La philosophie contre le choc et effroi
“Marie José Mondzain
Jak souhaité faire ce lie pour deux razon. La
premizre éait mon désir de fare entendre la voix de
Jean-Tousaint Desanti sur un sujet fondamental pour
‘hous tous aujourd'hui, sujet qu'll a eu occasion de
tunter lore d'une conférence donnée Al'Ecoe des Beaus-
‘Ars Pars six mois avant sa mort. Cat l 6 juin 2001
‘tla conférence s'intiulaie« Voir ensemble », La seconde
Gaait ma volonté de lui rendre hommage en restant
fidéle 4 sa conception du métier de philoxophe, cest-
dire en donnant & mon tour la parole & des lecteur
venus horizons différents, pour leur offsir Feccasion
‘entamer ume réflexion sur leur propre pratique a
partir de ce texte, et de participer 4 tn dialogue avec st
penaée toujours viante.
a philosophie était pour Jean-Tousssint Desand Ia
pratique de la rencontre et ne trouait ainsi son sens
4qu'd partir de son « dehors». La philosophie est par
‘definition le métier de Ventretien, cesta-die qu'elle se
‘charge de faire tenir ensemble ces A qu elles adresse,
de produite du sens et de maintenir du lien entre det
sujet quin’ontapparemment,au départ, ren de commun.pets de choses. Le «commun» n'est jamais donné
th ne asembe& conse, Ouse chs te
Tnparole a ereur de tou sled trav pect
austin que crea elle fatsa ago dete ght
Tosopie, te meter de philosphe consisa peas ea
faite dela tiche d'un sel Vatfre de toe Cr eee
Desa produit ice dootl parietal fa Pepe se
sa que: une communaneé de parce cle prtage han
«Voir Ensemble tl ft le dre sur equ, comme
Jan-Tousaint Desi le rapele nous elon tombe
‘accord, Nous avions coutine de Mee emsonble nee
textes de Paton ou Arte te décor ropa
It force de déploiemeny, de renoueclemest tee
romp ca sens dans ne lecture paragce:Tancu nae
fois Yocesion de formulr st conception de Ia dee
textes, Cue ean, es yun, rucune slic ate
tanec ni valeur inrnsgac: Seale leur seteeence
Sncesunte parlesvoi crits de tou cen tle eng,
Pouaient les ramener san coe a we La de dg
hoses comme cele des exes penn extapendioe
Scout eu laotx de cel eneculicn lage
les etentaTepreane de le enconre see Yates eae
enemble comme tre eniemble ne sont uc les Range
inlasabiementinerogces dive ensemble Ang Sone
Conference ne pout reer letse morte toons eee
areiveovun woven
‘Tous ceux qui s'entreviennent ici A partir de leur
Dropre lecture de ce texte tnnoignent de la vitae et de
la riches inépuisable de ses propositions, des lon que
Ta lettre agit dans espace des rencontre.
0
La conférence de Desnt ext avant tou une prise de
parle, une adreme forte et anicle 8 tons cent ul
Aordent'ce notes sele dane Finguctade, Cote
inguigtde, ete impresion dune ctstrope ini:
nente donnait& toutes sx interventions vine. qualité
tout 3 at single. I vol veer fa vigilance, su
titer la responsabilxé sane jamais employer le ton de
in menace ou de Ta tereur Bien an conta, parole
lente ssc ot pabible, a commuaiqee tear
Au i sadressat le sentiment qurune ache longue et
dificil, mais toujours posible les atendait La seule
anton eu pour itmenr en a ener
sec rigueur et courage, mals surtout dene jamais Ia
‘oni vete repo tv conlason ou attain
dm pouwott Cette tice qui nous inconbe 2 tous,
Aquele que sila nate de no rac ede nos geste,
onsite reer A tout ce qui ancant ln paroles
prendee fnlsablement la cle sur un chemin de
fonde doi Ton peut observer 3 ane dance rele
mais qu engage Fotwermtra es forces qu mettent en
él a consitance et lesens da monde que nous prt
I i cece ee dovic el i dena Gare
ged vnble, mas Cest ui relcchir ala naar deta
Eommurauté que nous composons chaque fois que
om psi ne ead arte monde eno mans
iasent ce chaque fos que now metions noue
Paroles twa sur ce monds matin. Ont rendes
fi parol pa lesen rv ec partout par cee de
Tani, douse personnes qui se sont pa lor de ois
Tencontres. JeamaMichel Hrodon et mobméme avons
Asisé A te conference da vivant de JeanTowsaint
4Pesan et et d'un commun acord que nous avons
Choi de ependrelnectedeee exe nconeoe
de det menus en tne de tae a ae
