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REPUBLIQUE DHAT
Le Sénat
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i. ADRESSE DU PRESIDENT DU SENAT A LA NATION
Le Président -
18 novembre 2014
Distingués Collégues du Bureau du Sénat,
Sénateurs de la République,
Députés des différentes circonscriptions électorales du pays,
Amis et partenaires étrangers de la Communauté internationale présents
en Haiti
Jeunesse haitienne de nos villes et de nos campagnes.
Haitiennes et Haitiens de toute condition, de toute situation et de tout
statut social, politique et religieux vivant en Haiti et a |’étranger;
Peule haitien,
Je m‘adresse a vous, mandaté par mes Pairs, depuis cette Tribune
historique de la Présidence du Sénat de la République oti jadis, et hier
encore en 1915, siégeaient et tonnaient des Sénateurs remarquables
comme Stenio Vincent, Seymour Pradel, Pauléus Sanon, Edouard Pouget,
Georges Léger, etc., qui, face aux défis de I’heure, se sont opposés aux
forces antinationales de la conjoncture. Porte-Parole autorisé du Sénat de
la République dans toutes ses composantes, je souhaite un joyeux
anniversaire patriotique a tous les Combattants de la Dignité et de la
Liberté, aux Défenseurs des droits, aux filles et aux fils du Fondateur de
cette Patrie, le général Jean-Jacques Dessalines le Grand !
Avenue Mari
ition, Port-au-Prin
122-8541 / Fax: (509) 2222-3903
wuwpresidencesenath@)En effet, le 18 novembre 1803 figure dans la galerie des grandes dates de
Vhistoire universelle | Connue ou méconnue, confisquée ou ignorée, le 18
novembre 1803 est une date d’appropriation haitienne que nous avons
imposée au monde. 500.000 Négres d’une nature supérieure que les colons
d’alors appelaient bandits et va-nu-pieds ont dit Non a Napoléon
Bonaparte, le plus jeune et le plus grand stratége militaire de son temps.
Ici en Haiti, cette population de 500.000 ames s’est convertie en soldats
et officiers, et ils ont battu et vaincu l’esclavagisme, le colonialisme et
Vimpérialisme francais! Les ennemis de la liberté ont signé ici leur
teddition sans condition et ont été forcés d’abandonner le territoire dont
\Indépendance allait tre proclamée d’abord le 29 novembre 1803 a Fort-
Liberté et ensuite, aux Gonaives le 1° janvier 1804.
Mon adresse de ce jour sera bréve, sobre et directe. Elle sera une
condamnation sans complaisance de cette manceuvre malicieuse et
cynique de manipulation de l'opinion nationale et internationale visant a
imputer au Parlement, plus spécialement au Sénat et au groupe des six, la
responsabilité du blocage électoral. Elle comportera également une
dénonciation de l'entreprise astucieuse de vous ravir les acquis
démocratiques remportés au détour des années 80 dans Ihéroisme
quotidien d'un combat épique contre la dictature
Mes chers compatriotes,
Il n'est plus opportun ni méme raisonnable de se poser la question sur le
pourquoi et le comment de la situation qui prévaut en ce dernier trimestre
de l'an 2014, tant toute chose est devenue claire a l'observateur le plus
étourdi. Le Pouvoir exécutif, brandissant avec une légéreté cocardiére,
comme un chantage, ce fameux article 136 qui le charge justement de
veiller en tout temps a la continuité des institutions républicaines, n’a pas
jugé bon d’organiser les élections législatives en octobre 2011 en prévision
du départ d'un tiers du Sénat en janvier — ou en mai — 2012. Et le 8 mai
2012, abstention volontaire ou imprévoyance feinte, le Sénat est réduit a
vingt (20) membres a la grande satisfaction de ceux qui mijotaient le
dysfonctionnement ou la disparition de ce Corps qui avait montré trop totdes signes de rigueur dans l'accomplissement de sa fonction de contrdle
de l'action gouvernementale.
