Vous êtes sur la page 1sur 19
Laurent Thévenot UN GOUVERNEMENT PAR LES NORMES Pratiques et politiques des formats d'information De quelle politique est porteur Tample mouvement de normalisation dans Jequel nous sommes pris? Peut-on parler de « politique » & son propos et niestce pas plutot de technique ou déconomie que relevent des normes qui gouvernent des choses? Ces questions retiendront ici note attention en raison des tos ordres denjeux quelles comportent. ‘Cest Fampleur du phénoméne qui frappe en premier lieu. Débordant lar- zgement les domaines techniques et professionnels spécialisés, le mouvement ‘de normalisation s'est accentué avec la construction du marché européen. Son ‘extension est visible au regard de tous, & mesure que s‘allonge la liste des ves de notre entourage qui sont soumis 2 des normes européennes, des aires de Jeux od sébattent les enfants aux haies bordant les champs et configurant les ‘paysages. Sa portée politique est au moins indiquée par les réactions aux intrusions dune nowvelle source dautortésise dans la Communauté euro- péenne. Quelle est donc la nature de ce « marché aux normes » (Thévenat, 1995a)'? Pour répondre & ces questions, claret la politique des normes et Un programme collet de recherche sur « normalisation et qualification » ment depuis 1993 | Lnsitot otemational de Pars - La Défense dan le cadre du programme « Conventions et coordination de Taction » animé par Yauteur, a et développé en relation avec le Cenire . Dans les typologies des normes, cette standardisation de facto oppose aux standardisations de jure fai- sant appel A des réglements. La désignation de norme « de fat » est toutefois trompeuse si fon prend la mesure de Tapparil industriel 'uniformisation et de ccontréle mis en place par la firme, qui vient doubler le dispositif de compromis ‘du marketing orienté vers le marché et vers Topinion. Quant a la normalisation « de droit», elle se approche de la gestion contractuelle de marques avec la transformation progressive d'une normalisation réglementée par IEtat en une normalisation « volontaire » ‘Cettype de normalisation contractuelle occupe une place centrale dans Vin temationalisation des marchés et dans la construction européenne. L'autorité de IEtat sur la police des marchandises est en patie reportée sur un disposi tif contractuel gouverné par des normes de qualité. En résulte un composé de libéralisme et de normalisation métrologique. La formule méme de ce « libé- ralisme normalisateur » indique qui recéle de fortes tensions interes. Opacifié par sa couverture technique, ce mouvement est de grande ampleur. 1 modifie la fagon denvisager les objets techniques dans leur mise en valeur é recompose les figures classiques du producteur et du consom- ‘mateur, et méme les conceptions politiques du citoyen, de ses modes dinter- vention et des bonnes formes de gouvernement. Des normes pour des droits civiques : du consommateur au citoyen Les justitications qui modélent le dispositit de normalisation ne sont pas seu- Jement industrielles ou marchandes mais également civigues lorsqu’est visée la protection de droits du citoyen. D'une rationalisation diingénieur, dune police de marchand, la normalisation élargit sa vocation pour répondre non seulement aux agencements de producteurs, de vendeurs et dacheteurs, mais également de consommateurs ou de citoyens qui échappent aux qualifications industrielle et marchande. On le voit en matidre de normes de sécurité des produits, ou de normes environnementales et agro-environnementales, Tel le Un gouvernement par les normes 215, rot du travail labor€ pour remédier aux asyméties de pouvoir quignore la figure contractuelle d'un accord de volontés, un droit du consommateur até développé pour corriger Vinégaité du contrat marchand avec le producteur (Kessous, 1997, chap. 2). Se détachant peu a peu de la police du marché et de la repression des fraudes, a protection Sst étendue aux risques duilisation (loi de 1978), puis la sécurité tla santé dans le cadre d'une « protection du consommateur » (loi de 1983) (ibid, chap. 1). Cette orientation civique fut iniialement prise en charge par des services public, dans le prolongement dune métrologie dat, jusqu’ ce que la normalisation réglementare soit ims en cause au nom de limpératf marchand de concurrence. Les directives ceropéennes ont grandement favorisé ce remplacement des réglements éEtat par des procédures de régulation qui partcipent dune chaine de conformation dite volontare, et qui obligent & une formalisaton de V'nformation tout au Jong de cette chaine cerfiante La police des choses : Ia norme a l'épreuve Les différentes justifications du processus de normalisation se donnent & voir dans les lieux propices a l'argumentation publique, tels que des comités de normalisation od sont arréiés les reperes et les méthodes inscrts dans le texte de la norme. Jugements et preuves y sont alors soumis & des exigences de qua- lification générale (Thévenot, 1995c). Cependant, une large partie de la ‘machinerie de normalisation est consacrée & l'application des normes : des ‘opérations de mesure mettent a l'épreuve pour juger d'une conformité". Ces ‘opérations nous entrainent vers d'autres lieux et d'autres types de normativité {qui ne sont plus gouvernés par un régime de justification. Loin des conven- tions collectives, l'appréciation de 1a conformité est supportée par les conve- ances de I'action normale aussi bien que par les accommodements familiers des expérimentateurs professionnels ou des usagers. L'enquéte montre que les ‘mesures de conformité aux normes ne peuvent se cantonner dans le régime auquel le scientifique se tient dans ses publications, et saisir complétement les étres & partir de propriétés physico-chimiques rapportant leur comportement & des lois (Thévenot, 1993a). La police de la sécurité est une quadrature des 11. Ceci nempéche pas que I'avantage compara de Is normalisation au niveay europten, par rapport aux mécinismes moadiaux type TSO, se trouve dct des standards de qualité ce, plus spéciiquemen. des standards orients vere la notion de sécurité ou ahygitne (Trevenot, 19960) 12 Pour Tanayse sysémaique de diverse formes expense des choses, voir Bessy & ‘Chateuraynaus, 1995; sr Vexpetise dan le jgement mesial, voit Doty, 1993: sur fex pense impliquée dans les procédures de normalisation, voir Sainte Marie & Cssablanca 1996. 216 Laurent Thévenot choses plus embarrassante : elle doit integrer des utiisations « raisonnable- ‘ment prévisibles », mises en action et usages qui ne s'adossent pas & des lois scientifiques. Alors que du tableau de la nature finalement offert par le labo- ratoire scientifique doit disparaitre toute agence humaine engagée dans un format d'action normale, dans la normalisation de biens marchands, ou de biens d'usage, il est impossible de réduire Yes engagements qui supportent une telle agence humaine intentionnelle. Les agencements de Vindividu et de Vobjet: propriété ou wtilté ? _Déia,Tengagement marchand agence des suets humains et des objets qu sont nettement différenciés dans leurs modes de saisie, et non pas rapportés aux propriétés communes qu'appréhende la sisie physicaliste. Le régime de just- fication marchande,fagonné pour les disputes publiques, offre une élaboration conventionnelle du régime d'action normale. La figure de Vagence humaine volonite y est mise en valeur sous un certain rapport & Yobjet qui supporte tune évalvation générale. Llactvité est spécifiée en tant qu'appropriation pri- ‘ative et a volonté fixée sur acquisition, son moyen dexécution n'étamt Sasi 4uien tant que possession. Le droit équipe ces réductions conventionnelles, le rapport de propriété aussi bien que l'agence volontaire du contractant qui ser- vent de supports & imputation de responsabilité. Tout autre est Iélaboration conventionnelle dans une grandeur industrielle qui met en valeur en le géné- ralisant un rapport defficacité entre le plan d'action et 'exécution, Cette