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Texte 3

Vous Tirailleurs Sngalais, mes frres noires la main


chaude sous la glace et la mort
Qui pourra vous chanter si ce nest votre frre darmes,
votre frre de sang ?
Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux gnraux
Je ne laisserai pas -non !- les louanges de mpris vous
enterrer furtivement.
Vous ntes pas des pauvres aux poches vides sans honneur
Mais je dchirerai les rires banania sur tous les murs de France.
Car les potes chantaient les fleurs artificielles des nuits de
Montparnasse
Ils chantaient de nonchalance des chalands sur les canaux
de moire et de simarre
Ils chantaient le dsespoir distingu des potes tuberculeux
Car les potes chantaient les rves des clochards sous ll-
gance des ponts blancs
Car les potes chantaient les hros, et vtre rire ntait pas
srieux, votre peau noire pas classique.
Ah ! ne dites pas que je naime pas la France je ne suis
pas la France, je sais-
Je sais que le peuple de feu, chaque fois quil a libr ses
mains
A crit la fraternit sur la premire page de ses monuments
Quil a distribu la faim de lesprit comme de la libert
A tous les peuples de la terre convis solennellement au
festin catholique
Ah ! ne suis-je pas assez divis ? Et pourquoi cette bombe
Dans le jardin si patiemment gagn sur les pines de la
la brousse ?
pourquoi cette bombe sur la maison difie pierre pierre ?
Pardonne-moi, Sira-Badral, pardonne toile de sud de mon
sang
Pardonne ton petit-neveu sil a lanc sa lance pour les
seize sons du sorong.
Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple,
dtre son rythme et son cur
Non de paitre les terres, mais comme le grain de millet de
pourrir dans la terre
Non dtre la tte du peuple, mais bien sa bouche et sa
trompette.
Qui pourra, vous chanter si ce nest votre frre darmes,
votre frre de sang
Vous Tirailleurs Sngalais, mes frres noirs la main
chaude, couchs sous la glace et la mort ?
Lopold Sdar Senghor
Texte 3

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