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pe NE Ue) ET NUTRITION ne wnN ns © 1992 ESF éditeur ISBN 2.7101.0892.5 La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées @ l’usage du copiste et non destinées a une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but dexemple et dillustration, « toute représentation ou reproduction inté- grale, ou partielle, faite sans le consentement de I'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (Alinéa I* de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue- rait done une contrefagon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. TABLE DES MATIERES Présentation de l’ouvrage «0-0 ices esse eee eee eee eee 29 Quelques lignes de Jean Trémoliéres ................ 00. .0-- 33 Premiére partie L‘ALIMENTATION DES HOMMES. L_EVOLUTION DE L’ALIMENTATION HUMAINE Jean Claudian ........................................... 39 L’ére_de la récolte./ La cueillette./ La femme et la 2_technigue culinaire./ - 40 La grande chasse... 43 L’agriculture primitive _. 43 La révolution industrielle et ses conséquences alimentaires...» 48 MENTS EN FRANCE, AU COURS DES DERNIERES DE- CENNIES Henri Dupin, Catherine Leynaud-Rouaud ...........02.20005 51 juelques données chiffrées (pain, sucre, viandes, etc. Les aspects nutritionnels de cette évolution 57 Les différences selon le statut économique des pays ........... 60 3, EVOLUTION DES CONCEPTS EN NUTRITION HUMAINE Gérard Debry oo... sees see eee eee sete estes eee e ens 67 Le concept de l’alimentation de homme en tant que résultante de multiples facteurs. : 10 Le concept de besoins nutritionnels .. 14 Le concept de Péquilibre alimentaire . 11 Le concept de la chronobiologie nutritionnelle . 71 Le concept de sujets a risques nutritionnels ... 78 14 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES Deuxiéme partie ALIMENTS ET NUTRIMENTS Marie-Iréne Malewiak, Catherine Leynaud-Rouaud, Anne-Marie Berthier, Yvonne Serville Introduction : notion de nutriments ..........-........-..-.---- ss 87 minéraux./ L’équilibre de l’eau et des minéraux./ L’eau_ comme milieu de cuisson....................22....-....s sees eee 93 2 VETAMINES : les all ich itamines./L ‘ Witamines ... 0.1.1... 107 3. GLUCIDES : données générales./ Les glucides simples: oses./ Les glucides doubles : diholosides./ Les amidons./ Les autres glucides complexes... uz 4. LIPIDES : Aliments riches en lipides./ Constituants des lipides./ Les acides gras. / Le glycérol./ Les stérols, le cholestérol./ Classification des lipides. Propriétés physiques... ..-0..:--sssseeeeeeeeee Lae 5. PROTEINES : Aliments riches en protéines. / Structure chimique, les acides aminés. / Propriétés physiques. / Propriétés chimiques, hydro- Troisiéme partie LA DIGESTION Marie-Iréne Malewiak, Georges Péquignot » Phénoménes mécaniques ct chimiques de la digestion . 195 « Automatisme du fonctionnement digestif ....................... 197 « Fonctions des diverses portions du tube digestif: La digestion dans la bouche 198 La digestion gastrique : motricité, sécrétion, bilan 202, La digestion dans le duodénum : le rendez-vous duodénal, la bile, Ie suc pancréatique 210 La digestion dans l’intestin gréle : mécanismes d’absorption .... 217 Le gros intestin et ses fonctions .... « Bilan de la digestion : le coefficient d'utilisation digestive./ Les fibres ET 222 TABLE DES MATIERES 15 Marie-Iréne Malewi e Les divers aspects de l’énergie dans l’organisme_................- 248 . © Notions de base en biologie et physico-chimie cellulaire./ Les formes utilisation des nutriments par les cellules ................... 251 « Les grandes voies métaboliques : Les aspects biochimiques. Le métabolisme glucidique, lipidique, protéique 258 Le grand tronc commun du métabolisme cellulaire. Le cycle de seeeectrtssiiiis 2722 Le fonctionnement de la chaine respiratoire mitochondriale et la production d@’A.T.P_... 274 La régulation du métabolisme cellulaire 276 La_régulation et le contréle du _métabolisme cellulaire par ‘Ie controle des activités enzymatiques .......seeecesseeeeeeeeee 278 La nutrition de la cellule et de l’organisme en fonctionnement_.. 282 Cinquiéme partic BESOINS NUTRITIONNELS ET APPORTS CONSEILLES POUR LA SATISFACTION DE CES BESOINS Henri Dupin Intr ion L_BESOINS EN ENERGIE ET APPORTS CONSEILLES ........ 297 2. BESOINS EN PROTEINES ET APPORTS CONSEILLES 31 Le besoin azoté global 313 Les besoins qualitatifs, les acides aminés indispensables .. 3.BESOINENEAU as 4. BESOINS EN MINERAUX ET APPORTS CONSFILLES 339 Le calcium. Le phosphore 2. 339 Le magnésium . 2. 344 De fet 8S Liode, le zinc et les autres oligo-éleéments minéraux .........-- 351 5. BESOINS VITAMINIQUES ET APPORTS CONSEILLES ..... 357 itamine C Les vitamines du groupe B 362 Les vitamines A,D,E 367 16 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES 7. REMARQUES SUR LES BESOINS NUTRITIONNELS ....... 379 &_ LES APPORTS EXCESSIFS 000. Sixiéme partie CCOMPORTEMENT ALIMENTAIRE PHYSIOLOGIE DE LA PRISE ALIMENTAIRE. FAIM ET SA- TIETE. REGULATION DU POIDS CORPOREL Stylianos Nicolaidis ...0..sseese eee eeeees rere reee eee eee 389 La faim. Les appétits. Les aversions spécifiques Niveau physiologique du poids corporel. Homéostasic ct homéor- heusie. 393 Régulation du poids corporel, réle des dépenses énergétiques __393 La rigueur du contréle physiologique dela prise alimentaire 397 Les stimuli physiologiques de faim et de satiéte see 399 Les hypothéses . ‘ + 399 I ee Les centres nerveux de la prise alimentaire ............-.-...- 407 2. ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DES CONDUITES ALIMEN- TAIRES Matty Chiva Les apprentissages dans le domaine sensoriel ............ 428 Les_contextes_d’acquisition des habitudes alimentaires 431 Les paradoxes de |’alimentation et les fonctions duculinaire.... 434 Conclusions 0 Septiéme partic LES DIFFERENTS GROUPES D'INDIVIDUS, LEURS BESOINS PARTICULIERS Quelques préjugés nuisibles Les rythmes alimeniatin ae 488 ‘Les restaurants scolaires 00k ABD Lalimentation de I’enfant et es maladies de surcharge de Les apports énergétiques 500 Les apports en protéines, 501 Les apports en minéraux 502 Les apports en vitamines 504 Les femmes qui allaitent_. . 506 Quelques conseils pratiques 507 Madeleine Favre-Berrone, Henri Dupin Su Laceroissement du nombre des + ies personnes dgées restant 4 leur domicile ou en institution .... 512 ‘Les causes des troubles nutritionnels 11... c cess cnseensee 519 Les apports nutritionnels conseillés pour cc groupe d’age ...... SIT Améliorer I’alimentation des personnes gées vo... +s. sseeeeees 520 S_LES SPORTIFS Jean-Pierre de Mondenard 000... eee 525 ‘Les bases physiologiques ct biochimiques . we. 526 Les structures capables de transformer énergie que en énergie, mécanique: 526 526 chaleur produite . 528 ‘Liinfluence de Valimentation sur les performances sportives ....__530 pill opis Gaps Apne Sole 18 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES 6_LES MODES ALIMENTAIRES PARTICULIERS Philippe Walker . 533 Les comportements alimentaires : les courants végétariens, 'hygi¢- nisme, le végétalisme, la macrobiotique . - 534 Les_telations avec léquilibre_alimentaire : mp! ition protéique ~__537 Eléments de comparaison’ 340 Huitiéme partie ‘Catherine Leynaud-Rouaud, Anne-Marie Berthier « Historique ............ 0... eee 549 « Les enquétes sur la restauration hors domicile ..................- 553 « Les recommandations nutritionnelles : les cing groupes d’aliments .. 558 « Applications pratiques 4 la restauration 4 domicile. Elaboration du plan d’achats .. 2.1... eee eee eee eee ee S75 « Quelques remarques concernant plus spécifiquement la restauration Neuviéme partie ALIMENTATION ET SA‘ - ALIMENTATION ET PATHOLOGIES Introduction 615 L NUTRITION ET MALADIES METABOLIQUES Obésité 9 Que faut-il entendre par obésité? .. 619 Contréle de Ja prise alimentaire . 621 Controle des dépenses énergétiques 624 Diabé r 528 Fixer les limites du sujet La glycémie et sa régulation 2 Les différents diabétes _— 2 633 Letraitement.. RT Athérosclérose artérielle . 640 Structure de la paroi artérielle et des lésions d’athérosclérose___ 641 Métabolisme des lipoprotéines circulantes ............... 644 Relations entre l’athérosclérose artérielle et l'alimentation 647 Pathogénie de la lésion d’athérosclérose ................ 651 TABLE DES MATIERES 19 2_ LES ETATS DE DENUTRITION Henri Dupin... . 0.0.00. eee cece eee ees eee s eee ee eee ees 655 Les diff ifte we 655 I itions d’é i tenutriti Les données anthropométriques, les données biochimiques ..... 