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: 2 Cope he dow ee Cateus, faite a Yai COLLOQUE Carte -b, carlis >) « BCOLOGIE HUMAINE ET GESTION DU MILIEU DANS L'ECOTONE FORET-SAVANE D’AFRIQUE CENTRALE » (MINE 15 Nov. 2007 ENVIRONNEMENT - ESCLAVAGE - ETHNOGENESE: INVASION BAARE-TCHAMBA DANS LE CONTACT FORET-SAVANE, AU SUD ET SUD-OUEST DU PLATEAU BAMILEKE (c. 1750-1850) par ELDRIDGE MOHAMMADOU: Centre for Trans-Saharan Studies University of Maiduguri Maiduguti (Nigeria) RESUME La reconstitution de l'invasion Baare-Tchamba du rebord méridional du plateau bamiléké et de son pourtour fin 188-début 198 sidele offre Poccasion rare de découvrir un trindme aux composantes apparemment étrangéres les unes aux autres: 1- Environnement: une péjoration climatique majeure (¢.1738-c.1756) provogue une importante migration humaine (les Baare-Tchamba) de la haute Bénoue jusqu’au contact foré!-savane plus au sud, 2- Esclavage: le poids démographique prolongé sur des points de cette zone provenant de Ja traile Atlantique, dont les Baare-Tchamba sont les agents, résulte en une savanisation durable du contact. 3+ Etlnogenéses: dans un contexte d’amélioration climatique qui succéde, la cessation de Ia traite bloque Jocalement les demiers contingents d’esclaves 4 exporter, provoquant tn double phénoméne: Mun naturel, fa reforestation; l'autre humain, la formation d’ethnics nouvelles, La constant interaction entre ces trois paramétres a éé identfige pour la période 1750-1850 dans les secteur - Mbam - Noun - Makombé - Bangangté - Banounga - Bana - Plaine des Mbo - Mélong - Manengouba. ABSTRACT Environment-Slavery-Ethnogeneses, Baare-Chamba_invasion_in_the forest-savannah_contaet_south and southwest of Bamileke Plateau (c.1750-18: Reconstructing Baare-Chamba invasion of Bamileke Plateau southern border and its periphery end 18th.- carly 19th. centuries, offers a rare opportunity to discover a closely knitted, though seemingly distinct, three- component whole: 1- Environment: a lengthy drought episode (c.1738-c.1756) triggered off a major human migration (the Baare-Chamba) from Upper Benue valley southwards to the forest-savannah fringe. 2- Slavery : demographic pressure on this zone deriving fom Aiantic slave trade, whose agents were the Baare-Chamba, resulted in a lasting savannah encroachment upon the contact belt 3- Ethnogeneses: occurring in a context of climatic improvement, cessation of slave trade got the last groups of slaves to be exported locally stuck, engendering a double phenomenon: a natural one, reafforestation; a human one, emergence of nev ethnic entities. The repeated interaction between these three parameters is examined for the c.1750-1850 period in the following areas: = Mbam - Noun - Makombé - Bangangté - Banounga - Bana - Plaine des Mbo - Mélong - Manengouba, INTRODUCTION L’invasion Baare-Tchamba est un fait historique, enregistré localement sous divers noms & travers le Cameroun central, du plateau de I’Adamaoua & la Sanaga, et plus au sud dans la forét; du Mbam au Ndé, et plus loin sur ensemble des Grassfields. La dénomination générique « Baare- Tehamba » facilite la nécessaire synthése sur cette vaste aire. Outre ce label, notre hypothése porte sur fa reconstitution du fait dans son ensemble et de son impact. (B. Mohammadou 1986, 1990, 1991, 1999a, 1999, 2001). Ses effets multiples (démographiques, socio-politiques, économiques, linguistiques et culturels) affectérent tant de populations de cette sous-région et a la méme Epoque que qualifier le phénoméne de « facteur Baare-Tchamba » ne semblerait pas exagéré. Le réexamen des histoires régionales, locales et ethniques selon cette perspective pourrait permettre de dégager des interprétations nouvelles ou d’apporter des réponses & nombre de points demeurés obscurs. Nous tenterons de démontrer ici que la portée de Pinvasion fut aussi @ordre écologique, dans la mesure oit, durant la seconde moitié du 18é siécle, la stabilisation prolongée du contact forét-savane A une latitude bien plus méridionale que celle d’aujourd’hui résulta de la présence des Baare-Tchamba, Une invasion, par définition, implique globalement un mouvement de masse. A P’échelle locale, cependant, le nombre des intervenants se réduit la plupart du temps & une minorité, déclenchant toutefois de considérables mouvements de populations un temps relativement réduit. Une fois les exivahisseuts mattres de la place, intervient alors le processus dabsorption par la population affeetée des éléments allogénes, et ceci dés Ia génération suivante, Le rythme Pintégration est particuligrement rapide dans la sphére politique; la légitimité du pouvoir et sa pérennité requiérent en effet une « nationalisation » immédiate de ses détenteurs. Voici les observations, intéressantes mais pas toujours convaincantes, que notait déja A ce propos Mary Kingsley (1897: 400, 402) s’agissant des Benga, population du littoral gabonais issue, avec les Fang, des migrations septentrionales: ‘These Benga were once an exceedingly powerful and proud tribe... old days they were busy making war on their neighbours, elephant hunting, shipping other people as slaves to slaving vessels...Great hands at the slave trade were the Benga...But gone is their glory, and in a few years more the Benga will themselves have gone to join the shades of the tribes that were before them in this land, leaving behind them no sign, not even @ flint arrow-head, to show that they ever existed, for their wooden utensils and their iron ‘weapons will rt like rag in the hot moist earth; and then « finish ». It always seems to me a wonder we have so many traces of early man as we have, ‘when one sees here in Aftica how tribe sweeps out snother tribe that goes like the foam of broken wave into the Kivigkeit before it, leaving nothing after the lapse of a century to show it ever existed...The chief is dead. The village is dead, « Palaver done set», s0 the historical tradition fades out like smoke. Crest exactement ce qui s’est passé pour les Baare-Tehamba dans notre zone d°étude: ils sont venus, ils ont vaincu, fondé des chefferies, exporté des masses d’esclaves sur Douala au point de battre un record. Lorsqu’ils ne chassaient pas "homme, en effet, ils chassaient Péléphant Ensuite, ils disparurent completement de la scene... « pour létemité ». Du moins en apparence, autres peuples leur succédérent..Effectivement, si les Baare-Tchamba furent en mesure approcher le littoral Atlantique et convoyer (ant de captifs & destination des bateaux négriers, c'est gue, du fait dune sécheresse particuliérement prolongée, Ia savane se trouvait & peine & une centaine de kilometres de la cote, alors qu’aujourd’hui elle en est séparée du double clu fait de la reforestation. D’autre part, loin de s°étre dissipée comme de la fimée, cette minorité conquérante a fondu dans la masse, a &€ absorbée par elle, pour resurgit & (ravers des populations et des chetferies renouvelées qu’clle avait contribu A mettre en place. 11 appartient 4 Phistorien - que n’était pas ’attachante Mary Kingsley - de dévider dans les détails Pécheveau des événements et de présenter un tableau qu’il espere plus ajusté aux faits réels, (000 000 t/t) unoazog uwossy SaNFI> ppunoeg we ZTAAON equets, eTenodg yeseqeg Peat wae Bueqos¢ goOLTINYILY seaete9 e- 4 4 I- LES BAARE-TCHAMBA DANS LA ZONE MBAM - NOUN - MAKOMBE La région traitée est comprise entte le Mbam au notd-ouest de Bafia, pays des Bapé, Kalong, Ponek et Yambeta, d’une part; Pinterfluve Mbam-Noun, pays des Balom; puis le Noun - Ndé-Makombé, pays des Nyokon, Bandem et Bakwa, d’autre part. Au nord, dans la bande Bafia- ‘Makénéné, prédomine actuellement la savane boisée, alors qu’au sud de Makénéné commenee Ja forét humide, qu’on trouve également dans les foréts-galeries bordant les cours d’eau (Elouga 2000: 135). Le scénario proposé est le suivant. Selon la synthése des hypotheses présentées antérieurement (Mohammadou 1999a, 1999), la région a constitué le earrefour de deux courants de Pinvasion Baare-Tehamba fin du 18é-début 198 sigcle: I’un est issu de la région de Bafia et balaie toute la rive droite du Mbam au nord-ouest avant de longer la vallée du Ndé et le rebord méridional du plateau bamiléké cn direction de Bana; le second courant provient de Nditam en pays Tikar, traverse le pays Djanti avant que de se projeter dans 'interfluve Mbam-Noun en région Balom. «La fragmentation et Pimbroglio ethniques caractéristiques de cette région » (M, Dieu et al. 1983: 51) dénote qu’elle constitua une zone privilégiée non seulement des raids suecessifS conduits ici par ces envahisscurs, mais de Pintérét particulier qu’ils lui portérent; ensemble de données que nous tenterons de discerner. Car, pensons-nous, les Baare-Tchamba furent Vorigine des ethnogendses conduisant au kaléidoscope umain actuel de la région. Opérant & cheval, leurs mouvements n’ont pas dd se heurter aux obstacles naturels, que représonteraient aujourd’hui les innombrables avaneées forestiéres dans In zone, Nous montrerons qu’en effet environnement devait étre plus ouvert et perméable, rendant plus aisés les va-ct-vient des bandes montées, puis leur fixation finale dans la région 1- Présence desBaare-Tehamba Lhypothtse de cette présence se base & la fois sur des sources éerites et des ethno- toponymes locaux. Les références éctites (Mohammadou 1999a: 94) sont celles de Koelle (1854: 20) signalant tun raid «Bale » chez. les Kalong, que Chilver (1981:466) date de c.1816. ‘Tessmann (1934:20-22) rapporte deux attaques sur le pays Bafia de cavaliers venus de Ia rive gauche du Mbam, daprés Ini par les Foulbé ct Bamoum, raids qu’il place c.1850; pour des raisons dordre technologique et chronologique, nous situons ces interventions beaucoup plus t6t, c. 1750-c. 1800, et les attributions aux Baare-Tchamba (Mohammadou 1999a:94). Le témoignage de la tradition orale tant locale (Wilhelm 1981:444) que recueillie en amont, a Tibati (Mohammadou 1999a:95) recoupe ces attaques sur Bafia et méme une autre sur la région de Ndikiniméki, Concernant Ponomastique locale, il se révéle que chez les Baare-Tchamba, bon nombre de toponymes dérivent dethnonymes et de patronymes, eux-mémes majoritairement des désignations cethniques (lignages, clans etc.). Ces toponymes locaux constituent l'un des meilleurs indicateurs du passage des Baare-Tchamba dans une zone, puisque ceux-ci ont rapidement été absorbés par les autochtones et que la tradition locale les intégre aussitét comme |'une de leurs composantes ethniques. Linguistiquement ces noms étrangers subissent également un processus d’assimilations selon la phonologie des langues en présence. Ces phénomenes d'appropriation sont relativement rapides et résultent de nos jours en une oblitération quasi complate de ces apports extérieurs. D'oti la valeur inestimable des cartes allemandes, les