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les péripéties te Napoléon 1° PAR ANDRE CASTELOT du sacre Le 2 tieombre 1804 51 Tiare — se eroula 3 Neto: Dame tte" Paris-une extra ‘ucinaine corémonte ‘on présence du Pape, ono tout expres do Rome Napoléon Bomoparte ost sacré << Emperour des Francais of Borie Rose Tascher de fa Pagers, veuve Beaunamneis Grouse Bonaparte, detent epiteae Bae ie oi Pd pret ote ovat « pls ‘tue reine » ta prediction “tak om et rookie. Melgis une température glacate. um pouple immense s'est rassemblé pour vole passer le tovtega du Soueorain Ponti of coli de Napoloon, au miteu des eseadrons do aval, 2u S00 dos trom hattes, Le coramonia vo duter tres, tos lonatenps. Ele 2 613 longuement proparée repetee ‘rien clochord, ‘out sera Inpaccable. Antré Castelot racanta los perpotes de cette journée historique dans sor ‘Sitcle de Pans port aur Ealtzans Arnior Dumont. ersonne ne dormit 4 Paris, coiffeurs commencirent la toilette de la nuit qlaciale du 1 au leurs cliontes, Les. premieres servies 2 décambre. Les rues, oii hirarchiquement les-_moins. importantes soufflait un vrai blizzard, — n’osant pas houger, attenditent, assises connaisaient la méme snima- sur des chajses, le moment de passer tion quien plein jour. Les voitures s@ leurs robes de cour décolletées au-deld lousient soixante & soixante-dauze francs. On n'avait pas un modeste cabriolet a moins de wente francs, Sans cesse ari valent des environs. les membres des dépurations, les déligués communaux ui. par économie, s6taient logds dans la Danlieue, DBs deux heures dul matin, les du possible. « Une femme décente — la Gazette de France la prScisait ce meme matin — powvait_monirer son sein, sos bras et ses épaules, mais la pudeur du jour voulait absolument qu'une femme bien miso cache son col, au point dem: otter son -menton. » Les hommes qui Ml La mise en scéne.. dovaiont igurer dans Ie ballet-parade — anciens soldats de "An Il icherent Nantis. anriens révolutionnaires sssagis, nobles obliges de fumer tours terres — Commonesrent a reveti les déguisoments congus ® lou intention por Isaboy et ayia et quils faisaient paraitre échappes dun bal de la cour des Valois ou venus. de quelque soirée travestic dont le tneme 96 6té los Ties vies Heures du duc de Beny. ‘Sur te parcours balayage exceptionne! 1bas six heures dy matin, les pores de Notre-Dame sont ouvertes et, dela, ‘delegations et invites se rassemblent eux Netae peas. Les canons commencont & tomer Lorsque le solall se leve, une brume envelopae toutes choses. Queiques flocons de neige iourbillonnent. O6ia Je long cu. parcours qu’emprintera ie double cortege — celui du Pape vt celui de |Empereur — la fouile s'est massbe Gerriére trois range de solders. Pour {uinze sous, on peuit se procurer le barreau d'une échelle, Les fenéires codtent quatre ents franes, les aicons, six cents — cant cinquante mille de nos anciens. francs. Toutes les maisons sont decorées, les plus pauvres de draps blancs piquetss de branchettes de sapin. La villo a subi « un balayage exceptionnel », précisent les journaux du temps, Ce 11 trimaire niescit pas jour de la Cire? ce qui est oublement symaolique, On a sablé les tues des Tuileries a Notto-Damo. par In typ SalntHonoré, et ae Notre-Dame aux Tuileries par la rue Saint-Denis et los boulevards, itinérsiro qui sera amprunts au retour, a la tombe de la pull, @ ta fueur de cing cents torches. «Eh bien! Monsieur Raguineau ! » IN est uly ewes che matin forsque ‘Thiard, qui vient pr6ter serment comme ‘nouveau chambellan, arive aux Tuileries Te matin meme du Sacre, Napoléon pour sulvalt ses occupations. Thlard est stup mM Fé par ta tenue de Napoleon. a déia ‘mis si ulotie de satin blanc brndée o'épis dior, ses bas de sole blanche, sa fralse & la Henri IV, mais, on guise de robe de thambra, ila passé Son habit de colonel de cchaseaurs de fa garde. UImpératrice appa rait, #tingelante de diamants at de cont Soixante-trais doveaines _ démeraudes, Napoldon revBt alors san habit de velours pourpre, son petit manteau rouge & le Hani il omé de die mille francs. de fevilles de laurior st a’apeilles brodéus or. Lorsqul aut coifls son chapeatt on feuire noir om de plumes blanches at eink son épée dont la poignés de iaspe soutiant te Régent, Napoleon xe tourna vers sa femme et iui ordonna = Que Fon aille chercher Raguineau: quill Vienne surle-champ, jai 8 iui parte Raguineay ~ un pom de tabellion Gchappé crune piéce da Labiche