662 Les remarquables capacités d’adaptation de l’organisme humain 4 des apports réduits ....- 0-2. 0e se eeee ecco 665 L i a 3, DEFICIENCES MINERALES ET VITAMINIQUES EN SITUA- Henri Dupin, Serge Hercberg ......seeeeseseeeteeeeeeenees 669 Notre conception des maladies de carence est_beaucoup trop Les différents niveaux d’apports ct de satisfaction des besoins .. _ 670 Pourquoi des déficiences en situation d’abondance? . 670 Comment préciser s'il y a déficience, puis évaluer ? 673 Prévalence des déficiences vitaminiques et minérales dans la popu- lation francaise vi. 675 Quelle politique de prévention? ......esessssseesveeesessss 676 4, LA CARENCE EN FER, UN PROBLEME D'ACTUALITE Serge Hercberg ........ 20... eee eee eee 679 Lhistai fi Les besoins. Les apports. La disponibilité...............2.. Les causes de cette carence CR ‘Les méthodes d’étude du statut en fer. Epidémiologie . 684 La prevention ....sceeeee sees eres eeeeetten ees teee 685 S NUTRITION ET IMMUNITE. LES INTERACTIONS DES TROUBLES NUTRITIONNELS ET DES INFECTIONS Jean-Claude Dillon, Henri Dupin 689 Bref rappel des mécanismes immunitaires . . 690 Pourquoi les infections retentissent-elles sur état de nutrition? . 691 Les interactions entre malnutrition protéino-énergétique et infec- tion chez le jeune enfant ......-. 0... - eee eee 692 Liinfluence des malnutritions sur la gravité des maladies infectieu- ses chez V'adulte et le vicillard 6d Les effets de certaines carences vitaminiques sur le systéme immu- Lea effets de: cnrtaines careces minérales 696 Les pathologies de surcharge et l’immunité................... 698 6, LES ALIMENTS, L’ALIMENTATION ET LEUR INCIDENCE SUR_LA SURVENUE DE CERTAINS CANCERS Henri Dupin . 701 La contamination des aliments par des mycotoxines 702 20 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES Les produits utilisés en agriculture : engrais ou pesticides ...... 703 Les produits utilisés en élevage pour améliorer la croissance des animaux 703 Les problémes posés par les additifs alimentaires .. . 706 La composition de la ration alimentaire ; I’alcool, les lipides a forte tencur en acides gras saturés, les faibles apports en fibres alimentai- res vegétales, le s¢lénium beeeeess sesees 708 Francois Baudier, Catherine Leynaud-Rowaud ............... 9 Pré A 1 Les supports théoriques : étude des besoins et choix des priorités 722 Définition des objectifs et de la population ciblée ........ 724 i = rr a = Approches par population ou par lieux d’intervention .........__727 Dixiéme partie LES ALIMENTS eos rae - 7 2. Henri Dupin . ‘Tentative.de classification des aliments = mais toute. classification 1 Prodigicuse diversité : origine géographique des principaux ali- ments végétaux 735 Michel Henry .... 2.2... eee eee eee ete eee 739 La production, la consommation, le rendement technologique .. 739 La qualité ; les facteurs de qualité ; tests objectifs ; qualité hygi¢ni- La composition des viandes, leur valeur nutritionnelle ......... 745 La conservation: ................... . 747 réfrigération / congélation et surgélation / autres procédés ~ 5 Conseils pour l’achat, la conservation, l'utilisation domestique: .__754 L’appréciation de la qualité, de la catégorie 754 Remarques sur V'achat des viandes 762 La conservation domestique 765 Michel Henry .......e sss sees sees eee eset eee sees 769 La technologie. L’évolution des conditions de commercialisation Les produits de charcuterie et de salaison..................... 769 TABLE DES MATIERES 21 La composition et les caractéristiques nutritionnelles Les tendances nouvelles Historique 789 Les facteurs de qualité de la viande de cheval _. 790 I cuss Les qualités sanitaires. Les préparations culinaires ............ 793 4, LES VOLAILLES Jacques Paquin ......-... 6... eee eee eee 797 La situation économique. La production. La consommation ....__797 L'€levage, l’abattage et la commercialisation du poulet ........ 800 La qualité : nutritive, sanitaire, gastronomique ......... . 804 Conseils pour le choix, la conservation, Tutilisation ... 807 Guy Piclet sll Les captures mondiales . sll Laconsommation. BIT Le poisson en France: ... 0... e ccs eee eeeeerseersstsaneeess $20 la production / le commerce extérieur /la consommation... 820 Les caractétistiques nutritionnelles des poissons, crustacés et co- quillages :_. 824 les lipides /les matiéres azotées /les minéraux /les vitamines 827 Jean-Christophe Tosi_...................2...... sss eee ees 833. La production et la consommation _.. . 833 La composition : intérét nutritionnel 834 La qualité : les critéres de qualité, les altérations 835 ‘La_conservation ‘Conseils pour l’achat, la conservation, l'utilisation domestique .. 845 7. LE LAIT, LES FROMAGES, LE BEURRE ET LES PRODUITS GRAS A BASE DE MATIERE GRASSE LAITIERE Roger Veisseyre, Jean Lenoir .........seeeeeseeeee secseeess 847 Le lait: 847 La production, la qualité 847 Les laits pasteurisés, stérilisés et procidé_1 UHT, les laits concentrés, les laits en poudre . . 852 Le yaourt .. . 862 Les fromages . 866 La production, la classification, la fabrication . 866 La qualité et Ja valeur alimentaire 869 22 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES Les caractéres particuliers de quelques types de fromages.. 871 Le beurre et les autres produits gras A base de matiére grasselaitiére 876 Le beurre : la production, la fabrication, la composition, les. altérations, le contrdle de la qualité, la conservation . . 877 Les beurres allégés et les spécialités laitiéres a tartiner . 883 La matiére grasse laitiére anhydre 883 8. LES CORPS GRAS Les matigres premigres 000... 000.2eeeceeeeeeeeeeeeneeeeees 889 Les procédés d’obtention et de raffinage des huiles et des graisses 891 Les traitements 8 Lihydrogémation ....... ses sss ee ieee eee ee esse ees 899 Le fractionnement ....... 902 La préparation des margarines ... 903 Les propriétés et les emplois des graisses 906 La valeur nutritive et organoleptique .. 907 Les caractéristiques particuliéres des différentes BTASSCS cece eee eee teen e een eee 908 Les modifications des qualités nutritionnelles des céréales au stade de la meunerie ... 2.0.22... 6. eee eee eee eee eee eee 921 La valeur nutritionnelle des produits céréaliers obtenus en industrie de cnisson + 925 Le pain Les biseottes . Les produits obtenus L’évolution de la consommation du pain et des autres aliments préparés a base de blé Les autres céréales : le riz, le mais ..... a 936 Jean-Louis Cuq et Catherine Leynaud-Rowaud ............- 1. 941 La production, le rendement, l'économie... 942 La consommation des légumincuses ...... 944 La composition, la valeur nutritionnelle : . 945 les inhibiteurs de protéases, les hémagglutinines, les thioglu- cosides, les facteurs de favisme, ef... : Les technologies modernes de valorisation: ..... seus 953 fractionnement des composants / texturation 2. 953 Les protéines de légumineuses dans nos aliments traditionnels_.. _961 TABLE DES MATIERES 23 LL_LES LEGUMES ET LES FRUITS Catherine Leynaud-Rouaud, Anne Latour-Raulin, Jean-Louis Cug, Yvonne Serville... 10... 965 La valeur alimentaire des légumes et des fruits. 965 Les modifications apportées par la cuisson : 971 ff ——— 7 / sur la couleur /sur le goiit_.......................... 973 La production. La qualité. La consommation des fruits frais. 979 Les conserves de fruits ct de égumes : 985 les confitures /les légumes déshydratés /les fruits déshydratés Hes legumes et les fruits fermentés / les conserves appertisces Hes legumes et les fruits surgelés -. 986 Conseils pour l’achat et l'utilisation domestique .. 1011 La place des légumes et des fruits dans l’alimentation - 1015 12. LE SUCRE, LES PRODUITS SUCRES, LE CHOCOLAT Francois Lery 1027 Le sucre : la production, la fabrication, la qualité... 1027 La COmfiserie set ete ne eet 1030 définition légale, les matiéres premiéres, la technologie .... 1030 Le chocolat, Le miel.. 0 RR La place du sucre et des produits sucrés dans I’alimentation .... 1044 13, LES EDULCORANTS Marie-Sylvie Billaux . Rappel de données d’anatomic et de physiologic I . } " Les édul itife. 052 les édulcorants issus de l’amidon: isoglucose / issus du saccharose : sucre inverti / sucres alcools ou polyols / les néosucres . 1052 Les édulcorants intenses: . 1056 les édulcorants de synthése (Aspartame, Saccharine, etc.) / dorigine végétale (Thaumatine, Monelline, etc.) 1056 INDIMENT:! Marie-Iréne Malewiak, Anne-Marie Berthier .... 1067 15. LES ALIMENTS DIETETIQUES ET DE REGIME La « présentation de santé » qu'il est possible de donner a tous les aliment: 1080 24 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES Les aliments destinés 4 une alimentation particuliére: ......... 