gran- ‘deur industrielle est une qualification conventionnelle qui érige des équiva- lences entre des fonctionnalités qui e '€valuent dordinaire que dans le cade «une action normale et de ses tolerances. Ce n'est plus action en question qui est horizon dappréciation, mais une mesure defficacité. Les deux rapport appropriation et dvilisation etcace ont danné lieu & 4es constructions conventionnelles tts différentes mEme si leur composition est au coeur des constructions économiques. Une qualité proprement mar- chande ne garantit rien dautre que la possibilité de 'échange et ne comporte pes dattente de normalité dans un rapport d'utilisation. On le voit bien dans la rmaxime du « caveat emptor » qui limite Ia question du vice & sa visibilté lors , lenguéte doit se pro- longer par une investigation sur une autre espce de « fétichisme », celui de Yutlits, qui engage aussi des « rapports sociaux ». La valeur dusage reste facheusement naturalisée dans opposition 8a valeur mirchande, alors mEme aque le terme de « valeur » devrait indiquer une évaluation commune et inci ser rechercher les conventions collectives qui la soutiennent, 'esten suivant Un gouvernement par les normes 217 une police de la sécurité des objets qui ne sen tient pas & la valeur conven- tionnelle marchande mais qui doit &tendre son emprise dans une saisie fone tionnelle et méme, au-dela, dans certaines variations idiosyncrasiques d'usa- fe, que l'on peut éclairer cette question. La normalité de la fonetion peut étre alors située relativement, par rapport la construction conventionnelle d'une valeur plus générale defficacité mais aussi, en decd, par rapport un engage- ‘ment families qui oe s'aligne pas sur cette normalité fonctionnelle. La garan- tie de propriétés fonctionnelles des biens est aujourd'hui en cours S'équipe- ‘ment & Yaide du dispositif de normalisation, tout comme la garantie de leur appropriation privative fut équipée de longue date par le droit civil. La com- préhension des effets de la normalisation ne doit done pas se limiter 8 une uni formisation sociale souvent dénoncée parce que individu n'y aurait pas sa place. La normalisation fonctionnelle est, en effet, congruente avec une indi- vidvation de l'agence humaine! La réduction des engagements fonctionnels et familiers & des propriétés de Vobjet LLe régime de laction normale connait Yinguiéwude de ta tentative et la tempo- ralité de Teffectuation, L'action malheureuse survient par inexpérience de ‘utilisateur, par mégarde, par utilisation d'un moyen inapproprié. La réduction de laction & un échange marchand contracte le temps de Texpérience dans un simple transfert des propriétés de l'objet & son propriétaire, selon un mouve- ‘ment instantané et immédiat qui se confond avec l'acte méme de vente, Garantir le fonctionnement ou I'usage & partir d'une qualité purement mar- chande de l'objet acquise par 'achat souleve donc des difficultés. Or Tévolu- tion du dispositif de normalisation sécuritaire va dans ce sens, par proximité avec le marché : toute la garantie devrait résider dans la qualification du pro- uit, les agents humains ne stengageant les uns avec les autres que par rapport A cette qualité vis-2-vis de laquelle ils se lient contractuellemera. La normalisation orientée vers un impératif de sécurité comporte ainsi des tensions internes que l'on doit élucider pour mener une analyse critique. Elle suppose de saisir Tobjet dans des engagements différents de la transaction marchande et denvisager des agences différentes de l'acheteur ou du vendeur. De méme que étude du travail réclame, par dela I'échange contractuel, de prendre en compte une maitrise intentionnelle ainsi qu'une habileté familigre, de méme le souci de Vutilisation oblige a appréhender lusager dans des expé- riences toutes différentes de l'schat. Limpératif de sécurité demande que Ton 15. Peter Wagner note la combinaison Ue collectivsaion ds objets et une individuaisation es conduies (Wagner 1996, chap. 8) 218 Laurent Thévenot rmeute Tobjet a Tépreuve de 'utlisetion, et Thorizon de Taccident invite & <épasser le fonctionnement normal pour envisager des usages déviants. Cette prise en compte des usages accommodés, families, voire exploratores doit pourtant se solder par une qualification du produit propice a la saisie mar- chande. La machinerie du test transforme ainsi des engagements fonctionnels cou familiers en propriétés des objets pouvant passer pour des extensions de propriétés physico-chimiques. ‘Un moyen majeur de transformation consiste, pour le technicien de nor- ralistion,& protonger le travail détalonnage inspré de son colegue métro- logue et construire des étalons dure humai. Bien entendu, létalonnage est impuissant opérer une réduction parfaite d'un régime dengagement & autre: on ne peut sasirYagence humaine elevant dun régime d'action inten- ionnelle & Taide de propriétés. Au mieux, des suceédanés d'action seront appréhendés & partir de régularités comportementales intégrées dans le test. Dans le est d'un porte-bébé, par exemple, le suppor est soumis & des agita- tions régulitres de haut en bas qui tiennent iew de soubresauts occasionnés par la marche de Ft humain portant le bébé. La réduction semble dautant plus accomplie que Iétalon est rapporté ui- sméme & des propriétés physico-chimiques fondamentales qui ont fait Tobjet <éune métrologie scientifique. Aini, le bébé occupé & action davaler est mis en propriété parti d'une bouche-¢talon réduite& un gabarit ayant la forme tres pure d'un eylindre creux dont le fond est incliné en biseau & 45°, et sur les dimensions duquel les membres de la commission de normalisation se sont accordés (document CENT/TC 252/WG 3, N104 du 22/12/1993). Avec la réduction a ces propriétés physiques élémentaires, il semble que Von ait réussi A contenir les actions humaines qui entrainent vers des régimes différents de sai- sie du monde : actions nécessitées parla ralisation présente du test, ou actions ‘passées ayant déposé une trace dans Tappareillage de test qui sien trouve taxé 6 arbitraire >. Méme réduit& des propriiés élémentaies, étalon peut enco- re porter ls stigmates dune action humaine antrieure. La mise en étalon de Ja main humaine qui tient 'anse du couffin et qui est intégrée dans le test de « stabilité longitudinale » se conerétise dans un tube de diamétre 10 m/80 mm (cf. N104) Un technicien d&aonce ce choix qui ne tiendrait 4u’« au tube quils avaient sous la main », dans le laboratoire ayant initiale- ‘ment mis au point le test, et sur lequel la norme s'est ensuite alignée. Dans un autre cas est dénoncé T'agent humain qui «a pis la coriére quil avait sous la rain et qui va entrer dans la norme alors quon ne peut méme plus en trou- ver » (technicien de laboratoire dessa) Pour éviter ces actions humaines et ces occasions saisies qui génent la jus- tification (Thévenot, 1996a), le technicien de laboratoire considére que Un gouvernement par les normes 219 «Tidal seruit de dessiner les machines en fonction des normalisation et de se les faire fabriquer ensemble. Ca s'est fait dans le textile. A un moment donné, les machines ont été définies en commun, on @ contacé un fabriquant qui en a ‘roduit dix-douze d'un coup et elles ont été réparies dans les différents labo- ratoires ». Mais on est souvent loin de ce cas de figure: les pares de machines ‘extraire des proprétés different selon les laboratoires et proviennent actions antérieures : « En puériculture, cestdifférent, chacun a plus ou moins des ‘machines, c'est aussi pourquoi les descriptions ne vont pas trop loin, chacun ne veut pas ere blogué » (technicien de labortoire) Il se peut aussi que Vagent hhumain ne puisse re transformé en une piBce de la machine & tester en raison de la diversté des produits & tester par le méme Iaboratoire et du codt din- vestssement & supporter. Ainsi, les pousseties different wop les unes des autres par leur mode de pliage pour que la capacité action de plier soit ttansformée en propriété dune