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Bayer. Staatsbibliothek
RÉVOLUTION

AGRICOLE

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MOYEN DE FAIRE DES BÉNÉFICES

. . EN CULTIVANT LES TERRES

PAR •

V.-F. LEBEUF
Membre de la Société 'impériale et centrale d'horticulture de Paris,
de la Société d'horticulture de Mulhouse, de, l'Académie nutiorule agricole et manufacturière,
tic la Sôcleté impériale d'horticulture pratique du Kluiue, etc.

PARIS
A LA LIBRAIRIE A LA LIBRAIRIE
ch ambrot A. GOIN, ÉDITEUR
Rue du Jardinet, 43 Rue des Écoles, 82

18 6 4
RÉVOLUTION AGRICOLE
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franco par la poste.

Imprimerie t. Toinon st Gie, à Saint-Germain.


RÉVOLUTION

AGRICOLE

ou

MOYEN DE FAIRE DES BÉNÉFICES

EN CULTIVANT LES TERRES

PAR

V.-F. LEBEUF
Membre de la Société impériale et centrale d'horticulture de Paris,
de la' Société d'horticulture de Mulhouse, de l'Académie nationale agricole et manufacturière,
de la Société impériale d'horticulture pratique du Rhône, etc.

PARIS
A LA LIBRAIRIE CHAMEROT
RUE DU JARDINET, 13
18 64
AVANT-PROPOS

Les bons ouvrages d'agriculture sont nombreux ;


tant d'auteurs célèbres ont traité toutes les branches
de l'économie rurale, que l'on croit que toutes les
questions sont résolues depuis longtemps.
La culture générale, la culture spéciale, l'éduca
tion du bétail, l'économie domestique, dans toutes
leurs parties, tout a été traité, cependant une ques
tion importante n'a été ni résolue, ni même abordée,
c'est celle des profits ou bénéfices.
On a répété sur tous les tons que l'agriculture est
une profession lucrative. Cela est facile à dire, impos
sible à prouver. L'agriculture, quoi qu'on dise, quoi
qu'on fasse, est le métier le moins rémunéré de
tous ; celui qui y débute pauvre reste pauvre. Si, par
extraordinaire, on rencontre quelques cultivateurs
6 AVANT-PROPOS
qui aient amassé une petite fortune, ce n'est pas par
l'agriculture proprement dite, mais par ses acces
soires ou par une culture industrielle et commer
ciale.
C'est donc de culture industrielle et commerciale
que nous allons parler , parce que c'est d'elle seule
qu'il est possible de retirer des bénéfices.
Heureux sont ceux qui pourront mettre notre sys
tème en pratique : ils y trouveront un bénéfice cer
tain. Nous disons notre système parce que nous
sommes le premier qui ayons eu la pensée, à ce que
nous croyons du moins, d'augmenter la culture
industrielle et de diminuer la grande culture.
On dira peut-être que nous nous sommes attaché
à un trop grand nombre de plantes, nous croyons le
contraire : par la pratique on se convaincra qu'il n'y
en a jamais assez. Dans les assolements on a tou
jours besoin d'en avoir un grand nombre à sa dis
position, tant pour la distribution du travail que
pour entretenir la fertilité des terres.
On dira sans doute aussi, qu'il y a plusieurs la
cunes dans cet ouvrage ; nous répondrons qu'il ne
s'adresse qu'aux hommes capables de les combler.

Argenteuil, le 28 juillet 1864.


RÉVOLUTION AGRICOLE

• PREMIÈRE PARTIE

l'agriculture est-elle productive?

11 y a encore quelques personnes qui croient que


l'agriculture est une profession lucrative. L'agri
culture, telle qu'elle estpratiquée aujourd'hui, est
le métier le pics ingrat de tous.
Si l'on doute de ce que nous disons ici, il est facile
de le vérifier. Que l'on parcoure les campagnes, que
l'on s'informe, et l'on acquerra la certitude que, sur
mille cultivateurs aisés, il n'y en a pas un seul qui
doive son aisance à l'agriculture : cela se conçoit, caa
les capitaux qui y sont engagés ne produisent pas plus
de un et demi pour cent d'intérêts en moyenne.
8 RÉVOLUTION AGRICOLE
Personne n'a été plus enthousiasmé de l'agricul
ture que nous, et nous avons appris, à nos dépens,
ce qu'il en coûte pour la pratiquer. Aussi, répéterons-
nous ici ce que nous avons dit dans un autre ouvrage,
il y a deux ans à peine : « L'agriculture est un pauvre
» métier au point de vue des bénéfices, aujourd'hui
i> surtout. Quant à nous, qui l'avons exercé pendant
» les plus belles années de notre vie, nous n'ou-
» blierons jamais la nullité des résultats qu'elle
» donne. »
Loin de nous la pensée de détourner qui que ce
soit de l'agriculture; mais nous nous croyons
obligé de dire ici la vérité, comme nous l'avons dite
dans nos autres publications, afin de ne pas égarer
ceux qui nous liront, et de les engager à abandonner
un système usé et improductif pour recourir à un
mode de culture plus lucratif.
Quand on parcourt la banlieue de Paris, et qu'on
voit des terrains se vendre facilement à 4, 6 et 10
francs le mètre, soit 40,000, 60,000, 100,000 francs
l'hectare, on s'imagine volontiers que le paysan est
riche et roule sur l'or, comme l'on dit à la cam
pagne. Il n'en est rien !
Si tout le sol de la France était vendu, s'il pouvait
être payé non pas 4 francs, mais 4 centimes le mètre,
le propriétaire-cultivateur serait à son aise.
Le cultivateur ne se plaint pas : il est habitué aux
privations ; il souffre en silence ; il a un certain
RÉVOLUTION AGRICOLE 9
orgueil , un amour-propre qui l'empêchent de se
plaindre ; mais il n'en est pas moins vrai qu'au
fond, il ressent toute l'infériorité de sa position, et
qu'il fait tout ce qu'il peut pour en sortir.
A-t-il des enfants? S'il a quelque argent, il se
hâte de leur donner un autre métier ; il les éloigne
des champs, et, il faut le dire, et nous le disons
tristement, il a raison. Il a raison pour lui ; mais la
campagne se dépeuple au profit des grandes villes.
Il est donc de la plus haute importance pour
l'avenir de l'agriculture et du cultivateur que l'état
de choses actuel se modifie : le système que nous
indiquons doit atteindre le but en grande partie ;
car du jour où l'agriculture deviendra un métier
lucratif, elle rappellera à elle ceux qui la fuient au
jourd'hui.
On s'imagine que pour gagner de l'argent en agri
culture, il suffit de hien cultiver ses terres, de bien
administrer ses domaines, de bien diriger ses tra
vaux et de se conformer aux enseignements de la
science agricole. Erreur !
Tous les agronomes, quels qu'ils soient, ne feront
pas que l'agriculture ne soit de beaucoup inférieure
à l'industrie. Mathieu de Dombasle, notre maître à
tous, a assez bien démontré, dans ses écrits, que l'agri
culture est improductive de bénéfices, et que si un
cultivateur s'enrichissait jamais, il le devrait à un
accessoire.
i.
10 RÉVOLUTION AGRICOLE
D'après un tel témoignage, d'après notre expé
rience propre, d'après celle de tous les praticiens
sincères etsérieux, nous disons donc que l'agriculture
est l'art de travailler sans bénéfices. Voici, certes,
une définition qui n'a pas besoin de commentaires
pour être bien comprise.
Ceux qui ne sont pas cultivateurs, ceux qui ont
intérêt à dire le contraire, nous taxeront peut-être
d'exagération; tant mieux! Nous désirons que notre
dégoût ne soit pas partagé par tout le monde ; mais
nous défions qui que ce soit de nous prouver que
100 francs de capital, placé en agriculture, produi
sent 1 franc 50 centimes d'intérêts en moyenne dans
toute la France. Il faut, comme on le voit, un bien
gros capital pour avoir quelques ressources.

CAUSES QUI RENDENT L'AGRICULTURE IMPRODUCTIVE

Les manufacturiers, les négociants, disent souvent


que leurs bénéfices sont annihilés par les droits
d'octroi, de douane, les impôts, etc. Les agriculteurs
ne sauraient le dire ; car les produits de l'agriculture
sont bien et suffisamment protégés, et les impôts
sont presque nuls. Ce n'est donc pas là qu'est le
mal.
Les causes qui rendent l'agriculture improductive
sont :
RÉVOLUTION AGRICOLE 11
1° La trop grande étendue de terre cultivée;
2° La culture de plantes dont le produit est trop
faible ;
3° Le mauvais emploi des engrais;
4° La distribution vicieuse des plantes sur le sol ;
5° Le défaut d'opportunité des cultures ;
' 6° La mauvaise application de la main-d'œuvre ;
7» L'absence des cultures industrielles et com
merciales.
Telles sont les sept causes qui rendent l'agricul
ture improductive, et que nous pourrions appeler
les sept plaies de l'agriculture. Expliquons notre
pensée.
La trop grande étendue de terre cultivée. — En agri
culture, on croit généralement que les produits sont
d'autant plus grands que l'étendue des terres l'est
davantage. C'est une grosse erreur ! Plus les travaux
embrassent d'étendue de terrain, plus ils sont rares
sur une surface donnée. En effet, si un cultivateur
exploite 10 hectares au lieu de 5, les travaux exécutés
sont moitié moindres sur chacun d'eux. Plus il a de
terres, moins il y fait de travaux relativement.
Plus l'espace à cultiver est grand, moins on a de
facilité pour le travailler en temps opportun ; plus
la surveillance est difficile ; plus les détails sont im
possibles : il faut se borner, alors, à dégrossir la be
sogne, et à la faire à la hâte tant bien que mal.
La grande culture est condamnée en France ; elle
12 RÉVOLUTION AGRICOLE
n'a jamais rien produit et ne produira jamais rien
parce qu'elle manque de toutes les choses essen
tielles, de bras, de machines, et de capital qu'elle
ne pourra jamais se procurer. La grande culture
mène donc fatalement à la ruine.
La culture de plantes dont le produit est trop faible.
— Les plantes de grande culture ne produisent pas
de bénéfices ; elles couvrent à peine les frais d'exploi
tation, par une raison bien simple : c'est qu'elles
sont cultivées partout et qu'elles subissent, n'importe
en quel pays, en quelle contrée, le prix auquel
elles sont produites dans tel autre pays, dans telle
autre contrée privilégiée accidentellement ou natu
rellement. Une récolte est-elle mauvaise en France?
Le blé revient à 24 fr. l'hectolitre ! La Russie, l'Alle
magne, etc., en ont produit en abondance, et on
l'amène sur nos marchés à 12 fr.; le cultivateur
français est obligé de subir la baisse. Ce qui a
lieu pour le blé, a lieu à peu près, plus ou moins,
pour toutes les denrées agricoles. Dans une année
d'abondance, l'abondance elle-même fait la baisse :
le cultivateur se fait concurrence à lui-même. Il est
donc évident que la grande culture n'embrasse que
des plantes dont le produit est trop faible pour pro
curer des bénéfices réels, parce que la concurrence
a lieu du dedans et du dehors. Le prix de vente est
presque constamment au-dessous du prix de
revient.
RÉVOLUTION AGRICOLE 13
Le mauvais emploi des engrais. — Au lieu d'appli
quer les engrais à la culture de plantes qui ne pro
duisent pas de bénéfices, il serait très-certainement,
beaucoup plus avantageux de les consacrer à des
cultures lucratives.
Il est vrai, admis, en agronomie que pour entre
tenir les terres en bon état, il faut que les engrais
servent à en produire une somme au moins égale à
celle dépensée. Mais est-il impossible de les appli
quer à des cultures industrielles et lucratives dans
les mêmes conditions? Gela n'est pas démontré.
D'ailleurs, les cultures lucratives produisant de
l'argent et des bénéfices nets relativement considé
rables, il est très-facile de se procurer des engrais en
dehors de la culture.
Est» ce qu'il exisle une plante plus épuisante que
les céréales? A part quelques-unes, le blé est bien
la plante la plus épuisante qui existe. Oui, dit-on,
mais il produit de la paille! Qu'importe, si elle
coûte deux fois plus qu'elle ne vaut.
Les engrais appliqués aux céréales et à toutes les
plantes de grande culture peuvent être mieux utilisés
avec un peu de science, d'aplitude et de soins. Tout
le monde ne saurait le faire, c'est possible; tant
mieux, pour ceux qui peuvent en profiter: il y a
beaucoup d'appelés et peu d'élus. Heureux ceux qui
pourront faire ce que nous indiquerons.
Mais, dira-t-on, si tous les cultivateurs suivaient
14 RÉVOLUTION AGRICOLE
les principes que vous émettez, au lieu d'augmenter
les bénéfices ils feraient une bien plus mauvaise
culture que celle d'aujourd'hui. C'est possible! Mais
comme on est assuré que le grand nombre seront
obligés de rester dans l'ornière actuelle faute de con
naissances et de capital, on peut en toute sécurité,
entrer dans la nouvelle voie que nous allons
tracer.
La distribution vicieuse des plantes sur le sol. —
L'ancienne culture oblige le cultivateur à suivre
invariablement la même méthode, la même marche
générale que celles de ses voisins. Il n'ose pau rompre
en visière avec les vieilles habitudes. Tel sol ne s'ac
commode pas de telleoutelle plante; maisonl'yplace
quand même pour faire comme le voisin. On suit
routinièrement l'usage, sans s'apercevoir qu'on
pourrait mieux faire. On met le blé avec le blé, l'a
voine avec l'avoine, et on se garderait bien de chan
ger une sole ; on croirait avoir commis une grosse
faute. Tel sol ne s'accommode pas de telle culture;
mais on la pratique parce que le voisin la pratique
lui-même : habitude, routine, rien de plus. Il est
vrai que l'enchevêtrement des propriétés est un grand
obstacle; mais cet obstacle n'est pas insurmontable,
c'est bien plutôt un prétexte.
Le défaut d'opportunité des cultures. — La grande
culture est tellement esclave de son système, qu'elle
n'y change jamais rien. Y eût-il une récolte de blé
RÉVOLUTION AGRICOLE 15
suffisante pour approvisionner la France pour qua
tre ans, que eela n'empêcherait pas d'en semer. Les
choux, les carottes, les panais, valussent-ils 50 cen
times la pièce, que cela n'en ferait pas essayer la
culture à ceux qui n'en ont pas l'habitude.
La grande culture, l'agriculture proprement dite ,
marche les yeux bandés, sans rien voir. Elle a son
assolement routinier devant elle, tout tracé ; elle n'en
déclasserait pas une raie. Il semble que pour elle,
tout changement soit un crime, une monstruosité,
la ruine!.... Ignorance et routine, incapacité, ser
vilité, indolence I
La mauvaise application de la main-d'œuvre. —
L'agriculture occupant des bras à des cultures qui
ne sont pas rémunératrices, qui ne produisent au
cun bénéfice, ne peut les payer aussi chèrement
que l'industrie. Cent francs de main ,d'œuvre, ne
produisent que cent francs, et quelquefois beaucoup
moins. Voilà, certes, une mauvaise, une très-mau
vaise application des bras ; mieux vaudrait ne pas
en employer du tout, puisque, en cas de réussite, le
cultivateur ne fait que rentrer dans ses dépenses. Il
n'a donc que la chance de perdre.
D'autre part, l'agriculture ne pouvant payer les
bras le même prix que l'industrie, puisqu'elle n'en
retire aucun bénéfice, s'en procure difficilement :
autre inconvénient très-grave, puisqu'il est de
nature à compromettre l'avenir des récoltes.
16 REVOLUTION AGRICOLE
On a bien essayé de remplacer les bras par les
machines, comme on Fa fait en Angleterre ; mais
cela est de toute impossibilité en France, parce que
la propriété est trop morcelée et les capitaux insuffi
sants.
Au moyen de l'association on peut créer un ou
tillage complet pour une commune; mais pour peu
que l'on connaisse le paysan, on aura bien vite la
conviction qu'il est impossible d'en réunir deux et
de les associer pour quoi que ce soit. Toute associa
tion se traduirait par des discussions et des procès.
L'absence de cultures industrielles et commerciales.
— Ce qui fait la richesse du cultivateur, c'est ce qu'il
vend bien plus que ce qu'il produit et consomme.
Ce sont donc les produits qu'il vend en nature qui
constituent toutes ses ressources; plus la recette est
grande, plus il y a d'aisance. Or, qu'est-ce qui cons
titue les recettes en agriculture ? Le blé, la laine et
les bestiaux. Voilà tout ! Le blé coûte ce qu'on le
vend, la laine un peu moins, et les bestiaux ne don
nent guère comme résultat que les engrais ; engrais
mal appliqués qui à leur tour ne donnent aucun bé
néfice. Tel est le bilan de l'agriculture ! Les cultures
commerciales et industrielles sont donc les seules
qui peuvent donner des profits.
RÉVOLUTION AGRICOLE 17

MOYENS DE RENDRE L'AGRICULTURE PRODUCTIVE.

