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ETUDE SUR LA TAMAZIR’T DENATIA DE QALAAT ES~SENED (TUNISIE) Dr PROVOTELLE DE Garsa ¢ PARIS ERNEST LEROUX, EDITEUR 8, RUE RONAPARTE VI 1914 PREFACE Nommé en 1910 médecin de colonisation Gafsa, j'ai eu Voc Aatre en frequents rapports aveo les habitants de Ia Qalad de Sened; t pourquoi j'ai eatrepris d’étudier le dislecte berbére encore parlé 5 cette localité située dans la région montagneuse qui fait suite au Djebel Orbata (sud-est de Gafea), Sened est en effet avec Djerbah et Ie pays de Tamezr: (Matmates) ua arabe; encore que l'usage a'en soit plus que secondaire pour ceus qui la parlent; ce n'est plus qu'un patois mélangé de mote arabes dont fon ne se sert que pour n'étre point compria des étrangers au village, Le vocabulaire autochtone a du reste une tendaoce 4 s'appauvrir de plus en plus; il viendra un jour oi la Zenatia de Sened disparaitra & son tour comme elle a disparu a peu prés complitement 3 Majourah et & Sakkat (0. Bow Said) et totalement 4 B, Amran, El Ayacha, ete. Aussi Fai ponsé qu'il était intéressant de fixer les caractéres morphologiques ¢t phonétiques de ce qui subsiste encore de ce dialecte, succinctement avant moi par M,R, Basset, doyen de la Faculté des Leftres @’Alger, dans un travail paru en 1891-92 (Woking, 189%, Cet opascute comprend quelques remarques grammaticales et un petit lexique; le tout joint & des notes sur le dialecte des Harsktas avee un lexique comparé des mots de Bougie, Ge travail m'a été extrémement utile au début de mon étude on Iai constituant use veritable base, Je n'ai trouvé mention d’aucune autre étude sur le dialecte de Seved. Pour la comparaison du dialeete de Sened, j ‘ante, tilisé les travanx sui R, Basset, Blades sur les dialectes ber- Le dialecte des Matmatas a été étudié par le DF Stamme (de Leipzig). Sousle titre Marchen der Berbera von Tamecrat’ in Sid-Tanisien (Leipzig, 1900, in), il publié ua reoueil de contes recucillis de la bouche d'un Matmata pendant son séjour & Tunis, Il est & regeotter qu’une gram= roaire et un lexique a'aieat pas accompagné cette publication, M, Neblil, " Prerace, apres une mission aur Matmatas, a recucili lee éléments d’an travail 4gui n'a pas encore para, a été étudié par M, R, Basset dans le Journal Asiatique (Wotes de Lezicographi berbire, 4" série, Paris, 1893, in-8). M, de Cal Motyliski a également publié dans le méme Jouroal Uh dialogue et deuz textes en Dialecte de Djerbah, avec traduction iateri- nésire et notes (1898) et une chanson dane le Bulletin de Correspondance africaine, fase, V-VI, 1885, p. 561-566; ef. aussi plusieurs fables de Logmin en dialecte de Djerbah dans R. Basset, Logmén berbare, Pa 1890, Dustecre oe Bovots. — R, Basset, L'Insurrection algérienne on 4871 dens les chansons populaires kabyles, pp. 48-60. Louvain, 1892; Bros- selard, Dictionnaire francais-berbére, Parie, 1840, Hanoteau, Grammaire kabyle, Alger, 1859; B. Sedira, Cours de langue kabyle, Alger, 1887, iB; R. Basset, Manuel de grammaire kabyle. Patis, 1887, in-t2; “Aucapitaine, Etude récente sur les dialectes du Djurjura. Paris, 1867, in-8; R. Basset, Logman berbére, Catou, — Masqueray, Comparaison d'un vocabulaire du Zénaga avec les vocabulaires correspondants des dialectes des Chawia et des Beni Meab (Archives des Missions scientifiques, 18:9); Tochon, Essai d'une grammaire chaoui, ila suite de Sierakoweki, Das Schaui, Dresde, 1871, in-8; Mercier, Le Chaouia de U'Aurés, Paris, 1896, in-8; R. Basset, Notes sur le Chaouia de la province de Constantine. Paris, 1892, in-8 Mercier, Ging textes berbéres en dialecte chaouia. Pacis, 1900, in-8; Huyghe, Dictionnaire francaie-chaouia. Alger, 1906, in-8; id,, Diction- francais, Alger, 1901, ia-8, Hanaera, —R. Basset, Notice sur le dialecte des Haraktas. Woking, 41892; id., Logmén berbare, Ovancua xr O. Rn, —R, Basset, Etude sur ta Zénatia du Meab, de Ouargta et de U'0-Rir', Paris, 1892, i0-8; Biarnoy, Ktude sur le dialecte berbare dz Ouargla, Paris, 1908, is Dinan, Nurovss, — De Motylinski, Le Djebel Nefousa, Paris, 1698, fnc8; R, Basset, Logmdn berbére; Grimal de Guiraudon, Dyabaili Yoca- bulary dane le Journal of the Royal Asiatic Society, oct, 1893; R. Basset, Les Sanctuaires du Djebel Nefouse. Paris, $899, ia Guvanis, —_R, Basset, Logmén berbire; De Motyl berbire de Rdamés, Paris, 1904, in Guar, — R, Banset, Notes de lexicographic berbire, Ir série, oh, IIL; Nehlil, Etude sur te dialecte de Ghat, Paris, 1909, in-8, Srouan xr Aoupman.