machine, sauf dans le laboratoite privé dun fabricant (interview d'un fabricant) Ailleus, les mille pliages de rigueur pour Ja norme sont effectués «la main » dans un format d'action humaine qui est alors toléré, par défaut. Liagence humaine dans le transport des propriétés Etrangement, les normes ont la prétention d'éviter l'aporie de la régle et incluent des regles sur leur propre application. Sans avoir lu Wittgenstei Kripke ou Goodman, sans se souvenir de la régression infinie des « instru- ‘ments judicatoires » relevée déja par Montaigne, les normalisateurs de terrain savent dexpérience que la régle de la régle m/arrétera pas le « rouet ». Les techniciens chargés de la mise en ceuvte de normes, dans des laboratoires Etat ou dans des entreprises privées, parlent sans cesse d'« élaborer », 'e assurer », de « maintenir » « une interprétation » : « quand on a la norme, ‘ona un texte, on ala Joi, mais il y a aussi 'interprétation » (technicien de sécu- rité dlentreprise). Ce vocabulaire de l'interprétation, tout en pointant vers la mise en cuvre de la régle, risque d'aréter la réflexion sur un genre de fasci- nation devant le gouffre interprétatif qu’a intensivement exploité le mouve- ‘ment post-modeme. Il est insuffisant pour préciser le genre dlengagement sur Tequel reposent les conventions. Obligé de maintenir les propriétés en payant e sa personne et, si 'on peut dire, de son produit, un technicien dentreprise chargé des questions de normalisation s‘emploie ainsi & entretenir I'« inter- prétation commune » de la norme par des actions et des accommodements de proximité. Pour préparer un test effectué par un laboratoire britannique sur un produit frangais, il se transporte avec son produit et veille& lélaboration dune interprétation commune de l'application de la norme au nouvel objet. La «), ou entre des ordkes différents (par exemple entre une standardisation justifiée par un marché et une normalisation just fie par la sécurité de citoyens). Avec les développements ultérieurs ouvrant sur une large gamme de régimes pragmatiques, nous analysons autres sources de tension critique, entre régimes dargumentation publique et régimes dengagement personnel*, Lianalyse de ces tensions critiques entre régimes dengagement permet de comprendre les sentiments d'abus de pou- voir que suscite la réduction & des conventions collectives. Réseaux composites et engagements multiples L'analyse de Star trouve place dans des figures de politiques décentralisées qui sont congruentes avec différentes sociologies mettant l'accent sur des ‘connaissances distribuées. Des convergences apparaissent ainsi, aux Etats- 16, Sr ies tensions entre jugement et agape, voir Boltansk, 199, et su celles que suscite la seutfrance en public, voir Boltansk, 1993. Un gouvernement par les normes 225 Unis, entre les approches « acior-network » (Latour, 1995), les recherches sur intelligence « distribuée » dressées contre les modéles du programme et du plan (Gasser, 1991), les travaux sur les artefacts informationnels (Norman, 1993), les modéles de connaissances distribuées (Hutchins, 1994) et les recherches antérieures sur 1a cognition sociale distribuée (Cicourel, 1974, 1990), Contre des higrarchies, des plans et des capacités individuelles, sont mis en valeur des liens locaux, des relations aux équipements, des coopéra- tions, des dynamiques émergentes, Les figures du réseau ou de la distribution risquent, par la mise & plat quopere le graphe, de suggérer une homogénéité des liaisons assurant la cir- culation dun medium et deffacer, par sa connectique, les tensions critiques qui nous préoccupent. Lorsqu'est reconnue Ihétérogénéité d'un segment & autre, lanalyse des noeuds devient cruciale pour comprendre les conditions de composition de segments disparates. Les notions de « taducteur » ou « médiateur » pointent vers, plus quils n'explicitent, les contraintes et les pos- sibilités d'un travail de composition requis pour que transite quelque capacité ‘en dépit de liaisons dissemblables. Ainsi la transitivité de contacts personnels aboutissant au transport de confiance dans des jugements sur la compétence des salariés (Eymard-Duvernay & Marchal, 1997) requiert sans doute des régimes différents de ceux impliqués dans les liens personnels : la construction, de tiers-juge, aidée par des disposiifs consolidant ces réseaux, et la qualifica- tion de personnes-de-confiance ou de choses-gages selon des formes de répu- tation qui contribuent & généraliser la confiance sise dans le proche. Ce ne sont pas seulement les liaisons entre personnes mais aussi les rapports aux choses qui doivent ete envisagés dans leur diversité. Lidée dune délégation aux choses d'un dessein, extrémement fructueuse par la fagon dont elle révéle leur place dans les coordinations humaines, porte le risque de ne les saisir que dans tun format fonctionnel en négligeant leur accommodement dans l'usage. En couvrant Tenquéte sur les modalités variées du commerce avec les choses (Thévenot, 19946), on situe la place d'un engagement fonctionnel et d'un trai- tement disciplinant par rapport & des usages qui n'apparaissent, au regard de ce régime de l'action normale, qu‘en tant que détournement ou déviance par rapport & une normalité instrumentale, La saisie des choses : politiques de la mesure LLorsque les objets saisis sont d'usage quotidien, leur normalisation suscite des tensions particulitrement vives entre différents modes de saisie. Different-ils cn cela des objets impliqués dans la normalisation métrologique, qui seraient réduits sans reste & des propriétés scientifiques, et ainsi abstraits de toute autre saisie humaine? La métrologie rencontre en fait des problémes similaires, 26 Laurent Thévenot mieux visibles a la lumiére des travaux sur la normalisation dobjets quoti- iens qui fo ressorit fa vasieté des végienes dlengagement impliqués. Mallard reléve 1a notion officielle, dans 11 démarche méuologique, de « valeur conventionnellement vraie » (Mallard, 1996, p. 384). Les métro- Jogues explicitent donc eux-mémes l'accord conventionnel sur ce qui & valeur de vérité, sans quil y ait besoin de sociologues des sciences prompts & déni cher la part diinterventions humaines dans le secret des laboratoires produi- sant les lois universelles. La convention collective publique s'édifie sur le régime de Taction normale : la convention, précise le texte de normalisation, tient sa tolérance d'une « différence non significative pour le but donné » ai sein d'une organisation. On retrouve ici une référence explicite la téléologie de Vaction normale qui soutient la saisie fonctionnelle des objets uilitaires. Paralléle avec la saisie métrologique des propriétés Pour normaliser Jes mesures et maintenir les « propriétés physiques essen- tielles » qui ont la faveur du technicien dessa, le métrologue est lui-méme amené a extrate les proprigtés physiques de situations et bjes matriels dont la manipulation releve de régimes dengagement bien différents, Ces ‘objets hybrides sont a la fois engagés dans des actions normales & partir de leur fonctionnalité et, en tant qu'étalons, porteurs de propriétés physiques fon- ddamentales. Les techniciens qui mésrent le volt doivent ainsi, comme leurs homologues gui arrachent les yeux des ours en peluche, ¢ déplacer en per- sonne, entretenir des lens de proximité avec leurs collegues en sentendant sur les fagons de Cae, étabir des familiartés de proche en proche avec les éqti ements en usage. La pluralité des formats de connaissance et des engage- ‘ments impliqués disparait toutefois des comptes rendus. Joseph O'Connell saccorde avec d'autres sociologues des sciences (Latour, Collins, Schaffer) pour dévoiler dans la métrologie l'invisibe travail des techniciens qui main- tiennent en pratique universalité de la science, mais que lexposé scientifique finira par effacer du tableau, Ce dévoilement contribue 2 la mise en cause des représentants en offrant de bonnes raisons pour dénoncer V'abus de