Pour rendre l'agriculture productive, il faut :


1° Cultiver des plantes dont la vente puisse se faire
directement et en nature, à un prix relativement plus
élevé que celui des céréales et autres productions de
grande culture ; restreindre la culture des plantes
cultivées généralement et dont le produit n'est pas
élevé ; 2° S'assurer le concours des bras de la loca
lité qu'on habite en les payant un peu plus qu'on
ne le fait habituellement; 3° Réparer par des engrais,
achetés au dehors, l'épuisement causé par la culture
des plantes industrielles et commerciales.
Cultiver des plantes dont la vente ait un prix relati
vement plus élevé que celui des céréales, etc. — Il est,
ce nous semble, universellement reconnu que la
culture du blé est ruineuse ou tout au moins
improductive; nous ferons plus loin cette dé
monstration. Le blé qui occupe [le premier rang
dans les grandes cultures, devrait tout au plus
y occuper la cinquième ou sixième place comme
on le verra.
18 RÉVOLUTION AGRICOLE
Le blé, par son importance naturelle, doit compter
pour quelque chose dans la grande culture ; dans la
culture qui a pour but le bénéfice, il ne doit comp
ter pour rien, ou à peu près. C'est un accessoire ,
rien de plus : ce n'est qu'à une grande distance des
villes de consommation qu'il doit former la base
de l'exploitation.
Si la culture du blé était lucrative, il y a long
temps que tous nos cultivateurs auraient fait for
tune. La culture du blé entraîne forcément avec elle
l'éducation des bestiaux pour avoir de l'engrais et
consommer les pailles. Le cultivateur devient alors
fabricant de viande, de laine, de bestiaux, etc.; or, il
est démontré qu'il perd constamment sur sa fabrica
tion.
Ce qu'il faut au propriétaire, au cultivateur, ce
n'est ni du blé ni de l'avoine ; mais une culture qui
lui produise de l'argent, une culture capable de
payer son champ en quelques années ; une culture
qui lui rapporte de gros intérêts ; une culture qui
double son capital tous les ans. Mais où la trouver ?
Cette culture n'est pas une chimère !
Nous nous proposons de démontrer qu'elle est
possible non-seulement dans des localités privilé
giées, mais un peu partout; plus ou moins, selon
les circonstances ou les positions.
Pour les praticiens, une culture lucrative semble
un problème dont la solution est impossible ; cepen
RÉVOLUTION AGRICOLE 19
dant, c'est précisément à l'aide de données pratiques
que nous nous proposons de le résoudre.
Nous avons dit qu'il faut cultiver des plantes dont
le produit puisse payer la terre en une seule année ;
et on se demande quelles sont ces plantes : on verra,
ensuivant le cours de ce petit ouvrage, qu'elles exis
tent et que rien n'est plus facile que cette culture :
il s'agit d'un peu de savoir-faire, rien de plus.
La valeur vénale des terres, en France, peut-être
estimée, approximativement, comme il suit :
L'hectare de lre classe, en moyenne, 1,000 fr.
— 2e — — 750
— 3- — - 500
— 4e — — 250

Il s'agit donc de trouver une culture qui puisse


produire annuellement à peu près cette valeur. On
verra plus loin que cela est facile.
S'assurer le concours des bras de la localité qu'on
habite, en les payant un plus qu'on ne le fait habituel
lement. — Nous avons dit plus haut, et tout le monde
le sait, que les bras abandonnent la campagne pour
affluer vers la ville. Pourquoi ? Parce que les travaux
agricoles sont pénibles et mal rétribués. Là est la
cause de cette désertion continuelle, de cette émi
gration qui se poursuit avec un ensemble désespé
rant pour l'agriculture et pour l'agriculteur. Il est
donc évident qu'en payant un peu plus les bras on
20 RÉVOLUTION AGRICOLE
pourrait les retenir. Or, cela n'est possible qu'avec
une culture industrielle et lucrative.
Ceux qui tenteront cette culture feront donc une
chose utile à eux et aux autres, puisqu'elle leur per
mettra de payer plus cher les ouvriers qu'ils occu
peront et de faire un bénéfice beaucoup plus consi-
sidérable.
Dépenser plus pour gagner davantage semblera à
bien des gens un sophisme : c'est une raison mathé
matique. Nous en avons l'exemple tous les jours
dans l'industrie.
Réparer par des engrais achetés au dehors, Vépuise
ment causé par la culture des plantes industrielles et
commerciales. — Les plantes industrielles et com
merciales destinées à la vente et non à la consom
mation intérieure, ne. rendent rien au sol. Il est
certain que si l'on n'apportait pas à une telle culture
des engrais étrangers, la terre cesserait bien vite de
produire et de donner des bénéfices.
Dans une ferme où les céréales sont l'unique spé
culation, les pailles servent à la nourriture des bes
tiaux, ou tout au moins (ce qui est mieux) à faire
de la litière, partant, des fumiers. Mais avec .les
plantes industrielles et commerciales, il n'y a pas
de restitution faite au sol ; rien ne produit de l'en
grais , de là la nécessité d'aller le chercher au
dehors.
La grande culture, la culture improductive autre
RÉVOLUTION AGRICOLE 21
ment dit, consomme elle-même la majeure partie de
ses produits, et trouve des engrais suffisants pour se
perpétuer. La culture industrielle ne saurait se tenir
dans ces limites ; elle produit beaucoup , mais elle
exige plus que la càlture ordinaire. Et quelles que
soient les dépenses d'engrais que l'on fasse, il y a
toujours bénéfice à les faire même en en usant le
plus largement.
On devra donc réparer, par les engrais du com
merce, à défaut d'autres, l'épuisement causé parla
culture industriêlle.

CE QUE NOUS ENTENDONS PAR CULTURE INDUSTRIELLE


ET COMMERCIALE.

Par culture industrielle et commerciale , nous


entendons celle qui a pour but de fournir des pro
duits exclusivement destinés à la vente, et en dehors
de la consommation de la ferme. Ainsi, la produc
tion des légumes, des fruits, de l'alcool, du suore,
des matières tinctoriales, etc. , est du ressort de la
culture industrielle et commerciale. On verra, du
reste, par ce qui suit, ce que nous avons voulu dé
signer sous cette dénomination.
La culture industrielle et commerciale comprend
l'exploitation d'un grand nombre de plantes, et exige
des connaissances spéciales, dont on est dispensé
22 -RÉVOLUTION AGRICOLE
dans la culture des céréales, dans toutes les cultures
ordinaires; car pour entreprendre et. exécuter ces
dernières, il suffit de copier ce que tout le monde
fait.
Nous n'avons pas l'intention de blesser la suscep
tibilité des cultivateurs ; mais nous ne pouvons nous
empêcber de dire que, pour faire de l'agriculture
comme on la fait généralement, il ne faut à peu près
aucune connaissance, mais simplement de l'habi
tude , autrement dit de la routine : la science ne
servirait guère qu'à préparer des déboires et quel
quefois la ruine à ceux qui voudraient faire mieux
que les autres.
Sans doute, diverses branches de l'économie ru
rale exigent des connaisances spéciales assez éten
dues ; mds y a-t-il de nombreux exemples que ceux
qui les possèdent se soient enrichis? Nous ne le
croyons pas.

AVANTAGES DE LA CULTURE INDUSTRIELLE


ET COMMERCIALE.

La. culture industrielle et commerciale a d'in


nombrables avantages que l'autre n'a pas.
1° Ses produits peuvent entrer directement et
immédiatement dans la consommation ou dans la
vente ;
RÉVOLUTION AGRICOLE 23
2° Elle permet de payer les bras beaucoup plus
cher que la culture ordinaire ;
3° Elle permet la spéculation , offre l'avantage de
décupler le prix des récoltes sur le même espace de
terre cultivée ;
4" Elle affranchit le cultivateur du monopole,
qui est souvent exercé par les acquéreurs des
productions les plus importantes, céréales, bes
tiaux, etc. ;
5° Elle est à la portée des petits et des grands
cultivateurs ;
6° Elle divise les chances de perte et de gain en
répartissant, sur un grand nombre de cultures,
les dépenses et les travaux ;
7° Elle permet de produire de grands bénéfices,
avec un capital presque nul ;
8° Elle donne le moyen de réaliser des ventes, par
conséquent des recettes, dans toutes les saisons;
9° Elle donne du travail aux familles nombreuses,
en utilisant, avec peu de terres, tous les bras dont
elles peuvent disposer ;
1 0° Elle agrandit le cercle des assolements, et se
prête à toutes les combinaisons ;
11» Elle rend les engrais plus productifs en les
utilisant mieux que la grande culture;
12° Elle répartit les travaux plus régulièrement
que la grande culture en ne laissant presque pas de
chômage en hiver, et en n'obligeant pas le cultiva
24 RÉVOLUTION AGRICOLE
teur à recourir à un surcroit de bras et de travail
dans un moment donné.

PRODUITS COMPARATIFS DE LA GRANDE CULTURE


ET DE LA CULTURE INDUSTRIELLE.

Pour se convaincre de la supériorité de la cul


ture industrielle, il suffit d'établir la comparaison
de ses produits avec ceux de la grande culture.
Supposons 18 hectares exploités en grande culture,
et 18 hectares exploités en culture industrielle, et
comparons.

Grande culture.

Première sole. — Blé, 5 hectares, prairies artifi


cielles (sainfoin, trèfle, luzerne), 1 hectare; en
semble 6 hect.
Deuxième sole. — Avoine, 5 hectares,
prairies artificielles (sainfoin, trèfle, lu-
zerne), 1 hect. ; en tout. G
Troisième sole. — Jachère, 3 hectares;
prairies artificielles, 1 hectare; racines
diverses, 2 hectares; en tout 6
Total. ... 18
RÉVOLUTION AGRICOLE 23

Frais de culture, etc.

Il est admis que pour faire valoir de 36 à 40 hec


tares de terre, il faut, en moyenne :
fr. e.
Un homme à 600 fr. par an, nourriture
comprise 600 »
Une servante à 350 fr., nourriture
comprise 350 »
Un berger ou bouvier, à 300 fr., nour
riture comprise ' . . . . 300 »
Deux chevaux, à 3 fr. par jour . . . 1,085 »
Soit pour 36 hectares. . . . 2,335 »
Ou pour 18 la moitié de 2,335 est de. 1,167 50
Loyer de la terre, ou intérêt du capital,
à 20 fr. l'hectare 360 »
Intérêt du matériel agricole, évalué
àl,500fr 75 »
Usure du matériel 200 »
— des chevaux, ferrage, frais de
vétérinaire 100 »
Intérêtdesbâtiments,évaluésà3,000fr. 150 »
Nourriture d'une vache 150 »
— de 50 moutons, pendant
A reporter. . 2,202 50
2
26 RÉVOLUTION AGRICOLE
fr. c.
Report. . 2,202 50
6 mois ou 1 80 jours, à raison d'un kilo par
tête, soit 50 kilos ou 5 bottes par jour, et
pour 180 jours 900 bottes à 25 cent. . . 225 «
Main-d'œuvre pour la moisson et la
fauchaison 250 »
Battage des grains, transport au mar
ché, lavage et tonte des moutons, etc. . 200 »
Impôts, contributions, prestations, etc. 40 »
2,917 50
Produits.
fr. c.
5 hectares de blé à 8 hectolitres l'un,
semence déduite, soit 40 hect. à 15 fr. en
moyenne 600 »
5 hectares orge et avoine à 10 hecto
litres, semence déduite, soit 50 hectolitres
à 8 fr 400 »
3 hectares de prairies artificielles à 500
bottes à l'hectare, soit 1,500 bottes à 25 c. 375 »
2 hectares racines diverses, à 1 50 fr. 300 »
1 ,800 bottes pailles, à 30 cent. . . . 540 »
50 toisons à 1 kil. 500, soit 75 kilos
à 6 fr 450 »
1,200 litres de lait, à 10 cent. ... 120 »
Fumier (il rentre dans les terres). . .
RÉVOLUTION AGRICOLE 27
Les dépenses sont de 2,917 fr. 50 c. Les produits
de 2,785 fr. La perte est de 132 fr. 50.

Culture industrielle.

Si nous voulons savoir ce que produiront ces


18 hectares de terre exploités industriellement, voici
ce que nous trouvons, en supposant qu'ils soient
divisés comme il suit, c'est-à-dire dans les condi
tions les plus défavorables, savoir :

Arbres fruitiers divers, plantés dans les mauvaises


terres 6 hect.
Plantes de grande culture, comme ci-
dessus 6
Plantes industrielles diverses. ... 6
Total égal. ... 18

Frais.

6 hectares arbres fruitiers, intérêts du capital de


plantation, s'élevant en moyenne à 500 fr. à l'hec
tare, à 14 ans (250 à 300 fr. au moment de la plan
tation), soit 3,000 150 »
6 hectares plantes de grande culture,
A reporter. . 150 »
28 RÉVOLUTION AGRICOLE
Report. . 150 »
comme ci-dessus; soit le tiers de
2,917 fr. 50 c 972 50
6 hectares plantes industrielles, —
moyenne des frais de plantation à 1 00 fr.
l'hectare 600
Frais de culture, — moyenne
à 350 fr. l'hectare 2,100 .
Fumier et engrais. . . . 2,001 |
Récolte, transport, etc. . . 5,940
Impôts, etc. , comme ci-
40
Loyer de la terre ou intérêts
360
Intérêts du matériel et des
150

Produits.
Récolte d'arbres fruitiers divers, à raison de
300 pieds à l'hectare, soit 1,800 arbres à 1 fr.
20 cent 2,220 »
Récolte de 6 hectares , plantes de
grande culture, comme ci-dessus, soit
le tiers de 2,785 fr 928 35
Récolte de 6 hectares plantes indus
trielles, comme il suit :
A reporter. . 3,148 35
RÉVOLUTION AGRICOLE 29
Report. . 3,148 35
1 hectare asperges (voir les détails
dans les asperges, les fraises, etc.). . . 8,500 »
1 hectare fraisiers 5,000 »
1 — houblon 2,000 »
3 — plantes diverses .... 3,500 »
22,148 35
Les frais étant de. . . . 12,412 50
Le bénéfice est de. . . 9,735 85

Le bénéfice étant de 9,735 fr. 85 pour 18 hectares,


il est de 540 fr. 90 cent, à l'hectare; tandis qu'il
est nul dans la grande culture. Ces chiffres sont assez
éloquents pour que nous n'ajoutions rien à la
comparaison.
Nous n'avons rien exagéré, comme on peut s'en
assurer; tous ces chiffres sont le résultat de faits
pratiques incontestables. S'il y avait quelque chose
d'exagéré, ce serait les produits de la grande cul
ture ; car nous n'avons pas fait de défalcation pour
les mauvaises récoltes, les maladies de bestiaux, les
épidémies, l'incendie, la grêle, et cent autres choses
imprévues, inévitables, qui augmentent encore la
perte, quand elles ne ruinent pas le cultivateur.
Avions-nous tort de dire que la grande culture est le
plus ingrat, le plus chétif de tous les métiers?

1
30 RÉVOLUTION AGRICOLE

THÉOBIE DE LA CULTURE INDUSTRIELLE


ET COMMERCIALE.

Comme on a pu le voir par ce qui précède, la


culture industrielle et commerciale consiste dans le
choix de plantes produisant en argent, une somme
beaucoup plus considérable que celle provenant de
la culture ordinaire, tout en ayant des frais de main
d'œuvre plus élevés et en dépensant davantage sur
une étendue donnée de terrain.
Il est reconnu que les produits les plus faciles à
obtenir et les plus fabriqués ont une valeur moindre
que ceux qui ne s'obtiennent qu'avec des connais
sances plus étendues, et dont la fabrication est diffi
cile : c'est le résultat de la concurrence. En effet,
plus une chose est rare, plus elle a de valeur, et
plus elle est demandée.
La grande culture ne produit que du blé, de l'a
voine, de l'orge, de la betterave et du colza : il n'est
donc pas étonnant que ces plantes soient tombées à
vil prix. Il est certain qu'il y a plus d'avantage à en
cultiver d'autres moins exploitées, et à rechercher
celles qui sont capables de se vendre le prix le plus
élevé et le plus facilement.
Au lieu de cultiver des plantes qui rapportent en
RÉVOLUTION AGRICOLE 31
produit brut 300 francs par hectare, il faut cultiver
celles qui peuvent rendre 2 ou 3,000 francs.
On ne rencontre pas toujours des sols propres à
produire toutes sortes de plantes ; il arrive fréquem
ment qu'on ne saurait abandonner la culture ordi
naire sans faire quelques travaux, quelques modifi
cations aux terrains ; il ne faut pas hésiter, dans ce
cas, à employer tous les moyens possibles pour
sortir de l'ornière. Si le sol est pierreux, difficile à
travailler, on l'épierre, on l'ameublit en y introdui
sant des matières divisantes, de la chaux, des plâ
tras, du sable, du poussier de charbon, etc. ; s'il est
trop humide, on l'égoutte, on l'assainit; s'il est trop
léger, on le rend plus consistant en y mettant de
l'argile qu'on rapporte du dehors ou qu'on tire
du sous-sol s'il y en a. On creuse des puits si l'on
manque d'eau, etc., etc.
Ces diverses opérations se font petit à petit. Chaque
année on les exécute sur un petit coin de terre, et
après quelque temps on se trouve avoir accompli
une grande tâche et décuplé la valeur de sa terre et
l'importance de ses revenus.
Avant de commencer une culture industrielle il
faut aussi savoir profiter des circonstances pour avoir
les terres les plus propres à la culture que l'on veut
embrasser. Si l'on n'en possède pas on en prend à
long bail, si on ne peut ni les acheter ni les avoir
par échange. Ce mode a surtout de l'avantage pour
3Î RÉVOLUTION AGRICOLE
certaines plantes qui ne peuvent revenir que de loin
en loin à la même place, telles que l'asperge qui vit
vingt à vingt-quatre ans et qui ne peut être cultivée
sur le même sol avant cinquante ou soixante ans.
Dans certains autres cas, on aura plus de bénéfice
à louer qu'à cultiver ses propres terres, soit en rai
son des dépenses à y faire, soit parce qu'on ne pour
rait remplacer les cultures sur une assez grande
échelle, quand les premières quitteront le sol
ainsi que nous venons de le dire pour l'asperge.
On doit donc tenir compte de la possibilité ou de
l'impossibilité de cultiver constamment la même
plante sur une étendue donnée. Si l'on peut la cul
tiver toujours, dans les conditions ordinaires des
assolements bien entendus, c'est-à-dire en la faisant
revenir tous les six, douze ou vingt ans, on peut
avoir de l'avantage à être propriétaire ; dans le cas
contraire, il vaut mieux avoir des terresà loyer.
Si l'on en possède une partie, on peut les cultiver
et recourir au fermage pour s'en procurer d'autres,
afin de laisser reposer les siennes et attendre le mo
ment où elles pourront de nouveau rentrer dans
l'assolement.
On doit aussi calculer le plus exactement possible
les dépenses de culture et les frais d'établissement,
afin de ne pas dépasser les limites de ses res
sources.
Il est également indispensable de s'assurer du
RÉVOLUTION AGRICOLE 33
nombre de bras dont on aura besoin, et de voir si
l'on pourra se les procurer facilement.
Il n'est pas moins important de tenir compte des
difficultés que l'on peut rencontrer dans la vente des
produits, en raison de l'éloignement des débouchés,
et d'une foule d'autres circonstances qu'il est im
possible de prévoir à l'avance et de signaler ici,
mais que tout homme un peu habile saura recon
naître facilement.

DIVERSITÉ DE LA CULTURE INDUSTRIELLE ET COMMER


CIALE, D'APRÈS L'ÉLOIGNEMENT DES CENTRES DE
CONSOMMATION.

Le cultivateur qui est à 20 kilomètres de la ville


où s'écoulent ses produits, et celui qui en est éloigné
de 100 kilomètres, ne sont pas dans les mêmes con
ditions de production et de vente. Le premier peut
aller tous les jours vendre ses produits, tandis que
cela est impossible au second. Le premier peut faci
lement faire de la culture maraîchère, cela devient
sinon impossible, du moins très -difficile pour le
dernier.
Il est donc évident que la culture doit subir des
modifications suivant que l'on se rapproche ou que
l'on s'éloigne du centre de consommation qui est
presque toujours une ville.
34 RÉVOLUTION AGRICOLE
La culture industrielle se divise en quatre rayons,
comme il suit ; savoir :
Le premier rayon comprend toutes les localités
qui ne sont distantes que de 20 kilomètres de la
ville ou des débouchés, c'est-à-dire, de tout point
qu'on peut atteindre en un jour, aller et retour, avec
un cheval traînant une voiture.
Le deuxième rayon comprend celles qui sont dis
tantes de 20 à 40 kilomètres.
Le troisième rayon celles qui sont à la distance
de 40 à 100 kilomètres.
Le quatrième rayon, celles qui sont au-delà de
100 kilomètres.
Le premier rayon ou zone est propre à la cul
ture maraîchère : il peut convenir à la culture de tous
les légumes et de quelques fruits.
Le deuxième rayon, convient encore à certains
légumes et aux fruits.
Le troisième rayon, convient plus spécialement
aux fruits, à quelques légumes spéciaux et à cer
taines plantes industrielles et commerciales.
Le quatrième rayon, ne peut guère comprendre
que la culture des fruits capables de supporter une
longue route et des productions diverses qui ne de
mandent pas à être transportées dans un court délai.
Il nous est impossible d'énumérer ici, et d'avance,
toutes les plantes qui peuvent être cultivées dans
chacune des quatre zones que nous venons d'mdi
RÉVOLUTION AGRICOLE 3S
quer ; mais nous aurons le soin de le faire dans la
seconde partie.
Cependant, nous devons dire, dès à présent, qu'il
y a des circonstances particulières qui peuvent ap
porter des modifications au classement que nous
avons fait ; par exemple, le voisinage d'une gare de
chemin de fer, des relations exceptionnelles qui
rapprochent les distances ou changent les condi
tions d'expédition et de réception. Mais cela ne
saurait empêcher que ce classement fût réellement
bon et pratique.