avant fe lettre — est le notaire de Jaséoiine Bonaparte, Ia valle de son mariago clvl, avait srcompagné sa « fiancée » chez Fromme de loi et, avee tact, était reste tans {étude o6 a0 tenalenc es clercs. « La porte du cabinet de Raguineay étant mal fermée. raconté Bourrenne, Bonaparte Fentendir was dlistinciement qui. faisalt tous se efforts pour détourner Mme de Beauhatnais du. mariage quéalie. allit contractor = Vous avez te plus grend ton, ui disait-i, vous vous en repantirer, vous faites une folie... Vous alloz pauses un homme qui o’a que la cape et Fepee! Le notaite, sheriue d'eure appelé, le matin méme du sacre, aux Tullerits, entce dans ta pidce. Napoleon est la, en grand costume, ebloulssant. — Eh bien! monsieur Raguineau, n’al-le que Ja tape et répde? La mule du Pape Vers huit heures arente, au moment oo Sordonne le cortage du Pape, ur drame se joue dovant Ie pavillon de Flore : le porte-ctoix, monsignor Speroni, déclare tie pouvoir prendre place dans un earrosse. Je eérdmonial pantifieal Vexige : il lul faut uno mule. Il aly en a pas dans les Seuries impériaies: on lui olfre un cheval fou on Iwi sugaete de faire Ia route a pied, Crest peine perdue! Les piqueurs sont bien obliges ce se metiee en cudce #1 finigsent par ddcouvrie un Ane chez une fribibve de Ja rue du Doyenné, qui ‘moyannant soizante-sept francs, accepta de lover son animal, On atfuble ane dun caparacon de velou's, on affintie ‘Speroni qu'il agit d'une mile mal venue, {81 Je conage, procédé do dragons, peut se motire en route. Cependant, appa Fition du porte-ceoix, curieusement cole dun eaapeau & trois cornes et juché sur le baudet de la fruitire. déchaine (hilarits, Les tazzi fusent ~ Vollé la mule du Papo, c'est elle gu'on aise! Le carrosse de Sa Sainteté Speroni semble ravi et agite sa croix fen tous Sens, Les ries gant a peine calmés lorsque, dariore les. herauts. d'armes, apparait Je corronse « Vive fEmpereur! » Les deux ofchestres altaquent une marche quer ridre. Ils joueront presque sans interruption durant la longue eérémonie et il a fallu Gtablir pour les musiciens douze mile cont trento-sept pages de copie, On Voit jllir des orchestres ces instruments destinés. & soutenir 1a voix des chantres et 4 qui leur forme curiouse avait fait onner le nom de « sarponts » est midi. La cérémonia commence dans le chorur, of sont placés les deux prie-Dieu de Empereur et de Vimpera- twice, C'est & peine si les assistants aper- ceveont quelque chose du sacre ot du couronnement. Napolion ne tient nulle- ment # ce que les ancians Jacobins le Volent & genoux devant le Pape ou le visage ot les mains barboulllés d'hulle. Crest a'abord le serment roligioux = YEm- perour ¢ jure devant Diau ot ese angce de faire ot consorver la lo, [a justice et la paalx do PEglise »... Ce qui ne empéchera pas, dans hult années, d'arrBter le Paps ft de le garder prisonnier jusqu'a letfon ‘drement du régime. Suivent lee oraisons les interminables litanies du texte revu ‘et expurgé, puis les onetions. La messe commence. Les omements sont blancs, puisque le Pape doit dire aujourd'hui la messe de lo Vierge pour lo tomps de FAvent. Apres |Afleuia a liew la traction des ornements et, enfin, le courennement. Napolton savance vors autel, enleve 82 couranne de laurier du Singe violet pend la couronne de Charlemagne ~ cet, 5 La mise on scine. temblame « qu'il ne tient que de son épde# ~ la pose sur sa t6te, Menléve, reprend ses leuriers, puls se prépare 3 couronner Vmpératrice. lI ne put dissimuler sa joie, rapporte la duchesse d'Abrantés, « en rogardant impérairice s'avancer vers lui ot lorsqu'elle s'agenouilla, lorsque les larmes au’elle ne pouvait plus retenir roulérent sur ses mains jointes, dans ce moment ob Napoléen, au puter 8on3- parte, était pour elle $9 véritable provi dence, alors il y eut entre ces deux étres lune de ces minutes fugitives, uniques dang une vie et qui combient le vide de bion des années. Lorsquil fut au moment de couronner entin cells qui etait pour ll selon un préjugé, sen giolle heureuse, il fur coguet pour elle. si je puis dino oe ‘mat. I arrangesit cette petite couronne Qui suemontait le diadéme ea diamants. fa placait, la déplacait, Ia remettait « Joseph, si notre pere Nous voyait... » En réalito— mais la duchesse d’Abrantes Vignorait — Napeléon chercheit la cran da diaddme dans lequol a couronne devait Semboiter, cette éehancrure que l'on distingue dans le dessin de David fait ve matinla. Car David