pouvoir d'un groupe socal de savants eta division du travail gu Ventetent. Le déple- ‘cement que nous proposons poursuit Tenguéte en arnt, et met en évidence la réduction d'une pluralité de régimes engagement qui se solde parla dom- nation de Tun dentre eux. Les efforts répétés pour se dégager de régimes incompatible avec un uai- tement en propriétés physico-chimiques scandent toute histoire de la métro- logie. Discutant étalon de sésistance électrique au milieu du xix" siele, les Britanniques contestent [unité proposée par lindustrel allemand Siemens pour le motif quelle dépend de matériaux (mereure) et de construction (une Un gouvernement par les normes 227 ccolonne de 1 mm de section et de 1 m de haut & 0° C) jugés arbitraires. L-idéal est de se référer & des « unités primaires » (masse, longueur, temps) « frap- pées du sceau de F'autorté, non du légistateur ov de Vhomme de Science, mais de la nature » (rapport de 1873 cité par O'Connell, 1993). Un épisode plus récent des années soixante nous montre & nouveau Ie souci de dégager une unité physique dagents et dengagements relevant du format de lection nor- male : un étalon de volt muni d'une poignée et transporté & la main par un agent habile setforgant d'éviter des inclinaisons excessives (ibid.). Le « stan- dard intrinséque » est congu pour s'affranchir des actions humaines de liaison +t Ge transport. Plus de ces cérémonies périodiques au cours desquelles des agents du bureau des standards reconstituent pratiquement une chalne dac- couplements entre étalons secondsites et étalons primaires. Le standard intrinsEque est une espace de kit d'expérience de physique & monter chez soi le lien au représentant le plus autorisé ne tient plus qu’aux instructions fixant le protocole de lexpérience et a la chatine de qualification des modalités et des procédures La demiére étape de cete Evolution historique de la métrologie ressemble & Ja transformation actuee de a normalisation, par Vaccet mis sur les aspects contractuels et procéduraux. Sous impulsion du ministre améticain de la Défense qui se ouve a la tte dun vaste réseau de sous-traitants, est mise en place depuis la fin des années 1980 une procéduralisation dela chaine des stan- dards et des instruments de mesure. Dans un contexte de restrictions budgé- taires, on substitue au travail agents vsitant les laberatoires de sous-traitants ‘pour vérifier la justesse des instruments de mesure, une chalne de tragabillé ‘Des dpreuves impliquant des déplacements dlacteurs en personnes et jouant done sur plusieurs régimes de preuve sont remplacées par un apparellage de conventions collectives qui stipule les procédures a suivre et les comptes rendus A établir, Ce changement fait débat au sein des métrologues, certains dente eux <4énongant une tragabilité qui ignore les lois de la nature pour lui préférer ls lois du droit. ls voudraient renverser ce nouveau « veau dor », « objet tangible mais spécieux détournant attention d'une entité intangible mais efficace quil est des- tine & représenter »(cité dans O'Connell). O'Connell esquisse un parallel avec Jes rapports aux Ecritues, dans ie catholicisme et dans la Réforme”, métrolo- gie et théologie ayant en commun de « rendre réels, maintenir et disséminer les représentants tangibles dune transcendance » en construisant « un systéme social dautorité et de dissémination pour exéet des intermédiaires avec cette ‘7 stnspice um referee qi ll avait fait remarguer: uparavant, «i falls ponte su la cits- ‘onde la Bible et indie Ia fan dont on passé des mas Finteprtation incriminge: ‘maintenant, des document et des sceauxgaramisent le fonctonnement de la mache [.] ‘Au commencement Git Vtbe: ba Tana Sigatie 28 Laurent Thévenot transcendance & défaut d'une permanente mise en présence ». La réforme métro- logique serait « calviniste » en ce quielle ouvrrait Vacces direct de chacun au ‘Volt, sans les « rédemptions périodiques » comparées aux médiations « catho- liques ». Le paralléle avec la théologie™* rompt avec Ia mise en cause des repré- Sentants pour inciter & un examen plus compréhensif de différents rapports de présentation et représentation, différemment soutenus par des intermédiires, Cette demire transformation historique du dispostif métrologique et le débat guielle suscite nous font progresser dans la direction qui nous intéresse. Le pré- ‘cédent gouvernement métrologique établissait une grande chaine des étres reliant & Y'étalon et, au-dela, & la variable de la loi physique, la scéne d'une uti- lisation particuligre. Les liaisons étaient assurées par Vintermédiaire dinstru- ‘ments calibrés mais aussi dune série d’engagements personnels et familiers. Le second syst#me, en revanche, ne reconnait que des agences autonomes (institu- tions plutét quétres humains) qui sengagent volontairement sur des repéres for- ‘mels servant de termes de référence au contrat, La réforme ne transforme pas seulement Iétat dans lequel sont saisis le Volt ou Tun de ses avatars : étalon auguel se relier périodiquement, ou bien expérience a refaire chez soi. Elle change la forme de agence pertinente pour le type d'engagement qu'équipe le dispositif. La saisie informatique des activités humaines : Ja «capture » dans le fonctionnement "Notre analyse des opérations de «sisi » est partie dune réflexion inital sur le codage statistique, t plus particulitrement le codage des activités profes. sionnelle, Elle rencontre aujourdhu la recherche de Philip Agr qui porte sur les opérations de collete de données informatisées et sur la mise en forme concomitante des activités humaines (voir sa contribution infra). A notte Souci de rapprocher les mises en équvalence cognitives et les constructions Politiques répond V'attention portée par Agre aux implications politiques de nouvelles formes de « capture » décentalisée. Si les démarches sont appa rentées, les modes de collecte et les types dorganisation quelle sont dest nées 4 informer different. Les données que nous avons étudiges sintgrent dans des totalistion statistiques, tlle que celles produites par INSEE pour sider action de Etat, ou par des organismes intemationaux fourissant des expertses & partir de classifications standardsées (ef. la contrbution de Bowker et Star ce volume). Agresintéresse, quant alu, dla collecte décen- tralis6e dinformations locales sur des activités individuelles au sein organi sations privés, informations qui sont utilisées pour le management, en temps 18, Voir ausi Latour (1993) les recerches.en cours de Elisabeth Claveie (@ por). Un gouvernement par les normes 29 réel ou dans des délais rapprochés. Son investigation fait ainsi la transition ene la saisie normalisée des objets et celle des tres humains au travail que nous aborderons dans la demigre partie. ‘Alors que les classifications de métiers saisissent des états professionnels, les modes de « capture » décentralisée visent une unité activité plus élé- rmentaire, de Vordre de la tache. Fort de son expérience en intelligence arifi cielle, Agre expose la représentation des activités incluse dans les systémes information utlisés. Cette « grammaire de l'action » repose sur des unités élémentaires réplicables : actions-types reconnues par un systéme comptable, scripts de télémarketing, mouvements standards dentrée-sortie d'un réseau autoroutier, fonctions dinterface avec un ordinateur ou protocole de commu- nication avec un réseau, tiches décomposant activité de grandes entreprises de services aux fins dun « micro management » (McDonald's, Federal Express, Pizza Hut, etc.) La relation entre saisie et normalité est également importante pour Agre, qui note que la capture est moins une « découverte » quiune normalisation de fait, Les agents saisis réarrangent leur activité pour rhe pas se trouver génés par la collecte dinformation, ou pour contrOler 1a représentation de leur action qui en résulte. Faute d'un engagement familier des concepteurs dans les activités saisies, la « grammaire d'action » tend en ‘outre & s'aligner sur des definitions prescriptives de Vactivité. Le choix des formes de capture peut aussi constituer un enjeu tel que celui des classifica- tions statistiques (Desrosignes & Thévenot, 1988). Contrairement au taylorisme qui légiftre sur des séquences d'action (Dodier, 1995), les dispositifs de « capture » laissent parfois ouverte (@ Texclusion de ser- viees de masse) une certaine liberté individuelle en renvoyant la charge du contréle & la « discipline du marché ». Cette nouvelle métrologie de F'activité hhumaine différe done de celle élaborée par Taylor et de la panoplie dinvests sements de forme qui Faccompagnait (Thévenot, 1986). Alors que la métrolo- sie de Tingénieur Taylor comrespondait & un format comportemental et & une dynamique dinculcation par habituation, le management de Ia flexibilité est aujourd'hui intéressé, dans la relance du libéralisme de marché, & reconnaftre tune certaine initiative de agent humain relevant d'un régime d'action inten- tionnelle et & imputer une responsabilité qui passe par ce régime d'engage- ‘ment, Nous avons souligné que, dans ce régime, la saisie fonctionnelle des objets fait pendant & agence intentionnelle humaine. On peut reprocher au modéle d'Agre de ne pas prendre en compte cette saisie des objets et ses cconséquences sur la capture des activités humaines. Il observe quill ny a pas liew de distinguer le « pistage » (cracking) des étres humains de celui des choses, tant les deux captures se trouvent liées, les objets servant de capteurs activités humaines. Mais il méconnait la fagon dont instrumentation fonc- 230 Laurent Thévenot tionnelle dobjets techniques non spévifiquement « informationnels » consti ‘we un préalable pour permettre cetesaisie informatique. Une fonctionnalté somal des objets et requis po: remonter du capteur &Tacon Fagens Une nouvelle espice de statistique dentreprise, privée et décentralisée, peut are ainsi opposée & une statistique ¢'Etat qui realise par un service public et portant principalement sur des collects, vise a découvrir des lois de compore- ‘ment sur le model des lois denature 28 fourir une expertise pou des mesures de politique sociale et économique (Affichard, 1987). Cependant, comme pour la statistique dat, ily a nécessité de codes préalabes pour constituer ce qui ‘aut comme information, méme silecodage impliqué par Ia capture décentra- lisée reste enfoui dans les fonctionnalés objets qu se substituent, en tan que capteurs, aux agents humains de sasie et de chiffement. Dans cette transfor. ‘mation historique, le sysime de collecte information est épaulé parle mou- ‘erent conjoint de normalisation de qualités. A la qualité dobjetsnormés dans leur fonedionnaité corespond cele déres humains : des compétences de base 3 accompli des tiches Clémentaires dont lexécution peut etre contolée coat tuellement partir de ce mode de « capture» ‘De la normalisation des biens it celle des personnes : la formation d'une cité informationnelle Une approche informationnelte de Vactivité humaine Les implications politiques du mouvement de normalisation des biens sont plus lisibles lorsque le mouvement s'étend a 1a qualité des étres humains, ‘mesurée & V'aune de « compétences orofessionnelles de base ». Ainsi depuis lune dizaine d'années, une nouvelle forme de saisie des compétences selon des « National Vocational Qualifications » ” a 16 élaborée au Royaume Uni pour servir autant & la gestion des emplois qu’a celle des formations. Ayant inspiré des sysitmes analogues dans dautres pays du Commonwealth (Australie, Afrique du Sud), de 'ALENA (Mexique), ou de Tancien bloc de Est libéra- lisé, ce mouvement a trouvé récemment certains échos en France par le canal 19, Faisant suite au Litre blanc sur uation ea formation produit par la Commission euro ‘éenne (1995), le rapport de la mission sur la formation professionel conie per te ‘ministre du Travail Miche de Vivlle met en avant, comme Tune des proposition érmanan dela mission, un «referent national des qualifications contut par Jomaines profession else par niveau, constitue ments simples mais cpialissblescorespondant aux com pltencesprofesionnlles de bse » (Vive, 1996), 20, Une recherebe sur ce thime,comporant ute comparsion des sysmes qui singptent de cite orientation, es présenement engagé a Fst nterational de Pans ~ La Defense, Un gouvernement par les normes 231 4e recommandations européennes reprises au niveau national. On ne com- pend bien la logique du systéme de normalisation des compétences, et ‘notamment ses écarts par rapport & autres formes plus anciennes de classifi- cation et de qualification professionnelles, qu’ partir du détour parla norma- lisation des produits qui lui a servi de modéle. Le transfert aux capacités de travail de toute la machinerie développée pour gérer les biens et services & partir de la certification de leur qualité est ailleurs facilité par la qualifica: tion intermédiare de services qui ne saurait etre completement détachée de ‘activité d8tres humains (De Bandt & Gadrey, 1994). Ces nouveaux standards de compétence dinspiration libérale visent & ali- gner autant que possible les marchés du travail sur les marchés des produits, et AAluuer contre ls «rigidités » qui proviennent Gartculation & des méters, des apprentisages ou des diplémes. Les nouvelles formes de qualité éablies en terme de compétence nintégrent plus, dans Tappréciation des personnes et dans Jeur mise & lépreuve, des ataches durables & des formes insttuées de collectif telles des corps de métier ou méme des entreprises. Alors que les figures du col- lectf de grandeur domestique ou civique dotent 'agent une appartenance selon différentes constitutions de communauté, leur mise en cause est présentée ‘comme libération de ces appartenances dénoncées, dans une évalvation pure- ‘ment marchande, comme autant dobstacles & un marché de qualités. Dans le nouveau systéme, la « liberté» corespond principalement &la figure dun sujet individve! contactant,en occurence sur un marché du travail et avec une centreprise. Liobjctf est de sasir des capactés& la fois élémentares et géné- zales, dont les combinaisons multiples permettraient de reconstituer aussi bien es qualifications cfemploi que des contours deformation ou des aptitudes de personnes. Ce souci de réduction& des qualités élémentaires sapparente & celui 4e Téconomiste de marché décomposant chaque bien en un faisceau de caracté- Fistiques qui sont supposées en épuisr la qualité globale. Cependant, comme nous Favons vu pour le produit, la décomposition défat le régime de I'échange marchand pour aller & des proprétés qui doivent éresaises autrement. Les travaux précurseurs de la grille de U'UIMM La décomposition d'une qualification au travail s'inscrit dans une longue his- tire d'analyse « scientifique » des tiches et des capacités quelles requiérent. Le demier épisode doit tre considéré & la lumiére defforts antérieurs pour analyser les emplois & partir de la théorie de information. Marquée par des snimée par Jan-Frangois Germe et Laurent Thévenot. Ele sappuie, en France, sur une oopstation ene dee cercheurs du Cente dudes de Fempol, 6s CNAM, du GSPM (GHESS-CNRS). 