APPLICATIONS GÉNÉRALES DE LA CULTURE INDUS


TRIELLE PAR ZONES

Nous avons dit, dans le chapitre précédent, que


l'on peut diviser la France agricole en quatre rayons
ou zones. Nous avons dit quelles sont les cultures
qu'il conviendrait d'appliquer à chacune d'elles ;
dans celui-ci nous allons donner quelques détails,
quelques exemples propres à développer plus large
ment notre idée.
Première zone . — Nous avons dit que cette zone
est spécialement propre à la culture maraîchère.
En effet, jusqu'à 20 kilomètres des grands centres
de consommation, la terre, en général, a une valeur
36 RÉVOLUTION AGRICOLE
assez élevée; elle est morcelée; la main d'œuvre est
chère, mais on se procure facilement de l'engrais.
De plus, la propriété est rarement importante, c'est-
à-dire qu'on ne rencontre guère de vastes domaines
et que la grande culture fait exception.
Il est évident que les exploitations rurales, dans
de telles conditions sont fort mal placées ; tandis
que la culture maraîchère a tous les avantages pos
sibles. Avec un seul hectare deterre, une famille
peut non-seulement vivre et prospérer, mais encore
réaliser d'assez beaux bénéfices, si elle l'exploite
en légumes et en fruits divers. Il est reconnu, et
nous le démontrerons plus loin, qu'à 20 kilomètres
d'une ville on peut retirer jusqu'à 5 et 6,000 francs
d'un hectare de terre, d'une qualité assez mé
diocre. ,
Dans cette zone on pourra cultiver toutes les
plantes possibles, telles que primeurs, asperges, frai
ses, légumes de toutes sortes, qu'on pourra conduire
tous ies jours à la ville ou au moins tous les jours
de marché. On en ramènera les engrais et toutes
autres choses dont on aura besoin.
Pour ne pas empiéter sur les chapitres suivants,
nous nous bornerons ici à ces données générales.
Nous passons donc à la seconde zone, sans plus
d'explications.
Seconde zone. — La seconde zone comprend les
terres qui sont éloignées de 20- à 40 kilomètres des
RÉVOLUTION AGRICOLE 37
villes. A cette distance, la propriété s'arrondit ; on
trouve de plus vastes domaines, la main d'œuvre
est déjà moins élevée, et on se procure encore des
engrais facilement.
Dans cette zone toutes les terres doivent être cul
tivées. On peut encore faire une partie de la culture
indiquée pour la première; mais on aura avantage à
ne cultiver que les bonnes terres en fruits et légu
mes spéciaux que nous indiquerons, et on aban
donnera les aulres à la grande culture, soit pour se
faire de la paille, soit pour se procurer des fourrages.
On pourra les soumettre à un assolement régulier et
les diviser en deux parties : moitié pour la culture
industrielle, moitié pour la culture ordinaire.
Ainsi, supposons un petit domaine de 16 bectares,
on mettra :
8 hectares pour la culture industrielle et 8 pour la
grande culture.
On divisera, selon la qualité des terres et les
besoins de la vente, chaque partie comme il suit ou
à peu près ; car, le tableau que nous donnons n'est
là que pour l'intelligence du système :

Asperges 2 hect.
Fraisiers 1
Légumes divers, (pois avec carottes de
dans, oignons, etc., etc). ....... 1
Areporter . . 4
3
38 RÉVOLUTION AGRICOLE
Report. . 4
Plantes tinctoriales, (pastel, garance,
gaude, safran, etc., etc.) 1
Pommes de terre hâtives ou quarantaine
à lever dès le premier juillet, suivies de
de choux, salades, navets, etc. ... 1
Betteraves, cardèros, houblon, etc. (se
lon le sol et l'assolement) 1
Pépinière d'arbre s et arbustes , osier
pour le service de l'exploitation, réglisse,
groseilliers noirs pour distillateurs, etc. ,
etc. 1
Ensemble. . . 8 hect.

Quant aux 8 hectares de grande culture, on pourra


faire, à peu près, la division suivante :

Blé et seigle pour avoir des liens


de paille, pour le service 2 hect. 1/3
Avoine ou orge 2 . 1/3
Prairies artificielles, (luzerne, sain
foin, ou trèfle) 1
Jachère 2 1/3
Ensemble. . . 8 hect.

Il faut remarquer que ce tableau ne saurait tou


jours être suivi à la lettre , comme nous venons de
RÉVOLUTION AGRICOLE 39
le dire , mais qu'il n'est qu'un exemple. Ainsi, il est
clair qu'il serait impossible de placer une pépinière
et des osiers dans un sol sec et ingrat , les fraisiers
et les oignons dans un sol aride et trop sec, etc., etc.
Il faut que le cultivateur sache remplacer une chose
par une autre.
Dans la seconde partie de cette ouvrage nous in
diquerons la culture propre à chacune des plantes
qui peuvent entrer dans le cadre que nous venons
de tracer et le sol dans lequel elles peuvent vé
géter.
Dans la seconde zone on pourra, parfois, utiliser
les sols froids et sourceux, en y cultivant diverses
plantes qui aiment l'eau, telle que le cresson de
fontaine. (On cite entre autres cultivateurs industriels,
un praticien qui acheta des terres en friphe, sortes de
marais, à eaux vives, à raison de 600 fr. l'hectare.
Il fit des rigoles où il planta du cresson, et sa pro
priété, composée de 28 hectares, lui produit chaque
année pour 30,000 fr. de cresson qu'il vend à la
halle de Paris tous les matins, pendant 7 ou 8 mois
de l'année).
Troisième zone. — Elle comprend les terres qui sont
distantes du lieu de consommation, de 40 à 100 ki
lomètres; cette zone ne saurait comporter la même
culture que la première et la seconde zones. A cette
distance, une grande partie des légumes maraîchers
ne peuvent trouver placé dans l'assolement, en raison
40 RÉVOLUTION AGRICOLE
de la difficulté de les transporter sans avaries jus
qu'au marché, et aussi parce que le prix du trans
port absorberait le bénéfice : ainsi les choux sont
exclus en raison de leur poids, les radis et salades,
parce qu'ils se froisseraient ou faneraient en route,
et ainsi de suite.
Dans l'assolement de cette zone ilserabon de faire
trois divisions. La première comprendrait la cul
ture des légumes de prix qui peuvent supporter les
frais d'emballage et de transport ; la seconde, les
grandes cultures; la troisième, la culture immobi
lisée , c'est-à-dire des arbres à fruits de toute na
ture.
La première et la seconde parties pourraient et de
vraient alterner ensemble de manière à se remplacer
mutuellement après une ou deux révolutions. Soit
dix, vingt ou trente ans, selon les besoins. La troi
sième ne comprendrait que les terres de mauvaise
qualité, éloignées ou difficiles à desservir et qui res
teraient constamment plantées.
Ainsi, pour donner un exemple approximatif,
supposons un domaine de 21 hectares à exploiter
d'après notre système , nous en consacrerions ,
savoir :

1° 7 hectares, à la culture des légumes et fruits ;


2° 7 hectares à la grande culture ;
3° 7 hectares à l'arboriculture.
RÉVOLUTION AGRICOLE 41

On établirait donc l'assolement sur ces bases :

1° Asperges 2 hect.
Fraisiers 1
Plantes tinctoriales, (pastel, garance, sa
fran, gaude, etc.) 2
Pommes de terre hâtives, ou quarantaine
avec carottes, panais, suivis de navets. . 1
Houblon, groseilliers noirs pour distilla
teurs, réglisse, etc 1
Ensemble. . . 7 hect.

2° Blé et seigle .2 hect.


Avoine et orge 2
Prairies artificielles ....... 1
Jachère 2
Ensemble . . 7 hect.

3° Arbres fruitiers tels que pommiers et poiriers à


cidre ou à couteau, cerisiers, pruniers , cognassiers,
noyers, noisetiers, châtaigniers, etc., etc., selon le
terrain 7 hect.

Cette combinaison a pour but :


1° De se débarrasser des mauvaises terres ou des
terres médiocres en les immobilisant par la culture
des arbres à fruits. Gela est facile, que les pièces
42 RÉVOLUTION AGRICOLE
soient closes ou non closes, qu'elles soient grandes
ou petites, larges ou étroites ; nous en avons ici sous
les yeux de moins d'un are.
2" De concentrer les bras, les engrais, les capi
taux sur un petit espace de terrain.
3° De diminuer la culture des plantes improduc
tives, comme nous l'avons dit précédemment.
Faisons remarquer également, que ce tableau n'a
rien de définitif ni d'absolu ; chacun s'en formera
un spécial à ses besoins et à ses terres, mais tou
jours en conservant les divisions établies en trois
classes : cela est indispensable. On peut varier à
l'infini les plantes légumières de la première série,
les céréales de la seconde et les essences d'arbres de
la troisième ; mais nous croyons qu'il est indispen
sable de conserver les proportions indiquées, ne
fût-ce que pour pouvoir remplacer comme cela doit
être, la première série par la seconde et vice versa.
Quatrième zone. — Cetle zone comprend toutes les
cultures qui se font au-delà de 1 00 kilomètres de la
ville ou des grands centres de consommation. Elle
diffère essentiellement des trois premières , car di
verses plantes légumières deviennent d'une culture
impossible; d'autre part, les domaines s'agrandis
sent, les communications deviennent plus difficiles,
le prix des transports augmente, et les engrais re
viennent à un prix plus élevé.
Il faudra donc faire un choix des plantes à culti
RÉVOLUTION AGRICOLE 43
ver, de manière à éviter tous les inconvénients qui
pourraient résulter de l'inopportunité d'une culture
mal appropriée aux besoins de cette zone.
Il sera bon d'introduire l'éducation du lapin pour
faire des engrais et consommer les débris des légumes
et des fruits. C'est une branche lucrative quand on
sait s'en servir : nous en dirons deux mots plus
loin.
L'assolement que nous avons indiqué pour la troi
sième zone peut s'appliquer à celle-ci, mais chaque
cultivateur devra faire avec soin le choix des plantes
à cultiver, et voir quels arbres fruitiers lui présen
teront le plus d'avantage.
Dans les localités très-éloignées des villes de con
sommation, et où les terres sont arides et sans va
leur, il sera profitable de cultiver le cerisier pour en
convertir le fruit en kirsch, ou le pommier à cidre
pour en faire de la boisson.
On croit en général que c'est une grosse affaire que
de planter. C'est peu de chose ; on peut facilement
trouver dans toute exploitation un petit coin de terre
propre à semer vingt à trente mille arbres (cerisiers,
pruniers ou pommiers) qui sont propres à être mis
en place après quelques années seulement.
Le pommier à cidre donne d'excellents produits
dans les terres les plus arides, lorsqu'il est élevé
de pépins et planté après avoir été greffé de bonnes
espèces connues. Cet arbre est très-rustique. Nous
44 RÉVOLUTION AGRICOLE
avons vu récolter, en une seule année, des pommes
pour payer deux fois le terrain qui les avait pro
duites.
On a généralement une mauvaise opinion du
cidre dans les pays où l'on récolte du vin; mais
qu'un cultivateur fasse du cidre, comme nous l'in
diquerons plus loin, et il verra que, malgré toutes
les préventions possibles, il trouvera rapidement le
débit de sa marchandise qui sera préférée souvent
aux petits vins de certains vignobles.

INCONVÉNIENTS DU MORCELLEMENT DES PROPRIÉTÉS.

Le morcellement des propriétés a l'inconvénient


de causer des pertes de temps considérables, en
obligeant à aller d'une parcelle à une autre, pour
exécuter les travaux de culture ; mais il en a de bien
plus grands encore, c'est d'empêcher de varier les
cultures à son gré, de disposer de son terrain à sa
guise, et d'augmenter le nombre des procès.
Le cultivateur intelligent qui voudra faire de la
culture industrielle, devra, coûle que coûte, réunir
autant qu'il le pourra ses propriétés, soit par l'é
change, soit par les acquisitions, soit en vendant les
parcelles isolées.
Dans les campagnes on a une grande répugnance
à vendre. Il semble que ce soit un crime ou un signe
RÉVOLUTION AGRICOLE 48
de déconfiture. L'homme raisonnable foulera aux
pieds ces stupides appréciations, et fera tout ce qu'il
pourra pour arrondir ses pièces. On le traitera de fou,
c'est possible ; mais il laissera dire les imbéciles et ira
son chemin droit pour atteindre son but. Qu'il soit
bien convaincu que c'est en faisant toujours, ou à
peu près, le contraire de ce que font ses voisins qu'il
arrivera à faire de la culture lucrative. On rira;
mais qu'il se souvienne du dicton : Rira bien qui
rira le dernier.
Quand il se sera arrondi des pièces d'une certaine
étendue, il les clôra avec une double haie-vive, afin
de se rendre véritablement propriétaire de son
champ, qui sera ainsi à l'abri de la dent des bes
tiaux et des dommages de toute nature.

UTILITÉ DES CLÔTURES ET MANIÈEE DE LES FAIRE.

Nous venons de dire que le morcellement des


propriétés avait de graves inconvénients , et les
moyens d'y remédier, il faut ajouter que, dans les
pays de grande culture, les terrains découverts en
ont un autre encore : c'est qu'on ne saurait y rien
faire, souvent, sans courir le risque de voir les ré
coltes dévastées.
Dans les pays de petite culture, il n'en est pas
ainsi. Il y a peu de bestiaux, et la charrue ne s'y
3.
46 RÉVOLUTION AGRICOLE
promène que rarement, les voitures ne suivent guère
que les chemins. Un champ garde l'autre, mais dans
les localités de grande culture, il est difficile de
faire respecter une propriété découverte qui borde
un chemin : on n'y parvient que par la clôture.
Une clôture coûte toujours un prix assez élevé ;
mais, dans certains cas, il faut absolument y
recourir.
Il y a deux sortes de clôture économique, le treil
lage et la haie vive. Le treillage coûte de 60 à 70 cen
times le mètre courant sur 1 mètre de hauteur, et
il n'est pas éternel. Derrière lui, il faut planter une
haie vive sur deux raDgs ; c'est la seule clôture so
lide et durable.
Une telle clôture coûte cher ; mais il ne faut pas
hésiter à la faire, on retrouvera bien vite le prix
de la dépense.
DES ASSOLEMENTS

Pour éviter la confusion et régler les semis et plan


tations, il est utile, indispensable même d'établir un
assolement. Par ce moyen on arrive à un ordre et à
un ensemble parfaits.
Pour donner un exemple plus intelligible, nous
allons copier l'assolement que nous avions adopté
pour nous-même, pour les cultures d'un petit jardin
potager destiné à fournir de légumes notre maison.
Nous l'avons suivi pendant un certain nombre d'an
BÉVOLUTION AGRICOLE 47
nées et il nous a évité toutes recherches, puisque nous
savions à l'avance ce que nous devions faire à chaque
époque de la saison : nous le consultions comme on
consulte un calendrier.
La contenance de ce jardin potager était de 5 ares,
divisés en 42 planches d'un mètre 33 de large, et
de plusieurs plates-bandes de 70 centimètres seu
lement.
Voici comment nous avions réparti les semis et
plantations (voir le tableau ci-contre) :
Pour comprendre ce tableau, il suffit de savoir
que les planches qui figurent à la première saison
ou colonne figurent de nouveau à la seconde et à la
troisième. Exemple : les trois planches d'artichauts,
se retrouvent à la deuxième et à la troisième colonnes.
Les cinq planches de radis semés en première saison
(en cinq fois différentes pour ne les avoir pas à la
même époque) sont en choux à la seconde saison,
et en mâche à la troisième.
Il y a quatre planches de choux d'hiver à l'au
tomne (troisième saison) et on n'en retrouve que
deux au printemps (première saison), parce que deux
ont été consommées pendant les mois de janvier
et février. De même, pour d'autres semis.
Il n'y a pas de place d'assignée pour le persil, le
cerfeuil, l'oseille, la ciboule, le poireau, l'estra
gon, etc., ces plantes se sèment dans les plates-
bandes qui ne sont pas comprises au tableau.
48 RÉVOLUTION AGRICOLE

I" SAISON £ ,= 2™« SAISON si 3»« SAISON


i" Semis et — -Sc .«S ^emw et — —
plantations .5C Ai Semis et plantations
te a du 45 fêv.plantations
au 45 mai. SE* du \5 mai au 45 août. du io août au 45 act.
,S ? T3
1 Couche (radis, sa 4 Couche (romaine et 4 Couche (salade, oi
lades pour repi chicorée à repi gnon blanc pour
quer). quer). repiquer, etc.).
s Artichauts. 3 Artichauts. 3 Artichauts.
i Carottes hâtives. 4 Carottes. 4 Mâche.
3 Ail et échalotte. 2 Chicorée. 2 Mâche.
.2 Choux verts, fraise 2 Chicorée ou ro 2 Navets.
de veau ou pal maine.
mier.
S Radis roses et sala 5 Choux pour pom s Mâche.
de à couper. mer.
2 Salade d'hiver. 2 4 radis d'été, 4 chi .) Èpinards d'hiver.
corée.
2 Romaine d'été repi 2 1 radis noir, 4 cé 2 4 radis noir, 4 cé
quée. leri à côtes. leri à côtes.
4 Haricots k 2chicorée, 2 navets. i 2 mâche après les
navets, 2 navets
après la chicorée-
S Pommes de terre 8 6 chicorée, 2 rai S 4 choux d'hiver, 2
hâtives. ponce. raiponce, 2 vides.
4 Chicorée sauvage. 4 Chicorée sauvage. 4 Chicorée sauvage.
2 Fraisiers. 2 Fraisiers. 2 Fraisiers.
4 Epinards d'hiver. l Laitue paresseuse. 4 Scarole.
4 Chicorée, mâche à 4 Romaine a feuilles l Chicorée.
couper, d'artichaut.
4 Oignon blanc repi 4 Oignon blanc. 4 Pissenlit.
qué en novembre.
2 Pois à rames. 2 4 choux-fleur, i 2 4 oignon blanc re
chicorée. piqué, 4 mâche.
4 Pois nains. 4 Radis jauni1. 4 Salade d'hiver.
2 Romaine. 2 Radis d'été. 2 Navets.
4 Oignon rouge. 4 Oigon rouge. 4 Pissenlit.

