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De l'apprivoisement& l'approvisionnement : chasse, alliance et fami hnps//te.revues.org/867 lead Techniques & Culture Revue semestrielle d’anthropologie des techniques 9 | 1987: Des idées pour observer Des idées pour observer De I'apprivoisement a l'approvisionnement : chasse, alliance et familiarisation en Amazonie amériendienne PHILIPPE ERIKSON Pour citer cet article Référence électronique Philippe Erikson, « De lapprivoisement & fapprovisionnement : chasse, alliance et amiliarisation en Amazonie amériendienne », Techniques & Culture (En ligne), 9 | 1987, mis en ligne le 23 janvier 2006, consulté le 02 décembre 2013. URL hitp:tc revues org/867 Auteur Philippe Erikson Articles du mame autew Du pécari au manioc ou du riz sans pore ? Réflexions sur introduction de la riziculture et de l'élevage chez les Chacobo (Amazonie bolivienno) aru dans Tectiniques & Cultura, 31-92 | 1998 Droits d’auteur Tous droits reserves 02/12/2013 18:40 Philippe ERIKSON DE L‘APPRIVOISEMENT A L'APPROVISIONNEMENT : chasse, alliance et familiarisation en Amazonie amérindienne. L’énorme majorité des études consacrées a la chasse en Amérique du sud met accent sur la place essentielle occupée par la prédation dans univers symbolique des ethnies amazoniennes, Plutdt que de revenir sur cet aspect positif de la chasse (sa valorisation), nous nous proposons dinsister sur son contraire : les efforts destinés & résorber Je malaise conceptuel engendré par l'activité cynégétique. En effet, apparaissant & premiere vue comme un prélévement unilatéral de gibier, la chasse semble paradoxalement peu conforme 4 Tidéologie amazonienne od prime la notion de réciprocité Certes, il existe bien un certain nombre institutions (liges au chama- nisme, aux rites et A Téthique de chasse, aux prohibitions, etc.) qui viennent minimiser les conséquences logiques de ce déséquilibre. Mais celles-ci semblent insuffisantes pour donner pleinement “bonne conscience” au chasseur et & sa société, Llobjectif de cet article est done de montrer qu'en plus des institutions explicitement destinées 2 lever la contradiction évoquée plus haut, les Amérindiens disposent d'un autre moyen de résoudre le probléme : leurs animaux familiers, que nous pro- posons de considérer comme le complémentaire sémantique du gibier. Bien que Topposition entre animal familier et gibier apparaisse au terme d'une analyse plutét que dans les discours indigénes, la complémen- tarité entre les deux nous semble importante dans la mesure od elle per- met de comprendre la chasse dans le prolongement des relations homme/animal telles qu’elles sont congues en Amazonie, et non comme simple moyen d'obtenir des protéines. C'est pourquoi nous concluerons en tirant les conséquences de notre analyse structurale par rapport aux théories des "matérialistes culturels” américains, * Cet article a 646 préparé 8 Voceasion du séminaire consacré au theme des "rapports entre gestion du sauvage et gestion du domestique (étude de cas en Amazonie)” qui a x lieu en 1984 an Muséum d'Histoire Naturelle. Il 2 également été présenté au jury du DEA, de [Université de Paris X-Nanterre olt Tenseignement et le tutorat de P. ‘Menget mont été du plus grand secours tout au long de la rédaction de ce texte 106 P. ERIKSON LA RELATION GIBIER/ANIMAL FAMILIER Avant daborder la chasse proprement dite, examinons bridvement ce qui permet de rapprocher gibier et animaux familiers, et voyons quelle place ces demiers occupent dans l'idéologie amérindienne. ‘On remarque dabord que les espéces apprivoisées et les especes chassées sont le plus souvent identiques. Conorétement, dans la majorité des cas, les animaux apprivoisés ont été ramenés par Ie chasseur qui a tué eur mére, Ensuite, le petit animal est souvent donné & T’pouse du chas- seur qui allaite les mammiferes ou donne la becguée aux oisillons- De fait, hommes, femmes, gibier, et animaux familiers semblent donc étre “en distribution complémentaire". Mais on peut également considérer que le rapport entre gibier et animaux familiers existe en droit. Ainsi, pour les Kalapalo (Basso 1977: 102): "birds, monkeys and turtles are the only wildlife kept as pets. Other animals are occasionally captured and briefly held in the village [...]; such animals are not referred to as itologu, except in jest”. Or il se trouve que les animaux mentionnés constituent (avec le poisson) Ia seule chair jugée comestible par les Kalapalo. Les autres ne sont donc ni chassés, ni "apprivoisés” au sens kalapalo du terme, n’ayant pas droit au statut ditologu. Cela dit, sil y a bien une certaine continuité entre les animaux chas: et ceux que l'on apprivoise, les uns sont l'image-au-miroir des autres plut6t que leurs semblables, pour des raisons que nous développerons plus loin. En fait, l'animal captif est tellement différencié de sa contre- partie sauvage qu'il porte parfois un nom qui nest plus celui de son espéce dorigine. Ainsi, chez les Waydpi, les pemniches yele (Touit 1 Pour plus de précisions sur les modalités et la symbotique de Tapprivoisement, voir Erikson, sd. Ajoutons deux remarques = tous Jes animaux destin€s & la familisrisation ne sont pas ramenés de la chasse puisquils font parfois objet dune quéte spécifique. Les Bororo, pour prendre un exemple célébre entre tous, vont dénicher des oisillons aras dans les formations rocheuses de la chapada (cf, Levi-Surauss 1964 : 44), Ceci di, le fait de dénicher des oisillons est égslement ne forme de chasse puisquc : “Otis en brochettes, ces petits ‘oiseaux forment un mets de choix, car si leur chair est ordinairement assez dure Jorsquils sont adultes, elle est en'revanche tendre et savoureuse lorsquils sont Jeunes” (Descola sd. : 98) Tes hommes et surtout Jes enfants ont également des animaux préférés. Mais jdalement, ce sont surtout les femmes qui "possédent” les animaux familiers 2 Lion pourrait nous objecter que le chien -qui compte évidernment parmi les animaux far est pus chasse, bien au conte puis accompage es hommes en forst. Mais nous avons montré ailleurs rikson sd.) que le statut des chiens est le plus souvent différent de celui des autres animaux familiers. Ces demiers sont en effet “apprivoisés, choyés, associés aux femmes, et nourris avec soin, tandlis que les chiens Sont rarement noufris, parfois malmenés, associés aux hommes, et domestiqués. Dang bien des cas, ils ne sont pas englobés par Ia définition indigene de Tanimal feeciter Sotne: Wnntestcenties cnt nniicciivinenns Wie DE VAPPRIVOISEMENT A L-APPROVISIONNEMENT 107 purpurata) et taptiladinga (Piontes melanocephala) sfappellent kala et ppaila paila respectivement lorsquielles sont apprivoisées, le perroquet ‘kule (Amazona farinosa) devenant palakut, le sapajou fauve kat (Cebus ‘appella) devenant maka, etc. (Grenand 1980). Tlexiste d'autres cas od les animaux apprivoisés apparaissent comme Ie symétrique du gibier. Chez les Maquiritare par exemple (Wilbert 1972: 143), les plumes des oiseaux tués pour la consommation sont abandonnées (afin d'assurer la reproduction du gibier), alors que celles des oiseaux apprivoisés sont soigneusement conservées. Par ailleurs, il arrive souvent dans la symbolique, que les animaux apprivoisés soient aux femmes ce que le gibier est aux hommes (Perrin, 1976:146). Enfin, Ie fait qu’animaux familiers et gibier s'opposent et se complétent comme les sexes auxquels ils sont associés peut également étre explicite, comme dans le syst me Kaiapo de transmission des droits locaux : "just as only men receive the o mry_ [rights to receive certain specific parts of cert animals in food distribution), only women receive the rights to raise certain animals (0 krit) as wild pigs, parrots, coati and ocelots" (Verswyver 1983:312). L’on peut donc penser qu’élever les petits des animaux tués & la chasse siinscrit dans la logique du rétablissement de l'équilibre "naturel", annulant en quelque sorte (ou du moins compensant) les effets destruc- teurs de la chasse par leur contraire symbolique ; ainsi, en s'occupant de Jeunes animaux, donc en les maintenant en vie, les femmes joueraient un Ole nourricier inverse du