unarivte plnicien de dew posopenct de aay
ingen Tou pratiguent sm meer bu os ae
conduit donner aro plu genre
Ae quelque chose quidonen content
Bartager Ren n't pis probiemague gee reese
‘Fun Gprome ql dabord et par nae fae ee
tne. tt pense de Dean inlque de anh dees
ue nue na snc eal loon gas
Conse inpendaninen de cel eee
nau equ senate commence daa aes
es motemens inf gage cs es rs
Compu patent. Cest dane emperor it
Ste thage dca,
Coats quant co tee comme une vase diay
cai indigent. chain lest ou semen
Sadr nausea note svnsmisensean cee oa
Baran gui on is our ficon esta se
tage: Comme ces entetenenitmolgies leone
Aevens nour de tenon fsontanesou choca
‘estan intnement coneme para pre eae
"ctr de pratqus apa Nees Le na
Piilsophique qu ptt la pute de Desan ae
Produits interven fort len somtnee na ae
1m semble» de volt qu, me senbleui ne
tri ine commune 4s conn ee
Enenble,nows aon faltan ie ot seals
Fement ne commune exigence de ten fone a
tiques de chacun, bs
2
Que cette exigence face au visible ne soit pas elle
rméme douge de visbilité fait ici Tobjet précis et pare
ddoxal de la méditation, Crest au cours de cette conte
rence que Jean-Toussaint Desand a lancé cette formule
ercutante : « Nous ne wot viens. nous indiquait ainsi
4que objet commun du « nous « n'ai pas visible, alors
_méme qu'llseconstruisat pa le travail de la pensée sur
cette visibilité méme, etavec elle,
1M ressort clairement de ces rencontres que voir
‘ensemble, C'est d’abord accepter que nul ne pulsse tout
voir et que nul ne puisse prévendre tout montrer, mais
est aussi conjurer les _menaces d'aveuglement. qui
pésent sur a vision et qui proviennent de la fusion des
spectateurs comme de la dissémination des sgnes, Les
‘amoureux de la fascination comme eux de la disper.
sion anarchisante sont reconduits les uns et Tes autres &
sont les sete, les chapelles, ls bands ou les clientes.
JJamais il ne sera question de faire corps ou bloc avec
‘quoi que ce soit. Voir ensemble, c'est done tégler par la
parole, et plus généralement par tous les signes, en-
Semble toujours précaire mais infiniment précieux, car
“erst la vie méme, que forment le vosinage des corps et
“aconnexion des choses, dans le respect incondliionnel
de leur séparation. Tel est le probleme que tous ceux
qui pantciperent a cete réflexion ont di aborder& par
“titde leur propre champ :& quoi tent le lien qui unit
“sans confusion le voir et le viible ? Comment se tase
entre tous ceux qui yoient a wile diaphane du plan de
‘cohabitation ?
ait important de mete en ceuvre une réflexion
entre ceux et celles qui dannent avoir et qui
3
Teur solitude ow lvrés aux simulacres du partage que
3‘donnent a entendre, et dont les pratiques témoignent
fu qutin soul gion es ta eters
Bia genes dans un copace commu La son
Jowophes sont done ents tout aturllement dare
‘champ de la philosophie, et ont pu constater qu'il y
alent Une pace non seulement légme, mals Un
Dice constants dans eden pent la pena
Produire des signes visuels ou discursifs aujourd'h
st nr un se abject ae oue la place deceit
8 quiron gadrewe:L'cigence de tna commun, cost
dire d'un sens pour la communané, confére & Vacte
devoiretaVacte de monte une responsi majeure
dane a natracon pliiqe. Cet pourqua le texte
de Ia conference «Vir ensemble» coat tous ls
interven envnger ie ar eomme emperence de
Yaniculaton vias de Peahécque & Ttique, Get
ueton tress tutes les rencontre avec te ge
ore indteipe
Pour refyrendre le vocabulaire de Jean-Toussaint Desanti,
Je dirai que dans la circulation des signes visuels entre
ies la Winearnent les corps dette Seer gal sent
‘mele, yor ensomble et expresioncrucale ela
Aueston ui déaomais pou ale Nous vvons at
an d'un déferlement d’informations et d’émotions:
ont Fencheyetrement quotdien onan une clay
tale cfc calecive, Ete ensemble devient chaque
jor daansge gnomjme Wun «ne pos Wire dare
‘ispens de toute poms.» Choe et Stpeurs ont Eat
les mots @Vordre depuis le 11 septembre 2001 et ne
