative dans la vie sociale. L'attitude de la société va dans le sens d’un découragement,
basé sur un jugement négatif sur les intentions d'une femme voulant s'engager en politique.
Comme si la vie d’une femme se réduit aux tâches ménagères et dès qu’une femme se dévie
de ce rôle, elle est jugée comme ayant un comportement atypique au niveau de la société.
Les femmes ont le sentiment d'être constamment renvoyées et réduites à leur corps. Une
femme qui occupe une place au pouvoir rencontre souvent « le regard souvent réprobateur
d’une société peu encline encore à admettre que, en marge d’une éventuelle vie de famille,
elles peuvent s’épanouir aussi au-dehors »285.
Parmi les jugements négatifs formés à l’encontre des femmes politiques portent sur les raisons
de leur succès. Des rumeurs sont véhiculées pour blesser et porter atteinte à la dignité
féminine286. « En plus de la difficulté qu'ont les femmes à se voir accorder une autorité,
celles-ci subissent aussi des préjugés au sujet de leurs émotions»287. C'est ainsi que les
comportements des femmes dirigeantes en public sont minutieusement décryptés par les
médias.
A cet effet, les femmes au pouvoir rencontrent des difficultés288 à être prises aux sérieux dans
l’exercice de leur fonction, ce qui entrainent une baisse, voire une perte de leur estime en soi.
Cette réaction néfaste de la société à l’endroit des femmes va réduire à néant les ambitions
284
Sylvain, URFER, Le doux et l'amer. Madagascar au tournant du millénaire, op. cit., p. 28
285
Véronique, HELFT-MALZ, et Paule-Henriette, LÉVY,op. cit., p . 97
286
Ex : « promotion canapé » : la promotion politique est la contre partie d’une faveur sexuelle
287
Pascale, NAVARRO, op. cit., p. 70
288
Ex : parole moins de valeur, moins de poids politique, manque de légitimité, etc.
105
politiques des femmes. Les obstacles vont constituer des barrières qui vont jalonner le
parcours des femmes politiciennes. Le jugement négatif des autres va ainsi amplifier se
sentiment de repli en soi parce que « la peur de prendre des responsabilités peut donc inhiber
le désir de pouvoir »289.
La minorisation de la place politique des femmes portent sur des images stéréotypées et
décrédibilisantes. En fait « le renvoi au féminin fonctionne par conséquent comme une
négation du rôle politique des femmes »290 . L’engagement politique des femmes « ne
détruisent pas seulement quelques ʺpréjugésʺ, elles dérangent tout l’ordre des valeurs
dominantes : économiques, sociales, morales et sexuelles. Elles mettent en cause toute
théorie, toute pensée, tout langage existant, en tant que monopolisés par les seuls hommes.
Elles interpellent le fondement même de notre ordre social et culturel, dont le système
patriarcal a prescrit l’organisation »291. La gestion du capital mobilisé et mobilisable en
politique est le produit d'interactions entre les individus.
Sur le plan politique, l'exclusion est loin d’être une évidence naturelle. La réalité montre que
les femmes sont marginalisées par le système. Face à cette forme d’oppression silencieuse, on
constate l’inaction des femmes pour la dénoncer. Cette démarche de « résistance passive »
semble loin d’être évidente pour réclamer la liberté face à aux dominants. Il s’avère important
de déterminer les raisons qui justifient cette passivité des femmes, malgré la reconnaissance
289
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 195
290
Ibid., p. 127
291
Max, WEBER, op. cit., p. 160
106
progressive du principe d'égalité de genre. On peut relever deux idées pour justifier ce
comportement.
D’une part, toute lutte pour la liberté nécessite une action dans l’espace public. La réalité est
que « les groupes d’opprimés vivent généralement dans une dénégation de leur propre
oppression »292 parce qu’il est insupportable et traumatisant de se reconnaitre publiquement
comme opprimé. Il y a ainsi une barrière psychologique qui ne fait que reproduire le système
de représentation. Les femmes se contentent ainsi de se focaliser à sauvegarder les quelques
pouvoirs qui leur sont attribués.
Depuis ces dernières années, on constate une amélioration du niveau d’étude de la population
malgache, et celui des femmes ne déroge pas à cette tendance. Autant de femme arrivent à
décrocher des diplômes supérieurs dans différents domaines d’études. L’égalité en termes
d’acquisition du capital scolaire va faciliter l’insertion professionnelle des femmes. Plusieurs
activités professionnelles commencent à être investies par les femmes que ce soient dans le
secteur privé que public.
Mais, l’amélioration du capital scolaire ne s’est pas accompagnée d'une participation massive
des femmes aux activités politiques. Ce qui fait que l’amélioration du niveau d’étude des
femmes n’est pas convertie en capital politique. Dans cet ordre d’idée, ce « ne sont pas les
compétences cognitives qui vont déterminer la propension à participer au activités politiques,
mais le sentiment de compétence, c'est-à-dire l'autorité que chacun se reconnait pour agir
dans le domaine politique »293.