232 Laurent Thévenot ‘modeles américains et imporée par les missions de productivté de 1947-48, tne telle analyse a été mise en place dans certaines entreprises frangaises ds les années cinquante, & la Télémécanique (1948-1952), Renault (1953) et Berliet (1957) (Hunout, 1987). Cette analyse informationnelle des compé- fences a marqué la nouvelle grille UIMM de 1975 qui se substituat aux clas- sifications Parodi et rompait Vancrage aux métiers, Les qualifications par métier dépendaient dinstitutions et dorganisations professionnelles dont un ppatronat modemiste souhsitat s'affranchir pour pouvoir créer d'autres liai- sons, entre des qualifications demploi et des modes d organisation dentrepri- se, Liélaboration de la nouvelle grille a &té préparée par des expériences de Classifications d'emploi inspirées des méthodes américaines de job evalua tion®, Ainsi, la méthode Berliet (dite « Milox et Boquillon ») analyse les emplois & partir Wexigences requises dans la perception et le traitement de information et distingve parmi une palette de critéres la « prise dinformation ‘extéroceptive » (0, Ia « prise d'information proprioceptive » (M1), la « déi sion » (IID, I'« organisation des moyens de réponse » (IV), les « ajustements ualitatfs » (V), ou « quantitatifs » (VI), pour atteindre un résultat, ou enco- te les « liaisons » pour « réduire les incertitudes qui s'opposent a la ralisation des objectifs » (Hunout, 1987). On en retrouve la marque dans Ia fagon dont les « niveaux de qualification » du projet UIMM distinguent Jes capacités requises selon la nature des plans d'action (consignes, instructions, objectifS u programme) et Yimportance des ajustements la situation (Pezet, 1997, p. {8-69). Les enjeux de ces transformations dans la sasie des competences sont soulignés par Vhostilté manifestée par la CGT qui résistait au détachement de la capacité & l'égard dune forme métier et d'une certaine organisation collec tive susceptible de faire contrepoids au patronat. En revanche la CFDT, ‘notamment dans la personne du négociateur Jacques Chéreque, était favorable 3 certains crittres de classification sanctionnant la responsabilité par rapport au produit fabriqué et au matériel. Nous retrouvons ici la place dun régime action normale qui soutient une attribution de responsabilité individuelle & partir de la fonctionnalité objets, matériels et produits. Des réserves étaient cependant exprimées quanta une trop grande dépendance & légard d'un poste de travail, dépendance nuisible a appropriation de la capacité parle salarié, ¢t son transport d'une situation d'emploi a Tautre. Le souci de la délégation 21, M. Champion, qui appartenait an groupe de avail de 'UIMM chargé des nouvelles casi ations, ffetun des stages de formation chez Berit et Renault, en 1972 et 1973 (Peet, 1997, . 58) Je mappuie dans ce paragraph su a recherche qui Peet a consarée ls nfgociaton deTUIMM de 1968 1973, en interogean notamment des personnes ayant pa. ticipl cate négoiation, Un gouvernement par les normes 233 CEDT était de juger des compétonces de la personne et de « sortir individu du carcan de Vorganisation pour prendre en compte le potentiel que lui donne sa formation de base » (ibid.,p. 52, 79). La normalisation des qualités dans une « société cognitive » Des « autoroutes de information » & la « société de l'information », la notion information connait aujourd'hui un usage si étendu, manifestant de telles ‘capacités de mise en rapport et de mise en valeur des activités humaines et de Teurs équipements, que l'on peut y voir a leeuvre la gestation d'une nouvelle grandeur et d'une nouvelle cité de I« information », de méme que fon a pu identifier une « grandeur verte » en cours d'élaboration. La notion d'informa- tion sinsinue dans l'appréciation de situations quotidicnnes les plus diverses cet dans l'évaluation de la compétences des gens. Des argumentations de large portée prenant appui sur des équipements propres aux techniques de I'infor- ‘mation, de linformatique aux médias, se référent & un bien commun suscep- tible de bénéficier & tous. Ainsi slabore une nouvelle forme de justification reposant sur une commune dignité a s‘informer et sur une épreuve de com- munication, A fa différence de la grandeur de opinion qui est éprouvée par des signes de reconnaissance, la grandeur de l'information repose sur une for- ‘malisation de ce qui informe, C'est pourquoi la normalisation occupe une place centrale dans l'équipement de cette grandeur. Le Livre blane sur Uducation et la formation produit par la Commission européenne comporte en Sous-titre « vers la société cognitive ». Il affirme que, avec la mise en place de « cartes personnelles de compétences » participant dun «systéme daccréditation des compétences » au niveau européen, « un grand pas cen avant aura été fait vers la société cognitive ». Les recommandations propo- sées mettent en valeur un nouveau rapport au monde, « rapport cognitif [qui] structurera de plus en plus fortement nos sociétés » car « I'avenir de IUnion européenne, son rayonnement, résulteront en grande partie de sa capacité & accompagner le mouvement vers la Société cognitive » (p. 5). Les recomman- ations du Livre blanc dessinent les contours dun dispositif qui assortit Ia sai- sie des compétences individvelles d’un double équipement métrologique et juri- dique : «il faudra aussi faire du niveau de compétence atteint par chacun un ins- trument de mesure de la performance individuelle, dont la définition et Pusage garantissent le plus possible 'égalité des droits des travailleurs». Les instruments d'une ouverture critique sur les formats d'information ‘affirmant de plus en plus comme cadre général du commerce des éres humains, entre eux et avec leur environnement, la certification de qualités 234 Laurent Thévenot normalisées tend & se substituer & d'autres rapports plus ouvertement poli- tiques. Une régulation édifige sur des propriétés objectives instaure un mode de gouvernement qui repousse la question des principes d'évaluation dans la ‘concrétisation des objets et dans la procéduralisation des lieux de débat et de jugement sur leur qualité. L'ampleur de cette police des qualités lui confere ‘une portée politique, en tant que mode de régulation tres général accompa- agnant le mouvement libéral de la construction européenne. Les implications Gun tel gouvernement dépassent le choix de caractéristiques techniques des produits: elles concernent la fagon dont sont saisis les personnes, les choses et leurs rapports, dont sont attibués des droits et des responsabilité, dont sont ‘ménagées des aides, des mutualités ou des solidarités. Il ne s‘agit plus seule- ‘ment de standardiser des objets ou des actes afi de les mettre en compatibi- lité pour un fonctionnement industriel efficace. Lienjeu est de garantir une formation formelle encadrant des liens contractuels entre des sujets indi duels et contribuant aussi a la défense de droits. L'information engagée dans une garantie La dimension politique de la normalisation ne saurait se réduire a des contraintes réglementaires parmi d'autres. Cette mise en politique des normes ‘manque de larges pans de activité normalisatrice dans ses rappors & l'infor- ‘mation. L'enguéte que nous avons menée sur la variété de lieux de normativité es normes, et la confrontation & d'autres approches de la normalisation et de la métrologie, nous conduisent en fin de parcours & reconnaftre des implica- tions politiques moins immédiatement visibles mais sans doute plus impor- tantes. Elles tiennent au mode dlengagement que soutient le dispositif de nor- ‘malisation et aux garanties qu'il instaur. Par les capacités attribuées aux étres agencés, chaque régime dengagement contient une inquiétude propre qui le caractérise :en établissant ce sur quoi on Peut compter, il offre un premier bati ‘assurance, L'interrogation sur la pert rience des connaissances qui reste dordinaire trop centrée sur le sens®, le rai sonnement ou les inférences, doit se prolonger dans une perspective pragma- tique sur la garantie. Le pragmatisme de Dewey a grandement contribué &ins- cre les connaissances dans Faction’, Notons cependant que sa figure de réfé- rence, 'enquéte (inquiry), s'apparente & une résolution de probleme qui, for- rmalisée, guidera le programme de 'intelligence anificielle et du cognitivisme. 22 Voir ce sujet, dans ce volume (supra), la electrecrtcue que fit Conein de «approche inverptttive» et do titement sense du rappor 8 Tenirnnement et sex objet. 