Loin de prendre des dispositions pour combler la vacance, on décida de
perpétuer la fragilité sénatoriale par des stratagémes qui n’ont surpris
personne. C'est dans cette optique que fut lancé le projet farfelu et
improbable de constituer un Conseil Electoral Permanent, alors que
lExécutif, superbément conseillé par d’anciens parlementaires bien pétris
de droit parlementaire, savait bien que le 3° alinéa de l'article 192 de la
Constitution amendée était inapplicable pour la raison évidente qu’avec un
effectif de 20 membres, le Sénat ne pourrait jamais réaliser un vote de
deux tiers, le président de séance ne pouvant voter lui-méme.
On éternisa les débats, parallélement 4 une campagne de dénigrement aux
dépens du Sénat, sous prétexte qu'il refusait de désigner ses trois
représentants au Conseil Permanent. Et au bout de six (6) mois,
Vimposture se concrétisa sous la forme d'un arrété présidentiel nommant
un Conseil Electoral Permanent de six (6) membres, en violation de la
Constitution qui en fixe le nombre a neuf (9).
Et le temps continua de couler lentement dans la poire des dilatoires
jusqu’a ces pourparlers de fin 2012 sous les auspices de Religions pour la
Paix et qui accouchérent du Collége Transitoire du Conseil Electoral, un
CT-CEP sorti de la besace du Pére Noél le 24 décembre. II était clair pour
tous que le mélange de genres (provisoire/permanent) rendait le nouveau-
né impropre a la vie. Et bien que supporté par une propagande
flamboyante de la part de |'Exécutif qui ne pouvait cacher sa mainmise sur
cette engeance, bien que doté de toutes les commodités de la survie
(moyens financiers, aréopage humain et appareillage logistique), le CT-
CEP végéta durant une année, incapable de poser un seul acte qui inscrive
son existence et ses démarches dans la ligne de sa mission régalienne de
réaliser des élections, déja en retard de deux ans. Mais c’était une année
de gagner pour ceux-la qui voulaient pousser au plus loin ’échéance
électorale et s’apprétaient déja a féter au deuxiéme lundi de janvier 2014 le
départ du Parlement dans ses deux composantes. Mais la lutte épique du
Sénat, soutenue par l'opposition démocratique et méme certainsparlementaires partisans du régime, ont débouté les courtisans. Alors on
s'engagea, fin 2013 et début 2014, dans des pourparlers couverts par le
prestige du premier cardinal haitien, et qui aboutirent a la signature
controversée, assortie de nombreuses réserves, de I'Accord d’EI Rancho.
Tout le monde convient que cet accort contient des points irritants, voire
inconstitutionffels, tel cet article 12 qui enléve au Parlement l'une de ses
prérogatives essentielles et confie 4 un corps non élu le pouvoir de
légiférer et d’amender une loi votée par les chambres. Cependant, trop
content de s’en tirer a si bon compte, lExécutif se précipita dans
application de l'Accord. II constitua son gouvernement d’ouverture en y
intégrant ses propres alliés ; dans sa foulée sur le boulevard désormais
libre de ses lubies, il confirma la mutation du CT-CEP en Conseil Electoral
Provisoire. Sans omettre en toutes occasions de brandir l'article 12 comme
une menace pendante pour vaincre, ramollir ou contourner la résistance du
Sénat.
C’est a ce carrefour précis de mars 2014 qu’intervint le G-6. Pour dire ceci
le Conseil Electoral Provisoire n’est ni la fille ni une excroissance d'un
organisme préexistant. La Constitution amendée indique souverainement
la procédure de sa formation et de son fonctionnement. Et si l'article 289 y
relatif fait mention de Conseil National de Gouvernement plutét que de
Pouvoir Exécutif, c'est la ce qu’on appelle une erreur matérielle due a la
négligence des rédacteurs |égislatifs et n’emportant nullement
obsolescence ni la désuétude de article, comme on se plait a le
proclamer. Et, a 'opposé du G-6 se dressa le G-5+ soutenant la position
contraire.
En tout état de cause, il n’existe aucune ambivalence dans le registre des
culpabilités. Si |'Exécutif avait honoré ses obligations édictées dans l'article
136 de la Constitution et organisé des élections en 2011, 2012, 2013, le
Sénat aurait travaillé avec un effectif complet de 30 membres ; et en aucun
cas, six (6) sénateurs n’auraient pu, par abstention ou politique de la
chaise vide, infirmer le quorum et maintenir le Corps en otage ou en échec.