292
GRANIÉ, Anne-Marie et GUÉTAT-BERNARD, Hélène (dir.), Empreintes et inventivités des femmes dans le
développement rural, PUM/IRD, coll. Coédition, Toulouse/Paris, 2006, p. 332
293
Sophie, RÉTIF, op. cit., p.89
107
En réalité, il ne s’agit pas d’une question de compétence mais d'auto-habilitation (ou d'auto-
déshabilitation), qui désigne les processus mentaux et sociaux conduisant au manque de
confiance en soi à s’investir en politique. L'aptitude en politique est entendue comme «
l'autorité que chacun se reconnait pour agir dans le domaine politique »294.
Même si de nombreuses femmes estiment qu’il est temps qu'elles doivent avoir leur place en
politique, la majorité affirme ne pas avoir les ressources requises pour y investir. Dans la
culture malgache, le « henamaso », c’est-à-dire la honte du regard de l’autre et la peur
continuent à jouer un rôle « décisif dans le fonctionnement social et dans la régulation des
relations interpersonnelles »295.
Cette attitude n’est que la traduction du rôle assigné à chaque individu car « il a pour fonction
de rendre les relations humaines conforment aux critères valorisés par l'environnement
social, (…), il laisse peu de place à l'individu, soumis en permanence à l'exigence de se
conformer à son statut »296. Vu la hiérarchie entre les sexes, le « henamaso » constitue un
obstacle majeur dans la prise de responsabilité sociale puisque les représentations des femmes
politiques sont jugées antagonistes avec la nature du pouvoir politique.
294
Sophie, RÉTIF, op. cit., p. 237
295
Sylvain, URFER, Madagascar une culture en péril ?, op. cit., p. 117
296
Ibid., p. 120
297
Pascale, NAVARRO, op. cit., p. 63
108
femmes au niveau de leur politisation et de leur présence dans le champ politique »298. Ce
qui fait que la socialisation de genre tend à exclure les femmes. Cette exclusion se base sur
l'idée d'une « infériorité rationnelle voire l’absence de rationalité chez la femme par rapport
à l’homme »299.
En effet, « le jeu politique soumet à une tension permanente »301, sanctuaire de la virilité
masculin, est contraire aux valeurs féminines. En réalité, les femmes « sont exclues d'une
certaine "culture masculine", elles n'ont pas bénéficié de l'apprentissage leur permettant de
"tenir une salle" ou un meeting, leur socialisation a été principalement tournée vers l'intime
et le privé et non vers le public »302.
Mais l’approche externaliste du genre inclut la dimension temporelle pour expliquer la sous-
représentation des femmes en politique, c’est à dire qu’elle confère aux hommes « le statut de
référent général ». Sous cette optique, l'absence de la parité en politique est appréhendée en
termes de retard dans l'engagement politique. Elles sont actuellement moins représentées en
politique parce qu’elles sont entrées plus tardivement que les hommes aux activités politiques.
Cette approche semble pertinente pour Madagascar, puisque ce n’est que vers le début des
années 2000 que les femmes commencent à invertir à la politique.
298
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit. , p.9
299
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 63 et 64
300
Laure, BERENI, et al., op. cit., p. 230
301
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 189
302
Michèle, FERRAND, op. cit., p. 76
109
Selon Mireille Rabenoro, la colonisation a remis en cause l’élan de la quête de l’égalité de
genre dans le pouvoir royal. « L’introduction à Madagascar des modèles de rapports sociaux
de genre de l’époque constituait une régression par rapport à l’existant »303.Le système
administratif durant la colonisation, inspiré du système français, est encore très
discriminatoire envers les femmes304. Du fait d’inégalité du système éducatif, l’administration
coloniale est dominée par les hommes. Ayant acquis de l’expérience, les hommes vont jouer
les premiers rôles lors de la négociation de l’indépendance.
Par la suite, les acteurs de la négociation de l’indépendance a été l’œuvre des personnes qui
ont un capital scolaire élevé. On peut citer les dirigeants de l’Union des Intellectuels et
Universitaires Malgaches (UNIUM) qui a appelé les forces vives du pays à s’unir pour
l’indépendance de Madagascar à l'occasion d'un congrès organisé en Mars 1958. Ce congrès
s’est transformé en un Comité permanant en mai 1958, qui va regrouper la plupart des anciens
militants de la MDRM305.
Depuis le début des années 1960, l’accomplissement des études supérieures, surtout celles qui
sont faites à l’étranger, constitue un motif légitimant en politique. Cette génération de
politiciens vont ainsi dominer et animer la vie politique malgache jusqu’à la fin des années
2000. Pourtant, l’accès des femmes aux études supérieures restent encore faibles durant les
années qui suivent l'indépendance. La présence des femmes dans la scène politique reste
marginale du fait de leur faible niveau d’instruction.
Ce qui fait que les hommes se sont intéressés à la politique dès les premières années de
l’indépendance. Par accumulation d’expérience et la pratique du « vagabondage politique » ce
sont toujours les mêmes personnes qui dominent la vie politique malgache malgré les divers
changements de régime.
