ES By faeaae amy A\ ~)/- ean, 10.0 BBE aeNOUVEAU FORESTER Lineartronic SUBARU Confidence in Motion L'EXCEPTION AU QUOTIDIEN RESERVEZ VOTRE ESSAI CHEZ UN DES 80 CONCESSIONNAIRES SUBARU EN FRANCE Teés agile grace & lassociation de son moteur boxer et sa transmission Intégrale de série, vous bénéficiez d'une sérénité 8 toute éprewe. Le Forester concentre la haute technologie Subaru au sein d'un veai 4x4 tues confortable pour vivre partout intensément. ‘Avec plus de 980 000 véhicules Subaru vendus dansle monde en 2015, Subaru entre dans le Top 10 des constructours aux USA et affiche une hhausse record de 15% de ses exportations dans le monde. Fin RENDEZ-VOUS SUR SUBARU.FR Nouveau Forester parti de 30 90 € TTC Media przanté: Forester 20D Spon Linearronic(PM incuse) |40,600.€1TTG hors vantage chert Tar public au octobre 2076 Consommation et émisions de CO2 sur parcours mnt) de la gamme Forester: de5,7 385 /100 km et de 148. 197 g/km. RETROUVEZ TOUTE LA GAMME SUBARU =; 2 ati arLE GENRE ET SES VARIATIONS Prenons un exemple. Soit un embryon porteur des chromosomes XY ~un futur gargon donc, d’aprésnoscoursdesciences naturelles -,atteint du syndrome d’insen- sibilité complete auxandrogenes (SICA). Ses proto-gonades peuvent devenir des testicules, mais ses organes masculins ne se développeront pas. Le bébé aura une apparence féminine, avecunclitorisetun vagin. Hier, on aurait parlé d'un herma- phrodite mais, letermeétant devenu péjo- ratif, on dit désormais «intersexué». Quoi quillen soit, sesgéneset ses organesrepro- ducteursne correspondent pas lastricte définition d'un homme oud’une femme. Cenvestlaqu'unexemple parmi d'autres d'inadéquation entre le sexe attribué et Videntité de genre. Ici, cette «non-confor- mité» s'appuie sur une base corporelle, mais elle peut également s‘affirmer surle plan... psychologique, intérieur. Etc’est a toute la complexité du débat qui fait rage aujourd'hui, Des chercheurs consi- dérent que le genre est en réalité une combinaison dedivers éléments: les chro- mosomes, 'anatomie, les hormones, la psychologie et la culture. Conséquence: si immense majorité des étres humains se reconnait clairementet exclusivement dans 'un ou autre genre (masculin ou féminin), quelques-uns revendiquent de se situer ailleurs, sur un échiquier plus large, plus nuancé, plus divers. Gelasecoue nos certitudes, suscite des rejets. Mais il faut écouter le ressenti de ces centaines de milliers de personnes dans le monde qui parfois souffrent terriblement. Nous publions ce mois-ci une série darticles afin de mieux appréhender ce sujet délicat. Découvrez d’abord le glossaire (p. 82) défini dans le cadre des étudesdegente, néesdansles années 1970 aux Etats-Unis avant de se développer en France. Nous avons également inter- rogé des enfants tout autour dela plandte pour leur demander ce qui est différent dans le fait d’étre une fille ou un garcon dans leur pays. Enfin, nous avons enquété (p. 106) auprés des chercheurs et des scientifiques qui tentent de comprendre les processus physiques ou psycholo- giques a 'ceuvre. Lidentité de genre est une question forte, complexe, sensible; nous vous proposons de 'explorer. Jean-Pierre Vrignavd, rédacteur en chet Transgenre, queer, androgyne... ces ‘quinza jeunes gens revendiquent cchacun une identité de genre bien particuliere.a psoas (ans ng HURRICANE Le chronographe de tous les superlatifs. Bottier de 50 mm en Breitlight®. Calibre manufacture Cee een cee Re an Se BREITLING Coe th Pr oe oe/SOMMAIRE JANVIER 2017 * N* 208 * VOL. 36.1 C’EST QUOI LA DIFFERENCE ? | Geographic siest rendu sur quatre continents nment le genre influait sur leur vie. Leurs réponses sont édifiantes. fe Robin Han 88 | FILLE OU GARGON, nts Par Eve Conant Photograph 20 | ENQUETE SUR LA GENERATION POUTINE isses qui font connu que Viadimir Poutine au pouvoir se demandent dans quelle directi Par Julia lofie Phot ss de Gerd leur pays, 46 | PUTORANA, LE MONDE PERDU DE SIBERIE Au-dela du cercle polaire, la Sibérie central dune spectaculaire beauté. Par Ivan Kobily kov Photographies de Sergey Gorsh 68 | LES NOUVELLES BERGERES DES PYRENEES Aujourd’hui, prés de la moitié des cabanes drestive en Béarn sont occupées sution, par des femmes. Une vraie r Texte et photographies de Laurence Fleury oson ao 82 | INTERSEXUES, QUEERS, ANDROGYNES. meres Un glossaire pour s'y retrouver dans le vocabulaire utilisé pour définir le genre. ae 106 | TRANSGENRES, CE QU’EN DIT LA SCIENCE jenre est de plus en plus envisagéeMUMM GRAND CORDON, INTENSEMENT MUMM. LINTENSITE DU PINOT NOIR DANS UNE BOUTEILLE AU DESIGN REVOLUTIONNAIRE. cHMuDANS L'UNIVERS NATIONAL GEOGRAPHIC Un groupe de requins-citrons (Negaprion brevirostis) remue le sol sous-marin ala recherche de nourritur. LES SECRETS DES REQUINS TELEVISION Les requins sont essentiels a la biodiversité sous-marine. Pourtant, chaque année, environ 100 millions dentre eux seraient tués par "homme. Pendant un mois, la chaine Nat Geo Wild leur consacre une série de documentaires, Sur Nat Geo Wild, & partir du 1 janvier 2017, tous les dimanches, a 20h35. EN ROUTE POUR LA FLORIDE GUIDE DE VovAGE Prés de 300 pages pour découvrir ia bouillonnante Miami et larchipel des Florida Keys: circuits incontournables, lieux insolites, experiences authentiques... Avec, en prime, notre sélection des meilloures adresses dhétels, de bars et de restaurants, Collectif, éditions National Geographic, 272 pages. NOS VOYAGES EN INDE, EN ECOSSE, A TRINITE-ET-TOBAGO... NATIONAL GEOGRAPHIC TRAVELER Découvrez le nouveau magazine de voyage de National Geographic. Vous 'ouvrez, vous partez! National Geographic Traveler n° 5. En kiosque le 18 janvier 2017, PHOTOS: AMANDA COTTON 2008 STOCKPHOTO LP(REGUINS),ROERT HAROING, HEMISFR (NDE)Pouce cliché, Anthony Lau a recu le Grand Prix du concours = Pare ee a ea te Gene eet eee eee eae te Voter ec Ce neat respectivement la "mention honorable» etle «2* prixINOS ACTUS HOMME, FEMME : MODE D’EMPLOI Linstitut de sondage américain Gallup a interrogé plus de 148000 personnes dans 140 pays sur leur qualité de vie. 48% [2x DESFEMMES DESHONMES 58% [Ove ORSFEAMES —DESHOMMES CHEZ DISNEY, LA FIN DU «SOIS BELLE ET TAIS-TOI» Par Kelsey Nowakowski Les linguistes Carmen Fought et Karen Eisenhauer ont analysé les dialogues de douze films produits par Disney. Elles ont constaté que, dans les plus anciens, 60% des compliments adressés aux femmes portaient sur leur physique, contre 9 % sur leurs compétences. Pourcentage de compliments liés aux aptitudes surla totalité des compliments regus par les personnages féminins dar Période classique de Disney Les films transposent les contes de fées sur grand écran, LaPette Lapete ‘Siren etiaBeta Condtilon LaBelle ‘aubos ermant 1950 28 ‘Aladin oor 1992 Renaissance “oa née 800 cr Saares commons tert e lil i Davantage de personnages ‘et de séquences musicales. De tels biais suggerent aux filles que «leur valeur ‘dépend de leur apparence », observe Carmen Fought. Dans les productions plus récentes, les filles sont plus souvent félicitées pour leur courage et leurs capacités que pour leur beauté. Rebello Loringose Muon Grerie tarshe i ti ; i | Pourcentage de compliments lis aTapparence ptitudes augmentent Disney passe aux films d'animation fen images de synthese. 