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Chantal CLAUDEL Université Paris 8 - Vincennes-Saint Denis Syled-Cediscor (Paris 3) (Paris, France) Valérie LEMEUNIER Centre international d”études pédagogiques (Sévres, France) Créer une banque de données de documents authentiques : quels critéres retenir ? Resumo Para otimizar a exploracio de documentos auténticos na aula de lingua procurd- mos distinguir eritérios de congruéncia, de fidelidade, de diversidade e de “fructuo- sité” ede interesse (inter-Jeultural a partit de categories lings iscursivas, ‘genéricas c/ou pragméticas com vista a sclegao, andlise ¢ utilizago pedagogica de suportes suscetiveis de setem reinvestidos em diferentes niveis e momentos de aula, Com a explicitagao destes critérios pretendemos a criagio de um banco de dados de documentos auténticos que falilite a preparagao de aulas. Palavras - chave: documentos auténticos, banco de dados, eritérios, tarefas, analise do discurso, Abstract In order to optimize the use of authentic documents in the language classroom, the selection of these authentic documents needs to be based on a number of erite- tia. This article explains how a series of useful criteria such as congruence, faithful representation of the target society, diversity, interest and (inter)cultural focus are drawn from linguistic, discursive, genre and/or pragmatic categories. These criteria help select, analyse and exploit authentic documents. The documents may potenti- ally be reused with different level groups in various classes. A further use of these selection and classification criteria consists in the creation of a data bank of authentic documents in order to optimize teaching preparation time. Key word: ruthentic documents, data bank, criteria, tasks, discourse analysis. Inereompreensio, 16, Chamusea, Edigdes Cosmos | Escola Superior de Edueasio de Sentar 2012, pp. 139-160 140 Intercompreensio, 16 La problématique relative 4 utilisation du document authentique en classe de langues a fait son apparition au début des années 1970 (cf. Coste 1970), que ce soit pour mettre en cause I’artificialité du document fabriqué, pour souligner la nécessité de prendre en compte les dimensions socio-lin- guistique et socio-culturelle de la langue/culture 4 l'étude, pour activer les liens entre situations de classe et situations de la vie réelle, ou encore, pour discuter du bien fondé de l’introduction de ces supports dans un contexte de diffusion I’écart de celui initialement prévu (cf. Besse 1980). Ceci étant, il ne fait désormais plus de doute que le document authentique constitue un support qui a toute sa place au centre d'un dispositif de formation en langue. Car, s'il permet a ’apprenant de mieux comprendre les contextes d'utilisation de l'idiome concerné, il I’expose également & une langue naturelle et a des aspects culturels tels que ceux éprouvés dans des situations quotidiennes, les contenus véhiculés ne subissant aucune modification. Toutefois pour optimiser l'utilisation de ces documents, il est important que Penseignant joue son réle “de médiateur des médias” (cf. Porcher (1994), Lemeunier-Quéré (2000)) chargé de sélectionner, d’analyser et de pédagogi- ser ces documents. La réalisation de ces différentes taches nécessite un laps de temps qui peut s’avérer plus ou moins long en fonction du contexte d’en- seignement/apprentissage et de l'expérience de l’enseignant. Pour réduire ce temps de préparation de classe, il convient de concevoir une banque de données de documents authentiques. En ce sens, la démarche et les outils de Tanalyse de discours et de la pragmatique constituent un apport précieux, dés lors qu'ils permettent la mise au jour des spécificités linguistico-discursives des supports destinés aux apprenants'. Partir des catégories linguistiques, discursives (cf. Maingueneau 1991), génériques (Peytard & Moirand 1992) et/ou pragmatiques (Traverso 1999), permet de déterminer les traits de généricité des textes (écrits ou oraux). C’est ainsi que peut s’effectuer aisément le renouvellement de supports issus d’un méme genre, comme on va l’observer. Dans un premier temps, aprés avoir abordé, le contexte d’emploi des do- cuments authentiques & la lumiére d’aspects développés dans le Cadre euro- péen commun de référence pour les langues (CECRL), on effectuera un retour sur les rapports que tout un chacun entretient avec les supports médiatiques, "Co terme renvoie & l'ensemble des personnes en situation d'apprentissage quel que soit leur statut (en- fants en milicu scolaire, étudiants, adultes en situation de travail ou non...) Intercompreensio, 16, Chamusea, Edigd 2012, pp. 139-160 Cosmos / Escola Superior de Edueagio de Santarém, ‘Créer une banque de données de documents authentiques:quelseritresetenie? 14 ainsi que sur les changements engendrés par l'avenement des nouvelles tech- nologies. Dans un second temps, on introduira les enjeux qu’implique Putilisation de documents authentiques dans Ia classe au travers de articulation entre sélection et objectifs poursuivis. Finalement, on abordera la question des critéres nécessaires a la constitu tion d’une banque de données et on engagera la discussion sur la nécessité de rassembler un corpus de documents pouvant étre ré-exploités dans des classes eta des niveaux distincts. 