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Approche du systéme accentuel général du verbe égyptien ‘4 reconstitution nominale de Ja langue égyptienne a fait de nom- Dreux progrés dans le dernier quart de notre siécle @) sans pour- tant qu'on puisse en dire autant de la structure accentuelle verba- le, Cette disparité de résultats est due & dewx facteurs principaux une part, a comparaison peut S'appuyer davantage sur le témoignage du copte pour ce qui est des substantifs; @autre part, un certain nombre de particularites d'appréciation ont faussé les possibilités de développe~ ‘ment d'un systime cohérent, Notre démarche veut tout ’abord rendre ‘la graphie sa valeur : nous ne prenons en eonsidération que les conson- nes et demi-consonnes effectivement éerites dans V'attestation, sans nous ‘ocouper de reconstitntions étymologiques ou de vocalisation (9). La but du présent article est justement de mettre en évidenee Ia signification accentuelle de quelques particularités graphiques importantes. A. La gémination Ge phénoméne a été décrit jusqu’a présent de deux points de vue : comme ua moyen express ot comme une earactéristique Indiquant une voyelle accentuée entre les consonnes dédoublées (3). Il va sans dire que ces remarques sommaires sont insuffisantes pour expliquer toutes les formes, Pour cela, nous devons avoir recours & une méthode dia- chronique qui prévoit une place originelle de accent en deux positions différentes. Remarquons d'emblée que la comparaison de la gémination égyptienne avee la deuxiéme forme du paradigme arabe n'est pas satis (Q) Retenons les études les plus importantes: G. Feuer, Worlakzent und Sittene struktur (Gltekstadt, 1960), J. Osixo, Die Nominelbiliung (Mainz, 1970) et W. Vveicri, Dictionnaire élymotogique de tz langue copte (Louvain, 1981). Nous re rercions le Prof. Vyeieh des eonsells u'll nous a prodigués. Pour les observations foncernant le quantté ot Faccent: W. Someonrs, SSA Journal 19/2 (1988), p. S57. Une syllabe longue est aaivie de deux consonnes, une Drive, de une ou trois. {@) Sur eerains abus de vocaisation, Il faut eonsulter ls judeleuses remarques de J, Venoorn, CAE 5t (1970), p. 282 (@) A. Ganoicen, EG, § 268 on EGYPTE PHARAOSIQUE {aisante pour deux raisons : ici, nous avons toujours la derniére lettre qui sgémine, non la deuxitme, méme dans les tiitdres (sdmmf), et Ia valeur expressive n'est pas valable aux époques aacieanes alt nous trouvons des formes perfectives redoublées. La phonetique nous apprend () que ap parition ow la simplification de deux consonnes identiques est effet de lois accentuclles bien précises. Une syllable acventuée breve précéde les lettres doubles ou une syllabe accentuée longue ou bréve) les sépare i s‘agit des deux positions possible, le premizre, qui est la plus eourante dans diverses langues, ayant été oubliée jusqu’é maintenant pour l'éayp- tien. Nous assistons & la simplification larsqu’une longue précéde les géminées ou lorsque Paccent est placé apris eles, ‘Nous en arrivons a proposer la théorie dischronique suivante pour une premigre période qui a vu la formation du systame (@): 4m-rr, *mvrrf (participe et verbe imperfectif) et *mrur, *mr.arf, #mrwrnf (perfectif). Ace stade, c'est Ia place de accent sur Ia premiére syllabe pour limper- foctif et sur la deuxitine syllabe pour le perfectif qui joue un réle distine tif, M1 nous fant chercher Porigine de cette distinction : le parti présent sémitique qdtil et le passif gat! conviennent parfaitement comme ‘bases respectivement de 'imperfectif et du perfectif. Cette hypothése nous permet de nous intégrer dans le cadre d'une origine nominale au sens large du verbe et d'expliquer T'identité de la position de Paccent centre le sdmf perfect et le sdinnf. ‘Nous gardons *m-=rr sans simplification par analogie avec Ie participe présent arabe mdrrun. Cette comparaison nous est