role destructeur de leurs compagnons. Nous toumant vers I'déologie de Ta chasse, nous pouvons maintenant chercher d’oi provient ce besoin de contrebalancer ses effets. LEPROBLEME DU CHASSEUR Dans les sociétés amazoniennes, T'on retrouve une croyance tes générale en Texistence de "maitres des animaux" (Zerries 1954; Rodriguez Barbosa 1890) entretenant avec les espéces sauvages le méme type de relations que les humains avec leurs animaux familiers (Ahibrinck 1956: 123; Clastres 1972: 39; Weiss 1974: 256). P. Grenand (1982 : 208) écrit par exemple que pour les Wayapi, "la forét, domaine des esprits (aya) renferme le gibier, la véritable nourriture de Thomme. Ces Fon pourrait évidemment nous objecter ici que la majorté des Gugjiros sont asters! avant due chasseurs-egrculteurs. Mais comme fe souligne Perrin (1976: Bbq) beaucoup de leurs croyances restem sinilates a celles des autes ethnics langue aeawak, et Yon peut donc les prendre en compte dans nowre discussion écouter (lews] mythes, on a Timpression que la chasse est restée activité principale des Guajizos’ 108 P. ERIKSON gibiers sont les ima, les ‘animaux domestiques’ des esprits”. La consé- quence de ceci est clairement énoneée dans un autre texte de P. Grenand (1980 : 44) : "Yacte de chasse est un risque puisque "homme tue le plus souvent un animal qui ne s'appartient pas", d’oi la "crainte perpétuelle de la vengeance des esprits”. Que les relations entre gibier et esprits soient de méme nature que celles entre humains et animaux apprivoisés est un point important sur Iequel nous reviendrons. Pour V'instant, relevons simplement que pour obtenir de la viande, il ne suffit pas daller la chercher ! I faut égale- ment entrer en interaction avec les “maitres des animaux". Comme il est évidemment exclu dentrer en compétition avec eux (sous peine de ne plus jamais pouvoir chasser), les Indiens ont recours a trois types de stratégies pour éviter le courroux des esprits lésés par les chasseurs. Ils peuvent soit considérer qu'ils sont éminemment généreux, soit négocier, soit enfin conclure une alliance avec eux. Nous allons & présent passer ces stratégies en revue, et montrer pourquoi aucune n'est vraiment satisfaisante ‘TENTATIVES DE RESOLUTION Par le"don" La premitre option revient & nier le probléme en affirmant que Jes humains bénéficient & titre gracieux de Tassistance des esprits. Cest par exemple la solution que Dumont (1972: 20) reléve chez les Panaré. Analysant lopposition entre savane et forét, il écrit en effet que si la pre- mire est “le liew of on ne donne ni ne regoit” (puisque s'y pratique le commerce avec les Créoles), la seconde, en tevanche, “est pergue comme exactement Iopposé car on s'y sert & volonté. La forét abrite en effet les maitres des plantes et des animaux sauvages, lesquels sont essenticllement ‘généreux puisqu'ils donnent aux Panaré sans que ceux-ci aient rien & contredonner, tant quills prélévent avec modération les ‘enfants de la forét". Les Matsiguenga semblent avoir adopté une solution similaire puisque, selon Renard-Casevitz, le chasseur Matsiguenga ne refuse jamais la proie qui lui est envoyée (offerte) par les exprits : il doit la tuer. Toutefois, ceite obligation resemble plus & une “injonction para- doxale" (le double-bind de Bateson, cf. Watzlawick et al. 1972) qu’a une solution. Dailleurs, en dépit de leurs discours "rassurants", ni fes Panaré ni les Matsiguenga ne sont exempts d'une certaine crainte des esprits. Ainsi, lorsque le soir un Panaré n'est pas encore rentré de la forét, "une nervosité et une tension assez grande regnent au sein du groupe, alors {que cette attitude ne prévaut absolument pas s‘ils savent que le chasseur est resté dans Ia savane" (Dumont 1972 : 19). Les Matsiguenga aussi, DE LAPPRIVOISEMENT A LAPPROVISIONNEMENT 109 bien quils aient accepté le don des esprits, restent prudents puisque le chasseur ne doit ni ramener ni méme toucher le gibier qu'il a abattu : "le convoyeur est toujours innocent de la mort des victimes qu'il transporte" (Casevitz 1972, : 245). Test probable que c'est l'absence de contre-don qui produit la crainte des chasseurs : si la réciprocité retrouvait ses droits, il faudrait que les esprits mangent des humains (thtme d'ailleurs abondamment exploité dans les mythologies) ; il faudrait littéralement "payer de sa personne”* Cest pour éviter un tel dilemme que certaines ethnies tentent de rétablir Véquilibre par le biais du chamanisme, Par la négociation L’ exemple Ie plus flagrant (ct céltbre) corespondant & cette seconde solution est celui des Desana (Tucano). Leurs chamanes se rendent chez Te maitre des animaux (wai-maxsé) afin de lui échanger des ames hhumaines contze du gibier pour leur groupe (Reichel-Dolmatoff 1968 : 107, 160), ou afin de copuler avec les "pécaris” (comme le font égale- ment les chamanes Tapirapé - Wagley 1977: 194- tandis que pour les Piaroa dont les chamanes sont également caractérisés par leur fécondité, il peut arriver que ce soit au contraire un pécari sumaturel qui f€conde une humaine - Overing Kaplan s.d. b : 6). Idéalement, la situation est done harmonieuse et équilibrée. Pourtant, malgré les négociations des chamanes, les Desana craignent la vengeance du wai-maxsé (Reichel- Dolmatoff 1968 : 146). car en plus des mes animales, sa maloca (vaste habitation collective) recéle les maladies qu'il n’hésite pas a souffler sur les humains sil s'estime lésé par un chasseur (ibid. : 107), Il est donc particuligrement important pour notre propos de relever (ibid. : 217-8) 4ue lapprivoisement a pour les Desana une fonetion prophylactique “Dans de nombreuses malas on garde des anim de I fort, sit de sammiferes sot des olsen, qe es indigenes event en y prenant grandson {nh On ert que ces anima posstdent dex qalits apotropagoes ence Sens Gis andrea Sur eux les maladies contagleuses |]. Co sont des ongeus le 7 Voir en paiculier Siskind (1973: 154 sq). Par ailleurs, ge que Tanthropophagle cécoule de reasons insuffsammment récproques ne_ dot gulre Surprenee les spéialies de TAmsronie ngigene On Ia retrouve meme dans Fhdbologe de Iallance Cont on vera quele fount ie modele de cele de In chasse) comme aime clairement J, Overing Kaplan (1981162) "she proper, oF rather Safe, exchange relaonship 4s the veviprcated one, and i is only though such reciprocity tht the danger inherent nthe inlaw slationship canbe averted (Jn laws ae angers who may eat you” est done difiele d'admetire comme Deveretx (3946; 1977 1539) que "aonbiguitefongamentale” da gibier dans ls representations Intllectueles des ehascours est due aa contradiction ene Ia mise % mort cla "eacrlité* des animaux. Cect di, Deveroax a eertanement raison de cheteher un fondement psychologic au sentient de culpable quasi aniversel qo eeracerise ee 10 P. ERIKSON ca, Togoui ot Ie pa (uJ, des sings (J, Je Toit (up Magami [.1,le Bota Ses pemoades etd oP Dott Gok Daven C=} Nous retrouvons ici T'idée générale que nous avangons pour Ten- semble de laire culturelle, transposée (conformément & la spécificité du contexe Desana) sur le terrain de la maladie. Ajoutons enfin, pour rendre la démonstration plus convaincante, que : "animals can be classified into vai-méra bara, ‘edible animals’, vai- méra nyéra, ‘bad’, that is inedible animals, and vai-méra ehora, ‘fed animals’ or pets” (Reichel-Dolmatoff 1978 : 252). Etant donné que les deux premiéres catégories recouvrent la totalité des espces animales, la simple existence de la troisigme témoigne de son importance (et de importance de son critére de définition). Sans elle, la premiére serait encore plus "dangereuse'" quelle ne Vest déj Pour les Yagua, Fobtention de gibier implique semblablement une contrepartie chamanique. C'est pourquoi activité cynégétique est pour eux une forme de “commerce, échange, troc" (ari~) plutét_qu'un “labeur" (waria) (Chaumeil, 1983-4). Toutefois, si le chamane Desena traite directement avec le maitre des animaux, son homologue Yagua, lui, n'a affaire qu’ des esprits qui "n'engendrent pas cux-mémes les FTrne sagit peucfe que dune colncidence, mais Yon retrouve une ide simile chez les Fiaroa: “come les hommes qui ei novrrsen, les