1. Contextes d’emploi des documents authentiques Dans la perspective du CECRL, tout utilisateur dune langue est consi- déré comme un acteur social amené a réaliser des tiches, langagiéres ou non, dans des contextes donnés. Compte tenu de la multiplication des échanges internationaux, I’acteur social est un citoyen du monde en devenir susceptible de jouer un r6le d’intermédiaire culturel (ef. Lemeunier 2008). L’appropriation de savoirs, de savoir faire et de savoir étre relatifs & la langue et la culture autres permet a l'apprenant de développer des compéten- cces nécessaires 8 I'accomplissement de ces différents roles. Pour ce faire et pour permettre l'acquisition d’un capital culturel diversi- fig, P'enseignant doit introduire des activités variges au travers de documents authentiques facilement identifiables du point de vue générique, car a dimen- sion transculturelle (rapport de stage, fiche de lecture, interview, faitdivers, lettre, etc.) 1.1 Un positionnement emprunté au CECRL Les termes d’acteurs sociaux, de citoyens du monde et d’intermédiaires culturels tels qu’ils sont présentés dans le CECRL sont articulés aux éléments. langagiers et aux comportements que chacun de ces roles impliquent. 1.1.1 Former des acteurs sociaux Réaliser des actions sociales Evoluer dans la langue de l'autre ~ de méme que dans sa propre langue = implique toutes sortes de comportements, simultanés ou non, tels que la Inoreomproensio, 16, Chamusea, Faigies Cosmos / Escola Superior de Edueagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 Lae Intercompreensio, 16 mise en cuvre dactes de parole’, la réalisation d’actions non verbales ou encore, ’adoption d’attitudes en lien avec le cadre participatif : contexte de la rencontte, statut des personnes en présence, ete. (ef. Goffman 1987). Dans le contexte de l’enseignement des langues, se réclamer de la perspective action- nelle, c’est considérer avant tout I'usageret I"apprenant dune langue comme des acteurs sociaux ayant ‘4 accomplir des taches (qui ne sont pas seulement langagiéres) dans des circons- tances et un environnement donnés, & 'intérieur d’un domaine d'action part culier. Si les actes de parole se réslisent dans des activités langagiéres, celles-ci s’inscrivent elles-mémes a l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification. CECRL (2004 : 15). La définition des contenus et des modalités d’enseignement/apprentis- sage passe par la prise en compte de I'espérance pratique (cf. Cuq 2003 : 87) de Penseignement/apprentissage de la langue. Dans ce texte, les notions « acte de parole», «acte de langage » et « fonetion langagitre » ont la méme aceeption, Intercompreensio, 16, Chamusea, Edigies Cosmos / Escola Superior de Edueagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 (Créer une banque de données de documents authentiques : quels crtéres retenir ? 143 Exemple de tiche : [ee cone metre ae arse Semoucena aa Sageciaae | Seca ime prose TExorenecie | Sect aeons cert dopwe ‘ane arenrebnsae eties raeaires + ution erat Necrpes ete “an cere nonin pe) Domaine: Eamon Theme Rese "Tcne accom eso cennacte Intercompreensao, 16, Chamusea, Fadl 2012, pp. 139-160, ies Cosmos / Escola Superior de 144 Intercompreensfo, 16 - Apprendre 4 apprendre Les acteurs sociaux de demain devront changer plusieurs fois d’adresse, de licux d’activité, d’outil de travail, de coll8gues, de fonctions, de professions et de domaines d’activité dans leur vie. II est done important de les former pour qu’ils soient en mesure de s’adapter & ces changements en transférant et en réinvestissant les connaissances et les compétences acquises. Aussi la classe de langue doit-elle devenir un lieu oi: = les apprenants de frangais acquiérent des savoirs, des savoir-faire et des savoir-tre qui leur seront utiles dans d’autres domaines. A contrario, le réinvestissement de connaissances et de compétences acquises en dehors de la classe de frangais (interdisciplinarité), de méme qu’en dehors dun établisse-~ ment scolaire ou universitaire constituera une contribution de premier ordre. - les apprenants deviennent responsables de leur apprentissage. Pour cela, il convient de eréer un contexte favorable qui encourage l’autonomie et la col- laboration dans l’apprentissage. La mise en ceuvre d’une démarche visant : la découverte, par les apprenants eux-mémes, des connaissances a acquérir et de leurs fonctionnements, le développement des compétences d’auto-évaluation, Papprentissage du travail en groupe et l'aide & une prise de conscience des stratégies mobilisées pour réaliser le travail de classe est primordiale. Ainsi, l'apprentissage d'une langue tout comme l’apprentissage d’une discipline nouvelle passent par l’appropriation de savoirs langagiers, discipli naires et culturels qui contribuent au remodelage de V'individu. En outre, [eln tant qu’acteur social, chaque individu établit des relations avee un nombre toujours croissant de groupes sociaux qui se chevauchent et qui, tous ensemble, définissent une identité. Dans une approche interculturelle, un objectif essentiel de l'enseignement des langues est de favoriser le développement harmonieux de la personnalité de l'apprenant et de son identité en réponse a I'expérience enri- chissante de altérité en matiére de langue et de culture, (ibid. : 10) Parce qu’abreuvé d’expériences nouvelles, exposé a des coutumes incon- rues, initié a des formes de pensée différentes, etc., 'apprenant/usager d’une langue est confronté 4 l’émergence de ressources cognitives variées remettant en cause sa personnalité et, par voie de conséquence, son rapport & la société, C'est aussi en ce sens que apprentissage d’une langue nouvelle peut entrai- ner la formation d’acteurs sociaux. Intercompreensio, 16, Chamusea, Rdigdes Cosmos / Escola Superior de Edueagio de Santarém, 2012, pp. 139-160, 146 Intercompreensio, 16 [ongtemps, l'autre a été celui qui est de l'autre cété de la frontigre. Puis, celui qui est du méme cdté de la frontigre, & e6té de