303
RABENORO, Mireille, op. cit., p. 80
304
Exemples : l’accès à l’école technique est réservé aux garçons et les écoles ménagères pour les filles, etc.
305
Parmi les membres on retrouve : ANDRIAMANJATO Richard, RABENORO, RAMAMONJY Ratrimo, etc.
110
dirigeants des deux sexes s'efforceraient, les uns comme les autres, de satisfaire les attentes
de tous les électeurs, en vue de se faire réélire »306.
En effet, les disparités de scolarisation307 entre fille/garçon persistent mais qui restent à un
niveau respectable par rapport à celles constatées dans d’autres pays d'Afrique. Sur le plan
statistique, l’égalité de genre en termes d’acquisition de la connaissance est respectée. Il faut
noter quand même le niveau d’étude de l’ensemble de la population malgache se situe à
niveau encore très bas. Mais l'acquisition du capital scolaire n'est pas suffisant pour réussir
carrière politique, il est indispensable d'avoir un certain leadership politique.
La politique est par nature un jeu de séduction, les femmes se trouvent handicapées par leur
moindre capacité de dominance. L’investissement en politique passe d’abord par la
mobilisation de ses partisans, qui nécessite un certain charisme et de leadership. Il faut une
conviction réelle de réussir puisqu’ « en politique, être une femme soit un handicap en soi. La
femme politique transgresse, donc provoque, donc s’expose ʺnaturellementʺ à des attaques
sexistes »308. Elle doit réunir des qualités de leadership pour surmonter les contraintes du
métier.
306
Christine, OCKRENT (dir.), op. cit., p. 639
307
Le taux de disparité de scolarisation en fonction du niveau pour les femmes : 30% secondaire et 34%
supérieur, pour les hommes : 31% secondaire et 4% supérieur (source : GGGR 2015)
308
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 94
309
Pascale, NAVARRO, op. cit., p.12
111
Force est de constater que parmi « les qualités du leadership féminin, on retrouve l'esprit de
collaboration, le besoin de faire consensus »310 , qui ont peu de place dans le monde
politique. La conjoncture de la politique malgache est loin de privilégié ces qualités féminines
sauf durant les périodes de crise politique. Vu de l’ampleur de la domination masculine, « le
jeu politique apparait finalement comme un univers hostile à la femme, dans lequel elle
éprouve de grandes difficultés pour se faire reconnaitre comme une partenaire égale »311.
310
Pascale, NAVARRO, op. cit., p.12
311
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 95
112
CONCLUSION
Ainsi, chaque pays a sa propre expérience démocratique, qui n’est réductible à une
compréhension a priori. Cela implique la prise en compte de plusieurs paramètres d’ordre
culturel, social, historique, etc.
Ce qui est commun à toutes démocraties, c’est l’aspiration citoyenne aux valeurs
démocratiques, en l’occurrence l’égalité et la liberté. L’égalité politique signifie que chaque
citoyen est libre d’accéder au pouvoir dans le respect des règles démocratiques. Pourtant, les
données statistiques remettent en cause l’effectivité de celle-ci. Le système de « fratiarcat »
demeure et subsiste dans le fonctionnement du système politique.
La non participation des femmes en politique remet en cause les fondements de la démocratie
puisqu’elle « est et demeurera incomplète, inachevée, imparfaite si on oublie de prendre au
sérieux la question de la juste présence de la femme dans les institutions politiques »312 .
Madagascar a encore du long chemin à faire pour que la consolidation (ou la construction) de
sa démocratie. La civilisation du monde politique exige un accroissement constant de la
pensée rationnelle dans les structures institutionnalisées, et, en même temps, de l’éthique et du
civique dans chaque individu. Une rupture avec l’ancien système permet de se passer des
anciennes pratiques politiciennes qui ont biaisé le système politique malgache.
Cette pratique politique « incivilisée » se justifie par l'absence des règles et des institutions
ayant une grande force résistanciènne contre la déviance politique. Dans se sens, un
renouvellement de la classe politique est un point incontournable. Dès qu’on parle des
acteurs politiques, la question de la participation des femmes doivent être soulevée. Selon
312
P., NGOMA-BINDA, op. cit., p. 59
113
Christine Delphy, « les femmes n’ont pas à prouver leurs compétences. Elles ont seulement
besoin qu’on ne les empêche pas de les exercer »313.
La société malgache conserve encore les vestiges de sa tradition patriarcale. Les femmes sont
vouées à la procréation et la vie familiale. Mais, on constate que des « transformations font
subir des bouleversements au niveau de l'encadrement social et des principes de socialisation
traditionnels »314. Dans cette perspective, pour assurer une démocratisation effective, il faut «
reconnaitre aux individus l'autonomie dont ils ont besoin sans pour autant couper des
relations sociales auxquelles ils ont droit, tel est le premier défi lancé à la culture malgache
si elle veut se moderniser »315.
Pour y parvenir, il faut une prise de conscience collective pour déconstruire les normes
sociales inégalitaires. L’absence d’une volonté politique dans la promotion de l’égalité de
genre ne font que consolider la marginalisation des femmes en politique. Par conséquent, les
femmes s’abstiennent à mener une carrière politique.