1081 les aliments destinés aux nourrissons et enfants en bas age / les aliments lactés diététiques / les produits 4 teneur en sodium réduite / les aliments enrichis (ou _appauvris) en protides / les édulcorants / les aliments 4 teneur garantie en acides gras essentiels/ etc 1087 Les aliments dits « de santé » qui ne sont pas des aliments digtati- ques ou de régime au sens réglementaire du terme wereeeee 1103 Pétiquetage nutritionnel / les allégations nutritionnelles / les produits allégés / les compléments alimentaires « 1103 Les perpectives, l’évolution européenne . . 1109 Jeanine Louis-Sylvestre, Laure Bichon .................... .. 1113 Les produits allégés: 02.2.0. 0s esses eee ee eeeeeeeeeeeeeeees 1113 Le marché du produit allégé./ Qu’entend-on par produits allégés ? / Quelle réglementation concerne ces produits ? / Qui consomme les produits allégés ? / Les produits proposés... 1113 Les aspects nutritionnels . 1121 Les divers procédés d’allégement./ Les aliments allégés et la régulation du métabolisme énergétique./ Les caractéristiques sensorielles des’ aliments allégés sont trompeuses ......... 1122 Yétablissement des préférences, le rdle de 'apprentissage / le rassasiement, le réle de l’apprentissage / les réflexes de la phase céphalique de la digestion, le role de P'apprentissage . 1127 Les résultats des études expérimentales réalisées avec des aliments OUERES oo cece sseneeereeeereecererenessessets peeeeeeees 1131 17_LES RESSOURCES ALIMENTAIRES POTENTIELLES Jean-Louis Cug .....1...0eeseeeeveeseeseeeeeeeseeeererees 1137 Introduction a Les sources de glucides ~ 1141 Les sources de lipides . 1142 Les sources de protéines : 1142 les protéines de feuilles . 1143 les protéines de micro-organismes (levures, bactéries) ..... 1146 Les cultures de cellules, génic génétique et synthése chimique ... 1149 18. LES BOISSONS Henri Dupin «2.0.2... 6. e ee 1153 L’eau (de distribution, de table, de source ; les eaux minérales) .. 1154 Le café, le thé, les infusions Les boissons lactées_. Les jus de fruits ... beeeeeeeeeeeeeescses 1158 Les boissons alcooliques : le vin, le cidre, la biére . . TABLE DES MATIERES 25 19. L'ALCOOL : NUTRIMENT OU TOXIQUE? Henri Dupin, Marie-Iréne Malewiak ..............-.-....++- 1165 Les principales boissons alcooliques...........+ see. 1165 Le devenir métabolique de alcool ingéré: .... 1168 voie de alcool déshydrogénase / MEOS / systéme catalase- peroxydase .. 1168 Les apports énergétiques de I’alcool . 71 Les aspects cellulaires et métaboliques de la toxicité de Y'alcool_. 1171 Alcool = nutriment ou alcool =toxique? .... 1175 Les pathologies liées 4 la consommation d’alcool ............. 77 Onziéme partie CUISSON, CONSERVATION, TECHNOLOGIES Jean-Louis Cug, Stéphane Guilbert ......................... 1183 Les différentes techniques : dans l’eau /dans la vapeur / dans lair {y compris par micro-ondes) / dans une matiére grasse./ Cuisson sous vide ......... 1184 Les technologies de conservation . 1193 Les effets de la température: réfrigération / cong m / blanchiment / pasteurisation /stérilisation .............. 1195 Diminution de l’activité de l'eau : séchage / produits déshy- dratés / séchage sous vide / lyophilisation./ Concentration / déshydratation osmotique 1209 Les effets du pH . 1222 Les effets du potentiel d’oxydo-réduction. 1222 Lirradiation -_les_radiations_ionisantes_/ les_unités _/ les générateurs. Les effets, Jes technologies ................. 1223 Les composés inhibiteurs spécifiques. Les conservateurs . 1230 La stabilisation par voie microbiologique 1231 2. QUALITE DE NOS ALIMENTS ET TECHNOLOGIES Jean-Louis Cuq 1235 L'incidence des traitements sur la qualité des glucides 1237 L'incidence des traitements sur Ja qualité des protides : 1238 dénaturation des_protéines / modifications chimiques des résidus d’acides aminés / interactions protéines-protéines. Réaction de Maillard L'incidence des traitements sur la qualité des lipides : auto-oxydation (rancissement) / décomposition des lipides / hydrogénation /interestérification ........... 26 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES La signification de ces modifications 1258 L’optimisation de la qualité nutritionnelle des aliments 1259 Douziéme partic MICROBIOLOGIE ALIMENTAIRE Jean-Louis Cugq, Joseph Guiraud, Jean-Marie Navarro eo Les micro-orgamismes ...............ceeee scene cence eee ee ees 1267 substrats /le métabolisme énergétique /T'anabolisme .......... 1275 « Le réle des micro-organismes dans l’alimentation et dans l'industrie La microbiologic du tube digestif ..............sssseeeeesses 1281 La modification d’origine microbienne des aliments : les incidences sur Ja qualité marchande sete cee sees eeseesees ses 1283 Les incidences sanitaires ; la qi ite hygignique «1292 Les principales maladies infectieuses, les toxi-infections et les infections d'origine alimentaire .......+ssssssseeeeevees 1297 L’utilisation des micro-organismes dans l'industrie alimentaire... 1305 « Lacinétique des développements et des transformations microbiennes. La maitrise des populations microbiennes dans les aliments .. 1308 La croissance cellulaire./ La cinétique des transformations microbiennes./ La mise en ceuvre des micro-organismes./ La limitation et le contréle des populations microbiennes dans les aliments (chaleur, radiations, froid, etc.) ............. 1309 2 Les méthodes de la microbiologie alimentaire ............--...., 1330 Treiziéme partie Jean Causeret « Principaux types de substances 4 potentialité toxique rencontrés dans « Evaluation du risque toxicologique: ........+ peveeeeeeeeeereess 1348 Identité et propriétés des produits 4 évaluer_. 1348 Les méthodes de la toxicologie alimentaire 1349 Peut-on quantifier le risque pour l’homme? . 1357 @ Maitrise du risque ....eeeeecceeeeeseeseeeeeeseseseeeeeseeees 1360 TABLE DES MATIERES 27 Quatorziéme partie SALUBRITE, QUALITE DE L’ALIMENT. LEGISLATION, REGLEMENTATION. PROTECTION DU CONSOMMATEUR L_LES RECIPIENTS ET EMBALLAGES Philippe Manchon La nature des matériaux Les propriétés et les réles de l'emballage .. 1370 L’innocuité des emballages : normes et réglementation . 1371 Les emballages et l'environnement .............---------0-+- 1374 2_ADDITIFS ALIMENTAIRES Marc Chambolle ...................- seeeeeteees sessesees 377 Les additifs alimentaires et les auxiliaires technologiques ....... 1378 Les critéres pour l'utilisation des additifs alimentaires . 1379 Les procédures d’autorisation 138) Les conditions d’emploi des additifs et auxiliaires technologiques 1332 L’volution de utilisation ..........0-00 eee 1389 3. QUALITE DE L’ALIMENT. LEGISLATION ET REGLEMEN- TATION Pierre-Marie Vincent ............6.seceee eens tenet erences 1393 Qualité de Valiment ...2 0.00.00. se cee cee cece cece eee eens 1393 Législation, réglementation ....... 0.2.2.2... 66. ce cece eee 1396 Historique, nécessité 1396 Le droit de lalimentation en France .. 1398 Le droit alimentaire de la Communauté européenne 1399 Le droit alimentaire hors de la Communauté européenne .. 140] 4. LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS Mare Chambolle ....0ecsssseeeeeseeenresreeeeeeeeeneeers 1403 Les consommateurs doivent étre protégés ............ seeeeeee 1403 La protection des consommateurs doit reposer sur des bases solides 1.404 La protection des consommateurs ne doit pas étre figée .. La protection des consommateurs reléve de moyens variés ..... 1406 28 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES Quinziéme partie TABLE DE COMPOSITION DES ALIMENTS : REALISATION, UTILISATION, LIMITES. Max Feinberg, Jean-Claude Favier, Jayne Ireland-Ripert 1. Collecte et présentation des données pour la réalisation d'une table de composition des aliments, ou d’une banque de données ........ 1411 La collecte des données nutritionnelles: ........06ssseeseeee 141 La-variabilité des mesures AD Les divergences entre la mesure chimique et la valeur nutri- tiomnelle . 60... eee cece e eee eens 1415 2. Table abrégée de composition pour 60 aliments usuels . 1423 3. Liste des aliments riches en..., des aliments pauvres en. 1433 4. Quelques ANNEXES LEXIQUE Henri Dupin « Les principales mesures et unités en biologic « Liste d’organismes et adresses utiles INDEX. 