inspirée par la eat gorie verbale: nos verbes géminés n'ont sien & voir avee la deuxiéme forme du paradigme, mais correspondent bien aux verbes sourds arabes, twiliteres dont les deux dernidres lettres sontidentiques. La simplification du perfectif n'est plus pergue dans cette perspective que comme un accident di & un déplacement généralise de Paccent sur la syllabe sui- vante. Co phénoméne aboutit & In deuxiéme période, Nous rendons Yevolution ainsi: *m.srr > *mrur, tmurf > *mr-zof (imperfectif) et Smror > *nrj, *me-srf > tr 2if > *mref, *mreenf > *mronf (per (1 A. Manoses, Hconomie des changements Ehonéigues (Berne, 1970), p. 14l- 42 et I0., La gémination consonantique «erigineexpresioe (Paris, 1987). Pour compensation de Ie eyllbo longue : W. Vesieuty opel pe XXVE (2) Nous faisons précter de Pastérlque ies formes reles pour indiquer que nous ‘avons rétabi Pacoentuaton et le redoublement de intiale pour les blittres prétades ‘e Peugment 212 SYSTEME ACCENTURL GENERAL DU VERE EGYPTIEN fectif), Nous avons ln disparition des géminées prétoniques et I'appari- tion pour les tertiae infirmae d'un j qui garde accent & sa place et lui conserve sa valeur. Nous possédons de nombreux exemples de formes {ossiles de la premiére période qui confirment nos observations : *ps.n (Pyr. 638a, 2010b et. RT 35, p. 219), *1bn (Pyr. O8le), *jfvinf (CT TV, 59m), *78-24n (Pyr. 1871a), **nwn Pyr. 12730). Une autre dérivation verbale qui présente des restes de gémination de la premiére époque est Ie pseudoparticipe : dans ce cas, nous sommes aide par le premier qualitatif eopte dérivé de la troisiéme personne du ‘masculin singulier, par le deuxiéme qualitatif de la méme personne du feminin @) et par l'accompli des verbes sourds de Varabe. La reconsti- tution diachronique est la suivante : #merrw> *mcrr> *mr pour le ‘masculin et *mrorlj> *mr.c4j ou*mrt pourle féminin. Les attestations présentant la forme originelle sont suffisamment nombreuses pour ne pas dtre éeartées (2): *smnvntj (Hymnen 12,2), *dudyj (Lansing 10,4), gnwnij (Eb 860), *hsnn (Bb 858a). ‘Nous sommes arrivé, pour la gémination, & une vue cohérente de Ven semble sans etre obligé de multiplier a Vextréme les exceptions. B. Lej prothétique Cette particularité est celle qui a provoqué le plus grand nombre de commentaires @), sans qu'on se soit fixé sur sa valeur exacte. Certes, les langues sémitiques connaissent aussi cette marque qui indique lab- sence de voyelle entre les deux premitres consonnes et le report de T'ac- cent a la syllabe suivante, mais les Egyptologues, troublés par le com- portement de certains dérivés & augment de racines bilitéres dont nous parlerons plus tard, ont eu tendance & nier Ja validité de la régle meme pour les autres verbes. Cette attitude a conduit parfois & imaginer la prothése comme une sorte d'élément mobile de la racine qui serait issue (dy Le Seams, Koptsehe Gramma (Lelpalg, 180), § 848 et sty J Ose, Der pitiqapt. Pap. BM 10908 (Wiesbaden, 1976) p. 28-28, (2) E, Boer, ZAS 84 (1950), p. 105-06. {) K. Sere, De Aleph Prostheico et Verbum, ly §10, B. Bost, AFG, § 450-54, AIDANE 18 (1940, p. 35-98 et dans Testes et langages, I (Le Gar, 1972), p. 120-22, W. Wesresnonr, Grammatit der medizinischen Texte (Dern, 1962), p- 146, W. Somisnnty Die altqypt. Sufishonjupation (Wiesbaden, 1975), p. 3040 ct OLZ 70 (4975), col 812-43, P. Lacav, Blades @éggptloye, TE (Le Care, 1972), p. 270-84, 213 RayPre PHARAOSIOUE de ta premiére ssllabe du radical et & lui nier toute valeur accentuelle Matheureusement, ees belles fables ne s'appuyent sur aucune observa tion comparative, Nous en restons & ce qui est connu par Ie sémitique. Les verbes a trois consonnes ou davantage ne posent aueun probleme :*ylinstj (Pyr. 1992 et NT 780), *jrn- *jatstf. I salt atone ‘sssimilation qul est compensce par le redoublement de le consonne et non dune ‘mantire voealigue. Relevons