95 1098-2009 _SRAP QUE DISNEY. ALVARO VALIRO KELSEY NOWAKCIVEKL SOURCES. CARMEN FOUGHT,Quand on leur demande d’évaluer leur vie sur une échelle de 0 & 1, les femmes attribuent une note un peu supérieure a celle des hommes, malgré des différences de temps de travail et de perception de leur sécurité. Fillotte déguisée en Belle au bois dormant Se déguiser en princesse: « une phase normale trés “fifille” » ou «une incitation pour les filles 4 se définir selon des normes d’apparence physique »? estlaquestion que veut poser aphotographe Blake itch via son projet photo Dress Rehearsal,consacré aux petites files quiportent des déguisementsde princesse. DIFFERENCES DES SEXES Ce quien dit asctence Quelle que soit leur culture, les gens voient es nombres impairs ‘comme masculins, et les nombres pairs comme féminins. Chezles riches, les fils bénéficieraient d'un meilleur lait maternel,NOs ACTUS | HOK DIFFERENCES DES SEXES Cequien dit la sctence Les femmes croient plus au changement climatique. Une stu Leslézards répartissent les genes selon le sexe. Quiest mauvais perdant. E, FEMM 50 % des hommes et 48 % des femmes jouent aux jeux vidéo. Mais, pour 60 % des Américains, c’est une activité masculine. - etude au Pew Research Center, 2015 LES FILLES, LES GARGONS ET LES JOUETS GENRES Par Natasha Daly La sociologue Elizabeth Sweet a ana- lysé plus de 7300 jouets proposés dans les cataloguesdela chaine américaine demagasins Sears, depuisunsiécle. Elle a constaté que les plus anciens jouets genrés renforcaient lesrdles tradition- nels ~tels «la petite ménagére» ou «le jeuneouvrier». Alain dusiécle, les per- sonnages étaient plus fantastiques: la ménagére était devenue une princesse; le charpentier, un superhéros. Cette évolution n’a pas été linéaire. Avecla montée du féminisme dans les années 1970, explique Elizabeth Sweet, les jouets genrés ont décliné: dans le catalogue Sears de 1975, seuls 2% des jouets étaient classés selon le sexe de Yenfant. Mais, dans les années 1980, la balance a commence a pencher dans Yautre sens. Les distinctions de genre sont réapparues dansles biens destinés aux enfants, surtout les habit Cibler les jouets selon le genre a des conséquences. Une étude de 2015 a ainsi révélé que les garcons ont plus de probabilités que les filles de jouer des jeux qui développent leur intelligence spatiale -construction, puzzles, Lego. Lemarketing peut avoir une influence, affirme Jamie Jirout, psychologue développementaliste et auteur de étude, Par exemple, la gamme Lego Friends, qui vise les filles, se concentre surlejeu de rdle, et non surla construc- tion. Les puzzles pour filles ont moins de piéces que ceux des garcons. Or, pour Jamie Jirout, «les aptitudes spa- tialessont un élément d’explication de la sous-représentation des femmes dans lessciences et la technologie».Nera out Te DANS LANTARCTIQUE, LE PLUS GRAND SANCTUAIRE MARIN DU MONDE Petri eran RRR PESO OUO tetera a EOS Eee ye testi ine wad eee eater eee Bremer iene evs Rea eeu La décision a été prise a 'unani eee aE ROC etsy Coroacu uk sctuctaa eva marinesde'Antaretique(CCAMLR), Gera e erat mtn ee Bromine Menten oan ed renee Ces Cm onic Ree muss cis Serre eee cetera ac Reteem Een ce toc keas Coty Prem mneen t artgier ible tg Perot outers} Renmei aneasmet cote Preteens msc fe-thae Cot eterna Pemeeones aie tinct Conoco on oc ree ueoeutn ea tas Ross a largement échappé a l'acti- rea anaes teeters t Pocramne nna ar esto) Corres weme acces as Pee mee sect rouse thon sen) Peeretuneni enaNos actus | LINNOVATION DES ARMATURES EN TISSU POUR AIDER LES MALADES A REMARCHER Par Céline Lison Les personnes & mobilité réduite pourraient bient6t bénéficier d'une combinaison robotisée pour accélérerleurrééducation, Marcher surdelongues distances, avec des charges de plusieurs dizaines de kilos, le tout sans effort: c'est la promesse des exo- squelettes, des armatures mécanisées accompagnant les mouvements de la per- sonne qui les porte par-dessus ses véte- ments. Latechnologie esta'étude pour les militaires, Mais un ingénieur irlandais, Conor Walsh, s'est demandési ces appareil- lages ne pourraient pas favoriser la réédu- cation des personnes a mobilité réduite, Probléme: les exosquelettes existants, lourdset encombrants, neconviennent qu’a des individus en bonne forme physique. Lidée d’une version souple, avecdes com- posés plus légers, germe... En 2012, Conor Walsh développe son idée au sein du laboratoire d’ingénierie biomécanique de Harvard. Deuxans plus tard, un prototype voit le jour. Une combinaison en tissu résistant qui cache un concentré de techno- logies: des capteurs détectent tous les mou- vements du sujet, un microprocesseur analyse ces informations et, au besoin, actionne des moteurs connectés a des cables courant des hanches aux chevilles. Latension des cables vient soutenirles pas aumomentméme oi! le porteuren abesoin. Quinze personnes ont déja testé l'appareil et les résultats sont positifs. «Cela ne remplace pas la rééducation classique. Cest un nouvel outil pour raccé- lérer et la renforcer, explique Pingénieur de 35 ans, qui vient de recevoir un prix Rolex récompensant l'innovation. Avec la dotation depres de 93000 euros dont il dis pose, Conor Walsh va pouvoir multiplier les essais et affiner son projet, dans lequel la société ReWalka par ailleurs investi. Une version médicale devrait étre disponible dans trois ans. Elle pourrait intéresser les patients physiquement diminués par la vieillesse, un accident vasculaire cérébral ou une maladie neurodégénérative. 18 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017Noor eu) Carseat MOITIE MALE, MOITIE FEMELLE Pecans Cy alerk tensa atcey Peticrme to vucaeuetomta ca Ga een Ren tants scones Reamer Dre sno erero ed Cisne unions Err erica sco ees eka Prentice eee a Pimaeoe eccrine Ptrnr Rate oetcental setae seca sédant les organes reproducteurs des Genesee econ sneron ese Cheeous te tsmruriontssie act Pence are nieateae tee tenets Geursunetaecre ee ates cree la taille et la couleur de l'un avec les organes génitaux de autre. ress ote nyg n on phisme bilatéral décrit les animaux oer Core culm weteke es Corona ea tucs teed oneteteecou sullen Reema emt Skat Crome ta eter ooniey sexuels des papillons sont a inverse Geeo ed mines mr arto Geteeener tka resents Coreen Ame torlecng Perc ersr sete Rea i? (ornrneeenet erature ean parun spermatozoideZ, poursuit Josh Pen te eaten ecen te Ceres tea Ge phénomene est trés limité, Lors d'une étude effectuée en 1980, des scientifiques n’ont trouvé que cing Por iniauareenice menor Reece Cron i eae Ronee mieten a Reno (Etats-Unis) en ont identifié quatre depuis 2011. Cette particularité génétique neserait pastransmissible Breau orotate PAPILIO GLAUCUS reins Coote ed périurbaines dela meee et de certaines régions: ore Rea Sige Paice) (ici agrandi 15 fois) le cote Pee er sombre est femelle. Ce terme combine les racines grecques gyn («femme») Ceca!EN COUVERTURE ENQUETE SUR LA GENERATION POUTINE L’'Union soviétique a disparu il y a vingt-cing ans. Les Russes nés depuis n’ont connu que Vladimir Poutine, et ils 'adorent. Rencontre avec ces jeunes qui préférent la stabilité aux libertés. PN asa teen eee Pe Lue eo rodaeat) la photo. Agés de 24 ans, ces «toiturophiles» immortalisent leurs exploits sur Instagram: OE eedSS ae ey Be eau LeU Pee auc et Ce a a aa Mee eet cg ig ewe eas de la routine grace au cosplay (sorte de jeu de role en . costumes de personnages de film, BD oujeu vidéo). x“ CT fn ee lls possédent plusieurs déguisements danimaux. wl, “4h iFeats AIR ee een oe et Ca ues eee ree en Ce ee un ee eee ceca Preteen Rete esPar Julia loffe Photographies de Gerd Ludwig ous nous sommes donné rendez- vous & ’hétel, & cété de la gare. Comme il ne sait pas oi m’emme- ner, nous marchons simplement dans les rues poussiéreuses de ‘Nijni Taguil, une ville industrielle déclinante, située dans lest des monts Oural. Il s'appelle Sacha Makarevitch. Ce cimentier de 24 ans a les cheveux blonds noués en queue-de-cheval. Nous passons devant un batiment de plain- pied couvert de photos d’étoiles rouges sovi tiques et du ruban de Saint-Georges noir et orange retenant des médailles militaires impériales, soviétiques et russes. «On pourrait aller la, pro- pose Sachaen haussant les épaules. Cest plein de gens qui ont survécu aux années 1990.» Sacha aussi a survécu aux années 1990, En décembre 1991, quelques mois aprés sa naissance, Jedrapeau soviétique a été déposé du Kremlin, et les couleurs russes ont été hissées. Lespoir que es Russes pourraient commencer a vivre comme leurs prospéres voisins occidentaux a cédé la place a une réalité douloureuse: transformer une économie planifiée en une économie de marché, transformer en démocratie une société vivant depuis des siécles sous la monarchie absolue et le totalitarisme serait un labeur long et difficile. Je n’ai pas connu ces années-la. Ma famille a quitté Moscou en avril 1990, J’y suis revenue pour la premiere fois en 2002. L’tre du président Vladimir Poutine, antidote aux turbulences des années 1990, battait son plein. Depuis, je suis souvent revenue en Russie, et m'y suis installée pendant plusieurs années comme journaliste. 