42 42 *2
1
RÉVOLUTION AGRICOLE 49
La chicorée sauvage, les artichauts, les fraisiers,
etc., se renouvellent à volonté, sans qu'il y ait rien
à modifier au tableau. Le jour de l'arrachage on
peut les remplacer, et les planches vides rentrent
dans l'assolement, en place de celles qui en
sortent.
Pour éviter que les mêmes plantes reviennent trop
souvent à la même place, il suffit de diviser idéale
ment, ou réellement, au besoin, le jardin en cinq ou
six parties et de commencer, chaque année, les semis
en avançant d'une partie. — On peut modifier cet
assolement, en retranchant telle ou telle plante et en
la remplaçant par telle autre qui serait préférée.

MÉCANISME DES ASSOLEMENTS

Quel que soit l'assolement qu'on adopte, s'il com


prend un grand nombre de plantes et surtout des
plantes occupant le terrain pendant des espaces de
temps différents ; que les unes soient annuelles, les
autres bisannuelles, vivaces, etc., il est indispensable
de faire un tableau régulier d'assolement, afin d'é
viter toute confusion et de voir d'un coup d'œil ,
plusieurs années à l'avance, la plante qui devra
occuper telle ou telle pièce. On aura ainsi, sous les
yeux, la marche des plantes tant pour l'avenir que
60 RÉVOLUTION AGRICOLE
pour le passé, et on léguera à ses héritiers de pré
cieux renseignements, surtout si l'on y joint les
observations qui se rattachent à chaque pièce et
à chaque culture.
Pour cela on devra donner des numéros aux pièces
et ensuite les grouper par séries d'un hectare envi
ron, ou les diviser si elles ont plus d'un hectare. Ce
travail pourra se faire comme il le suit :

N°* 1 . Pièce située (désigner l'endroit) — 50 ares.


2. — — 30
3. - — 10

Et ainsi de suite.

Cela fait on formera les groupes de la manière


suivante :

A. 2 hect., composés des nM l, 2, 3, 4, 5 2 hect.


B. 1 — — 6, 7 et 8 1 -
Cl— — 9 et 10 1 —
D. 1 — — 11, 12, 13, 14 et 15. . . 1 -
E. 1 — - 16, 17 et 18 1 —
F. 1 — — moitié rte la pièce 19, partie nord. . 1 —
G. 1 — — 19, partie du midi. 1 —
Ensemble. . . 8 hect.
RÉVOLUTION AGRICOLE

Cela fait on établit le tableau suivant :


Il
ives.
di;svers. etc. detser e
aies,
uiu eu isiers. intes
to o -4J
1 s
■<m o 'S Ph tinctori Pomme hâti
ta .a
0. £ S3Sac
-aj
«J
186S A C G B D F E
1866 A c G B F E D
1867 A c D B G E F
1868 A G D F B G E
1869 A C D F E G B
1870 A C D F E B G
1871 A c D G E B F
1872 A c D G B F E
1873 A c E G D F B
1874 A c E B D G F
1875 A c E B F G D
1876 A c E B D F G
1877 A c E D G F B
1878 A c E D B F G
1879 A G G D B F E
1880 A C G E F B D
1881 A G G E D B F
1882 A C G E F D B
1883 B E G A F D C
1884-1866
à 1882.

Pour comprendre ce tableau il suffit d'en lire la


première ligne. En effet, on voit que en 1865 les
pièces A sont en asperges, G en houblon, G en pépi- '
82 RÉVOLUTION AGRICOLE
nières, B en fraisiers, D en légumes, F en plantes
tinctoriales, etc., E en pommes de terres. En conti
nuant de lire chaque ligne, on arrive à 1882, époque
où finit l'assolement. L'année 1883 indique les mo
difications qu'il y a à faire : A cesse d'être en
asperges, et est remplacé par B; il rentre en assole
ment et suit la marche suivie précédemment par B.
Il en est de même de C qui cesse d'être en houblon
et qui se trouve prendre la place de E qui a pris la
sienne, et ainsi de suite, en faisant passer toutes les
lettres par les asperges et le houblon, sile sol est con
venable : on reprend l'assolement comme en 1865,
Les plantes tinctoriales , quoique bisannuelles ,
n'occupent pas le terrain pendant deux années con
sécutives. On les fait, alors, précéder et suivre d'une
récolte quelconque .
Les pommes de terre peuvent être, également,
précédées ou suivies d'une autre récolte. 11 en est
de même de presque toutes les plantes annuelles.
(Voir à la deuxième partie.)
On comprend que ce tableau n'est pas une ordon
nance ; chacun pourra le modifier à son gré et sui
vant ses besoins.
Quant à l'assolement des huit autres hectares,
rien de plus facile. C'est de suivre ce qu'on a fait
depuis longtemps.
Pour les troisième et quatrième zones, on fera un
tableau spécial pour chaque division.
RÉVOLUTION AGRICOLE 53
Il faut remarquer aussi que l'on devra, au bout
d'une ou de deux révolutions, faire passer la divi
sion des légumes et fruits divers, en grande cul
ture, et réciproquement, à moins que la nature du
sol s'y oppose, et que chacune des trois divisions
doive subir le même assolement à perpétuité.

DES ENGRAIS

La France possède 36 millions d'hectares de terre


en culture, et sa production annuelle en fumier de
ferme est de 96 millions de tonnes environ, ce qui
fait 2 tonnes et demie de fumier par hectare. Or,
comme la fumure ordinaire est de 30 tonnes de
fumier, par rotation de trois ans, soit 10 tonnes par
an, l'agriculture ne produit que les sept vingtièmes
d'engrais de ce qu'il lui faudrait , c'est-à-dire le tiers
environ.
Il faudrait, pour fumer à raison de 10 tonnes par
hectare et par an, 360 millions de tonnes, c'est un
déficit de 264 millions de tonnes qu'il est nécessaire
de combler, pour arriver à une bonne culture,
c'est-à-dire à la culture que nous recommandons.
Comme cela est à peu près impossible, quant à pré
sent, nous devons retirer de la culture, environ un
quart des terres cultivées en ce moment et les plan
ter comme nous l'avons dit plus haut, à propos des
84 RÉVOLUTION AGRICOLE
troisième et quatrième zones, ce qui équivaudrait à
90 millions de tonnes, 90 mil.
Nous avons. . . 96
Soit. 186

Il reste donc 174 millions de tonnes à trouver pour


parfaire le chiffre nécessaire à combler le déficit,
mais où les prendre? Le guano, la poudrette, les
tourteaux, et autres engrais fournis par le commerce
pourront y contribuer pour une partie. Nous croyons
qu'il faudra bien des années pour arriver à ce
résultat, mais cela n'est peut-être pas aussi impos
sible qu'on le pense. Quand la culture sera devenue
industrielle elle pourra payer ses engrais un prix
plus élevé ; alors, on les recueillera avec plus de
soins et on saura s'en procurer des masses impor
tantes qu'on néglige aujourd'hui. D'ailleurs, le sys
tème que nous préconisons ne sera pas de longtemps
mis en pratique exclusivement. Il n'y a donc pas lieu
à s'inquiéter outre mesure des engrais supplémen
taires.
Voici, d'après les analyses chimiques, les quan
tités d'engrais correspondantes ou équivalentes pour
la fumure d'un hectare.

Fumier d'écurie à l'état de pâte grasse 10,000 kil.


Vidanges liquides 6,000
— solides 3,800
RÉVOLUTION AGRICOLE 88
Os broyés 2,500 kil.
Poudrette sèche 1,500
— humide 2,000
Noir de raffinerie 3,780
— annualisé 3,669
Tourteaux, colza, navette, lin. . . . 1,100
Guano du Pérou 600
— des îles Backer et Javis . . 810
Colombine sèche 500
— humide 1,700
Chiffons de laine 1,200
Sang liquide 2,000
— en poudre ....... 800
Ràpure de corne 350
Chair musculaire, sèche 450
— en poudre 650
Engrais-Poisson 650

Tels sont les engrais qu'on trouve dans le com


merce; telles sont aussi les quantités respectives que
la science a fixées comme équivalentes à 10,000 kilos
de fumier de ferme ou d'écurie, à l'état gras. Cepen
dant, nous nous permettrons une remarque, c'est
que le noir animalisé, ou des raffineries, semble,
depuis quelques années, avoir perdu considérable
ment de sa valeur, au point de vue pratique; quel
ques praticiens distingués prétendent que cet engrais
ne correspond nullement à la valeur que lui attri
36 RÉVOLUTION AGRICOLE
buent les analyses chimiques : c'est donc un sujet à
étudier. Quelques-uns vont jusqu'à dire qu'il a ruiné
leurs terres, ce qui ferait croire qu'il doit être plutôt
considéré comme amendement que comme en
grais.

INFLUENCE DE LA CULTURE INDUSTRIELLE ET COMMER


CIALE SUR LA PRODUCTION DU BLÉ.

Ceux qui n'ont pas l'habitude des assolements


alternes croiront peut-être que notre système aurait
pour effet de diminuer considérablement la produc
tion du blé, et d'augmenter dans une forte propor
tion celle des légumes, fruits, etc., de manière à faire
élever le prix du premier et baisser [celui des se
conds.
Le blé peut être supprimé sans inconvénient sur
toutes les terres qui ne conviennent pas aux plantes
dont se compose notre culture; car il en restera
encore assez pour produire des récoltes aussi abon
dantes qu'avant l'emploi du système.
Il y a longtemps qu'on a dit : le moyen de récolter
beaucoup de blé, c'estden'en guère semer. En effet,
en n'en semant que peu on fume davantage, on
cultive mieux, on peut alterner les cultures et avoir
presque toujours des terres neuves et riches à lui
consacrer. Il y aura donc à peu près compensation
RÉVOLUTION AGRICOLE 87
dans la production ; mais, alors même qu'il y aurait
un léger déficit, il serait largement comblé par l'aug
mentation des fruits et légumes, qui prendront
dans la consommation la place du blé ou du pain,
et cela à l'avantage des classes peu aisées qui
auraient une nourriture plus succulente et plus
variée. On mange beaucoup trop de pain en France;
c'est une nourriture très-médiocre et qui coûte plus
que la viande et les légumes, sans en remplir com
plètement le but. Il serait à désirer que nous pris
sions un peu des habitudes anglaises : tout le monde
y gagnerait.
D'ailleurs, la lenteur avec laquelle un tel système
doit être mis en pratique , le peu de cultivateurs
entreprenants qu'il y a eu France, seraient des cor
rectifs assez grands s'il y avait à craindre de voir la
nouvelle culture envahir les terres. Dieu merci I ce
n'est point par là que nos agriculteurs pèchent , il
n'y a garde de les voir tomber pour avoir marché
trop vite.
Ces raisons n'existeraient pas qu'il y en a d'autres
plus puissantes encore et qui, à elles seules, suffi
raient pour restreindre notre système dans d'étroites
limites : c'est, d'une part, le manque de capital et le
défaut de connaissances. L'argent est rare et recher
ché à la campagne; le cultivateur n'a pas sitôt
gagné 100 fr. qu'il en achète des terres; or, com
ment s'en procurer? Il faut attendre ou vendre une
58 «ÉVOLUTION AGRICOLE
propriété pour en cultiver une antre. Combien
faudra-t-il de temps pour faire comprendre cela aux
habitants des campagnes ? Et le défaut de connais
sances qui rend tout impossible, qui oblige à tâton
ner, qui fait ramper au lieu de marcher ; quand
n'existera-t-il plus?
Toutes les craintes de cette nature sont chimé
riques, car la culture lucrative ne sera jamais à la
portée de tous indistinctement : la majeure partie
des cultivateurs seront toujours obligés de s'en tenir
à la. culture ancienne, ou à peu près, faute d'argent
et de connaissances spéciales exigées par la nou
velle.

MISE EN PRATIQUE DU NOUVEAU SYSTÈME.

On peut rencontrer des difficultés de plusieurs


sortes pour mettre en pratique notre système ; les
plus grandes sont le défaut de capitaux et de terres
propres à ce genre de culture ; cependant, elles sont
bien rarement insurmontables. On demandait à un
cultivateur ce qu'il y avait de plus essentiel en agri
culture et il répondit : « Des engrais » : nous aurions
dit de l'argent, car avec de l'argent on fait à peu
près tout ce que l'on veut, même des engrais.
Si nous voulions tenter cette culture pour nous et
que nous nous trouvassions sans capitaux et sans
terres convenables , voici ce que nous ferions.
RÉVOLUTION AGRICOLE 59
Pour avoir les capitaux nécessaires à notre entre
prise, nous vendrions celles de nos terres qui se
raient le moins propres à notre genre de culture
ou celles qui nous produiraient le plus d'argent,
pourvu qu'elles ne nous soient pas indispensables .
Si nous ne pouvions vendre, nous n'hésiterions pas
à emprunter une petite somme pour nous mettre à
même d'opérer sur un demi- hectare et même
moins , afin de ne pas nous créer de grosses dettes
à amortir et de gros intérêts à servir. Les premiers
bénéfices seraient employés à étendre les cultures
et à amener d'autres bénéfices, et nous ne payerions
nos dettes que quand toute notre culture serait
bien établie et que nous n'aurions plus besoin d'ar
gent.
Le cultivateur a des idées tout opposées à celles-
ci : vendre des terres, pour lui c'est une grosse
affaire. Il craint qu'on dise qu'il vend pour se libé
rer. Quant à nous, nous laisserions causer les igno
rants et lesmauvaises langues, et nous nous dirions
ceci : Mieux vaut gagner de l'argent avec 10 hectares
que d'en perdre avec 20. La grande culture a fait ses
preuves ; elle ne ruine pas tous ceux qui l'entre
prennent, mais elle n'enrichit personne. Laissons
donc les amateurs de terres et de grande culture se
donner des éloges, se vanter à leur aise, s'enrichir
idéalement, outre mesure : cela ne porte préjudice à
personne. Quant à nous, qui ne nous payons pas de
60 RÉVOLUTION AGRICOLE
cette monnaie, nous viserions au positif et laisse
rions ces gens-là faire de la poésie agricole à satiété.
11 est bien rare qu'il n'y ait pas à la campagne,
quelques gens qui se gênent pour agrandir leur do
maine ; on a toujours quelques voisins orgueilleux.
Nous tâcherions de stimuler leur désir de posséder
des terres en leur offrant les nôtres, et nous en ra
chèterions de plus convenables ou nous en pren
drions à loyer. Au besoin, nous irions chercher ce
qu'il nous faudrait dans un village voisin ou éloi
gné ; peu nous importe. Le paysan en jaserait encore
à son aise ; nous lui laisserions dire gaiement tout
ce qu'il voudrait et nous tâcherions de nous caser
en bon endroit, préférant de beaucoup subir ses
niaises injures que de traîner toute la vie le boulet
de la grande culture.
Parler au cultivateur de vendre des terres, d'em
prunter pour faire valoir celles qui lui resteraient,
de vendre tout et d'aller en louer ou en acheter
hors du village qu'il habite, il y a là plus qu'il n'en
faut pour se faire passer pour fou. Tant mieux! cela
est une garantie de réussite pour ceux qui oseront le
faire, et aussi pour l'équilibre qui doit s'établir en
agriculture; car si le plus grand nombre mettait
nos idées à exécution immédiatement, le système
serait moins avantageux : c'est un contre-poids qui
n'est pas sans utilité.
A chacun selon ses œuvres et ses aptitudes, cela
RÉVOLUTION AGRICOLE 61
est trop juste. Celui qui sort de l'ornière de la rou
tine, qui travaille avec intelligence, qui ne craint
pas de se frayer une route nouvelle hors des sentiers
battus, doit être mieux rémunéré que le routinier ;
parce qu'il risque plus, et qu'il lui a fallu recourir à
des combinaisons auxquelles l'ignorant ne comprend
rien et doit rester étranger , car son incapacité
le conduirait infailliblement à la ruine, s'il voulait
entreprendre de faire ce qui est au-dessus de son
intelligence et de ses forces. Que chacun se serve
des moyens que la nature lui a donnés : aux uns la
force, aux autres l'intelligence ; à ceux-ci la fortune
acquise, à ceux-là la science de l'acquérir.
Pour mettre notre système à exécution, il faut
avoir de l'intelligence, de l'activité, le coup-d'œil
sûr et prompt, le jugement sain et rapide ; savoir lire
et écrire, diriger les affaires et faire une correspon
dance commerciale, tout ce qui convient au négo
ciant; car c'est autant du négoce que de la culture.
L'insouciant, le paresseux, celui qui a l'esprit lourd,
obtus, l'ignorant, l'homme dépourvu de jugement,
ou à idées fausses ou irrésolues doit s'abstenir : au
lieu de faire fortune il se ruinerait.
Avant d'entreprendre cette culture, le cultivateur
devra donc y réfléchir à deux fois et se peser mûre
ment, afin de savoir ce qu'il vaut et ce qu'il peut.

4
62 RÉVOLUTION AGRICOLE

NATURE DES TERRES PROPRES AU NOUVEAU SYSTÈME


DE CULTURE.

Toutes les terres, comme on l'a vu, peuvent être


utilisées dans ce système comme dans l'ancien ; mais
pour certaines plantes, il est indispensable qu'elles
soient purgées de pierres, pour qu'on puisse les
travailler avec la bêche, qu'elles soient peu éloignées
de la maison et accessibles aux voitures qui doivent
y transporter les engrais et enlever les récoltes.
Ainsi, pour la culture de l'asperge, il faut un sol
meuble ou ameubli sans pierres ; car , ne fussent-
elles grosses que comme de petites noix, si elles sont
nombreuses, elles suffiraient pour nuire à l'asperge,
par exemple, en faisant recourber les tarions ce qui
les rendrait impropres à la vente.
Il est indispensable d'avoir de l'eau pour certaines
cultures; on devra donc en tenir compte. Il faudra,
alors, ou creuser des puits, ou se procurer des terres
convenables, si l'on veut réussir dans la culture des
plantes qui exigent de l'eau.
En général, les terres qui sont éloignées du do
micile de celui qui les exploite ont de graves incon
vénients; on perd un temps considérable pour y
faire les cultures. On est obligé de se déranger pour
aller les voir et surveiller les récoltes. On est exposé,
RÉVOLUTION AGRICOLE 63
lorsque le temps est pluvieux, de faire des courses
inutiles ; car souvent la pluie tombe quand on arrive,
et l'on est obligé de revenir sans avoir pu travailler,
et cent autres choses encore.
Les terres trop sèches, trop peu profondes, celles
qui sont en pente ou inacessibles aux chevaux et
aux voitures, ne conviennent qu'à un petit nombre
de plantes.
Nous n'empiéterons pas ici sur la culture spéciale,
nous renvoyons le lecteur à la deuxième partie pour
plus amples détails.