premiéres & transcrire ces toponymes, et ceci malyré cur restitution souvent approximative. c’est précisément & partir des indications fournies par la Moisel G2.Jaunde, 1913, que nous extrayons les données ethno-toponymiques se rapportant & notre zone d’étude; sur [a carte, en effet, partie de ces toponymes sont suivies du patronyme du chef de village en fonction a I’époque. C’est ainsi que, d°est en ouest, l'on a: 5 Gah, dans une zone de forte intervention Baare-Tchamba (Kalong), pourrait correspondre & ga (dans gard), «chef» en tchamba-Iéko, ex.: Gawolbe, Gamana, Galega, 'habitude des envahisseurs éant de dénommer leurs camps de guerre daprés le patronyme du chef de la place. Ici le second élément du nom se serait estompé. Ga est souvent prénasalisé et suffixé: Balinga, a Pest de Bokito, équivalant a Bali-nga, « le chef des Bali ». -Dii, entre Gah et Kalong, pourrait correspondre a T'ethnonyme désignant les Dourou, représentés dans les groupes pluri-ethniques Baare-Tchamba principalement par Ie clan Pa’ani (Mohammadou 1999b: 65). Cet ethnonyme a été identifié dans d’autres aires de leur parcours, notamment entre ‘Takum et Kashimbila dans le Taraba (actuel Nigéria), ou sous la forme de patronyme de leurs chefs, du pays Tikar au Katsina Ala en passant par Bamenda: Gadi / Gati, Mudi / Mut. Du pays yambeta & colui des Nyokon se succéde une série dethno-toponymes désignant des clans majeurs composant les Baare-Tehamba, a savoi - Nyong / Nyonga (6x. Bali-Nyonga prés de Bamenda): Bayong pres de Ponek ( «Bajong » en allemand), Mbayong (« Mbajong ») entre la Molo et I"Inoubou en pays Nyokon, et précisément Nyokon, restitution de Ny’on/Nyo’ong, autonyme de Pethnie en question. Ces noms seront analysés en détail phis loin & propos de la traite Atlantique ef de Pethnogdnese des Nyokon. = Dong/Donga, une autre composante majeure des Baare-T'chamba, est fortement représenté dans les ethno-toponymes de la région: « Kargashi, » village haoussa, dont le chef est Donga, lieu ott probablement s*éléve aujourd’hui Makénéné, localité non indiquée sur la carte. - Tonga, chef d'un village situé plus loin sur la piste de Bangangté ct dénommé « village de Lagossiens» ou «village des gens de Lagos» (Lagosdorf en allemand), probablement des porteurs et soldats recrutés pat les Allemands & Lagos, et qui aprés l’expiration de leur contrat se seraient installés 1a. D'aprés sa localisation ce village pourrait étre 4 Porigine de Pactuel Tonga. Pour nous « Tonga » et plusieurs .0 » plus a sud en pays Bandem seraicnt une comuption de « Donga ». - Bandonga, avec les variantes actuelles Bandounga, Banounga, Banonga, plus en amont du Naé, pourrait devoir son nom & des éléments fondateurs du clan Donga des Baare-Tehamba, Ceux-ci, en compagnic 4°éléments Nyong, d’aprés la tradition ‘examinée plus loin, seraient d’ailleurs venus du pays Yambeta. + Bua, Mbua, Moa, Mbong dans Fombong, représenteraient une autre composante originelle majeure des Baare-Tchamba qui s'étaient installés dans Ia région, & savoir les Mbonga ou Mbong ou Mboa ou Mbua (Mbwa) connue dans la Haute- Benowé en tant que Bare, Baari, Buri, Puuri, dont les clans étaient les Ngong / Nkong / Kong, Mbaama, etc.(Mohammadou 1999b: 60-64), qui sont devenus ici dans la région qui nous conceme, des toponymes: Bangong et Ngong chez les, Balom, les nombreux (N) gong, (N) kong, (N) gongo, (N) kongo, Nkongbayong (Nkongbayong, « village d’esclaves Bayong »), Bekong, Ndogngong, bien que plus Pon se rapproche du pays Mbo vers l’ouest, o Kong veut dire « village », plus il y a risque de confusion, La majeure partie de ces Baare / Buri étaient au départ des locuteurs de langue Jarawan Bantu, dans laquelle « homme/gens », « peuple », se dit bua / bwa, abwa / abwa, buana / bwana, bana (Meck 1931, 1: 63), indiquant que ethnonyme Bua qui figure 4 cété de Nyokon sur fa Moisel pourrait Jeur étre 6 da. L’on observera que le doublet Bua / Nyokon (en langue baare-tchamba) et Baare-Nyonga (également en baare-tchamba) sont révélateurs de association &lroite des doux composantes ethniques majeutes de cette migration issue de la Haute-Bénoué, justifiant de nouveau le bien-fondé du label que nous avons choisi de hui donner: « Baare-Tehamba ». = Ndom, omniprésent dans la région comme sur ensemble de l’aite de parcours des Baare-Tchamba au sud de Tibati, semble représenter la composante Tikar du mouvement, ceux-ci étant dénommés par les Vouté Ndédm, Ndddmbé, Ndémmé: Dans le croquis accompagnant son rapport, Von Stein (1910: carte) indique & plusieurs reprises ce toponyme entre Ngambé-Babimbi et Mbang (ou Kondjok). - Bandem, ethnie établie sur la Makombé au nord de Yingui et au sud des Nyokon. Elle est aussi localement désignée comme Ndem, nom de deux villages sur les rives de Ia Makombé: Ndem | et Ndem 2. Lexamen de I’ethnogendse des Bandem plus bas en nous rameénera aux Tikat, en partie ancétres supposés des Bandem, Quoi qu’ soit, deux toponymes identifies dans le méme secteur sur Ia Moisel sont révélatet ace titre: Ngambé et Kébé (autre dénomination de Bankim ou Kimi). 2- Environnement favorable Notte hypothése ici est qu’a Pépoque des interventions Baare-Tchamba dans la zone Mbam-Nouti-Makombé vers 1750-1800, les conditions naturelles devaient étre plus favorables que colles d’aujourd’hui pour permettre le déplacement du cheval. En d'autres termes, la limite forét- savane devait se situer beaucoup plus au sud qu’actuellement, Plus précisément, pour que les Baare- Tchamba fussent en mesure d’implanter une base avancée A partir de laquelle se sont constituées un nombre d’ethnics, la ligne du contaet devait passer vers la zone de confluence Nkam-Makombé. Il y aurait eu alors & cette époque un continuum de Ja savane au sud de Bafia a partir de ta Sanaga sur Ngambé-Babimbi cn ditection de Yingui, puis sur Ia rive droite du Nkam jusqu’a la plaine des Mbo et son rebord auraient constitué -daprés les vues présentées plus bas - le couloir d’une intense activité des raids Baare-Tchamba a cette époque. Cette hypothése est fondée sur les données de Phistoire climatologiques du 18é et 198 sidcles dune part, et sur la théorie de la transgression forestiére sur la savane au cours de la méme période dautre part. En effet, en se basant sur les travaux de Sharon Nicholson (19812, 1981b, 1986), l'on peut recenser, pour la période qui nous intéresse, les grands épisodes de sécheresse suivants ayant affecté ensemble du continent afticain ou iat bande sahélo-soudanienne et susceptibles ’avoir entrainé ou favorisé le recul de la foret et l'avanege de la savane dans notre zone d étude: 1. Within the centuries of relatively humid conditions in the semiarid subtropics, several major drought episodes oceurred. In the Sahel, one such episode lasted for about seven years in the 1680s (1981a: 253). 2. For nearly Gyo decades, from ©1738 to c. 1756, a severe drought, accompanied by famine, ravaged the West African Saliel an d Soudan (1981b:37), 3. A third drought episode eulminating in the 1820s and 1830 may be traced ‘throughout the continent and seems to signal a general trend towards increasing aridity gaffer 1800... Some drought-affected areas ineluded..Chad, Norther ¢ flow of the Nile was very weak, and Lake Chad in effect dried up 2115), 4. This general dessieation was followed within decades by conditions considerably wetter than those occurring during the present century (20th) (1986: id). 7 Quelle relation établir entre ces épisodes de sécheresse, le mouvement Baare-Tehamba, la traite des eselaves et la position locale du contact forét-savane ? D’apreés les estimations basées sur la traditions orale c*est dans le cadre du second épisode que nous plagons Ie déclenchement de Pexode Baare-Tchamba & partir de Ia Haute-Benoué, mouvement qui se transforme rapidement en une invasion. Dés c. 1760 Pun de ses courants se trouve engagé dans Ia traite Noun-Makombé-Wouti. Ce qui voudrait dite qu’a celte Epoque déja, la limite forét-savane dans cette région avait déja considérablement reculé vers le sud en direction du confluent Nkam-Makombé.-La fin du 188 et le début du 198 sidcles (1760-1804) connait les cing décades Jes plus actives de Ia traite dans la région, puisque de 1000 en 1750 les exportations dPesclaves passent 42 000 entre 1760 et 1804 (Auisten 1995: 152). L’aceroissement extréme du poids démographique s*exergant dans les limites d’un (ertitoire restreint, - le contact oit s’étaient Alablis ces guerriers de la savane et demiers intermédiaires avant la savane sur la forét, et ceci méme aprés une amélioration climatique de courte durée, Le début du 198 sigele s'accompagne dune tendance climatique a l’aridité, avec des pointes dans les années 1820-30, Cette période correspond a celle de Iexpansion maximale des Baare- ‘Tohamba dans les Grassfields, Par ailleurs , Pon sait que, malgré son abolition en 1807, Ia traite se poursuivra sur Douala jusqu’en 1847 (Austen ibid.: 152). Finalement c’est (une période d’une cinquantaine d’années (1847-1900) dont Ia forét disposera pour reprendre son empi¢tement sur ka savane, compte tenu de I’humidité retrouvée. Et ceci a un rythme d’autant plus accélérée, pensons- nous, que l’activité hautement profitable que représentait ia traite avait dd vider Parritre-pays de Douala et Yabassi. Par contraste, Ia savane aurait perduré au sud de Bafia aprés les épisodes arides, du fait de la démographie relativement élevée s’expliquant par l'apparente absence, localement, de Ia traite, Quel est le tracé de la limite forét-savane dans cette région de nos jours, quel était-il vers 1900, cent ans auparavant? La carte CGN 1978 au 1/500 000 (Yaoundé, Bafoussam, Buéa-Dovala) montre que le contact passait déja par Ndikiniméki, entrain d’étre gagné par Ia forét, Makénéné encore en savane avec de fortes avancées forestidres vers le Noun. I en est de méme pour Tonga ot Ja vallée du Naé est totalement envahie par la forét enserrant Banounga, Bagnou, Batcha a la limite, avec de fortes avancées sur Bazou et Bana. Qu’en était-il au début du 208 siécle ? Nous basant sur la Moisel G2. Jaunde 1913, la situation était la suivante: Ndikiniméki est déjé en forét, mais Makénéné et Tonga sont en savane, ainsi que toute la vallée du Ndé avec Banounga et Bagnou. Ici la savane s’étend bien plus au sud, descendant jusqu’d Bossa pas loin de Tongo, en forét avec le cours de la Naipé; la ehefferie de Batcha est encore en savane, alors que partie de son territoire méridional est deja en forét. Le phénoméne de la reforestation de Ia savane et son rythme accéléré au cours des années 1950 étaient ‘encore demeurés inconnus pour le Cameroun jusqu’a ce que Letouzey les signale (1968: 230 seq.), faisant observer qu'il avait déja affecté diverses régions de I’ Afrique situées au nord de ’Equateur, et ajoutant qu’en dehors de la haute Sanaga, Bertoua et Batouri qu’il avait étudiés, cette transgression devrait probablement étre identifiée dans d’ autres zones périforestiéres du Cameroun, notamment dans Ouest et en particulier dans fe bassin du Mbam, précisément notte champ etude, 3- Makombé-Yabassi-Douala, voie majeure de la traite Atlantique Outre lenvironnement de P’époque rendant les movements de la cavalerie Baare-Tchamba plus aisée, un ressort économique déterminant devait stabiliser partie de invasion dans la région Mbam-Noun-Makombé: la découverte de la voie de la traite des esclaves en direction du litoral Atlantique. és le départ, dans la Haule-Bénoue, Vesclavage, la capture des esclaves et leur vente Gtaient des pratiques courantes chez les Baate-Tchamba, ot étaient organisées de petites expéditions & cheval dans ce but (R.Fardon 1988 pour les Tchamba; E, Mohammadou 1983 pour les Bare). 