tpit present, rayonnait sane cesse ses admirables croquis, fhait les personages, placa 6)8 parla pensée les « groupes », Madame Letizia dominant la composition... alors que Is mere de Napoléon, boudent tou- jours en Halia, r’assistsit pas. la caré- monie, René a son atolier, David repiendra ses croquis et déshabillera S585 parsonnages. Rien de plus Surprenant (que ces dessins od fon voit la Saint-Pere ‘nu dang un fauteuil, simplement habilé de sa tiare LEmperour et impératriea marchent maintenant avec le Pape vers le grand One Gt vant aveir lew lintronisation et le baiser quo Sa Saintet6 domera at nouveau souvorain. Estee & cet instant que Napoléen se retourna vars Joseph = Joseph, si note pire nous voyait? 116 ‘Aw pied de Vescalior & pic, les princes ot lee princesses — eallag-ci enchantéos = lachent les manteaux. En gravissant fe degrés, Joséphine et Napoleon, tres fon artiire par le poids de soixante metres Se tissu, vacilent et manquent de bascu- Tey, 1 leur faut. pour menter les vingt- quatre marches, s'are-bouter peu joli- ~ Vivat Imperator in eeternun, tance le Pape dune voix trop faible Un ballet sans anicroches Les cheeurs éclatent ot, apres le Te Deun, Pie Vil poursuit 39 messe. A YOtfertoire, le ballet, qui comprend deux cents personnes, reprend : bravement, Napoléon et Joséphine descendent lours roides degrés, On présente au Pape le bassin de vermeil: eau coule d'une iguidra — bassin St aiguiére ont sent au sacre do Louis XVI; on 3 simplement remplacé les lie par des Victoites, mais les £ sont toujours 1a Sans doute TEmperour, retourné au haut de son Gehafeudage, balle-tsl copiauscinent: sans deuto, on marchant vers Varchevaché, appeliera-til Fosch par un coup de son scoptre donne sur le os: sans doute Fassistance est-elle pou Focusllic ot mange-telle des petits pains et des cochonailles vendus par des acchands qui ant réussi 3 50. glisser dans la bastique, mais la ballet prévu par le ceremonial s'est passé sans anieroches, Grice aux nombeauses repetitions réalisées aux Tullerios avec des merion~ rettes, cas anciens Jacobins, cos anciens sous-offciars se sont conduits aussi bien qua les Tallyrand, les Seguro les Rohan, qui ant 08 embauchds par la nouvelle cour. Et meme, fait unique. sur Jes 5 151 576 francs de dépensos prévues, on a 1éussi a faire 1319064 francs économie! Tandis que 2 messe s'schéve, Napo- Ion ragerdc 2 plusieurs reprises José phine, st jolie en impératice. si rajeunia Que, ce soir, rentre aux Tulleries. il fexigera qu'elle garde sa couronne pour souper en ite 9 t8te avec lui. LEmperour of le Pao dans ta meme vorture ot Sa Sointte ‘ut ogee au Pavilon do Fore. Voici Fant des carosses 24x Tutors, ‘on présence de Nepoiéon. apres ia eéremone. Travire de teveiloe d’auras Ieaboy Bide no. est) La main sur les Evangiles. La messe ost terminée, le Pape repart pour Farchevéché et nassiste pas & la eérémonie civil, qui sachavera vers trois houres. La main sur les. Evanciles, Napoléon erie, d'une voix forte qui s'en tend dun bout & laure de eglise, oo serment qu'il ne pourra ‘enir Jo jure de maintenir Vintéorite du terrifoire do la République, de respecter fot da faire respecter tas tois cus Concordat ot fa liberté des cultes: de respecies ot de faire respector Mégaihé dos droits, la liberté politique et elvile, Vrrévocabitica dos ventes das biens nationaux, da ne lever aucun imp6:, de r’établir aucune taxe qu'on vert de la loi, d2 maintenir Finstitution de Ia Légion d'honneur; de ‘gouvorner dans ln seule wwe de l'insérét, du bonheur et de la glolre du peuple francais. Le héraut d'armes lance = Le tes olorioux ot 12 auguste Napo gon, ampereur des Franca’s, est sacré et intronise | La cérémonie s'achave du Sacre de Napotéon Napolion I dans te costume di Sacre Fin d'une hypoct La veille, lorsque Napoléon a revs les chiffres offfciols — ot falsinés — du pléaiscte, le président de Neufchareau Te felicita c'aveln « fait entrer dans le port le vaisseau de la Republique UEmpereur la falt entter pour le mettre fn cals s®cho. On ne pariera plus de répu- blique. Le mot subsistera “durant oie fannées encore sur les monnaies, mais, ‘pras Tisit, disparatira, En oe jour du ceuronnement, la nation est radevenue le pouple— « mon peuple », dira FEmpereur ft 105 citoyens de fidéles sujets. On retrouve le viel ordre, Au ming, clest plus frane. Le sacre a bien mardué fa fin dune hypocisie André CASTELOT mt W

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