1515 PRESENTATION Une des caractéristiques de notre époque est que chacun d’entre nous doit ~ s*il veut étre pleinement efficace dans sa vie professionnelle — non seulement développer, actualiser ses connaissances, dans le domaine de sa spécialité, mais aussi porter intérét aux disciplines voisines. On ne congoit plus qu’un ingénieur des industries agro-alimentaires, ou un chef de produit, ne se sente pas concerné par la sociologie de Palimentation, ainsi que par l’influence, favorable ou défavorable, que certains aliments ou comportements peuvent avoir sur la santé des consommateurs. De méme, on n’imagine pas qu’un médecin ou un diététicien ne se documente pas sur les techniques modernes de conservation ou de transformation des aliments, et les repercussions de ces techniques sur la valeur santé des produits, Cet ouvrage s’adresse aux médecins et étudiants, aux diététiciens, aux ingénieurs des industries alimentaires, aux responsables des centres de restauration, aux conseilléres en économie familiale, aux enseignants. Tl a été écrit : « pour les professions de santé, * pour ceux qui ont la charge de produire et transformer les aliments des hommes, ® pour tous ceux qui ont la charge de transmettre - soit aux enfants d’age scolaire, soit 4 ensemble des consommateurs — des informations sur Palimentation et la nutrition humaine. Répondre a l’attente des lecteurs ayant des formations et expériences professionnelles différentes est un projet difficile, mais dont la réalisation méritait d’étre tentée. 30 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES Quarante-cing auteurs ont participé a la rédaction de cet ouvrage. Parmi eux, des universitaires, des chercheurs de grands organismes. publics (CNRS, INSERM, INRA), des chercheurs des grands groupes industriels, des responsables d’organismes professionnels, des médecins, des diététiciens. L’équipe de coordination a dialogué avec chacun des co-auteurs, dans le but d’assurer l’unité d’ensemble de l’ouvrage. Elle tient 4 remercier chaque auteur d’avoir apporté sa compétence et aussi d’avoir accepté les contraintes d’un ouvrage collectif : rédiger un texte beaucoup plus bref que celui que l’on aurait souhaité écrire, tenir compte des remarques et suggestions de l’équipe de coordination. Chacun des auteurs a une longue expérience du sujet qu’il traite : ila personnellement travaillé en ce domaine. Il a dispensé de nombreux cours, donné des conférences et il a bénéficié des remarques de: ses auditeurs. Nous avons voulu faire de cet ouvrage un « outil de travail ». C’est un livre qu’on lit pour s’informer, actualiser ses connaissances et, plus encore, c’est un livre que I’on consulte en permanence. Nous avons donc préparé un index alphabétique qui comporte plus de six cents mots ; chaque terme cité donne au lecteur l’indication de la page, ou des pages auxquelles il faut se reporter pour trouver |’informa- tion recherchée. Pour permettre au lecteur de vérifier le sens des termes qui ne lui sont pas familiers, nous avons également rédigé un lexique: plus de quatre cents termes y sont définis ou expliqués. Pour améliorer les éditions 4 venir, nous serons heureux de recevoir les remarques, critiques, propositions que les lecteurs voudront bien nous adresser, Nous nous efforcerons d’en tenir compte dans toute la mesure du possible. Si cet ouvrage rend service, ce sera notre recompense. L’équipe de coordination Henri DUPIN, Jean-Louis CUQ, Marie-Irene MALEWIAK, Catherine LEYNAUD-ROUAUD, Anne-Marie BERTHIER En téte de cet ouvrage, nous désirons rendre hommage a Jean TREMOLIERES, Yvonne SERVILLE, Raymond JACQUOT, Jean CLAUDIAN, aujourd’hui disparus, et 4 Georges PEQUIGNOT, Frangoise VINIT, ainsi qu’a tous ceux qui se joignirent 4 eux pour rédiger Le Manuel d’alimentation humaine La premiére édition parut en 1955, la dixiéme en 1984, Pour quelques chapitres, nous avons repris les idées exprimées par Jean TREMOLIERES, Yvonne SER VILLE, ou Jean CLAUDIAN. Bien entendu, leur nom figure en téte de chapitre, soit seul, soit 4 cété de l'un des rédacteurs actuels. L’ouvrage que nous publions aujourd’hui est neuf dans son contenu comme dans sa présentation. Mais nous avons bénéficié de l'expérience acquise par le « Manuel », d’autant plus que, parmi les utilisateurs, nombreux sont ceux qui nous ont fait part de leur avis et de leurs remarques, ce qui fut trés précieux pour notre travail. Quelques lignes de Jean Trémoliéres «En étudiant comment et pourquoi "homme mange, est l'homme lui-méme, dans son comportement le plus fondamental, que Pon découvre. » Une société se batit autour de la fagon dont elle produit et consomme ses aliments. Les formes de la connaissance et l'éducation qui en résulte, les Structures juridiques, économiques, politiques, sont largement dé- pendantes de la fagon dont l'homme produit et consomme ses aliments, « Il y a, selon moi, naissance de société, du fait que chacun de nous, loin de se suffire a lui-méme, a au contraire besoin d'un grand nombre de gens ; ce qui constitue une société politique, c'est existence en nous du besoin », dit Platon (La République II, 369). La géométrie est née de l’empirisme des arpenteurs égyptiens qui savaient redécouper les terres aprés les inondations ; la science des nombres, de l’empirisme des comptables sumériens qui réglaient le commerce des grains. Les premiers codes réglent les limites des champs, les droits de Vutilisation de l'eau, ce que le cultivateur doit payer au guerrier ou @ l’étranger qui est son héte. Avant de devenir Ta langue de la philosophie, le grec a d'abord été une langue de marchands de grains, de vin, d’huile. Jusqu'ici la propriété sire était celle d'une terre louée au quintal de blé ou au litre de lait. Notre Code civil, inspi Ss Romains, repose sur le caractére inviolable de cette proprié agée par le besoin fondamental de l'homme. C'est pour accroitre la production alimentaire qu'on industrialise la ferme avec toutes les conséquences auxquelles nous assistons: réduction drastique du nombre des ruraux pour maintenir la rentabilité, augmentation des concentra- 34 ALIMENTATION ET NUTRITION HUMAINES tions urbaines avee I’évolution juridique et politique qui y est associée, Un des faits dominants de notre époque est le scandale de la pléthore des marchés alimentaires dans les pays industrialisés et ce qu'on appelle la « faim » du reste du monde. L’implication économi- que majeure du changement actuel des habitudes alimentaires est sans conteste la destruction de l'économie d'auto-consommation. Ine s'agit pas d’étre des nostalgiques du bon vieux temps, d’un dge d’or que les conservateurs de tous les temps ont toujours défendu par fonction. La charrue est une valeur positive par rapport @ la houe, comme le tracteur lest en général par rapport au beuf, et les engrais industriels par rapport aux engrais artisanaux. Mais il semble qu'il y ait, ou au moins qu'il faille chercher dans les vieilles structures, des valeurs qu’il pourrait étre catastrophique de mécon- naitre. Le mot magique de niveau de vie est le transfuge qui a permis dassimiler le bonheur de 'homme 4 la monétisation, c'est-d-dire a Vargent. Lagriculteur est avec Uartisan, l'artiste, le chef d'entreprise, Vhomme de laboratoire, la mére, le pilote, dans une situation ou, au contact d'une réalité matérielle authentique, il peut donner sa mesure dhomme. Or ces lieux ou le travail peut étre un épanouissement humain, ott l'homme engage sa responsabilité et peut se perfectionner luieméme dans son activité productrice, sont assez rares dans le monde industriel et probablement dune trop grande importance dans la stabilité dynamique d'une société pour qu’on les détruise sans réfléchir. Cest finalement dans des rites trés simples, autour de la table Samiliale, que se dessinent les deux images sans lesquelles il n'y a pas eu jusqu’ici de civilisation, et sans lesquelles la psychanalyse nous apprend qu'il n’est guére possible d'avoir un équilibre personnel : la Mere, le Pére. Les aliments prennent une valeur symbolique qui méle leurs qualités propres a celles de ceux qui nous les donnent. Le tabou du pore a d’abord été le refus pour des bergers nomades de manger Valimentation de Uennemi, le cultivateur égyptien. Actuellement, le mythe de i’« aliment naturel » est une forme de refus de la vie industrialisée. En mangeant un aliment, on communie avee le type de civilisation qui l'a produit. Laliment partagé, mangé ensemble, reste un des trois liens sociaux Sondamentaux, «Je le connais bien, nous avons mangé ensemble », Le geste éternel de I‘hospitalité, c’est-a-dire d’accepter QUELQUES LIGNES DE JEAN TREMOLIERES 35 Vautre comme sien, est de rompre le pain ensemble. Toute parole reste abstraite ou inhumaine tant qu'elle n'a pas été échangée dans cette communion naturelle qu’est un repas. Les aliments acquiérent donc au