23, Linsrption du sens dan Faction marque Theiage du prgmitsme de Dewey et de Mead en socologie,pariculitement dans Finteractionnisme. Ck. Ventetien de Anselm Stas avec Isabelle Baszanger (Strauss, 1992, p. 40) Un gouvernement par les normes 235, ‘Un programme contemporain de pragmatique politique et morale requiert une approche de lexpérience moins limitée au format du « probléme », et plus ouverte & des engagements divers dont es convenances ne sont pas réduc- bles & ce format. Dewey met justement en avant la tension qui pese sur ex- périence ordinaire, entre la recherche d'« assurance » et 'incertitude (Dewey, 1967), Chacun des termes assurance et dincertitude demande cependant & tre approfondi et spécifié selon les régimes. Leur rapport ne parait plus si antagonique lorsque Ton s‘avise que l'incerttude miest pas une catégorie pre- mitre mais dépend dlun cadre de maitrise qui gouveme une inquiétude, La notion d'« anticipation » utilisée pour l'action rationnelle de V'acteur écono- mique, ou celle d« attente » qui soutient souvent Ia défiition des conven- tions, demandent & étre replacées dans ce cadre : 'incertitude dépend de Vat tention sélective aux retours de réalité qui caractérisent un régime denga sgement. Ainsi, le systéme dinformation des statistiques sociales que nous avons Evoqué précédemment participe & des modes de garantie solidaire et de res- ponsabilisation collective relevant dun compromis entre régimes civique et industriel de justification. La saisie des étres humains selon des qualifications collectives détats ou de besoins convient pour cibler des populations et notamment des « populations & risques », sur lesquelles doivent porter les mesures de I'Btat, La « révolution cognitive » promeut des saisies toutes dif- férentes des étres humains & partir des caractérisations dune individualité quipée de diverses « cartes » enregistrant ses propriétés (des cartes de com- pétences a celles de la médecine prédictive). Elle conjoint un régime de T'ac- tion normale qui se préte a V'attribution de volonté libre et & Timputation de responsabilité, et des régimes qui saisissent I'tre humain dans des propriétés fonctionnelles ov physiques. Ces saisies supportent des figures morales et politiques de responsabilisation individuelle et de garantie assurancielle toutes différentes des précédentes. Le pluratisme critique sur lequel ouvre la diversité des formats d'information Le détour par la normalisation et la métrologie des choses nous a fait voir les limites des tentatives successes de reduction 2 des propriétés physico-chi- rigues, puis @ des fonctionnaltés compatibles avec un format de Taetion. Echappe largement a cette réduction le mode dengagement familie qui régit des accommodements de proximité et des innovations dusage bien éloignés dela figure du « consommateur » (y compris lorsque la théorie ésonomique nous fit voir un consommateur découvrant les propriévés dun bien en tili- sani), tout comme il gouvere les habiletés experience au travail qui ne trou 236 Laurent Thévenot vent pas place dans le modele du plan & exécuter (Thévenot, 1995b). Dans ce régime dengagement familie, il n'y a pas dimputation possible & tel éire hhumain ou & tele pidee d'équipement dune responsabilité qui est distribuée au sens fort dans Tensemble des agents impliqués (Thévenot, 1997). La garantie ne peut reposer sur cette imputation individuée mais. passe par la dynamique d'accommodement mutuel qui caracterise ce régime du proche et le genre dassurance quil suscite. Le paradoxe du gouvemement par les normes que Yon voit aujourd/hui en plein essor tent ce quil se développe dans une économie qui repose largement sur ce régime familer, pour ls inno- vations d'usages donnant lieu & la création de nouveaux produits marchands ‘comme pour les innovations de travail et dlorganisation, Le management de la fexibilité fit largement appel a des dynamiques sinscrivant dans ce régime, alors méme que les systémes d'information qui servent & la certification des ‘qualités des personnes et des choses reloventclairement dautres formats din- formation et d'autres régimes de garantie (Thévenot, 1997). On voit donc le risque d'une absorption des divers régimes dans un notion uniaire de « quali- té » qui ferait perdre de vue les exigences dun pluralisme critique au profit 4une information uniforme dominée par un standard de cognition Bibliographie Afichard, J. (ed) 1987 Pour une histoire de la statistique 2. Paris, INSEE - Economica, Becker, H. 1988 “Les mondes de art Paris, Flammarion (1982]. Bessy, C. & Chateauraynaud, F. 1995 Experts et faussaires. Pour une sociologie de la perception. Pars, Méailié. Boltanski, L. 1990 Lamour et ta justice cone compétences. Paris, MEtailié, 1993 La soufrance @ distance. Morale humanitaire, médias et politique. Paris, Méaile stvté de commercalisation pourri elle-méme fur ebjet une serblable analyse, La normalisation ete rapport au caier des charges tendent 8 cpéet une réducton de formes ‘dengagementsfidlises ene scheteur et vende, va des creuis de distribution metat en avant le « cone! ». Pour une analyse dela vari des formes de agement et des risques de réaction dans un marché de service, le marché du avail, voir Eymacd-Duvermay & ‘Marcha, 1997, Pour une abortion de ces dillérences dans Une opposition ene une «org: Disaion pani » du travail et «organisation disuibue », voir Dadi, 1995, Un gouvernement par les normes 237 Boltanski, L. & Thévenot, L 1991 De la justification. Les économie de la grandeur. Pars, Gallimard. Callon, M. & Law, J. 1989 « La proto-histoire d'un laboratoire ov le difficile mariage dela science et de "économie » in Innovation et ressources locaies, Cahiers du Centre études e Femploi, 32, p. 1-34 CCasabianea, F. & Valceschini, E (eds) 1996 La qualité dans U'agro-alimentaire : émergence d'un champ de recherches. Pais, INRA - SESAME, rapport de recherche. Cicoure, A. 1974 Cognitive Sociology. Language and Meaning in Socal Interaction. New York, Free Press 1990 « The Integration of Distributed Knowledge in Collaborative Medical Diagnosis », in J. Galegher, R. E. Kraut & C. Egido (eds), Intellectual Teamwork. Social and Technological Foundations of Cooperative Work, Hillsdale, NJ, Hove et Londres, Lawrence Erlbaum Associates, p. 21-242 Claverie, E, par. « La description des formes sensibles de la religion en sciences sociales », Archives des sciences sociales des religions. Collins, H. & Yearey, S. 1992 « Epistemological Chicken », in A. Pickering (ed), Science as Practice and Culture, Chicago, University of Chicago Press, p. 301-326, ‘Commission européenne 1995 Livre blanc sur Véducation et la formation : enseigner et apprendre. Vers la société cognitive. Bruxelles. Conein, B. & Jacopin, E. 1993's Les objets dans espace. La planification dans Faction », in B. Conein, 'N. Dodie & L. Thévenot (eds), Les objets dans lation, Paris, i, de TEHESS (« Raisons pratiques » 4), p. 59-84. 1994 « Action située et cognition. Le savoir en place », Sociologie du travail XXXVI (4), p. 475-500. David, P. 1994” « Les standards des technologies de information, les normes de communica tion et Etat: un probleme de biens publics », in A. Orléan (ed), Analyse éco- rnomique des conventions, Patis, Presses universitaires de France, p. 249-278 De Bandt, J. & Gadrey, J. (eds) 1994 Relations de service, marchés de service. Paris, CNRS Esiions. Derovet, J.-L. 1992 Ecole et justice, De Végalité des chances aux compromis locaut. Paris, Maule. 238 Laurent Thévenot Desrosidres, A. 1993 La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique. Pars, La Découverte. Desrosidves, A. & Thévenot,L, 1988 Les catégoris socioprofessionnelles. Paris, La Découverte Dewey, J 1967 Logique. La théorie de Wenguéte. Paris, Presses universiaires de France 1938}, Dodi 1993 Liepertise médicale. Essai de sociologie sur Vexercice du jugement. Pris, Meailié. 