cesientplus de donner ordre de tote tos ensemble
ice queen yoitet de re cctesdhtion conus ne
conviction abjecine, moionnele et exemp de tut
uu
OS cee re red
ees ease eee era
eee ea
eee
ee eae
ee
fe eee
eee
ee eas
ee ee
Fs See eae
a eer
Cer yiqeapeneeraes
ea
ee
ee
ee eee
See ere
See ete
Fee res
peer ee ree ere
SimiVoir ensemble"
Jean-Toussaint Desanti
re neces nin ence zee ew ite Pa
sch ns de ft ema ro) ae
Sano Meret ele pes eens de Boa
teeta saEn essayant de parler & propos du théme, que Marie
José Mondzain et moj avons choisi d'un commun
Record, « Voir ensemble », je soupeonne que nous allons
encontrer le probleme de Ia connexion interne dans
expression at vi, du visible et de Tinvisble, et que
‘Cont cette unité da visible et de Vinvsble qui assure Ia
omsintance de ce qui est yu, et par eonséquent qui ure
Ta posibilté d'un «voir ensemble ». Pour ticher de
vétfier cela, nous allons commencer par des choses en
pparence trés simples, quotidiennes et manifeses. Je
Tinice maintenant cede pase, ctje vous poserai la ques-
tion catelle vaie ou fausie ? : « nous woicl maintenant
ous ensemble réunis dans cette salle». Powvezvous
tcontester cette affirmation ? Non, vous ne le faites pas
Pourquoi? Paree que nous allons parler. Et parce que
rnous pouvons nous déplacer dans cette salle, je peux
fller minstller 4a place de ce monsicur, ow de Marie
José, la salle restera invariant Nous savons que nous
Fouwons nous agiter, nos pouvons discuter, nous pou
fons nous dsputer et méme nous enguculervigoureuse-
ment, nous serons ici ensemble, ensemble, ensemble,
19[Nous tenons cela pour un fait parce que nous pouvons
‘fier Ia fagon dont nous nous tenons, les uns pour les
autres, dans ce méme lie
‘Supposez maintenant que jénonee la phrase sui
‘ante = nous tous qui somimes réunis ensemble, ic, ce
‘gui est certain, nous voyons ensemble ce qui éait& voir
dans cette salle avant méme que nous n'y pénétrions. »
1, nous allons commencer& éprouwver quelques petites
sificultés, Pourquot ? Parce qe nos corps ne sont pas
fu méme emplacement, nous ne venons pas dn méme
fendroit, nous ne pensions pas, en arivant ic, exacte-
‘ment aux mémes choses, Parce que nous nous trouvons
chacin dans un tebien particulier Ee dusive od chacun
‘entre nous se tient, il ne pest pas voir ce qu'un autre
‘volt, Par exemple, aicun d'entre vous ne peut voir al,
fois mon front et ma nuque. Et moi non plus, jene peux
pas voir a la fois votre muque et votre front. « Voir
ensemble », estce voir tout ce qui ext visible dans ce qui
‘demande a étre vu? Certainement pas,
‘Alors, nos nous trouvons devant Ia question : com-
‘ment tennent ensemble ces deux propositions, dont
Tune — nous sommes tous runs ic ensemble — para
tout a fait certane, andis que autre — voir ensemble
nous met dans 'embarras ? Or, je soupconne que ces
{eux propositions doivent se tenir par quelque eété,
eseaire que la vérté possible dela seconde doit pou
‘wir servir pour corroborer la vérité apparemment mani-
feste de In premigre. Nous allons tenter de vérifier #1
cette seconde proposition, « nous tous qui sommes ici
‘mainenant yoyons ensemble ce quise denne Ay voir»,
peut corroborer la premiére, « nous tous quisommes ie
‘Ysommes ensemble», Comment face ? Eh bien, i n'y
20
sien d'autre & faire que de parler. Rien autre & faire
‘que d'échanger. Nous disons que nous échangeons des
paroles. Nous échangeons aussi des gestes, des gestes de
‘icsignation de ce qui est ici ou 1 Mais chaque geste
‘comme chaque parole trouve son germe dans un site
Singulier, qui est Teste un corps vivant, qu habit, qui
habite ensemble, qui habite Te monde. Mais chaque ste
st séparé, chaque ste ext en écart reladvement 2
autre: Moi, je ne peux pas, maintenant que je parle,
‘occuper a place de quelqu'un qui m'écoute, Jene pews
‘pas ton plus, quelle que sit la fgon donton s'y prend,
ime confondre avec lui, ancune fsion de mon ste et da
sien nest possible. Nous sommes deux. corps, indivi
‘dués, vivant e¢dstans. Ils sont en écar, qu'on ne peut
pas fanchir.