8 Aprés l'exode vers le sud et sa mutation en invasion, ce phénoméne prit une tournure systématique, laquelle s'accentua au fur et & mesure que le mouvement se rapprochait de la mer. Au début, les cenvahisseurs suppriment indistinetement tous les adultes, jugés comme des dangers potenticls ow inutilisables, alors que les jeunes gens sont incorporés pour regatnir leurs rangs, les filles devant servit de reproductrices, les gargons de soldats, Une seconde phase intervient au moment des premiéres implantations oft la main d’ocuvre servile est requise, tant pour creuser les tranchées défensives, élever les palissades internes, construire les habitations, que pour cultiver les champs et défendre Ie lieu, On élimine les femmes et bébés eneombrants, les adultes irrécupérables et les vieillards, alors que hommes et femmes dans la force de ge sont conservés. Une troisiéme phase est atteinte lorsque des acheteurs se présentent et que la commercialisation des captifs en échange de biens divers devient possible. Nous avons suggéré que ces premiers acquéreurs furent les Kanouri (1999b:83-84), Un marché intérieur apparut alors dés c. 1750 au niveau de Tibati-Banyo, dont les produits étaient destinés an Soudan central et plus particuliérement Je Bornou et la Méditerranée par le biais du commerce transsaharien, Ce réseau commercial prévalut tout le temps que le front de Pinvasion progressait jusqu’a la Sanaga, puis le Mbam, Un nouveau marché se révéla alors au niveau de Bafia-Makénéné lorsque avancée Baare-Tchamba cut atteint la région qui nous concerme avant 1760. Ils découvrent & ce moment Ia voie commerciale dgja existante qui entait Ia traite Atlantique le long de la Makombé et du Wouti en direction de Douala (Austen 1995), a laquelle ils se raccordent quasi automatiquement. La demande était si forte, les profits si élevés en terme de biens acquis en contrepartie (sel, armies & feu, powdte, perles, etc.), que la capture des eselaves et leur vente devinrent un mobile puissant et finalement déterminant pour une relance de Pinvasion. Une fois équipés d’atmes & feu, de prédateurs les Baare-Tchamba devinrent des super-prédateurs, Ces motivations nouvelles détermin’rent principalement trois de leurs clans majeurs a planter dans cette zone et & accaparer ce commerce fiuctueux, a savoir les Nyong, Dong et II s*agissait plus précisément d’alliances pluti-cthniques oii prédominaient ces trois clans originels, et dot provensient les chefs de bande, Patmi eux les Nyong vont des le départ oceuper Ia place de principaux intermédiaires, leurs divers groupes contrélent toute la rive droite du Mbam, pratiquement & partir de Bafia jusqu’A Makénéng; toute la rive droite du Noun et du Naé jusqw’au niveau de Tonga; sur la Moisei deux villages portent encore leur nom et pourraient représenter des centres principaux: Banyong, entre Yambéta et Kon, puis plus au sud, entre Boua et Ndokobilak 1, actuellement en pays Banen, un Mbanyo, non loin de la Makombé. De ce fait, les cétiers dénommaient indistinctement Banyong ou Bayong, tant les esclaves en provenance de cette région, les divers intermédiaires de amont 3 partir de Yabassi, que les populations y habitant (Bandem, Nyokon, Banen...) (Dieu et al. 1983: 53, 106) . D. Abwa (1995: 109, 111) indique que les Banen ‘dénomment biyong (sg. moyong) une calégorie desclaves, ef que les intermédiaires Banen les plus méridionaux étaient les Efombo, riverains du Nkam. Pour nous, ces indications recoupent nos propres hypothéses exposées antérieurement. la dénomination Banyong / Bayong, qu’il convient de comprendre comme ba-Nyong, les Nyong, le clan Baare-Tchamba, s*appliquera ultérieurement & coux d’entre eux qui ravagerent les Grassfields, et Je Bamoum notamment, et furent liés au commerce des esclaves en direction de Douala et Calabar (Warnier 1985 : 174-76; Mohammadou 2001:284-5). Les régions d’approvisionnement furent dans un premier temps les tesritoires deja parcourus du Cameroun central, & savoir de la haute Sanaga au Mbam, puis ultérieurement le pays Tikar et les Grassfields. La plupart des pistes précoloniales conduisant de Vintérieur vers la cdte ‘Atlantique, utilisées en dernier Tiew par les caravaniers haoussa, ont dii convoyer en direction dia sud des files d’esclaves destinés & I’exportation trans-Atlantique. Ce fut particuliérement celle conduisant jusgw’a Nditam, puis plus au sud jusqu'au niveau de Deuk pour franchit le Mbam en pays Balom jusqu’a Bangong, dou elle aboutissait au Makénéné actuel aprés avoir franchi le Now; et toujours d'aprés Von Stein (1910: carte) et la Moisel G2. Jaunde, elle se poursuivait sur Fombong-Kinding franchissait la Makombé sur Ntiba et Ngambé-Makombé, pour refranchir & nouveau cette riviére, puis Yingui avant d’aboutir a Yabassi, ot convergeaient d'autres pistes de lx traite en provenance de Bana, Bactha, Bazou via le Nkam dune part; en provenance de Bangangté- Bangoulap-Banounga-Bamumbere-Mesondung-Likombé-Nkam, d°autre part (¢f. carte). 9 La zone Mbam-Noun-Makombé représente une étape cruciale dans I’expansion Baare- Tchamba en direction des Grassfields. C’est A ces latitudes, semble-t.il en effet, que les envahisseurs font connaissance des armes & feu et testent leur efficacité meurtriére, parfois supérieure A leurs arcs et fléches empoisonnées (raditionnels. Ces guerriers nés ont vite fail de s’équiper de fusils, dans la mesure de leur disponibilité, accroissant du coup leur force de frappe et assurant Jes succés militaires et Pexpansion foudroyante quils vont connattre dans les Grassefields. A partir de ce moment aussi ils deviendront, pensons-nous, les principaux pourvoyeurs de cet armement dans Parriére-pay: La reconstitution de Ja voie de la traite Noun-Makombé-Yabassi se référe non seulement aux. Gorits antérieurs (Chilver 1961, Wilhelm 1981, Warnier 1985), mais surtout aussi & ensemble du travail collectif « Slavery and Slave-dealing in Cameroon in the 19th and early 20th centuries » (Chem-Langhié (ed), Paideuma 41, 1995). Au nombre des études abordées, celle de R.Austen (p.152) fournit une estimation du nombre d’esclaves exportés par Je port de Douala pour la période €.1600-1841 selon le tableau suivant: PERIOD NUMBER ‘COMMENTS: 1600-1750 2,500___| Annual export trade based mainly on ivory | 1750-1760 1,000 __| Still ivory, but increase in slave exports 1760-1807 Peak of Duala slave trade ‘Abolition of slave trade by Britain in 1807 but Royal Navy 1807-1841 enforcement only fom 1815, However even up to 1837 slave trade continued with Brazil and Cuba, C'est sur la base de cette chronologic que nous proposons ¢.1760 comme la date Ia phis tardive de Pimplantation Baare-Tchamba dans la zone Noun-Makombé, source principale 4 cette Epoque connue pour Papprovisionnement de Douala en esolaves. En effet, aucun autre événement majeur recensé au cours de cette période, en dehors de Pinvasion Baare-Tehamba de Varriére-pays (haute Sanaga, Mbam, Grassfields) ne pourrait autrement expliquer un acctoissement plus 4qu’expotentiel de ces exportation, Cependant, comme il sera suggéré plus loin, un autre courant du méme mouvement, également conduit par des Nyong et ayant abouti dans la région de Nkongsamba, aurait sans doute exporté des esclaves « Bayong» sur Douala sensiblement & la méme époque. Quoi qu’il en soit, malgré la demande constamment en hausse des Btats méridionaux d’Amérique du Nord, si Poffie ne se trouvait pas rapidement mobilisable dans cette partie de PAffique & ce moment-la, Pon n’aurait probablement pas assisté & cette gigantesque envolée. Le processus graduel de la participation des Baare-Tchamba & la traile tel que présenté plus haut permet, par contre, de comprendte leur connexion trés rapide aw commerce trans-Atlantique via Douala. La vaste aire de parcours qu’ils avaient couverte de Tibati & la Sanaga et au Mbam, celle que autres de leurs multiples courants étaient entrain d’effectuer du Mambila aux Grassfields,couplée a leur pratique systématique de déprédation et de terre brilée, rendaient vite disponible & la demande les dizaines de milliers d’esclaves supplémentaire exportés que révelent les statistiques. L'identification de ces razzieurs par Koelle en tant que «Bale» ou « Tibale » opérant encore vers 1815 dans la région de Kalong (Chilver: op.cit.) atteste que ce sont des Baare- Tehamba encore actifs dans notre zone. Vas du littoral, R. Austen (p. 137) résume ces changements par linterrogation suivante: Intensive Duala participation in the Atlantic slave trade began only during the 1760s, This change must largely be explained by factors outside of Duala society itelf, mainly the accelerated demand for Iabor on American plantations...and perhaps also demographic and ‘other factors in the Cameroon Grassfields. Peek re cE ace DEN G t Néikinimekiy_ tac torers 27 Love r {= NOUN ~ Max (28-196. 5.) u Effectivement les hautes terres de Ouest, réservoir humain de taille, apparemment déja a cette Epoque, allaient prendre le relais dans l'approvisionnement de la traite Atlantique du fait de fa concentration progressive de Pinvasion Baare-Tchamba vers cette zone. En tout cas, nous Pespérons, les lignes ci-dessus auront montré qu’antérieurement c'est & partir de Ia région Mbam- Noun-Makombé que ces mémes envahisseurs alimentérent abondamment Douala de la marchandise humaine. Dis le départ les groupes installés entre le Noun et la Makombé ne représentaient, en effet, ‘qu'une minime portion des courants Baare-Tchamba, les autres poursuivant leur course vers les Grassfields, ceux du Bamoum et du Bamiléké entrant en compétition avec les groupes issus des courants nord (Mambila) et nord-est (Tikar). Car ces hauts plateaux riches et peuplés attirdrent particuligrement cos prédateurs inassouvis. Et c'est A juste titre que Chém-Langhéé et Fomin (1995:192) constateront a leur tour: ‘They (the Banyang) became involved in this trade in about 1820 when a new slave route developped and transmitted slaves from the Central Grassfield through Mamfe area to Calabar, This new route superseded an earlier one which carried staves between 1690 and 1820 mainly from the Eastem Grassfields through Yabassi to Duala where they entered the ‘main stream of the Atlantic Slave trade. Malgré ce glissement progressif de lessentiel de Ia traite vers Bamenda et Calabar, les exportation sur Douala ge poursuivront jusqu’é la fin du 198 sidcle, ce commerce devent purement intérieur procurant la nombreuse main-d’oeuvre requise pour les plantations du palmier & huile, qui s*était développé sur la cOte (Austen 1995:138). Chilver (1961-237) précise méme que: « In 1847 the palm oil trade in the Cameroons Rivers had-practically ousted the Atlantic slave trade...» A Pancienne voie Mbam-Noun-Makombé s"était ajoutée plus tard une voie secondaire, qui finira par supplanter la premiére, par Bangwa et Bangangté via Bazou et Banounga respectivement sur la voie majeure Makombé-Nkam-Yabassi-Douala. 