1995 Le: hommes et tes machines. La conscience collective dans les sociétés ‘contemporaines. Pars, Méalié. Eymard-Davernay, F, & Marchal, E. 1997 Fajons de recrute. Le jugement des compétences sur le marché du travail. aris, Centre d'études de Temploi & Métal. Foray, D. 1993 -« Standardisation et concurrence: des relations ambivalentes », Revue diEco- rnomie industrielle, 63, 1 wimestre Friedberg, 1993 Le powwir et a régle. Dynamique de Vaction organise. Pais, Seu Gasser, L 1991 «Social Conceptions of Knowledge and Action. DAI Foundations and Open ‘Systems Semantics », Artificial Inteligence, 47 (1-3) p-107-138. Hunout,P 1987 L'évaluation et ta classification des emplois, CEREQ, Documents de travail, 29. Hutchins, E 1994 « Comment le “cockpit se souvient de ses vtesses », Sociologie du Travail, XAXVE (4), p. 451-473, Kessous, E 1997 Le marché et la sécurité. La prévention des risques et la normalisation des ‘quclités dans le marché unique européen. Paris, Ecole des hautes études en sciences socials, thBse de doctora, 556 p, muller. Lafaye, C. & Thévenot, L 1993. « Une justification écologique ? Conflts dans Faménagement de la nature », Revue francaise de Sociologie, 4 (4), p. 495-524, Latour, B 1993. « Les anges ne font pas de bons instruments scientifiques », in Id, La clé de Berlin et auires lecons d'un amateur de sciences, Paris, La Décowvert, Un gouvernement par les normes 239 1995 La science en action. Introduction & la sociologie des sciences. Pais, Gallimard (« Folio») Law, J. 1994 Organizing Modernity. Oxford, Blackwell. Mallard, A. 1996 Les instruments dans la coordination de Uaction. Pratique technique, métro- loge, instrument scientifique. Ecole nationale des mines, Pais, tise de doc- tort, 658 p,, multigr. Meyers, P. 1989 A Theory of Power. Political, not Metaphysical. Ann Arbor, UML Morand, F, 1996 « Quelles conventions pour protéger le patrimoine rural en le modernisant », Joumées INRA d'Economie des institutions, Innovations institutionnelles et innovations techniques, Dourdan, 47 décembre. 1997 Regards croisés sur la Buéges. Prendre en compte les représentations d'ac: teurs dans accompagnement de la transition vers U'agro-tourisme. Montpellier, INRA (SAD-LECSA), 93 p., mulgr. Mouliéra, F. 1993 Désaccords sur la défaillance d'objets techniques. Imeractions au service aprés-vente entre uilisateursetréparateurs. Paris, Ecole des hautes des en sciences sociales, mémoire de DEA, 127 p. multigr Norman, D. A. 1993 < Les artefacts cognitfs», in B. Conein, N. Dodier & L. Thévenot (eds), Les ‘objets dane action, Paris, Ed, de TEHESS (« Raisons pratiques» 4), p. 15-34 Normand, R. 1996 « De la norme aux teritoires. Lienjeu d'une definition de ta qualité autour du ‘mobilier scolaire ». Joumées INRA d'Economie des institutions, Innovation Institutionnelle et innovations techniques, Dourdan, 47 dScembre 1997 « La délégation aux objets dans le mobilier scolaire », in JL. Derouet (ed), Lécole dans plusieurs mondes, Pais, INRP. OConnel, J 1993 « Metrology. The Creation of Universality by the Ciulation of Particulars », Social Studies of Science, 23, p. 123-173 aradeise, C. 1988 « Acteurs et institutions. La dynamique des marchés du travail », Sociologie du Travail, XXX (1), p. 79-105 Pezet, E. 1997 La négociation des classifications dans la métallurgie 1968-1975 : contexte, acteurs et méthode d'une innovation sociale, Pars, Ecole des hautes tudes en sciences sociales, mémoire de DEA, 151 p. multigr. 240 Laurent Thévenot Pickering, A. 1995 The Mangle of Practice. Chicago, University of Chicago Press. ewe d'Economie industrielle, 1996 Normalisation et organisation de 'ndustrie. Approckespluridsciplinaires, 75 Sainte Marie, C. de & Casabianea, F. 1996 « Le travail d'expentise scientifique comme médiation ente acteurs locaux et ‘puissance publique », Journes INRA d'Economie des institutions, anavations instttonnelles et innovations techniques, Dourdan, 47 décembre. Star, SL. 1991 « Power, Technology and the Phenomenology of Conventions. On Being Allergic to Onions », in J. Law (ed), A Sociology of Monsters? Power, Technology and the Modem World, Oxford, Basil Blackwell, p. 27-57. Sua, $. L, & Griesemer, JR 1989 ”« Institutional Ecology, “Translations, and Boundary Objects. Amateurs and Professionals in Berkeleys's Museum of Vertebrate Zoology, 1907-1939 », Social Studies of Science, 19, p. 387-420. Straus, A. 1992 ‘La trame de la négociation. Sociologie qualitative et ineractionnisme, Pasi, UHarmattan. Sylvander, . 1993 « Le be dela certification dans Févolution des modes de coordination :Tagri- culture biologique, du réseau a industre », Ecole dé Changement des orga- rnisations, conventions, régulations, INRA, Hyéres, 27.30 Septembre. TnEvenot, L 1986 «Les investissements de forme », in Id. (ed.), Conventions économiques, Paris, Presses universitaire de France (« Cahiers du Centre études de lm: loi») p. 21-71. 1989 « Economie et politique de Hentreprise; économies de Fefficacité et de la confiance », in L. Botanski & L. Thévenot (eds), Justesse et justice dans le travail, Pats, Presses universities de France (« Cahiers du Centre études de femploi») p. 135-207. 1990 « La politique des statistiques: les origines sociales des enquétes de mobilité sociale », Annales ESC, 6, . 1275-1300, 19900 « Liaction qui convient», in P. Pharo & L. Quéré (eds), Les fommes de faction sématiqu esociologie, Pars, Ed. de FEHESS (« Raisons pratique » 1), p. 38-69 1992 «Jugements ordinates etjugements de droit», Annales ESC, 6p. 1279-1298, 1993a_« Essai sur les objets usuels: proprités, fonction, usages», in B. Conein Dodier & L. Thévenot (eds), Les objets dans Lacion, Pris, Ed. de YEHESS, ( Raisons pratques » 4), p. 85-111. 19930 « Standard-stting processes and modes of coordination », Colloque intema~ tional Standards, innovations, Competitiveness and Policy, SPRU - OECD, 10-12 novembre, Université de Sussex. Un gouvernement par les normes 241 199%4a_ « Statistique et politique: a normality collect», Pt, 25, p 5-20. 19940 «Le régime de familia: des choses en personnes», Gndss 7, p. 72-01. 19940 « Objetsen soci. Suir les chowes dans tous leurs tas» Aline, 21.7487 19950. « Des marchés aux normes», in G. Allaire & R. Boyer (eds), ka gree ran Jemation de Vagricuture. Lectres conventonnaistes et reulatonnistes, Paris, INRA-Economice, p. 331 1995b_« L'ction en plan», Socolgie de aval, XXXVIL (3), p. 411-34, 1995c « Emotions et évaluations dans les coordinations publiques », in P. Paperman & R. Ogien (eds), La couleur des pensées. Emotions, sentiments, intentions, Paris, Ed de TEHESS (« Resons pratique » 6), p. 195-176 19963 « Mette en valeur a nature disputes autour darénagements del ature en France et aux Etats-Unis », Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et poli tiqu, 4, p. 27-50. 19966 «Pragmatic Regimes and the Commerce with Things; from Personal Familaization to Public Qualifications », Colloque Practice and Social Onder, Université de Bielefeld, 3-6 janie (parse dans K. Knot Celina de T. Schack (6d), Social Practices). 1996 « La normalisation dans les relations économiques», in F.Casabiance & E. Valeschini eds), La qualité dans agroalimetaire émergence d'un champ de recherches, Pais, INRA - SESAMES, rapor: de recherche. 1997 Le savoir au traval,Ateiution et dstrbution des competences selon les régimes pragmatgues ». in B. Reynaud (ed), Les lites de a rational. 2. Les figures collet, Paris, La Découver,p. 299-321 par. « Prapmatiques de a connaissance», in A. Boz A. Bouvier & P. Phar (eds), Socialoge et connaissance. Nowvelles approches cogntives Pari CNRS Editions. ‘Tévenos, L, Kestous,E. & Normand, R 1996 Coordinations économiques par des normes de qualité; approches écono- ries et juridiques dela normalisation. vl. 3, Pris, Inst international de Par-La Défense, rapport activité pour le ministre de la Recherche, 291 muh, Vieille M de (Gos Ia présence de) 1996 "Donner un nowwelélan 2a formation professionnelle, Paris, Rapport dela mission confge pa le ministe du Travel du dialogue socal td a parc pation. Wagner P 1996 Liberté et discipline, Les dew crises de la moder ua. fr. J-B. Grasset, Paris, Mea. Wisi, A 1989 Les jgements dans ocr de crit» nL. Botanski & L. Tévenot (ed), uses et justice dans le travail, Pais, Presses universes de anc, («Cahiers da Centre dues de temple » 33), p. 67-11

Vous aimerez peut-être aussi