PÉPINIÈRES

Une pépinière est toujours utile, soit qu'on veuille


en vendre les produits, soit qu'on ait des plantations
à faire.
Un sol frais, ayant au moins 50 centimètres de
terrre végétale, défoncé à 40 centimètres, purgé de
pierres, de toutes celles qui ont la grosseur d'un
œuf, du moins, est nécessaire. Il est indispensable
de l'entretenir net de mauvaises herbes.
Dans cet état, il peut recevoir toutes espèces de
graines ou de plantes.
Il nous est impossible de donner ici des détails
sérieux sur l'art de faire une pépinière; notre
64 RÉVOLUTION AGRICOLE
tâche doit se borner à signaler qu'il y a intérêt pour
le cultivateur à en avoir une.
En effet, le cultivateur a-t-il besoin de faire des
plantations de cerisiers, de pommiers, de poiriers;
de faire des haies, etc., il a un immense avantage à
semer des noyaux, des pépins, des graines d'aubé
pine, etc., et de les élever et greffer lui-même. Dans
un petit espace de terrain, il obtiendra tout ce qu'il
lui faudra de sujets pour ses plantations , et il sera
certain des variétés qu'il aura greffées ; il pourra
transplanter au fur et à mesure des besoins, et
même livrer ses produits à la vente s'il en a de
trop.
Ceux qui auraient le désir de s'occuper de pépi
nières, devront consulter un ouvrage spécial et
approprié à leurs besoins, afin de se guider dans cet
art aussi agréable qu'utile et important.

ÉTABLISSEMENT D'UNE PÉPINIÈRE D'ARBRES A FRUITS,


POUR LA CULTURE INDUSTRIELLE

Votre terrain défoncé, divisez-le au mois de


septembre ou d'octobre et même en novembre,
en planches de 1 mètre 33 centimètres de largeur
sans briser les mottes. En décembre, tracez-y des
rayons de 3 à 4 centimètres de profondeur à la dis
tance de 20 centimètres et semez-y des pépins et
RÉVOLUTION AGRICOLE 68
des noyaux, à raison de cinquante par mètre de
longueur, soit un tous les deux centimètres, et recou
vrez avec la terre extraite.
Au mois d'avril ou au commencement de mai, les
les jeunes sujets sortiront. Cette année, entretenez
la terre meuble et propre par des binages que vous
donnerez toutes les trois semaines au besoin.
La seconde année, opérez de même ; c'est-à-dire,
donnez des binages une fois au moins tous les mois,
et quand les feuilles seront tombées (à l'automne),
relevez le plant et repiquez-le, en terre meuble et
nettoyée à l'avance à 50 centimètres en tous sens,
après en avoir retranché le pivot.
La troisième année, opérez comme pendant la
seconde : binez et tenez la terre meuble et nette.
La quatrième année, au printemps, coupez vos
plants à 15 centimètres au-dessus du sol, et tenez
encore la terre meuble et nette. Au mois de juillet,
greffez en écusson tous vos sujets.
La cinquième année, greffez en fente les écussons
manqués, tenez la terre toujours propre, et, en no
vembre, plantez en place ou attendez à l'année sui
vante, si vos arbres ne sont pas assez forts.

4
66 RÉVOLUTION AGRICOLE

PLANTATION EN PLACE.

On croit généralement qu'il est nécessaire de faire


des fouilles d'une grande profondeur pour planter
les arbres. On recommande de faire des trous d'un
mètre et plus, de les remplir de bonne terre, etc.
Soins superflus. Si votre sol n'a pas une couche de
terre végétale assez forte, vousl'empotez et il mourra,
quand il aura dépensé toutes les substances nutri
tives de la terre rapportée, sans l'avoir franchie.
Quand un sol a 60 centimètres de terre végétale, et
que le sous-sol n'est pas impénétrable aux racines ou
complètement aride, la plupart des arbres peuvent y
végéter.
Il suffit de faire des trous de 60 à 80 centimètres
carrés sur 50 centimètres de profondeur pour plan
ter des arbres à haute tige de la hauteur de 2 mè
tres et demi.
Quand les trous sont ouverts, il s'agit de planter;
on y procède comme il suit :
1° On rafraîchit avec une serpette bien tranchante
l'extrémité des racines en en retranchant le moins
possible ; mais en coupant jusqu'au bois sain et à
l'écorce vive ;
2° On étend au fond du trou trois ou quatre cen
timètres de terre végétale bien meuble, ou des ga
RÉVOLUTION AGRICOLE 67
zons, puis on y place l'arbre bien perpendiculai
rement.
3° On glisse de la terre entre les racines, en les
plaçant comme elles l'étaient avant l'arrachage,
c'est-à-dire par étages, et on foule la terre en mar
chant dessus, de manière que les vents et les pluies
ne puissent ni ébranler ni déplacer l'arbre.
4° On fait une sorte de godet autour du pied pour
attirer l'eau pluviale sur les racines et l'opération
est terminée.
Il faut observer trois choses essentielles en plan
tant un arbre.
l°Ne retrancher aucune branche, petite ou grosse,
bien ou mal placée. Pour qu'un arbre se fasse
des racines, il faut des feuilles ; il est donc essentiel
de ne supprimer aucune branche. L'année suivante,
on taiJle rigoureusement si on le veut ; cela n'a pas
d'inconvénient.
2° Dans les terres sèches, il faut planter plus pro
fondément que dans les terres fraîches ou humides.
3° Planter toujours à l'automne dans les terres
sèches, et même dans les sols frais. Il n'y a guère
que dans les sols baignés d'eau où la plantation de
printemps soit préférable.
68 RÉVOLUTION AGRICOLE

ÉPOQUE A LAQUELLE LES PRINCIPAUX LÉGUMES ET FRUITS


APPARAISSENT A LA HALLE DE PARIS

Abricots du Midi 1er au 10 juillet.


— des environs de Paris . . . . 15 au 25 juillet.
Artichauts du Midi l«r au 15 mars.
— des environs de Paris. . . . 25 au 30 mai.
Asperge forcée 15 au 25 septembre.
— de pleine terre d'Argenteuil . 25 au 30 mars.
Carrotte courte hâtive 25 au 30 avril.
Céleri plein l«r au 10 septembre.
— rave 1er au 15 octobre.
Cerises 10 au 15 juin.
Chicorée frisée de pleine terre . . . 1er au 15 juin.
— scarole — 1" au 15 juillet.
Chou cabus (Yorck, cœur de bœuf) . ler au 15 mai.
— Saint-Denis 1er au 15 juillet.
— pommés d'automne 1er au 15 septembre.
Cornichon et concombre 1er au 15 juillet.
Cresson toute l'année.
Échalote l01, au 15 juin.
Fève — —
Fraises forcées sous châssis . . . . 15 au 20 avril.
— de pleine terre 25 au 30 mai.
Figues d'Argenteuil 1er au 10 juillet.
Haricots verts 20 au 30 mai.
Melon cantalou de châssis 15 au 20 mai.
— de pleine terre 15 au 20 août.
Navet de pleine terre 15 au 20 juin.
Oignon blanc — —
Panais — —
Potiron 15 au 30 juillet.
RÉVOLUTION AGRICOLE #19
Pois verts non écossés. . 15 au 30 mai.
Pommes de terre du Midi 25 au 30 avril.
— des environs de Paris 25 au 30 juin.
Pommes et poires 15 au 20 juillet. «
Raisin 1« au 15 août.
Scorsonère. . . . 1er au 15 octobre.

MODE DE VENTE ET D'EXPÉDITION A Là HALLE


DE PARIS

Toutes les marchandises qui arrivent à la Halle


sont vendues à la criée. La vente est publique.
Chaque marchandise a sa mesure. Les panais, ca
rottes, navets, poireaux, oignons frais, radis, etc.,
se vendent en bottes du poids de 1 kilogr.
Les artichauts, céleris, choux, choux-fleur, sca
role, chicorée frisée, laitue, se vendent au cent.
Le cerfeuil, les épinards, le persil, l'oseille se
vendent en bottes ou paquets du poids de 1 kilogr.
environ .
L'oignon sec, dit en grains, se vend à l'hectolitre,
et l'épinard, l'oseille, se vendent en mannes à l'ar-
rière-saison.
Les denrées, à destination de la Halle de Paris,
circulent sur toutes les lignes de chemin fer à grande
vitesse à prix réduits, savoir :
Ligne de l'Est. 14 fr. 20 cent, par 100 kilos et 500 kilom.
— Centre, 25 cent, par 1000 kilos et par kilomètre.
— Ouest, 25 — - —
— Lyon, 28 — — ' —
70* RÉVOLUTION AGRICOLE
Il y a, en outre, à payer les frais de chargement,
de déchargement, fixés à 1 fr. 50 cent, par tonne
de 1,000 kilogr., et 10 cent, d'enregistrement par
expédition.

DES INSTRUMENTS PROPRES A LA CULTURE


INDUSTRIELLE.

Dans la grande culture, la charrue et la herse


sont exclusivement employées pour préparer et
cultiver les terres, dans la culture industrielle
elles ne servent que bien rarement et pour les
labours préparatoires seulement.
Les instruments ou outils nécessaires à la cul
ture industrielle sont : la bêche, la houe, le râ
teau, la râtissoire ou binette, le trident, le sarcloir,
le rayon neur ou serfouette, le semoir, la pioche ou
hoyau, l'arrosoir, le crochet, la pelle, la fourche de
fer, le plantoir, la charrue-sarcloir , la griffe , la
brouette, la voiture, l'échelle double. .
La bêche est la bêche ordinaire des jardins,
seulement, dans certains sols compacts, on devra
se servir d'une bêche étroite pour attaquer la terre
plus facilement et plus profondément.
La houe. Il y a trois sortes de houes : la houe
large, la houe étroite et la fourchue ou à dents.
Les deux premières ne sont autre chose qu'une
RÉVOLUTION AGRICOLE 71
bêche légère ayant la forme d'un T, dont le plein
serait le manche qui n'a que 50 centimètres de
long, et auquel on aurait supprimé l'un des côtés.
La houe large convient dans les terres en culture,
les terres légères ; la houe étroite, dans le sols
consistants ou pour défoncer ; la houe à dents
dans les terres pierreuses.
Le râteau est connu ainsi que ses usages.
La râtissoire ou binette sert à sarcler dans les
lignes, à enlever les herbes qui croissent entre
deux labours ou avant une plantation, et à ameu
blir le sol. On s'en sert presque exclusivement
dans la culture de l'asperge.
Le trident est la fourche de fer recourbée en
forme de binette, seulement le manche a 1 mètre
50 de long. On s'en sert pour ameublir le sol,
extirper les herbes, les pierres, les racines, briser
les mottes, etc. On le manœuvre en poussant et en
tirant.
Le sarcloir est un petit outil simulant assez une
feuille de laurier dont la pointe serait recourbée
en haut. Le manche a 12 à 14 centimètres de
long. On l'emploie pour arracher les herbes entre
les plantes serrées, telles qu'oignons, carottes, etc.,
et lorsque la terre est dure et compacte. On
saisit la plante au-dessous du collet entre la lame
qui est un peu tranchante des deux côtés et le
pouce, et on l'enlève en tirant. Si on la manque,
72 RÉVOLUTION AGRICOLE
on gratte avec la pointe et on resaisit la racine.
Le rayonneur ou serfouette. Cet outil est connu,
il est dans tous les jardins, et sert à tracer les
rayons. On l'appelle ausi traçoir.
Le semoir est un instrument qui varie beau
coup ; il y en a de toutes sortes ; c'est au culti
vateur à déterminer celui qui convient le mieux
à son genre de culture ; il y en a depuis vingt-
cinq francs jusqu'à mille francs. L'emploi du se
moir peut être très-utile et très-économique.
La pioche ou hoyau. Cet outil est connu ; cepen
dant, comme il en existe de toutes sortes, on fera
bien d'en avoir de petits et de forts afin de pouvoir
exécuter facilement tous les travaux. On s'en sert
pour arracher les arbres, entamer la terre très-
dure, pour défoncer celles qui sont pierreuses ou
rocheuses, etc.
L'arrosoir est connu; nous n'avons rien à en
dire si ce n'est de ue jamais employer les arro
soirs en fer-blanc ou en zinc qui demandent
constamment des réparations. Il n'y a que l'ar
rosoir en cuivre de solide ; malgré son prix élevé
c'est encore le plus économique.
Le crochet ou croc est connu; toute description
est inutile. Il y en a à dents carrées et à dents plates.
La pelle et la fourche en fer sont les mêmes que
celles employées dans la grande culture.
Le plantoir de jardin est celui qui doit être
RÉVOLUTION AGRICOLE 73
employé dans la culture industrielle. Seulement,
il faudra toujours en avoir en fer à sa disposi
tion pour les terres pierreuses ou compactes.
La charrue-sarcloir est un instrument qui s'em
ploie pour remplacer la binette dans certaines cir
constances, quand le piétinement du cheval ne
peut nuire aux plantes et que les lignes sont assez
écartées. Il y a des charrues-sarcloir à bras : cel
les-ci sont d'un emploi plus facile dans les lignes
peu espacées et daDS la culture des plantes déli
cates et fragiles.
La griffe est une sorte de binette à dents :
c'est le trident en petit. Son emploi consiste à
broyer la terre, à cultiver entre les lignes, à faire
des grattages quand la terre est dure et qu'elle
se laisserait difficilement entamer par la binette.
Cet outil est d'une grande utilité pour aérer la
terre, la diviser, l'ameublir. On doit le préférer à
la binette quand il n'y a pas d'herbes à détruire.
La brouette dont il s'agit ici n'est autre que la
brouette à coffre de jardin ; elle a les mêmes
usages.
La voiture dont on se sert pour le transport
des fruits et des légumes, est une sorte de grand
coffre suspendu sur des ressorts en acier, avec un
siège portatif qui se transporte facilement de
l'avant à l'arrière ou au milieu. Cette voiture est
indispensable si on veut ne pas perdre ses ré
5
74 RÉVOLUTION AGRICOLE
•coites ; car les fruits et légumes, transportés dans
les voitures ordinaires, sont hors de vente après
quelques kilomètres seulement.
L'échelle double sert à la récolte des fruits, à la
taille des arbres : elle est indispensable. C'est la
même que celle des jardins fruitiers.

DE L'EAU

MOYEN DE S'EN PROCURER , DE L'ELEVER ET DE LA


DISTRIBUER PAR LES ARROSAGES.