moi, dans mon méme espace. Tl reste enfin & le penser comme “en moi” ct comme aussi constitutif de mon iden- tite. (2008 : 95) Cette transformation de Ia société est 4 Vorigine de nouveaux besoins et de nouvelles exigences oi! Ia traduction rend information trés vite obsoléte. Le monolinguisme est pergu comme un obstacle dans un contexte oi “effi- cacité” et “rapidité” sont devenus les maitres mots. En outre, l’ignorance de autre, qu’elle soit 4 Porigine ou qu’elle constitue la conséquence d'un repli identitaire, perdure et ce, en dépit d’une situation sociale inscrite dans une certaine mixité culturelle et malgré la dilution de l’entité “étranger” tant dans son acception individualisée que dans celle que renferme le terme “nation”. Dans ce contexte, l’enseignement des langues constitue un instrument de lutte contre les discriminations. + Susciter une réflexion sur Ia culture cible Hest done du devoir de l’éducateur de participer activement a une sensi- bilisation a autre et 4 une formation a la différence Crest en ce sens que doit étre offerte aux apprenants la possibilité d’ac- céder 4 d'autres Jangues/cultures au travers de l’introduction de savoirs, de savoir-faire et de savoir-étre destings au développement dune prise de cons cience de l'existence de spécificités propres a chaque communauté culturelle en vue dune intercompréhension si ce n’est optimale, du moins responsable. Aborder linterculturel en classe de langue est en conséquence une voie orientation indispensable dans la perspective d'une mise en lien entre cul- ture source et culture cible. Les objectifs majeurs d'une réflexion sur la culture cible sont de mettre en évidence la diversité des appartenances culturelles et d’éviter la confusion entre identité et appartenances Pour Serres (2007), éire Elif Sav, turque, née le 19 décembre 1963... ne constitue pas lidentité d'un individu. Tout les données qui caractérisent une personne sont une combinaison d’appartenances & divers sous ensembles : ce- ui de ceux qui ont tel sexe, tel nom, tel prénom, telle nationalité, telle date de naissance, etc, Par conséquent, parler d’identité nationale, religicuse, culturelle est une confusion qui peut conduire a des dérives. Notre identité se limite, selon Ser res, Anotre code génétique, unique 4 chacun. Intercompreensio, 16, Chamusca, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Edueagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 (Créer une banque de données de documents authentiques :quelscrtéres retenir ? as 1.1.2 Former des citoyens du monde Prenant appui sur les préconisations du Deuxitme Sommet des Chefs Etats membres du Conseil de I’Europe qui s’est tenu les 10-11 octobre 1997, le CECRL souligne les orientations prises et l'importance accordée & la promotion de: méthodes d’enseignement des langues vivantes qui renforcent I’indépendance de la pensée, du jugement et de action combinge a la responsabilité et aux savoir- faite sociaux. (ibid. : 11) dés lors que dans la déclaration finale du Sommet est réaffirmée la né- cessité d'une collaboration entre Etats membres en vue de la construction une: société européenne plus libre, plus tolérante et plus juste, fondée sur des va- leurs communes, telles que Ia liberté d’expression et d'information, la diversité culturelle et égale dignité de tous les étres humains! (ibid.) + Promouvoir le plurilinguisme Dans ce contexte, lintercompréhension est un enjeu majeur, de méme que la sensibilisation au pluriculturalisme et au plurilinguisme (cf. Moore et Castellotti (2008), Coste (2004, 2008)), La mobilité est une réalité pour bon nombre d’apprenants amenés & poursuivre leur cursus universitaire ou & mener une recherche a I’étranger, & voyager a titre personnel ou professionnel, a travailler pour des entreprises étrangéres ou implantées dans d’autres pays, ete. Cette situation est a Vorigine de la démultiplication des rencontres avec Valtérité. II n’en va pas différem- ‘ment pour les personnes contraintes la sédentarisation, dés lors que le dé- veloppement et la démocratisation des technologies de ’information et de la communication constituent un facteur de rencontres. Une vie vierge de tout contact avec d'autres communautés culturelles et linguistiques est devenue presque inconcevable. Comme le souligne Coste : * Voir a déclaration sur Ie ste suivant :htps:/wed.coe.int/ViewDoe jsptid=8562718L ang (consulté Je 9 novembre 2011), * Les partes en gras sont du rédacteur. Intercompreensio, 16, Chamusea, Rdiges Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 Créer une banque de données de documents authentiques : quels eritéres retenir ? “47 Mener une réflexion sur la culture cible contribuera done & donner & l'ap- prenant une vision moins ethnocentrée. Porcher croit au potentiel de la pédagogie interculturelle ear : “Elle repré- sente [...] une option généreuse, conforme a la défense des droits de homme, ala spécificité des nations, et & la dignité des cultures.” (1984 : 9-10) 1.1.3 Former des intermédiaires culturels L’objectif primordial de l’apprentissage des langues est sans aucun doute celui de faire de l'apprenant un intermédiaire culturel, un ambassadeur du dialogue des cultures. De fait, la connaissance acquise par celui-ci d’au moins une autre langue et une autre culture — en plus de celle qu’il posséde de sa langue et de sa culture premieres -, fait de lui un acteur potentiellement plurilingue. Btant sensibilisé aux différences culturelles, il peut étre amené a servir d’intermédiaire entre des interlocuteurs dépourvus des compétences linguistiques et/ou culturelles néces- saires 4 la compréhension de l’autre et a l’entendement de