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dams AlainMUSSET
413e a doublé en 20 ans (figure 1). Autour du noyau central (le District
fédéral),s'agglutinetoute une sériede villes périphériquesdont la gestion
estassuréeen théorie par l'État de Mexico, mais qui appartiennentà une
entité statistiquereconnue par tous les acteurs de la vie politique et
économiquemexicaine : I'Aire Métropolitainede Mexico (AMCM). Ce
vasteensembleregroupeles l6 Délégationsdu District fédéral (plus de 8
millions d'habitants recensésen 1990) et 27 mtnicipalités conurbaines
(presque7 rnillions d'habitants).Une nouvelleenquête,réaliséeen 1995, a
montré que les chiffres de 1990 avaient été largenient sous-estiméspar
I'INEGI. Aujourd'hui, on estime la populationde I'Aire rnétropolitainede
Mexico à au moins 18 millions d'habitants,la majorité d'entre eux vivant
Éditionr Kanrsnla à I'extérieur des frontières administrativesdu District fédéral. Or, les
22-24,boulevard Arago limitesde I'AMCM sont encoreamenéesà s'étendrc car elles se fondent
75013PARIS
sur la continuité spatialedu tissu urbain et sur la croissancedes relations
entretenuesDar les villes périphériques avec Ia zone centrale de
vêrs Querêlaro I'agglomérationl.Même si tous les espacescompris dans cette définition
ne sont pas urbanisés,ils appartiennentdirectementà I'aire d'influencede
Mexico et ne fonctionnentqu'enrelation étroiteavec I'cnsembledes unités
urbainesqui la composent.
vers Pachuca
Trop souvent présentée comme un monstre dévoreur d'espace et
d'énergie, Mexico n'en reste pas moins une ville qui crée en permanence
de la richesseet qui n'a pas encore digéré tous les espacesruraux situés
sur ses marges - et parfois au cæur même de I'aire métropolitaine.En
effet, celle-ci couvre un peu plus de 4 600 KmZ, dont moins de 3O Vo
sont effectivement urbanisés. Même le District fédéral n'échappepas à
cette règle : sur I 500 Km2, les espacesnon bâtis (parcs et jardins,
réserves écologiques, terres cultivées) représentent encore 40 Vo du
territoire. La délégation la moins urbanisée reste celle de Milpa Alta,
situéeau sud du District fédéral, sur les flancs du massif montagneux de
I'Ajusco. Quand on se promène dans les champs de maïs (milpas) ou de
nopales(figuiers de barbarie) qui couvrent la plus grande partie de la
délégation,on éprouve quelquesdifficultés à s'imaginer que I'on est
encore dans I'aire administrative de la capitale mexicaine, une des plus
granrlevilles du monde. La population vit toujours dans des villages mal
vers Toluca
reliés au centre de I'agglomérationet la vie quotidienne reste rythmée par
les contraintesdu calendrier agricole. Il ne s'agit donc pas d'aborderici le
thèmeinépuisablede I'agriculture périurbaine (dont les marges s'étendent
en fait au-delàdes limites du bassinde Mexico), mais bien de s'intéresser
aux paysansqui vivent et qui travaillent dans I'AMCM, parfois même au
centrede I'agglomération,pour ne pas dire au pied des gratte-ciel. La
vers Toluca
situation paradoxale de ces populations rurales égarées dans un espace
urbain en continuel développementest le résultat d'une longue évolution
historique,dont I'origine remonte à l'époque précolombienne,quand la
capitaleaztèques'étendaitsur les terres conquisesaux dépensdes lacs et
des marais du bassin de Mexico. Elle est aussi la conséquencedes
Espaces verts ou non urbanisés
Habitat pauvre vers Cuernavaca
mutations récentes et rapides qui, depuis quarante ans, ont affecté la
f:ÎÏil
Habitat moyen structure démographique d'un pays jeune, transformé son tissu
ffi Taudis urbainsot ciudadesperdidas
filliitt:il Habitat riche ou aisé 3
o skm économiqueet social et bouleversél'équilibreville-campagnesur lequel se
Vesliges du lac de Texcoco r Aéroport
I fondaittraditionnellementla civilisationmexicaine.