‘Gependant, la parole, Fexpresion, le gestvel recau-
‘nent cet écart impossible franchir ou combler. Ce qui
pose la question : quel est le ieu du voir ensemble ?~
‘Quel est et espace dans leque, chacun des corps vivant
‘désignant Fate, se trouve par la désigné un monde
‘commun dans la consstance de ces voisinages ? Cest
‘cela qui fat que les deux propositions énoncées précé-
{demment, ben que différentes, se tiennent. Si nous sup-
posions que pour assurer Ia consstance du faltque nows
Zommes ici ensemble, il nous faudrait nous interroger
tun 2 un et indéfiniment sur notre fait dre ie, parler
de notre fait d'éreic,chacun pour soi, ets ensuite nous
tentreprenions, a partir de ees éléments de réponses, de
tiser Tespace commun, le monde selfondrerait. I n'y
fen aurait plus. Ine serait plus habté. Pourquoi ? Parce
‘quils évanouiait dans chacun des germes qui assurent
a4 consistance, c'estaire les corps qui s'adressent les
Voir ensemble, c'est donc avoir affaire A du visible
‘manifeste, Mais lorsqu'on sincérese au mode de consth
tution de Tespace ob est produit ce tisu, ce liew, nous
omimes dans Vembarras. Nous sommes & nouveau dans
embarras, Nous sommes dans lembarras parce que
{ous les points oft ca germe, cesca-die les corps vivant
ul Sadressent dans la réciprocté, sont des points de
fuite Des poins of ca peut seffondren Et ees a quill
‘ow fait maintenant essyer dexaminer. Nowe allows le
fire d'une manigre nouveau tres quotidienne,
Supposez que vous marchier dans tne ville que vous
ze connaise® pas. Vous avisez quelqurun et wus Tul
dite « Pounervous m'ndiqer le chemin pour aller
La personne vous répond : — Vous tourer & droite,
vous tourner & gauche, vous allez tout droit, aprés oa
vous trouvez une place et sur cete place une églte wore
setez arrive
A ce moment, vous prenet un air soupgonneux et
vous dites:— Pardon monsicur, adroit, quelle droite?
Lavotre ou la mienne ?
‘autre fait un geste pour montrer sa main droite
Ah mais ca, cest ma gauche { réonquez wus,
—Toureeous de 180" et ma droite sera aussi la
verre.»
Evidemment, dans la vie, et méme si vous avez été
‘aussi talon, & ce moment yous reprendries votre
chemin. Mais supposez que vous sojer encore plus
inguiet du sens des mots et de ce qu'll désigne — apres
‘out, la droite et la gauche, ce n'est pas imple, ce est
2
eique non pl ative gun se rompe. Vous
Me As nce Cowen cotin qu
Faiea cet pce wl ele ene
Wier eer cr es Pegibe yea coe? Ba.
I ce oun Papa ee
Se oaretion?
ES Maison,jycaislya 8 minutes
— An maya nines ca et pas mainenant
cue os
Ml et probable qa ce moment voreinerlcwteur
Sov pends pour in fou, et souhatra se dberrascr
Me vous ender: Alles nour etvows vere =
Cone convertion et pur intcresante elle ne
semble He signe gc es renatons decor es
ns par apport aux sen en nt qu Cex der corps
Siam que germent in pare et ads ne se cons
tuont pas immediate dans un espace pate ie
Cet espace pose dex queons Ite pus de, des
tous ede ssperice Sten que sino posons pre.
Heme dechercher quelle erasure de et space
fe communication Gans Teel peat prendre sens
Te due ensemble, le «voir enema conse
tance de Fete ese par Ta posi du vote
tcuemble, nou alo ous tome do queue a
eal, sur leq ster un moment
ily stm proverb rune, orgie ursntenne, qu
cit: Avec lnguc on baron cite Rees ak
overbs ident soment peer anure de ies
tires extant nl ut ne sont pas aparenea
src exits ex que coq vanes st
Iesoher oi chaque cops fades Tau anak
Abolin, gu en ft pst some masa conta
8les article, c'est expression. Gest la posibilité de
expression, « Avec la langue on peut aller partout,
miéme a Kiev signifie que Ia langue ext aust impe-
rieuse que le geste, avec 'adresse,en indiquant cei, en
idiquant cela: en constituant un réseau d'ndications.