26 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 La plupart des Russes que je connais ont été plus ou moins faonnés par les soixante-quatorze années de l'expérience soviétique. Nous savons tous A quel point des tragédies personnelles ont touché nos familles lors de cette période. Mais la nouvelle génération ne connait qu'un pays trau- matisé par les années 1990, puis gouverné avec fermeté par Poutine. J’y suis venue en 2016, vingt- cing ans aprés leffondrement de l'Union sovié- tique, pour rencontrer des jeunes tels que Sacha. Quisont-ils? Que veulent-ils faire de leur vie? Que souhaitent-ils pour la Russie? A Vintérieur du bar dépourvu de fenétres, tout en finoléum et panneaux de faux bois, Sacha et moi commandonsune biére légére servie dans de fins gobelets de plastique. A Nijni Taguil,LGEIL DU POUVOIR Radik Minnakhmetov, un chet dentreprise de 27 ans, redresse le portrait officiel de Poutine dans son bureau. A cété figure celui du président du Tatarstan. A 24 ans, Minnakhmetov est devenu le directeur d'un nouveau stade futuriste 4 Kazan, la capitale de cette république russe. ditle jeune homme, «iln'y aque des usines etdes camps de prisonniers». Jadis célébre pour fabri- quer les wagons et les chars de 'Union soviétique, la ville est aujourd'hui connue pour ses usines désaffectées, son chémage et Vladimir Poutine. En 2011, quand Poutine a annoncé son inten- tion de briguer un troisiéme mandat présidentiel, des manifestations ont éclaté a Moscou et dans autres grandes villes. Les protestataires étaient en général issus de la classe moyenne urbaine, jeune et instruite. Cet hiver-la, un ouvrier de Nijni ‘Taguil a déclaré a Poutinea la télévision nationale que luiet «les gars» étaient préts venir A Moscou tabasser les contestataires. Poutine a décliné Voffre, mais la ville est désormais considérée comme le coeur du « Poutineland ». Aprésent, Nijni Taguila un nouveau maire, que Poutine a envoyé la avec mission d’embellir la ville, mais la vie y reste dure. Sacha a appris la soudure et travaillé dans une usine od il gagnait bien sa vie. Puis, avec la chute du prix du pétrole et les sanctions occidentales liées & invasion de Ukraine, l'économie s'est affaissée. Sacha netou- chait plus de salaire. Il a passé un an & chercher GENERATION POUTINE 27dutravail avant de décrocher un emploidansune usine de Boeing, & deux heures de la. Tl gagne & présent 30.000 roubles, soit 420 euros par mois —peu ou prow lesalaire moyen dansla région. Sacha a derrigre lui une longue journée de tra~ vail. Jest fatigué. La ville qu'll déorit est violem- ment conformiste. «Les gens d'ici sont agressifs envers ceux qui ne leur ressemblent pas», dit-il. Luniforme local est celui de la classe ouvriere: survétement et cheveux ras, avec une petite frange. Les gens de son age, affirme Sacha, sont souvent. des enfants d’anciens détenus, «IIs ne respectent pas la loi. Un homme, un vrai, est soit 4 l’armée, soit en prison.» Sacha aappris se battre, avec ses poings, avec des couteaux. Une fois, ilest rentré chez lui couvert du sang de quelqu’un d’autre, et ilme raconte cela avec une étrange joie béate. ‘Ceque Sacha veut vraiment, c'est partiraSaint- Pétersbourg, la métropole cosmopolite, ety ouvrit un bar, 11 yest allé quelques fois; c'est la qu'il se seitt le mieux. Mais sa petite amie n'iraques'il y achéte un appartement. Avec leurs deux salaites, son révea peu de chance de se réaliser. C'est devenu une rengaine & Nijnt Tagull: Jes jeunes ne peuvent réaliscr leurs réves de jeunes a cause de laréalité dela Russiede Poutine, Us veulent voyager, mais leur salaire est en roubles, dont Ia crise économique a divisé la valeur par deux, Certains veulent.eréerleur entre- prise, mais ne savent pas comment faire face ala corruption locale. Alors ils apprennenta réduire leurs prétentions. lls désirent avoir une maison ouunappartement, une voiture et une famille. Ils aspirenté des choses qu'un grand nombre d'entre eux ne possédaient pas, précisément parce que leur famille a subi les années 1990. «Les années 1990 ont été trés dures pour nous, financiérement », confie Alexandre Kowznetsov. Ta 20anset habite Nijni Taguil. «En 1998, mon pére nousa quittés, » Alexandre avait alors 3 ans. «Tout lesalaire de ma mere servait ame nourrir, Je n’avais pas beaucoup de jouets. Je suis le seul enfant,» Cette époque a marqué Alexandre. «Pour moi, le plus important, c'est la famille. Je ne veux pas viser des postes de haut niveau etavoir une maison vide.» 28 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 Son pére a été soldat pendant la premiére guerre de Tehétchénie, en 1994, «Ne engage pas dans 'armée, mon fils», lui a-t-il conseillé. ‘Mais Alexandre ne cherche pas & échapper a la conscription, «J'ai toujours voulu m‘engager, explique-t-il. Dans ma famille, tout le mondea été dans ’armée, Mon arriére-grand-pérea combattu durant la Seconde Guerre mondiale,» Deplus, leservice militaire offre des débouchés plus Iucratifs pour un jeune Russe : on peut ensuite travailler dans la potice ou pourleService fédéral de sécurité (FSB), le successeur du KGB. Faire larmée permettrait a Alexandre dedevenir policier, comme 'a été son pére: « Je veux vrai- ment avoir un revenu stable.» Alors que nous parlons, son ami Stepan, un jeune homme robuste et souriant, nous rejoint. «Alors, dit-il avecun ait malicieux, vous écti- vez sur ce qu’était la vie en Union soviétique? Ehbien, on vivait beaucoup mieux a époque. —Quoil, s’exclame Alexandre. Nous vivions mieux? Ce nest pas vrail» Ils se disputent A propos de I'existence & Tépoque soviétique, jusqu’a ce que Stepan, né en 1992, se rende compte qu'il a une question & me poser: « Vousles Américains, vous faites pres- sion sur nous avec vos sanctions. Qu’est-ce que ‘vous nous préparez? Une guerre?» Il explique pourquoila Russie a bien fait d’annexerla Crimée et Poutine de tenir tétea POccident. Stepan rechigne & me donner son nom de famille, car je suis une journaliste américaine. ‘Mais, lorsque je souhaite prendre congg, il pro- pose de me reconduire. «En fait, dit-il, je veux vraiment partir d'ici. —Partir d’ou?, je demande. De Nijni Taguil? —Non. De Russie.» Aprés son beau discourspatriotique, c'est inat- tendu, Je lui demande de mrexpliquer, «I n'yarien a faire ici, dit-il sans aigreur. Pas de débouchés, aucun moyen de progresser et de se réaliser.» «Ceux qui sontnés en URSS et ceux qui sont nésaprés son effondrement n'ont pas vécu laméme chose, a écrit Svetlana Alexievitch, lau- réate du prix Nobel de littérature 2015. C'est comme s'ils venaient de planétes différentes.»LUnion soviétique a été balayée dans une grande vague d’optimisme, Beaucoup ont cru que la Russiene tarderait pasa devenir une démocra- tie prospére, a occidentale. Mais cet optimisme de 1991 s'est noyé dans une décennie de contra- dictions souvent déprimantes. La fin de 'écono- mnie planifiée a permis & certains d’amasser des fortunesoud’intégrer la nouvelleclasse moyenne, quand d’autres sombraient subitement dans la pauvreté. Des produits jusque-1a indisponibles ontenvahi lesrayons des magasins, mais rargent permettant de les acheter perdait régulitrement de sa valeur. La criminalité, surtout dans le secteur com- mercial, a grimpéen fléche. La née aprés l'Union soviétique) ne planifient pas leur vie au-deld d’un ou deux ans, Ils sont politi- quement inactifs. En général, ils ne savent rien des événements dont I’Etat ne souhaite pas les informer, Et 83 % disent n'avoir pris partaaucune activité politique ou au sein de la société civile. Lisa me retrouve dans V’étincelant hall blanc de l'une des nombreuses tours de verre qui constituent Moscow City, un quartier financier. Jelasuis dans les tunnels qui relientlestours. On trouve des cafés, des magasins et une exposition politique arrivait surlaplace « Alors, vous €crivez, publique, mais de nombreux 360, s Russesontfiniparlaconsiaé- SU Ce qu’était la vie ee uaatnéde ef Union soviétique? ‘adapter A réalité étran- + ivan ser wtaitte dace El bien, on vivait beaucoup liberté sans précédent, mais mieux a lépoque. » beaucoup Font trouvée extré- tmement déroutante. «Quand ces valeurs [occidentales] se sont heurtées & la réalité et que Jes gens ont va queles changements arrivaient trop lentement, ces valeurs ont été reléguées au second plan», analyse Natalia Zorkaia, sociologue au Centre Levada, un institut de sondage indépendant mos- covite. Aa place, dit-elle, les jeunes générations adoptent «les piliers de la société soviétique ». ‘Sacha, Alexandre, Stepan etleurs pareils vivent effectivement sur une planéte différente de celle deleurs parents et grands-parents, mais, a certains égards, ils deviennent encore plus soviétiques. Chose étrange, ilsen savent peu surles privations, les habitudes et la dureté de la vie sous l'Union soviétique. La génération Poutine n'a pas connu tout cela. Son désir de normalité sage -une famille etunemploifiable, mémes'il est peu satisfaisant- est sa fagon de éagir ace dontellea manqué dans les années 1990 et