4- Les Baare-Tehamba et les ethnogenéses locales Notte zone d’étude, y compris celle de Bafia, a une triple caractéristique : une extreme fragmentation ethnique, une grande diversité linguistique et une forte densité démographique (Dien et al, 1983). Sur le plan linguistique, ces auteurs proposent une nouvelle classification des langues de la région, séparant sanaga ct yambassa du bati, le banen du bassa, pour les inclure dans un nouveau groupe dénommé Bantou du Mbam, alors que le bafia est rattaché au groupe béti dit Bantou Equatorial nord, incluant bassa, maka, kaka et langues du littoral camerounais. Sont listés aw nombre des Bantous du Mbam les Sanaga, Lémandé, Yambeta, Ponek, Nyokon, quant aux Bandem et Tikar (locuteurs de deux langues apparentées), ils sont provisoirement rattachés ce groupe. En autres termes, A l'exception des Bafia et apparentés (Njanti, Balom, Kalong et Dii), toutes les langues de ancien département du Mbam appartiennent au nouveau groupe, Ie « bantow du Mbam », Du point de vue ethnique, ajoutent tes auteurs, c'est une zone d'extréme fragmentation, nombreux étant les groupes dont l’extension se limite & une demi-douzaine de villages voire & un seul. Sur le plan historique, Wilhelm (1981: 440-47) examine l’origine de ces populations et avance que, exception dun foyer Lémandé-Gounow implanté au sud du Mbam dés le 178 siécle, toutes les autres ethnies - selon leurs traditions - proviennent du nord de ce fleuve dés la fin du 17¢ sitele: tun foyer Banen-Yambeta-Nyokon se localisait dans l’interfluve Mbam-Noun a cette époque, flanqué A lest de celui des Balom et Djanti (), alors que le foyer des Bekpak (« Bafia ») pourrait ire issu de la méme provenance. Les groupes se mettent progressivement en place au sud du Mbam dans un mouvement général nord-sud. Les derniers a le faire au 198 sigcle, sont les Nyokon, Ponck, Balom ct Yambeta, et en demier les Kalong et Dii. Toutes ces populations déja en place au 19& sitele subiront, daprés cet auteur, plusieurs raids de la part des «Bamoum et Peuls montés a cheval » 2 Sans préjuger des mouvements de population qui ont pu se produire sur les deux rives du Mbam dans notre région d’étude avant Pintervention des Baare-Tchamba a la fin de la premigre moitié du 188 sidcle, notre hypothése générale est que les divers courants d'invasion de ces deniers Voila comment naissent les dtymologies! L’on a ici ne ilustetion parfaite de ce. qu'on pouteit qualifier de « nivellemen Jémantique» des étymélogies etno-toponymiques: lorsque la traditioy ou Pinformateur ignor | Forigine exacte du yém, il se concentre du sens ordinaire donné au mb\Ie plus proche dans s} \angue. C’est ce quj’Se passe en particulier pour le cas des étymologies de plupart des chefferie} bamiléké (née = «empressement », groupe qui agissait avec hate, pour Nee ou Bana; Leng = « vist u étre habile », pour Baleng; njo = « acheter » ce groupe achetait des hommes avec de argent ow avec du gibier pour Banjoun... (Nkeuchoua s.d. : 167-68). Quant au groupe de Bali (arrondissement de Gatim, ‘A. Raynaud (1935) indique que : « La tribu tire son origine d'un lieu dit Bati nr fouti (subdivision de Foumban, d’ot elle fut chassé par les Bamoun..Les Allemands hji altribuérent une portion du territoire de Vimportante tribu de Bagam ». En fait Uhistoire de ees «Pati du Bamoum est étroitement lige A celle des Pa’eré manyit, et singuligrement des Bayong, Anstillés su. sud de Eoumban-et chassés par Mbembwgp-#845 (Mohammadou-2001 : 285)-~ Ces exemples tirés des Grassficlds montrent combien les 71 représentaient une composante universelle des Baare-Tehamba venus de loutre-Mbam et occupant le suc-Bamoum sous le nom de Pa‘aré-manyit. Leur domination s‘éendit, selon toute vraisemblance, plus au sud-ouest dans Ia région du Naé, Notre hypothése est que Bangangté (Gangté) représente tune des chefferies que les Baare-Tchamba eréérent dans cette région. A Vorigine Gang Ti, “le chef des Ti" en tchamba, a été altéré en Gang Té on Ngang Té dans la prononciation locale. En d'autres termes, un chef de groupe des envahisseurs, oii prédominaient les éléments Ti, conquiert le lieu et les populations qui s'y trouvaient pour donner naissance a cette nouvelle chefferie, Nous n'ignorons pas la version officielle faisant du chasseur Ngan (dit "Ngante”), originaire de Péko dans la chefferie de Banka, le fondateur de la chefferie de Banganglé (Nkwenga 1965: 91-129). Dans le contexte historique de Vépoque, fel que nous lavons reconstruit, cette version nous laisse sceptique. Sans parler, encore _ume fois, de étymologie du nom: "Ga refuser, et 72" = étal de vassaljlé; ce groupe d'hommes vivait LU tuclependeal oh des fer Vorrent por fa seumctiee, Hh Litetione avec ackarnemine Pe BS nets Aaftacns dite Lasser ’s Cae ") bake Lo a presser sx frac Cha LE [ Heceutelest $.aet Ab 4a En se basant sur ces deux sources locales (Nkwenga et Nkeutchoua), l'on peut émettre 'hypothése altemative suivante: la chefferie de Bangangté fut fondépar wn groupe Baare-T'ehamba partir du Sud-Bamoum avec intention de contrbler cette étape clé de la traite des esclaves entre te Bamoum et la Makombé a destination de Douala. Comme le confitme la tradition, les petites chefferies locales de base furent eréées par des originaires de la rive gauche du Noun, qui ne pouvaient A cette époque qu’étre des Pa'aré manyit, i.¢. des Baare-Tchamba du Bamoum méridional. Par ailleurs, il faut s'entendre dés le départ sur Ia réalité de Vethnie Bamoum a cette époque. L'on ne peut parler valablement de "Bamoum" en tant que "peuple" ou entité ethnique intégrée habitant le "royaume bamoum" qu’ partir de époque coloniale. La colonisation allemande en décida ainsi pour des raisons de commodité administrative et traga sur les premiéres cartes géographiques les limites virtuelles de son territoire, les plus commodes au sud étant les deux rividres Mbam et Noun, De ce fait, antéricurement, ct surtout entre 1750 et 1850, époque envisage, Jes interventions guerritres sur le plateau bamiléké & partir de la rive gauche du Noun ne pouvaient quabusivement étte qualifiées de raids ow d'attaques "bamoum", compte ténu en outre de inexistence alors de la cavalerie bamoum, comme indiqué plus haut. Au niveau de Bangangté ce ne pouvait etre que le fait de Pa'aré manyit, au nombre desquels l'on complait les ancétres des Bali- Nyonga ot autres 7%, leurs alliés, avec lesquels ils avaient démantelé et réorganisé les communautés Jocales en une série de mini-chefferies (Mohammadou 2001: 282-83). C'est l'un de ces chefs Baare- ‘Tchamba des Ti (Gang-Ti en tchamba) qui, d'aprés notre hypothése, aurait imposé sa suprématie sur Jes collectivités de base de la région pour créer la chefferie denommée daprés son titre, Gang Ti, prononcé localement Gang Té. Par ailleurs, mis & part le procédé utilisé, Yon peut se demander quel était le ressort profond de la création dans cette zone en particulier ct sensiblement & 1a méme époque, de Bangangté et de la multitude des autres chefferies en compétition les unes contre les autres. Il semble que ce fut fa yolonté de s'assurer un contréle exclusif, chacun dans son secteur, du commerce des esclaves en provenance du Bamoum et & destination de Douala. Ce méme désir d'accaparement peut aussi -expliquer les heurts constants qui opposérent ces chefferies entre elles. Nkeutchoua (Ibid.: 255,259, seq.) résume la situation par cette formule lapidaire: "Tous les chefs supérieurs du Naé furent des esclavagistes sans concurrents". Et d'ajouter: "Crest la raison du dépeuplement du Ndé. La vente des hommes ne diminua un peu que depuis 1925 dans Ouest Cameroun, l'année od les travaux forcés prirent des proportions plus inquigtantes". 3—Les Baare-Tchamba et la chefferi de Bana (Nee) Aprés une présentation des traditions locales sur la fondation de la chefferie, nous procéderons a une relecture de ces données pour tenter de dégager la part qui peut étre attribuée aux Baare-Tchamba. a) — Les Traditions. Selon étude de J.C. Barbier (1981; 337), ce sont des chasseurs originaites de Bamendou qui auraient fondé Bana, Bakassa et Badoumkassa vers 1650 apres avoir soumis des petis chefs locaux. Durant la période d'implantation, au 18° sigcle, les conquétes de Bana sont les plus vastes. Trés tt l'intérét des trois chefferies se tourne vers les régions. forestiéres du sud en direction de la Makombé, et dés lors la traite des esclaves et le trafic de ivoire deviennent activité économique essentielle qui procurent aux chefs les produits importés venus de Douala, Vers 1750 “Bana est déja intégré aux grands circuits commerciaux qui, de la céte, atteignent les plateaux de Ouest du Cameroun, et apparait comme une des plus fortes chefferies de la partie méridionale de l'ensemble bamiléké" (Barbier 1981: 338). Toutefois, Bana, comme les chefferies voisines telles que Batcha ow Banounga, fitrent la proie de raids de populations extérieures, dont les Mbélé et les Banyi. A lire cette étude sur la formation de la chefferie de Bana, ceux que nous dénommons les Baare-Tchamba, et que les autcurs appellent habituellement "Bali", ne seraient intervenus d’aucune maniére dans cette région, ni dans ce processus, ni autrement, D'ailleuss, & en croire Barbier, leur rle dans Fensemble du plateau bamiléké aurait &é mincur A cette époque et se serait cixconscrit & we Fest de la vallée du Noun avant quils n'sillent fonder Bali, S'il y ent sur le rebord du plateau de Bana des raids, ce fut exclusivement de la part de population forestiéres du sud, les MbéIé et Bandem, ef dans une moindte mesure les Diboum, voisins septentrionaux des Mbang de Nkonjok. La pression bamoum s'est fait sentir indirectement, lorsqu'au 19° siécle son autorité se fit plus forte ef son pouvoir central plus contraignant, et lorsque s'ajoutéxent 4 ces causes les raids des "Bal ‘Tehamba" dans la vallée du Noun, obligeant quelques groupes déjd constitués en chefferies, tels