ela peut Ete des paroles dans tune langue instiuée,
‘ela peut etre ausi des indications brutes des ers. De
toute fagon, i faut que ce soit entendu, il faut que es
Sadrese. I fant que se constite tne sorte de relation
pour ainsi dire en bouck, entre celui qui émet et celui qui
‘entend, de fagon que dans cette houcle se constitue un
Content d'information dans laquelle V'espace de ces
écarts peut étre deving, recouvert, reprs et mainten,
‘Tout cela nous conduit vers 'ndication suivante il ext
possible que la consitance duu monde commun, de
environnement commun, ne tenne que du fait des
pomibilités d’ébranlement qui s'y manifestent, du fait
que chacun n’est vant que pour au moins un ante, et
‘que chacun nest vivant que dans la constitution dun
site commun, qui n'est pas le rassemblement du site de
Vautee etdusive de Tun, qui extn autre site, un site qui
contient plus de symbalique que de tech Par conse:
‘quent, ws stencil,
Tl faut maintenant avancer d'un pas supplémentaire
[Nous soupgonnons que « veir ensemble » se compose
comme unité de visible et invisible, et que tout cela se
Sent dans un vide pour ainsi dire toujours sans ceste
ecowvert, mais jamais comblé, Je vourais examine
um peu plus pres Ta structure de cet espace, mais
‘comme je ne veux pas le faire dans abstait,nousallons
dde nouveau partir de choses bien quotdiennes et
simples. Banales, sion veut —pas cout faitcependant
Py
veux vous raconter deux souvenirs, Pun trés ancien,
i'l date de la fin des années 20, vers 1927, il se
“passe sur le port d'Ajaccio, la ile 0d je suis né. Lau
‘ouvenir est plus cent quoique pas tout jeune, il se
passe en 1952, dane un café de Nice od, suite A une
‘manifestation la fol politique et cultuelle, une mani-
festation pour Ia paix, nove nous trouvions réunis,
Dominique! et mol, avee Picasso, Edouard Pignon et
luard. Ils étaient pour ks méme raison que nows.
‘Voyons dabord le premier souvenir, Pavais 1-14 ans
A Tépoque, le matin de bonne heure, avant aller au
collége, je me promenais sur le port d’Ajacio, etal
‘oir tavailler un amide mon pére, membre éminent
une famille erésrespeetée de charpenties de marine
Je prenas grand plaisir voir fabriquer les barges, Un
matin, je Vois par terre un tas de bois, des planches,
autres moreeaus longs et fins, des taquets, des pigces
différentes en yrac, Il était devant, immobile. Je ll al
demandé i c'éait avec ce bois quil allait fare ne
Darque, il sest retourné brusquement et a demande :
«Du bois? Quel bois? Toi, tu vos des planches, moi je
‘ois autre chose. e vols d’abord les marins pécheurs qui
‘mont commandé cette bargue. Is sont sep, si rameurs
cet homme de barre, le patzon. Et ils ne sont pas tos
pares ilya des gros et des maigres il faut que je ache
comment fair. Mais je les voi, et pas to. Je vois encore
autre chose. Je ois les chitaigniers. Parce que je fais des
Dbarques en bois de chitaigner, d'autres les fonten bois
de pin, mais ea ne marche pas. Je voi les ehtagniers,
‘qui eux non plus ne sone pas tous pails, et le bois de
| Demis Dent tn pe Senet De
2
idChitsignior dont on ft es barques west pat fe méme
ave leboisdechtagner dont on at espouses
tulson Il fut alr dans a chtaigere des nner
ance, choi arbre en cera die eae con
une certine période de ane, deacon ques toe
‘ota a fois solde et esibe ete. Ta vse eee
de argue se pss entre le chdaignlem ls oars
Jn met EC moi, je suit au miley, jena de noe
detroit, Ne parlons par de malheut (wut ie
dint en come, etl fi les comes aces digs hog
moment), suppose quelle homte eels seat pour ae
filet pour mols, une mut de gon teapot
‘narinsvenaient te noyer parce que je Waseda te
Choisy iy a longtemps, bon chignes et Fee
‘auras pat su placer ee pies de bosib le aoe
ent se placer d'aprés leur natures» I fast jase
Arsote—mot non pls 4 'epoquc
Mais ob Gail? I it: =e suis au mien», Au
nil de quol? Au milew uit prownaace ce Sune
dexinaion-M ait, dane vn mourement Ee gent
tat peuple le dan louise wot stes tag
fant que corps want, gurlany. et wave Se