perroquet] chantent Pour prévenir les malacies(.] ce sont de bons soreters* (Monod 1972 414). Or ut fes Pieoa, etre malade, cest se faite manger lame par le maitre dv gibler (Kaplan sida ll consequence cirecte des “dangers of unfulfilled resiproci puisque (i, : 15) "we ean view the giving of disease a metaphor fora state of non- Feipoely On eleve par alles (Overng Kapaa +4) a a cre chanancue Paton est dderite dans des termes qui font neterent allusion & Tappavoisement ressemblance avee les données Desana apparait encore pls clarement sion ent onmpte des renseignements contenus dag la these de d. Buchillet (2d. 167). En Effet son analyse delidéologie médicale Desana nous apprend que le prmcipal isque {E malacie ie &lachasse ne vient pas de Techoe possible des négosations chama ‘iques (et supra) mais e Futsation excessive de [a "trompere paentale” puieque la Dancipale infection que puisse comme tn chasseur ext "Tubisation abusive de Eersines plantes magiques" qui le fone apparaie, aux yeux du gibier “comme un parent Anticipant legerement sur la suite de note développement, nous pouvons Bone dre que le modele panamazonicn de "alliance piégée” Sapplique Gealement aux Sovites cu, non ouest Les Bart ont galement un ital permettant déviter “les Ihiladies vehiculées par fe gibier® tout en “reaffirmant son aliance avec le monde fnimal® Pton 1973: 158). Et dans les ethnies de langue Pano “ob les mates des animaux existent pas-on pense qucles maladies viennent directement des esprits du fiber tue et gue les rites'Ge chasse ont une fonction thérapeutique évidente Cf. Beshayes, sd Mela & Melati 1973 132-3). Ces sites refleten donc peut-eie comme le propose Carneiro (1974) Taspect algaoire de la chasse, mas ans ses Sspocts symbol ques et certainement pas techniques (Cf aussi Brown && van Bolt 1980). nf, certains passages dun tes beat texte de Kracke (1981:103, 130,..) nous permettent de peter que Tidéologie dela chase tlle que nous Ta définirons pilus loin pourrait sas doutefournr la clef des rpports entre croyances éologiques ee et peer arctan, DE LAPPRIVOISEMENT A L'APPROVISIONNEMENT m1 différentes espéces animales, n'étant que des intermédiaires entre les maitres des animaux et les hommes" (Chaumeil 1977 : 16). En demiére instance, le gibier est donc bien un don (ibid. : 1), par lequel les Yagua contractent tune dette inquiétante -bien qu'indirecte puisque médiatisée par certains esprits. Malgré le rituel au cours duquel les esprits sont rétribués par Toffrande de biére de manioc et de bouillie de bananes, les Yagua restent donc redevables aux maitres des animaux, qui sont craints : "certains entre eux sont dépeints par les Yagua comme des mangeurs dhomme. Détenteurs des animaux, ce sont les vrais responsables des mauvaises chasse et des disettes" (Chaumeil 1977: 16). L'alternative sous-jacente pourrait tre formulée ainsi : tre mangé, ou ne pas manger (de viande). Certes, nous sommes loin d'avoir démontré que les Yagua se servent de leurs animaux apprivoisés pour rétablir des liens plus sécurisants avec les anciens maitres de ceux-ci. Mais il est intéressant de souligner qt justifient la consommation d'animaux domestiques (cochons, poules) en invoquant leur non-appartenance & ces maitres ; ce qui permet de suppo- ser quiils ne mangent pas les autres animaux familiers pourtant comes- tibles - entre autres en raison de leurs liens avec des entités surnatu- rellesé. Un paralléle peut étre fait entre les données Yagua et un rituel décrit par Jacopin (1972: 127-8). En effet, lors de la féte du chomaduro (Guilielma gasipaes), Jes Yukuna offrent eux aussi de la bigre aux représentants des animaux. Et Yon peut supposer quiil s‘agit 1a encore dun "mouvement oblatif" (doublé d'un geste social) destiné & assurer la réciprocité et donc, & terme, lapprovisionnement en viande? . Mais une © Les Indiens d’Amazonie (Yagua inclus) répugnent généralement & manger des animaux domestiques (pour des raisons discutées dans Frikson (s.d.). Mis lorsqui Te font tout de méme, is le justifient souvent avec les mémes arguments que les Ya (cf. Chapman 1961; ‘Kracke 1981; Perin 1976; Urban 1981, et.) 7 & propos de ce méme "bal, Jacopin (1977 : 228) écrit dans un aute texte propos Jacopis tun autre texte que score pus saileu: Téchange eta consommation de pris vega preservent le continité de ordre: du monde, ou plus précisément, Tharmonie. (ragile) des hommes avec la nature". On retrouve chez les Piaroa quelqie chose de similaie, ainsi quil resort de Ia eitation suivante (extate de Boglar 1919-235): "the wartme nit iS the grandest event of the Piaroa Indians [..] During the ceremony, the mask bearers represent animal spirits or, more exactly, the “lords” of certain animals (. Spitual idenufication ‘with the animals makes their elasonship with them more Jntimate, and atthe sam time induces them to multiply", et ce, malar "the highly dangerous and ambiguous nature of animal meat within the Paroaseligious symbolic system" (Kaplan 1975 : 39). Signalons enfin que les chamanes Mundurucu rétibuent eux ausst la Mere des animaux.ea lalimentant de bouille de manioe (Murphy 1938 : 40), ce qui ne Tempéche pas de auire aux humains... Les chamanes Wayana et Wai- Wal négocieat,cux, ever "le pare des cochons sauvages" ( Hurault 1968: 16), ct Wilbert (1979 : 34)cite quelques cas ob c'est de a fumée de tabac qui est censée scnenerie tits taratartiiamnteitnen taaitioen. uz P. ERIKSON fois de plus, Ia contre-prestation ne garantit pas tout a fait la tranquilité. Aussi enterre-t-on les morts dans la maloca “pour les préserver de la visite des 'mauvais esprits’ [qui] peuvent tre ceux d'animaux qui se vengent du mal que leur ont fait les morts de leur vivant" Qacopin 1972: 127). Par Valliance Ce qui est particuligrement important dans le cas Yukuna est lidée dalliance introduite par le fait que les animaux soient incamés par les invités "du groupe exogamique opposé a celui de la maloca" (acopin 1972 : 127). Car en fin de compte, aussi bien !échange d'ames que celui de nourriture connotent Valliance, ce qui semble fournir le modéle général de la chasse en Amazonie. Ainsi, méme chez les Tatuyo (tres proches des Desana), 'échange, l'alliance, et la prédation renvoient Tun ATautre Bidou 1972: 91): "Lialliance est pensée, entre gens de teres différentes, de chair différente, comme un échange réciprogue de-cetie chair, comme, un processus de ‘prédation- ‘consommation’ équilbré entre les différentes terres Etune note précise que : “Cest par ailleurs ce méme type de rapport, ce méme souci d’équilibre qui régle les elise ly Maka (ne Proper diy Tuyo), ls War-Mahe (Gens- Tous) ts Wahlen Mana (Geneanmay, a ven de a pshe etd a Phasse™ Landaburu (1979: 18) citant R.Pineda, évoque lui aussi la primauté de ce modéle (chez les Andoke) : “Liabattage des arbres de Ia chagra, Ia guere, le cannibalisme, la, sexualité, acquisition dune femme, tout cela est vu comme la capture dune proie moyennant Tétablissement dune alliance. Cette alliance, quelle s'exprime reellement pales obligations du mar vit-vis du groupe de femme, ou quelle Stexprime pac les simulacres que sont les présents lnissés aux maitres des animaux fos ne case ..] ex Flr pour route I contradiction de Topp sition [..]"- Lion peut douter de Tefficacité de "simulacres" pour résoudre des antagonismes, dot, répétons-le, la tension accompagnant cette concep- tion de la chasse que 'on retrouve également chez les Achuar au sujet desquels Descola (s.d: 378) écrit en effet que (contrairement & la guerre), la chasse "est fondée sur un gentleman's agreement et elle implique une séduction des affins animaux qui, quelle que soit Ia nature de son issue, leur reconnait au moins le mérite d'une existence sociale DE LAPPRIVOISEMENT A LAPPROVISIONNEMENT 113 [...]