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NOTES A propos de la thése de Pierre Hadot sur Porphyre et Victorinus 1. — PORPHYRE DANS I/QUVRE THEOLOGIQUE DE MARIUS VIC- TORINUS, La thése de M, Pierre Hadot, directeur d'études a I’Tcole Pratique des Hantes Etudes, représente un événement important dans le domaine des recherches frangaises sur l'histoire de la philosophie antique. Justement réputé pour la haute tenue scientifique de ses publications, notamment celle du commentaire gf de Ia traduction des Tvaités thdologigues sur la Trinitf, texte établi par P. Henry, dans la collection ¢ Sources chrétiennes », 1960, l’autenr de la présente étude voit en celle-ci, avec la modestie des vrais savants, une simple « démarche réliminaire® », susceptible tout an plus d's avoir apporté quelques éléments solution? » aux questions de fond posées par I’ceuvre de Victorinus, Quelles questions ? D'une part, cette cenvre témoigne du réle joué par Porphyre dans Vévolution du néoplatonisme grec postérieur 4 Plotin, L/ouvrage ici recensé veut précisément cerner et apprécier ce réle A partir d'une analyse rigonreuse dies sources de Victorinus, sources pari lesquelles Hadiot isole celle qui nous renvoie & une ceuvre perdue de Porphyre. A ce premier point de vue, toute Vinterprétation de Porphyre se trouve en balance. Méme aprés les travaux x. Porphyre ot Victorinus, I: 503 pages ; Il, Textes : 174 pages. Paris, Htudes Augustiniennes, 1968. Te tome II renferme exactement : I. Les textes porphyriens dans I’ccuvre théologique de Marius Victorinus.— II. Les fragments du commentaire de Porphyre Sur le Parménide, édition critique, traduc- tion et notes (pp. 60-113). Cette partie centrale du second tome mériterait, a elle seule, de faire objet d’ane recension philologique. — ITT, Les extraits du commen- taire de Proclus Su le Parménide, d’aprés l’édition V. Cousin, p. 1106, tradnits dans le tome I, pp, 356-357, et snivis d'un relevé de variantes, notées par H,-D, Saffrey sur ia traduction latine de ce commentaire, faite par Guillaume de Moerbeke (ms, Kues, cod, 186), et sur le ms, Paris. gr. 1810, Cet ensentble précieux et trés commode de textes est suivi des Indices : Index bibliographique, des textes cités, des mots grecs philosophiques utilisés pat Victorinus, du vocabulaire des fragments du com- mientaire Sur le Parménide de Porphyre, des termes techniques grecs et latins, IL nianque ntalgré tout un Index nominum, bien que l'index bibliographique et celui des textes cités y suppléent en partie. 2.1, p. 481. 3. B. 482, 160 CH, KANNENGIESSER décisifs de W. Theiler‘, R. Beutler’ et H. Dérrie*, qui avaient considérablement renouvelé notre connaissance de I’éditeur des Enndades plotiniennes, et aux- quels Hadot rend hommage tout au long de son enquéte, on peut considérer comme le plus clair résultat de celle-ci d’offrir au lecteur l'image d’un Porphyre inconmn, De cette révélation, I’anteur prend le risque avec une probité exem- plaire : « Ce sont surtout des aspects insoupgonnés de 1a doctrine de Porphyre ue notre présente recherche a dégagés’ », Nous éluciderons les principaux ements de cette découverte, Mais areutre part, toute fertile qu'elle soit aux yeux de Vhistorien de 1a pensée antique qui en sctute les sources, Tcouvre si longtemps énigmatique de Victorinus demenre avant tout celle d'un théologien chrétien, tant par son propos que par le contexte de la querelle arienne oit elle se situe. Si une solution de ’énigme victorinienne parait acquise du point de vue de sou rapport & Ja philosophic greeque, gréce aitx recherches persévérantes de P, Hadot, on espére d’antant plus vivement que ce dernier nous décrira bient6t, dune maniére aussi approfondie, Ia rencontre de