situations, de compor- tements, etc. a l'écart des pratiques qui sont familidres 4 ces derniers. C'est de la sorte qu’au travers de stratégies destinges a permettre 4 'apprenant de “s’ouvrir ‘4 des expériences culturelles nouvelles” (CECRL 2001 : 40), I’enseignement/ apprentissage d'une langue entraine la formation d’intermédiaires culturels qui, plus concrétement pourront jouer un réle de facilitateur dans les échanges entre les locuteurs de la langue/culture source et ceux de la langue/culture cible. De la qualité de la communication dépend l'efficacité des échanges. Le respect des codes sociaux et autres rituels garants de cette qualité de la com- munication varie selon les cultures ; la méconnaissance de ces usages peut engendrer des malentendus culturels 4 l'origine d’interprétations malencon- treuses (cf. Claudel 2008) ou, pire encore, de ruptures de communication. I] est vrai que nombre d’échanges se déroulent aujourd’hui en anglais (faute bien souvent, d’intermédiaire maitrisant la langue et la culture de son inter- Jocuteur), et en sa qualité de lingua franca, cet idiome est fréquemment le vecteur de communication mobilisé entre non natifs. Les entreprises voire les états qui, dans un ayenir proche, pourront comp- ter sur l’appui d’intermédiaires culturels bénéficieront d’une meilleure com- munication au niveau international. Ils’agit done pour l’enseignant d’encourager une ouverture sur le monde en favorisant la circulation de points de vue sur la culture de I’autre et sur la propre culture des apprenants pour les préparer a jouer ce réle. Intercompreensio, 16, Chamusca, Edigies Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 130-160 Las Intercompreensio, 16 1.2 De l’influence des médias 1.2.1 Le public et son rapport aux médias Plus encore que par le passé, dans le contexte actuel tout un chacun est confronté a un apport d"informations provenant de sources multiples (internet, radio, télévision, journaux, affiches publicitaires, ete.). La facilité et la rapi- dité avec laquelle circule |’information est telle que l’on ne peut ignorer son impact sur les récepteurs. De ce point de vue, il semblerait que l'on soit a une période charniére, encore marquée par la recherche de certaines régles de fonctionnement ou par la stabilisation de certaines fagons de dire (cf. la netiquette). I n’en demeure pas moins que l’on communique de plus en plus par le biais de I’ internet et ce, sur la plupart du globe. Dans ce contexte, la communication médi¢e par ordi- nateur (CMC) ne participe-t-elle pas au développement de maniéres d’étre, de faire, de dire partagées par de nombreux internautes sur la planéte (cf. notam- ment les études sur les CMC de Danet et Herring (2003) ? A la différence de ce qui se passait dans les années qui ont précédé I’ava- nement du numérique, les contacts interculturels se développent de plus en plus. Les moyens mis a la disposition des citoyens (intemet cafés, accés libre des bornes internet dans les bibliothéques, wifi dans les liewx publics, etc.) et les dispositifs d’échanges (forums de discussion, chat, méls, etc.) facilitent ces contacts culturels et linguistiques. Si 'enseignant n°est définitivement plus le seul & détenir l'information, il n’en demeure pas moins la personne chargée de sélectionner des supports issus de nombreux genres qu’il didactise en fonction du profil et des besoins de son public, 1.2.2 Des supports en évolution Le développement des nouvelles technologies n’est pas étranger a la mu- tation observée dans le rapport au monde des citoyens. Btant un consomma- teur des médias, l'apprenant a accés par ce biais aux événements les plus anodins et a fortiori, aux faits d’actualité les plus retentissants. utilisation du document authentique dans la classe de langue a considé- rablement évolué depuis son introduction. On assiste 4 l’emploi concomitant des supports authentiques qu’ils soient issus de l’internet ou qu’ils proviennent de médias “plus” traditionnels (télévision, radio, journaux, enregistrements vi- déo, ete.). Et si le passage a ere du numérique a facilité leur identification et Inlercompreensiio, 16, Chamusca, Edigies Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 (Créer tne banque de données de documents sulhentiques : ques ritéresretenis? leur réactualisation tout en offrant un gain de temps considérable, il implique toutefois une maitrise des usages informatiques. L’enseignant d’aujourd’hui se doit par conséquent d'élargir son portefeuille de compétences ; son rale est en pleine mutation. 2. Les enjeux de ’utilisation du document authentique dans la classe Le document authentique, accessible désormais en temps réel, est devenu incontournable. II reste done 4 déterminer des criteres pour que la sélection de ce type de documents permette un développement de esprit critique des apprenants, |’émergence de leurs représentations et la diversification de leur capital culturel 2.1 Développer esprit critique Dans cette perspective, lenseignant est invité a adopter des supports dont les contenus sont destings & développer I’esprit critique. 1 est done pertinent que les documents sélectionnés renvoient & la so- cigté contemporaine, afin de donner une vision fiable du pays et de la culture cibles. L’information 4 laquelle sont exposés les apprenants est certes différée, ‘mais elle leur est livrée telle qu’elle peut l"étre aux citoyens ordinaires. A ce titre, l"enseignant se doit d’ofitir un angle de vue “impartial” de l"environne- ‘ment frangais/francophone. Pour cela, la réalité socioculturelle des pays concernés est présentée & partir de sources variées, voire contradictoires. A ce stade, les différents ac- teurs, les enjeux et les discours tenus autour des thématiques abordées sont pris en considération Pour développer esprit critique, l’analyse des représentations de la cul- ture de l'autre constitue un point de départ permettant de dégager les clichés dominants ce, en vue de les dépasser et de prévenir les malentendus. 