N Principauxespaces industriels /--t
Principaux
axesrouliers
FMTAMBI
6L {3
Une agriculture résiduelle?
Les agrlculteursdansI'AMCM toujours des
nombro par
d'agdculteurs Il ne faut pourtant pas se leurrer' Même si I'on trouve
minorité de la
paysans à Mexico, ils ne forment plus qu'une infime
délégalimou municipe
. <40O
. 400$00 emploi' et rares
a ooctooo population active. La plupart d'entre eux ont un double
O rooGrsoo un revenu fixe
O rsoG2ooo sont les exploitations suffisammentrentablespour assurer
le plus étonnant est
O 2o@3ooo
3o@4ooo
et régulier à tous les membres d'une famille. En fait,
dans I'aire
de constater qu'iI existe toujours des terres agricoles
O
L'eau potable
% des habitations
sans
tiftotbtttse du monderural
accèsau réseau
I P l usdeT2 sur I'ensemble de
ffi de20à35 Avec presque 55 000 travailleurs répertoriés
du secteur primaire
[IEF] de 10à le l'Aire Métropolitaine de Mexico, les employés
active totale'
llîllloe+as représentaienten 1990 à peineplus de I7o de la population
I moi nsde4 selon les zones étudiées
ce chiffre très faible masquede fortes disparités
regroupaient à eux
puisque, à la même époque, les municipes conurbains
seulsplusde65vaa.,puy,un*officiellementrecensésparlesservicesde
alors 19 145, soit à
l,État (figure 2a). Le Disrricr fédéral en comptait
peineplusde0,6Todelapopulationactivetravaillantaucceurde
lors du Conteo Nacional
l'agglomération mexicaine. Cinq ans plus tard'
par de nombreux
Le nlveau d'éducatlon
réalisé en 1995 pour répondre aux critiques formulées
% de la population
spécialistesquimettaientendoutelesrésultatsdudernierrecensement'ce
ayanteu
forment que 35 7o de
accèsà l'&u€tion secondaire pourcentageétait tombé à 0,44 Va' Les femmes ne
essentiellementmasculine'
cet ensemble,preuve qu'il s'agit d'une activité
p l u s de T o
I
ffi de6oà70
|fr,,.ïlloesoa eo contrairementausecteurducommerceetdesservicesoùlepartagedes
À I'intérieur même
[I aeæ a s o tâchesse fait, en apparence,de manière plus équitable.
entre les délégations du
fl moinsde +o
du District fédéral, les disparités sont fortes
agricoles sont complètement
centre ville, très urbanisées,où les activités
- fi6ile5 ds Q.F.
absentes,etcellesdelapériphérie,moinsdensémentoccupées'oùl'on
Sur 20 078 unités de
trouve encore d'importants espaces ruraux'
de 1991, plus de
Figure 2. Disparités socialeset spatialesdans I'AMCM production enregistrèespar 1e recensement agricole
r?