Pourtant, on constate une révolution silencieuse par l’insertion lente mais progressive des
femmes dans la vie politique. L’attitude et le comportement des femmes sont désormais
perçus comme indissociables aux processus complexes de mémoire et de subjectivité donnant
naissance à une « modernité féminine ».
Une société ouverte se traduit par « un libéralisme culturel » basé sur « un système de valeurs
qui privilégie l’épanouissement individuel, qui reconnait à chacun le droit de choisir
librement son mode de vie, et qui affirme l’égalité de valeur entre tous les êtres humains »316.
Selon Elyette Rajaofetra concernant la société malgache, « les normes traditionnelles
semblent être figées mais le métissage des cultures a permis un glissement vers l’évolution
des mentalités et des comportements »317.
Pour promouvoir participation des femmes en politique, les partis politiques malgaches
doivent être proactifs dans leur volonté à promouvoir l’égalité de genre et ne se contentent pas
313
Christine Delphy, citée par Lantosoa, ANDRIANJAFITRIMO, op. cit., p. 193
314
Alain, COÏANIZ et Paule, FIOUX, (eds.), op. cit., p. 74
315
Sylvain URFER, Le doux et l'amer. Madagascar au tournant du millénaire, p. 28-29
316
Sylvie, PIONCHON et Grégory, DERVILLE, op. cit., p. 12
317
Sophie, GEOFFROY et al., Genre et dynamiques interculturelles : la transmission, L’Harmattan, Paris, 2012,
p. 107
114
de réagir uniquement sous la contrainte de la loi. Il faut convaincre les femmes sur les intérêts
de leur engagement en politique.
L'absence des débats démocratiques, comme moyens de véhiculer des idées et des valeurs sur
l'égalité de genre, constitue un réel obstacle pour faire évoluer la société malgache vers une
société plus égalitaire. Il faut ainsi « une véritable libération des femmes : leur rôle est
absolument vital au niveau de la famille, de la société. Une amélioration du statut social et
économique des femmes (...) leur assurera non seulement la dignité, mais constituera l'un des
éléments de base de la lutte contre la pauvreté et de l'accès à une "vraie" démocratie »318.
La démocratie implique une reconnaissance « aux individus l'autonomie dont ils ont besoin
sans pour autant couper des relations sociales auxquelles ils ont droit, tel est le premier défi
lancé à la culture malgache si elle veut se moderniser »319. Lorsque le changement est
engagé, la revendication est intégrée dans le corps de la loi, qui sera mise en application et
défendue dans la réalité.
L'effectivité du principe d'égalité de genre dans l'espace politique est une condition requise à
la plénitude de la démocratie et l’avènement de la valeur de l’humanité. Elle fait partie des
objets et actes de perturbation et de dérangement reprouvés comme une volonté d’entrée par
effraction dans le « royaume du mâle ». La transition vers un nouvel système plus égalitaire
peut d’ailleurs être vue comme une période de crise. Reste à savoir si la société malgache soit
capable de surmonter cette épreuve.
318
René, DUMONT et Charlotte, PAQUET, Démocratie pour l'Afrique. La longue marche de l'Afrique noire
vers la liberté, Du Seuil, Paris, 1991, p. 293
319
Sylvain, URFER, Le doux et l'amer. Madagascar au tournant du millénaire, op. cit., p. 28-29
115
ANNEXES
2005 2013
116
➢ ANNEXE 2 : Évolution des indicateurs sur le déficit en genre pour Madagascar
117
➢ ANNEXE 3 : Tableau de représentation des femmes et des hommes dans les
postes clés dans les structures des partis politiques
Source : Ministère de l'Intérieur (Service des Libertés Publiques), Juillet 2013 (Baromètre de
la SADC sur le genre et le développement, 2014)
118
➢ ANNEXE 4 : La proportion des femmes candidates aux élections à Madagascar
119
➢ ANNEXE 5 : La proportion des femmes dans les collectivités locales (élection
municipale, 2007)
H F Total Pourcentage
120
➢ ANNEXE 6 : La proportion des femmes à travers les différentes législatures
depuis 1989
Femmes
% Nombre
1989-1992 5,8 8
1992-1993 3,8 5
1993-1998 5,8 8
1998-2002 8,0 12
2002-2009 8,7 11
2010-2011 12,5 32
2011-2014 17,5 64
Source : Rapport EISA Juin 2014, « Prise en compte de l’égalité Hommes-Femmes dans le
processus législatif à Madagascar », Juin 2014
121
➢ ANNEXE 7 : Degré d'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le
Développement, 2012-2013
Nom de l'indicateur
69,4%
Taux net de scolarisation dans le primaire
68,8%
Taux d'achèvement du primaire
1,05
Rapport filles/garçons dans l'enseignement primaire
0,93
Rapport filles/garçons dans l'enseignement secondaire (collège)
0,86
Rapport filles/garçons dans l'enseignement secondaire (lycée)
0,73
Rapport filles/garçons dans l'enseignement supérieur
0,95
Indice de parité relatif au taux d'alphabétisation des 15-24 ans
0,91
Indice de parité relatif au taux d'alphabétisation des adultes (plus de 24 ans)
122
➢ ANNEXE 8 : Scores SGDI par pays membre de la SADC, 2011-2014