. Dans la chasse, Falliance se maintient & travers Tespdce de contrat implicite passé avec les amana et les esprits protecteurs des animaux" CONSEQUENCES ET GENERALISATIONS Une telle conception de Ia chasse n'a évidemment rien dexceptionnel (Lizot 1977: 67), méme hors d'Amazonie (Doumes 1977 pour un exemple en Asie). Elle est aussi banale et aussi répandue que l'équiva- lence entre mise & mort et acte sexuel d'une part (Roheim 1967 : 63-6), et entre ennemis et affins de Tautre (Brown 1964 pour une discussion centrée sur 'Afrique et surtout 'Océanie, retragant cette idée depuis McLennan). Mais elle nest est pas moins problématique en ce que, contrairement aux alliances entre humains od la réciprocité est de régle®, il s'agit ici d'une alliance sans contrepartie, ot régne Ia tromperie, Excepté a la mort, la relation n'aboutit & rien, ni A la contreprestation, ni 4 la filiation : "change pips, le rapport dalliance assume pleinement Tenjeu d'un pari tragique” (Descola s.d. : 369). Au prix d'un mauvais jeu de mots, l'on pourrait dire de ceite alliance unilatérale et létale quelle est contre nature, Et le renversement des valeurs apparaitra sans doute complet si lon ajoute que dans cette alliance perverse quiest | chasse, ce sont les "gendres” (prédateurs) et non les "beaux-parent (maitres du gibier, donneurs) qui regoivent de la viande, en. contra- tion totale avec la norme amazonienne. La viande est en effet, dans les sociétés des basses-terres, le moyen dinaugurer puis de confirmer une alliance. Clastres (1972a: 220) rapporte par exemple ces paroles irs caractéristiques d'un. jeune Yandmami amoureux: "Shiweriwe me déclara: je resterai ici et je épouserai. Je donnerai beaucoup de viande & son pére”. Dans presque toutes les ethnies, une demande en mariage se fait par des dons de viande, cet dans certains cas, un mauvais pourvoyeur peut se faire reprendre son épouse (Fields & Merrifield 1980 : 4). II nest done pas surprenant que Jes hommes récemment mariés se montrent plus empressés & la chasse que les adolescents et les beaux-parents (dont le parangon est évidem- ment le chef). Le chasseur par excellence est gendre, et il lest méme (ittéralement) plut6t deux fois qu'une puisquil doit rendre des comptes deux “donneurs” : son beau-pere et le maitre des animaux. Tigme dags Tes maringes par enlévement, Ia réciproité est considérée comme inévitable. "Lexpulsion de ‘Tennemi dans Tenomle animale", pour reprendre expression de Descola (sd.; 379) ne correspond donc quit un mament des hostltés. A moyen terme, les “obligations habituelles de alliance” ne sont pas tant abolies que remplacées parce que nous pourrions appeler les contrainte inhabitvelles detalliance brutale; celles-i permettent a laréciprocité de retrouver ses droits, surtout 7 aller akiiiatainemmelieleamne. 14 P. ERIKSON Cest un lieu commun de dire qu’en Amazonie, la réussite cynégétique donne acces aux femmes (Siskind 1973 : 96). Mais inverse est tout aussi vrai: "if meat brings sexual rewards, sexual gratification may endanger the return of meat” (Menget, s.d.'b: 4). Les Tapirapé Yont bien compris puisque "wrestling matches took place upon the return of a hunting party between those men who had gone and those who had remained at home. [...} The men who had been away suspected those who remained behind of sexual misbehaviour with their wives" (Wagley 1977 : 236). Si la chasse est un passage obligatoire sur la route du prestige (et un tout appréciable pour les Don Juan amazoniens), elle n'est -en tant quiactivité physique- quun passage. Le réle dun homme mar, jouissant dun grand prestige, n'est plus tant dobienir de la viande’ que d’en redistribuer et d’étre en quelque sorte le garant plutdt que l'acteur de son obtention. Aussi n’est-ce que lors des grandes chasses rituelles que la présence du chef est indispensable (Lizot 1976 : 187). Le reste du temps, il se consacre essentiellement & des activités rituelles, ou parfois & Tagriculture?, et sa participation obligatoire aux chasses collectives est surtout due & ce quelles sont généralement destinées a nourrir des invités, Cest-A-dire des alliés du groupe pris comme un tout (Renard- Casevitz.1979 57). SOLUTIONS ADEQUATES: Cette alliance paradoxale qu’est la chasse est donc & la fois fondan (au sens fort du terme puisqu'elle est essentielle dans Ia définition du mariage entre humains et indispensable lors des fétes entre alliés) et JTL a souvent &é constaté que les hommes chassent moins avec Iige, sans que leur rendement baisse foroément puisque lexpécience permet de compenser (voire dexpli- {quer) cette réduction du temps consacré a la chasse. Lorsquil s'agit d'un chef presti- gleux, le summum de ceci est alteint puisguil chasse, surtout lors des grandes expéditions collectives, qui sont aussi peu frequentes qu'exurémement productives, ‘Cest done surtout symboliquement que le chef est responsable de la viande, ce qui lai permet d'étre genézeux sans foreément payer de sa personne. Kracke (1978 : 43-4) hote par exemple que le chasseur Kagwahiv donne son gibler soit 4 son beau-pérc, soit directement au chef qui est chargé de le distibuer. Kaplan (1975 : 38-9) precise sme (pour es Plaroa) que la vande nes jugée comesible quaprés avoir eé donnée fu chef (qui la ransforme en végéiaux). Ce role de responsable de la viande présente bien entendu des avantages : "if [hunting] is collective, the prestige will be shared by all adult male participants, the greater partof it going to the headman”. Mais ceci ne va pes tours Sans ingonvénintspulsue, comme nous Taprend un aure text de umoat (1978 : 75) "Whenever big game becomes scarce, the blame is placed upon Ses beettecen, eof is in srately Sie tetetion whioh ie teeaisholl’. DE LAPPRIVOISEMENT A L’APPROVISIONNEMENT us foncitrement malhonnéte. Ceci explique sans doute pourquoi la fierté caraciéristique du bon chasseur n'est pas exempte dune teinte de culpabilité#®, Notre hypothése est qu'il y a deux moyens de remédier & cet état de faits. Le premier consiste 4 respecter scrupuleusement l'éthique de la chasse (souvent sous peine de se voir soi-méme transformé en gibier). Avant la chasse, il convient de s'abstenir de toutes relations sexuelles (ce qui tend & montrer que la double allégeance du chasseur est bien pergue comme une difficulté logique)!!. Au cours de la chasse, des égards sont dus au gibier, lequel doit entre autre étre abattu "convenablement" (Ruddle 1970 : 41, Renard-Casevitz, s.d.). Enfin, lorsquiil rentre de la forét, un Indien reste modeste dans le triomphe, malgré une fierté Iggitime qui ne manque pas de sexprimer en dautres circonstances!2, © On a vu quion pouvait intrpréier ainsi Tinerdit empéchant les. chasseurs ‘Matsiguenga de ramoner cux-memes leur gbir (ct. aussi Harnalt 1968: 6 et Hanley 1966 ! 83-4 pour des croyances similares chez les Wayana et les Urubu, et Moria sit 75 pour des coutumes similares (fisant notammpent intervenir les femmes) ciicz les Shipibo. On peut également interpréter ainsi Tabsence fréquente dans les Jangues amazonicnnes de verbes qui pouraient se taduire par "chasser” (ef. Gros 1976: 188; Holmberg 1969 : 101; Descola sd. 377), la ioe étant la figure de siylela plus apte 8 exprimer cete activité wompeuse par essence, Un edhaologue plus ‘ersé que nous dans les questions psychanalyuques verait peut-Eue une correlation Gnire ee sentiment de culpabilie et les stes propitatoises a allure tcriblement och ul pecent souvent es expats de chasse (Carngin 1974: 13. I ‘Thum 1883-29, Dreyfus-Gamclon 1963:94, Waisbard 1969 151-2); on peut die liaméme chose de Vinterdiction de manger son propre gibier ( Clastres 1972 : 210; ‘Melati & Melati 1975 : 59,128), 11, Frank (1983: 68,75) reléve, pour prendre un exemple enue cent, que abstinence sexuelle est censée, chez les Uni, attirer les proies. Chez. les Txicio, exces de sexualité (du moins Sous sa forme’extra-conjugale, superflue) nuit & 1a ‘chasse collective (Menget s.d.b: 13). Méme les Sivaros (qui profitent des expéditions de chasse pour engager des rapports sexuels lites) relevent de ce cas de figure ppuisque "having sexual relations on the hunt is viewed as dangerous by the man, it being believed that after intercourse he spatula susceible to being bien by poisonous snake” (Hamer 1973: 82). Or ceci est justement une des principales Eanctions qu'encourent les chasseurs irrespectueux envers le gibier (Descola 1983 = 72), Au regard des faits Shuar et méme des analyses de Descola concemant la péche & Ja nivnée (ibid : 68) et les réves propitiatoires (ibid. : 73), il nous semble impossible accepter son affirmation (p.68) selon laquelle "cette complémentarits [des sexes lors dela chase] et ata pls margute icq‘ est phyiquement éffirmée par lt sexualite". Ceci dit, a brillante démonstration du méme auteur montrant que la chasse Jivaro "fait appel Ala complémentarité des sexes” nous semble tout & fait iméfutable. Nous l'acceptons diailleurs d'autant plus volontiers qu'on y trouve une confirmation indirecte de notre propre hypothése ! "2 existe des exceptions, les Cashinahua par exemple (ef. Deshayes). Mais ceux-ci sont tout de méme respectueux envers le gibicr, ct prennent le plus grand soin & rcupérer les animaux quils ont fléchés, comme le notent non sans. étonnement Kensinger (1981: 163) et @ propos des Shipibo, autre ethnic de langue pao) emminger (Ree 16 P. ERIKSON En revenant chargé de viande, il convient de se montrer silencieux et réservé, en somme, d'adopter une attitude respectueuse rappelant celle que l'on observe en présence de ses beaux-parents. Un tel comportement est bien sir conforme & la moralité indigéne qui admet difficilement que soit fait étalage des inégalités, Mais c'est aussi un moyen de s'assurer de suce’s ultérieurs en ménageant la susceptibilité des esprits et des maftres des animaux qui, en acceptant une alliance "tronquée", rendent la chasse possible. Le deuxitme moyen de pallier labsence de réciprocité réside selon nous dans l'apprivoisement ; si la chasse vient empoisonner les relations entre humains et mattres du gibier, les animaux familiers sont une sorte d'antidote, La fagon dont ils sont traités et leur statut en témoignent : ils, sont choyés, nourris, et "considérés comme de véritables fils de ceux qui les élevent" (Monod-Becquelin 1975: 102). Ainsi, la consanguinité prend le relais de T'affinité, la violence cede la pas & Taffection, et Thomme nourrit animal au lieu de Yinverse. Certes, Falimentation des animaux familiers et les soins qui leur sont donnés relevent dune analyse faisant intervenir d'autres notions, en particulier Tidéologie de la parenté et celle de la formation de la personne (Erikson s.d.: ch.3). Mais il parait raisonnable de postuler qu'il s‘agit également d'une justification subconsciente, par rapport & Yespéce, de la prédation : il devient légitime de manger des animaux dds ors que Ton en nourrit d'autres ! Quand & la métaphore de 1a filiation, comment ne pas y voir le proiongement de celle de alliance? Evidemment, il s‘agit ici de complémentatité plut6t que de réparation, mais le résultat est le méme : interaction avec le régne animal et tout ce qui le sous-tend devient moins bancale, et partant, moins dangereuses, Méme si la quantité animaux apprivoisés est loin d'étre numériquement équivalente & celle du gibier tué, cela est tout & fait négligeable puisqu'il sagit évidemment de relations idéelles, et non numériques ! "It is the exchange situation itself that is crucial to the establishment and the maintainance of an alliance, and there need be no balance in numbers” écrit Overing Kaplan (S.d. a: 15) des alliances de mariage Piaroa, Et ceci est & fortiori valable dans le cas qui nous intéresse ici. L’on pourrait enfin se demander comment une relation pensée sur le mode de la filiation peut avoir un effet sur une relation pensée sur celui de Vaffinité. A quoi nous pouvons répondre que l'on retrouve des phénomenes semblables dans la structure sociale. En effet, si 'affinité est BD processus dlapprivoisement -et dane, dans la relation homme/animal- est également lune forme de rétablissement de Iéquilibre et de réduction de lantagonisme, ou plutot ie Iinéonlité. entre les sexes (cf. nove 11). Peat relever par ailleurs que le role priviligié attibué aux femmes dans te DE LAPPRIVOISEMENT A L/APPROVISIONNEMENT 7 souvent considérée en Amazonie comme un mal nécessaire (@ la reproduction sociale), elle est souvent "contrélée" par les Indiens qui cherchent -en particulier & travers la teknonymie et la terminologie dadresse (Menget 1976) - A transformer en quelque sorte’ leurs rela- tions daffinité en relations consanguines. L'exemple le plus achevé (ou du moins le plus systématiquement décrit) de ceci est celui des Piaroa, dont les communautés ont été paradoxalement définies par Overing Kaplan (1975) comme des "alliance-structured kinship groups". En insistant comme ils le font sur 1a métaphore de la filiation appli- quée aux animaux familiers, les Indiens ne font en fait rien dautre qu‘étendre au régne animal ce méme principe de "consanguinisation ré- gressive" (ou “ascendante") des affins'*. Cette métaphore est en somme fonctionnellement équivalente & la teknonymie Piaroa : en devenant co- parents avee ceux de leurs animaux familiers, les Indiens mettent de la Consanguinité dans leur affinité comme d'autres de l'eau dans leur vin. Ceci est particuligrement évident dans les contextes oi! 'antagonisme entre lhumanité et I'animalité peut étre interprété comme une lutte pour la "fertilié” (Langdon 1981: 60-61, Goldman 1981: 149 pour un contre-exemple remarquable dans le nord-ouest amazonien), notion essentielle sil en est dans cette aire culturelle des basses-terres. Car il est alors évident que la familiarisation est une forme de conciliation idéale : elle va dans le sens de la fertilité des animaux (leurs petits sont élevés) sans aller lencontre de celle des humains (qui gagnent au contraire des "enfants" supplémentaires !). En fin de compte, apprivoisement et chasse peuvent done étre considérés comme deux aspects complémen- taires dun phénoméne unique : V'assimilation d'animaux par la société humaine. CONFIRMATIONS INDIRECTES Se reposer uniquement sur une analyse structurale pour en déduire que Yanimal familier sert de contrepoids intellectuel au gibier peut sembler insuffisant pour emporter la conviction. Aussi allons nous & présent essayer de démontrer que cette hypothése n'est nullement surprenante si TTT peut paraite illogique de parler de consanguinité entre hommes et animaux, ou avec des affins, mais ceci est parfaitement compréhensible si Yon tient compte de Ia ‘conception indigene dela parenié et de la personne’. Ne pouvant évidemment entrer {ci dans les détails, nous nous contenterons de renvoyer aux remarquables textes réunis par Seeger, V. de Castro et Da Matta (1979), (La génération est tellement peu importante pour les Amazoniens que, e.g., les Makuna, pawilinéaires, disent que enfant est physiquement le produit de sa mére (Ahrem 1981 : 75), tandis que les Shipibo, matzlinéaires, disent que seul le spermme produit le foctus (Eakin, Lauriault & ‘Boonstra 1980 : 96; Abelove & Campos 1981 : 175). 18 ERIKSON Ton tient compte de la sphére sémantique dans laquelle s‘inscrit 'appri- voisement amazonien, Nous verrons donc d'une part que V'idée selon laquelle l'apprivoise- ment permet de communiquer avec le sumaturel est parfaitement attes- tée dans d'autres contextes. Et dautre part, que l'idée d'une régulation des conflits au moyen de Vadoption et de la captivité!S est également tres répandue parmi les Indiens d’ Amazonie. Liapprivoisement des "esprits" La notion de contréle est une des composantes essentielles de "I'appri- voisement’, en particulier lorsquelle est appliquée & du "sumaturel"s Aisi, les petites particules contenues dans la maraka du chamane sont, elles, selon F. Grenand (1983; 371), des “esprits domestiqués". (Plus ‘généralement, Yon peut dire que les Wayapi considérent que : "Yalliance entre chamane et ayd est idéale lorsque ceux-ci sont domestiqués", P. &F. Grenand 1981-2: 562), Ablbrinck (1956 : 131) dit de méme que chez les Caribs : "le hochet de danse est appelé, au sens figuré, 'animal familier (eké)". Chez les Bara, les instruments sacrés (appelés he en temps ordinaire) sont dits minia (“oiseau, animal apprivoisé") lors des cérémonies (Hugh- Jones 1979: 140-2). Les Txiedo disent de méme que la trompe de ‘bambou jouée lors de I'nitiation est 'egu ("animal familier") de Tinstru- mentiste (Menget 1977: 155). Or ces instruments, bien qu'essentiels, sont dangereux, et il faut les "maitriser" parfaitement : "Les Indiens