Bagam, Bandem, Bali, 4 monter sur le plateau & partir de la rive gauche du Noun. Mais en dehors de ces quelques exemples, "la plupart des chefferies bamiléké sont l'aboutissement d'une structuration sur place «éléments immigrés" (p. 340). Y compris Bana, pourtant qualifiée de “chefiferie conquérante", Liimpression qui se dégage de la lecture de ce texte est que l'auteur méconnait la place éventuelle des Baare-Tehiamba dans histoire originelle de la chefferie de Bana parce que probablement une partie des spécialistes des Grasfields la minimisaient encore, alors que d'autres en percevaient dja limportance. Crest ainsi que parmi les premiers, E. Ghomsi (1972: 74, 78); "Nous prendrons pour points de repére dans nos recherches des faits importants comme ... Nnvasion des Bali..." et A peu prés durant cette méme période qui se situe au début du XIX® sidcle, le pays Bamoum ainsi que Ia région de Bamenda et le plateau Bamiléké allaient subir Vasant de nnouvaurx envahisseurs: les Bali-Tehamba. Mais déja avant cet auteur, J-L. Dongmo (1969) reconnaissait la place exceptionnelle que ces Bali jouérent dans histoire des Bamiléké, puisque sur les six mouvements migratoires qui ont assuré le peuplement du plateau bamiléké pas moins de trois furent provoqués par Ja "pression" ou la "poussé" des Bali. Mais c'est surtout T. Nkeutchoua (s.d.: 187-191) qui consacre la plus grande place aux Bali, Pa'ni et ‘Tchamba, "les derniers envahisseurs redoutés de tout Ouest" (p.195). Or, la comparaison de la premiere mouture du texte de J-C. Barbier (1973) et étude finalement publiée en 1981 met en lumiére une volonté manifeste d'occulter ce r6le, tout simlplement en ne mentionnant pas les données de la tradition qui y font référence. En effet, voici ce qui est écrit dans la ‘communication originale (p. 12-13) et qui ne figure plus dans la version publiée: Au 16 siécle, la région de Bana a subi plusieurs pressions extérieues. Les raids provenaient de deux cétés distinets: les MbéMé au sud, Tes Banyi a Test. 1) — Les Mbéllé Is razziaient le rebord du plateau, cherchant sans dout & asseoir leur domination sur le conjet savane-forét, od ils pouvaient se procurer des esclaves pour les acheminer vers la edte. Nols les retrouvons dans Thistoire de Ia chefferie de Banounga oi ils sont assimilés aux Bandem... Ils disposaient de fusils de traite, sans donte plus que les habitants du plateau. 2) = Les Panyi. Peuples de savane, venant de lest, -sans doute au-dela du Noun-, armés de flgches empoisonnées — il suffisat qu'un Banyi vous touche seulement de sa fléche pour que ‘yous mourtiez ' — ils effectuérent plusieurs raids & I'intéricur du plateau. II ne stagit ni des Bamum qui starétérent au Ndé..., ni des Panyi cités par R. Delaroziére qui semblent étre les Tehamba lors de leur occupation de ta rive gauche du Noun a I'époque oit ils essayérent de prendre Foumban vers Je mileu du 19° sidele (note 23: "Les Banyi étaient pied, contraitement aux cavaliers Tchamba"). Les raids Banyi contre le site de Ndumla (quartier de Bana), aprés un informateur, remonte 4 une période plus ancienne. Le plateau était encore couvert dum manteau forestier lorsque le premier raid eut lieu... Mie Ngoknjo (p.12: ‘le premicr mfe (sous-chef) implanté dans la région de Bana") est dailleurs présenté par cet informateur comme un Banyi égaré. (souligné par nous). Deux autres raids eurent lieu, et Tes Batcha sillustrérent encore par une résistance efficace (comme ils le firent contre les Mbéilé) Or des le départ (p.9), Pauteur avait déjd indiqué que Nze Tehokongwé, un chasseur originaire de Bamendou, s‘installa dans la région de Bana, et ce sont ses trois fils qui allaient créer les chefferie de Bana, Bakassa et Badoumkassa. I apporte [a précision suivante en note 19 p.24 "Selon une version, Nze Tchokongwe aurait eté accompagné de son frere Nza Pwanyi" Curieusement dans Je texte final de 1981 Pwanyi devient Pwanji; est-ce parce quil est phis proche de Panyi ? La raison supposée de cette évacuation systématique par l'auteur des références aux Baare-Tchamba pourrait étre l'intention de ne pas contredire son postulat de l'autogenése locale des chefferies centralisées bamiléké sans intervention extérieure, ao ‘Tout en excluant une visée aprioriste quelconque plusieurs autres traditions locales peuvent conduire & supposer que Ia chefferic de Bana aurait été fondée par des Baare-Tchamba et que leur intervention dans cette partie du plateau bamiléké aurait &é décisive dans certains domaines qui nous concernient. Au préalable, il serait intéressant de prendre connaissance de la réaction & la lecture du texte original de Barbier, de Sop Nkamgang Martin, un autre spécialiste de histoire et de la culture de Ja région, alors chercheur au Centre Fédéral Linguistique et Culturel de Yaoundé (rapport inédit 1973): Bin page 3, if est inexact de dire que "les raids foulbé ne déclanchérent pas de déplacement notables de populations". En effet, qu'il s'agisse récllement de Foulbé ou atautres envahisseurs refoulés par eux, les souvenits sont encore vivaces en pays bamiléké des Pa‘ni panmikt, cest-a-dire des "Pani (Bali) aux pieds rouges". Les Bali n'étant pas rouges (blancs) pour avoir des pieds rouges (blancs), il ne peut done s'agir que des envabisseurs qui poutchassaient nos ancétres de l'autre rive du Noun sur ce cOté du fleuve, Or qui sont ces envahisseurs ? Leur description fait bien penser aux Foulbé fels que nous les connaissons aujourd'hui... Quion éerive "Banyi" ou "Panyi”, il s'agit 14 encore des Pa’ni ces fameux Bali si redoutés comme pourchasseurs des Bamiléké. Le souvenir de leur invasion est universel ‘en pays bamiléké. Les progés de la recherche historique nous permettent aujourd'hui dindiquer qu'il ne pouvait slagir de Foulbé mais bel et bien des Baani/Ba'ni, clest-i-dire des Baare-Tehamba {Mohammadou 1986, 2001). Quant au qualificatif de "pieds rouges", d'autres populations voisines dénommerent ces mémes envahisseurs de "bouches rouges" (Bantsiw/) dans la région de Bamenda (Nkwi et Wamier 1982 : 82), ou de “grosses tétes" (Mbirba) chez les Kondja de Banyo (Mohammadou 1991:262), descriptions qui se référent & leurs chevaux, compagnons inséparables des Baare-Tehamba. Slagissant a présent du nom de la chefferie et de ceux de ses fondateurs, Sop Nkamgang, dans le méme rapport, apporte une autre contribution précieuse: J.C. Barbier n'explique pas Je mot Bana, ni ne donne Pappeltation autochtone du mot. Or Bana=néé dans la bouche des indigénes. Il signifie "chasser", Les Bana, ou mieux les Pa Néé, sont des envahisseurs. Ceci correspond histoire de Ta fondation meme de cette chefferie telle que rapporiée par J-C. Barbier Ii aussi. En effet, selon M, Yitembé ‘Tohouanougou Joseph, 75 ans, les premiers envahisseurs Bana, ceux du moins de la souche princiére, seraient des descendants des Foulbé. Ils ont des traits physiques et une conception de la chose économique assez. différent de lensemble des Bana... En effet, le terme "chasscur" tel que souvent utilisé dans ia tradition — ici comme ailleurs, mais ici plus qu’ailleurs-peut paraitre ambigu, mais nous semble plut6t ambivalent: chasseur animaux ct chasscur d’hommes. Pour les chefferies bamiléké, A. Raynaud (1939: Baham) relevait gj 1 est curieux de noter que presque tous les villages de la subdivision font identiquement remonter leurs origines & des familles de chasseurs. La chasse, surtout celle de Péléphant, était la principale ressource de ces familles, tres eertainement *chassées" de leur habitat par F'invasion des Sultans du Nord, disloquées et la recherche d'un nouvel asi. Pour les Baare-Tehamba, dlés la Haute-Bénoué leur région d'origine, nous Vavons rappelé (Mohammadou 1999a: 85-86), I'un n’aliait pas sans l'autre. Plus tard, en pays envahi, entre deux raids les guesriers s‘adonnaient la chasse au gibier, ressource nécessaire et toujours disponible & 'époque pour alimenter leurs bandes en mouvement, Puis, a la suite de l'une des scissions si fréquentes des groupes, un sous-groupe se détachait et partait de son cété a la recherche d'un autre village a attaquer, abattant des animaux en cours de route pour Ia cuisine du soir, jusqu’a ce que fa nouvelle proie humaine se présente. On s‘empare alors du village ou de fa chefferie, des femmes du pays avec lesquelles on procrée, [a minorité conquérante étant totalement ethniquement assimilée au bout de deux générations. Quelle famille royale, sous quels ciewx, se dita descendants conquis d'une 2d poignée 'étrangers ? D'od Ia version préférée du chasseur d'animaux qui partage généreusement sa viande pour finalement s'emparer du tréne. ‘Au nombre des autres traditions (Kovalsky 1973: Bana), Happy Joseph, le chef de Bana de Tépoque, résumait la question des origines de la chefferie de la maniére lapidaire suivante: Les Bamiléké ont fui, venant du Nord, chassés par les Pani (les Bali). Ce sont les gens de Baleng qui ont traversé les premiers le Noun, Les gens de Bana viennent de Bamendou. En conclusion, méme la tradition locale bamiléké suggére une participation, directe ou indirecte, des Baare-Tchamba dans la création de la chefferie de Bana. Qu'en est-i] de notre reconstitution ? b) Perspective Baare-Tchamba, Reprenons chacun des aspects de ta tradition de Bana et tentons de démontrer leur lien avec 'invasion Baare-Tchamba supposée de cette partie du plateau bamiléké, La chefferie de Bamendou, dont le fondateur de Bana se réclame, ft elle-méme créée par des originaires de Baleng, elle-méme fondée par des réfugiés chassés de la rive gauche du Noun par Ie "Sultan Bamoum" (A. Raynaud 1939: Baleng), en fait par une branche des Baare-T'chamba (Mohammadou 1986, 2001). Par ailleurs, les deux dénominations données a 1a chefferic (Bana, ‘Néé), se retrouvent chez ces envahisseurs: Bana (¢.g. Ga Baana/Gabaana) est une variante de Baani/Ba'ni/Ba'ne, tous des ethnonymes en méme temps que des litres de chef. Selon R. Boyd (1994:135), en tchamba-léko néd = “personne”, en tchamba-daka néé = "personne, gens". Les fondateurs de la chefferie de Bana seraient done un groupe de guerriets Baare-Tehamba dont la nouvelle chefferie fut dénommée d'aprés leur ethnonyme, Bana ou Banee, les deux appellations constituant des variantes valables. Ne ne serait qu'une forme bamiléké de néé. Kassa et Doumkassa, les chefferies saeurs eréées par le méme groupe, ou méme des "fréres", pourraient titer de ce fait leur dénomination des termes tchamba-léko et tehamba-daka pour “esclave": kasa, kwasc, kosa (C. K. Meek 1931: 328-412), ce qui voudrait donc dire que, tous les groupes Baare-Tchamba étant pluri-ethniques par suite de l'intégration d'éléments ethniques divers sur leur parcours, ceux qualifiés de "Kassa" représenteraient certains de ces apports humains incorporés en route, autres que les Nee (Bani, Bana) qui constituent les clans dirigeants originels issu de la Haute-Bénoué, Les "Panyi" (done d'autres Bani) qui attaquérent la chefferie de Bana et qui provenaient de Fest représenteraient certaines des nombreuses bandes composant les Baare-Tchamba qui assaillirent le plateau A cette époque, parmi lesquelles celles en provenance de tn vallé du Ndé évoqués plus haut. Par ailleurs, les "Mbélié" qui attaqudrent le rebord du plateau par le sud, pourraient étre des Péré ou Pere, composante majeure des Baare-Tchamba, qui avec les Nyong, contr6laient la traite des esclaves sur la Makombé, dénomination qu'on retrouve sous la forme de Mpele chez. les Maka du Nyong (Geschiere 1995: 218), autre région envahie par les Baare- ‘Tchamba. "Bamumbere" (ba Mu-Mbere), localité importante sur la piste caravaniére indiquée sur la Moisel, pourrait avoir été I'un de leurs centres. Quant aux tranches défensives aménagées dans le site de Bana-comme ailleurs dans le Ndé- elles ne sont pas sans rappeler les dispositifs de sécurité toujours prévus par les Baare-Tchamba autour des camps de base sur leur parcours (Mohammadou 1999b: 70), précisément pour contrer les coups de main d'autres groupes rivaux issus de leur propre mouvement, tels que les Mbélés et Panyi signalés ici La capture des esclaves a représenté l'un des ressorts de expansion Baare-Tchamba, Ultérieurement, la commercialisation intensive de ces esclaves par la voie Makombé-Yabassi Douala dés ¢. 