Source : Gender Links, 2014 (Baromètre de la SADC sur le genre et le développement, 2014)
123
➢ ANNEXE 9 : Scores CSC par pays de la SADC, 2011-2014
Source : Gender Links, 2014 (Baromètre de la SADC sur le genre et le développement, 2014)
124
➢ Annexe 10 : Les femmes au Parlement, au gouvernement et au sein des
collectivités locales dans les pays membres de la SADC, en 2014
Source : Gender Links 2014, rapport par pays et UIP, 1 juin 2014 (Baromètre de la SADC
sur le genre et le développement, 2014)
125
BIBLIOGRAPHIE
➢ Ouvrages généraux
- BÉNÉTON, Philippe, Introduction à la politique, PUF, coll. Premier cycle, Paris, 1997, 384
pages
- CADRILLAC, Rémi et al. (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 14è éd., Dalloz, Paris,
2008, 880 pages
- CHANTEBOUT, Bernard, Droit constitutionnel, 24e éd., Sirey, coll. Université, Paris, 2007,
610 pages
- DENQUIN, Jean-Marie, Science politique, 3em éd., PUF, coll. Droit fondamental, Paris,
1985, 464 pages
- FAVOREAU, Louis et al., Droit des libertés fondamentales, 5è éd., Dalloz, Paris, 2009, 700
pages
- OLIVA, Éric, Droit constitutionnel, 5e éd., Sirey, coll. Aide-mémoire, Paris, 448 pages
➢ Ouvrages spécifiques
126
- ALEXANDRE, Christian, Violences malgaches, Foi et justice, Antananarivo, 196 pages
- BERENI, Laure et al., Introduction aux études sur le genre, 2e éd., De Boeck, coll.
Ouvertures politiques, Bruxelles, 2012, 368 pages
- BOURDIEU, Pierre, La domination masculine, Seuil, coll. Liber, Paris, 1998, 177 pages
- BUHRER, Jean-Claude et LEVENSON, Claude B., L'ONU contre les droits de l'homme?,
Mille et une nuits, 2003, 300 pages
127
- CHETCUTI, Natacha et GRECO, Luca (dir.), La face cachée du genre, Presses Sorbonne
Nouvelle, Paris, 2012, 160 pages
- CLAIR, Isabelle, Sociologie du genre, Armand Colin, coll. 128, Paris, 2012, 126 pages
- COÏANIZ, Alain et FIOUX, Paule (eds.), Ancrages identitaires dans l'Océan Indien. La
Réunion, Madagascar, Mayotte, Les Comores, Maurice, L'Harmattan, coll. Langue et parole,
Paris, 2011, 312 pages
- COTÉ, Louis, L’État démocratique. Fondements et défis, PUQ, Québec, 2008, 266 pages
- DADINTER, Elisabeth, XY De l'identité masculine, Odile Jacob, Paris, 1992, 316 pages
- DE BEAUVOIR, Simone, Le deuxième sexe II. L'expérience vécue, 2e éd., Gallimard, coll.
Folio essais, Paris, 1976, 658 pages
- DESPRET, Vinciane et STENGERS, Isabelle, Les faiseuses d'histoires. Que font les femmes
à la pensée?, La Découverte, Paris, 2011, 210 pages
- DE SINGLY, Françoise (dir.), L'injustice ménagère, Armand Colin, coll. Pluriel, Paris,
2007, 320 pages
128
- DÜNKELSBÜHLER, Gaspard, Ombre et lumière à Madagascar. Une révolution à
Tananarive vue et racontée par un Allemand (1971-1973), Karthala, coll. Hommes et
sociétés, Paris, 2012, 324 pages
- DUBOIS, Robert, L’identité malgache. La tradition des Ancêtres, Karthala, coll. Hommes et
sociétés, Paris, 2002, 176 pages
- FABRE, Clarisse et FASSIN, Eric, Liberté, égalité, sexualités. Actualité politique des
questions sexuelles, Belfond, Paris, 2003, 276 pages
- FERRAND, Michèle, Féminin Masculin, La Découverte, coll. Repères, Paris, 2004, 128
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- FOUQUE, Antoinette, Il y a deux sexes, 2è éd., Gallimard, Paris, 2004, 334 pages
- GOURGES, Guillaume, Les politiques de démocratie participative, PUG, coll. Libres cours
politique, Grenoble, 2013, 152 pages
129
- GRANIÉ, Anne-Marie et GUÉTAT-BERNARD, Hélène (dir.), Empreintes et inventivités
des femmes dans le développement rural, PUM/IRD, coll. Coédition, Toulouse/Paris, 2006,
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- IRIGARAY, Luce, Ce sexe qui n’en est pas un, Les éditions de minuit, coll. Critique, Paris,
1977, 224 pages
- JONES, Alexee, Société civile et participation. Le cas Sénégal, L’Harmattan, coll. Études
africaines, 2012, 368 pages
- KABOU, Axelle, Comment l'Afrique en est arrivée là, L'Harmattan, coll. Point de vue,
Paris, 2010, 428 pages
- MARTIN, Pierre, Les systèmes électoraux et les modes de scrutin, 3e éd., Montchrestien,
coll. Clefs/Politique, Paris, 2006, 160 pages
- MARUANI, Margaret (dir.), Femmes, genre et sociétés. L’état des savoirs, La découverte,
Paris, 2005, 408 pages
- MINC, Alain, L'ivresse démocratique, Gallimard, coll. Hors série connaissance, Paris, 1994,
272 pages
130
- MILEWSKI, Françoise et al., Les discriminations entre les femmes et les hommes, Presses
de Sciences Po, Paris, 2011, 376 pages
- NAVARRO, Pascale, Les femmes en politique changent-elles le monde, Boréal, Paris, 2010,
136 pages
- OCKRENT, Christine (dir.), Le livre noir de la condition des femmes, XO, Paris, 2006, 782
pages
- OCKRENT, Christine, Ces femmes qui nous gouvernent, 2e éd., Plon, coll. Points, Paris,
2008, 256 pages
- OKUN, Arthur M., Égalité vs efficacité. Comment trouver l’équilibre ?, Economica, coll.