disent que [les fidtes du jakui des Xinguano] portent trés loin, c'est-a-dire Jusqu'aux esprits, et pleurent souvent en jouant" (Menget 1981). Schaden (1978 : 37), résumant les travaux de Mark Miinzel sur la mythologie Kamayura, insiste lui aussi sur la possibilité de neutraliser le danger -en particulier celui de se faire dévorer- en le socialisant : TS Ladoption pouvant étre considérée comme un cas particulier de apprivoisement. Cest pourquoi les captfs sont souvent désignés par le méme terme que les animaux familiers (Cf. Murphy 1958 : 1028; Capistrano de Abreu 1941 : 575; Seeger 1981 225; Menget 1977: 155, Queixalos in Ontiz-Gomez 1983:97), de'méme que les ‘orpheling ou les étrangers (ethnologues par exemple) iniégrés dans une certaine ‘mesure la société (cf. P. Grenand 1982:143; Viveiros de Castro 1978118; Basso 1977: 102). Lorsquil sagissait dlesclavage, en revanche, le ceptif niétait pas "adopté” et ait donc waité comme un gendre plut6t que comme un fils. {6 Laure aspect essentiel de Tapprivoisement est 'epplication de la "métaphore de ta filiation” aux animaux quill sagit de socialiser. Ces deux facettes se recouvrant Jargement, il nest pas surprenant de relever dans Chaumeil (1982: 429) que le chamane Yagua appelle ses esprits auxiliaires “fils” DE VAPPRIVOISEMENT A LAPPROVISIONNEMENT 19 “Le caractire des esprits mama’é qui sont agressifs et dangercux en forét sinvestit Jorsquils sont au village, ob ils se comportent de manitre douce, pacifique, voire bénéfique. Le monsuruetx anhang-2 de la forét peut, au sein du village, devenir anhang-it kata , et alors au lieu de manger le gens, il leur donne & manger"fen favorisant la croissance du manioc]. Un autre exemple de communication avec le sumaturel par mascotte interposée nous est fourni par J. Henry (1964 : 73) qui note que chez. les Kaingang : “one ofthe ways in which morals may establish permanent and friendly relations with the spirits is to adopt one of their children...) Even if a spirit is adopted in its animal form and never confers power of any Kind, itis loved like a pet, and its Une note (malheureusement assez imprécise) de Kensinger (1981 : 170n.7) fait allusion & quelque chose de similaire chez les Cashinahua : “in addition (to using proper hunting etiquette] men attempt to establish cordial relationships with spint beings encountered during hallucinogenic experiences god dams The pit fara and pets gene his way protect and sit the unter" Ce que Henry et Kensinger avancent & propos des seuls chamanes et de quelques animaux nous semble exister également de fagon sous-jacente dans tous les cas d'apprivoisement. En tout cas, il ressort nettement des exemples donnés ci-dessus que I'idée selon laquelle V'apprivoisement peut servir de médiation entre humains et esprits est loin détre étrangére aux cultures amazoniennes. Le captif comme médiateur Le fait que adoption puisse servir & minimiser les conséquences d'un antagonisme ressort clairement de I'analyse du rdle et du statut des captifs amazoniens. Ceux-ci sont en effet sciemment et systématiquement intégrés & la société qui les a capturés. Pour les Txicdo, Menget (1977 : 146) va jusqu’a parler de la “nécessité intellectuelle et morale de substituer les morts par des captifs", Et dans un autre texte portant sur Tentrée des Txicio dans la confédération du Haut-Xingu, Menget (s.d.a) également montré en quoi les captifs constituaient des ponts essenticls sur le chemin menant de la violence a l'alliance. Lion retrouve la méme chose dans le nord-ouest amazonien : “la guerre, chez les Yukuna, était si ritualisée que bien qu'un moyen de destruction, elle représentait surtout un moyen, un mode particulier de relations sociales" (Iacopin 1977b : 14). K. Athem (1981 : 162), a propos des Makuna, montre de méme comment le mariage par enléve- ment (pensé d'ailleurs dans l'idiome de la chasse) débouchait régulitre- 120 . ERIKSON ment sur la négociation, et la "tégularisation” de Yalliance entre groupes anciennement hostiles. De telles idées sont présentes dans pratiquement tout aire culturelle amazonienne. Jaulin (1970 : 190 sq.), par exemple, a montré en quoi le célebre rapt @'Hélena Valéro (Biocca 1968) représentait avant tout pour les Yanoama Yespoir dune alliance avec le monde des Blanes. Et pour les groupes guyanais de langue Caribe, Ortiz-Gomez (8.4. : 29,97) cite de nombreux cas déquivalence lexicale’ entre les termes désignant les esclaves, les captifs, et les affins (gendre, beau-frére). Cette équivalence était sans doute plus que métaphorique puisque (ibid. : 264) : "méme Topération dobtention desclaves menée par les Carib était souvent présentée comme une alliance, au grand scandale des missionnaires qui voyaient les Indiens donner de bon gré leurs enfants contre une ame a feu ou une autre marchandise dorigine européenne". (Guyot 1972 décrit un phénomne similaire chez les Bora-Mirafa). Dans le méme ordre didées, Wistrand-Robinson (1977 : 121) releve quun Cashibo emploie le terme no’ (quelle glose par "ennemi, étrangeré") pour se référer aux membres d'autres groupes ayant épousé quelqu'un du sien. IL n'est donc pas surprenant dapprendre que les Shipibo (voisins des Cashibo) profitaient de cette polysémic pour avoir Ia vie sauve en cas de revers militaire : "Tchama est un mot de la langue Shipibo (‘sai/beau-frére, mafen sorte qu'il soit) utilisé autrefois dans les guerres intertribales pour ‘apaiser’ une personne d'une tribu étrangére" (Morin 1973: 35). En somme, contrairement aux Tupinamba qui transformaient leurs ennemis en beaux-fréres avant de les tucr, les Shipibo "transformaient” leurs ennemis en beaux-fréres pour ne pas étre tués ! (HL. Clastres 1972). Un dernier exemple, celui des Yagua, permet de voir que cette utilisation de la captivité (et de alliance qui en découle) comme mécanisme de régulation des conflits est clairement pergue comme telle par les Indiens. En effet, lorsqu'ils étaient en conflit avec des alliés possibles (Orejones, Ticuna, Cocama, Omagua), les Yagua considéraient quil sagissait_ dun tari, cest 2 dite dune relation réciproque, concrétisée par la capture de femmes ennemies. Mais lorsquil s'agissait daffronter des ethnies avec lesquelles la "paix" était exclue (Mayoruna, ‘Witoto), il était hors de question de capturer des femmes ou des enfants. L’on peut done dire que la captivité est plus qu'un épiphénoméne de la guerre : il s'agit véritablement de la reconnaissance (ou de V'établisse- ment) dune alliance. DE L/APPRIVOISEMENT A L'APPROVISIONNEMENT 121 CONFIRMATIONS MYTHOLOGIQUES ET ESCHATOLOGIQUES Ce schéma selon lequel la captivité découlant d'un antagonisme rétroagit, sur celui-ci en Timitant ses conséquences néfastes peut également s‘appli- Quer aux relations entre humains et animaux. De nombreux mythes en attestent. Les Xinguano, par exemple, pensent que les relations entre les oiseaux et les ‘ombres des morts’ sont empreintes dhostilité, les deux communautés se livrant de véritables batailles (Cameiro 1977; Villas- Boas 1970: 111-8). Tl se trouve pourtant toujours quelques volatiles pour se ranger du c6té des humains, en reconnaissance des bienfaits reous sur la terre : “apres la mort, [les animaux familiers] prennent soin de leur ancien maitre" (Monod-Becquelin 1975 : 102 n.73). Viveiros de Castro (1978: 19), parlant de la relation entre les Indiens et leurs animaux apprivoisés reléve la méme chose : "certains mythes racontent comment des oiseaux défunts aident les voyageurs au ciel, en rétribution des soins regus sur terre. Cette relation se poursuit donc aprés la mort car Je ciel est aussi bien aux oiseaux qu'aux ames". Plutdt que de persistance de la relation, il nous semble préférable de parler d'inversion des réles : Tancien bienfaiteur devient dépendant, de méme que dans les. croyances de nombreuses ethnies, T'ancien chasseur devient Tui-méme gibier aprés la mort, La possibilité de réduction de lantagonisme entre humains et animaux par le biais de Tapprivoisement apparait donc explicitement dans cer- tains mythes ayant trait 4 Tau-dela. Mais Vidée d'une gratitude des animaux familiers envers leurs anciens maitres (défunts) ne se