qu'elle a trouvé sous Poutine. Is ressentent pourtant un profond sentiment dinsécurité. Selon le Centre Levada, 65% des Russes de18 424 ans (soit la premiére génération de peintures représentant Vladimir Poutine et Serguei Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangéres. Nous commandons A déjeuner, puis Lisa me raconte son histoire en avalant bruyam- ment son bortsch. Elle me demande de ne pas mentionner son nom de famille, car elle ne veut pas contrarier ses parents. Lisa est née en 1992 Blagovechtchensk, ville de l'Extréme-Orient russe, Un an plus tot, son pére, professeurd’histoire, fétaltdans les rues de Moscou larrivée de la démocratie, Mais, quand il est rentré chez lui, aprés la dissolution de!'Union soviétique, ila di trouver de nouveaux moyens de subvenir aux besoins de la famille. I s'est mis a franchir la frontiére chinoise et & rapporter toutes sortes de marchandises, des vétements aux appareils électriques, pour les revendre en Russie. Lisa est avocate dans une grande entreprise occidentale. C'est bien, mais ce n’est pas ce dont elle révait: «J'ai toujours voulu étre journaliste; Vécrivais sans arrét. Maismes (suite page 36) GENERATION POUTINE 29Pourquoi Poutine est aimé Test celui quia apaisé la Russie post-soviétique et le premier chef d’Etat prét a tenir téte AT'Occident depuis des décennies: ainsi est souvent pergu Vladimir Poutine dans son pays. Sa forte personnalité et sa mainmise sur les médias l'ont aidé & conserver son prestige. Sil est réélu en 2018, seul Staline aura dirigé la Russie post-tsariste plus longtemps que lui Le niveau de vie Pre Viadimit progresse russ Eltsine m Poutine a bénéicié des rudes 23895 $ réformes économiques adoptées par Boris Eltsine et son prédécesseur, « Mikhail Gorbatchey, ainsi que de : augmentation des recettes issues ac du pétrole, dont le prix accommencé ° Aaugmenter en 2003. Le PIB par hhabitant a progressé de 70 % en. Russie sous Poutine, contre 17 % PIB russe ddans [Union européenne. par habitant™ 2000 2008 2012 2015 Bttsine Le marché de 'empl renoue avec la stabilité Dans les années 1930, les drigeants soviétiques affirmaient quis avaient sliquidé » le chémage. Crest pourquoi Jes Russes ont été atterrés par Je chomage galopant apparu sous Ettsine, puis soulagés par le retour de la prospérité et de perspectives i , souligne Unesco, LasplendeurduPutoranaest dueAunetopo- graphie particuliére, quasiment unique au monde, qui s’explique par sa géologie. Voila plus de 250 millions d’années, !a fin du Permien, des flots de lave se mirent a jaillir de failles appa- mues dans le nord-ouest du plateau de la Sibérie centrale. Au fil du temps, la superposition et la solidification presque I’horizontale de couches de basalte et de tuf constituérent un bouclier épais de 2 km. Un «gateau napolitain »deroches volcaniques a nul autre pareil. Des millions d'années aprés sa formation, le bouclierse remit a bouger. Ce quiallait devenirle plateau de Putorana se souleva de plusieurs cen- taines de métres au-dessus des plaines alentour. Denouvellescrevassess‘ouvrirent mais, cette fols, sang éruptions volcaniques. Les failles tectoniques setransformeérent en canyons ol, & partir d'envi- ron-2,Smillions d’années, des glaciers creusérent denouvelles vallées fluviales, parfols profondesde plus de 400 met propices a la formation de lacs. Depuis, l'eau, le gel et le vent ont peu A peu érodé et modifé les montagnes—et continuent de fagonner le relief du Putorana. Les tufs poreux s'érodent les premiers; puis, les basaltes forment des sortes de terrasses, Les pentes des canyons profonds peuvent ainsi compter une quarantaine de strates bien visibles. ‘Les milliers de chutes d’eau quise jettent dans Jes failles et les vallées érodées sont devenues le symbole du Putorana. Aucune région du monde men posséde autant, ni d’aussi diverses. On en trouve sur presque chaque fleuve ou riviere, si bien qu'une grande partie d’entre elles n‘ont pas encore été explorées, et encore moins décrites. ‘Quand vous survolez.le nord-est du plateau et ses rividres, dont certaines ne portent méme pas de nom, un sentiment peu prés disparu de nos jours vous submerge: celui d’étre un pionnier, le premier pénétrer dans une terre inconnue. Vous Tegardez attentivement vers le bas pour ne pas 62 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 rater les chutes ne figurant pas sur la carte. Et il yenades centaines! Mais pas seulement sur les rivieres, Des ruisseaux et des torrents prennent Jeur source par milliers au sommet du plateau, dans les glaciers et les champs de neige. Lorsqu’ils en atteignent le bord, leur flot dégringole sur les ‘terrasses de basalte, formant autant de guirlandes d'eau. Dans les gorges les plus profondes, des dentelles de cascades plongent de 400 mdehaut. Heélas, ces chutesne durentguére et disparaissent complétement lors des années chaudes, Lune des plus célébres cataractes est celle de Talnikovy, d’une hauteur de 600 m. Certains la considérent comme la plus élevée de toute a Russie. Mais cette géante, qui franchit quinze terrasses rocheuses, fait partie des chutes saison- nidresa la vie bréve -un A deux mois par an. Cestsurlarivitre Kanda quese trouvelareine des chutes permanentes. Elletombede108m de haut, sans aucune terrasse pour disperserson flot. Se retrouver en face d'une telle cascade vous donne la sensation d’étre au coeur d'un film fan- tastique qui se déroulerait sur une autre planéte ou dans un lointain passé, La cataracte rugit comme un monstte préhistorique et, de loin en loin, le sourd fracas des blocs de basalte qui se détachent des parois du canyon et s'abattent renforce encore le vacarme ambiant. Le plateau, !'un des lieux les plusinhospitaliers de la planéte, reste quasi inhabité, bien que des nomades dolganes et evenks y aient jadis élevé des rennes. L’hiver y dure de septembre a mai, avec une température moyenned’environ-27°C en janvier et en février. La couche de neige n’est que de 304 80 cm, car ici régne le pergélisol. Pas facile d’observer la faune et a flore dans ces conditions, Orle plateau abrite des ours, des loups, des renards arctiques, des carcajous ou encore des polatouches (écureuils volants), ainsi ‘que 140 espéces d’viseaux (dont le faucon émeril- lonetle pygargue A queue blanche) et 400espéces de plantes, Les ressources naturelles, quant aelles, dorment bien souvent sous 2 km de basalte, ‘LePutoranacontinuera d'attirer d'incorrigibles romantiques. Mais cette contrée ne révéle ses secrets qu’aux voyageurs les plus obstinés. 0 HABITANTS DU FROID Trente-quatre ‘espéces de mammiféres, dont la zibeline, vivent dans le Putorana, qui réunit une ‘grande variété décosystémes arctiques.RIVIERES A SALMONIDES Quand la riviére Dulismar géle, le bassin d'une chute sert de refuge pour fomble, un poisson trés répandu sur le plateau. ‘Aumoins quatre espéces endémiques dombles y vivent. aaWN) cel tet eee eects Perea eee eeu nety ree ceca Cee atesAujourd hui, prés de la moitié des cabanes R CVE MAM Te TRU Rica toe eat Ce CTT eco PHILO Neto e om uie wis mer tity un milieu d’hommes. Mais quelle nouvelle vie! 68En vallée dAspe, Elise, aidée d'une’ amie, fait paturér son troupeau de 200 brébis Memes eue eens Reese sett acyPei iy ee au ure yrs Oe eee EL Matinale. Elle transporte ses bidons. Cert eet tt Cera fares aoeLAPPRENTISSAGE Tne ee ceca eee ee ee Clore ese ene ae Deter eet gece CeCe Ra cence onceTexte et photographies de Laurence Fleury a révélation, Isabelle 'a eue a 40 ans. Elle n'avait jamais mis les pieds en montagne. «Il ya une douzaine d’années, une amie m'a invitée a suivre une transhumance. Je me suis retrouvée face 4.400 brebis qui paissaient tranquillement. Quand le berger sifflé son chien, en une fraction de seconde, tout le troupeau a dégringolé la pente. C’était magnifique! J'ai pleuré. Et je me suis dit: c'est ca que je veux faire!» Isabelle occupe désormais une cabane d'estive perchée a 1600 m, dans les Pyrénées. Elle la par- tage avec son filsde 4 ans et avec Anne, son asso- ciée, elle aussi ex-citadine, originaire de Rouen. Elles ne sont pas un exemple isolé. En Béarn, de plus en plus de femmes quittent la ville pour embrasser le métier de bergére, mues par un désir deretour a lanature eta une vie plussaine. Ceque confirme Jean-Luc Boucheron, ancien directeur de la formation de berger-vacher transhumant au lyeée professionnel agricole d’Oloron-Sainte- Marie (Pyrénées-Atlantiques): « Elles étaient une ou deux par promotion, au début, pour