Tendances actuelles, Paris, 1982, 136 pages
- PAPISY, Ialfine et al., Sur le terrain. Genre et collectivité locales à Madagascar, Gender
links, 2010, 160 pages
131
- RAJOELINA, Patrick, Madagascar, Refondation et Développement. Quels enjeux pour les
années 2000 ?, L’Harmattan, coll. Repères pour Madagascar et l’Océan Indien, Paris, 1998,
160 pages
- RENAUT, Alain, Quelle éthique pour nos démocraties ?, Buchet-Chastel, Paris, 2011, 148
pages
132
- RÉTIF, Sophie, Logiques de genre dans l'engagement associatif. Carrières et pratiques
militantes dans des associations revendicatives, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses,
Paris, 2013, 584 pages
- THÈRY, Irène et BONNEMÈRE, Pascale (dir.), Ce que le genre fait aux personnes, École
des hautes études en sciences sociales, coll. Enquête, Paris, 2008, 320 pages
- TREMBLAY, Manon (dir.), Genre, citoyenneté et représentation, PUL, Québec, 2007, 252
pages
- VIG, Lars, Sur la femme malgache, L’Harmattan/Solum, Paris/Oslo, 2003, 128 pages
133
- WEBER, Max, Le savant et le politique, Bibliothèque 10/18, Paris, 1963, 224 pages
- 2010, Madagascar en transition, sorties de crise, Tsipika, Antananarivo, 2011, 248 pages
➢ Instruments juridiques
• Nationaux
- Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par la loi n°
70-005 du 23 juin 1970 (J.O. n° 713 du 27.06.70, p. 1364)
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la loi n° 70-001 du 23 juin
1970 portant approbation de l’adhésion au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, et au Protocole facultatif se rapportant au dit Pacte (JO n° 713 du 27.06.70, p.
1348)
- Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifiée par la loi n° 91-023 du 5 août
1991 (JO n° 2094 du 12 décembre 1991, p. 1839)
- Ordonnance n° 62-089 du 1er octobre 1962 relative au mariage (JO n° 250 du 19 octobre
1962, p. 2366)
- Loi n° 2000-021 du 28 novembre 2000 complétant certaines dispositions du code pénal (JO
n° 2674 du 30 novembre 2000, p. 4240)
- Loi n° 2003-044 du 28 juillet 2004 portant code du travail (JO n° 2956 du 21 février 2005,
p. 2489)
134
- Loi n° 2003-011 du 3 septembre 2003 portant statut général des fonctionnaires (JO n°2858
du 15 septembre 2003, p.2933)
- Loi n° 2011-012 du 9 septembre 2011 relative aux partis politiques (JO n°3404 du 9 janvier
2012, p. 339)
- Loi n° 2012-005 du 22 mars 2012 portant code électoral (JO n° 3421 du 26 avril 2012, p.