retrouve pas uniquement au détour de quelques mythes. File est plus systématique~ ‘ment élaborée dans les croyances relatives aux animaux psychopompes. En effet, outre les satisfactions terrestres que cela apporte, le fait de prendre soin d'animaux a des répercussions sur la vie future puisque certains d'entre eux payent en quelque sorte les hommes en retour : contre les bienfaits recus sur terre, ils les aident 2 atteindre le “ciel”. Dans les sociétés du Haut-Xingu, on a vu quill sagissait oiseaux, et nous pensons que c'est parce que Toiseau y représente Ia paradigme de Yanimal families”, Certes, l'on pourrait objecter que méme si les Indiens ne les apprivoisaient pas, les oiseaux seraient tout de méme les véhicules idéaux pour atteindre le ciel : ils volent ! Mais une explication reposant sur la continuation post-mortem de la relation établie par TTTe terme pour “oiseau" entrant dans la composition de celui désignant Yanimal de orapagnie (marmite corps) (6. Basso 1077: 102 pout les Kalaplo, Vivetos de Castro 1978 : 18 pour les Yawalapiti), Da Matta (1970 : 84) rapporte que pour les “Apinayé aussi c'est parce quil est nourri que Turubu ade les hommes & slever dans fy m2 P-ERIKSON Yapprivoisement semble nettement plus convaincante qu'une explication “frazerienne” comme le montre Texemple Aché (Guayaki) discuté ci- dessous. Selon Clastres (1972b), ce ne sont pas des oiseaux mais tes coatis (Nasua nasua) qui sont les principaux bita ("animaux familiers") des Aché (pp. 45, 50)!*. Or on apprend par ailleurs (p.187) que les coatis, sont également psychopompes, confirmant ainsi la corrélation éiablie au paragraphe préeédent. Il est vrai que les Indiens justifient leur croyance en invoguant (p. 224) la rapidité avec laquelle ces animaux grimpent verticalement le long des trones d'arbres. Mais il s'agit vraisemblable- ment d'une rationalisation. A un niveau plus profond, c'est l'importance sémantique de la relation d'apprivoisement quiillustre la croyance, et non le trait éthologique qui "Yexplique"». Diailleurs, les Aché ne sont pas les sculs Indiens & penser que leur passage dans l'au-dela dépend d'un animal n’appartenant pas & 'avifaune. Pour les Cashibo ou les Marubo, par exemple, Girard 1963 : 242; Melatti & Melatti 1975 : 100) laceés au séjour des morts dépend d'un autre animal fréquemment apprivoisé : le singe (lespéce exacte n'est pas précisée). Et dans de trs nombreuses ethnics, Yon retrouve des mythes Ceci west pas surpronant puisque les comtis (Nasua nasua) sont sans doute les animaux les plus intelligents dAmazonie (v. Filloux 1956 : 104; Brand 1964 : 193), facilement et fséquement apprivoisés (Mason 1899 : 73). Mais il et intéressant de selever également que, come on pouvalt $y ated, les cots son us un, gibier priviligié des Guayakis. Hill & Hawkes (1983 : 149) relevent en effet que : "coatis, Seem to be much more common in the Aché diet than has been reported for many other South American groups” 1 Test woublant de constater que chez les Arawété, autre etbnie de langue Tupi, le coat semble étre exactement Ie contaire de ce quil est chez les Aché. Viveiro de Castro (64, : 11) nous apprend en effet que "Au moment de Yenterrement, un petit feu est place sur sépultare pour Elogne es coats ngerophags, families des Ay) et pour guider le mort sur le sombre chemin du ciel", En. passant des Aché aux ‘Arawété, le coati semble avoir changé de camp | Dianimal serviable, psychopompe, et apprivoisé par "homme, il s'est transformé en nécrophage qui faut éloigner du ceadavre (au moyen justemment de ce qui guide le mort au ciel), familier des Ayi ccanibales (quil faut évidemment rapprocher des Ay& dont ila été question ci-dessus 4 propos des Wayapi). Une autre difference entre les Aché et les Arawét€ est que ceux- i ne mangent probablement pas de coati, les mammiferes carnivores (et & plus forte Taison les charognards) élant tes rarement mangés en Amazonie. (Une exception notable: Tes Aché qui nhésitent pas & manger des vautours, v. Hill & Hawks 1983 153). Il faut sans doute retenir de cette inversion étrange que celle des deux ‘communauiés (des humains ou des yi ) qui conte Jes coats par Tspprivoisement peut compter dessus dans sa lutte contre Vautre, Un autre cas dinversion intéressante peut étre vu dans les croyances Cavifia et Tumupasa décrites dans le Handbook of South American Indians (v.lll : 444), En effet, "apprivoisement” humains (autre forme de réciprocité !) y apparait comme un moyen de protéger les animaux : "each species is represented by a special spirit that acts as its protector [...] The peccary spirit is fond of kidnapping people to enjoy their company; the monkey sp DE LAPPRIVOISEMENT A L'APPROVISIONNEMENT 123 cexpliquant pourquoi les chiens se vengent aprés Ia mort des mauvais traitements recus sur terre, Ceci confirme indirectement notre idée le chien étant en quelque sorte exclu du processus d'apprivoisement (cf. note 2), ilest normal qu'il agisse de maniére inverse & celle des animaux familiers ! Tl serait assez futile de chercher des relations causales entre des pratiques et des croyances qui forment un tout et doivent par conséquent, éire analysées ensemble. L’on ne peut évidemment pas dire que l'appri- voisement soit pratiqué dans le but d'assurer le passage des défunts dans Tau-dela, ni dans celui d'amadouer les maitres des animaux, Mais il n'en existe pas moins, indépendamment de toute explication de type fone- tionnel, un lien implicite entre animaux familiers et psychopompes d'une part, et animaux familiers et gibier de l'autre. Pour terminer cette quéte d'une confirmation de notre hypothse dans Je discours mythologique, il convient de résumer briévement un mythe Cashinahua rapporté par d'Ans (1978 : 270-9). Ce mythe nous intéresse particuligrement parce qu'on peut y voir en filigrane ce que nous cherchons & montter, & savoir que l'apprivoisement permet au chasseur de court-circuiter la réciprocité et d'éviter la position "darroseur- arrosé", Il sagit en effet de Thistoire d'un "souffre-douleur", constamment importuné par ses co-villageois envieux de sa ravissante épouse. Apres toute une série de malheurs, notre héros se retrouve coincé au sommet d'un arbre od il devait dénicher des oisillons troupiales. Bientét, les oiseaux adultes arrivent, "chargés de leurs tapirs, de leurs pécaris, de leurs chevreuils, c'est & dire naturellement des mouches, des insectes, des grillons et des sauterelles, qui sont le gibier des troupiales” (p.277). Ceux-ci_ projettent alors de’ tuer T'infortuné Cashinahua, mais il est heureusement sauvé, puis choyé et bichonné par le chef des oiseaux qui se trouve étre son ancien animal familier ! Aprés quoi Thomme est renvoyé chez lui avec un oisillon & élever (le propre fils du chef) et avec lune bouteille magique contenant des abeilles qui s'en échappent pour dévorer les autres habitants de son village (c'est-a-dire ceux qui n'ont pas adopté de troupiale). Enfin, comme pour insister en épilogue sur importance essentielle de la familiarisation, le mythe se termine par : “avec sa jolie femme, il se consacra tout entier & l'élevage de son nouvel enfant-troupiale”. La signification de ce mythe est claire: le gibier peut aussi étre chasseur (d’od Tinsistance sur la transposition insecte-mammiféres), et % Line dlestension de ces mythes est us importante puison Jes retouve ash bien en Guyane que dans la Montana ou le Brésil Central, ct dans les trois principales famille linguiguque: Arawak, Tup, et Caibe(v. Grenand, 1979. 