sein des repas une mystérieuse valeur symbolique qui est l'un des facteurs de leur acceptabilité. L’homme est probablement consommateur de symboles autant que de nutriments. « Le pain se léve » était le cri de ralliement d'une des premiéres révolutions populaires, celle des Jacques. Dans la valorisation des aliments, le prestige des conditions de travail qui les ont produits intervient puissamment, si bien que manger un aliment, ce n'est pas seulement utiliser ses propriétés, c'est communier aux conditions du travail qui Vont produit. C'est pour le pain et le vin que cette extension de la valeur des aliments a 6té la mieux exprimée. Dans une société plus organisée, la conception nourriture = bien commun, apparait facteur d'égalité devant la santé, l'activitée. La nourriture, facteur de confort, de santé, est une valorisation mo- derne, mais qui n’exclut nullement les valorisations primitives. Repas de cantine, solitude dans la foule hurlante, repas de TV, solitude en famille, snack, aliment standard, aliment impersonnel, «untouched by hands », qu'allez-vous faire de nous, vous, fruits d'une rationalisation abstraite, d'une « technique » qui évacue les images du pain et du repas mangés ensemble ? REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES A tous ceux qui désirent mieux connaitre la pensée de Jean Trémoliéres, nous signalons les deux ouvrages qu'il a rédigés dans les derniéres années de sa vie : — Trémoliéres J., Diététique et art de vivre, Editions Seghers, 1975, 324 pages, nouvelle édition, Hatier, Paris, 1989, 224 pages. — Trémoliéres J., Partager le pain, Editions Robert Laffont, 1975, 378 pages. Premiére partie L’ALIMENTATION DES HOMMES 1 LEVOLUTION DE L’ALIMENTATION HUMAINE Jean CLAUDIAN L*histoire de l’alimentation montre que notre type alimentaire actuel est l’aboutissement d’une longue évolution qui s’est effectuée paralléle- ment 4 l’évolution technique, économique, sociale et psychologique des peuples, Pour la période immense de la Préhistoire, au cours de laquelle Phomme a bati les bases de la civilisation, on doit se contenter des données de Varchéologie, aidée par quelques sciences auxiliaires (la paléobotanique, la paléozoologie, le folklore, la linguistique). Mais ces données seraient insuffisantes sans l'aide de l’ethnographie. Parmi les peuples actuels, il en existe quelques-uns qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas suivi le développement culturel des peuples évolués. Ces peuples, restés encore a lage de pierre, de la chasse et de la cueillette, représentent en quelque sorte nos ancétres vivants. Leur genre de vie, leur type alimentaire sont sans doute trés proches de ceux de nos lointains ancétres, La Premiére Epoque de ’humanité, l’age du feu, de la pierre taillée, du bois et de l’os, correspond 4 une économie basée sur la récolte des produits végétaux, la collecte des petits animaux et de certains produits animaux (ceufs, miel) et la chasse. C’est l'époque au cours de laquelle l'homme, simple prédateur des ressources naturelles, ne savait pas produire ses aliments. La Seconde Epoque qui date a peine de 8 4 10 millénaires et qui, a travers l’ge de la pierre polie, I’ge des métaux, se continue jusqu’a nos jours, est celle de la production sous ses différents aspects : culture du sol 40 L’ALIMENTATION DES HOMMES et élevage. Elle est caractérisée par une série de découvertes techniques successives qui ont révolutionné I’économie et l’organisation sociale, ainsi que la mentalité et Palimentation de homme. L’agriculture manuelle, la poterie, la domestication des animaux, la charrue, représen- tent autant d’étapes culturelles et alimentaires de cette évolution. Enfin, la Troisiéme Epoque correspond a la découverte du machi- nisme et au complexe d’inventions liées 4 l’électricité et 4 la vapeur. Elle représente le début d’une grande révolution qui, au moins dans une certaine zone du monde, est en train de créer un type de civilisation et un type alimentaire nouveaux tandis que d'autres zones n’ont pas encore bénéficié de ces progrés et que se creuse ainsi un fossé inquiétant entre pays riches et pays pauvres. Cette évolution alimentaire n’a pas manqué d’avoir des répercussions dans le domaine de la santé. La pathologie, li¢e 4 l'alimentation, s’est modifi¢e au cours des siécles; certains des problémes qui causaient autrefois (et causent encore dans certains pays) une forte mortalité ont disparu dans les pays industrialisés alors que d’autres problémes, liés 4 la nouvelle économie, sont apparus. L’ére de la récolte L’alimentation humaine avant la culture de la terre et Vélevage De quoi se nourrissaient ces premiers hommes connus? La masse considérable des ossements de Cervidés, brisés et brilés, montre qu'ils étaient chasseurs et carnivores. Mais si la préhistoire s’arréte en général aux « farouches chasseurs du paléolithique », les théories évolutionnistes nous aménent 4 remonter encore plus loin dans le passé. Intégrée dans l’ordre des Primates, l’espéce humaine a eu originairement, comme les autres représentants de cet ordre, un comportement omnivore, dominé par le frugivorisme (consommation de fruits, racines, noix, certaines feuilles, bourgeons, etc.). A cété des substances végétales, Phomme, comme le singe, a toujours eu un besoin physiologique de substances animales, que lui fournissent certains protides et certaines vitamines dont le régne végétal est mal pourvu. Ce besoin de substances animales indispensables pouvait étre satisfait facilement par les produits de la cueillette ; insectes, vers, larves, ceufs, mollusques, petits animaux inoffensifs, dont les grands singes, comme les primitifs actuels, se montrent trés friands. Poussés par la nécessité ou tentés par la facilité de l’acquisition, les premiers Hominiens ont pu étendre leur domaine alimentaire vers les poissons, les LEVOLUTION DE L‘ALIMENTATION HUMAINE 41 oiseaux, voire vers de petits animaux qui se défendent mal. Il n’y a pas de limite rigide entre la cueillette animale et la petite chasse. La vraie chasse, la capture des grands animaux et conjointement le grand carnivorisme, doivent étre considérés comme un comportement acquis. Cette révolution dans l’alimentation de l’animal omnivore que fut l’ancétre de ’homme a dit se produire probablement a des époques différentes dans des régions variées. Une deuxiéme montée du carnivorisme doit étre mise en relation avec Papparition des périodes glaciaires qui transformérent pendant plus de 200 000 ans une grande partie de I’Asie et de Europe en une région arctique, ou les hommes vivaient surtout de chasse et de péche. La cueillette La cueillette est le vocable que le sociologue et I'anthropologue emploient pour désigner la récolte des substances végétales et animales par les populations primitives. Les produits de la cueillette ou du « ramassage » sont extrémement nombreux. L’inventaire des « ramas- seurs » varie suivant les régions, les climats, les habitudes. C’est, si l’on y songe, un comportement alimentaire trés compliqué. Il exige une veritable érudition ; il faut connaitre et reconnaitre les espéces « bonnes a manger » et celles qu’on ne mange pas (toxiques ou dangereuses). La femme et la technique culinaire L’étude des groupements humains dont l'économie est basée surtout sur la cueillette, nous permet de saisir les débuts et le mécanisme de la premiére structure sociale et du réle respectif de la femme et de l’homme dans lacquisition et la préparation des aliments. Chez les Boshimans, comme chez certaines tribus Pygmées, c’est uniquement la femme qui s’occupe de la nourriture végétale. Dans ce secteur, elle fait tout le travail, exploration du terrain de ramassage, la cucillettc, le transport a domicile, la cuisine. Pour choisir les espéces comestibles, il faut une véritable érudition et la femme connait a fond sa botanique alimentaire, transmise de généra- tion en génération, de mére en fille. La préparation de Ja nourriture n’est pas plus aisée. La plupart des végétaux ne sont pas comestibles tels quels. C’est 14 un fait essentiel pour 42 L'ALIMENTATION DES HOMMES histoire de l’alimentation et pour lhistoire de la civilisation humaine tout simplement. Il faut par tous les moyens les rendre comestibles. Il faut leur arracher, leur extraire, au prix de grands efforts, la substance indispensable a la vie de la famille. On posséde le feu, mais on n’a pas encore de récipients qui résistent a la flamme. Pour faire bouillir, il faut chauffer des pierres et les jeter, incandescentes, dans des écuelles de bois ou d’écorce. Il y a des racines