1760 explique leur implantation massive dans les régions de Makénéné, Banounga, Bangangté, I! est vraisemblable que la méme motivation ait pu entrainer leur installation & Bana, doi ils étaient en mesure de diriger les exportations & partir du centre du plateau a destination de la méme voie via le Nkam, Nous avons postulé que l'ensemble du versant méridional du plateau bamiléké a pu se trouver en pleine savane entre c. 1750 et 1900 du fait de la pression of démographique maximale quiil connut au cours de la traite couplée & une péjoration climatique répét6e, et que le processus de son reboisement serait un fait relativement récent. Ici également Tétude des ethnogenéses de groupes ethmniques résiduels, tes les Diboum ot Mbang, devrait étre envigaée dans la méme perspective que celle des Bandem et Bakwa, & savoir la concomitance de la traités intens¥e des esclaves dans un environnement de savane, suivi de Manet de ce commerce, puis de la reforestation figeant sur place les demiers esclaves en transit qui ne trouvérent plus preneurs. I - LES BAARE-TCHAMBA ENTRE HAUT KAM MANENGOUBA. La zone traitée ici setenfau nord de Nkongsamba jusqu'au rebord sud-ouest du plateau bamiléké, inchuant factuel arrondissement de Mélong et Ia plaine des Mbo. Notre hypothtse de Vaboutissement de 'invasion Baare-Tchamba dans cette région se base sur une série de données: - laplaine des Mbo, origine de fondateurs de grandes cheffories du rebord sud-ouest du plateau bamiléké, - _ethno-toponymie locale révélatrice de la présence des Baare-Tchamba, = des centres majeurs de la traite des esclaves sur Douala: Bayong et Mbouroukou, ~ _ similarité des mythes cosmogoniques Mbo et Mboum. 1 —La plaine des Mbo, origine de fondateurs de chefferies bamiléké Une bonne partic des chefferies du rebord sud-ouest du plateau bamiléké furent fondées naires de la plaine des Mbo, ce qui est indiqué par la tradition reeucillie par T. Nkeutchoua (s.d.: 194); "Presque la moitié de ta population de ce département (Ménoua) tire son origine du Mungo, des Mboebo de la plaine des Mbo....", puis sont énumérées les chefferies eréées pat ces Mbo: Sandjou, Fondjomekwet, Fontem, Bangwa, Ngwatchen, Ngoundem-Ndoungla, Fotemena, Fotsatoula, Baleveng, Bafou-Fondong, Fondoneta, Foto, Foreke-Dschang, Fosong- Weutcheng, Baga, Bagam, Bafang (de Fondjomekwet), etc, Les Baare-Tchamba eurent-ils un réle & joucr dans les migrations des fondateurs de ces chefferies ? Pour J-L., Dongmo (1969): ce sont plusieurs mouvements de population provoqués au 19° sidcle par la pression des Bali qui donnent naissance 4 nombre de ces chefferies, dont Baleveng (doa est issu Bafou), Fontsa-Toula, Foto, Fombap, Santchou, Fotomena, Baboutcha-Nitcheu, Fongo-Tongo, Fongo-Ndeng, Fossong-Wetchen, Fotetsa, Fomopea, Baloum, Fotouni, Fondati, Par contre, E. Ghomsi rejette ccs vues (1972: 74): "... i notte connaissance le mouvement Bali n'a pas touché cette zone (la plaine des Mbo), done il n'est pas exact d'attribuer & leur poussée la création de toutes ces chefferies, qui ont été fondées par des aventuriers" (souligné par nous). Dans la chefferie de Foto, par contte, la tradition est bien nette: "Certains Bamiléké viennent de Ia plaine des Mbo, chassés par les Bali ou Bani, ct d'autres viennent du Bamoum, chassés par les Bamoum. Les Bamiléké de Dschang viennent de la plaine des Mbo..." (Kovalsky 1973: Fiche Foto). Notre thése sur la présence des Baare-Tehamba dans la plaine des Mbo tend a démontrer que irruption de ces demiers dans cette région et Jes ravages quils y causérent ont provoqué un reflux des populations vers les hauteuts plus & lest (Ménoua) aboutissant a la création des chefferies numérées. Ce qui voudrait dire que ces entités politiques auraient été créées par des Mbo. La question qui en découle: pourquoi ces mémes Mbo — une population acéphale- n’auraient-ils pas créé d'autres chefferies ailleurs ott ils furent repoussés par les Baare-Tchamba ? Une réponse possible: Ics fondateurs des chefferies originaires de la plaine des Mbo étaient, soit des Baare- ‘Tehamba eux-méme, soit des métis de ces envahisscurs avec des Mbo, & Iinstar des "Sambo", cette branche ces Mbo peuplant larrondissement de Mélong et décrite plus bas. rs Outre les traditions du pays bamiléké, d'autres indicateurs permettent de recouper la présence de ces envahisseurs dans la région au nord de Nkongsamba, 2.— Ethno-toponymie révélatrice de ta présence des Baare-Tehamba Un grand nombre de toponymes, tous localisés dans Tactuel arrondissement de Mélong, pourraient étre d'origine Baare-Tchamba ou étroitement liés & leur présence: Baré, Baréok, Baréko, Baré-Soumtoum, Mbaré-Mbang ou Bali-Mbang, Bayon ou Bayong, Mbouroukou, Nkongsamba, Le toponyme Bayong indique que le clan tchamba-Iéko des Nyong ou Nyonga était implanté ici. L'on retrouve, en effet, comme déja indiqué par ailleurs, cet ethno-toponyme, avec ses variantes Banyong, Banyo, Banyo, etc., & travers toute l'aire de parcours des Baare-Tchamba. Les clans & prédominance Bare et Buuri issus de la Haute-Bénoué pourraient bien avoir occupé les lieux dits "Baré" d'une part, et Mbouroukou, Mboriko, de l'autre. Dans le méme ordre d'idées, mais 4 un titre plus spéculalif, chez les Baare et Buuri de la Haute-Bénoué le ttre de "chet" tant ngong ou nkong d'une part, et Samba ou Sama correspondant & autonyme des Tehamba d'autre part, Pétymologie de “Nkongsamba" pourrait dériver de nkong Samba, “le chef des ‘Tehamba”, Mais nous savons A ce sujet que plusieurs autres versions existent (Tehangwe, D.N, 1979: 8-9), et entre autres: ~ _nkong samba: "ville aux sept collines® (en Mbo nkong = colline et samba = sept); - nkong samba: "lieu aux sept villages" (en Mbo nkong = village et samba = sept); - kong samba: "la ville de Samba" (Martin). Samba Martin, caporal boulou de l'armée coloniale allemande, aurait fondé ta localité en 1912 aprés H'achévement du chemin de fer Douala-Nkongsamba, Toutefois, P. Laburthe-Tolra, le traducteur de fouvrage de lexplorateur Curt von Morgen (dont Samba Martin fut le domestique, qu'il emmena en Allemagne), rejette cette possibilité (1982: 93): "Martin Samba a souvent été présenté dans "un contexte (raditionnel et légendaire, non-scientifique, qui fait de Tui un colonel de l'armée allemande et le fondateur de ta ville de Nkongsamba’, - _nkong Sambo: par contre l"étymologie avaneée par T. Nkeutchoua (s.d.: 146) conforte notre hypothése a la fois de lorigine Baare-chamba du nom et de leur présence dans la région. Voiei ce qu'il indique: "Nkongsamba tire son origine du mot "village" dans Mappellation des gens de Baré et de "Sambo", un sultan peul qui envoya des Bali islamisés... (dans la région)". Quelques petits groupes égarés (de ces Sambo) s'aventurérent jusqu'a Baré et demandérent asile au chef du village. Celui-ci leur désigna un quartier. Depuis c¢ temps ce quartier porta le nom de "Kong Sambo", le village des Bali Sambo. Et 4 leur arrivée les Allemands édifiérent un fort sur ce site, dont le nom fut altéré en "Nkongsamba". Nous savons que l'auteur distingue deux vagues Bali, le premier celui de Gawolbe qui avait fui les conquétes peules; le second, des Bali islamisés, envoyés a la poursuite des premiers par Ardo Hama Sambo de Tchamba, ‘et qu'il dénomme de ce fait “Bali Sambo" (Nkeutchoua s.d.: 187-88). De cette apparente confission peut naite la vérité, Nkong Sambo pourrait tout simplement dire en mbo "village des Sambo", les habitants de la région de Baré, le sidge de la cireonscription allemande (Bezirksamt) jusqu’en 1914. En effet, selon 'ALCAM (Dieu et al. 183: 111), la langue bo recouvre Ja majeure partie du Moungo, et les diverses fractions qu'elle recouvre correspondent a des distinctions plus claniques que dialectales. C'est ainsi que le samo, parlé par les Mbo Sambo, recouvre arrondissement de Mélong el empidte sur ceux de Sanichow et de Kékem, alors que fe uF Tinto onguta exyandong, oKumba eibanga Fontem °Ndom ~D sctone Bangem ° 9 bouroukou bt. franengouba Mboriko Loum Fondonera La Bareko Bare, eoeeae Baréok Mbang (kong sam! *Baré Yabassi¥ Bafang Koken ae t Fe ° omessa operat piboum °FOtO oparou epschang e > Z Je erokoue eFombap Pond jomekwet Baneka be ene) Kondjo ) Bak tuetaey oO Soumto: 8 manenguba, baneka, bakaka et balondo sont les parlers de Varrondissement de Nkongsamba, Pour en revenir & noire seconde étymologie possible de "Nkongsamba' sur cette base linguistique, le chef indigdne du Bezirksamt de Baré, un Mbo-Sambo, administrant également le hameau proche de Banika, terminus du chemin de fer du Nord achevé en avril 1911, pressentant "importance qu'allait prendre la localité, lavait sumommées "Nkong Sambo", le village des Sambo. Les Allemands déformérent ce nom dés le début en "Nkongsamba", car Ja Moisel Gl. Buea publiée fin 1911 officialisait de la sorte La graphie de ce toponyme. Mais qui étaient ces Mbo, dénommés Sambo, qui peuplaient toute Ia partic septentrionale de lactuel département du Moungo, ct particuligrement la zone dénommée "Plaine des Mbo" ? Avjoura'hui, selon les linguistes (Dieu et al. 1983: 60, 111), les Sambo sont les Mbo septentrionaux occupant tout latrondissement de Mélong et se composant de quatre clans utilisant les mémes glossonymes que leurs autonymes: les Ehow Mba (de la région de Baré, Baréko, Baréok), les Ehombo centrés sur la ville de Mélong, les Nlaa ifboo ou "Mbo de Santchou", les Nle Mbuw ou "Mbo de Kékem". Selon nous, lethnonyme Sano pourrait dériver de Sama-Abo, Sam-Mbo, donnant la forme contractée Sambo, c'est-a-dire "les Samba ou Tchamba des Mbo", les Tchamba installés chez. les Mbo. Ces types de dénomination gont indicatrices de la forme de fusion ethnique qui a dit se produire ici entre les envahisseurs minofaires et Ia masse autochtone, en méme temps 4ue, su le plan linguistique, le genre de khoiné ou pidgin que ces métis ont dit parler dés le début, et dont découleront les parlers énumérés ci-dessus, Par ailleurs, en parler mbo prévalant au nord de Nkongsamba, la désinence -ko semble représenter un suffixe locatif (Baréko, Mbouriko, Mbouroukou, etc.). Si tel était le cas, les divers Mburi-ko, Mburi-ku, etc. équivaudraient & “village des Buuri", comme Bare-ko voudrait dire “village des Baare", Celte multiplicité de toponymes Bate, Bouri, serait done révélatrice des nombreux groupes d'origine Baare et Buuri ayant envahi la région, ce qui n'exclut pas la présence d'autres clans Tehamba, tels les Nyong, comme l'indique le toponyme Bayon/Bayong. 