la problématiqne métaphy- sigue issue de Porphyre avec la dogmatique chrétienne, telle qu elle s'est réatisce en la personne et la pensée de Marius Victorinus. Une nouvelle recherche dans ce sens éclairerait & coup siir le statut fondamental de la foi chrétienne élaborée en théologic, dans son essence propre comme dans sa liaison nécessaire avec la pensée philosophique. S'agissant de Victorinus, cette étude future, discréte- ment promise par I’auteur®, ne se proposerait certes pas comme le moindre de ses objectifs d’expliquer mieux qu'on n’aurait pu le tenter par le passé les rai- Sons pottr lesquelles « la théotogle trinitaire a’ Augustin est profondément difté. rente de celle de Victorinus et de Synésius* », pourquoi aussi l’évéque d"Hippone «a ignoré la théologie trinitaire de Victotinus ou xenoncé & Vutiliser®* 0. On pénétrerait ainsi aut cceur de la structure mystique du christianisme et de son enracinement dans la seule culture mondiale qui ait fagonné son visage jusqu’a notte époque. On toucherait ainsi aux raisons ultimes de affirmation hiré- tienne de Dien, a celles méme qui se trouvent contestées au plus haut point dans Ja crise présente de cette culture, 1, VicTORINUS, GAGNE aU CHRIST, MAIS FIDELE A PorPHYRE Venus tous deux d'Afrique du Nord, exercant le noble métier de rhéteur, Yun a Rome, l'autre & Milan, nourris des mémes traditions de I’helténisme, réin™ terprétées de leur temps surtout par les néoplatoniciens, Victorinus et Augustin se firent baptiser, l'un en 355, autre en 387, au terme d’une quéte spirituelle, dont bien des points restent obscurs pour nous, Le rayonnement prodigiewx du génial éveque d'Hippone allait rejeter dans Vombre, am yeux des testo. giens médiévaux sinon des historiens modernes, le travail de pionniers réalisé Par certains des prédéceaseurs d’Augustin au service de Ja foi, tels Victorians ou Hilaire de Poitiers, le fondateur de la théologie latine en Gaule. L’urgence 4. Surtout, Porphyrios wn Augustin, Halle, 1933, un titre auquel celui de la pré- sente these donne une nette réplique, 5. Art, Porphyrios, dans Pauly's Realencyclopadie, t. XXII, I, 1953, col. 175-373. 6. Porphyrios « Symmikta Zetemata », dans Zetemata, 20, Miinchen, 1959. 7. B. 482. 8. p. 48x. Voir infra, note 17. 9B. 477. 10, Ibid, rz. Sur Augustin, voir Pierre Counceits, Recherches sur les Confessions de saint Augustin, nouvelle édition augmentée et illustrée, Paris, 1968 ; et la thase récente de A, Manpouze, Saint Augustin. L’aventure de la raison et de la grdce, Paris, 1968, PORPHYRE ET VICTORINUS 161 avec laquelle notre génération doit rendre compte, i frais nouveaux, del'impact du christianisme dans Vaventure spirituelle de Vhumanité explique peut-étre murquoi des ceuvres comme celles d’Hilaire'? et de Victotinus, ces premiers Péres fondateurs, avec Tertullien'* et Novatien*, de la foi élaborée en théologie dans le monde dccidental, forment enfin objet de recherches approfondies et multiples. Chacune de ces cenvres, celle d’Augustin certes plus que les autres, illustre 4 sa maniére l’apport de I’hellénisme et de la culture antique 4 l’expres- sion de la foi des chrétiens. Grace & Pierre Hadot, l’originalité essentielle de ‘Victorinus paraitra désormais tenir, sous ce rapport, & une double fidélité, tres remarquable par sa distinction antant que par son unité véene ; celle du néo- hyte qui s’atfirme dans un discours théologique, fondé sur /’Keriture et sur la catéchése baptismale, qu’il dirige en l’occurrence contre les Ariens ; celle du traducteur d’ouvrages néoplatoniciens, qui n’hésite pas & choisir Porphyre, de préiérence A toute antre autorité plilosophique, comme garant spéculatif de sa théologie. Ce choix singulier du viewx rhéteur