De la faute originelle de |'Exécutif découlent toutes les approximations
subséquentes. Il est venu le temps ol chacun doit endosser sesresponsabilités devant le peuple, devant la postérité et devant I’Histoire ; il
est venu le temps pour les véritables artisans du blocage de cesser de
s’abriter derriére I'écran de la propagande mensongére et de faire porter &
d'autres le fardeau de leurs propres fautes et de leurs desseins inavoués et
inavouables, mais longtemps découverts et éventés.
Peuple haitiens.
En dépit des gymnastiques publicitaires et politiciennes,
- ce qui est en cause aujourd'hui, ce n’est point le vote d’amendements
a une loi électorale soi-disant bloqué au Sénat par un G-6 qui ne fait
que proclamer sa fidélité a la Constitution et appeler a son respect
intégral et absolu.
Ce qui est en cause, ce n'est méme pas la tenue d’élections que I'Exécutif
s'est plu depuis trois ans a renvoyer aux calendes grecques pour
aménager un vide institutionne! propice aux aventures autocratiques et
totalitaires et surtout pour se donner le temps d'occuper le terrain
(formation du parti gouvernemental et du mouvement Tét kale, formation
de plateforme politique gravitant dans |'orbite gouvernementale, révocation
des maires élus et leur remplacement par des agents exécutifs intérimaires
sous la seule obédience du Pouvoir, etc.).
Ce qui effraie aujourd'hui, ce n'est méme plus cette épée incessamment
brandie, et désormais émoussée, d’un cataclysme politique qui viendrait au
12 janvier 2015 se greffer sur les réminiscences douloureuses du séisme
de 2010, pour ouvrir sous les pas allégres des apprentis-autocrates la voie
permissive de la gouvernance par décrets qui auraient force de lois.
Ce qui terrifie aujourd'hui et fait trembler tous les démocrates diici,
dailleurs et de partout, c'est le décés programmé de la démocratie
représentative, du systéme parlementaire mixte que le peuple haitien a
choisi au lendemain de sa victoire sur la dictature. C'est la rupture
annoncée et patiemment planifiée de l'ordre constitutionne! haitien, lequel
on veut rendre veuf ou orphelin d'une institution républicaine
incontournable, qui s'appelle le Parlement.Depuis Montesquieu, depuis toujours, le régime démocratique repose sur
trois piliers fondamentaux : Exécutif, Législatif et Judiciaire. J’ajouterais
volontiers la Presse qui est partout considérée comme le 4° pouvoir.
Si lun de ces piliers vient a étre abimé ou fracassé, comme c'est le cas
aujourd’hui,
- sifun de ces pouvoirs vient 4 sombrer dans un dysfonctionnement
naturel ot} machiavéliquement provoqué, comme c'est le cas
aujourd’hui,
- léquilibre est rompu.
Et c'est |’édifice républicain tout entier qui s’écroule, emportant tout dans
son effondrement. Je dis bien: l’édifice républicain tout entier.
Je réaffirme donc aujourd’hui, au nom du Sénat et de tous les Sénateurs
de la République, au nom des Députés en vacances et des Commissions
permanentes de notre Chambre des Représentants du peuple, devant la
Nation et devant la Communauté internationale, je réaffirme, dis-je, le
caractére a la fois politique et juridique de l’existence permanente, continue,
non équivoque, non interrompue, indissoluble et inalignable du Parlement
en général et du Sénat en particulier! Tout réve secret ou révélé d'une
autorité politique qui viserait 4 anéantir 'une ou l'autre des deux branches
du Parlement, par quelque artifice juridique ou politique auquel il se croirait
en droit de recourir, équivaudrait @ un coup d’Etat flagrant contre la
Constitution, un crime de lése-Partie et une forfaiture imprescriptible de
haute trahison qui nécessiterait la légitime résistance du peuple haitien
tout entier pour combattre cette imposture et punir les imposteurs a
quelque corps qu’ils appartiennent.