!,J
6 L4
I
80 7o sont regroupées dans les quatre délégationsdu sud, situées entre Tableau 1". I-'agriculture dans le District fédéral, quelques
I'ancien lac de Xochimilco et la chaîne montagneuse de I'Ajusco2. indicateurs comparatifs
Pourtant, môme dans le quartier très urbanisé de Coyoacan, on trouve
encore trois exploitationsagricoles en activité. À dire vrai, ces trois Mexioue District Fédéral Oaxaca
survivantes couvrent à peine plus d'un hectare, alors que I'ensemble des Part du secteur pnmalre
dansla population active par 21,8 0,4 so3
unités recenséesreprésente247 kmZ, soit 16 Vo dela superficiedu District
Etats, en Vo(1995)
fédéral (ce qui correspond déjà à une moyenne particulièrement faible de
Unités de production
1,2 ha par unité de production). Il s'agit essentiellementde terres de agricole, en 7o du total 100,0 0,4 8,3
labour (95 Vo des surfacesutilisées), même si les pâturages(naturels ou national(1991)
artificiels) couvrent encore 515 ha, principalementdans les délégationsde Superficie des unités de
Tlalpan et de Xochimilco (80 7o du total). production, en 7o du total r00,0 0,2 2,8
Toutes ces exploitations ne suffisent pas à nourrir les habitants de national(1991)
Valeur de la production
I'AMCM, qui doivent faire venir de tous le pays (et souvent de l'étranger) 100,0 0,3 4,8
agricole, en Vo du total
l'essentiel de leur approvisionnement. En fait, les performances de national(1993)
I'agriculture <<urbaine > ou périurbaine de Mexico sont faibles et sa part Partdesunitésde production
dans le secteur primaire mexicain est très réduite (tableau 1). Si certains pratiquant une agriculture tJ,v 67,4 6't,o
chiffres étonnent peu (faiblessede la participation du District fédéral dans (1), l99l
intensive
la production agricole totale), d'autres sont plus surprenants,puisque I'on Rendements du maÏs a^
Lta r,7 1.)
I tL
(tonnes/ha).en 1993
constateque les paysansde Mexico se situent nettement au-dessousde la
Part des unités de production
moyenne nationale en ce qui concerne I'intensivité de I'agriculture - ce consacrées exclusivement à 98,5 99,6 96,7
qui explique les faibles rendements de la culture du mais. À bien des I'asriculture,1991
égards, les pratiques agricoles du District fédéral, malgré la forte pression Part des habitations
particulièresoù I'on Pralique 9,1 IA
lrT 10,4
foncière et la présence d'un immense marché consommateur, se
une activité asricole, 199i
distinguent peu de celles utiliséesdans le Oaxaca,État le plus rural de la arnéliorées
esticides,des semences
fédération avec plus de 5A 7o de la population employée dans le secteur technique.
et/ouqui bénéficientd'uneassistance - tomeset INEGI, 1996- Conteo
2
primaire. Cependant, à Mexico, même si aucune autre activité n'a été S;;;.Ë ,-INËôt, l9g4 - VII censoagricoLa-ganadero,
95, Resultados definitivos.
enregistrée sur I'exploitation, le paysanpeut tout à fait occuper un poste
de travail, à temps complet ou à temps partiel, dans un autre secteur de la [Jne agriculture de subsistance
vie économique(industrie,commerce,services).Le recensementde 1990
spécifie à cet égard que I'activité recenséepour chaque individu est son Les caractéristiquesgénérales de I'agriculture à Mexico montrent
activité principale, et non son activité exlusive. J'ai ainsi rencontré un qu'il s'agit d'une activité assezrepliée sur elle-même,peu ouverte sur la
chinampero 3 de Xochimilco qui était en même temps gardien de prison et ville qui I'entoureet qui, souvent,la menace.Les plantescultivéesdans le
qui cultivait son champ en-dehorsde sesheuresde service. District |édéral ont en généralune faible valeur ajoutée (figure 3a). Les
deux tiers des superficies sont occupéespar le rnaïs, plante de civilisation
z. Si I'on comparece chiffre aveclui des actifsagricolesrecensésen 1990, on constate
Cettedistorsions'expliqueen partiepar
qu'il y a moins d'exploitantsque d'exploitations. par excellence,et par des cultures fourragères,principalementI'avoine.
le fait qu'un mêmecultivateurpeuttravaillersurdeuxunitésde productiondifférentes. La milpa reste donc l'élément de base de cette agriculture mal reliée à son
l. Exploitant d'une chinampa(terrain gagné sur les lacs et les narécagesà l'époque
préhispanique).
1n
o-/-
b k,
environnement urbain. Au lieu de se lancer dans des productions
maraîchères qui trouveraient facilement preneur sur les nombreux
Surfacescultivées haricots,fèves,PetitsPols
marchés de la capitale, les paysans se consacrent à des cultures (en% du total)
traditionnelles qui rapportent peu, et cela pour plusieurs raisons: en
grande partie contrôlé par l'État (c'est encore le cas du mai's)leur prix de
vente est faible+ ; en outre, elles se heurtent à la concurrence des grandes
régions céréalières,mieux adaptéesà la production de masse(quand elles
ne doivent pas affronter des produits importés des États-Unis) ; enfin,
une grande partie de la récolte est destinée à I'autoconsommation des
familles ou à celle du bétail élevé sur les exploitations.