romain exige d’abord d’étre constaté de Jus prés. La premire partie de V'ouvrage que nous recensons y est consacrée, mn observe dans les livres Adversus Arium, 1 A et IL, ainsi qu’en certains passa- ges de la Lettre Ad Candidum, le jeu d'une pensée ot les ¢ éléments néoplato- niciens sont totalement fondus avec les données dogmatiques chrétiennes : Vimplication mutuelle (des tetmes de la triade étre-vie-pensée) sert 4 définir la consnbstantialité ; la prédominance (d'un aspect sur les autres dans cette triade) sert 4 définir la distinction entre le Pére, le Fils et l'Esprit-Saint. » Surtout, « le principe fondamental » du néoplatonisme selon lequel « les hypos- tases supérieures restent intmobiles lorsqu’elles engendrent les hypostases infé- tieures** » permet A Victorinus d’énoncer la génération éternelle du Fils. On est done en présence d'une synthése théologique originale, directement portée par Jes schemes et les principes de 1a plilosophie néoplatonicienne. Tae fait est bien commu par ailleurs. Il pose la question de la part précise qui revient A Victorinus Jui-méme dans cette assimilation du néoplatonisme par la théologie chrétienne, dont i apparait ainsi comme un témoin privilégié, I/observation suivante de P. Hadot concerne plus directement l’initiative personnelle de Victorinus. Dans la Lettre @ Candidus comme dans les livres IB et IV Adversus Avium*, Victorinus se maintient assez souvent sur un terrain proprement philosophique. Mais dans ces cas la problématique sous-jacente et le matériel conceptuel utilisé ne s'inté- grent guére A la synthése doctrinale de l’auteur. Le style et le vocabulaire pro- Bes 8 ces passages de son ceuvre entratnent chez Victorinus un certain nombre Pincohéreices difficiles 4 expliquer, si l’on ne recourt a l'hypothése d’emprunts littéraires, dont la raison et la source restent a préciser. Le méime phénoméne se laisserait observer chez Boéce, par exemple A propos des distinctions entre odcia, oboimors et dxdotaotc, placées en téte du traité Contre Eutychés et Nesto- rius, mais non reprises dans l’argumentation théologique qui suit, D’emblée, on se heurte donc daus ces cas & un certain décalage entre les expos¢s traitant de philosophie et de théologie. La différence de leurs problématiques, évidente au plan littéraire dés cette premitre analyse des écrits de Victorinus, invite 2 12, Hilaire et son temps. Actes du Colloque de Poitiers, 29 septembre-3 octobre 1968 Btudes Angustinionnes, Paris, r969. C, KANNENGINSSER, Hilaire de Poitiers, dans Je Dictionnaire de Spiritualité, t. VIL, 1968, col. 372-405. 13, J. Momet, Théologie trinitaire de Tertullien, IV tomes, coll, « Taéologie » Paris, 1966-69 ; ef. notre e.r. dans Archives de Philosophie, t. XXXII, 1969, pp. 149- 154. 14. H, Wrver, Novatianus, De Trinitate. Ueber den Dreifaltigen Gott, Text und Uebersetzung ntit Kinleitung und Kommntentar, Diisseldorf, 1962. 15. p. 48. 16. cf. p. 63 sv. u 162 CH. KANNENGIESSER se demander pour quelle raison, au juste, ce dernier n'a pas pu intégrer dayanta: ge de technicité néoplatonicienne dans son exposé du dogme chrétien. Etait-il seulement conscient de la pauvreté de son vocabulaire théologique & cet égard ? Bref, restons-nous en présence d’une juxtaposition involontaire de deux « dis- cours +, dont l’un serait emprunté 2 la philosophie et autre hérité de la tradition ecclésiastique ? Ou cet ensemble composite serait-il le fruit d’une décision mére- ment concertée ? Si l'on note, & la suite de P. Hadot, que les développements purement philosophiques se groupent dans la Lettve d Candidus et dans les traités TB et 1V Adversus Arium en trois « unités », dont les affinités littéraires et doc- trinales semblent patentes, au point de