L'eau est d'une grande utilité dans la culture que


nous recommandons ; aussi lui consacrons-nous un
chapitre tout spécial.
Dans la grande culture on se passe d'eau ; cela se
conçoit, les plantes cultivées ne sauraient supporter
des frais d'arrosage, puisqu'elles supportent à peine
les frais de culture et d'engrais ; mais, dans la cul
ture industrielle il n'en est pas de même, les frais
faits pour se procurer de l'eau et la distribuer sont
payés souvent au centuple. Que l'on ne s'étonne
donc pas de voir quelques lignes consacrées à cette
matière.
Moyen de se procurer de l'eau. — On se procure de
l'eau de trois manières : naturellement, en la puisant
RÉVOLUTION AGRICOLE 78
dans les rivières et ruisseaux ; artificiellement, en
creusant des puits, en faisant des citernes, bassins
et mares ; enfin, en recherchant des sources.
L'eau des rivières et des ruisseaux est toujours
bonne ; celle des puits est souvent très-mauvaise,
tant à cause de sa température froide, que parce
qu'elle contient des sels nuisibles à la végétation.
L'eau de pluie est très-bonne, surtout quand elle est
recueillie dans des mares ou des égouts, parce
qu'elle tient en dissolution des principes assimi
lables pour la nourriture des plantes, et qu'elle a
ainsi une double action.
Les cours d'eau, ruisseaux et sources d'eau vive
sont bien rarement à la portée des terres en culture.
Trop heureux ceux qui se trouvent à leur proximité :
c'est un trésor inépuisable.
La plupart du temps on ne peut guère se procurer
de l'eau qu'à l'aide de puits, de citernes ou de mares.
C'est surtout de ces dernières dont nous voulons
parler. Il tombe, en moyenne, 50 centimètres d'eau
par an dans le climat de Paris et dans un rayon de
150 kilomètres. On comprend quelle énorme quan
tité on en peut recueillir au bas des montagnes,
le long des chemins, en pratiquant des mares, des
égouts, etc.
Quant aux sources naturelles, elles ont un im
mense avantage sur les mares, bassins et réser
voirs artificiels; mais il est très-rare de les rencontrer;
76 RÉVOLUTION AGRICOLE
et pour les découvrir il faut une étude particulière,
une science qui n'est pas du domaine de tout le
monde. L'hydroscopie , ou art de découvrir les
sources, n'a encore guère été pratiquée sérieusement
que par l'abbé Paramelle. C'est d'après lui que nous
donnerons plus loin quelques courts enseignements
sur le moyen de rechercher l'eau pour les besoins
de la culture industrielle ; aussi, nous engageons
vivement ceux que cela peut intéresser à lire son
ouvrage, qui a pour titre : l'Art de découvrir les
sources.
Nous ne nous arrêterons pas à indiquer ni la
manière de creuser un puits ni celle de faire un
bassin, une mare, etc : ce sont choses connues de la
plupart de nos lecteurs.
Moyen d'élever l'eau. — Il ne suffit pas d'avoir de
l'eau, il faut encore pouvoir s'en servir, c'est-à-dire
l'amener au moins au niveau du sol.
On s'est occupé de tout temps des moyens d'élever
l'eau, et à cet effet on a imaginé diverses machines.
Nous allons passer en revue celles que l'usage a fait
prévaloir.
Les machines les plus usitées sont : 1° la bascule;
2° la pompe ; 3° le manège ; 4° le chapelet ; 5° la vis
d'Archimède; 6° le bélier hydraulique ; 7° le moulin
à vent.
La bascule est une machine très-simple et fort
rustique, qui peut rendre de grands services quand
RÉVOLUTION AGRICOLE 77
l'eau à élever n'est qu'à quelques mètres de profon
deur, par exemple, à 6 mètres au plus.
Elle se compose d'un poteau solidement fixé au
sol par sod extrémité inférieure, et muni d'une
chappe en fer à son extrémité supérieure ; d'un ban-
lancier ou lévier passant dans la chappe, et bascu
lant sur un boulon formant essieu qui traverse et
réunit le tout.
L'appareil est disposé de manière que l'une des
deux extrémités du levier, la plus légère, soit per
pendiculairement au-dessus de l'ouverture du puits ;
on y fixe une corde à crochet au bout de laquelle se
trouve le seau. Gela fait, on équilibre le seau et la
corde avec un contre-poids qu'on place à l'autre
extrémité.
On comprend facilement le jeu de cette machine,
il suffit de saisir la corde et d'appuyer dessus pour
faire descendre le seau dans l'eau où il se remplit.
Alors, on le soulève vivement en le lançant en haut,
en un seul mouvement, ou en le répétant ou le con
tinuant. Quand le seau se présente à l'orifice du
puits, on le saisit d'une main par l'anse, de l'autre
par le fonds et on verse son contenu dans un ton
neau ou un réservoir quelconque.
A l'aide de ce simple mécanisme, on peut monter
le double d'eau de ce que l'on monterait avec une
pompe.
Le poteau doit avoir en hauteur, environ les deux
78 RÉVOLUTION AGRICOLE
tiers de la profondeur du puits, et le balancier être
un peu plus long que cette profondeur n'est grande.
Nous mettons en usage pour nous une petite ma
chine tout aussi simple et plus facile à manœuvrer.
Nous avons deux poteaux reliés par une traverse
horizontale à la hauteur de trois mètres. Au milieu
correspondant au tiers du diamètre du puits, se
trouve une poulie ; à 60 ou 70 centimètres plus loin
est une aulre poulie destinée à l'écartement du
conlre-poiJs dont nous allons parler. Nous passons
une corde sur les deux poulies de manière à faire
tomber un bout de la corde au milieu du puits
et l'autre bout sur le sol. A l'un des bouts, nous
fixons un seau, à l'autre un contre-poids qui s'ar
rête juste au point où il faut que le seau reste sus
pendu pour être vidé. La manœuvre se fait absolu
ment de- la même manière que celle du balancier.
Quand le puits est profond, on ne met qu'une seule
poulie de 45 centimètres de diamètre et on fixe un
seau à chaque extrémité de la corde. Alors l'un des
cend vide pendant que l'autre monte plein.
Lapompe. — La pompe est une machine trop con
nue pour qu'il soit utile d'en faire la description.
Toutes les pompes sont établies d'après les mêmes
principes ; mais ils sont plus ou moins bien appli
qués.
Nous ne parlons pas des grandes pompes, des
pompes à double effet, elles n'ont rien à démêler
RÉVOLUTION AGRICOLE 79
avec l'agriculture ; c'est des petites pompes que nous
voulons parler.
En 1858, il y avait, à Meaux, un fontainier qui
fabriquait une pompe rustique tout en bois (excepté
la tringle qui était en fer et les clapets en gutta-per-
cha) dont l'usage élait excellent. Elle montait 40 à
45 litres d'eau par minute et ne coûtait que 1 5 francs
le mètre courant y compris le mécanisme. On avait
ainsi, une pompe pour 45 francs puisant à 3 mètres.
La pompe arabe mérite aussi une grande atten"
tion ; elle est placée dans une sorte de tonneau et
quoique un peu plus compliquée que celle dont nous
venons de parler, elle peut offrir plus d'avantage
dans certaines circonstances.
Le corps de cette pompe est un véritable soufflet
de forge de forme cylindrique ; tous les clapets se
lèvent de bas en haut, et quand on pèse sur le levier
qui la met en mouvement, les parois opposées se
rapprochent ; quand on lève, l'eau monte. Quand on
appuie de nouveau, le rapprochement fait sortir
l'eau par les clapets supérieurs et elle s'écoule dans
le tonneau, en passant par l'issue ménagée à cet
effet.
Nous avons vu, à l'èxposition universelle de 1855,
une pompe de ce genre qui montait 2,000 litres
d'eau à l'heure, et elle ne coûtait que 40 francs.
Manège. — C'est à l'aide d'un manège mu par un
cheval que l'on élève l'eau quand on en fait une
80 RÉVOLUTION AGRICOLE
grande consommation. On applique ce manège aux
pompes comme moteur, comme il est appliqué à
beaucoup d'autres machines, ou à monter des seaux.
Au lieu de ces grands rouets ou commandeurs en
bois que l'on trouve chez les maraîchers, il serait
bien préférable d'adopter de petits commandeurs de
1 mètre 50 centimètres de diamètre au plus, en fonte,
dentés en bois et agissant sur un pignon également en
fonte ; les frottements sont plus doux et le levier plus
grand. Comme on peut, par ce moyen, conserver la
même vitesse, c'est-à-dire donner au pignon le même
nombre de tours qu'avec un grand commandeur, il
en résulte que si celui-ci est diminué de moitié, la
force est doublée, et qu'au lieu de donner un coup
de piston, on en donnera deux : on montera donc le
double d'eau pendant le même espace de temps.
Ceux qui s'occupent de mécanique savent qu'aug
menter la puissance ou diminuer la résistance est
absolument la même chose. C'est précisement ce
qui arrive dans ce cas : nous avons eu lieu de nous
en convaincre plusieurs fois dans l'application que
nous en avons faite aux machines que nous avons
fait construire pour notre usage.
Chapelet, roue à chapelet. — Le chapelet est une
machine composée de plusieurs godets ou de pla
teaux attachés à la suite l'un de l'autre à une chaîne
sans fin, de telle sorte que pendant qu'une partie
des godets montent pleins les autres descendent
RÉVOLUTION AGRICOLE 8i
vides. Cette machine, comme les norias, exige la
force de plusieurs chevaux, de la vapeur ou d'une
chute d'eau : elle ne convient donc que dans un
petit nombre de cas.
Les frais d'établissement d'une machine de ce
genre sont très-élevés, et hors de la portée des res
sources et moyens ordinaires, économiquement par
lant. Une roue à chapelet monte des quantités d'eau
considérables, la puise à toutes les profondeurs ;
mais elle est sujette à réparations.
Vis d'Archimède ou limace. — La vis d'Archimède
consiste en un cylindre incliné qui tourne sur son
axe autour duquel est roulé en spirale un cylindre
creux.
Il y en a une autre de forme différente, c'est la
vis hollandaise. Dans celle-ci, l'enveloppe est fixe,
l'axe et les cloisons héliçoïdes qui y sont fixées sont
seules mobiles et on supprime la partie supérieure de
l'enveloppe. Cette machine élève l'eau à la manière
d'un chapelet incliné; elle est plus solide que la vis
d'Archimède, parce que l'axe est beaucoup moins
chargé. Le canon n'imprimant plus àl'eau un mouve
ment en pure perte, le produit est plus considérable.
La vis d'Archimède ne monte l'eau qu'à une
faible hauteur et n'est que rarement à la portée de
l'agriculture.
Bélier hydraulique. — Le bélier hydraulique est
une machine destinée à élever l'eau par la force
8.
8î RÉVOLUTION AGRICOLE
même du courant : elle n'est donc propre à être em
ployée que dans un terrain qui borde un ruisseau
ou une rivière. Le prix en est très-élevé. Nous con
sidérons cette machine comme d'une application
peu économique.
Moulin à vent. — Le vent est une force motrice
qui ne coûte rien, si ce n'est le mécanisme destiné
à l'utiliser. Aussi, de tout temps on s'est occupé des
machines aérostatiques dont l'invention est due aux
Orientaux. Pendant des siècles, le moulin à vent est
resté tel qu'il avait été inventé, c'est-à-dire avec
toutes les imperfections qu'il avait apportées en nais
sant, et son application se bornait à la moulure du
grain. Ce n'est que depuis quelques années seule
ment que de véritables perfectionnements y ont été
apportés et en ont rendu l'usage plus facile et plus
économique.
Au lieu de cette informe et gigantesque machine
qui était le jouet du vent, et qui ne marchait que
par secousses, ou est parvenu à faire de peliles et
élégantes mécaniques qui s'arrêtent avec lui, mais
qui le laissent passer, sans le suivre, quand il est
violent , et sans accélérer leur marche qui est presque
aussi régulière que si elle obéissait à l'eau ou à la
vapeur.
Les moteurs aérostatiques n'ont pas encore dit
leur dernier mot; cependant, tels qu'ils existent
aujourd'hui, l'agriculture peut en retirer des effets
RÉVOLUTION AGRICOLE 83
très-utiles, soit pour élever l'eau, soit pour mettre
en mouvement telles mécaniques destinées à rem
placer les bras et la force des chevaux.
Distribution de l'eau. — On distribue l'eau sur les
terres de plusieurs manières : 1° Par arrosement,
2° par écopage 3° par irrigation.
Arrosement. — On arrose avec l'arrosoir à main,
l'arrosoir-botte et les tuyaux mobiles.
On connaît l'arrosoir à main, et la manière de
s'en servir ; seulement nous voudrions voir, quand
la terre est battue, procéder autrement qu'on ne le
fait : au lieu de verser les arrosoirs en place il serait
préférable de distribuer l'eau à deux fois, à quelques
minutes d'intervalle, afin de lui permettre de s'in
filtrer plus facilement et de ne pas s'écouler dans les
sentiers ou dans les parties basses.
L'arrosoir-hotte se compose d'une sorte de petit
fût aplati, de la contenance de 45 à 50 litres, soit en
bois, soit en métal, qui se place sur le dos comme
une hotte à l'aide de brassières. Il existe dans le
fond, un tube qui passe à la droite du porteur et qui
se termine par une pomme d'arrosoir placée à l'ex
trémité d'un tube mobile et commandée par un
robinet.
Cet arrosoir est très-facile quand il s'agit de trans
porter un peu d'eau à une grande distance ; mais il
ne convient pas pour les grands ouvrages. Pour le
manœuvrer il ne s'agit que de diriger le tube mobile
84 RÉVOLUTION AGRICOLE
sur l'endroit à arroser, d'ouvrir le robinet, et l'eau
s'écoule par la pomme.
Quand au tuyau mobile, il s'adapte à un réservoir
supérieur à la partie que l'on veut arroser; il est
muni d'une pomme, et on s'en sert en le dirigeant à
la façon d'un arrosoir.
Écopage. — L'arrosement par écopage se pratique
en lançant l'eau à l'aide d'un instrument nommé
écope. L'eau est puisée dans des rigoles qui l'a- *
mènent à portée des parties que l'on veut arroser, et
lancée à toute volée avec l'écope; on peut ainsi
mouiller rapidement un grand espace de terrain :
un ouvrier habitué à ce travail envoie l'eau facile
ment à 8 ou 10 mètres.
L'écope est une sorte de petite caisse plus longue
que large à laquelle il manque un des petits côtés.
L'autre, celui qui est fermé, est traversé par un
long manche qui sert à manœuvrer l'instrument.
Ce genre d'arrosement n'est guère pratiqué en
grand que dans la Somme, aux environs d'Amiens.
Il est moins bon que celui à l'arrosoir, et ne con
vient que dans les terrains où l'eau est abondante
ou amenée en grande quantité par des canaux de dé
rivation.
Irrigation. — L'irrigation n'est guère pratiquée
que dans le midi de la France. Les jardins maraî
chers sont traversés par une rigole qui, du puits,
longe les allées et amène l'eau entre chaque planche
RÉVOLUTION AGRICOLE 85
ou Mllon. Lorsqu'on introduit l'eau dans la rigole
et qu'elle arrive à la hauteur du premier billon que
l'on veut arroser, on la dirige dans le sentier qui
sépare ce billon de l'autre. Dès qu'il est plein, on
en ferme l'entrée par un petit bâtardeau en terre, on
enlève celui qui était dans la rigole et on recom
mence sur le second billon ou planche, et ainsi de
suite.
DES SOURCES OU MOYEN DE LES DÉCOUVRIR.

L'eau est tellement utile que nous croyons devoir


donner quelques renseignements sur l'art de s'en
procurer. Nous n'avons pas la prétention d'être
infaillible ni même de professer l'hydroscopie ;
dous voulons seulement appeler l'attention sur cette
science et faire naître le désir de lire l'ouvrage si
remarquable de l'abbé Paramelle : Art de découvrir
les sources.
Tout le monde connaît l'importance du rôle de
l'eau dans les cultures; on nous pardonnera donc
ces quelques lignes que nous allons exposer dans le
but de la faire rechercher ; mais, nous le répétons,
ce n'est pas même un grossier aperçu de la science
professée, avec tant de talent, par l'abbé Paramelle.
Pour rencontrer des sources on doit se bien péné
trer des principes suivants :
1° Il faut que le sol contienne une couche d'argile
ou de terre imperméable à une profondeur quel-

v
86 RÉVOLUTION AGRICOLE
conque; c'est sur cette couche que l'eau se trouve.
Il faut donc s'assurer à quelle profondeur sont les
couches.
2° Dans les plaines, on remarque, pour peu qu'on
y fasse attention , des dépressions de terrains qui
prennent naissance au bas d'une montagne ou d'un
plateau, et qui se continuent jusque dans une vallée;
c'est ce qu'on appelle un thalweg, c'est-à-dire un
cours d'eau souterrain.
3° Sur le versant de presque toutes les montagnes,
on remarque des plis de terrain qui se dirigent de
haut en bas, soit en ligne droite ou oblique et qui
viennent aboutir soit au thalweg, soit à une espèce
d'entonnoir. Ce sont autant de lignes que l'eau par
court sur la couche imperméable.
4° Plus le thalweg est éloigné du point où il prend
naissance, plus la source est abondante.
5° Les plis de terrain qui se trouvent dans les ver
sants des montagnes ne contiennent de l'eau qu'au
tant qu'ils ont au moins 500 mètres de longueur.
Au-dessous de 500 mètres, ils n'ont ordinairement
quedes eaux très-rares, pendant l'hiver seulement,
et après les grandes pluies.
6° Les montagnes ont toujours une pente douce
et une pente escarpée. L'eau ne se trouve guère que
du côté de la pente douce, sur la couche imper
méable. Cependant, il existe assez souvent des tour-
ces au pied des versants escarpés ; mais alors elles

i
RÉVOLUTION AGRICOLE 87
sont au niveau de la hase de la montagne et il ne
faut pas les rechercher le long du versant car elles
sont très-profondes.
7° Il arrive souvent, dans certaines localités, que
de distance en distance on rencontre le long du
thalweg, des dépressions de terrain simulant l'en
tonnoir (ce sont des bétoires), cela indique que l'eau
est à une profondeur, qui est rarement moindre
de 20 mètres.
8° Sur les versants des montagnes, souvent deux
plis viennent se confondre et n'en forment plus
qu'un. C'est à quelques mètres seulement au-dessous
de la jonction qu'est la source ; car quelques mètres
plus bas , en suivant le pli, l'eau est à une plus
grande profondeur, surtout si après la jonction, il
y a une dépression de terrain ou sorte de chuté
causée par un escarpement du sol.
9" Partout où il y a, au-dessous de la couche vé
gétale, une couche d'argile et une pente de 500
raèLres, on peut espéror trouver de l'eau en petite
quantité, mais non des sources, surtout si h terrain
ne présente pas de plis bien sensibles.
10° Lorsqu'un coteau est sillonné de haut en bas
par des dépressions, on doit creuser dans le thalweg
de l'une d'elles; et si le thalweg présente, vers le
haut, une pente plus rapide que vers le bas, on doit
fouiller au bas de la pente rapide et au point où
commence la pente radoucie.

*
88 RÉVOLUTION AGRICOLE
1 1° Si un pli de terrain part de la corniche d'une
montagne et s'efface avant d'arriver au bas ; il faut
faire la fouille au pied même de la corniche, ou le
plus près possible, parce que la cessation de dépres
sion indique que le cours d'eau prend de la profon
deur à mesure qu'il descend.
12° Lorsqu'un pli part du haut du coteau et con
tinue jusqu'à son pied, il y a certitude de trouver de
l'eau.
13° C'est sur la ligne côtière que les sources se ren
contrent le plus fréquemment.
14° Il n'y a jamais ou rarement de sources aux
croupes des montagnes, aux contreforts et aux épe
rons.
15° On doit placer les fouilles : « Au sommet d'un
angle rentrant ; »
16° « A l'extrémité la plus reculée d'un réduit
au niveau de la plaine et au pied d'un escarpe
ment; »
17° « Au bas d'un pli de terrain ou au bas d'un
ravin, au point où son thalweg et la côtière se croi
sent ; »
18» • Aux points où, dans les temps de grosses
pluies, on voit sourdre des cours d'eau, et ceux où
croissent des arbres et des plantes aquatiques; »
19° t Certains coteaux se trouvant entièrement
composés de rochers ; en choisissant le point de la
ligne côtière où l'on veut creuser, on doit éviter de
RÉVOLUTION AGRICOLE 89
placer l'excavation trop près de la base visible du ro
cher, parce que d'ordinaire sa pente superficielle se
continue sous le terrain de transport. Si, après avoir
commencé le creusement, on voit qu'on est tombé sur
la base du rocher, on doit reculer la fouille, jusqu'à
ce qu'on voie qu'elle est précisement au pied de la
pente souterraine du rocher, et qu'elle est placée
sur des couches de roches ou de terre à peu près ho
rizontale; »
20° Les plateaux qui sont sans dépressions de
terrain et dans les sols perméables n'ont pas
d'eau.
21° « Lorsqu'une source prend naissance au bout
d'un vallon qui a la forme d'un cirque, le point le
moins profond est le centre même de ce cirque. Si
l'on creuse en aval et en suivant son thalwego n la
trouvera, mais elle sera plus profonde. »
22° Enfin, « dans tous les vallons longs de quelques
centaines de mètres, à fond rocheux ou couvert de
terre de transport, peu ou fort profond, large ou
étroit, il y a un cours d'eau qui suit son thalweg
souterrain. »
Comme on le voit il faut pour découvrir les sour
ces savoir distinguer la ligne que les eaux suivent
sous terre : avec un peu d'étude on y parviendra fa
cilement. Une fois le thalweg reconnu, il faudra
faire l'examen du terrain, d'après les données ci-
dessus.
90 RÉVOLUTION AGRICOLE
Il arrive très-souvent que dans les montagnes où
l'on renconlre des couches imperméables, on n'ob
tient que de petits filets d'eau parce que l'étendue
de la montagne ou la longueur du thalweg sont trop
faibles ; dans ce cas, on fait des fouilles transver
sales pour recueillir le plus d'eau possible.
Nous nous arrêtons ici, en invitant le lecteur à lire
l'ouvrage de l'abbé Paramelle, il enretirera certaine
ment des fruits. Après l'avoir consulté on se sent
presque de l'assurance; il est clair, complet et pré
cis. La lecture de cet ouvrage nous a guidé dans des
travaux de ce genre, et il nous a été très-utile en
nous dirigeant à coup sûr sur les points qui conte
naient de l'eau.
DEUXIÈME PARTIE

NOMENCLATURE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES


PLANTES QUI PEUVENT ENTRER DANS LA CULTURE
INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE. CULTURE SPÉ
CIALE, MODES DE CULTURE, ETC.

ABRICOTIER.

L'abricotier est- un arbre fruitier dont les fruits


sont recherchés. Il doit donc trouver place dans
notre système de culture. On en cultive générale
ment une dizaine de variétés, qui sont : Yalberge,
Yangoumois, le beaugé, le commun, Yabricot-pêche ou
dec Nancy, de Syrie, de Versailles, gros Saint-Jean,
Luizer et royal. Ces trois dernières sont moins ré
pandues que les premières.
Voici dans quel ordre leurs fruits mûrissent :
Angoumois ;
Commun ;
de Syrie ;
92 RÉVOLUTION AGRICOLE
Gros Saint-Jean et Luizer ;
Royal ;
Alberge ;
de Nancy ;
de Versailles ;
Beaugé.