1309)
- Loi n° 2012-006 du 30 juillet 2012 portant code d’éthique et de bonne conduite politique des
acteurs politiques pendant la transition (JO n° 3443 du 6 septembre 2012, p. 2553)
• Régionaux
- Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur les droits de la femme, 2003
• Internationaux
- La résolution n° 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU, sur les femmes, la paix et la sécurité
du 31 octobre 2000
135
- BIHIR, Alain et PFEFFERKORN, Roland (dir.), Dictionnaire des inégalités, Armand colin,
coll. Dictionnaire, Paris, 2014, 444 pages
- GUINCHARD, Serge et DEBARD, Thierry, Lexique des termes juridiques 2014, 21e ed.,
Dalloz, Paris, 2013, 1010 pages
- FAURÉ, Christine (dir.), Nouvelle encyclopédie politique et historiques des femmes, Les
belles lettres, Paris, 2010, 1216 pages
136
- RAZAFINDRAMANANA, Odyle, Mobilité sociale de la femme malgache et trajectoire
politique, cas du Parti Républicain Madagasikarantsika, RAKOTOSON, Philippe Victorien
(encadreur), en vue de l’obtention du diplôme de licence en Formation Professionnelle en
Travail Social et Développement, Université d’Antananarivo, 2012, 79 pages
➢ Périodiques et revues
- Le monde. Histoire, Les femmes du droit de vote à la parité, série : Comprendre un monde
qui change, 2013, 104 pages
- RABENORO, Mireille, L’accès des femmes au pouvoir : mythes affichés et réalités occultés
in Bulletin de l’Académie Malgache, XCI/2, 2012 (2013), pages 227-234
➢ Rapports d’études
137
- EISA en collaboration avec RAVAOZANANY Noroarisoa et al., Prise en compte de
l’égalité Hommes -femmes dans le processus législatif à Madagascar, 2014
- Friedrich Ebert Stiftung, Les partis politiques malgaches à travers les régimes et
gouvernements successifs, RABARINIRINARISON, Rindra Hasimbelo et RAVELOSON, A.
Jean-aimé, 2011, 8 pages
- INSTAT, Enquête nationale sur le suivi des indicateurs des objectifs pour le
développement : promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes,
Antananarivo, 2014, 104 pages
➢ Programmes
- Projet pour la responsabilisation et l'atomisation des femmes dans les zones d'intervention
(PRA Femmes)
➢ Articles de presse
138
- RASOANAIVO, Anjara, Les femmes à prendre en compte dans la constitution du
gouvernement, in Midi Madagascar, n° 9172, 18 février 2014, p. 4
- Tahina Navalona, Les femmes candidates s’en tiennent à leur objectif, in Les Nouvelles, n°
3005, 4 février 2014, p. 3
- Fanjanarivo, Les filles, moins nombreuses que les garçons, in La gazette-dgi, n° 3305, 26
février 2014
- Fahranarison, Violence basée sur le genre : 50% des femmes sont battues par leur conjoint,
in Les Nouvelles, n° 3024, 26 février 2014, p. 5
- Andry zo, Pas de développement sans les femmes, in Le citoyen, n° 338 du 26 avril 2017, p.
5
➢ Supports vidéos
- L’émission Don-desaka, Mira lenta sy zon’ny vehivavy, Tv Plus Madagascar, 12 mars 2017
➢ Webographie
- BAUDOUX, Claudine et NOIRCENT, Albert, Culture mixte des classes et stratégies des
filles, Revue française de pédagogie, n° 110, pages 5-15, disponible sur
http://www.jstor.org/stable/41200499, consulté le 12 mars 2017
- Observatoire de la Parité Entre les Femmes et les Hommes, L’élection à venir : faire vivre
la parité, ZIMMERMANN, Marie Jo (rapporteur), 2003, 149 pages, disponible sur
http://www.haut-conseil-egalité.gouv.fr/IMG/pdf/rapportgenisson.pdf, consulté le 15 janvier
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139
- CACOUAULT-BITAUD, Marlaine et GAUSSOT, Ludovic, Sexe-Genre, Recherche et
formation, N°69/2012, pages 84-94, disponible sur http://rechercheformation.revues.org/1745,
consulté le 15 janvier 2017
- JENSON, Jane et LÉPINARD, Éléonore, Penser le genre en science politique. Vers une
typologie des usages du concept, Revue française de science politique 2009/2 (Vol. 59), p.