qu’on cuit dans le sable et dans la cendre, Il y a des substances qu’on doit griller. Mais, en réalité, les choses ne se passent pas si simplement. Pour cuire, pour bouillir, il faut écraser les noix et certains grains qui cachent leur amidon dans une carapace trés dure. C’est la femme qui a inventé le mortier a pilon, la meule primitive, Chez la plupart des populations primitives, la mouture est « une affaire de femme ». Cette coutume a persisté d’ailleurs longtemps, et les anciens Grecs et Romains ont connu trés tard les véritables moulins. Mais d’autres problémes techniques se posaient. De nombreux fruits sont toxiques, il y a des racines améres et vénéneuses. Et on ne pouvait pas renoncer a ces racines précieuses qui, convenablement traitées, peuvent devenir succulentes et nutritives. Divers fruits et racines toxiques exigent un pétrissage de la pate, puis une fermentation. C’est toujours la fermentation qui rendait comestibles certaines noix ou racines particuliérement coriaces ou améres. Devant cette surcharge de la femme, on pourrait se demander quel était le réle économique et social de ’homme a la méme époque. C’est Thomme qui s’occupe de l’alimentation d’origine animale. La collabora- tion de ’homme 4 l’agriculture commence avec le grand défrichage, la conquéte des foréts et des terres dures, qui exigent en méme temps de la force physique et un travail collectif. C’est toujours l'homme qui va s’occuper, plus tard, des grands animaux a moitié apprivoisés. Nous sommes en possession de quelques documents incontestables sur limportance de la cueillette végétale et animale chez nos ancétres d'Europe. Tout le long de la céte de l’Atlantique, du Portugal jusqu’aux iles du Morbihan et jusqu’au Danemark actuel, on trouve des amas de coquillages, huitres, moules, escargots, qui représentent les débris de la cuisine des tribus cotiéres qui vivaient surtout de « fruits de la mer ». Des tribus d’« ichtyophages », pécheurs primitifs qui se nourrissaient exclusi- vement de poissons, sont signalées par les auteurs anciens en Egypte, sur la mer Rouge, et dans le delta de I’Indus. Les peintures préhistoriques des grottes d’Espagne nous montrent les hommes d’il y a 10 000 ans récoltant des ceufs d’oiseaux de marais et des oisillons au nid. La fresque d’Arana ¢voque une scéne de récolte du miel des abeilles sauvages. L'EVOLUTION DE L’ALIMENTATION HUMAINE 43 Les auteurs grecs et romains avaient conservé le souvenir d’une époque ot les céréales étaient encore inconnues et ot Jes hommes se nourrissaient de fruits et surtout de chataignes, de glands et de faines. Ce sont surtout les glands et les faines broyés et réduits en farine qui ont eu, semble-t-il, une importance majeure dans l’alimentation de l"homme préhistorique d’ Europe. Le culte de Zeus de Dodone (le Dieu-Chéne), la yénération de cet arbre dans l’Europe Occidentale et Centrale peuvent étre mis en rapport avec cette coutume, trés répandue dans les régions sylvestres de I’Europe et d’Anatolie. La grande chasse — Les tendances carnivores Ce qui fait la force de l’espéce humaine c’est son aptitude a s’adapter au milieu, la souplesse de son « économie », V’élasticité de son régime alimentaire. A l’epoque de l’économie primitive, le carnivorisme est une question de climat. A l’époque actuelle, les grands carnivores sont les habitants des régions polaires et sub-polaires. Au cours de l’age de la pierre taillée, PEurope était couverte de toundras et de taigas, de type sibérien, ou seuls les troupeaux de rennes, d’élans, de beeufs musqués trouvaient leur nourriture. Le chasseur carnivore du paléolithique européen est donc une réalité : les nombreux gisements trouvés sur notre continent nous permettent de reconstituer un peu sa vie et sa nourriture. La viande était grillée, cuite dans la cendre, exceptionnellement bouillie. On ne peut pas inventer d’autres procédés. Et encore les chasseurs ont toujours gardé le goiit du sang frais et de la viande crue. Cette coutume de boire du sang, soutiré aux animaux vivants, qu’on saigne 4 la jugulaire, 'hématophagie, a été transmise d’ailleurs aux pasteurs primitifs, Les tribus de pasteurs d’Afrique Orientale, de méme que les Mongols, la pratiquent encore de notre temps. L’agriculture primitive La découverte de la culture du sol et de la domestication des animaux ne date que de 15 000 ans environ. Aprés la découverte du feu, elle représente certainement pour la civilisation humaine un événement capital. 44 L'ALIMENTATION DES HOMMES Nous ne sommes pas a méme de préciser la région du globe ot ona eu pour la premiére fois l'idée de semer certaines plantes, particuliére- ment utiles, Mais c’est surtout en Asie Occidentale qu’on doit chercher le berceau le plus important de cette innovation. On employait le plantoir, le baton de labour, plus tard la houe, pour cultiver surtout des plantes a tubercules, genre igname, oignon, ail, des legumes, genre féves, et certains arbres fruitiers. Plus tard, on cultiva les céréales, les plantes 4 grains, qui étaient moins tentantes et qui exigeaient une technique culinaire plus compliquée, mais qui avaient le grand avantage de fournir des réserves pour les saisons infertiles. La culture des millets, semble-t-il, a précédé la domestication des autres céréales, Du point de vue strictement nutritionnel, cette culture primitive représente-t-elle un changement essentiel par rapport 4 la cueillette végétale ? Evidemment les techniques restent les mémes : les soupes, les bouillies et certains mets fermentés, dominent la cuisine. Mais la grande différence consiste dans l’immense réduction du nombre des plantes considérées comme comestibles. On a sélectionné, parmi les dizaines de milliers de plantes de ramassage, un nombre trés limité d’espéces, qui représentent dorénavant les plantes cultivées. Evidemment, le ramassage des plantes sauvages persiste encore, méme chez les peuples civilisés, I] reprend tous ses droits en période de famine, mais son réle devient de plus en plus secondaire. Les quelques espéces domestiquées qu’on a a la portée de la main, rendent inutiles les immenses randonnées en quéte de la nourriture. Elles permettent la création de réserves et diminuent un peu la grande incertitude alimentaire, atténuant le danger de famine. Enfin, la vie agricole entraine un sédentarisme et un accroissement de la densité de la population, phénoméne essentiel pour le développement de la vie sociale. Elle réalisait donc les conditions de base de la civilisation moderne, Le pore et Ia yolaille Un seul probléme n’était aucunement résolu par le régime de l’agri- culture primitive : celui des substances animales. Devenue sédentaire, la femme abandonne la cueillette animale. Il ne reste que la chasse et la péche pour remplir les besoins impérieux en protéines animales. Or, dans les régions ow le gibier est rare, la pénurie se fait sentir. C’est au début du néolithique, vers le 5‘ millénaire avant notre ére, que le porc domestique se répandit, semble-t-il, dans toute la zone LEVOLUTION DE L’ALIMENTATION HUMAINE 45 agricole de l’Ancien Monde: Asie méridionale et extréme-orientale, Afrique occidentale, bassin de la Méditerranée, et enfin Europe nordi- que. Il est curieux de constater que le porc a gardé a travers les siécles, jusqu’d nos jours, sa qualité d’animal du paysan dans la plupart des pays d’Europe et dans la zone agricole de I"Extréme-Orient. Il est, avec les volailles, lié 4 l'économie et a l’alimentation rurales. Les pasteurs asiatiques n’ont jamais adopté I’élevage du porc. Le pore ne peut pas étre conduit en troupeau sur de grandes distances comme les moutons, les boeufs ou les chevaux. Ces troupeaux couvraient d’ailleurs largement les besoins en protides animaux. Quand la civilisation pasto- rale imposa ses lois dans la zone des agricultures néolithiques, les sédentaires firent un peu figure de populations soumises. La nourriture des populations asservies est méprisable, les aliments des classes impures sont impurs. On jeta le tabou sur l’alimentation animale des vaincus : toutes les petites bétes fournies par la cueillette et surtout le pore. C’est ainsi qu’on peut expliquer l’interdiction de manger du pore, dans la tradition religieuse et culturelle du Proche-Orient, ce qui 4 I’heure actuelle complique singuliérement le probléme alimentaire dans certains pays. L’élevage pastoral, la viande, le lait On sait trés peu de choses sur l’origine de la domestication des espéces herbivores. Elle a eu lieu probablement 4 une époque qui n’est pas antérieure au 10° millénaire, quelque part en Asie centrale. I] semble que ce fut dans les plaines herbeuses de ce continent que se développérent les civilisations pastorales successives, celle des patres de moutons et de chévres, celle des éleveurs de bovidés et, beaucoup plus tard, celle des cavaliers, éleveurs de chameaux et surtout de chevaux. Quel est l’'apport des patres 4 ’histoire de la civilisation ct a I’histoire de l’alimentation humaine? Pour répondre 4 cette question, il faut envisager plusieurs périodes, plusieurs aspects de l'élevage. Une premiére période se situe au moment o1 les derniéres tribus de chasseurs eurent l’idée de protéger et, finalement, de parquer dans des enclos leurs derniers troupeaux de gibier en voie de disparition. A cette époque la « traite » n’était pas encore inventée. Le bétail ne peut servir qu’a l’'abattage, il représente une réserve pour les périodes de disette et en méme temps une monnaie d’échange. « Pecunia » veut dire « trou- peaux » : on peut les troquer contre les grains et les fruits des laboureurs. 