arriver alla parité dans les derniéres années. » Le Béarn, dans le nord-ouest des Pyrénées, compte 200 estives, des cabanes d’altitude. La séjournent les bergers qui font paitre leurs brebis dans les hauteurs et fabriquent un fromage plus riche et gotiteux que celui produit pendant!’hiver exploitation, au village. Les plus éloignées sont a plus de trois heures de marche de la route. Cela n’effraie pas les nouvelles bergéres. Prés de la moitié des estives abritent des couples ou des familles, et une bonne dizaine sont occupées exclusivement par des femmes, seules ou A deux. Des riresd’enfants en pleine montagne, parfois des pleurs, c'est le quotidien de Marie quand ses filles Lila et Suzon, agées de 5 et3ans, la rejoignent 74 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 a Vestive. Cette bergere de 34 ans est salariée au plateau du Soussouéou pendant/’été. Elle y garde 200 brebis pour un éleveur qui, lui, demeure en bbas pour faire les foins. A 'aube, Marie est déja a Yceuvre dans la salle de traite, une installation de bricet de broc en planches, recouverte de t6le. «A9 heures, en principe, j'ai fini. C'est le moment oii mes filles se lévent. Je mets le lait A cailler, et je suis disponible pour les faire petit-déjeuner. En méme temps, je garde un ceil sur la fromagerie, puis je fabrique deux ou trois tommes, parfois quatre, selon la quantité de lait.» Une fois les fromages terminés, Marie envoie les brebis paitre, puis casse la crofite-elle n'a rien avalé depuis le matin. Apres la sieste, elle enfile le porte-bébé pour Suzon, chausse Lila, attrape son baton, et toutes les trois partent rejoindre le troupeau. «Le terrain est abrupt, il n'y a pas de sentier, des pierres dégringolent & cause des brebis juste au-dessus. C’est vraiment dangereux. Je ne peux pas m’occuper la fois de mes filles et du troupeau. Ma soeur vient m’aider quinze jours par mois; le reste du temps, elles sont avec leur pére. Je me rends compte que mon réve d’étre bergére avec mes enfants est difficile & réaliser. » Voild encore quarante ans, la profession était Yapanage des hommes, surtout des cadets de famille célibataires. En été, ils transhumaient dune cabane a l'autre, a mesure que I’herbe venait 4 manquer. En hiver, ils partaient dans le Gers ou en Gironde, oi! le troupeau trouvait de quoi paturer. Le métier était alors bien souvent subi par ces hommes. Aujourd’hui, pour les TACHES QUOTIDIENNES Aprés la fabrication du fromage, Agnés et Yves, l'un des deux bergers avec quielle partage la cabane, nettoient les bidons de lait. Contrairement a dautres estives, celle-ci dispose de eau courante.BERGERES DU BEARN 75jeunes qui adoptent, il est une passion, un enga- gement presque militant, aux antipodes du consumérisme et des turpitudes citadines. Pour les nouvelles bergéres, c'est clair: vivre du pastoralisme, c'est vouloir vivre autrement. IL n'yapassi longtemps, les femmes restaient can- tonnéesala ferme et aux tches ménagéres. Anni 60 ans, est l'une des premiéres & avoir passé lété en montagne. Elle se souvient des foudres de sa belle-mére lorsqu‘elle voulait rejoindre son mati a Festive: «Qu’est-ce que tu vas aller faire seule, a-haut, avec tous ces hommes?» Les conditions de vie dans les cabanes étaient alors moyenageuses: une cheminée, une table, quelques chaises sur un sol de terre battue; parfois, une simple bache en guise de toit. Les bergers se serraient sept ou huit dans Yespace réduit et sombre. Ce n'est que dans les années 1990, avec Yadaptation des salles de fabrica- 2 tion aux normes européennes, que l'eau chaude a été installée, puis lessanitaireset des chambres distinctes du lieu de vie. Cepeude confort a permis aux familles ~et aux enfants- de monter. Nombre dentre elles passent maintenant tout été Li-haut, avec les jouets, la chaise haute, le nécessaire pour les plus petits. Souvent, en juin, les enfants ratent lesderniers jours ’école pour suivre leurs parents. Pour les femmes, la place reste difficile 4 prendre. «Lestive,c’estunmiétierd’homme!», asséne un berger sur le ton de la provocation. En vallée d’Aspe, Camille, la petite trentaine, originaire de Lyon, bardée de diplémes, réve de ‘installer bergére. En vain, pour ’heure. «Jaime lesanimaux, faurais voulu étre vétérinaire. Mais, quand j'ai découvert le métier de berger, ca m’a tout de suite plu.» De nombreux exploitants agri- coles partent a la retraite et auraient des terres et des batiments a céder. Mais ce sont les voisins quiles rachétent pour s’agrandir, ne laissant pas lachance aux jeunes de s'installer. Encore moins s'il s'agit d'une femme, et quelle vient de loin. 76 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 « Liestive, c’est un métier @homme! », séne un berger sur le ton de la provocation. «Je ne désespére pas, confie Camille. Je me suis fait élire au conseil municipal, j'apprends le béarnais, je fais tout pour m’intégrer. Je veux m’installer & Lescun, et nulle part ailleurs. Et quand on me demande pourquoi je m‘obstine & vouloir rester ici, il n'y a qu’aouvrirles yeux! Ces Paysages, ces montagnes, c’est juste magique! » Laseule solution serait de devenir bergére sans terre, en louant«I’herbe sur pied » payer des pro- prigtaires pour faire paturer ses brebis sur leurs terrains. C’est le statut qu’a choisi Elise, 35 ans, depuis qu'elle s'est installée, aprés sept années de salariat. «Je ne me suis plus entendue avec mon patron: ses blagues bien grasses, ses allusions déplacées, c’était pesant.» En 2010, Elise lance un finan- cement participatif auprés de sa famille et d’amis pour parrainer acquisition deson troupeau. Elle récolte de quoi acheter 200 tétes d'une race pyrénéenneen déclin, des manechs a téte noire. Ces brebis cornues, a la laine longue, sont d'excellentes montagnardes, mais pas les meilleures laitieres. Qu'importe si Elise ne produit pas beaucoup de fromage, elle privi- légie la qualité a la rentabilité. En été, elle loue une estive en vallée d’Aspe, oit elle monte de début mai a fin septembre. Le reste de l'année, elle achéte 'herbe sur pied, en plaine. Autrefois, les bergers sous ce statut étaient vus comme des vauriens et risquaient d’étre chassés d'un jour a autre. Leur situation reste précaire. De plus en plus, des accords verbaux remplacent les baux signés pour la location de paturages. Les propriétaires peuvent ainsi récupérer leurs ter- rains & tout moment. (suite page 81) UNE AFFAIRE DE FAMILLE Lestive de Magnabaigt, en vallée d'Ossau, était occupée depuis prés de trente ans par es sceurs Pénen. Malgré le récent décés de Monique (photo du bas), sa sceur Brigitte et leurs filles vont poursuivre lexploitation. Les époux restent en plaine pour faire les foins.SV ea ta eign Cees FS eat eee an a Pelee ones tm Ce ore trary Coet en snare eee ee ea cr Te) ee nator ok es80 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017(suitedela page 76) Les deux cabanes a’ Vestive sont modiques. La premiére n’a ni eau ni Alectricité 1a source se situant 4 200 m, elle doit y descendre chaque jour avec son Ane pour rem- plir ses bidons. La seconde, plus en altitude, est plus grande, mais n’a pas de salle de fabrication. Elise se fait livrer une construction modulaire par hélicoptére, avec tout le matériel nécessaire pour confectionner son fromage: chaudron, réchaud, bouteilles de gaz. Un service proposé par le Parc national des Pyrénées pour aider les bergers. Le préfabriqué est redescendu ala fin de l'été, et remonté au printemps suivant. La-haut, Elise vit comme jadis. Elle trait 4 la main, fait tout a pied, et n’aurait pas voulu d’une estive en bord de route: «Ca n’a pas le méme charme!» Dans les Pyrénées-Atlantiques, 200 exploitations agricoles dispa- raissent paran fautede repreneur. Ilreste toutefois trés difficile de s'y installer, hors cadre familial Les propriétaires refusent sou- vent de céder leurs biens a des «étrangers», ou les vendent trop cher. Du coup, nombreux sont les jeunes qui, comme Camille et Elise, cherchent as'installer pendant des années. Au risque de s‘essouffler et de renoncer. Emilie est une exception. Elle a réussi sa reconversion en moins d'un an. Apres avoir décroché un master enaménagement et dévelop- pement du territoire, puis un CDI et un bon salaire, elle décide de changer de viesur un coup de téte, Elle sollicite 'ami d'un ami, agriculteur, pour travailler chez lui. L'homme n'est gure emballé, mais Emilie insiste: «Je ne veux pas étre payée, 'ai juste envie d'apprendre!» Finalement, l'agriculteur