renvoyer 4 une source grecque unique, n’est-on pas en droit de s'intertoger das lors sur les mobiles qui déterminérent, en fait, la démarche du rhéteur converti"” ? Cette question prend toute son acuité, orsqu’on suit la démonstration du chapitre second de P, Hadot, étab! sant avec une science consommée que Porphyre, et Ini seul, doit étre considéré comme la source des morceaux néoplatoniciens repérés dans les écrits de Victo- rinus, + En effet, c'est bien la doctrine de Porpltyre que nous retrouvons dans nos + discours » néoplatoniciens. Nous y découvrons d’abord une triade, celle de I’etre, de la vie et de 1a pensée, qui nous le verrons, correspond a la triade chaldaique. Et nous constatons que Dien est effectivement le premier terme de cette triade : il est I'étre, premier terme qui contient les deux autres, la vie et Ia pensée, qui se manifesteront & partir de lui, Non seulement Diew est le premier terme de la trlade, mais, principe de tout, ilest 'Un, parce que I'Btre et 1'Un s‘identifient. ‘Nous rencontrons done dans nos ¢ discours » néoplatoniciens une doctrine des principes premiers qui west ni celle de Piotin — Dieu serait alors antérieur la triade — ni celle de Jamblique — il y aurait alors deux principes antérieurs 4 la triade, Sur un point essentiel ot extrémement typique, puisqu’aucun néoplatoni- cien n'a voula reprendre cette doctrine, hérétique en quelque sorte, nous constatons Ia présence, dans nos discours néoplatoniciens, d'un dogme porphyrien trés caractéristique >, On serait porté & croire que I’« hérésie » du néoplatonicien fut une des princi- pales raisons qui engagérent le chrétien Victorinus 4 s‘appuyer essentiellement snr Porphyre"’, au, De Victrorinus A PorPHYRE La deuxitme partie du présent ouvrage, diyisée en quatre chapitres et cou- vrant 308 pages, constitue I’apport essentiel de P. Hadot a notre connaissance 17. A vrai dire, Victorinus n’est jamais pris en considération pour lui-méme dans Vensemble de cette étude. ¢ Une nouvelle recherche reste... & entreprendre. Il faudra analyser cette fois 1a maniére dont Victorinus a mis au service de la théologie trini- taire chrétieune le matériel couceptuel et les structures de pensée que lui fournissait Porphyre, Il nous faudra comprendre comment Victorinus a comtposé son ceuvre... » (p. 481). C'est tout le mérite de P, Hadot d’avoir su réserver ces questions, qui inté. ressent en premier lieu I'historien des origines de la dogmatique chrétienne, et de s’étre soumis 2 toutes les exigences de I'analyse philosophique préalable, requise de toute maniére au plus haut point par lceuvre victorinienne, 38, p. 98. 19. Ce chapitre If comporte une étude critique, sans doute définitive, sur les rap- ports entre Victorinus et le commentaire de Porphyre Sur le Parménide, ot 'auteur reprend et développe son article sur le méme sujet, paru dans In Revue des Etudes Grecques, t, UXXIV, 1961, pp. 410-438. PORPHYRE ET VICTORINUS 163 de la philosophic néoplatonicienne. La démarche y est en quelque sorte centri- fuge par rapport & Vietorinus. Partant d’une analyse sans cesse renouvelée des ¢ unités » philosophiques repérées dans l'ceuvte victorinienne au tetme de la remitre partie, auteur se propose de situer ces « nnités », les passages de la eitve & Candidus et des traités Adversus Arium, considérés par hypothése com- me ¢ porphyriens », dans ensemble de la pensée de Porphyre. « Il s’agit d’une tentative ponr replacer les structures concepiuelles, propres A ces’ textes, dans la problématique de Porphyre Iui-méme* », Tous les principaux aspects de cette problématique se tronvent donc explicités au long de ces 300 pages. Le rocedé deposition chois! par Vauteur ne ctaint mi les tedites nécessaires ni