Vous Tirailleurs Sngalais, mes frres noires la main
chaude sous la glace et la mort Qui pourra vous chanter si ce nest votre frre darmes, votre frre de sang ? Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux gnraux Je ne laisserai pas -non !- les louanges de mpris vous enterrer furtivement. Vous ntes pas des pauvres aux poches vides sans honneur Mais je dchirerai les rires banania sur tous les murs de France. Car les potes chantaient les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse Ils chantaient de nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarre Ils chantaient le dsespoir distingu des potes tuberculeux Car les potes chantaient les rves des clochards sous ll- gance des ponts blancs Car les potes chantaient les hros, et vtre rire ntait pas srieux, votre peau noire pas classique. Ah ! ne dites pas que je naime pas la France je ne suis pas la France, je sais- Je sais que le peuple de feu, chaque fois quil a libr ses mains A crit la fraternit sur la premire page de ses monuments Quil a distribu la faim de lesprit comme de la libert A tous les peuples de la terre convis solennellement au festin catholique Ah ! ne suis-je pas assez divis ? Et pourquoi cette bombe Dans le jardin si patiemment gagn sur les pines de la la brousse ? pourquoi cette bombe sur la maison difie pierre pierre ? Pardonne-moi, Sira-Badral, pardonne toile de sud de mon sang Pardonne ton petit-neveu sil a lanc sa lance pour les seize sons du sorong. Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple, dtre son rythme et son cur Non de paitre les terres, mais comme le grain de millet de pourrir dans la terre Non dtre la tte du peuple, mais bien sa bouche et sa trompette. Qui pourra, vous chanter si ce nest votre frre darmes, votre frre de sang Vous Tirailleurs Sngalais, mes frres noirs la main chaude, couchs sous la glace et la mort ? Lopold Sdar Senghor Texte 3