fantdmestDelntdmes prensa ible def
times qui alent ie chtagner smote igen
Maat ar de me dite: je wis ce que te vor,
arce que je us sit a ten dats ols en gan
‘esol pasvishle S gana psi jene lation Bans
imu cs a, entre provenance ot dennation dase cc
‘mouement. Er ise consitue ne ertaine eee
espace de connexion des corp tants ee eprey
sie des iy nature amt separes es bak
ous avons afar dex, e tant que mows wns ies
2%
fssumer par nos actes pratiques, simplement par nos
estes de désignation. Un autre espace que ee que nous
‘hommons espace naturel, di fait que nous vvons dans
Técart relativement & ce que nous nommons les choses,
recouvre eet espace naturel is'agitd'un espace symbo-
lique, un espace de relations adresses, de boucles, de *
retour, ct qui peuple Técart sans le combler jamais Le
Deuplant sans le combler jamal ext toujours bile,
toujoum menaeé, toxjoursexgeant ete reps Et
‘nou le reprenons effecvement, les uns par les autres,
pa la parole, parle faire commun, par Tagir commun,
pate projeter commu, par tus les aces, concerts ou
on, par lesquel se contin note communaté nom
née Intemubjectne — encore que ce mot fase po
Bleme. Done, voila un espacement, sn relation ene
provenance e destination, tle sujet pavlant et Usa
Ent dans entre deux, pis dans ce mouvement
Ta teconde experience demande tire regardée de
prés Nous tions tustes cng cette table de ex ct es
trois exctcursparaent Aun tnoment, Peaso prend
tu crayon & paper, il te toume vrs tol et me it:
*QWertce que c'est? Quester que ti vols la? — Un
rayon, répondinje.— Ab ah, vexelames, east
{e'reoure,et me le colle contre ex, heureusement
di ete sing pointe. — Et maintenant? Questce que ta
tois? Quester que cext?— Eh bien, jevis une nche
Une ache de eouteur.» Alors il reprend son crayon, et
commetl Gait hail i xe mete sre tourer tes
teste das sex mais bien que je vols un tourbllon
de Hignes composant des denn Ia gamete indie
tinct «Et ca? —Je oi des tourilons Eh bien
méfiewl, me dit slor Paseo. Parce que sit tens
27ensemble le rayon que je Ua 'abord mont, la ache
falar te mowrenen Haque de devi pein
{Ge qui ne pas tne peste are. Car le probleme,
Figur‘, et de créer le geste qui met en mouvement
Etc nest jamais le meme,» Aprs ex prend un ait
omplice et se tourne vers les es autres en fant
{Ttheh, cex gw hein? Cet comme ga que ca com
smenee, hein? » Les dex ates isnt que oul com
tence comme ca, et pique cx contnse
‘he mars fait wir Pics? Il naa fit voir fa
tenet dey cao, dant la meni 08 ene
pls len Etc cet encor de rel qu dealt per
Sane Veer. Pas le rayon! Jamas crayon, tas
tener de rela tener foil de reat: On oi
dex morceau dere, cesta ms a enour dea rae
Ihe, nous neta voyons pa. Cet Finite
Tae woue que vi récemment ne exposon
de deninaePAlberto Gace My eat un poral
Wt plume de Saree, en regardant ce porta al dit
* Mais cet Sarre lute». Or il ta pas de chal,
implement un ren de lignes es dine, qu sem
bent Te tenirprsonnien Derr cerca de ligne,
tn gerd Un regard qo semble surg du crne chun
mort asain ae dient “est Sartre, mje me
Tala comme ga. Ete ft jamais C'est sin
‘estat pour cequl nous concer Onda eat une
image, Cte une image de Sere, resembante due
fem Gxt teint. Maso je cherchais dans Te eal
auelque reprsentation de Sane qulresemblc cee
Sage, ny en vat ps Pour eden ia es
semblance, Gacomet Gait owt pr eet recherche
de renemblance. Mais qu'ssce que cone relation de
28
resemblance? Cen'est pas une relation
Fe n'est symetrique, ni toalement transite, tout
ut relevent pas ymetrigue jas ans
Thimge vase wowverer un morcem se rs El nya
pase de chercher ce morcen de rel, toute la ener
[i ret de ce qvon appelle le modéle est passé dans
mage, mai Te eel hirmeme ex par Mais image est
plu wale quel él meme. Trasitf? Ou, a pent se
Fire. Lx portait de Sarre peat ére pa exemple photo-
‘pb Ma ext plaieur manirea de Te hoto-
aphien, et ace dex photographs crea chaque
Eun liferente du méme port la ume sera aus
Rec que le porait bmeme. Cesare non pas Ue
opie mais une are vo, wae to Quant & Ta