L'élevage est en effet une activité assezrépandue, puisque la moitié
des unités de production (10 382 officiellement recenséesen 1991) s'y
consacrent, de manière plus ou moins intensive. Dans ce domaine,
volailles et porcins se taillent la part du lion : il s'agitd'animauxqui n'oht
plantes
pas besoin de beaucoupd'espaceet que I'on peut nourrir à moindre coût,
founagères
en utilisant les déchetsalimentairesde la cellule familiale. La part de ce
secteur dans l'économie nationale est très réduite, compte tenu du petit
nombre des exploitations recensées,mais elle montre que l'élevage fait
encore partie des traditions rurales qui ont survécu à I'intérieur du Valeurde la Production
(en % du total) haricots, lèves, PetitsPols
District fédéral. Les unités de production sont de petite taille (plus de
90 7o des <<bergers > possèdentmoins de cinq têtesde moutons), ce qui
n'a rien d'étonnant quand on connaît le contexte urbain de ce type
d'élevage, soumis à de très fortes tensions foncières. La faiblesse du
cheptelexplique aussi I'orientation économiquede ces micro-entreprises
agricoles qui, dans 77 Vo des cas, produisent pour leur propre
consommation. Seuls 23 7o des unités de production vendent sur le
marché local (encore plus rarement sur le marché national) tout ou partie
des animaux élevés sur les terrainsde I'exploitation familiale.
plantes
fourragères
c'est bien entenduà Xochimilco que les traditions rurales sont les
I-a zone des chinampas
plus fortes, même si elles sont en grande parties récupérées à des fins
touristiques(c'est le cas de l'érection de la plus belle fleur de I'ejido).
Les chinampas,improprementappelés< jardins flottants >, forment
cependant, danschaquevillage situé sur les flancs de I'Ajusco, les fêtes
le paysageagraire le plus original de I'agglomération mexicaine. Ces
paysannesont conservéune grandepartiede leur lustre d'antan.
euand on grandesparcelles laniérées,bordéesde canaux, sont situéesau sud de la
y participe, on ne peut qu'accepterde jouer le jeu jusqu'au bout. Il faut
ville, dans le quartier de Xochimilco. Elles sont I'héritage d'une des plus
alors patienter des heures, sous un soleil de plomb, pour assister à
anciennesformes de l'agriculture préhispaniqueet, à ce titre, I'UNESCO
I'interminable dansedes Maures et des Chrétiens, avant de se raffraîchir
lesa classéespatrimoine mondial de I'humanité.La techniqueutilisée par
en buvant force gamellesd'un pulque laiteux et aigrelet qui fait encore la
les populations précolombiennespour créer leurs champs artificiels était
fierté des derniers producteurs d'agavee. plus que dans les parties
assezsimple : sur un treillis de joncs et de branches,on déposait une
urbaniséesde I'espacemétropolitain, le souvenir d'Emiliano Zapata, héros
certaine quantité de terre. Le radeau ainsi formé s'enfonçait
de la Révolution mexicaine et chef de file des paysanssans terre, est ici
progressivement dans I'eau et I'on rajoutait, au fur et à mesure, de
particulièrementrévéré. son image se mêle à celle des saintspatrons de
nouvelles couches de boue extraite des marécages.Quand le treillis
l'Église catholiqueliés aux activitésagricoles,et son cri de guerre, Tierra
touchait le fond, les arbres plantéssur le pourtour de la parcelle (en
y Libertad (< Terre et Liberté est répêté sur les murs de toutes les
"), général des saules ou des peupliers) prenaient racine et consolidaient le
écoles. Même si le portrait du leader paysan appartient désormais à
terrain. Il semble cependantque la majorité des parcelles cultivées était
I'iconographieofficielle du parti au pouvoir depuisles années1920r0,les
gagné sur des terres marécageusesdrainées par un réseau dense de
agriculteurs de Milpa Alta I'ont complètementintégré à reur propre
canaux.Dès I'origine, la chinampaavaitune forme étroite (5 à l0 m au
culture quotidienne.