3—Des centres majeurs de la traite des esclaves sur Douala ‘Au nombre des ethno-toponymes relevés entre Nkongsamba et Mélong, deux 'entre eux, Bayong ct Mbouroukou, ont ét6 signalés das les années 1850 comme région ou population des Grassfields camerounais étroitement liges au commerce des esclaves en ditection de Douala pour le premier, de Calabar pour Je second (Wamier 1985: 174-76). Nous avons vu que pour la taite Makombé-Yabassi-Douala les intermédiaires en aval donnaient Ja dénomination de "Bayong" & la fois aux esolaves et & leurs principaux fournisseurs de 'amont. Nous avons avancé 'hypothése que cos derniers étaient des Baare-Tehamba du clan Nyong, dénommés par les locuteurs bantous ‘Banyong" ou "Bayong". Das la seconde moitié du 18° sicle, indiquions-nous, les Baare-Tchamba auraient atteint ta région de l'actuel Makénéné, a partir d'od ils auraient canalisé sur Douala via la Makombé et Yabassi, les esclaves capturés dans larriére-pays par d'autres groupes Baare-T'chamba, @abord entre Sanaga et Mbam, ensuite au fur et & mesure de avancée de ceux-ci vers les Grassfields, dans le Sud-Bamoum et le Sud-Bamiléké, mais alors en concurrence prédominante d'autres intermédiaires en amont, tels Bangangté, Banounga, Bazou, Batcha, Bana et d'autres. Ce fat Tage d'or de Ia traite transatlantique via Douala, les chiffies & Vexportation passant de 1,000 en 1760 € 42.000 les années suivantes. Malgré Vintervention en amont, dans la méme région, d'autres intermédiaites Baare-Tchamba issus d'autres clans, tels les Dem, Ndeng et autres Dong, létiquette Bayong" demeura collée, en aval, aux fournitures provenant subséquemment par la méme voie. Ceci pouvait se justifier par le fait que dans ensemble des Grasfields (Bamiléké, Bamoum, Bamenda) les interventions des Nyong furent nombreux et marquants, méme aprés c. 1865, date de la fondation de la chefferie de Bali-Nyonga (Chilver 1981: 463). 9 Liidentification de ce nouveau "Bayong" dans Ia région de Nkongsamba ne peut que renforcer notre analyse. Or, & notre connaissance, aucun des spécialistes de la question ne signale existence d'une voie alimentant les ports de lestuaire du Cameroun par cet itinéraire. La mise en évidence de ce nouveau Bayong-et nous allons le voir, ainsi que celui d'un "Mboutikow" dans la méme région- nous conduit & penser que 'arrire-pays de Nkongsamba a dd participer activement & la traite sur Douala a cette époque. Bt cette demiére ne pourrait vraissemblablement se situer qu'au cours de Ja demigre moitié du 18° et au début 19* siecle avant l'abol i années oi Ia traite aboutissant sur cette cdte batlit tous les records, avant que de basculer en direction du port de Calabar. Les interventions Baare-Tchamba se concentrant toujours davantage en ditection du haut Noun et du plateau bamiléké, 'exutoire nature! fe plus ditect était la plaine des Mbo, qui conduit & Pest du massif du Manengouba directement sur le Wouri au niveau de Yabassi, puis sur Douala. En direction de Bimbia, contourner le massif & louest pour gagner le Moungo, semblerait plus long; toutefois cette éventualité ne serait pas a écarter. Quoi quill en soit, durant les années charniéres qui virent la prééminence de Douala décliner au profit de Calabar, ie. vers 1800-1820 (Warnier 1985: 175), et ensuite jusqu'au tournant du siécle, la région de Nkongsamba pourrait avoir continué a tenir une place importante dans la (raite en provenance des Grassficlds, Et cette probabilité nous est suggérée par le biais d'un autre foponyme hui aussi étroitement lié @ Thistoire du commerce des esclaves dans cette partic de TAffique, que nous avons identifig: Mbouroukou. Situé au piémont nord du Manengouba, non loin de Bayong et Baré, & une vingtaine de kilométres au sud de Mélong, le Mbouroukou des cartes actuelles est donné "Mbureku" sur la Moisel Fl, Ossidinge 1912, alors qu'd une dizaine de kilométres A louest de Nkongsamba le village actuel de Mboriko est transcrit "Buruku” sur la Moisel GI, Buea 1911. Or dans les années 1850, nombre d'explorateurs de la céte de Biafra mentionnent & plusieurs reprises dans leurs écrits Vexisjtence d'une population et/ow d'une région du hinterland diversement dénommées Mburikum, Mbudikum, Mbrikum, Burukem, Mbrul (Wamier 1985: 174-76). Un grand nombre de gens de cette région sont vendus comme esclaves 4 Calabar, Leur pays se situe dans [a savane non loin d'une "grande eau” (qui pourrait, d'aprés nous, tre 'Océan Atlantique). II fut envahi par des guerriers & cheval, dénommés tant6t "Arabes'", tant6t “Tibare", que Wamier identifie aux Foulbé et aux Tchamba, dont les raids dans les Grassficlds sont notés par fous, D'aprés cet auteur, le lieu-dit Mburikum, ete. désignerait les Grassfields dans leur ensemble, mais nulle part il nest localisé nommément. Nous voudrions suggérer de nouvelles réponses a ces interrogations et par la méme cceasion conforter notre hypothése de la présence des Baare-Tchamba dans la région de Nkongsamba a cette époque, ainsi que du rdle important quils y auraient joué. Concernant d'abord les hypothétiques raids des Koulbé dans les Grassficlds au 19° sitcle, nous avons déja indiqué que pour des raisons chronologiques principalement, ils sont & exelure (Mohammadou 1986: 256). Yagissant des "Arabes", la confusion, cela a aussi déja noté (Mohammacou 1991: 181), provient de a dénomination donnée aux Baare-Tchamba dans les langues mambiloides de la région, dont te vouté, Baarép (Baarib), que certains traducteurs ont méme restitué en "Berbéres*... Nous le répétons, les seuls cavaliers a Gtre intervenus & ces niveaux au Cameroun central et dans les Gassfields avant et pendant le 19° siéele, et done & avoir capturé des esclaves vendus dans les ports de la cdte Atlantique, furent les Baare-Tchamba, les Bamoum étant également exclus & une grande échelle parce que n'ayant jamais disposé de cavalerie & cette Epoque, comme deja nots Quant & Fidentification de "Mburikum" et de ses variantes, nous suggérons que ce nom est composé de deux termes: (n)Buri + kom, kem, kim, kum ow ko, ku etc. Pour nous le premier élément correspond & Buri, une des composantes cthniques originelles et majeures des Baare- ‘Tchamba, a savoir les Baare. Quen est-il du second terme, kom, ete ? Les recherches exicographiques portant sur le mot "esclave” dans les langues des principales populations localement engagées dans la traite & cette époque ont donné les résultats suivants: 30 "Bgelave” de toute | “Esclave", capt de ~ Langue | _provenace (sg/pl) guerre Source douala = mukom / bakor! = mukoma/mikoma' |. Nkeutchoua (s.d.: 130) = mukaki /mikaki? = mukom /bakom? —__|2._ Austen (1995: 129) béti -lo/olo = nkom Laburthe (1977: 179) maka -hva / melwa = kwam / mikwam Geschiere (1995: 207) bamoum — |-nfavanr ~ nkan Njiasse (1995: 227) al = nkpen a Jamnso' | - Asvan /akwan = kong (wir kong) Chem-Langhéé (1995: 180- 81) kom - akos /iikos akos / tikos Nkwi (1995: 240) Nota: Nkeutchoua (s.d.: 130) indique que: "nukaki / mikaki en douala est l'esclave acheté Gorigine bakaka de Nkongsamba en age adulte. If somble que les premiers esclaves achetés furent tous d'origine bakaka et partant tous les autres esclaves d'age adulfe de toutes les provenances furent appelés mikaki, Laissant les questions de terminologie et de chronologie de cdté, le témoignage de cet auteur confirme qu'il y ent sur Douala, et ceci A une époque des plus reculées, un commerce des esclaves en provenance de la région de Nkongsamba. Preuves supplémentaires 4 'appui, Mauteur ajoute plus loin (p. 153, 156): "Mbanga était autrefois un dép6t d'esclaves', ct "Mandjo, habité par les Muamenam, descendants d'esclaves", les deux localités représentant vraisemblablement autant dintermédiaires sur la piste de la trate Plaine des Mbo-Yabassi-Douala. Du tableau présenté ci-dessus, le terme qui nous intéresse élant "captif de guerre" faisant Vobjet d'une vente en tant qu’esclave, puis exporté sur la céte, nous retenons koni en tant que terme de référence chez les Douala, les premiers, d'aprés nous, a avoit dénommé de la sorte (Buuri + kom = Burikom, “esclaves en provenance des Bouri") ces livraisons provenant d'une autre source majeure ~aprés les "Bayong"-. Cette nouvelle source, nous f'identifions a présent: la région de Nkongsamba oii 'on trouve quatre variantes de l'ethno-toponyme en question (Mburuku, Buruku, Mbureku, Mboriko). La proximité de Douala avec cette région a dd conduire a adopter le nom qui, avec le temps et la varigté des langues utilisées par les intermédiaires, a produit ces formes altérées altestées dans les différentes sources éerites. L'on peut supposer, pour les mémes raisons, quoriginellement 'on a eu "Buarekom'' qui devint "Bareko". L'hypothése qui en découle serait que dans cette seule région trois clans Baare-Tchamba au moins contrélaient chaeun un marché desclaves distinct a destination de la cote: Bayong, Baatekom et Buurikom. Les esclaves provenaicnt principalement de diverses régions des Grassfields. Le jour oit Calabar prit Ie pas sur Douala, les désignations "Burikom” et "Barekom” avec leurs variantes subsistérent puisque autres représentants des clans Buuri et Baave opéraient en tant que fournisseurs dans ensemble des Grassfields, notamment dans le Bamoum et sur le plateau de Bamenda, D’oit lubiquité des termes "Bayong et Burikom" En tout état de cause, et pour conchucte, la présence de ces deux ethno-toponymes, Bayong, et Mbouroukou, au nord de Nkongsamba consolide notre double hypothése de départ * 1 — La plaine des Mbo, du piémont occidental du plateau bamiléké au Manengouba et Nkongsamba, fut occupée par les Baare-Tehamba dés la seconde moitié du 18° sigcle, Ia popufation subséquente de cette région — les Sambo- pouvant représenter un croisement ethnique entre les envahisseurs et les Mbo autochtones, 2.