{ellechie, qui concerne le mole —le crayon dane
espace dea, en, ner done de
mer un crayon, de reguder in bloc de pie,
Tefarder un sphere de bois, esayez done de regaer
ete ble Regardes i: vous nate jamais fs vous
in regard wsiont Sie dis ext abe, elle sere
ontie i llememe — cest calarflexiité— et bien
Sn reilé ole ne se resemble ps & elloméme, Pour
het? Tsu d'un chgnement esl ow dun change
sree de Tumi quoigue ce sit qu afecte Te relation
demon corps Ferronnement, pour que wut clase
transformer ne soit plu a méme He, aie dans son
Tet, Nour now feromons devant le meme probleme
{il semblat tourmener le charpenier dé marine,
Praga dni: lnbarqueestunealfate ene es chit
fps la mer etles pecheurs et oi je suis ames et
Fimscgue je me debvoile, C'est que ln représemttion,
quelle quelle so, ex ne allie entre Te monde et
2chacun. Mat la mie méme du monde, la pre en
tue et as eae entre a presence, Tabsence,
Te ide ele recone Ces jours ue afre
dTexpretion,cext toujours une are de langue
Je ne pest pas el menage dans a consaion de
Yrapace'od #opeent les recoumrement d'éara Je
‘eux snplement soe ce Tou Theure en com
Zbencant pases, al post la quesion * eusrous cer
tans que nous snes ici tout ensemble? Vous avez
peg ou bien cetnement. Cet cerude dee
Ie kt que cet environnement mondain day lend
oussommes, que nous hain, dnt nous palo
Aue now partageons, demeue sal comport ses
ivan Deiat, tare de perde patois mess
Alor les ne sont pas eles sont devenucs inves
cpus tou coup po elles sont I Je esis Hes
faa les on pas Doge cet iaance Fl.
the des objet, relatives les uns aus antes et ea
tement note gestuelle, fond, i ny a plus de
monde pour nous ce quiet perdu sana cr gu
expat eit jamais ine ce dont on ne poe pas
{td jamal mort Or, ce’ pasa que es chose 5
ppsent Ce dont on pare gi dansla parle, xq on
Sherehe die te mane dans une ceraive pera
fener ul ent elle di sens ce qu'on cherce 8 repre
temtr dans ewe en dine crane fagon, rele dans
tn epace oe prserve la sabi de mie enone:
‘ment mondain La sbi, ga ‘ne veut pas de le
conten» lab, ave dela eure et
ae cane pari pas qu ane échape pas comme
Te Surze queje wit bares le desin de Gacomet
Eo
chappe pas, lest i — quoique n’étanc plus til est
W recwnnetiement, je ne ese pa dcewtes d'ucune
Horie uf dane te discourse dane Tamale des
formes de constntion des objets experience, Mais je
fppore ques eau ont conscience del distance,
ti Tinie edu reoureement, quis on conscience
te eit as de earache
flit srmmetique de laelaton de resemblance qu
Bheschentcependant, Car ceil cherrhent, cet le
feel! Inve, Ine, main cependant present dans
on innit ave tout Ta fore qui susie et
the force det out ener passer dans image. Cesta
force qui dou paser dane Fimage, pas objet. Pas pls
{qelelcitaigherse paasent dala arge Maids
sete! Le erjon ne poe pas dann Pantie de Peso
Misily ou Queseee quiy et? Le cnyon ? Non. est
bile de alte de ce que cesigne le mot
thay dees que désgne ta designation» rayon
Cea pourquot voir enwemblen cela consite &
‘Serle plus soment parla parole, parois pale
“imple gente, parfos par lesimpe = egarder commun +
{faze en dite), dans espace toujours en vie de
Conuttuion =~ Peso dit que le geste qui met en
fmouvement ext toujours & recommencer, et ce nest
Jamis Te mene. De meme, le mouvement de ei
‘et en mouvement doit ere toujours recommencé, et
ent mas te meme. De fa nos recommencons,
{Ss un pour les autres less devant sates, ess
tr contataton ave esau, esate en accord avec
Chore dauwesss Parfois en aecord et parfols en
onteation :Fespace comin se consitue de unite
aLde ces accords et de ces contesations. Crest dans
ipreuse de Uexprind commun que se constive le «ole
ensemble », ou encore «Wensemble. qui volt ot
encore « ce Nous qui vit, « Nous» ne bit ren Sije
pends « nous» comme désignant un Bue, reas
‘il rn. Chacun vit Ete vor commun neat pass
plement la convergence du regard de chacin I et ly
production de cet espace commun, od vase consttuer
unit du vsble et de invsble dang Pewore Elle peut