maximum), afin de lui permettrede rester humide en permanenceet de
faciliter I'arrosagedes différentsvégétauxtraditionnellementproduits par
les paysans: maïs,haricots,piments,amarante,mais aussifleurs destinées
au service des temples ou au plaisir égoTstedes nobles. À Xochimilco, la
superficie minimale d'un lot de chinampasoscillait entre un et deux
hectares,ce qui permettaitde nourrir un groupede 15 à 20 personnes.La
9. l-æ.p.ulqueest issu de la femrentationdu jus d'agave (plante de la famille des richessedu terreauaccumulésur cesparcellespermettaitde pratiquer une
amaryllidacées). agriculture intensive. Les rendements étaient encore améliorés par
lo. Il.s'agit du PRI, le Parti Révolutionnaire
lnstitutionnel,qui a été battuen juillet 1997
lors.despremièresélectionsorganisées I'emploi d'engrais naturels, d'origine humaine ou animale. Au XVIè
dansIe Districtfédérâlpour choisirle"mairede la
capitale.c'est néanmoinsdaniles circonscriptions les plus ruàles du paysque le pRI a siècle,l'espacedeschinampcs(champset canaux)se concentraitautour de
obtenuses meilleursscores,.preuvedes lienèpoltiquei forts établis t"À paysanset
ceuxqui se prétendent leshéritiers "ntré la capitaleet sur les lacs d'eau douce du sud de la vallée. On I'estime à
de la Révolution.
ôô
t-b t3
presque 120 km2, dont les deux tiers étaient occupés par les terrains délégationde Milpa Alta est la plus éloignéedu centre de I'agglomération,
cultivés (Rojas et alt, 1974). mais c'estaussil'une des plus étendues(278kmz\.Intégréedepuispeu aux
À partir du XVIIè siècle,les Espagnolsont entrepris le drainagedes processusd'urbanisationqui caractérisentl'ensembledu District trédéral,
lacs afin de protéger Mexico des inondationscatastrophiquesprovoquées elle présenteencore des formes d'habitatentièrementrurales, puisqueles
par la montée du niveau des eaux à la fin de chaque saison des pluies. espacesbâtis couvrent moins de I0 Vo de la superficie totale. Autour de
Cette décision a entraîné la décadence d'un système agricole très Milpa Alta, quelquesbourgs sont toujours très mal reliés aux principales
productif, mais très fragile, fondé sur le contrôle permanent des voies de communication de I'aire métropolitaine, même si le réseau des
ressourcesen eau du bassin.Au XXè siècle,la croissancede I'urbanisation routes asphaltéess'estpeu à peu étoffé, permettantà tous les villages de la
a directement mcnacéce qui restait des espacesruraux épargnéspar la zone d'être reliés entre eux. En saisonsèche(d'octobre à mai), Ies vents
politique hydrauliquede l'époquecoloniale- politique poursuivieau XIXè violentssoulèventdes nuagesde poussièrequi viennentgiffler les passants
sièclepar le Mexique indépendant(Musset,l99l). À l'heure actuelle,la et, en saisondes pluies,les ruesnon goudronnéesdeviennentde véritables
zone chinampera de Xochimilco ne représenteplus qu'une douzaine de bourbiers.