2.2 Faire émerger les représentations L’intégration d’une démarche interculturelle en classe conduira ainsi Penseignant a encourager une réfiexion sur certaines pratiques 4 partir de la mise en regard de comportements de la culture cible et de la culture source. Crest de la sorte que peut sengager un travail de réfiexion sur I’altérit8, de Intercomproensdo, 16, Chamusea, Edi 2012, pp. 139-160) Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santa 150 Intercompreensio, 16 compréhension d’attitudes interactionnelles pouvant étre tolérées ou rejetées selon le point de vue adopté, de décodage de gestes, d’attitudes, de maniéres de faire culturellement marqués - courber la téte ou le corps pour saluer une personne au Japon ; - regarder dans les yeux son interlocuteur en France ; - manger avec les doigts au Bangladesh ; etc, L’étude des stéréotypes permet également de pointer du doigt la dimen- sion parcellaire done, non représentative de la société cible. La mise au jour des représentations des apprenants permet de dégager leur propre vision du monde. Par la suite, le travail engagé par 'enseignant vise la sensibilisation & une démarche d’analyse permettant de faire évoluer cette vision initiale. 23 ifier le capital culturel Au niveau formel, les documents introduits pourront étre identifiables sur la base d’éléments connus car relatifs 4 des aspects transculturels ; au niveau du contenu, ils doivent contenir des données suffisamment copicuses pour garantir la construction d°un capital culturel diversifig, Ces types de documents, familiers des apprenants, facilitent la prise de conscience de l’existence de points de rencontre et de différences sociocultu- rels et offrent la possibilité d’étre confrontés des formes variées d’appréhen- sion d’un méme événement. I1s*agit en outre d’encourager une ouverture surle monde en favorisant la circulation de points de vue sur la culture de l'autre et sur sa propre culture Cette démarche est d’autant plus pertinente dans certains contextes — oit domine Phomogéngité socioculturelle du groupe classe et/ou la faible expo: tion a un environnement culturel varié ~ que l’acquisition d’un capital culturel diversifié ne peut s’envisager hors cadre éducatif. Le recours a des documents authentiques offre un anerage sur la réalité grice auquel l'apprenant peut se voir exposé a un environnement culturel varié. En outre, favoriser l’acquis tion d'un capital culturel diversifié, c’est sélectionner des documents dont les contenus ne sont pas forcément conformes a la perception du monde franco- phone des apprenants. Si, comme ’avance Abdallah-Preteeille et Porcher, le premier réle d’une institution Sducative est “I’égalisation des chances, c’est-a-dire la dotation en capital culturel adéquat de ceux qui possédent le plus faible et le moins di- Inlercompreensio, 16, Chamusea, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 (Créer ne banque de données de documents authentiques :qusls eritéresretenir? 131 versifig” (1996 : 30), elle se doit de participer au développement de ce capital culturel en permettant & 'apprenant d’aceéder A des données qui lui sont a priori inaccessibles. 3. Critéres pour la constitution d’une banque de données La sélection des documents implique préalablement une réflexion sur les objectifs a faire atteindre et sur les enjeux de ’enseignement/apprentissage du frangais. L’une des tapes consiste a dégager ce qui motive l’apprentissage : suivre des cours dans une école/université francaise/francophone ; rédiger un mémoire ; valider un diplome ; voyager ; etc. On ne reviendra pas ici sur la nécessité dune analyse des besoins du public auquel est destinée la formation, cet aspect ayant déja largement ét8 développé en son temps par ailleurs (cf. Vignier 1980), Dans les lignes qui suivent, aux edtés de critéres formels, pragmatiques, thématiques, culturels, etc. internes aux documents, on abordera la nécessité de tenir compte de paramétres réglés sur le profil et les besoins des apprenants cet sur le contexte d’enseignement/apprentissages. C’est done en s’appuyant sur analyse de discours et sur les approches interactionnelles et pragmati- ques qu'une réflexion sera menée sur les aspects considérer pour définir cer- tains critéres de sélection et de classification de documents authentiques dans une perspective «optimisation du temps de préparation de classe. 3.1 Des documents recyclables/réexploitables La didactisation de supports authentiques nécessite un investissement que des critéres de sélection peuvent permettre de rentabiliser davantage En conséquence, la présentation d'outils issus de I'analyse de discours présidant a la sélection de ressources authentiques précéde lexplicitation des critéres de choix des documents. 