ve un part, un éerit une curr plastique ou dares
‘hoses encore, dont toutes n'ont pas été imentee ce
Jour, mais seules les ceres, une fois produltes ou ox
‘hemin ves lw production, pourront nous permctire de
donner un sens ce que nous disons lersque nous for:
Jos de voir ensemble:
Un petit mot pour fini i je pense Ala diférence
entre le discours de Vartan, comme le charpentier de
‘marine de mon enfance, ete scours des eréteuts que
Fai oqué ensuite, je sera amene & dire cee: Tartan
it qu est au milieu, entre provenance et destination,
Ava dire, tout le monde est au milieu, entre prove:
nance et destination, mais ily a cependant une die
rence fondamentale entre artsan etles create c'est
‘que la destination de Fardsan est une desnation ssc
Sims a welts teres Samia
‘gles établies), c'est pourquol méme sl ex Inguiet
ct aster tranquil, parce qu'il ait comment fare T
nen va pas de méme pour le peinue, par exemple
wen va pas de méme pour cell qui commence a eee
A parler; parce qu'd nes jomais La destination et
indéterminée, quand bien meme la provenance se
‘manifeste. Chagie geste qui designe la destination ot
33
en approche est chaque fois nouveau, autre, et dés
Ja provenance elleméme en est modifiée. A mesure
Veeuvre avance, elle semble venir d'silleus. Alors se
ifese cette relation mobil toujours mobile, entre le
ir et Vatteindre. On atteint quelque chose parce
Vexigence d'atteindre provient d'un site, mais &
re qu’on va vers la destination, on entre dans
léerminé, on entre dans quelque chose qui se pr
le comme un infin, C'est pourquot nous disons que
tableaux nous paslent. Pourtant ils ne dient sien,
_Qu'estce que ca veut dire ? Quis ouvrent un espace qui
‘xt propre, dans le monde ambiant —par exemple
Iu musée of est exposé ce tableau, avec d'autres
tableaux, des visiteurs, ete. Le ablean ouwre un monde,
‘un monde qui n’est pas 1, qui ne sera jamais Ii, et of
‘cependantje sus containt d'entrer, je sais contraint
de suivre pas & pas ses changements de couleurs, de
formes, se connexions que mion cil constite, detail,
reconstinue sans cess. Etje me trouve ainsi une sorte de
‘coadjuteur un peu « maigre » di créateur Iuiméme, Jak
affair son infini. ai aflaire Tinfini de sa destination,
‘quil natteindra peutre jamais, mais ruvre est fk Et
‘me voiei installé dans Vinfini de sa destination, V'nfink
qui cherchait. Giacomett désigne cet infini du nom
Gxrange de « resemblance », qui n’ttent jamais, et ca
Vinguiéte — il diac méme que ca 'emplit de terreur,
ajoutant «je me trounais toujours pric onte le fous ot Ui.
supportale», MaisPinsupportable, c'est afte 8 Vin
Et le tableau, qui me plait et auquel je mattache, me
livre cette exigence d'une fuite 4 T'nfini dans Vespace
quill ouvre, Cet espace qui n'est pas Mespace ammbiant,
33est un trou dans espace ambiant, une casure de
Pespace ambiant.
Reflchissons alors un peu miewx A ce que jai appelé
lesite de provenance. Le site de provenance, c'est ce qui
se voit, ce qui s'emtend, c'est objet du dési, dela pet,
ce qui para. Ce site de provenance luiméme, en tant
qui est site do ca proven. of ca pent peovenie, al
‘as lutausi cette exigence de l'nfini, du vide ? N'estil
pas aussi comme un trou dans Je monde ambiant,
‘comme une cassue, quill faut assumer, dans laquelle il
faut enter, dont il faut parler?» Il faut» | C'est pour
‘quoi Picasso me disait: » méfictoi! » Devenir pelnre,
‘créateur, n'est pas une petite afare, parler du monde
n'est pas une petite aire. C'est se mouvoir dans cet
‘space bizarre dont je ne veux pas ii entreprendre de
‘déterminer les structures, mais qui est toujours unité,
dens le visible et au ccear visible, de Vinfins isle et
‘ouvert sans lequel niew de visible ne serait wu! Meme
Pas cl (ei rape duping ur Ua abl)
Jem‘interromprai
‘Trois entretiens
autour de Voir ensembleLEXCEPTION or
Voir ensemble
Texte de Jean-Toussaint Desanti
Ouvrage coordonné par
Marie José Mondzaii
méprarHeque
| MaisondeFrance
FAB
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réfléchir Je ¢inéma