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■ Introduction historique ■

uand, comment et où est né le coaching ?


Q Le mot lui-même proviendrait du français « coche » que des experts
font dériver du hongrois kocsis ou du tchèque koczi. Ce terme désignait
au XVIe siècle une imposante voiture tirée par des chevaux et destinée au
transport de voyageurs. L’homme préposé à la conduite du coche portait
tout naturellement le nom de « cocher ». Une autre catégorie de « profes-
sionnels » avait déjà bien avant, reçu l’appellation de cocher : le guerrier
qui, dans l’Antiquité, se tenait debout aux côtés du prince et était chargé
de diriger le char au cours de la bataille. Ces cochers civils ou militaires
jouaient déjà un rôle discret, mais essentiel : celui de « conduire » leurs
passagers, de les emmener d’un point à un autre, de les accompagner, de
leur faire passer des obstacles. Coachs avant l’heure… Au cours de l’His-
toire, le mot « coche » a franchi plusieurs frontières avant de traverser
mers et océans, pour finalement faire souche en Amérique où il a acquis
au XXe siècle une nouvelle dimension et gagné un sens inédit, notamment
sur les terrains de sport : celui d’entraîneur, de préparateur, d’accompa-
gnateur.
Au-delà de l’étymologie, si l’on admet la définition selon laquelle le
coaching proprement dit correspond fondamentalement à une activité
d’aide par l’accompagnement, alors on pourrait estimer qu’il est né le jour
où deux représentants de l’espèce humaine se sont rencontrés pour la
première fois, ont échangé des paroles et que l’un a écouté l’autre pour
l’aider ! Dès lors qu’un homme a écouté l’un de ses semblables, qu’il lui a
donné son opinion, l’a aidé à trouver une solution à un problème sans
l’imposer, le coaching est né, sans doute dès les premiers temps de
l’humanité… Mais se contenter de cette affirmation reviendrait à dire que
le coaching est une pratique innée, naturelle, comme respirer, bouger,
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dormir. Non, il s’agit d’un « savoir », d’une pratique qui peut être théo-
risée : le coaching a été pratiqué sous couvert d’autres activités ou fonc-
tions… Désormais, c’est devenu un « métier ».
Il faut traverser le temps et l’Histoire à grandes enjambées pour par-
venir jusqu’au Ve siècle avant Jésus-Christ, à la rencontre d’un certain
Socrate. Celui qui lançait à qui voulait l’entendre « connais-toi toi-même »
et qui fut le précurseur de la maïeutique (l’art d’accoucher les esprits),
peut raisonnablement recevoir le titre honorifique de père du coaching.
« Je crois qu’on ne peut mieux vivre qu’en cherchant à devenir meilleur, ni
plus agréablement qu’en ayant la pleine conscience de son améliora-
tion », professait le philosophe grec. Par la suite, au fil des siècles, philo-
sophes, maîtres à penser, guides spirituels, confesseurs, éminences
grises, Pygmalion, Mentor (celui qui fut le guide d’Ulysse), fous du roi,
sages de village, compagnons initiant les apprentis, éducateurs, ont joué
un rôle d’« éveilleurs de conscience », pratiquant ce que l’on pourrait a
posteriori appeler peut-être du coaching, sans même connaître le mot,
comme le Monsieur Jourdain de Molière s’adonnant à la prose sans le
savoir. Tout comme ces écrivains publics qui, dès l’Antiquité ou le Moyen
Âge, par leur connaissance de l’écriture, ont permis à d’autres d’exprimer
leurs idées, de communiquer avec autrui et d’affirmer leur existence.
Autres temps, autres coachs. Plus près de nous, dans les années 1950-
1960, les stars américaines du cinéma et du théâtre ont eu besoin d’avoir
quelqu’un à leurs côtés pour les épauler moralement, personnellement,
professionnellement. Le coaching a ainsi ajouté une corde à son arc et
davantage encore quand des sportifs, notamment des joueurs de football
américain, de base-ball ou de tennis, ont commencé au cours de cette
même décennie à réclamer de l’aide, eux aussi, afin de progresser. De
fait, leurs nouveaux entraîneurs ont vite obtenu des résultats spectacu-
laires. Comment ? En considérant que pour gagner des compétitions, tra-
vailler les muscles, la puissance, la technique et la tactique étaient
nécessaires, mais pas suffisant. Il fallait, en plus, améliorer un point
capable de faire la différence : le mental. Au fait, comment dit-on
« entraîner » en anglais ? To coach…
Aujourd’hui, nul ne conteste que le coaching, au sens actuel du terme,
trouve ses racines dans le milieu sportif. Dans son livre The Inner Game of
Tennis, Timothy Gallwey remarquait que tout compétiteur, avant de pré-
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tendre l’emporter sur ses concurrents, devait d’abord affronter l’adver-