Que les Consuls aveugles prennent garde et se le tiennent pour dit : aucun
de ces pouvoirs, 4 aucun moment incident ou planifié, ne peut se prévaloir
d'une quelconque prépondérance politique pour s’octroyer le droit de
déclarer le dysfonctionnement ou la caducité d'un Corps consacré par la
Constitution et frappé du sceau indélébile de la Iégitimité populaire. Tant
quill reste un seul Sénateur en poste, le Sénat demeure, vivant dans la
plénitude des ses attributions et prérogatives. Et si méme, par la faute desuns et les astuces des autres, le Corps venait 4 étre amputé d’un tiers, de
deux tiers et méme de Ia totalité de son effectif,
- linstitution sénatoriale demeurerait encore,
- infrangible dans son essence,
- invulnérable dans son existence constitutionnelle,
- exhibant*un vide accusateur qui ne serait que la définition et limage
de la forfaiture de ses détracteurs.
Méme dépouillé de ses élus, |'institution continuera de projeter son ombre
taquine sur le facies des dictatures émergentes, d’empoisonner les
consciences assoupies et soumises, de rappeler le peuple a ses devoirs
envers la Patrie menacée et au souvenir des martyrs qui avaient versé leur
sang et sacrifié leur vie pour ces acquis démocratiques aujourd'hui bradés
avec une si insoucieuse désinvolture.
Mes chers compatriotes,
Sij'ai choisi de vous faire cette adresse la veille du 18 novembre, a l'instant
précis peut-étre ow, il y a 211 ans, Jean-Jacques Dessalines passait les
ultimes consignes a ses brigades pour lultime combat de I'Indépendance,
c'est pour remuer avec vous les cendres du souvenir a la recherche d'une
légende enfouie capable d’alimenter notre courage de peuple résistant et
indomptable et de nous restituer le sens de I'union sacrée et le gofit du
miracle salvateur. En cette veille du 18 novembre, je vous indique d'une
dextre virile, mais tremblante, I’horizon grisatre des temps futurs ol nous
allons devoir peut-étre monter sur les barricades — puisque les dialogues
sont piégés — pour défendre ou reconquérir la liberté que nos Péres nous
ont léguée ou les droits civils et politiques que nous avons conquis au prix
du sang versé.
Contrairement aux prédictions des pessimistes et des adeptes du
chambardement perpétuel, le 12 janvier ne sera pas une date fatidique
pour la démocratie et la République. || sera plutét le jour du Reéveil
Patriotique.A ce rendez-vous historique de la Renaissance haitienne, nous convions
toutes les forces vives de la nation qui ne peuvent supporter aucun
camouflet a la liberté; nous convions également tous nos amis de la
Communauté internationale qui ont fraternellement accompagné notre
cheminement sur la route de la démocratie et qui ne peuvent donc avaliser
une remontée malicieuse et maléfique vers les malédictions et les effrois
du passé.
Le Sénat réaffirme sa foi en l'avenir démocratique de la République d'Haiti
dans l'existence conjointe et équilibrée des trois pouvoirs de |'Etat. II
réaffirme unite compacte et inviolable du corps engagé dans la poursuite
des idéaux républicains et la défense des acquis démocratiques.
Nous proclamons ces vérités; nous réaffirmons ces principes; nous
dénongons les travers de la conjoncture et nous annongons ici que 2015
sera l'année des grands bilans historiques, l'année du grand réveil civique
et de la résistance patriotique.
Le Sénat dédie d’ores et déja l'année 2015 a la jeunesse haitienne dans
toutes ses catégories. Nous la convions au grand pélerinage historique qui
nous conduirons sur les hauts lieux de notre histoire ou nos Péres-titans se
sont magnifiés de la conquéte de la liberté et de l'emancipation jusqu’a
imposer aux puissances colonialistes et esclavagistes un nouvel ordre
mondial de respect de la dignité humaine.
En ce 18 novembre, j'invite toutes les Haitiennes, tous les Haitiens a se
recueillir et A méditer sur la geste de nos Aieux. Quiils se persuadent que
le parfum des bouquets déposés au pied des statues de nos ancétres
serait plus délectable si les fleurs avaient été cueillies au parterre de la
liberté, de la dignité et de la souveraineté nationale.
Simon Dieuseul DESRAS
Président du Sénat
et de ’Assemblée Nationale.