46 L'ALIMENTATION DES HOMMES Le troupeau est en général une propriété collective : c’est la fortune de la famille, de la grande famille des pasteurs, de la tribu. L’abattage est done une affaire collective, sociale si on veut. Il est contrdlé, il est rituel. Il n’y a que certaines personnes qui, a certains moments peuvent sacrifier une béte. Et la viande, elle, appartient aussi 4 la communauté et aux dieux. Et on doit la partager « rituellement » elle aussi. Cet abattage rituel et contrdlé se retrouve, avec une vigueur intensifiée, dans toutes les. religions de l’antiquité, sous la forme du sacrifice rituel, qui est, si ’on veut, un abattage contrdlé par les prétres. Chez certains pasteurs africains, l'idée d’abattre une béte pour l’alimentation individuelle est encore inconcevable. C’est avec la découverte de la traite que commence la deuxiéme période alimentaire de I’élevage. Cette invention, qui a révolutionné la nourriture humaine, n’a pas pénétré dans toutes les zones de la civilisa- tion, Les Chinois qui connaissent depuis toujours les bovidés comme bétes de trait, ignoraient cette technique. IIs la trouvaient d’ailleurs indécente. En revanche, les pasteurs de bovins ont bouleversé l’alimenta- tion humaine dans toute l’Asie méridionale. Le culte du lait a imprégné a une certaine époque toute la vie religieuse des Indes. Chez les Todas, pasteurs de buffles de I’Inde méridionale, la « religion du lait » domine toute la vie sociale. Les bergers sont des prétres, les laiteries sont des temples. Tout le mysticisme des pasteurs tourne autour d’un probléme central: la « pureté » qui est indispensable 4 la manipulation du lait, produit qui tourne facilement. La « pureté », c’est-d-dire la propreté physique et morale, est une notion 4 la fois religieuse et d’hygiéne alimentaire. La conception de la sainteté de la vache était particuliérement puissante dans l’Egypte ancienne, et dans "Iran zoroastrien. Elle repré- sente une des idées fondamentales de la vie religieuse de Inde. En relation avec de telles conceptions doivent étre considérées les tendances anti-carnivores, végétariennes. Notons a ce propos que l'utilisation du lait et des laitages comporte a origine plusieurs étapes culturelles assez différentes : dans une certaine phase, on ignorait l’utilisation alimentaire du beurre ; c’est le cas des pasteurs chamitiques de l'Afrique. En Asie et en Europe, on peut distinguer une « zone du beurre», qui semble appartenir aux régions d’élevage des bovidés et une «zone du fromage », qui correspond aux régions d’élevage des moutons et des chévres et qui, en Asie, se confond avec celle des éleveurs de chevaux. LEVOLUTION DE L’ALIMENTATION HUMAINE 47 La charrue, les céréales, le pain Un autre grand apport des peuples pasteurs a la civilisation, le plus grand peut-étre, c’est la charrue. L’agriculture 4 la charrue est due d la synthése de la civilisation des pasteurs de beeufs et de la civilisation de Vagriculture 4 la houe. Mais elle n’eut pas lieu partout oi ces deux civilisations entrérent en contact. En Afrique, les pasteurs de bovidés et les agriculteurs se coudoient depuis des millénaires. En Extréme-Orient, comme dans le Sud de I’Inde, cette synthése n’est pas partout réalisée. Ce n’est qu’en Europe et dans une partie de |’Asie antérieure, dans Ia « zone du pain », qu’eut lieu cette fusion compléte des deux civilisations. Certainement, avant l’invention de la charrue, ’agriculture manuelle avait fait de grands progrés. Grice a l’irrigation, dans certaines régions de l’Asie, une civilisation horticole trés avancée prit naissance et évolua vers le jardinage intensif de la Chine méridionale. Certaines céréales rustiques, surtout les millets, étaient largement cultivées dans d'autres régions. Mais c’est ’apparition de la charrue tirée par les boeufs qui coincide avec l’'apparition des grandes civilisations historiques. C’est vers le IV' millénaire avant J.-C. qu’on doit situer cette invention. Cette époque est caractérisée par une floraison de découvertes : l’écriture, la métallurgie, le tour du potier apparaissent presque simultanément. Du point du vue alimentaire, l’introduction de la charrue eut des conséquences extrémement importantes. Par extension des surfaces cultivées et la conquéte des terrains qu’on ne pouvait pas cultiver avec des moyens rudimentaires, la charrue permit un grand essor des cultures et, partant, de l’alimentation d’origine végétale. On assiste en méme temps a une régression des plantes a tubercules et 4 racines nourriciéres, qui sont remplacées par les plantes a grains. Enfin, les millets et les céréales a bouillie sont remplacés petit a petit par les céréales panifiables : Porge et le blé, qui dominent dans la partie occidentale du monde ancien ; le riz reste la céréale de l’Extréme-Orient. L’ére de la charrue représente done pour I’Occident I’ére des céréales évoluées, I’ére du blé, l’ére du pain. Mais la technique de la mouture fine et de la panification progressé- rent assez lentement. Ainsi la panification, comme technique courante, le pain levé quotidien n’ont pénétré en Europe que vers la fin du II* millénaire avant J.-C., importés probablement d’Egypte. Et le pain fut adopté surtout par les habitants des villes. Les paysans de |’Hellade Antique, comme les agriculteurs italiques, ¢taient encore des mangeurs de bouillie d’orge, d’épeautre et méme de millet qu’on consommait surtout avec du lait et du fromage. La bouillie de gruau d’orge était la nourriture traditionnelle des légionnaires romains. 48 L’ALIMENTATION DES HOMMES L’agriculture 4 la charrue entraina en méme temps un recul du carnivorisme, ou au moins une diminution de l’'appétence pour la viande. L’animal de labour, le boeuf, animal qui nourrit les hommes et qui peine pour eux, fut considéré un peu partout comme un animal sacré, Le tabou de la béte de labour fut trés puissant dans toute la zone agricole de !’Asie et de l'Europe ou le paysan se contentait de la viande de porc et de la volaille. L’idée d’abattre le boeuf pour Je manger, ainsi que l’idée de manger chaque jour du pain, sont des idées de citadin. Ces coutumes n’ont d’ailleurs jamais pénétré dans la zone agricole de l'Ex- tréme-Orient. Tl est curieux de considérer que la géographie alimentaire du monde civilisé actuel, c’est-d-dire de l’ancienne zone agricole, s’étendant de PExtréme-Orient jusqu’en Europe, est calquée sur la géographie des religions. La zone du Christianisme et du Mahométisme (Europe-Pro- che-Orient) est en méme temps la zone du pain et de la viande. L’Asie Orientale et Méridionale, pays du Bouddhisme et des sectes Brahmanis- tes, reste, au point de vue alimentaire, la zone des bouillies et du végétarisme. La révolution industrielle et ses conséquences alimentaires Les grands voyages maritimes des XVI°, XVII* et XVIII* siécles ont permis la conquéte de nouvelles terres, et l’acquisition de nouvelles ressources. Sur le plan alimentaire, c’est |’acclimatation de nouvelles espéces végétales : la pomme de terre et le mais devinrent en quelques années les aliments de base des populations d’Europe Centrale et Méridionale. Puis, ce furent les haricots, la tomate, le sucre. Enfin apparaissaient le café, le thé. Mais ce fut surtout la révolution industrielle due a la découverte de la machine a vapeur, de l’acier, de l’électricité, des combustibles pour moteurs, qui inaugura la nouvelle ére économique et alimentaire, actuellement en pleine évolution. La révolution industrielle est paralléle a une révolution démographi- que : l’exode vers les villes. En quelques