3.1.1 Entrer par les genres de discours L’entrée par les genres de discours repose sur la prise en compte de do- cuments écrits ou oraux qui se caractérisent par la présence de régularités suffisamment représentatives pour permettre une identification entre eux. Cet air de famille émane de “traits discursifs stables” interprétables aux travers Intercompreensio, 16, Chamusca, Edisées Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 12 Intercompreensio, 16 de “régulations sociolinguistiques traduisant des normes sociales de com- portement langagiers” (Beacco, Moirand 1995 : 47). La proximité peut en outre étre dégagée de phénoménes extra ou para linguistiques de type ico- nique (illustrations, schémas, croquis, eneadrés, ete.) prosodique, kinésique, gestuel, etc. Ainsi, l’identification du genre ‘interview de presse’ repose sur la reconnaissance de certains aspects de cet article médiatique construit autour de la mise en scéne d'un interviewé et d’un intervieweur. Cette configuration suppose l’introduction de citations et/ou de structures de dialogues mises en re- lief par des procédés typographiques spécifiques de la communication imprimée (guillemets, tirets, changement de graisse de caractéres, etc.). Parallélement, au niveau linguistique, la mise en seéne des participants de interview passe par Vatilisation de marqueurs de subjectivité grice auxquels la figure des interve- nants peut étre appréhendée. (Claudel 2004 : 32-33). Cette description succinete de interview ne se limite pas au genre ren- contré dans les médias frangais et francophones. Les phénoménes de surface décrits ont en effet permis d’établir des liens de parenté avec ce méme genre en japonais (cf. Claudel 2002 et ibid. ). Le recours a des genres circulant dans la langue/culture source constitue un facilitateur pour 'apprenant : le document offre de ce fait un degré d’an- ticipation élevé sur la situation d’énonciation et la possibilité d’hypothéses prévisibles sur sa visée pragmatique ; de la sorte, son mode de saisie s’en voit simplifié®. L’expérience de 'apprenant en tant que locuteur nati favorise la prise de conscience de la mise en ceuvre de stratégies permettant l'accés au sens et le transfert de ces stratégies en langue étrangere. Elle réduit éga- Jement l'appréhension que tout enseignement/apprentissage peut engendrer, la démarche reposant sur du familier. Il en va de méme lorsque le passage s‘effectue non pas d'une langue 4 autre, mais d’un champ disciplinaire ou un parcours d’éducation a un autre. La maitrise d’un genre scolaire comme par exemple la dissertation peut étre, dans une certaine mesure, réinvestie au niveau universitaire pour la rédaction dun écrit long comme le mémoire. De la sorte, c’est dans un mouvement allant du connu vers l'inconnu que se déve- loppe le processus d’appréhension des textes. Cotte étape préalable de la réflexion ne doit copendant pas occulter "importance d'une articulation avec {des extéricurs linguistiques comme le type de support (quotidien, hebdomadaire, médias grand publi spécialisé, et.), le profil de Ia cible, le positionnement idéologique, ete. Autant d’aspects plus spécifi- ques de la culture de laquelle émanent les documents Intercompreensio, 16, Chamusca, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 Créer une banque de données de documents authentiques : quels critéres retenir ? 153 Parall8lement, l’intérét porté & des supports apparentés permet la mise en évidence de points d’hétérogénéité entre les genres qui, dans chacune des communautés concernées, peuvent obéir 4 des modalités de présentation et/ou de mise en texte différentes. Tel est le cas pour la correspondance épistolaire et les messages électroniques dont le format de présentation et/ou la nature des actes de parole peuvent varier selon les cultures (cf. Claudel 2010 et & paraitre). La constitution d’une banque de données de documents authentiques doit par conséquent tenir compte de l'apport que constitue le recours & des gen- res de discours transculturels. Un travail sur les modalités de fonetionnement d'un genre existant aussi bien en langue/culture cible qu’en langue/culture source peut conduire la mise en place d’activités interculturelles. Une orien- tation qui n’implique cependant pas la mise & l’écart des configurations dont les propriétés sont culturellement marquées. Ainsi, les critéres & retenir pour la classification des documents pourront Gtre fixés d la lumiere des spécificités génériques des documents en question. 3.1.2 Entrer par les taches L’entrée par les taches va impliquer des regroupements de documents de genres variés, mais qui n’en serviront pas moins un méme enjeu : la réa- lisation d'un appel & communication, d’une proposition de communication, un programme, d'une affiche, d'une page internet, etc. Tous ces documents peuvent étre utiles a la préparation dun colloque (ef. Claudel, Veniard 2011), Il sera done pertinent de les regrouper pour ensuite déterminer le role que cha- cun d’entre eux pourra jouer dans une activité de classe s*inscrivant dans une action sociale & accomplir. Cette classification permet de circonscrire la tiche (voire, de définir des taches secondaires) a effectuer et de familiariser les apprenants avec des do- uments auxquels ils sont susceptibles d’étre confrontés. En effet, Venseigne- ment/apprentissages par les tiches peut, s’il n'est pas suffisamment canalisé, devenir difficilement contrélable. Une méme tiche peut, selon le contexte dans lequel elle sinscrit, étre (langagiérement) plus ou moins complexe & ac- complir. Ainsi, soutenir son mémoire de master avec tout le rituel que cela im- plique, et faire un exposé en classe n’implique pas le méme type d’échanges. Hest de ce fait souhaitable de délimiter précisément la tiche 4 accomplir afin den prédéterminer le degré de complexité en fonction notamment du niveau de compétences langagiéres et disciplinaires des apprenants, Intereompreensio, 16, Chamusea, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 134 Intercompreensao, 16 La réalisation de la tache (résultat identifiable) est I’objectif 4 atteindre. L’ensemble des moyens langagiers et disciplinaires & mettre en ceuvre pour atteindre cet objectif sont de deux types : ceux qui sont déja acquis et ceux a acquérir. Quel que soit le réle qu’ils tiendront, les documents retenus doivent donc permettre 'appréhension de compétences et de connaissances en cours acquisition. Compte tenu de ces éléments, les critéres 4 retenir pour la classification des documents vont étre établis 4 partir de l’inventaire des supports pouvant @tre nécessaires a l'accomplissement d’une méme tache eV/ou a partir du re- levé des différentes taches qu'un méme document pourra servir. 