jes enquétes latérales les plus onéreuses, en vue d’aboutir 4 ’évidence techerchée, Le labeur supposé par une telle précision laisse le lecteur confondu, Porté sans doute par ce sentiment, un membre du jury s’exclama, lors de la soutenance Ge M. Hadot - » Si votre livre n'était pas si bien écrit, d'serait insupportable | 6 Notre modeste propos serait de rendie l'éprenve d'une telle lecture auss! aést- rable que possible pour les habitués de cette Revue, 1. Dieu non-étant au-dessus de I’ étant. Le, premitre unité littéraire, dont Vorigine porphyrienme doit etre véifiée par Vahalyse thématique, eppartient bla Fetire & Candidus, On eu trouvera les éments, regroupés par Hadot pour la conmiodité du lecteur, en tote du gecoud tome de son ouvrage (n° 1-22). Ces passages renferment ¢ un des themes fonda- mentaux de la doctrine porphyrienne utilisée par Victorinus® ». Le discours porphyrien sur Dieu part, selon la Lettre, d’une distinction entre les degrés d’étze, od Venseignement du Payménide et du Sophiste de Platon, repensé par Plotin, aprés ¢tre passé par la classification stoicienne des concepts, telle qu'on, la trouve exposée dans Ia lettre 58 de Sénéque, bénificie d’une systématisation originale. Les « véritablement étants », les ¢ étants », les « non-véritablement non-étants » et les « non-étants 0, censés composer Ja higrarchie du réel, y sont présentés dans une organisation 1 chiastique** » propre & Porphyre, qui se fronve justement attestée aur début de notre groupe de textes philosophiques, insérés ‘dans la Letive victorinienne, Eu particulier les modes, selon lesquels Porphyze distingue les différentes sortes de non-étants, invitent A placer au-dessus de tout étant une premiere sorte de non-étant, un non-étant absolu, de pure transcen- dance, identifiable A Dien. Le réle du stoicisme dans la tradition philosophique aboutissant chez Porphyre A cette notion de Dien est particuliérement inis en relief, Tia théorie des niveaux noétiques de I’ame, déterminant les degrés des étants et des non-étants dans le scliéme ontologiqne en question, n'est pas dé- veloppée explicitement dans !'Ad Candidum, Mais on la trouve ailleurs chez Victorimus, avec les mances qu'elle reqoit chez Porphyre, et non sans de sérienses obscurités, « parce que des problématiques extrémement différentes y sont mé- langées** }, De méme, la question de savoir comment Dicu, défini comme le non-étant au-dessus de Vétant, peut étre cause des étants, recoit ici une réponse de principe, qui sera reprise et développée d’une maniére’ remarquablement 20. p. 40. at, p. 148. 22, p. 167. a3. IL y auralt une ow plusicurs relectures & pratiquer sur l'ouvrage que nous recensons, daus le sewl but d’y aualyser ce qui concerne la transposition du stoicisme, de sa logique, de sa psychologie et de ses notions fondamentales, par Porphyre Iui- mime et par ses prédécesseurs néoplatoniciens. Des jalons pour une telle recherche seraient fournis aux pages 89, 159, 204, 207, 225 A 234, 237 A 246, 250, 252, 279, 288, 296, 312, 366, 386, 389, 416, 422, 441-442. 24, PB. 197. 164 CH. KANNENGIESSER cohérente a travers les deux autres unités littéraires, constituées par Victorinus A partir de Porphyre. Dien est dit cause immédiate du principe universel de tout étant, bref de I'fitant plénier, qui posséde la vie et la pensée. Et s'il peut étre dit cause, c'est que Non-étant au-dessus de l’Etant, il est Etant en puissance, ou Pré-étant*, — une notion connue également dans le gnosticisme, mais inté- grée ici dans un systéme général des modes des étants et des non-étants, 2, L'Un et la triade intelligible : éive, vie et pensde. An coeur de la réalité ainsi appréhendée joue la triade de l'étre, de 1a vie et de la pensée. En