décennies, le rapport citadins- ruraux s’est inversé. En France, la population agricole représentait en 1860, 53% de la population active totale, et en 1988 seulement 7%. Dans tous ces pays, les citadins et puis les campagnards adopteront désormais un autre genre de vie. La machine et le confort diminuent sensiblement les efforts physiques et donc les besoins énergétiques. LEVOLUTION DE L’ALIMENTATION HUMAINE 49 Par contre, les disponibilités alimentaires augmentent rapidement du fait des transformations des techniques agricoles ; la culture de la terre adopte les méthodes intensives. L’introduction des plantes fourragéres améliore considérablement l’élevage. Le bétail se multiplie et gagne également en qualité. La production de lait et de viande est doublée ou triplée. Les engrais, les traitements modernes, la sélection des espéces yégétales augmentent considérablement le rendement des surfaces culti- vées. A cela s’ajoute l’élévation du niveau de vie, dont bénéficieront bientét toutes les couches sociales et qui permettra enfin a l"homme de satisfaire des appétits depuis longtemps comprimés. La phase des « aliments de la faim» (pain, féculents) est maintenant dépassée. Le consommateur européen devient exigeant et demande des aliments de ualité, qui métaient naguére qu’d la portée d’une petite minorité privilégiée. Une nouvelle différenciation alimentaire « Pays développés » et « pays en développement » Cette révolution industrielle a créé sur la surface de notre planéte une nouvelle inégalité. Sur la géographie traditionnelle qui divisait depuis toujours ’humanité en zones culturelles et alimentaires différentes, une nouvelle carte s’est superposée, basée cette fois non pas sur les ressources naturelles mais sur les moyens techniques utilisés pour mettre en valeur ces ressources, Cette nouvelle géographie, devant laquelle les anciennes divisions ethnographiques finissent par s’estomper, divise aujourd’ hui les peuples et les pays du monde, suivant leur potentiel technique, en « pays développés » et « pays en développement ». * ** Note : D’autres schémas des grandes étapes de l’histoire alimentaire des hommes ont été proposés. Louis Malassis, dans son ouvrage : Economie agro-alimentaire, indique quatre grandes périodes : e L’économie alimentaire pré-agricole (cueillette, chasse, péche) qui s’étend des origines de ’humanité jusqu’au néolithique. « L’économie alimentaire agricole et domestique : l’agriculture se déve- loppe ; la quasi-totalité des activités de la chaine agro-alimentaire sont effectuées au sein des unités socio-Economiques de consommation. 50 LALIMENTATION DES HOMMES « L’économie agricole commercialisée et diversifiée qui se développe d’abord en économie domestique, mais prend une grande expansion au XIX° siécle ; l’economie marchande s’étend tandis que I’auto-consomma- tion régresse. L'urbanisation, le développement industriel, la construc- tion de chemins de fer et de navires 4 vapeur, la constitution d’empires coloniaux, la mise en valeur de vastes espaces favorisent cette évolution. « Enfin, économie agro-alimentaire industrielle internationalisée. (Bien entendu, certains groupes ethniques ne sont pas encore entrés dans les derniéres étapes.) 2 EVOLUTION DE LA CONSOMMATION DES DIVERS ALIMENTS EN FRANCE AU COURS DES DERNIERES DECENNIES Comparaison avec d’autres pays Henri DUPIN et Catherine LEYNAUD-ROUAUD Ce chapitre comporte deux parties : — L’étude de l’évolution des consommations alimentaires, en France, au cours des derniéres décennies. — Des indications sur les differences de composition de la ration, entre differents pays, 4 la méme époque, selon le statut économique de ces pays. Notre modéle de consommation alimentaire est trés different de celui de nos grands-parents (c’est ce qu’indique la premiére partie) et trés différent de celui de bien des peuples dans le monde contemporain (c’est ce que montre la seconde partie). 32 L'ALIMENTATION DES HOMMES EVOLUTION DE LA CONSOMMATION DES DIVERS ALIMENTS EN FRANCE Quelques données chiffrées Il est fort important, pour tous ceux qui s’occupent d’alimentation humaine et de diététique, de connaitre ’évolution des consommations. Les moyennes nationales « par habitant et par an» masquent évidem- ment les différences selon les régions, selon l’age des consommateurs, leur catégorie socio-économique (l’amplitude de ces différences est analysée par l’enquéte de INSEE), ou selon le comportement individuel ; mais ces chiffres ont tout de méme un grand intérét. Le pain La consommation moyenne de pain par habitant, en France, est actuellement le tiers de ce qu’elle était au début du siécle et la moitié de ce qu'elle était il y a 40 ou 50 ans (voir tableau 1. Office National inter-professionnel des céréales). Tableau 1 Evolution de la consommation moyenne de pain, en France (quantités exprimées en grammes par personne et par jour). 600 g par jour 500 g par jour 325 g par jour 236 g par jour 182 g par jour 172 g par jour 144 g par jour Mais les quantités moyennes de pain consommées ne diminuent presque plus, en milieu urbain, depuis quinze ans. . L’accroissement de consommation d’autres produits de panification (biscottes, gateaux secs, patisseries, etc.) ne compense absolument pas la baisse du pain. EVOLUTION DE LA CONSOMMATION EN FRANCE 53 Les pommes de terre La consommation de pommes de terre est assez variable selon les régions (les populations du Nord restant les plus fortes utilisatrices) et selon les catégories socio-professionnelles. L’étude des moyennes nationales (statistiques du Ministére de l’Agri- culture) met en évidence une diminution de moitié entre 1925 et 1975, c’est-d-dire en une cinquantaine d’années. Tableau 2 Evolution de la consommation moyenne de pommes de terre, en France {quantités exprimées en kilogrammes par personne et par an). En 1925 178 kg par personne et par an En 1955 125 kg par personne et par an En 1975 91 kg par personne et par an En 1985 74 kg par personne et par an En France et en plusieurs pays industrialisés, on constate une légére remontée de cette consommation, due au fait que les industries agro- alimentaires mettent sur le marché de nombreux produits préparés, d@emploi facile, qui déchargent la ménagére des opérations longues et fastidieuses d’épluchage et de préparation. L’usage d’un aliment est influencé par les transformations que les industries alimentaires font subir au produit initial pour en faire un « aliment service ». Les légurnes secs Un vieux dicton frangais, qui date d’une époque oi on ne connaissait guére la composition des aliments, énongait avec beaucoup de bon sens : « Jes haricots sont la viande du pauvre ». Par leur teneur en protéines, les haricots, lentilles, pois-chiches et autres legumes secs jouaient un réle important dans la satisfaction des besoins protéiques, dans les milieux pauvres. La situation a évolué. D’aprés le Service des Statistiques du Ministére de l’Agriculture, la consommation moyenne était la suivante : 34 L’ALIMENTATION DES HOMMES Tableau 3 Evolution de la consommation moyenne des légumes secs, en France (exprimée en grammes par personne et par an). En 1920 En 1960 En 1970 En 1980 En 1985 L’utilisation de legumes secs dans certains aliments composés, prépa- rés par l’industrie, a un peu limité la chute. Les légurnes Certains légumes, consommés par les générations précédentes, ont presque disparu de nos repas, soit parce qu’ils sont peu appréciés (navet, topinambour, potiron), soit parce qu’ils exigent une longue préparation. Les chataignes occupaient autrefois, dans les régions ou poussent les chataigniers, une place importante dans I’alimentation familiale ; pen- dant une partie de année ces fruits, riches en amidon (prés de 40%) remplagaient les pommes de terre. Par contre, la consommation de riz a augmenté, celle des legumes verts également. Le sucre La consommation de sucre (saccharose en frangais, sucrose en langue anglaise) a augmenté rapidement depuis la seconde moitié du xix siécle : 2,7 kg par personne et par an en 1840, 17 kg par personne et par an en 1900, 36 kg par personne et par an en 1970. Elle est restée assez stable aux alentours de 36 kg par personne et par an dans les années 1970 et les années 1980. Tl semble qu’elle ait tendance 4 diminuer légérement puisqu’elle n’est «que » de 33,8 kg par personne en 1985. Tl faut cependant rappeler que 33,8 kg de sucre (saccharose) par an, cela représente 92,6 g par jour (soit ’équivalent d’un peu plus de 18 morceaux de sucre de 5 grammes par jour).

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