Yattestation qui correspond la. premiere pétlode atoll) UK. Some, ZAS 64 (1929), p 2), (@) A. Brovax, Nendgypl, Gram., § 256 ot 19, M. Konosrovse, Gram. pe 221-22, K. Senn, ZAS 88 (1900), p. 147. Reconstitution: *jphepu > *j88pe. I faut noter: YJfcpa > *}6pw qui donne le méme resulta, mais par atsmtation de ba fonsonne médane au SvSriMe ACcENTORL GENERAL DU -VERDE BovPTIEN Aucune hésitation n'est possible pour les formes sans suffixe ou glide final: *jkbvm (Pyr. 578b), *immert (Pyr. 2192aN), *yffeh (Pye. 6760), “pps (Pyr. 3660), Sjwwwn (Pyr. G11a) @). Le probleme est different lorsque le préfixe n'est pas suivi de la racine nue, car le tout compte au moins trois consonnes. On peut alors admettre deux possi- bilités sans qu'il soit possible de trancher : *jgrow ou "jag rw (CT I, Sla) rswk ow *jerssk (Pyr. 1479a) ot de méme pour un ferlia infirmae je aij var. *jmr nj ou *jmmurk var *jmmenj (Epes, MDATK 13). Pour cette derniere attestation, notre premitre hypothése correspond & la deuxieme époque, alors que Pautre possibilité répond & une remontée postéricure de accent. L'imperatif est une des dérivations & prothise les plus eourantes ; la chose s‘explique facilement par Ie paradigme sémitique jglal: *jwreg (Pyr, 2114a) *jnder (Pyr. 6764), *7¢ cor (CT I, 188a). Nous arrivons {ila conclusion : le j prothétique indique que Taccent se place aprés les deux premiéres consonnes et qu'il provoque la réduplication de Ia pre~ mitre radicale des biliteres. Ce dernier aspect est loppos¢ de la gémina~ tion qui dédouble la derniére. Les deux procédes sont incompatibles & exception d'un seul verbe : 78° 2G (Pyr. 1426aP), *jh* 2° (NT 675), ib 25j Bye. 12886). . Lachute dur La disparition de la lettre r en syllabe finale accentuée est un phéno- ‘mine bien connu (); nous voulons mettre en évidence dans ce eadre le rapport entre la place de Paccent qui nous est indiquée ainsi et la forme verbale, Nous retrouvons les formes perfectives comme le sémnf': *hq-arn > *bqun yr. 5538), *dsurnk > ds-cnk (Pyr. 2013a) par exem- (1) Of, Horus et Seth 10, 8-9 et ANFEDN (OD 482). L'accentuation de cette forme ct justite par noe remarques sor Fimpératit. (@) G, Fen, op. ely p. 30 note 109 et Sinuhes Zavikompf, dans Stadien su Sprache und Religin, 1 (Gottingen, 1088), p. 482 note 21. Nous exprimons notre reconuatisance su Prof, Fecht pour les longs eatretlens sh profitables pour nous. [Nous considérons In disparition dr comme effective lrsqu'lle est pas compensée dans Péciture par un glide, car dans ce cas la compensation s© place, sell exist, ‘auniveau voeallque, Nous ne traitons que des atestations qui montrent le phénom®- ‘he claiument en excluant Ios graphies phonologiques/phonétiques selon Ie terminolo fle de G. Rooce, Nioeaus de représentation du code graphigue, dans Litre de Cente- ratte (Le Cait, 1980), p. 75-00, 215 Eaverss PHARAONIQUE ple. Remarquons que lorsqu’on veut garder la lettre, on peut avoir recours a la metathése : *hsvrnj > "hs—nj ou *hrvsnj (CT IV, 200d). Les sdmf correspondent & des formes uégatives, a des passifs, & des prospectifs ou optatifs qui présentent une accentuation sur la deusiéme syllabe : Ym hnvr> %n fnj (LAM 92/7 Nebseni), *hnorto > thn jt LAM Lepsius 91), *sior > swoj (Pyr. 2I8DP), tw arf *swof Py. 1200bP). Relevons pour les deux derniéres occurrences que Ie glide j apparait pour éviter 4 Paccent de remonler lorsque le verbe n'est pas suivi du suffixe ; autrement la consonne est conservée comme pour les autres variantes de 1200b avec sujet nominal. Cette remontée secondaire do Vaccent se rencontre deja dans les textes anciens de maniére limitée “spur > *sep (Pyr. I188eN), *hper > thup yr. 1128-29) 0). Le pscudoparticipe nous offre aussi des eas de simplification lorsque ‘nous avons la deuxime syllabe porteuse de I'accent :*dswrlj > "ds 4j > gout (Pyr. S81CPN et O52bP), *jwrlj> *jwot> *fj-t (Pyr. 