3.1.3 Entrer dans les documents L’attention portée aux documents authentiques en tant que genre oriente la prise en compte de catégories linguistiques, discursives et pragmatiques a Porigine de leur regroupement. Partant de la, la sélection peut s*opérer sur la base des formes redondantes du point de vue linguistique et discursif: mor- phosyntaxe, procédures langagiéres spécifiques comme la définition, l"expli- cation, la prosodie, etc. Ainsi, la présence répétée des désinences verbales de l’impératif dans des séquences prescriptives peut se rencontrer dans des modes d’emploi ou des recettes de cuisine, celles du futur dans des séquences prédictives peut se retrouver dans les horoscopes ou les bulletins météo, tandis que la présence de descriptions peut étre constatée dans des reportages ou les commentaires de visites touristiques. La collecte de supports peut également impliquer l’observation de la ma- térialité des textes sous angle énonciatif. Le repérage des indices de subjec- tivité : marques de la personne, modalité appréciative, etc., peut permettre de distinguer les discours neutralisants des discours subjectifs (Souchard 1989). Alors que dans les premiers, l’objectivité prédomine, dans les seconds, ’énon- ciateur se manifeste de fagon plus ou moins éclatante. Ainsi, le mémoire de re- cherche tend a afficher un détachement énonciatif que le rapport de stage (cf. Cislaru, Claudel, Vlad 2011 : 184) a plus de mal a dissimuler, dés lors qu’il suppose une implication forte de l’énonciateur. S'il en résulte la possibilité d'une sélection des documents sur la base des modalités de fonctionnement des indices qu’ils contiennent, l’examen des marques linguistiques condui- sant 4 une opposition entre deux positionnements énonciatifs ne saurait étre la seule voie d’accés. Intereompreensiio, 16, Chamusea, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Edueagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 Créer une banque de données de documents authentiques : quels eritéresretenie ? 155 Entrer dans un document peut en outre s*effectuer par le biais des actes de langage. En ce cas, considérer en premiére instance non pas les formes linguistiques, mais la visée pragmatique que 'agencement de ces marques et, concomitamment, les données extra verbales (situation de communication) et para verbales (gestuelle, kinésique, ton, etc.), induisent nécessite de sappuyer sur la valeur illocutoire des énoneés : ordre, conseil, proposition, etc. Dans cette perspective, on considére que “la vocation premiéte du langage n'est pas de représenter le monde mais d’agir ; dire, c'est faire” (Traverso 1999 : 13). S*appuyer sur la visée pragmatique implique une classification différente se- Jon la nature du document. Si le support renferme un macro acte de langage : donner des instructions dans le cas du mode d’emploi, le classement sera fa- cilité au regard de celui de documents combinant plusieurs actes comme faire des achats (saluer, faire une requéte, remercier, prendre congé). De ce fait, les critéres a retenir pour la classification des supports péda- gogiques pourront provenir de l'identification des actes de langage les plus représentatif’s et de la saisie des outils langagiers les plus récurrents de chaque document. Dans la perspective qui est la nétre, la présentation qui précéde constitue un préambule a une approche visant l'articulation entre données linguistico- discursives, dimension pragmatique et composante culturelle. Ces quelques jalons permettent le repérage de certains traits pertinents destiné a un cadrage méthodologique cohérent (cf. Courtillon J. (2003), Laurens V. (2003), Le- meunier V. (2006a et b)), indispensable a la sélection de documents. 3.2 Collecter des données Le choix des documents doit permettre leur réutilisation. Ainsi, la thé matique doit avoir une durée de vie suffisamment longue pour pouvoir étre introduite & nouveau auprés d’autres classes, Par ailleurs, un méme document doit non seulement contenir des éléments langagiers correspondant & ’objec- tif fixé, mais il doit en outre comporter des aspects culturellement intéressants pour pouvoir étre exploité. En résumé, un document doit renfermer tout & la fois des données pragmatiques, culturelles et linguistiques pertinentes et pou- voir étre utilisé, moyennant adaptation des activités qui lui sont rattachées, & d'autres moments, a d’autres contextes, a d’autres niveaux, etc. Aussi, pour répondre aux objectifs de développement de l'esprit critique des apprenants et de diversification de leurs connaissances, les choix effectués doivent I’étre sur la base de critéres objectifs. ercompreensio, 16, Chamusca, 012, pp. 139-160 igdes Cosmos / Escola Superior de Edueagdo de Santarém, 156 Intercompreensio, 16 3.2.1 Sélectionner’ L’étape qui suit envisage adoption d’une démarche générale visant la constitution d’une banque de données de documents authentiques recyclables aptes au traitement simultané des aspects linguistico-discursives, pragmatique et culturel évoqués. Les exigences formulées précédemment impliquent le recueil de docue ments dont les propriétés reposent