saire qu’il portait en lui-même et surmonter les obstacles intérieurs
l’empêchant d’exprimer tout son potentiel. De là à voir en toute personne
qui travaille un « champion » qui sommeille et qu’un entraînement appro-
prié pourrait réveiller, il n’y a qu’un pas qui a été franchi dans les années
1980 quand le coaching a poussé les portes des vestiaires pour pénétrer
dans les entreprises, notamment dans les pays anglo-saxons. En fait,
cette fonction de tout temps a été exercée auprès des dirigeants sous
couvert d’une spécialité officielle « autre » : par son banquier, son avocat
ou conseiller de l’ombre, son expert comptable, son conseiller en stra-
tégie, en communication, voire sa secrétaire…
Les chefs d’entreprise ont vite décelé que le monde du business n’avait
pas grand-chose à envier aux terrains de sport question concurrence,
âpreté des combats et besoin de dépassement. « Pourquoi pas nous ? »
se sont-ils demandés en voyant les plus grands champions ne jamais pré-
parer une compétition sans se faire accompagner par un coach. Principa-
lement les dirigeants de haut niveau ou ceux qui avaient une expérience
transculturelle ou anglo-saxonne ont d’abord sollicité une aide. Puis, petit
à petit, les niveaux inférieurs de hiérarchie ont bénéficié des services du
coaching qui, à force de se développer, a fini par se sentir à l’étroit dans
les murs des entreprises et a essaimé dans la sphère privée. Une impor-
tante clientèle de particuliers s’est ainsi créée aux États-Unis.
En 1995, la SFCoach (Société française de coaching) a été créée, institu-
tion interprofessionnelle visant à rassembler des acteurs le plus souvent
indépendants, instituant une charte de déontologie et visant à titulariser
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des coachs en activité d’une façon originale, en valorisant notamment la


nécessité pour un coach, au-delà de sa formation, d’avoir suivi un par-
cours thérapeutique significatif sur lui-même. Aux États-Unis, l’ICF (Inter-
national Coaching Federation) avait aussi défini en 1993 des critères et
des modalités d’accession au statut de coach. Son rayonnement interna-
tional a abouti à la création en France, en 2001, de la branche française
(ICF France). De son côté, le Syntec, organisme professionnel regroupant
des personnes morales, c’est-à-dire des cabinets de coaching, a égale-
ment élaboré une charte de déontologie.
C’est à nouveau le sport qui aura chez nous une grande influence sur le
développement du coaching. Avec, pour précurseurs, les coachs de tennis
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au niveau individuel. Et il suffit de se souvenir du rôle qu’a joué Aimé Jac-


quet dans la victoire de l’équipe de France de football lors de la Coupe du
monde de 1998, bien au-delà de celui de « sélectionneur », pour mesurer
tout l’impact que peut avoir un véritable coach auprès d’un groupe d’indi-
vidus. À cette occasion, notre pays tout entier a découvert le sens du mot
« coach » qui a bénéficié d’une formidable vitrine.
Aujourd’hui, comme hier outre-Atlantique, le coaching connaît une pro-
gression rapide parmi les dirigeants, les cadres à haut potentiel et les
managers. Et comme décidément l’Histoire aime se répéter, le coaching
est en train de déborder du monde de l’entreprise pour s’étendre sur le
domaine de la vie privée. On fait désormais appel à un coach pour réflé-
chir à ses choix de carrière, optimiser son style de vie, améliorer ses rela-
tions avec son entourage, choisir un compagnon ou une compagne,
recentrer sa vie professionnelle ou personnelle autour de sa vie spirituelle
ou, tout simplement, apprendre à mieux communiquer, mieux travailler,
mieux s’habiller…
Le coaching tel qu’on le conçoit de nos jours, dans une période où
nombre de personnes ont désespérément besoin de retrouver du sens et
de reconstruire du lien social dans une société post-moderne, voire hyper-
moderne, de l’individualisme triomphant, porte toujours les valeurs pro-
pres aux « accompagnateurs » ou aux écrivains publics d’autrefois.
Certes, coacher ne revient plus à diriger un attelage de chevaux de la voix
ou du fouet, ou à écrire à la place des autres. L’éminent psychologue Carl
Rogers a considéré que personne ne peut apprendre quoi que ce soit à
autrui, et l’on sait désormais que ce n’est jamais totalement l’accompa-
gnateur d’un côté, ni le client coaché de l’autre, qui ont seuls la solution,
mais que c’est dans l’intersubjectivité, dans la rencontre, que naît la solu-
tion. Le rôle de passeur, de celui qui « aide », s’est enrichi, métamor-
phosé, devenant un « métamétier », au-delà de tous les autres métiers,
par une intégration autant verticale (les différents niveaux de l’identité de
la personne) que transversale (les différents espaces externes où la per-
sonne déploie son activité).
Les outils ont évolué et le coach, ni conseil, ni psychothérapeute,
s’appuie dans son travail sur les différentes approches de la relation
d’aide (parmi lesquelles l’Analyse transactionnelle, la Programmation
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neuro-linguistique, l’analyse systémique, la psychanalyse, l’étude de la


symbolique, l’intuition, l’écoute active, etc.) et celles du management.
Mais si les mots et les instruments ont changé, le coaching reste ce
qu’il a toujours été depuis ses origines : une aide par l’accompagnement.

Vincent Lenhardt
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