~ L'amnitre-pays de Nkongsamba a da participer de maniére active, dés la fin du 18° siécle jusqu'au début du 19° sidcle, 4 la traite locale, exportant sur Douala (et peut-étre sur Bimbia) les esclaves des Grassfields, notamment du Bamoum et du Bamiléké central. Le transfert de ce commerce sur Calabar a cependant dé transiter pendant quelques années, toujours par Ia plaine des Mbo, via Tinto, avant que de basculer définitivement vers les voies plus septentrionales de Fontem Bangwa ct Widekum, en direction de Mamfé et de la cOte Atlantique. 4—Mythes cosmogoniques du Manengouba et du Mboum Les Mbo auxquels nous nous sommes intéressé jusqu’’ présent reconnaissent appartenir, avec quatre de leurs voisins occidentaux et méridionaux (Bafo, Balong, Bassosi et Bakossi), 4 un méme peuple, "le peuple de Ngoc ou Ngwe". Iis se disent également proches parents et méme “fréres" d'un groupe Voisin, les Oroko, qui comptent en leur sein les Balundu, Batanga, Bakundu, Mbonge, Balue (département de Kumba et Ndian). Les linguistes, dont nous tenons cos données, ont confirmé que les langues parlées par les Ngoed et les Oroko, bien que distinctes, sont apparentées et forment un groupe unique dans le “bantou cétier", comprenant par ailleurs les langues duala/bekweri et batanga de Kribi (Dieu et al. 1983; 61, 111-12). Puisqu'il nous semble étre parvenu & Ja conclusion assez probable de l'intervention des Baare-Tchamba chez les Mbo-Sambo au nord du Manengouba, nous avons cherché 4 savoir si celle-ci ne s'était pas prolongée sur leurs voisins et parents mentionnés, compte-tenu par ailleurs de extension supposée de la savane & cette époque. Sur ce plan, trois séries dindications ont retenu notre attention: les traditions de peuplement, les mythes d'origine ef, chemin faisant, certains ethno- toponymes (Edjedepang-Koge 1971: 29-35 et Nzo Ekhah-Nghaky 1964: 12, cité par le précédent). a) _- Traditions de peuplement. Ngoe ou Ngwe est reconnu comme lancétre éponyme de toutes Jes populations citées plus haut, Il est Iui-méme issu de Mboe qui vivait plus au nord de habitat actuel des Mbo. II faisait partie d'une grande migration nord-sud. Il s'installe a "Nkekem" Il a pour fils: Fo, lancétre des Bafo, Long (Balong), Ngi (Bayi), Nsosi (Bassossi), et Ngoe (Bakossi), Ngoe & son tour ful ancétre non seulement des Bakossi, mais des Bakundu, Abo, Baneko ou Barcko, Bakaka, etc., clest-4-dire de ceux connus aujourd'hui comme les Mbo. Le sens général de la migration des Ngoe/Ngwe (NNE-SSW) correspond & celui des courants de linvasion Baare-Tchamba qui ont abouti dans le Moungo, en particulier indication de Kékem comme point de pénétration. b) ~Mythes d'origine et ethno-toponymie. Dewx de ces mythes présentent des similitudes avec des légendes courantes dans le pays d'oi provenaient les Baare-Tchamba, & savoir le plateau de TAdamaoua, Phabitat des Mboum dont de nombreux éléments composaient les groupes ces envahisseurs, Dans "The legend of Ngeh, Founder of the Ngen people", Nzo Ekhah-Nghaky rapporte que la Reine des Dieux eut des jumeaux. Pour les sauver de la mort, elle descendit sur terre et abandonna les bébés sur le mont Mwanenguba. Sept jours aprés Pun meurt et est enterré entre les deux Jacs jumeaux du Manengouba. Le jumeau survivant, Aswm, descendit de Ia montagne et sinstalla a Mbo Asum. Un jour, i (rouva entre les deux lacs un bébé abandonné, Nged (Ngoe), qui hérite de lui, Ce dernier retoune habiter au sommet, puis plus tard il redescend s'installer & Mwekan, doh proviendra sa descendance. Le second rapporte Le Deluge. Une vieille femme, Ngotenkong, est recueillie par Ngoe et sa femme Sumediang, qui la soignent, la nourrissent et Thébergent alors que tous les autres villageois lavaient rejettée. Un soit, quand tous dormaient, elle réveille Ngoe et sa femme et leur confie que cette nuit-méme un déluge allait dévaster toute la région et faire périr ses habitants du fait de leur méchanceté, et seuls Ngoe et sa descendace allaient survivre du fait de leur bonté, Quills am se cachent vite dans une caverne... Aprés le déluge ils sortirent de la grotte, se multipliérent et peuplérent Ia région dans la prospérité. Ceux qui ont recueilli cette légende rejettent Tidée qu'elle aurail été empruntée aux missions chrétiennes, car elle fut rapportée par des non-chréticns majoritaires & l'époque. ‘Nous soulignons Ja méme originalité, par rapport & T'slam, des mythes recucillis dans le plateau de 'Adamaoua que nous rapportons & présent. Nous avons tenu & reproduire les deux Iégendes Bakossi lune apres l'autre, car l'une et autre contiennent des éléments et des noms proches des nétres, mais arrangés différemment, Le premier mythe, présenté dans sa version abrégée, est celui de Mapparition du lac Assom, il est Mboum et a 16 recueilli en 1980 au village de Som ou Asom, & une cinquantaine de metre de Tibati sur la route de Ngzoundal auprés du chef et des anciens du village (Mohammadou 1990: 163). Som ou som était un prince mboum qui, a la suite d'une dispute avec le belaka (roi), son pére, s'exila en direction du sud avec ses partisans. Il atteignit le village auquel il dovait donner son nom et od il n'y avait pas de lac & cette époque. Habitée alors par les Jari, la ocalité se dressait & Nendroit od s'étend actuetlement le tac Assom. Lorsqu'il atteignit le village, cétait le soir, et les habitants étaient occupés & célébrer une fete, entrain de boire et de danser. Contrairement aux lois coutumitres @hospitatlité ils ne préterent pas la moindre attention aux étrangers, ni ne les accueillirent pour Jes héberger. Seule une vicille femme vint leur souhaiter la bienvenue, assura leur hébergement et leur prépara A manger. Au moment oii Ia boule de mil fat placée devant eux, le prince Som la remercia, mais ne toucha pas a la nourriture. Il se se contenta de Teffleurer de la main, et aussit6t la pate de couscous se transforma en une boule dor. II la prit et la tendit & la vielle femme avec ces mots: "Merci pour ton hospitalité, mére, en retour je te confie le seeret suivant: cette muit un grand malheur va sabattre sur ce lieu, exterminer ses habitants et les punir de leur méchanceté. Dépéche-toi, cours avertir tous ceux qui te sont chers, prenez vos enfants et vos affaires, retirez-vous sur le sommet le plus proche aussi vite que vous le pourrez,!" Dés que la vieille femme ent conduit son monde sur une hauteur proche, tandis que, ivregle bigre de mil et emportés par la danse, les villageois continuaient & se trémousser, alors survint Le Déluge, L'on vit eau surgir des entrailles de la terre, se répandre en large cercle autour du village, enveloppant inexorablement les danseurs, puis les recouvrir entidrement. C'est de la sorte qu'apparut Ie lac 4'Assom, ou mbao-Asom en mboum. Les rescapés fondérent un nouveau village & proximité du lac et fe dénommérent Som ou Asom en 'honneur de leur sauveur, le prince Som. Quant & lui, il poursuivit sa route avee ses compagnons toujours en direction du sud, oi ils allérent fonder les royaumes Tikar. Le lac Asom devint désormais sacté non seulement pour les habitants du village, mais pour tous les Mboum de la région. Lors des sacrifices annuels qu'on y fait, dit-on, on entend encore résonner au fond des eaux les tam-tam et chants des ancéttes engloutis, répondant de la sorte favorablement aux dons de leurs descendants. ‘Une comparaison des deux mythes Mbo et Mboum montre la quasi-identité patronymique des principaux héros (Asum et Asom), des lieux de action (Mbo Asum ct Mbao Asom). En fait, le centre des événements sont des lacs: les lacs de cratére jumeaux du mont Manengouba d'une part, un lac de eratére ancien du plateau de fAdamaoua d'autre part. Les deux lacs sont sacrés, leurs eaux ont des vertus magiques, tous deux représentent le lieu d'origine d'un groupe ethnique de dimension considérable: le groupe Ngoe-Mbo d'une part, les Mboum méridionaux et les Tikar dautre part. Un cataclysme majeur de méme nature se produit dans l'un et Tautre cas: Ig Déluge, lun universe!, Yautre citconscrit, mais tous deux justiciers et réparateurs. Quant au the,étiofogique de la vieille femme, agent actif ou passif d'un secret révélateur d'un événement renversant le cours normal des choses, il est a la base méme de histoire des institutions seligieuses et politiques qui ont régi les Mboum: en récompense davoir aidé une vieille femme A franchir un cours d'eau et pris soin delle, alors que ses fréres ainés lavait ignorée, Mboum, le cadet, se voit révéler par elle le secret qui fit de lui le souverain des ses ainés. Quant au mythe des jumeaux primordiaux associés & une montagne, nous le retrouvons chez. d'autres Mboum méridionaux, ies Mbonga ou Mboa, voisins des Assom (Mohammad 1990: 95-96, 235-38). 1 mérite lui aussi d'etre résumé, 3 Les premiers occupants du platean de Ngaoundéré habitaient auparavant Ie ciel, ot & la suite d'une dispute, une partie d'entre eux décida de retourner. Pour ce faire, ils entreprirent dédifier une grande échelle, mais dont les bases furent sapées par les termites avant que ccux qui y grimpaient ne soient parvenus au ciel. Le gigantesque édifice s'efftondra, distribuant aux quatre coins du monde connu hommes et femmes qui loccupérent et donnérent naissance a des peuples nouveaux: Mboum, Tikar, Vouté, "Yawounde" (les populations de la forét du sud), et les Mbonga. Telle est la tradition mboum. A leur tour les Mbonga enchainent: chez eux (sur le Lom), cest un homme et une femme quon vit descendre du ciel et occuper le point culminant de la région, le ‘Motal (mo=homme, fal=montagne). L'homme tenait une hache et portait en bandouliére un balafon, Ja ferme avait A a main une houe ef & son épaule était accrochée une besace renfermant les semences de principales céréales et tubercules (mil, sésame, igname). Alors quis habitaient encore Ja montagne, ils enfantérent des jumeaux un gargon et une fille, qui s'unirent pour donner naissance aux Mbonga. Un jour les Mboum firent leur apparition, les attaquent et massacrent tous les fils de leur chef, mais emportent toutes ses filles avec eux. Av nombre des prisonnigres se trouvait la jumelle, leur mére, qui deviendra 'épouse du Bélaka de Ngan-Ha, le roi des Mboum. C'est delle que proviendra également la lignée des Bélaka Mboum. Quelle conclusion tirer de cette breve comparaison de mythes aussi riches les uns que les, autres ? Les traditions historiques des Ngoe/Ngwe assignent 4 leur peuple une origine septentrionale, leurs migrations les faisant pénétrer dans la plaine des Mbo a partir de Ia région de Kékem; invasion Baare-Tchamba du pays a emprunté le méme itinéraire. La comparaison des mythes de création du peuple Ngoe/Ngwe et de ceux des Assom et Mbonga chez les Mboum du plateau de 'Adamaoua offrent des éléments de rapprochement fondamentaux, allant jusqu’d la

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