698ATN, copie = e2T) 0), Les observations faites dans cette subdivision confirment pleinement la répartition générale entre les deux syllabes dua radieal ; nous allons voir maintenant un verbe qui présente toutes les trois pavticularites graphi- ques vues jusqu’a présent, D. Un verbe particulier La famille d'attestations que nous allons détailler est constituée des aérives du radical j'r. il nous importe peu de savoir si ce trlitare s'est ‘transformé dés le Moyen Empire en un bilitére par la disparition du slide j ou s'il a existé un bilitire das les origines (), car nous continuons 4 observer es graphies et leurs consequences pour T'acventuation. Meme silej n'est pas une prothése, mais une psrtie constituante de la racine, (1) Mest evident que la disparttion a'ane consanne provorre des effets seeondaires ‘comme fe changement de syllabo accantuée ox de quantte qui sont ls aust Ades Darticulartésditeetales. Au stadoaetuol de nos sonnassance, lest difficile de pr ‘ier davantage. (@) Faut rapprocher de jf le mysteieux verbe glk (BE. Homseno, Amdoual, 1 (Wiesbaden, 1968}, p. 88)? Dans Fettimistive, nous aurions *sjoork = *ejok ‘La traduction qui en résutterait serait assez séduante: Soar auraltfécondé a bute oii tie ensuite la forme régénénde (ef. Pyr, 1958) et la présence d'sisdeviendrat uss significative, (@) Ace propos: W, Vverant, op et, p. 6 216 SYSTEME ACCENTUEL GENERAL DU VERE BoyPTEN illest raisonnable d'admettre qu'il provoque un redoublement compensa toire lors de Ia chute du r, surtout grice aux graphies du substantif correspondant déja citées (CT 2060-2074). Voici quelques reconsti- tutions : *jur> °°" (Pyr. 336bT et A62cW), #y" orl > 477 eG (Pyr. 14490), #7" ork> "y'2"h, éventuellement #77 vk (Pyr. 452b). Bien plus intéressantes sont les formes tinées du eausatif de ce verbe par Jeur varieté, Nous détaillerons d'abord celles qui conservent le j de la racine, puis celles qui Yomettent sans introduire wn j prothet devant le s du eansatif, enfin celles qui nous donnent ce glide ini Relevons pour la premiere catégorie : *aj" ur > *sjv* (Pyr. 5860 TPM, impératif avec remontée secondaire de accent ; of. aussi Pyr. 33%c), sg art > Saf"wl (Ur. 1, 269/9), *9j"ersn > tej 2sn (Pyr. 385DW), sq" arn > sf" vn (Pyr, 6134), jer > afew" yr. 1341a), Mf” rw > “3 ew Pyr. 2910). Le douxiéme ensemble est moins fourni et ne semble coneerner que des perfects: *s° wmf > *s°o'nf (CT VIL, 387e) avec une gémination iéguliéxe provoquée par une remontée secondaire de Vaceent qui con- serve In quantite, #3)’ 220 > *s" rw > "s"w° ou *s°rarw (CT I, 720) avec les deux derniers développements qui montrent soit la perte du r et accent qui remonte, soit, au contraire, le dédoublement de la lettre pravoqué par le glissement aecentuel sur la troisitawe syllabe. Nous re- trouvons l'incompatibilité entre V'augment et la gémination. Le troisiéme groupe est aussi productif:: tjs"er > jssw* (Pyr. 216a eb 86 var sj"), js" cow > Bp" ow ou Nfss-"w (Pyr. 16796), *js"wenf > *js"-anf (Pye. 64141). Un sous-ensemble conserve le j du radieal qui ‘a comme effet de faire remonter Paccent de la place naturelle pour la forme considérée: *jsju"j (Pyr. GIBTA var. *sse°Y avec redouble- ment graphique a cause de Yabsenee du j du radical pour eette lecon utilisation du prothétique aurait donné *js" fj avee accent & sa place habituelle ‘Au terme de notre enquéte sur Ia valeur accentuelle des principales particularités graphiques de la derivation verbale, nous aboutissons a tune vue précise de la fonction des indicateurs et de leur evolution dia- chronique 4 partir d'une position originelle relige a Paspect du verbe et {son origine, Nous espérons pouvoir rendre ainsi leur importance & des phénoménes considérés parfois comme marginaux en les réinsérant dans tun contexte général Massimo Patané: 217 6

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