km2, mais une grande partie des paysagesruraux hérités de l'époque Dans cette délégation, I'agriculture est dominée par deux grandes
préhispaniquea été conservée.Quand on se promène en barque le long plantes de civilisation : le mais et le nopal. Les parcelles, de faible
des canaux qui bordent chaqueparcelle encoreexploitée, on est frappé par dimension (quelques dizaines de mètres carrés), sont généralement
la permanence des modes d'occupationdu sol, même si de nombreux ferméespar des murets de pierre ou par des haies d'agave,de moins en
espacesagricoles sont aujourd'hui très dégradés. En plein cceur de moins bien entretenues.Les plants de nopalessont soigneusementalignés
I'agglomération mexicaine, Xochimilco est encore un espace rural et donnent une impression d'ordre et de régularité dans un espacesouvent
homogène, marqué par des traits caractéristiques: omniprésencede I'eau déstructuréet menacépar la pressionfoncière. Les maisonssont surtout
(canaux, étendues lacustres), importance du boisement (arbres plantés construitesen briques de boue séchéesau soleil (adobe).Ce sont de petites
pour maintenir en place les champsgagnéssur les marécages),exigtiité constructions, généralement de plain-pied, qui abritent des familles
des parcelles,faiblessede la mécanisation,éparpillementde I'habitat.Sur nombreuses: à Milpa Alta, l6 7o desmaisonsindividuellesabritent plus
une surface totale de 127,4 km2 (8,5 7o de la superficie du District de 6 personnes,contre seulementIl Vo pour I'ensembledu Distrit fédéral
fédéral), moins de 20 Vo des terrains sont urbanisés.A elle seule, la (la moyenne est 4,7 personnespar unité d'habitationcontre 3,3 dans le
délégation dc Xochimilco représentele tiers des surfaces agricoles du centre de Mexico). D'après les donnéesdtt Conteo Nacional de 1995, Ia
District fédéral. Il ne faut pourtant pas se faire d'illusion : la zone délégationde Mitpa Alta est la seuledu District fédéral qui ne comporte
chinampera ne représentequ'unefaible partie de cet ensemble,puisquela pas d'immeuble collectif ! Quelquesmaisonsneuves,construitespar des
majorité des terrescultivéesse localiseau sud de I'agglomération,sur les <(nouveaux riches >> ou par d'authentiquesrurbains, ont pourtant fait
versantssemi-aridesde I'Aiusco. leur apparition, provoquantun début de mitage des carnpagnes.Le luxe
ostentatoirede ces constructions,dont les propriétairesne lésinent ni sur
Les espacesagricolespériurbainsde l'Ajusco le pseudo-marbre, ni sur les colonnadesnéo-classiques, ni sur les frontons
olympiens,trancheavec la modestiedes petitesmaisonsqui les entourent.
Cet espace agricole périphérique présente des paysagestout à fait
ditTérents de ceux de Xochimilco. L'eau y est plus rare, rnême si de primaire inforntel >>et les espacesrurhuJcintersticiels
Le <<
nombreusessourcessituéesen bas de penteont été captéespour alimenter
la ville de Mexico, ce qui provoque régulièrementdes conflits entre les Dans les quartiers les plus défavorisésde I'agglomération, et plus
populations rurales du secteur et lcs dirigeants du District fédéral. La particulièrementdans les municipesconurbainsde l'est et du nord (les
ô
ôu 81
q L L o -v . c . . LcJ IJUyJUIà ue lvleLlcu
plus pauvres), il n'est pas rare de trouver, entre les maisons,le long des
sont néanmoinsdifTicilesà identifier, puisqueles activitésagricoles (plus
voies de communication, en bordure des usines, des ateliers et des
ou moins clandestines)s'effectuent dans les cours fermés et dans les
entrepots,quelquesparcellescultivées où poussentgénéralementdes plants
patios,ou bien sur le toit en terrassedesmaisons.Dans le District fédéral,
de maïs. Cette agriculture de subsistanceest le fait de nouveaux migrants
où les contraintes foncières sont particulièrement fortes, cette forme
venus de la campagne,qui n'ont pas encore abandonnétoutes leurs
d'agriculture (et surtout d'élevage)est plus présenteque dansle reste du
ambitions de paysans.Si elle ne suffit pas à nourrir une famille, elle pays, même si la part du District fédéral reste faible par rapport à
permet cependantd'améliorer I'ordinaire et surtout de maintenir le lien
I'ensembledeshabitationsparticulièresqui abritent des activitésagricoles
avec la terre, quand on a quitté le village pour chercherdu travail dans la (tableau 4). Les pourcentages sont particulièrement élevés en ce qui
capitale. Ces terrains minuscules ne suffisent pas à transformer les
concerneles lapins, animal qui peut se contenter d'un espacevital très
paysagesurbains de Mexico, mais ils marquent la limite, indécise et
réduit et dont les besoins alimentaires sont faciles à satisfaire. En
mouvante, entre la ville consolidéedu centre et les espacespériphériques
revanche, dans l'État très rural du Oaxaca, la part des habitations
en cours d'intégration. Ils sont une des manifestationsde ce < primaire particulières dans l'élevage est très largement inférieure à Ia moyenne
informel >>, impossible à quantifier, qui se maintient dans les cités
nationale.