— R. Basset, Le dialecte de Syouah. Paris, 1890, in-8. On remarquera que je a'ai pas employé le terme de Dialecte du Djerid. Ii me semble que cette dénomination porte & confusion, Dans le Djerid Le coxua's px D: naire chaoui ski, Le dialecte PREFACE nu — qui e'étend de Gatsa a Nefta — le Djeridi, "homme de Ia plaine est ‘constammest opposé au Djcbeli, "homme de la montagne (Sendi, B, Amri, 0, B. Saad, Ayachi, etc.) Le Sendi ae se méle guére aux tribus environaaates : il ne va jamais, comme les gens du « Djerid weai », aux orgies de Sdada, prés de Kriz, qui oat lieu tous lee ans et qui doivent etre les restes dane vieille coutume, trbs ancienne, Ce qui nlempéche da reste que toutes ees populations soient d'origine évidem- ment berbire, mais les mélanges ont altéré le type primitif et doané liew & des sous-races distinctes les unes des autres. Pourrait-on troaver dans d’autres localités tunisiennes des traces de la lange berbére? Peut-itre examen détaillé des divers dialectes arabes donnera quelque satisfaction a cet égard; je signalerai les dia- Jeotes parlés dans 'Eafida (Takrouna) ot peat-éire le Cap Boa of une Jocalité a gardé Ie nom d’Azemmour, — Des racines peuvent avoir été Aéformées et avoir été confondues avec des racines sémitiques. J'ai indiqué quelques mots dans le glossaire a titre de pare indieation sans chercher & en tirer aucune conclusion. Groseatms, — Wai négligé & dessein un grand nombre de mols pro- venaat de 'arabe lorsque le- passage de arabe au berbére n’eatrainait pas de modifeations phonétiques intéressantes, Egalement négligés les mots comme abidoun, Ye seau, taharrost, la voiture, ete ‘Jai fait suivce certains mots de leurs analogues dans d'autres dislectes herbires que j'ai pu consulter, Ml y a en elfet des modifications de racines, qui permettent de comparer les dialectes entre eux, Chaque fois que le sendi dilfére lexicologiquement des dialectes de Bougie et du Nefousa j'ai indiqué ces divergences, Mes informateurs principaux pour le dialecte de Sened ont été Teieb ben Boubaker, notaire de Sened, excelleat homme et mon ami, intelligent et dont Ia grande bonae volooté ot Is patience m’ont permis de mener & bonne fin la tiche que j'avais entreprise. Je lui die cordialement merci, ainsi qu’é soa fils Mohamed bea Taieb, qui m’a fourai d’amples rensei- guements, De plus la foule des Sendi, qui viennent journellement au: marché @ Gafea, m'a permis d’établic ua contréle sur la valear des mots et surtout la prononciation individuelle, Je dois remercier aus: M, Abderrhaman Guiga instituteur 4 Gafsa qui jerprate toutes les fois qu'il m’était nécessaire d’obtenir ua reasei- guement bien précis, bien voulu me servi M. R, Baaset, le maitre incontesté des études berbéres, doyen de la Faculté des Lettres d’Alger, a droit i toute ma profonde reconnaissance pour les conseils éclairés qu'il ne m'a pas ménagés et pour avoir bien Ww PREFACE voula revoir mon travail en me sigoalant tout ce que mon inexpérience avait Iaiseé ccbapper : je lui exprime ici de tout mon eur mee rem clments tre respectueax, Test quelqu'an qu'il mest doux de mentionner en terminant : ma cohére femme, qui m's aidé dans mon travail et 4 qui je suis heureux de dire toute ma profonde affection, BTUDE SUR LA TAMAZIR'T OU ZENATIA DE QALAAT ES-SENED INTRODUCTION I. — Historique. Le village deSened —Qalaat es-Sened — est situésurle flanc septentrional de la chaine montagneuse qui fait suite al’est av Djebel Orbata, environ a 48 kilométres de Gafsa, Les Sendi reconnaissent étre de la méme famille ethnique que les habitants de Bou-Amram, Sakkat (Oulad Bou Said), El “Ayacha, villages du flanc méridional de la méme chatne de montagnes, et que ceux du Dj. Majourah, situé plus au nord, des localités, autrefois habitées, de Oum el Aleg et Bou- Zannoueh (flane septentrional). Tons ces villages formaient autrefois des déchras, posées en nid d’aigle sur un sommet difficilement accessible. afin de se défendre contre les pillards. Bou-Amram en particulier a une position pittoresque, et de loin, dans la vallée, ses maisons tuinées font penser & quelque vieux chateau féodal démantelé, ‘Toutes ces populations —sauf Sened — parlent maintenant Yarabe. On m’a assuré qu’a Sakkat quelques personnes Agées pouvaient encore dire quelques mols berbéres. A Majourah ‘

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