1) Lorsque jai commenc passer mes aprs-midi dans la salle de bain, je ne comptais pas my installer ; non, je coulais l des

s heures agrables, mditant dans la baignoire, parfois habill, tantt nu. Edmondsson, qui se plaisait mon chevet, me trouvait plus serein ; il marrivait de plaisanter, nous riions. Je parlais avec de grands gestes, estimant que les baignoires les plus pratiques taient celles bords parallles, avec dossier inclin, et un fond droit qui dispense lusager de lemploi du butoir cale-pieds. 2) Edmondsson pensait quil y avait quelque chose de desschant dans mon refus de quitter la salle de bain, mais cela ne lempchait pas de me faciliter la vie, subvenant aux besoins du foyer en travaillant mi-temps dans une galerie dart. 11

LA SALLE DE BAIN

3) Autour de moi se trouvaient des placards, des porte-serviettes, un bidet. Le lavabo tait blanc ; une tablette le surplombait, sur laquelle reposaient brosses dents et rasoirs. Le mur qui me faisait face, parsem de grumeaux, prsentait des craquelures ; des cratres et l trouaient la peinture terne. Une fissure semblait gagner du terrain. Pendant des heures, je guettais ses extrmits, essayant vainement de surprendre un progrs. Parfois, je tentais dautres expriences. Je surveillais la surface de mon visage dans un miroir de poche et, paralllement, les dplacements de laiguille de ma montre. Mais mon visage ne laissait rien paratre. Jamais. 4) Un matin, jai arrach la corde linge. Jai vid tous les placards, dbarrass les tagres. Ayant entass les produits de toilette dans un grand sac-poubelle, jai commenc dmnager une partie de ma bibliothque. Lorsque Edmondsson rentra, je laccueillis un livre la main, allong, les pieds croiss sur le robinet. 5) Edmondsson a fini par avertir mes parents. 12