mexicainesmalgré la réduction des terres agricoleset I'adoption rapide
par les migrants des modes de vie urbains. Certains champs, plus étendus,
Tableau 4. La part des habitations particulières dans l'élevage,
intercalés entre les constructions neuves, ne sont que le vestige des
en Vo (1991)
anciennesexploitations agricoles grignotéespar la croissanceurbaine.
Avec ou sansI'accorddesejidatarios,lesmigrantsont envahi les parcelles
Bovins Ovins Porcins Volailles Laoins
cultivées et bâti de nouveaux quartiers, en attendantune hypothétique
Mexique
régularisation. L'exode rural s'est aujourd'hui fortement ralenti au
Établissements ll,1 16,5 30,2 31 5 4?l
Mexique, mais la croissanceurbaine s'auto-entretient, puisque la plupart ,7 \
Chentel 3,0 8,6 t4.0 37,7
des migrants venus peupler les municipes conurbains sont désormais
District Fédéral
originaires du District fédéral.
Établissements 26,0 40,0 57,0 68,7 77,0
Le dernier recensementagricole fait la distinction entre trois types
Cheptel 9,1 14,0 30,5 11 , 3 71,4
d'exploitations : les unités de productionrurale, les unités de production
Oaxaca
urbaine et les habitationsparticulières où l'on conserve des activités ') \ )
Établissements 5t 10,1 18,6 r6,8
agricoles. Ce classementmet en valeur I'importance d'une agriculture q7
Cheptel 1,8 6,1 15.3 ) ?5
intersticielle (mais non résiduelle)qui se développeentre les mailles du
Part du DF (en Vo du
tissu urbain, puisqu'elleconcerneles < aires géostatistiques urbaines de
total national)
base >, selon la terminologie officiellement utilisée par I'INEGI.
Établissements ili t? 1,7 1,1 4,0
Pourtant, le cas des habitationsparticulièresest plus ambigu, puisquele
Chentel 0.2 0,8 3.1 0,5
terme s'appliqueà toutesles maisons(situéesen milieu urbain ou en zone
Source: INEGI, VII Censoagrîcola-ganadero,tomoll,1994.