accepte et, trés vite, ui laisse une grande autonomie dans son travail: traite des brebis, soins, fabrication du fromage, PAR TOUS LES TEMPS A festive de Bonaris, en vallée Aspe, Camille garde son troupeau quelle que soit la météo. C’est une obligation, ‘en montagne, pour ne pas perdre de brebis. Souvent, les propriétaires refusent de céder des biens a des « étrangers», ou les vendent trop che agnelages. Emilie déniche ensuite un éleveurala retraite dispos¢ a lui louer ses terreset batiments. lui propose un bail de vingt-cing ans, et ‘engage méme a l’aider pour les foins. Une aubaine! Les femmes s'imposent petit 4 petit, redonnant une perspective & ce métier dont on disait qu'il fallait étre né dans ce milieu pour exercer. Si, au départ, la majorité des bergers les ont regardées d'un air narquois, beaucoup ont été surpris par leur savoir-faire et leur témoignent maintenant du respect. Certains employeurs préférent meme embaucher une bergére plut6t qu’un berger, les jugeant plus attentives, plus soi- gneuses avec les brebis et dans la fabrication du fromage. Lévolution n'est passpécifique auBéarn, Dansles massifs alpins, le pourcentage de bergeres sala- riges atteint presque 50 %, mais celles qui s'y installent a leur compte restent trés minoritaires. Les Pyrénées ont un avantage de taille par rapport aux Alpes Vélevage de brebis y prédomine. Un animal plus facile & maitriser qu'une vache pourune femme seule, notamment en cas de blessure, lorsqu’il faut retourner la béte pour la soigner. lest 6 heures du matin a la cabane de Cap de Pount, 4 1600 m d’altitude. Les premiéres lueurs du jour nimbent les sommets. Le froid est mordant. Anne et Isabelle sont déja debout pour la traite. Chacune assise sur sa caisse, elles font gicler le lait dans un broc en aluminium. «C'est & celle qui trait le plus vite!, plaisante Isabelle. A ce jeu-la, c'est moi qui gagne!» Une bonne bergére peut tirer 2518 l'heure, parfois plus. A peine le temps de finir que les pre- miers randonneurs sont la. Deux fois dans I’été, association locale des éleveurs transhumants propose une opération «cabanes ouvertes» pour les touristes. « Lorsqu’ils arrivent, certains sont un peusurpris de voir deux femmes, note Isabelle. Limage du berger avec son béret, son baton, reste anerée dans l'imaginaire des gens. Mais, généra- Jement, ils repartent satisfaits, et nous achétent ‘méme un petit morceau de fromage!» 0 BERGERES DU REARN 81SOCIETE Transgenres, queers, Hier, il était établi que le sexe de naissance d’un individu induisait son genre, masculin ou féminin. Aujourd’hui, les études de genre impliquent d’établir 82 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017Po A —— M@chacun une a = identté de genre bien particuliére. Découvrez en androgynes, etc. == un nouveau glossaire. De « cisgenre » A «non binaire », décryptage de ces facons inédites de penser l’identité de genre. 83UN PORTRAIT DU GENRE AUJOURD’HUI Pouravoir un apercu de ce quia été appelé «la révolution du genre», il suffit de regarder cette photo de groupe. Grace a ses contacts avec des groupes militants, National Geographic aréuni quinze individus représentant un large panel d'identités et d’expressions de genre. Ilse sont définis eux-mémes. {Harry Charlesworth, 20 ans, queer 2. Asianna Scott, 20.ans, mannequin androgyne 2. Memphis Murphy, 16 ans, femme transgenre #. Angelica Hicks, 23 ans, femme hétérosexuelle 5, Alex Bryson, 11 ans, homme transgenre .Morgan Berro Francis, 90 ans, bigenre 7. Denzel Hutchinson, 19 ans, homme hétérosexuel 2. El, ans, homme trans 9. Ariel Nicholson Murtagh, 15 ans, femme transgenre 10. Lee, 16 ans, garcon trans 1. Pidgeon, Pagonis, 30 ans, personne intersexuée non binaire 12 Shepard M. Verbas,24 ans, genderqueer non binaire 15. Cherno Biko, 25 ans, activiste noir/trans 14. Jules, 16 ans, . Vocabulaire de genre neutre: mot qui n’attri- bue pas un gente. Par exemple, «une personne» alaplaced’«un homme» ou d’«une femme.SOCIETE FILLE ou GARCON, c’est quoi la différence ? Les réponses d’enfants du monde entierPe eee ot =f KANSAS CITY, ETATS-UNIS J ain US quatre premiéres années de sa vie, Ps Rent eC Cee cua Cretan Merete DPTcer eee ene Te teers vom CT KanthSi vous voulez des réponses franches sur la facon dont le genre influe sur le destin, interrogez des enfants de 9 ans a travers le monde entier. A Gans, une fillette kényane sait déja que ses parents la marieront, contre une dot, 2un homme quila battra peut-étre. Au méme age, un garcon indien sait déja que ses copains le forceront harceler sexuellement les femmes dans la rue. Des filles et des garcons de 9 ans vivant aux quatre coins du monde, de la Chine au Canada et du Kenya au Brésil, nous ont décrit ce dont ils révent pour leur avenir et leur métier, Si les gargons ne considérent pas leur sexe comme un obstacle, c’est souvent le cas des filles. AYorée du grand changement de'adolescence, les enfants de 9 ans savent incontestablement évaluer leurs possibilités personnelles, ainsi que Jes limites que leur genre Jeur impose. ‘Noussommes allésdans quatre-vingts familles, sur quatre continents, en posant les mémes ques- tions aux enfants. Ils ne machent pas leurs mots. Ils admettent souvent sans peine que s‘insérer dans lacollectivité du «chez-soi» et apprivoiser Je réle qu’on est censé y jouer ne va parfois pas sans mal. Cela peut étre frustrant, déconcertant, et nourrir un sentiment de solitude. Certains enfants, en revanche, s’épanouissent en faisant tomberles barrléres du gente. Quest-cequiest le mieux, quand on est une fille? Avery Jackson dégage une méche arc-en-ciel etréfléchit. «Tout est bien quand on estune fillet» Quiest-ce qutest le pire, quand on est une fille? «Le fait que les garcons disent toujours: “Ce ‘truc n‘est pas pour les filles, c'est pour les garcons.” Avery, de Kansas City, 2 été un gargon pendant Jes quatre premiéres années desa vie -un gargon malheureux. Depuis 2012, elle est ouvertement une fille transgenre. Et se retrouve au centre du débat sur le réleet les droits liés au genre. Car les 90 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 adultes en parlent, mais es enfantscomme Avery veulent aussi s‘exprimer. « Les enfants de 9 ans sont tout a fait capables de raison et de formuler Jes choses», souligne Theresa Betancourt, maitre de conférences en santé des enfants et droits de Yhomme a l’université Harvard. A cet Age, ils font face a une pression accrue de leurs proches et & davantage de responsabilités, explique-t-elle, mais pas encore ala conformité et a rautocensure qui accompagnent adolescence. Sunny Bhope habite en Inde, prés de Mumbai (ex Bombay). I dit quelepiredanslefaitd’etre un gargon est qu'll est censé prendre partaui «Bve- teasing (“taquiner Eve"}», 'eupbémisme que la société indienne utilise pour désigner le harcéle- ‘ment sexuel des femmes en public. Pour Yiqi Wang, a Beijing, le mieux dansle fait etre une fille est qu’elles sont «plus calmes et plus fiables que les garcons». Pour Juliana Meirelles Fleury, de Rio de Janeiro, c’est de «pouvoir monter en premier dans l'ascenseur», Enquoi ta vieserait-elle différentesitu étais une filleetnon ungarcon, owungarcon et non unefille? Lev Hershberg, de Jérusalem, dit que, s'il etait une fille, il «n’aimerait pas les ordinateurs». Son compatriote israélien Shimon Perel dit que, s'il était une fille, il pourrait sauter & la corde, Sielle était un garcon, Pooja Pawara, delaban- lieue de Mumbai, conduirait un scooter. Quant & ‘Yan Zhu, du village de Yaqueshui, en Chine, elle rait nager dans une rivigre que sa grand-mére trouve trop froide pour les filles. N’étant pas un ‘gargon, Luandra Montovani n’a pas Ie droitde jouer dans les rues de sa favela de Rio, notamment cause «de la violence et des balles perdues».Eriah Big Crow, une Oglala Lakota du Dakota du Sud dit, presque dans un murmure, qu’iln’'ya tien qu'elle ne puisse faire, parce que les garcons et les filles sont «exactement pareils», Cette affirmation pourrait paraitre trop opti- miste a Anju Malhotra, conseillére principale du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) sur les questions de genre et le développement. Au sujet de linégalité entre les sexes, dit-elle, méme s'il y a du progrés, «nous ne voyons pas encore de date de péremption». Pourlescitoyens dumondede moinsde 10ans, Tégalité entre les sexes a progressé lors des der- nigres décennies, par exemple dans I’accés 4 Fécole primaire, selon Claudia Cappa, de Unicef, Cependant, les «avortements