effet, au niveau de ame, la vie et la pensée définissent ’étre méme de l'me, puisque cet étre représente un mouvement automoteur, conceva- dle seulement ent ces termes de vie et de pensée. De méme, la substance en soi est douge, & son tour, d'un tel mouvement, ot vie et pensée se confondent avec Vétre, tant que Je ‘mouvement substantiel ne s’extériorise pas. Enfin, en quel- ue genre de I’Fitant que ce soit, implication mutuelle de Ja vie et de la pensée fait que l'une et l'autre demeurent toujours enracinées dans I'étre, Aprés une étude_sur la doctrine des rapports entre cette triade intelligible et les gentes de l’Btant, dont l’évolution est retracée A partir du Sophiste u traité plotinien Sur les genres de l’Etant™, Hadot s’attache plus partic rement 2 décrire, selon notre deuxiéme unité littéraire, formée des textes porphyriens de VAdversus Avium I-IL, comment Porphyre procéde dans cette ‘Hone doctrinale A une transposition de l’ontologie stoicienne*’. Cette transposition est illustrée dans nos textes victoriniens du groupe IT par l’exemple de la vision, qui permet~ tait & Porphyse, micux qua Flotin chez qui cet exemple tenait dé/a une place priviligiée**, de souligner l'identité radicale des trois termes de la triade. Dans nos textes des traités Adversus Avium, « étre, vie et pensée appataissent comme un mouvement on un acte unique qui comporte trois phases : repos en soi, sortie de soi, retour A soi Crest ainsi que Porphyre décrivait, daus son comntentaire Sur le Parménide la triade intérieure a I'Intelligence : V'existence est acte en repos, la_vi acte sortant du repos de I’existence, 1a pensée, acte qui revient 4 lintérieur, Le tout constitue un acte ou un processus absolument un 9°, Enfin, la notion de la consubstantialité des « substances vivantes et pensantes » (Victorinus, § 30), originellement confondues avec la simplicité absolue de l’étre, apparait comme un des fruits principaux de cette transposition du stoicisme dans un systéme néoplatonicien, tel que Victorinus le découvrait chez Porphy- ao Le rapport de la triade intelligible avec I’Un, premiére hypostase, est présenté par Victorinus dans un développement fortement structuré, qui oceupe presque tout le livre IB Adversus Avium. Ce « noyau central » de notre groupe IT de textes victoriniens se rattache A une question de théologie chrétienne : Esprit, Logos, Notts, Substance, tous ces termes sont-ils identiques ou sont-ils différents Jes uns des autres"! ? Question aussit6t identifiée an probléme platonicien que 25. p. 208, 26. pp. 274-225, 27. Pp. 226-234. 28, On se souvient de l'excellente monographie de Pierre Hadot, destinée & un public plus large, Plotin ou la simplicité du regard, Patis, 1964. 29. B. 239. 30. PP. 239-246, 31, CE, au tome IZ, Vietorinus, § 35 = Adv. Ar., I, 48, 4. PORPHYRE ET VICTORINUS 165 posent les relations entre les genres suprémes : Sont-ils identiques entre eux, ou snon ? Ta solution de Porphyre, fondée sur Ia distinction entre gemre ontologicue, au sens de Platon, et genre logique, au sens des Stoiciens, est flairée en quelque sorte par Hadot chez Dexippe, retrouvée chez Plutarque et finalement identi- fiée au propos de Victorinus, A partir de 1A se pose la question décisive : «Gi la substance constituée par cette trinde, c’est-A-dire par les genres suprémes, est assimilée an second Un, A 1'Un-Multiple décrit par Ia seconde hypothése du Parménide, comment définir le rapport entre T'unité origi- nelle représentée par le premier terme de Ia triade et 'unité premitre qui n'est autre que I'Un purement Ua, correspondant & la premiére hypo- these du Parménide »* ? Lua réponse de Porphyze & cette question-

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