Il y a encore d'autres variétés , mais elles sont


moins cultivées.
Sol et climat. — L'abricotier réussit dans tous les
sols , mais mieux dans les terres chaudes et sablon
neuses. Ses fruits y sont de meilleure qualité et mû
rissent plus tôt.
Il réussit également dans tous les climats ; mais
ses fruits sont beaucoup plus savoureux au nord
qu'au midi, où ils sont cotonneux et presque privés
d'eau. On le trouve, du reste, dans toute la France
indistinctement.
Culture et produit. — On multiplie l'abricotier par
la greffe sur prunier et sur amandier ; la greffe sur
prunier est préférable. Pour cultiver l'abricotier avec
succès, il faut le planter en plein vent et déjà fort,
c'est-à-dire de deux ans de greffe sur des sujets de
cinq à six ans. On ouvre des trous de 60 centimètres
de profondeur et de 80 centimètres au carré. On
plante à 6 mètres au moins en tous sens et on utilise
le terrain jusqu'à ce qu'il soit en rapport par des
cultures quelconques, en ayant soin de ne pas bles
REVOLUTION AGRICOLE 93
ser l'arbre. Il faut éviter d'approcher de trop près
le pied avec la charrue ou la houe. Si l'on ne veut
pas cultiver le terrain libre, en attendant le rapport
des abricotiers, on peut planter des groseillers noirs
entre les lignes et même entre les arbres , en les
disposant comme il suit :
I0I0I0I0I
oooooooooooo
000000000000
Iolololol

Les I représentent les abricotiers plein vent et


les o les touffes de groseilliers noirs ou cassis, le
groseillier rouge étant d'un produit insignifiant pour
la vente.
L'abricotier produit très-rapidement, quand il
trouve un sol qui lui convient, et il n'est pas exi
geant. Ordinairement on commence à récolter dès
la quatrième année de plantation ; mais on n'est en
plein© récolte que vers l'âge de dix-huit à vingt
ans.
Deux choses essentielles sont à remarquer dans la
culture de l'abricotier : la taille et le choix des va
riétés; car sans elles les produits diminuent sensible
ment de valeur ou d'importance.
Sans taille, il ne faut pas espérer de gros et de
beaux fruits, de forme régulière, ni d'arbres vigou
reux et de longue durée. Il faut donc tailler.
94 RÉVOLUTION AGRICOLE
La taille des arbres à plein vent est très-facile, elle
consiste :
1° Dans la suppression des branches qui sont trop
ou trop peu inclinées pour que l'arbre prenne la
forme d'un gobelet ;
2° Dans le raccourcissement à 10 centimètres au
plus, de tous les rameaux de l'année précédente,
quelle qu'en soit la longueur ;
3° Dans la taille à 7 ou 8 centimètres de toutes les
brindilles ou faux rameaux, sur un œil à bois ; car
dans le cas où il n'y en aurait pas, mieux vaudrait
laisser la brindille entière, eût-elle 15 centimètres
de long, et la supprimer entièrement l'année sui
vante ;
4° Dans la suppression d'un rameau sur deux, en
ne conservant que celui qui est inséré le plus bas
sur la branche, afin d'éviter que l'arbre s'allonge
trop vite ;
5° Dans l'équilibre à maintenir entre toutes les
branches de la charpente de l'arbre ; c'est-à-dire que
toutes les mères-branches doivent être à la mêmé
hauteur, comme les branches d'un V. S'il y en a
une qui dépasse les autres, il faut la raccourcir et la
dégarnir afin de faire passer la séve dans les autres
et ne pas tailler les branches à bois ou rameaux
les plus faibles;
6° Dans la suppression des chicots, des branches
usées, malades ou mal placées;
RÉVOLUTION AGRICOLE 95
7° Dans la conservation des jeunes branches qui
repercent sur le vieux bois, quand elles sont utiles
pour regarnir des vides ou régulariser la char
pente ;
8° Dans le ménagement gradué de la séve et de sa
bonne répartition, afin que chaque année l'arbre
ait un peu plus de branches à bois et un peu plus de
branches à fruits. On conçoit que si l'on taillait tous
les ans les rameaux (branches à bois) à 10 centimè
tres de longueur et qu'il sortît deux bonnes branches
à bois, on en augmenterait tous les ans le nombre
de moitié. Il faut, au contraire, supprimer la plus
élevée quand il y en a deux, et ne conserver que
celle qui est inférieure, comme nous venons de le
dire. De temps en temps, on en laisse deux, quand
l'arbre est vigoureux ou qu'il y a une place vide à
garnir.
Quant au choix des variétés à cultiver, il a une
grande importance. Si l'on veut faire des primeurs,
il faut choisir l'abricotier le plus précoce ; mais aussi,
on doit tenir compte des risques à courir pour la
gelée, car les abricotiers tardifs y sont moins ex
posés.
Les abricots hâtifs arrivant plus tôt sur le marché,
se vendent plus cher que les tardifs ; mais la récolte
est moins assurée.
Les abricots ont deux emplois : ils se mangent à
la main ou en confitures. Dans le premier cas, on
96 RÉVOLUTION AGRICOLE
peut cultiver des abricots hâtifs ; mais dans le se
cond ils peuvent être tardifs.
Les primeurs étant toujours recherchées, nous
croyons qu'il vaut mieux cultiver l'abricotier pré
coce, sauf à en mettre par-ci, par-là, quelques-uns.de
variété tardive, afin d'être à peu près certain d'en
avoir tous les ans.
Dans les localités sujettes aux gelées répétées du
printemps, il serait utile de mélanger toutes les
variétés.
Le produit de l'abricotier est considérable. On
estime qu'à partir de l'âge de quinze ans jusqu'à
vingt ans, il est en moyenne de 400 à 500 fruits,
et de vingt à trente-cinq ans de 6 à 700. Or le prix
moyen étant supposé être de 3 francs le cent, le revenu
serait, par arbre, de 12 à 15 francs dans le premier
cas, et de 18 à 21 dans le second. Comme il peut
entrer facilement trois cents arbres au moins à
l'hectare, l'hectare produirait en moyenne pendant
la première période de 3,600 à 4,500 francs, et pen
dant la seconde de 5,400 à 6,300 francs.
Débouchés et vente. — L'abricot trouve un place
ment facile dans toutes les villes, et sur tous les
marchés ; il est employé pour les desserts ou pour
faire des confitures qui sont d'une excellente qualité .
A Paris, il en arrive, pendant la saison, des centai
nes de mille tous les matins à la Halle. La vente de
ce fruit se fait au compte, par 50, 100, 200 et 30O.
RÉVOLUTION AGRICOLE 97
Dans les paniers qui en contiennent plus, l'abricot s'é
crase et se met en pâte. Quant on ne le vend pas sur
place et qu'on l'expédie, il faut le cueillir un peu
vert, alors qu'il est encore ferme et dur ; autrement
il arriverait en bouillie à destination.
Zone. — L'abricotier peut se cultiver dans toutes
les zones, en prenant les précautions d'usage, pour
la cueillette, l'emballage et le transport.

ARTICHAUT.

L'artichaut est l'objet d'une culture étendue dans


certaines localités, et particulièrement aux alentours
des villes. Deux variétés sont cultivées, l'artichaut
camus de Bretagne et le vert de Laon.
Sol et climat. — L'artichaut demande un sol léger,
profond et bien engraissé. Il lui faut de l'eau et de la
chaleur. L'humidité froide et prolongée le tue. Il
réussit au midi et au nord également ; mais il est
moins savoureux au midi.
Culture et produit. — On multiplie l'artichaut au
moyen des œilletons qu'on détache des vieux pieds
au .printemps. — On les plante de 75 à 85 centi
mètres au moins, en tous sens, après avoir raccourci
un peu les feuilles, et on donne un arrosage. Il faut
bien se garder d'enterrer le cœur de la plante, car
elle pourrirait. L'année de la plantation on peut
6
98 RÉVOLUTION AGRICOLE
placer des salades et des petits choux milan entre
chaque pied.
Quand l'automne est arrivé, et à l'approche des
gelées, on coupe les tiges, on rogne les feuilles à
30 centimètres de hauteur, et on butte en amonce
lant la terre autour de chaque touffe, sans couvrir
l'extrémité des feuilles.
S'il survient des pluies, des neiges, de fortes ge
lées, le huttage devient insuffisant dans le nord de
la France ; il faut abriter l'artichaut en couvrant la
butte tout entière avec de la litière, des feuilles, etc.
En mars, on débutte, on laboure le sol, on œille-
tonne en enlevant toutes les tiges sorties de la souche,
moins une ou deux, au plus.
Les maraîchers estiment que chaque touffe d'ar
tichaut produit de 60 à 70 cent, ou environ 15 cent,
par mètre, ce qui ferait 7,500 fr. à l'hectare. Une
plantation peut durer de trois à six ans.
Débouchés et vente. — Les villes consomment une
quantité considérable d'artichauts. On les vend à la
halle de Paris, au cent de têtes. Ils doivent porter
une tige d'au moins 15 centimètres de longueur, et
être emballés convenablement pour éviter le frois
sement. On les divise en trois classes : les gros,, les
moyens et les petits.
Zone de culture. — L'artichaut peut être cultivé
dans les quatre zones, étant d'un transport facile.
On en voit à la halle de Paris dès le mois de mars,
RÉVOLUTION AGRICOLE 99
qui viennent d'Alger et dont le prix est fort élevé ;
mais ces artichauts, de même que ceux du Midi,
sont sans saveur et fort peu estimés.

ASPERGE.

L'asperge est l'un des légumes qui donnent les


plus beaux bénéfices si l'on en pratique la culture
économique. Dans la plus grande partie de la France,
quand on parle de l'asperge on s'imagine encore
qu'il faut des masses d'engrais, et qu'on n'obtient
quelque produit qu'à la condition de planter sur une
couche de 75 centimètres de fumier, etc. : c'est la
terreur des horticulteurs^ Nous allons démontrer
plus loin combien cette idée est erronée.
Sol et climat. — L'asperge croît dans tous les sols,
excepté dans ceux qui sont trop humides, trop pier
reux ou trop argileux. Elle réussit au nord comme
au midi. Cependant, les terres de moyenne consis
tance sont celles où elle donne les plus beaux pro
duits. Elle aime particulièrement les sols neufs, les
défrichis de bois et de prairies.
Culture et produit. — La culture nouvelle de l'as
perge est facile ; mais elle exige des détails qu'il nous
est impossible de donner d'une manière complète
ici; nous renvoyons donc le lecteur à une brochure
spéciale que nous avons publiée sous le titre de :
100 RÉVOLUTION AGRICOLE
Les asperges, les fraises et les figues (1). Cependant,
nous allons donner quelques détails, afin de guider
le planteur (il pourra consulter notre petit Traité à
loisir, pour se renseigner sur la manière d'obtenir
de beaux produits, des asperges blanches et comes
tibles, sur une longueur de 15 à 18 centimètres, ce
qu'on n'obtient pas par l'ancienne culture).
Il est difficile de vendre aujourd'hui, à Paris, les
asperges qui n'ont pas une longueur d'au moins 25
centimètres, ou qui seraient sorties de terre depuis
plus de deux jours. Comme la plantation se fait
à 10 centimètres seulement de profondeur, on con
çoit qu'il faut rapporter de la terre et faire des
buttes pour obtenir des turions assez longs et assez
blancs.
On plante du 1er mars au 30 avril , dans le nord
et dans les sols ordinaires; dans le midi on peut
planter à l'automne dans tous les sols, parce que
l'humidité qui fait pourrir les griffes dans le nord,
n'est pas à redouter dans les pays méridionaux.
Quand l'emplacement qui doit recevoir les asperges
est arrêté, il faut se borner à lui donner un bon la
bour de 25 centimètres au plus.
On le débarrasse des pierres, petites et grosses, de
manière à le rendre meuble et facile à travailler.
L'asperge, demandant à être assise sur un sol
(1) Un volume in-18 avec gravures. 1 fr. bO cent., franco par
la poste.
RÉVOLUTION AGRICOLE 101
ferme, il faut bien se garder de défoncer au delà
de 25 centimètres; car les racines, en s'enfonçant à
une trop grande profondeur, subiraient moins les
influences de la chaleur du printemps ; la végétation
en serak retardée de quinze jours, la récolte moins
abondante, les asperges moins grosses, moins tendres
et la plantation moins durable.
Si le sol n'est pas pauvre, on peut se dispenser de
fumer; dans le cas contraire, on répand des engrais
qu'on enterre par le labour qui précède l'ouverture
des rayons dont nous allons parler.
On plante des griffes d'un an et de deux ans ; mais
il y a longtemps que les bons praticiens ne plantent
plus que des griffes d'une année. Le plant de deux
ans est toujours mauvais, quels que soient, du reste,
les soins qu'on lui ait donnés et sa nature.
Il est facile de comprendre que le plant, tout espacé
qu'il soit, à la première année, n'a plus un espace
suffisant pour végéter l'année suivante. Il souffre et
s'étiole. D'autre part, les racines sont trop grosses,
ligneuses; elles ont du chevelu, et la reprise est plus
difficile.
L'asperge croit avec vigueur : il n'y a qu'une
asperge dégénérée qui soit assez faible à la seconde
année pour supporter ia transplantation sans en
souffrir ; mais alors, ce n'est plus qu'un avorton qui
ne produira jamais que des asperges tout au plus
grosses comme le doigt.
6.
102 RÉVOLUTION AGRICOLE
On sait, du reste, que les jeunes plantes suppor
tent beaucoup mieux la transplantation que les
vieilles : un arbre de six ans souffre moins de la
transplantation qu'à vingt ans. Les expériences que
nous avons faites personnellement nous ont con
vaincu que le plant d'asperge de deux ans et de
de trois ans est complètement impropre à la trans
plantation et ne peut produire que des asperges
chétives et de mauvaise qualité.
Si vous voulez planter et plein, ouvrez, à la dis
lance d'un mètre l'une de l'autre, des tranchées
de 20 à 25 centimètres seulement, en rejetant de
chaque côté la terre extraite de la fosse, de manière
à former des ados RRR (Figure 1). La ligne qui est
sous les lettres HHH indique le niveau du terrain;
la partie supérieure est la terre extraite des rayons.

Fig. A.
Si le sol est trop frais, au lieu de creuser des rayons
ou tranchées de 20 à 25 centimètres, on ne leur
donne qu'une profondeur de 15 à 17 centimètres
seulement.
RÉVOLUTION AGRICOLE 103
Vos rayons ouverts, placez un cordeau au fond
pour y tracer votre ligne, et marquez l'endroit
qui doit recevoir la griffe avec un plantoir à l'aide
duquel vous ferez un petit trou. Cela fait, déposez
un peu de terre meuble, à la place où est le trou,
de manière à former un monticule MM (flg. 1) de
5 centimètres de hauteur en forme de cône aplati, et
continuez ainsi jusqu'au dernier rayon.
Si le sol est maigre ou pauvre, il faut mélanger
moitié d'une terre composée d'un tiers de terreau,
d'un peu de cendre et de boue de rue vieille et aérée,
et.de terre meuble, puis bien mêler le tout et former
un monticule avec ce mélange.
Cela fait, prenez une griffe, coupez-en les racines
à 10 ou 1 2 centimètres de long, étalez-la sur le mon
ticule ; rangez les racines moitié d'un côté, moitié de
l'autre, et recouvrez-la d'un peu terre fine, meuble,
criblée au besoin ; pressez fortement la terre, avec le
dos de la main fermée, sur les racines pour les y
faire adhérer et éviter que la griffe se relève et qu'il
y ait de l'air dessous; mettez environ 10 centimètres
de terre meuble, et l'opération est terminée. Il ne
reste plus qu'à combler les intervalles des plants
pour qu'il n'y ait pas de vide entre les monticles ;
puis on nivelle le fond du rayon avec le râteau au
niveau de la ligne B (fig. 1), c'est-à-dire, à 10 centi
mètres au-dessus du fond du rayon.
Dans les sols très-humides, au lieu de planter dans
104 RÉVOLUTION AGRICOLE
les rayons, on plante sur les ados. — On peut égale
ment planter à plat en faisant de simples trous qu'on
remplit après la plantation, mais les produits sont
moindres, et la culture offre plus de difficultés.
Pour planter à plat le long des murs, on ouvre des
trous de 15 centimètres de profondeur; on remet
5 centimètres de terre meuble ; on plante comme
nous venons de le dire, et on remet 1 0 centimètres de
terre meuble dessus. On ménage des sortes de godets
autour du plant pour y attirer l'humidité, et, à la
troisième année, on rapporte de la terre pour faire
les buttes, sans quoi les asperges seraient trop cour
tes et vertes.
Quelques auteurs recommandent de planter les
griffes aussitôt qu'elles sont arrachées, c'est une
erreur : l'asperge reprend d'autant mieux qu'elle est
fanée. A l'imitation des plantes grasses, elle pourrit
souvent si on la plante toute fraîche ; aussi a-t-on
remarqué que les griffes qui ont voyagé reprennent
mieux que celles qu'on plante en sortant de terre, et
donnent de plus beaux produits par la suite ; c'est
pourquoi les plantations d'automne ne réussissent
que dans le Midi et dans les terres sèches : partout
ailleurs, elles donnent de mauvais résultats. Nous
avons planté, le 16 avril, des griffes arrachées le
20 février, et elles sont de toute beauté.
Si l'on ne peut planter les griffes aussitôt qu'elles
arrivent, il faut les descendre à la cave et les y étaler
RÉVOLUTION AGRICOLE 108
dans un endroit obscur: elles s'y conservent facile
ment pendant un mois sans que la reprise en soit
moins assurée.
La première année, on tient l'aspergerie nette de
toute mauvaise herbe ; à l'automne on enlève {décote
terme d'Argenteuil) quatre centimètres de terre du
rayon et on la rejette sur l'ados pour que les gelées
ameublissent le sol, et au printemps suivant on
remet la terre en place en l'augmentant de deux
centimètres.
La seconde année, on exécute les mêmes travaux
que la première ; seulement, on étend du fumier
dans le rayon après le décotement, sur une épaisseur
de 5 à 6 centimètres. Au printemps, on remet "la terre
en place dans le rayon.
A la troisième année, on opère comme pendant
la seconde ; seulement on peut cueillir deux asperges
par touffe, sur les plus fortes seulement, mais on
ménage les faibles. A l'automne, avant de décoter,
on ouvre l'ados sur une profondeur de 30 centimè
tres environ et on met 15 centimètres de fumier. On
rejette la terre dessus. On décote et on dresse les
rayons, et au printemps suivant on remet la terre
dans le rayon.
Pour ne pas récolter plus de deux turions par
touffe, voici comment les cultivateurs d'Argenteuil
s'y prennent : Us plantent à côté de chaque touffe
deux côtons (vieilles tiges), et ils en enlèvent un
106 RÉVOLUTION AGRICOLE
quand ils récoltent le premier turion, et le second
quand ils récoltent le deuxième : de cette manière
ils ne risquent pas de récolter plus ou moins.
A la quatrième année, on opère comme à la
seconde, seulement on cueille les asperges pendant
trois semaines, tout en ménageant encore les touffes
faibles.
A la cinquième, on fait comme à la troisième, et
ainsi de suite, en fumant une année le rayon, une
autre année l'ados.
Pour avoir des asperges blanches et longues, on
fait sur les touffes, à la fin de mars (du 20 au 25)
et avec de la terre meuble, des petites buttes de la
hauteur de 1 8 centimètres.
Comme il nous est impossible d'entrer dans de
plus grands développements sur cette culture qui
est très détaillée, nous renvoyons le lecteur à l'ou
vrage dont nous avons parlé ci-dessus, pour plus
amples renseignements.
A Argenteuil, pays qui produit les plus belles as
perges connues, en abondance, et qui approvisionne
la Halle de Paris de tout ce qu'il y a de plus recher
ché, un hectare produit en moyenne. . 8,500fr.
Les frais sont de 2,150
Bénéfice net 6,350
Le bénéfice net est donc de 6,350 fr.; il peut même
être plus considérable.
RÉVOLUTION AGRICOLE 107
On peut aussi cultiver l'asperge partie à la houe à
cheval, partie à la main, en plaçant les rayons à
2 mètres, ou 1 mètre 65, ou 1 mètre 70 de dislance
l'un de l'autre ; mais nous ne croyons pas qu'il y ai^
une grande économie. Cependant , on pourrait
tenter celte culture.
Pendant les deux premières années, comme les
asperges sont très-faibles et n'occupent pas le sol
sur une grande étendue, on sème sur les ados des
pois nains, des pommes de terre hâtives, des choux
et autres légumes de toutes sortes, sans que la plante
en souffre (voir pour ces détails, la brochure Les as
perges, les fraises et les figues).
Nous ne dirons rien de la manière de botteler,
emballer, etc. ; le lecteur consultera, à ce sujet, la
brochure que nous venons de citer , il y trouvera
tous les renseignements pratiques nécessaires à le
guider.
Débouchés et vente. — L'asperge est d'un placement
facile. Les villes en font une grande consommation :
on peut dire qu'il n'y en a jamais assez. L'asperge
se vend par bottes à la Halle de Paris ; ces bottes
portent de 10 à 13 centimètres de diamètre. Celles
d'Argenteuil ont un placement facile de 15 à 25 fr.
en bonne primeur, de première grosseur (8 à 10
centimètres de tour), et à 4 et 5 fr. pendant toute la
saison, quand elles sont belles et bien récoltées. Il
arrive à la Halle beaucoup -d'asperges d'Orléans, du
108 R VOLUTION AGRICOLE
Nord, du Bas-Rhin, de l'Aisne, de Meaux et de toute
la Brie ; mais ces asperges se vendent près de moitié
moins que celles d'Argenteuil ; parce qu'elles sont
moins grosses et moins bonnes ; du reste , elles sont
beaucoup moins succulentes , la culture étant
vicieuse et les variétés bien inférieures.
Zone. — L'asperge peut se cultiver dans toutes
les zones : elle se transporte facilement et se con
serve très-bien en voyage. On peut donc la cultiver
partout. Au commencement de la saison, il arrive
des asperges du Midi ; mais elles n'ont pas de vogue,
par suite de la mauvaise culture et de ce que la
cueillette a lieu quand elles sont déjà vertes ; c'est-
à-dire, plus de deux jours après leur sortie.de terre.