68 2 Murphy 1958: mmytbe n°S0; Varese 1968 : 108; Ahlbrinck 1995 : 24, 199.200; Wubert 1974 = 83), 124 ERIKSON Yhomme peut aussi étre gibier (le chef des troupiales fait dévorer les villageois par des abeilles, le héros est menacé par les oiseaux). Seul Yapprivoisement assure une certaine sécurit CONCLUSION. LA MASCOTTE : PROTEIQUE OU PROTECTRICE? ‘Au regard de tout ce que nous avons dit jusquiici, il n'est guére surprenant que l'immense majorité des Amérindiens pensent, a Vinstar des Barafiri (Yanoama) et des Bororo que: "the idea of killing and eating (...] a pet, or of eating its eggs, is tantamount to savagery" (Smole 1976: 185) et que "eating dogs is ridiculous, eating [pet] macaws is scandalous, outrageous"?! (Crocker 1977 : 183). Pourtant, Ihypothése selon laquelle l'apprivoisement serait unc forme de stockage alimentaire sur pied a souvent été postulée, le plus souvent par des observateurs superficiels (e.g. Maufrais 1951; Waisbard 1969: 207), mais parfois par des ethnologues contemporains et compétents. P. Lyon (1974 : 92), passant en revue un certain nombre de cas relevés dans lethnographie, écrit par exemple : "in the light of these cases, it is tempting to think of pet keeping as functioning partially as a form ‘of meat storage among groups who do not have domesticated animals". Une elle position nous semble contestable, d'abord parce que méme les animaux domestiques que sont censés remplacer les apprivoisés ne sont pour ainsi dire jamais mangés en Amazonie (cf. note 6), ensuite, parce quill n'existe & notre connaissance que deux ethnies dans len semble amazonien dont on puisse dire avec certitude qu’elles n’hésitent pas A manger des animaux apprivoisés : les Yupa de Colombie et les ‘Campa du Pérou”. TT ative toutefois quill soit ridicule de manger un oiscau familier. Huxley (1966:136) en a fait lexpérience & ses frais Iorsqulapres avoir accidentellement tu Ie sien, ses compagnons Indiens lu} ont dit "ues amusés™ : "tu as tué ton enfant", avant dele faire cuireet de lui dire : “viens manger ton enfant 2 Nous avons discuté ailleurs (Erikson sd, ch.V) les autre "eas" auxquels Lyon fait allusion (principalement Maybury-Lewis 1967 : 37 et Vellard 1934: 231, ainsi que quelques autres (Kracke 1981: 106), et pensons avoir monté qu'aucun de. ces exemples ne permet de conclure que les animaux apprivoisés sont "comestibles” Nous avons également discuté dans le travail sus-mentionné le probleme du "sacrifice" animaux nourrs au sein chez les Jivaro, et pensons qu'un raisonnement analogue permettrait dexpliquer comment les Cashibo (Wistrand de Robinson 1977 = 131) et les Shipibo (Eakin, Lauriault & Boonstra 1980:33) conciliaient leur idéologic amazonienne avec execution et laconsommation de taps et de pécaris préalablement apprivoisés, Préeisons simplement que ceux-ci étaient jléchés (comme du gibiet), comme le sont diallers les rares poulets consommés par les Wayapi (F. Grenand 1979 - 68). DE LAPPRIVOISEMENT A L'APPROVISIONNEMENT 125 Faute de données suffisantes, il est difficile de se faire une idée précise du cas Campa, mais en tout cas, Denevan (1974 : 105) dit clairement que “the young of many wild animals and birds are raised as pets, but they usuaily end up being eaten during times of hunger". Les seules raisons que nous puissions invoquer pour justifier cette affirmation surprenante sont d'une part (comme pour les Shipibo et les Jivaro) l'influence incaique, et autre part la rareté (exceptionnelle en Amazonie) des protéines dans Valimentation des Campa du Gran Pajonal (Denevan 1974 : 104,107), Lexemple Yupa décrit par Bolinder (1958), Ruddle (1971), et Wilbert (1974 : 42) nous oblige également & reconnaitre que certains Indiens d'Amazonie peuvent effectivement manger des animaux apprivoisés avec une certaine régularité, Ceci dit, il s'agit ici encore dune population vivant dans des conditions tes difficiles (Cariage 1980: 13) od la pénurie alimentaire est telle que "anthropophagy appears to have evolved into endocannibalism, a last resort actively prestiosd only when starvation ficaians the groups xisteaoo” (dic 1971 : 281). Or il est clair que cette forme d'anthropophagie est une pratique oceasionnelle, voire désespérée, et quelle n’a aucun caractére rituel ni méme vraiment institutionnel. La description (Ruddle 1971: 282) du repas qui suivit la mise & mort d'une vieille Yupa le montre parfaite- ment: "the ensuing feast is a sad and sentimental occasion, without rejoicing, attended by all members of the starving group, no matter what ‘was their kin relationship to the woman". Par analogie, Von peut penser que la consommation d'animaux familiers par les Yupa et les Campa est tout aussi exceptionnelle et, de leur point de vue, anormale. Mais bien sir, un matérialiste culturel conséquent (et voulant done suivre le principe selon Iequel tout ce qui peut foumir un apport protéique est spécifiquement adapté & cette fin) en déduirait certainement I'inverse, & savoir, que si les Yupa ont des grand- mires, clest forcément pour qu’elles puissent servir d'aliment d'appoint encas de disette ! Lerreur fondamentale, ici, provient de ce qu'un courant dominant de Yanthropologie américaine tend & accorder une priorité “dévorante" (si Ton ose dire) au matériel, si possible mesurable en protéines. De sorte que pour peu qu'une institution ('apprivoisement en occurrence) puisse, fut-ce exceptionnellement, aboutir & un rapport protéique quel- conque, la voila de ce fait érigée en technique de production adaptative. En réalité, si 'on tient compte du point de vue indigene (la moindre des 2 Autrement, la istion suivante (Rude 1971 : 224) serait incompréhensibe : "o be Sure, many of [even th less accultrated Indies] now have damestic fowl and pect ramet nel nttenale ytieedanener sey 126 P. ERIKSON choses pour un ethnologue), il savére que si les animaux familiers ont un r6le & jouer dans 'approvisionnement en aliments camés, c'est paradoxa- Jement parce qu'on les garde en vie, et par ailleurs de fagon tout & fait indirecte : d'une part en favorisant 'apprentissage de Vethologie aux futurs chasseurs (Laughlin 1968 : 309), et dautre part, en contribuant & minimiser Tangoisse qui pourrait inhiber le rendement des chasseurs. On peut done dire que T'apprivoisement est en quelque sorte une forme de sacrifice, d'un genre peu habituel il est vrai puisqu'l consiste justement & ne pas tuer Yanimal que Yon éleve. Le manger est alors une infraction 2 la norme, et rien ne permet d'y voir une finalité inconsciente de Tapprivoisement. S'il est vrai que voyager en groupe permet de sentre-dévorer en cas de naufrage (la Méduse) ou d'accident davion (dans les Andes), il serait toutefois absurde d’en déduire que voyager en groupe est “adaptatif” et que c'est la raison du succés des voyages organisés... En fin de compte, il n'est done possible de voir dans la présence d'animaux familiers celle de viande potentielle qu’en faisant totalement abstraction de "la part idéelle du réel” (Godelier 1978), & ‘moins de postuler quil s'agit d'une institution qui n’existe que pour se niet. Mais si, comme les Indiens, on considére "les conditions symboliques de mise en oeuvre de la’ chasse [...] comme des réquisits indispensables a Veffectuation de ce procts" (Descola 1983 : 84), il faut alors conclure que loin d’étre un premier pas vers Ia domestication alimentaire, la présence de mascottes chez les peuples d’Amazonie est Yexpression de leur allégeance 4 un mode de vie résolument tourné vers Tachasse. PE. L.A. 140, Université Paris X _DE LAPPRIVOISEMENT A L’APPROVISIONNEMENT 127 Localisation approximative des ethnies citées dans le texte (Carte obtenue 2 patir d'une réduction de celle établie par J.H. Rowe pour lerecueil de ’P. Lyon 1974) 128 ERIKSON INDEX DES ETHNIES MENTIONNEES DANS LE TEXTE ET LOCALISEES SUR LACARTE ‘Ach :n* 41 Amahuaca :n* 18 “Andoke :n? 53. ‘Apinayé :n” 38 “Arawété sn" 48 ‘Bara Barasana) : n* 50 Bain" 23 ora-Miraia: n° 2 Boroco :n" 36 Caribes : 2°30. (Casbinahua : n° 17 Cubeo : n° 52 Guahibo (Sikvani) : n° 51 Guajiro :n* 25 Fivaro (Achuar, Aguarane, Shuat) n° 22 Kaingang 40 Kaya (lao) n° 34 Sharanahua : 0°19 Sheree, Shavanc n° 35 Shipibo-Conibo "15 Staten a9 Sito 42 ya 43 Tapimpé re 37 Tatuyo a” 11 Tenosn3 Tueena (ens) 9°7 ‘opeamba 9°39 Txietosn 4 Unban dd Wayip sn 32 Xingvanor sr 46 Yagua n° 6 ‘Yanoama (Yanomami, Barafri):n? 29 Yokuna :n" 1 ‘Yupa (Yukpa, Yuko, Maraka) :n* 24 DE LAPPRIVOISEMENT A L’APPROVISIONNEMENT 129 REFERENCES ABELOVE, J. et R, CAMPOS 1981 | “Infancy related Food Taboos Among the Shipibo", pp. 173-176, in Kensinger et Karcke (eds) (1981). AHLBRINCK, 1956 Encyclopédie Caribe. Traduction de !'.GN. Paris.(1931). AHREM, K. 1981 Makuna Social Organization. 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