sélectifs des foetus féminins» se poursuivent dans certains pays. Mais, passé le cap des 10 ans, cetécartquiaten- dance ase combler céde la place A un goufife. «La situation change complétement al'adolescence», reléve Claudia Cappa: des disparités «frappantes> entre les sexes apparaissent, notamment dans Paccds a Yécole secondaire, le risque de mariage précoce ou 'exposition & la violence. « C'est ce moment-Ia qu’on cesse d’étre un enfant. On devient une femme ou un homme.» ‘Quest-ceque tu veux faire plus tard? Fillette du peuple turkana, Lokamu Lopulmoe vit dans la campagne kényane. Quand elle sera grande, dit-elle, «mes parents recevront madoteet, mémesil'homme finit par mebattre, mes parents aurontla dot pourse consoler», A quelque500 km de 1a, dans une résidence sécurisée de Nairobi, Chanelle Wangari Mwangi, assisedanssa chambre remplie de coupes, s'imagine un tout autre avenit: @tregolfeuse professionnelle et «aider les pauvres». A Ottawa, au Canada, William Kay se voit avec certitude devenir Pros (rata) IDENTITE DE GENRE Fixée en général A '2ge de 3 ans, elle fait référence au genre auquel lune personne alle sentiment profond d'appartenir -homme, femme, OD Sines a ‘oun genre qui estles deux ala fois, fluide, ou nitun ni'autre, _| FEMME . Cela ressemble presque a un oxymore -«gargon» et anon binaire» ne sont-ilspas contradictoires?—, mais la combinaison convient & Charlie, Iidevait partir & luniversité quelques mois aprés notre conversation, et s'apprétait A commencer son trai- tement a base de testostézone. Sidavantage de jeunesse disent non binaires, c'esten partie parce que cettenouvelleoption leur permet de «poser un mot sur ce qu'lls res- sentent », explique le thérapeute Jean Malpas, qui dirige le Gender and Family Project de 'Institut Ackerman pour la famille, a New York. A mesure que davantage d'enfants confessent leur non-binarité, les parents sont confrontés & de nouveaux défis. PrenezE, (suite page 126)La législation sur le genre évolue Plus dun tiers des pays autorisent un changement de genre sur les documents administratifs. Les chercheurs commencent seulement a étudier cette question juridique en constante évolution. AT apa PTE) Légalement possible fe ttc 60) Dans ces pays, il suffit de faire tune demande pour que le changement soit effectif. LLégal, mais avec des restrictions sociales ou médicales (41) Presque tous les pays demandent tun diagnostic de trouble mental cet que la personne soit sans enfant ou célibataire; certains pays exigent tune therapie hormonale, une ‘opération et/ou une sterilisation. En violation des droits de rhomme, selon des militants. Légalement difficile ou aléatoire La legislation ot les oriteres vvarient selon les régions (4) Dans certains pays, dont les Etats-Unis, les pratiques locales ct régionales peuvent primer. La lojet les critéres pour fautorisation dun changement de genre dépendent done de la géographie. Légal, mais rarement accordé dans les fits (27) ‘Meme sie changement de statut est autorisé par alo, des réglements flous, a jurisprudence et des obstacles bureaucratiques peuvent empécher sa réalsation Mégal ou indéterminé oo ‘Aucune disposition légale sur le sujet n'a été prise. Certains pays ‘sont si stricts que le fait de porter tn vétement non associé au sexe assigné & la naissance est pénalisé, ‘Aucune information disponible Dans une grande partie du monde, les données relatives au changement ‘de genre restent a collecter, et le ‘débat sur le sujet a & peine débuté. Dans certains pays, ce débat est considéré comme tabou, TRANSGENRES 123Les personnes 5 transgenres sont exposées 4 un risque trés élevé CCB in lero Couto eta (iodo la ou de suicide.Beaucoup de jeunes CBS tee pas pleinement fille Cree Tene Colle PUB KITT de genre neutre, OUST Kom Oy «ille», «iel» ou «ol». (suitedelapage122) par exemple, qui conti- nuait utiliser un pronom féminin quand nous nous sommes rencontr , tout en batail- lant pour trouver sa place exactesur|’éventail des genres. Sa mére, Jane, bataillait aussi rer la sécurité de son enfant. E s'apprétait a se rendre A une compétition d’éloquence en Californie. Jane m’a montré le courriel qu’elle avait envoyé pour prévenir Yorga- nisateur. E pourrait étre percue par les autres comme un garcon, écrivait Jane, maintenant que ses cheveux étaient si courts et ses vétements si androgynes, Elle allait probablement utiliser alternativement les «toilettes pour hommes et pour femmes, selon la situation qui lui paraitra la plus stire> et elle «aura besoin de vous dire quand elle va aux toilettes et quel genre elle a Tintention d'utiliser». J'ai demande & Jane ott elle placerait sa fille sur le spectre du genre. «Je pense qu'elle veut étre classée dans un espace neutre», a-telle répondu. Difficile pour un adolescent dese ménager un. «espace neutre»: a biologie finit toujours parse rappeler a son souvenir. Il est possible cependant de la mettre momentanément en suspens, grace aux médicaments bloquant la puberté, qui accor- dentacesjeunes plus de temps pours'interroger sur leur genre. Quand un enfant atteint 'age de 16 ans et décide qu'il n'est finalement pas trans- genre, les effets du blocage de la puberté sont considérés comme réversibles: enfant arréte de prendre ses inhibiteurs d’hormoneset reprend sa croissance dans son sexe de naissance. Pour ceux qui veulent changer de sexe &16 ans, le fait d'avoir pris des inhibiteurs peut aider. Ils peuvent suivre untraitement d’hormonosubstitution et faire leur puberté dans le genre de leur choix ~sans avoir acquis de caractéres sexuels secondaires, comme k lapilosité ou une voix grave, qui peuvent étre difficiles a supprimer. «Plus a transition se fait t6t, pluselle est facile vivre, confirme Stéphanie Nicot, présidente de la Fédération LGBT. Onse fait moins repérer par esen ma jour assu- seinsDE LA NECESSITE DE S'EXPRIMER Henry a été identifié comme un gargon Asanaissance, mais il se considére Iui-méme comme «de genre créatif. s'exprime avec un sens de la mode aigu et l'aide de spécialistes qui lui apprennent un vocabulaire adapte. A 6 ans, il sait déja avec certitude qui il est. les autres, on a moins de risque de se faire agres- ser, insulter.» En France, aucune Joi n’encadrant les processus de transition de genre, les médecins restent prudents. «Certainscommencent daccep- terde prescrire des bloqueurs de puberté, recon- nait Stéphanie Nicot. Mais, en général, ils restent firlleux al'idée de proposer des traitements hor- monaux ou des opérations avant la majorité.» Aux Etats-Unis, I'Endocrine Society recom- mande les bloqueurs de puberté aux adolescents diagnostiqués avec une dysphorie de genre. Néanmoins, Pimpact a long terme de ces inhibi- teurs sur le développement psychologique, la croissance du cerveau et la densité minérale osseuse est inconnu ce gui suscite de vifs désac- cords quant a leur utilisation sur des adolescents enbonne santé physique. Encore plus controversée est 1a question de savoir sitrop dejeunes, Aun 4getropprécoce, sont encourages & changer socialement de sexe. Pour Erie Vilain, le pédiatre et génsticien qui irige le Center for Gender-Based Biology de'uni- versité de Californie 4 Los Angeles, les enfants verbalisent de nombreux désirs et fantasmes passagers. D’ailleurs, la plupart des études sur les jeunes enfants ayant exprimé une géne par rap- porta leur genre de naissance montrentquiils ont plus de chance de rester cisgenre (en phase avec le genre assigné & leur naissance) que «trans», «Quand un gargon fait des choses jugées fémi- nines - porter une robe, des cheveux longs, les chaussures de sa mere, ou jouer 41a poupée -, il sedit&lui-méme: “Sije fais destrucsde fille, c'est que je dois étre une fille” », pointe Bric Vilain. Or ces préférences sont l'expression d'un genre, pas une identité de genre. Le pédiatre souhaiterait que les parents prennent dy recul et rappellent a leur fils qu'il peut faire toutes sortes de choses que font les filles, sans étre une fille. Jean Malpas, du Gender and Family Project, explique que les conseillers « recherchent trois choses chez les enfants exprimant le désir d’étre d'un genre différent »: que ce désir soit «persis- tant, cchérent et insistant». De nombreux enfants venant consulter dans saclinique répondent ces eritéres, dit-il, parfois méme dés5 ans. «Ils ont ce ressenti depuis longtemps et ten démordent pas. » C’était certainement le cas de la fille de l'écri- vaine Marla Mack (pseudonyme qu'elle utilise dans ses podcasts