sur des critéres : - de congruence : les documents doivent étre adaptés ou adaptables au public visé et posséder les caractéristiques adéquates pour étre didac- tisés ; = de fidélité : les documents sélectionnés doivent refléter la réalité con- temporaine et non livrer une vision éduleorée de la société francaise! francophone ; - de diversité : introduction des thémes doit s’effectuer a partir de sources variées, voire contradictoires et comprendre les différents ac~ teurs, les enjeux et les discours tenus autour de ces thémes ; de plus, les problématiques contenues dans les documents doivent étre variges et s’appuyer sur des supports dont les dimensions générique et trans- culturelle favorisent l’apprentissage et |’acquisition d’un capital cul- turel diversifig : - de “fruetuosité” : les supports adoptés doivent renfermer des con- tenus destings a susciter une réflexion sur les caractéristiques de la population de la langue/culture cible pour faire appréhender la société frangaise/francophone dans sa diversité ; - dintérét (inter-)culturel : les supports doivent permettre une analyse des représentations de la culture de l’autre afin de dégager les clichés dominants en vue de les dépasser et de prévenir les malentendus ; ils doivent également encourager une ouverture sur le monde en favori- sant la circulation de points de vue sur la culture de autre et sur sa propre culture pour préparer les apprenants a jouer un role d’intermé- diaire culturel (cf. Claudel, Lemeunier 2007). 3.2.2 Reeyeler Par ailleurs, pour le recyclage des documents, d’autres aspects sont & considérer. L'absence d’ancrage temporel est un élément sur lequel on peut Intercomprecasio, 16, Chamusca, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160 Créer une banque de données de documents authentiques : ques eriiresretenir? 17 prendre appui pour décider de la prise en compte de supports destinés & la constitution d'une base de données. Car, plus le document est temporelle- ment marqué, plus il est amené devenir obsoléte rapidement. La sélection de documents quelque peu atemporels (poémes, notices, article scientifique, documents touristiques...) est done préconisée. Le caractére cyclique d’un document est également a envisager. Bien gu’inscrits dans le temps, certains documents peuvent étre sélectionnés sur la base de leur périodicité comme c'est le cas de programmes pérennes (bulle~ tins météorologiques, grilles télévisées, commentaires sportifs, profession de foi...). L'exploitation faite est done transférable Les multiples facettes que renferme un méme document et la modulation possible de sa didactisation permettent d’en faire objet de diverses exploi- tations pédagogiques. Ainsi peut-il étre réutilisé avec des groupes de diffé- rents niveaux. De méme que si, dans un premier temps, il a été sélectionné comme support de compréhension, il peut étre, dans un second temps, source inspiration pour un exercice de systématisation ou utilisé comme support de production. La constitution de la banque de données selon ces critéres va aboutir & un gain de temps. De la sorte, l’enseignant pourra & tout moment y trouver des supports de classe ré-exploitables. Ainsi, il pourra se consacrer davantage la collecte et a exploitation de nouveaux documents et sera en mesure en classe, d’introduire de temps & autre, des documents qui ne répondent pas aux critéres précédemment définis mais qui ont un intérét ponetuel (au regard de Vactualité, par exemple) Conclusion Concevoir une banque de données de documents pédagogiques est un projet & envisager non pas 4 une échelle individuelle ni méme au niveau d°un établissement d’enseignement des langues, mais a un échelon plus global Le recueil de documents exploitables dans des champs disciplinaires va- rigs pourrait étre mis en ceuvee. A titre d’exemple, la mutualisation de docu- ments pour la formation langagiére et disciplinaire d’étudiants étrangers en France constituerait un atout. Une telle mutualisation devrait permettre @’har- moniser les contenus des cours pour éviter les disparités entre des groupes de méme niveau ; de rentabiliser le temps de préparation car les outils pédagogi ques réalisés par les uns seraient mis a la disposition des autres ; d’optimiser Intereomproensio, 16, Chamusea, Edigdes Cosmos / Escola Superior de Educagio de Santarém, 2012, pp. 139-160) 158 Intercompreensio, 16 les outils pédagogiques car leur utilisation par d’autres pourraient engendrer de nouvelles idées d’exploitation. Ce travail d’équipe rentabiliserait le temps de préparation de cours en ce sens que la démarche permet de multiplier les idées, de confronter différents points de vue, de réfléchir différemment, etc. En travaillant ensemble, les en- seignants pourraient ainsi mettre leurs compétences individuelles au service des autres. Leur complémentarité leur ferait gagner un temps précieux. En outre, le travail de groupe pourrait générer davantage de créativité et offrirait occasion aux enseignants de tous horizons de se co-former. Références bibliographiques ABDALLAH-PRETCEILLE, M., PORCHER, L. (1996) : Education et comimunica- tion interculturelle, Paris, PUF BEACCO, J-C., MOIRAND, S. (1995): « Autour des discours de transmission de connaissances », Langages, n°117, 32-53. BESSE, H. (1980) : « De la pratique des textes non littéraires au niveau TI », Le fran- ais dans le monde, n°150, 50-57. CONSEIL DE L’EUROPE (2001) : Cadre européen commun de référence pour les langues, Paris Didier CISLARU, G., CLAUDEL, Ch., VLAD, M. (2011) : L écrit universitaire en prati- que, Bruxelles, De Boeck CLAUDEL, Ch. 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