rurale) où I'on cultive des fruits, des fleurs et des légumesdestinésà la
vente. La plupart d'entre elles se consacrent à un micro-élevage
essentiellementdestiné à I'autoconsommationdes familles. Compte-tenu
des caractéristiques générales de ces unités de production, elles
apparaissent plus nombreusesdansles villes que dans les campagnes.Elles
gL 23
84 Villes et campagnesdans lespays du Sud Entre milpas et gratte-ciel: Iespaysansde Mexico 85
Conclusion: quel avenir pour l'agriculture à Mexico ? développement des activitésagricoles.Dans ce contexte, seul l'État peut,
s'il en a la volonté, préserver les espacesrllraux de Mexico, afin de
Mênie si elle joue un rôle important dans l'économie d'un grand garantir aux paysansles moyensde poursuivre leurs activités,mais aussi
nombre de familles (<rurbaines>, I'agriculture à Mexico est une activité d'offrir aux citadins une meilleure qualité de vie grâce au maintien, à
très menacée. La faible rentabilité des exploitations et le manque I'intérieur de I'AMCM, d'espacesnon urbanisés. Le tourismc, qui a
d'adaptationdes paysans,qui n'ont toujours pas renoncé à des pratiques modifié le profil socio-économiquedes habitantsde Xochimilco en les
culturalesanciennes,empêchentles unitésde production de faire face à la réorientantvers des activitésplus rémunératricesque I'agriculture, peut
concurrencedes activitésurbaineset à I'expansiondes espaces bâtis. Mais donc devenir, de manière paradoxale,l'ultime rempart des paysansde
cette évolution, souventprésentéecomme inéluctable,n'est pas la seule Mexico. Le risque est alors de transformerun véritableespaceagricole en
menace qui pèse sur I'avenir de I'agriculture à Mexico. Dans une muséevivant, destinéaux seuls loisirs des citadins fatiguésdu béton, de
agglomérationqui concentrele quart de la population mexicaineet au I'asphalteet des encombrements. Mais si I'on se promèneun dimanchesur
moins le tiers de la production industrielle du pays, les problèmes lescanauxde Xochimilco, on peut voir que les habitantsde Mexico n'ont
écologiquestouchent directement I'ensemble du secteur agricole. Les pasperdu leurs habitudesen quittant leurs rues congestionnées:près des
paysans de Xochimilco sont ainsi quotidiennement confrontés à la embarcadères,les embouteillagesde barqueset de canots, malgré leurs
pollution des eaux de surface qui alimententleurs < jardins flottants >. couleurs vives et leurs décors floraux, n'ont rien à envier à ceux du
En effet, seule une infime partie des eaux uséesde I'agglomération est perdérico ou du circuito interior au moment des plus belles heures de
traitée de manière satisfaisanteet, dans le sud du bassin, de nombreuses pointe.
maisonsne sont pasconnectéesau réseaud'égouts.Les rejets se font donc
directement dans les canaux qui bordent les chinampas.En saison sèche, Sélection bibliographique
les barques chargées de touristes en goguette flo.ttent sur un liquide
noirâtreet malodorant,que les paysansutilisent pour arroser leur maïs et DOUZANT-ROSENFELD D., GRANDJEAN P. (dirs.) - Nourrir les
leurs légumesfrais. Sur les flancs de I'Ajusco, la situationest différente métropolesd'Amériquelatine, Paris,L'Harmattan,302 p.
mais les problèmes écologiques sont tout aussi importants. Une INEGI, 1994 - VII censoagricola-ganadero. Aguascalientes,INEGI.
déforestationintensive,provoquéedansun premier temps par les besoins INEGI, 1996 - Anuario estadisticodel DF. Aguascalientes,INEGI.
de la ville en bois de construction,mais aussi, aujourd'hui encore, par INEGI, 1996 - Conteo 95, ResuLtados definitivos.Aguascalientes,INEGL
I'usage du bois comme combustibledans les cuisines traditionnelles,a MUSSET A., l99l - De I'eau vive à l'eau morte. Enjeux techniqueset
entraînéune forte érosion des sols. Les étudesréaliséesdepuis un siècle culturels dans la vallée de Mexico (XVf -XIXè s.). Paris, ERC,
par l'institut nationalde météorologiemontrentque le climat de cette zone 414 p.
tend à devenir plus sec et que les contrastesthermiquessont de plus en ROJAST., R. STRAUSS, LAMEIRAS J., 1974 - Nuevas noticias sobre
plus lbrts. Les conditions écologiquesd'une agriculture de qualité se las obras hidraûlicasprehispdnicasy coloniales en el valle de México.
dégradent rapidernent, malgré les efforts du gouvernement pour Mexico, SEP-INAH, 231 p.
préserver les derniers lambeaux de forêts accrochésaux pentes de la
montagne.
Le prix du sol est le principal obstacleau développementd'une
agriculture commercialeefficace et rémunératricedans l'agglomération
de Mexico. En effet, comnre danstoutesles grandesvilles du monde, la
valeqr potentielle.des terrains à bâtir rend peu rentablele maintienou le
9(,-
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