et ses blogs pour protéger Videntité de sa progéniture). Cet enfant a été iden- tifié Asa naissance comme un garcon mais, arage de3ans, ilsoutenait qu’il évait une fille. «Quelque chose est allé detravers dans ton ventre, naman», disait-il a sa méve, suppliant d'y retourner pour qu'on reprenne A 2ér0 sa fabrication. Ainsi qu'Eric Vilain aurait pule lui conseiller, Marlo @ essayé de faire comprendre a son enfant qu'un garcon pouvait se comporter de diverses maniéres. «Jelui aidit et redit qu'll pouvait conti- nuer a écre un garcon touten jouantavec plein de Barbies et en portant les habits de son choix: robes, jupes et tous les froufrous que je pouvais tui offtir, dit Marlo dans un podcast de son site How To Be A Girl (“Comment étre une fille”). Mais ildisait non, il était catégorique. Il était une fille.» Aprés un an de stristesse» commune, Marloa fini par laisser son enfant de 4 ans choisir un prénom féminin, utiliser le pronom «elle» et aller a lamaternelle habillé en fille. Quasi instantané- ment, tout s'est éclairei. Dans un podcast posté deux ans plus tard, Marlo annongait que sa fille transgente, agéede 6 ans, «aime étre une fille pro- bablement plus qu’aucune autre fille», Eric Vilain s'est mis 4 dos des militants trans- genres en disant qu’on ne doit pas encourager de maniéze systématique les enfants désirant étre du sexe opposé. Lui-méme, insiste-t-il, tente de penserau-dela des stéréotypes de genre. Dans un courriel qu'il m’a adressé, il écrit; « Je plaide pour un large éventail d’expressions de genre. Celapeut aller d'hormmes aux cheveux longs, aimant la danse et l'opéra, portant des robes si bon leur semble, attirés par des hommes ~ aucun de ces éléments ne faisantd’euxdes (suite page 130) TRANSGENRES 127Pe a Quand elle avait 4 ans, Trinity Xavier Skeye Cee ae) Dee cue eed quelle voulait se couper le pénis. Paniqués, ses enc ace et ur ean ae heureuse ou un petit garcon mort? » Aujourd'hui, Trinity, 12 ans, prend des bloqueurs de puberté, avec le soutien inconditionnel de sa mére.FIER DE SON CORPS Identifié fille ala nalssance, Hunter Keith, 17 ans, se sent gargon depuis le CM2. En cinquiéme, i 'a dit & ses amis; en quatriéme, 4 ses parents, Deux semaines avant cette photo, ses seins lui ont été retirés. Aujourd'hui, il aime faire du skateboard torse nu dans son quartier du Michigan. (suitede ta page 127) “filles” & des filles se rasant la téte, portant des pantalons, jouant au football, aimant les femmes -aucun de ces élé- ments ne faisant d’elles des “hommes”. » C'est ld oit les choses se compliquent dans le monde du genre. Des jeunes comme la fille de Marlo Mack & Seattle, ou Charlie Spiegel en Californie, ou Ea New York, doivent prendre des décisions d’ordre biologique qui affecteront leur santé et leur bonheur pour les cinquante années Avenir. Btces décisions quasi irrévocables doivent coexister avec des norimes de genre qui,elles, sont éminemment fluctuantes, «Je pense que les gens diralent de moi que je suis “en recherche de genre’, m’aconfié E lors de notre deuxiéme rencontre, en juin dernier. Est-ce que cette expression signifie quelque chose ? Oui, sans doute.» Mais cette «recherche » ne pourrait pas durer éternellement, E le savalt, et elle pen- chait déja pour devenir un «gargon trans». Ba fait un pas supplémentaire dans cette direction en septembre 2016, en demandant a ses interlo- cuteurs, moi y compris, d’utiliser le pronom they («eux ») pour parler d’elle. Si E finissait par opter pourune identité masculine, elle croyait quecela ne suffirait pas de vivre comme un homme, de changer de nom et de pronom (soit en gardant «eux», soit en passant a «il»), Il faudrait aussi qu'elle devienne physiquement masculineet, pour cela, elle allait devoir prendre dela testostérone, C'étaitun peutrop d'un seul coup, m’a dit E. Alors que son quinziéme anniversaire approchait, elle se donnait encore un an pour y voir clair. Née garcon, la Francaise Delphine Ravisé-Giard, porte-parole de l’Association nationale trans- genre, add prendre une décision zadicale: «Je suis militaire et, pour garder mon emploi, ime fallait absolument changer de sexe a l'état civil pour que celui-ci corresponde 4 mon apparence. Ce qui signifiait répondre a plusieurs critéres, notam- mentétre diagnostiquée “transsexuel” parun psy- chiatre et avoir fait des modifications corporelles irréversibles qui témoignent d'un changement 130 NATIONAL GEOGRAPHIC + JANVIER 2017 de sexe. Or, mémesije me sens de genre féminin, jen’ai pas de vision binaire du corps, Je r’avais pas de volonté de mise en conformité physique. J'ai dG faire des concessions.» Si certains vont jusqu’a Vopération chirurgicale, ellea décidéde faite «le minimum, c'est-a-dire 'épilation du visage. Mais ony perd foreément des plumes...» Devenue offi- ciellement une femme, Delphine n’obéit pas pour autantaux stéréotypes: «Je me mets rarement en jupe ct en talons, cela ne me correspond pas. » Desoncété, Eest convaincue queses interro- gations sur le genre ont pris cette tournure parce quielle est une enfant du xr’ siécle, et que les concepts de genre non conforme et de trans- genre sont dans ’air du temps. Mais ses options sont encore limitées par le fait quelle vit dans la culture occidentale oi, pour la grande majorité des gens, il ne peut y avoir d'autre choix qu’entre «Moet «F». Les chosesseraient peut-étre différen- tes si E vivait dans un endroit proposant unealter- native: un f6le formel pour un autre genre - qui neserait ni homme ni femme, mais entre les deux. ‘Un peu partout dans le monde, de tels lieux existent. Un troisiéme sexe y est institutionnalisé ou, du moins, cuiturellement admis. En Asie du Sud, ce troisime genre est appelé hijra; au Nigeria, yan daudu;au Mexique, muxe;&Samoa, fa'afafine; en Thailande, kathoey:A Tonga faka- leiti; a Hawai, maku, Bn général, cette catégorie désigne des hommes du pointde vue anatomique, se comportant de maniéxe féminine et sexuelle- ment attirés par des hommes. Plus rarement, cer- taines personnes du troisiéme genre, telles que les burrnesha d’Albanie ou les fa'afatama de Samoa, sont des femmes, anatomiquement par- lant, qui vivent de maniére masculine. En France, en aofit 2015, le tribunal de grande instance de Tours a autorisé qu'une personne de 64ans, née intersexuéeet assignée comme homme AY étarcivil, puisse bénéficier de la mention «sexe neutre» sur ses documents officiels. Un premier pas vers la reconnaissance d’un entre-deux. 0TRANSGENRES 131Decouvrez Ja richesse de National ABONNEZ-VOUS ET RECEVEZ CHAQUE MOIS NATIONAL GEOGRAPHIC DIRECTEMENT CHEZ VOUS | Sillonnez ta planéte, plongez au cceur des océans, découvrez les mystéres de la science et comprenez les enjeux yéographiques et géopolitiques d’aujourd’hui. Coogle lay La curiosité en continu sur www.caminteresse.frDANS NOTRE PROCHAIN NUMERO | EN KIOSQUE LE 27 JANVIER ALCOOL, COMMENT GA A COMMENCE PETITS FELINS CACHES LE SORT DES VEUVES SAUVER LES OCEANS XOACTUALITES COMMERCIALES sovtrion atouage At Nome COUTEAU DE POCHE DEEJO En quelques cli et dans les moindres détails, créez et tatouer. un couteau de poche Deejo qui lui ressemble. 3 taille, U'OR EN QUETE DE L'EXTRAORDINAIRE 1° CAPSULE ALUMINIUM EN GMS Des arms mieux préservés des cafés plusin-| tenses, une mousse plus passe... ks nouvelles capsules LOR ESPRESSO offre une qualité en tasse extraORdinaire, Chaque capsule est blimée par une couleur unique qui s'accorde' selon la variété et Pintensité, Présentée dans ‘un nouvel écrin aux lignes parfaites noires et or cette nouvelle gamme englobe 16 varités espressos et Lungos, intensité 5a 12. wawwiorsfr 3 finitions dlacier, une douzaine de ‘manches, plus de 60 tatouages : des mil- liets de combinaisons ! 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GEOGRAPHIC FRANCE 12,rue Hor aren 92024 Gennes Cade scanner en cer Anon Caterina AC ‘rer oesemnee Corre Soulay seoaranesorrecron Fabien Waréha ‘Som Honor aucrnete Hoon Vorgor vernon wauenoue eT arse betanemicronhacepe Lose ‘remem Ole Lita Poe Bovenet ystamangv Jee Cana, patos, ene Cur eolpe Sera Dace eget apes em eeolge dew Gal getog®, “hon Guerre, Aer Lngeey. avopelone, ‘re Lar octanognphe Hee Le Gate, Belge “ews Ua cesta oo Carta Laan Reet wane, soil ecg Fg ee aru rope Bae Besos Boss, tps Bore ean Pongo Sak ain Wagazne mene dt par MG rane ‘Sgn sonal: ae Hew Barbus, Sot en Nom Cle a capil de 52 15482 € See penepauc aeons son MESA MEDIA! VIVA “uaneeretee Sg”

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