183-201, disponible sur http://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2009-2-
page-183.htm, consulté le 10 mars 2017
- JUNTER, Annie, L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : une exigence
politique au cœur du droit du travail, Travail, genre et sociétés, 2004/2 N° 12, p. 191-202,
disponible sur http://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2004-2-page-191.htm,
consulté le 13 mars 2017
140
- LEPINARD, Éléonore, Faire la loi, faire le genre : conflits d'interprétations juridiques sur
la parité, Droit et société, 2006/1 n°62, p. 45-66, disponible sur http://www.cairn.info/revue-
droit-et-societe-2006-1-page-45.htm, consulté le 12 mars 2017
- MOGHADAMD, Valentine M., Étude des liens entre activité militante, recherche et
politique dans les rapports hommes-femmes et les droits de la femme : présentation
d'ensemble, Revue internationale des sciences sociales 2007/1 (n° 191), p. 9-12, disponible
sur http://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2007-1-page-9.htm,
consulté le 15 février 2017
141
- VOUILLOT, Françoise, L'orientation aux prises avec le genre, Travail, genre et sociétés,
2007/2 (Nº 18), p. 87-108, disponible sur http://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-
societes-2007-2-page-87.htm, consulté le 12 mars 2017
142
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ............................................................................................................................ 1
RÉSUMÉ ................................................................................................................................... 3
LISTE DES ABRÉVIATIONS .............................................................................................. 4
INTRODUCTION .................................................................................................................... 7
I : Le droit international des droits de l'homme ............................................................... 7
II : L'exclusion des femmes du monde politique .............................................................. 8
III : Démocratie et genre ..................................................................................................... 9
IV : La place des femmes dans le contexte socio-historique malgache ......................... 11
V : Le constat de la sous-représentation des femmes malgaches en politique ............ 12
VI : L'approche genre de la politique .............................................................................. 14
143
SECTION DEUXIÈME : L’ÉGALITÉ DE GENRE DANS LE CHAMP
POLITICO-JURIDIQUE MALGACHE .................................................................... 32
Paragraphe 1- L’égalité de genre reconnu par le droit positif malgache ................... 32
1- Le principe d’égalité de genre : une valeur constitutionnelle .......................... 32
2- La traduction du principe d’égalité de genre dans le domaine législatif ......... 34
3- Les politiques nationales sur la promotion du genre à Madagascar ................ 35
Paragraphe 2- Présentation du système politique malgache ..................................... 36
1- Le système politique malgache ......................................................................... 37
2- Le fonctionnement du système politique malgache .......................................... 38
Paragraphe 3- Aperçu général de la participation des femmes dans la vie politique
malgache ................................................................................................................... 39
1- Persistance des inégalités de genre à Madagascar ........................................... 39
2- Le constat de la sous-représentation des femmes malgaches en politique ...... 40
144
SECTION TROISIÈME : LES MESURES À ENTREPRENDRE POUR LA
PROMOTION DE L'ÉGALITÉ DE GENRE EN POLITIQUE ............................. 56
Paragraphe 1- Le dilemme sur la promotion de l'égalité de genre ............................. 56
1- La difficulté à surmonter : la tolérance sociale aux inégalités ......................... 57
2- Les difficultés pratiques dans la promotion de l’égalité de genre .................... 57
Paragraphe 2- Les pistes de réflexion pour la promotion du genre en politique........ 58
1- Le système des quotas ....................................................................................... 58
2- Le renforcement du leadership féminin en politique ........................................ 61
145
SECTION TROISIÈME : LE RAPPORT ENTRE LE SYSTÈME ÉLECTORAL
ET LE GENRE.............................................................................................................. 78
Paragraphe 1- Les liens entre le système électoral et la participation féminine aux
élections ..................................................................................................................... 78
1- Le lien entre le mode de scrutin et le genre ...................................................... 79
2- L’influence de la nature de l’élection et le genre .............................................. 80
Paragraphe 2- Un système électoral ignorant le principe d’égalité de genre ............. 81
1- Le silence de la législation électorale sur la question de genre ........................ 81
2- La réticence des élites politiques à adopter des mesures positives .................. 83
Paragraphe 3- Le rôle des sociétés civiles ................................................................. 83
1- La société civile et la démocratie ...................................................................... 83
2- Les actions de la société civile pour la promotion de l’égalité de genre à
Madagascar ............................................................................................................ 84
146
2- Les contraintes familiales................................................................................ 104
3- Les contraintes liées à la spécificité du monde politique ................................ 105
Paragraphe 2- Le sentiment d’incompétence en politique ....................................... 106
1- Le manque de conviction politique ................................................................. 106
2- Le déficit des ressources en politique ............................................................ 108
a- Une socialisation discriminatoire .............................................................. 108
b- Le retard dans l'engagement politique des femmes.................................... 109
3- Le manque de leadership politique ...................................................................... 111
147
La question de genre est devenue un sujet de préoccupation incontournable pour toute société
moderne. Les femmes malgaches commencent à bénéficier des différents droits qu'elles ne
peuvent en prétendre auparavant. Malgré une longue tradition de domination masculine, les
transformations économiques et sociales ont fait leur œuvre dans la reconnaissance
progressive des droits des femmes. [...]
Le principe d’égalité de genre est un concept polysémique, puisqu’il est sujet à discussion
concernant ses véritables portées dans la pratique. Le point de départ de la réflexion porte sur
les évidences biologiques : l’espèce humaine est mâle et femelle. Sur ce donné naturel se sont
construites des règles sociales inégalitaires en défaveur des femmes. [...]
Dès le départ, l’espace politique malgache est dominé par les hommes. La domination
masculine de monde politique est le reflet d'une réalité sociale inégalitaire. En effet, la
citoyenneté politique est analysée comme le produit du mécanisme de « l'ordre social
inégalitaire ». [...]
L'effectivité du principe d'égalité de genre dans l'espace politique est une condition requise à
la plénitude de la démocratie et l’avènement de la valeur de l’humanité. Elle fait partie des
objets et actes de perturbation et de dérangement reprouvés comme une volonté d’entrée par
effraction dans le « royaume du mâle ». La transition vers un nouvel système plus égalitaire
peut d’ailleurs être vue comme une période de crise. Reste à savoir si la société malgache soit
capable de surmonter cette épreuve.
ANDRIAMAHEFA Zo Nambinina
e-mail : andryzonamby@yahoo.com
(+261) (0) 34 68 033 65
(+261) (0) 33 17 087 75
148