BETTERAVES.

Quoique la culture de la betterave ne soit pas


très-profitable, nous avons cependant cru devoir la
maintenir dans notre système, pour les troisième
et quatrième zones seulement. Cette racine serait
plus lucrative, si on parvenait à conserver le jus ;
par conséquent à ne transporter que le liquide ; car
la pulpe servirait, alors, de nourriture pour le bétail
ou d'engrais. Comme culture potagère, elle peut
trouver place dans la première et la seconde zones-
La culture de la betterave étant connue, nous ne
croyons pas devoir nous étendre sur elle.
RÉVOLUTION AGRICOLE 109
Il y a plusieurs variétés de betteraves, qui sont la
jaune, la rouge et la blanche. La jaune et la rouge
sont ordinairement réservées à la culture potagère ;
la blanche, dite blanche de Silésie est préférée par
les fabricants de sucre. Quant à la veinée de rouge,
dite racine de disette, elle est la plus grosse de toutes;
mais elle ne convient qu'aux bestiaux , et elle est
moins sucrée et plus aqueuse que les autres.
La betterave s'accommode de tous les terrains,
pourvu qu'ils soient très-profonds et bien engraissés.
Elle produit de vingt à cinquante mille kilos à l'hec
tare avec une culture bien soignée.
Dans les années sèches, la croissance de la bet
terave s'arrête très -souvent en été; les feuilles
fanent : on dirait que la plante va mourir. La végé
tation se remet en mouvement quand les pluies arri
vent; aussi ne doit-on arracher cette racine que
très-tard, c'est-à-dire vers la fin d'octobre, si les
gelées ne viennent pas trop tôt; car quand elles
sont un peu fortes, elles peuvent occasionner sa
perte.

CAROTTES.

La carotte maraîchère est la seule dont nous vou


lons parler : les meilleures variétés cultivées sont la
jaune longue, la courte hâtive de Hollande, la rouge
demi-longue, la rouge longue.
7
110 RÉVOLUTION AGRICOLE
Sol et climat. — La carotte croît dans toute la
France; mais il lui faut un sol profond, abondam
ment fumé l'année précédente et bien ameubli. On
croit généralement que la carotte exige un sol très-
sablonneux et léger ; cependant elle réussit bien dans
les terres de consistance moyenne : nous en avons
vu souvent de très-belles dans des terrains, même
argileux.
, Culture et produit. — On sème la carotte en
février, mars, avril et même en mai ; — les variétés
bâtives se sèment encore en juin et même en juillet.
Dans la culture maraîchère, on sème la carotte avec
des radis, des laitues. Il faut faire de nombreux sar
clages pour éviter que les herbes envahissent le sol
et croissent aux dépens des carottes. Le produit de
cette culture est de 25 mille à 40 mille kilos à l'hec
tare. On la conserve on silos ou en cave.
La graine de carottes est d'un excellent rapport et
trouve une vente facile. On aura donc quelquefois
avantage, à repiquer des carottes au printemps (en
mars) pour en récolter la graine. Le repiquage se
fait en rayons distants de 50 centimètres, et on
plante les racines à 25 ou 30 cent, seulement, sur la
ligne.
La graine se place facilement chez les grainetiers
en gros et sur les grands marchés.
Débouchés et vente. — La carotte trouve placement
sur tous les marchés. Elle se vend à la Halle de Paris ,
RÉVOLUTION AGRICOLE Ui
en bottes, comme nous l'avons dit. Celle qui se vend
comme primeur, en mars et avril, a une très-grande
valeur.
Zone. — La carotte, en raison de la facilité avec
laquelle elle se transporte, peut se cultiver dans
toutes les zones.

CÉLERI.

Il y a deux espèces de céleri, Tache ou céleri à


côte, et le céleri-rave ou céleri-navet. Les variétés
d'ache les plus estimées sont : le plein blanc, le céleri
turc et le gros violet de Tours, pour primeur. Cette
plante est d'un bon revenu dans les terres qui lui
conviennent, c'est pourquoi nous avons cru devoir
lui donner une place dans notre système.
La culture du céleri est trop connue pour que
nous nous y arrêtions; elle est décrite dans tous les
ouvrages d'horticulture, qu'on peut consulter.
Le céleri convient à la première, à la seconde et
même à la troisième zones.

CERISIER ET MERISIER.

Le cerisier et le merisier peuvent être l'objet d'une


culture lucrative : l'un pour la vente des cerises ,
l'autre pour la fabrication de l'eau-de-vie de cerises ou
H2 RÉVOLUTION AGRICOLE
kirsch. Toutefois, nous ne nous occuperons ici que
des merisiers, attendu que la cerise est moins lucra
tive et que tout le monde en connaît la culture qui
est fort simple. Tout ce que nous disons, du reste,
du merisier est applicable au cerisier.
On confond presque partout le merisier avec le
cerisier, aussi nous consacrerons l'usage en n'en
faisant pas de distinction ici; cependant, il est
entendu que le cerisier est exclusivement consacré à
la production de la cerise ; tandis que le merisier est
plus généralement cultivé pour la fabrication du
kirsch.
Sol et climat. — Le merisier réussit dans tous les
sols, si ce n'est dans ceux qui sont trop humides et
submergés en hiver; il affectionne particulièrement
les terres profondes et légères, et les sols calcaires
ou siliceux. Il donne de bons produits dans tous
les climats, en France : on le rencontre au nord et
au midi.
Culture et produit. — On multiplie le merisier en
semant ses noyaux au mois de novembre en terre
meuble; on les élève comme il est dit à l'article :
Établissement d'une Pépinière, mise en place, etc.
On plante le merisier en lignes distantes de 6 à
8 mètres, selon que le terrain est plus ou moins riche
(plus le sol est pauvre et sec, plus il faut rapprocher
les arbres), et à 4, 5, 6 mètres sur les lignes et même
davantage. On plante des touffes de groseilliers noirs
RÉVOLUTION AGRICOLE U3
entre les arbres et entre les lignes si tout le terrain
est occupé.
On taille le merisier en gobelet, en l'établissant
sur trois ou quatre mères-branches et on l'aban
donne en quelque sorte à lui-même. Cependant,
tous les ans, au printemps et avant le départ de la
sève, on retranche les branches qui s'inclinent vers
le sol, celles qui se dirigent au centre de l'arbre ou
qui n'ont presque pas de vigueur et les gourmands;
on raccourcit les branches qui s'emportent et on
échenille ou éverre.
Everrer est une opération bien simple. Au moment
de la fleur, souvent le cerisier est attaqué par de
petits insectes qui ont beaucoup d'analogie avec les
chenilles ; ils mangent les feuilles et les fruits. On
les détruit en grande partie en frappant toutes les
branches de l'arbre, avec une perche au bout de
laquelle on a placé un tampon de chiffons, pour éviter
les contusions ou les blessures. Avant cette opération
on doit faire autour du pied de l'arbre, à 40 ou 50
centimètres du sol, un cordon de 20 centimètres de
largeur avec du goudron de gaz, afin d'arrêter les
vers qui ne manquent pas d'essayer de remonter
sur l'arbre. Nous en avons vu de si grandes quan
tités qu'ils parvenaient à se frayer un passage sur le
corps de ceux qui étaient morts emprisonnés dans
le goudron ; il y en avait des couches de plusieurs
millimètres d'épaisseur.
114 RÉVOLUTION AGRICOLE
Dès la troisième ou quatrième année de planta
tion, le merisier commence à donner des fruits.
La récolte des merisiers est facile, on la fait à
l'aide d'échelles doubles, et aussitôt on s'occupe
de la fabrication du kirsch. A cet effet, on écrase le
fruit entre des cylindres, on le laisse fermenter pen
dant sept à huit jours et on soumet le tout à la distil
lation, absolument comme on le fait pour le marc de
raisin. — Il nous est impossible d'entrer dans les
détails de fabrication, ceux qui ne les connaissent
pas devront se renseigner en lisant le Manuel de
l'amélioration et de la fabrication des liquides, dans
lequel ils trouveront divers renseignements que nous
ne pouvons donner ici.
Quand on veut cultiver le cerisier pour la vente des
fruits, il faut choisir de bonnes espèces et greffées,
celles qui réussissent le mieux dans la contrée ; mais
nous le répétons, la cerise n'est pas une culture
aussi lucrative qu'on pourrait le penser.
Le produit du merisier ne saurait guère être éva
lué d'une manière précise. Cependant, en raison de
ce que cet arbre croit dans des sols peu fertiles et
secs, on doit le considérer comme un puissant
moyen de les utiliser. Une seule récolte peut suffire
pour payer la valeur des terres sur lesquelles il est
planté, même après dix ans de plantation.
Débouchés et vente. — La cerise se vend en nature
sur tous les marchés, et le kirsch est très-recherché
RÉVOLUTION AGRICOLE 118
des amateurs; il trouve placement, selon les an
nées, à des prix qui varient de 2 fr. à 2 fr. 50 le litre,
quand il est pur et bien fait.
Zone — Le cerisier, en raison du peu de valeur
de son produit, ne peut se cultiver ni dans la pre
mière zone ni dans la quatrième. Dans la première,
les terres peuvent être plus utilement employées ;
dans la quatrième, le transport des cerises devient
onéreux. Quant au merisier, il peut se cultiver dans
les troisième et quatrième zones ; car le kirsch se
transporte aussi bien et aussi loin qu'on le désire.

CASSIS.

Le cassis ou groseillier noir est d'unebonne culture


dans certaines localités, là où les terres n'ont pas
une grande valeur.
Sol et climat. — Le cassis s'accommode de tous les
sols et il réussit dans toute la France ; mais il préfère
les terres un peu profondes et le climat du centre et
du nord, les chaleurs du midi lui étant préjudi
ciables.
Culture et produit. — On multiplie le cassis à l'aide
de boutures qu'on plante à un mètre de distance en
tous sens. On met deux boutures à côté l'une de
l'autre et si elles reprennent toutes les deux on en
arrache une.
116 RÉVOLUTION AGRICOLE
On ne laisse pas former de tiges, on ravale tous
les ans à fleur de terre les pousses qui sont sorties
jusqu'à ce qu'elles atteignent 50 centimètres de lon
gueur, ce qui demande ordinairement trois ou quatre
ans au plus; alors on en conserve deux ou trois
qu'on évase en forme de gobelet et on les taille à
35 centimètres de longueur.
L'année suivante, c'est-à-dire la cinquième année
de plantation, on laisse trois ou quatre pousses à
chaque rameau, on les taille à 10 centimètres de
long et on supprime celles qui se dirigent à l'inté
rieur, de manière à évaser toujours l'arbrisseau en
l'évidant en dedans. On continue ainsi cette taille
tous les ans, et quand les branches sont trop longues,
on les ravale sur les jeunes rameaux sortis du vieux
bois, car cet arbrisseau reperce facilement.
Quand la taille est trop courte et que la séve n'est
pas toute dépensée par le fruit et les jeunes rameaux,
il sort, du bas des tiges du pied, de jeunes pousses
qu'on utilise pour remplacer les vieilles qui sont
usées et on garnit les intervalles qui peuvent exister
entre les trois mères-branches; ainsi, au lieu de trois,
on en laisse quatre ou même cinq. Chaque mère-
branche peut avoir de huit à dix pousses selon la
force du pied et la qualité du sol. On fait bifurquer
chaque mère - branche pour avoir un plus grand
nombre de tailles, c'est-à-dire qu'on fait de chacune
d'elles une sorte de palmette.
RÉVOLUTION AGRICOLE 117
Il ne faut jamais tailler à plus de 10 ou 12 centi
mètres de longueur ; autrement l'arbre s'élèverait
trop vite et il faudrait, pour le conserver à un mètre,
hauteur ordinaire, lui faire subir des ravalements
trop fréquents qui font repercer sur le vieux bois
une foule de gourmands très-nuisibles.
Au mois de juin, il faut enlever tous les drageons
sortis de terre ou du pied, s'ils ne sont pas utiles
pour regarnir les vides ; on enlève également tous
les gourmands de l'intérieur, de façon à main
tenir régulière la forme de gobelet.
11 faut diriger la taille de manière que toutes les
mères-branches soient à la même hauteur comme les
branches d'un V ; sans cela la forme est moins gra
cieuse et une partie ombrage l'autre ou absorbe la
séve aux dépens de la moins haute qui est toujours
la plus faible. <
On estime qu'une touffe de cassis en plein rapport
peut produire, en moyenne, un demi-kilo de fruits.
Soit cinq mille kilos à l'hpctare. Le prix moyen du
cassis à la halle de Paris peut être évalué à 50 fr.
les 100 kilos, soit 2,500 fr. l'hectare.
Débouchés et vente. — Le fruit du cassis étant
exclusivement employé à la fabrication de la liqueur
qui porte son nom, il trouve placement chez les dis
tillateurs et sur les marchés. Il s'en fait une vente
importante à la Halle de Paris, où il en arrive
d'énormes quantités tous les matins. La vente a lieu
7.
118 RÉVOLUTION AGRICOLE
au cent de kilos et l'emballage se fait dans des pa
niers de tous poids.
Zone. — Le cassis peut se cultiver dans toutes les
zones son fruit étant d'un transport facile. Toute
fois, il faut pour le transporter sans danger, recourir
aux voitures suspendues sur ressorts, et ne pas le
confier aux charrettes ordinaires.

CHATAIGNIER.

La culture du châtaignier est lucrative dans cer


taines circonstances. Quand on a des terres sur les
versants de montagnes escarpées, il peut être très-
profitable d'y établir des châtaigneraies.
Sol et climat. — Le châtaignier s'accommode de
tous les sols, il réussit au midi et au nord.
Culture et produit. — On cultive le châtaignier
soit pour avoir les fruits, soit pour faire des cerceaux
propres à la fabrication des futailles.
Pour avoir des fruits, il faut cultiver le châtai
gnier comme on le fait pour les autres arbres frui
tiers. La jouissance est tardive : un châtaigner ne
donne pas souvent de fruits avant l'âge de dix à
douze ans. On l'espace de 3 à 10 mètres en tous sens.
Il serait préférable de planter plus serré et d'ex
ploiter les touffes en cerceaux, en attendant la récolte
des plein -vent qu'on laisserait dès la première
coupe.
RÉVOLUTION AGRICOLE 119
Pour avoir des cerceaux, on plante le châtaignier
à un mètre en tous sens. On le ravale après trois ou
quatre ans de plantation, et six ou sept ans après, il
est propre à être coupé, surtout si on lui fait subir
quelques élagages qui le débarrassent des petits
rameaux latéraux. Le produit réel ne peut guère
être évalué en chiffres, car il est très-variable.
Débouchés et vente. — Les cerceaux se vendent aux
fabricants de futailles, dans les pays vignobles ; on
les met en bottes de cinquante ou cent cerceaux.
Les fruits, connus sous le nom de châtaignes et de
marrons , se vendent partout à la mesure ou au
compte. — Le compte ne s'applique guère qu'aux
fruits de choix et pour le détail.
Zone. — La culture du châtaignier ne peut guère
convenir qu'à la troisième et à la quatrième zones, à
moins de circonstances particulières.

CHICORÉE.

Il y a deux chicorées dont on peut tirer parti dans


la culture. La chicorée sauvage, dite chicorée-café,
et la chicorée pour salade.
La culture de ces deux plantes est trop connue
pour que nous en parlions ici.
La chicorée pour salade appartient à la culture
maraîchère et ne convient qu'à la première zone.
120 RÉVOLUTION AGRICOLE
La seconde, au contraire, peut s'appliquer à la troi
sième et à la quatrième zones.
Les produits sont assez bons et méritent toute
l'attention des cultivateurs. — La chicorée sauvage
est cultivée en grand pour sa racine dans le nord
où elle donne des bénéfices. On en vend, comme l'on
sait, la racine toute torréfiée.

CHOUX.

Les choux donnent lieu à une culture lucrative


dans les sols frais et de moyenne consistance.
Les plus recherchés sont les choux pommés et les
choux à jets, dits de Bruxelles.
On peut cultiver ces choux presque partout.
Cependant, quand on est très-éloigné des centres de
consommation, c'est-à-dire des villes , le placement
pourrait en être difficicile et le transport onéreux.
Nous n'entrerons pas dans les détails de cette cul
ture qui est décrite partout; nous nous bornerons
simplement à la signaler comme méritant l'atten
tion de ceux qui ont des terres convenables, et
qui peuvent l'entreprendre sur une assez grande
échelle pour en tirer les profits qu'elle peut rap
porter. Pour plus amples renseignements, consulter
les ouvrages d'horticulture.
RÉVOLUTION AGRICOLE lîl

CITROUILLES ET COURGES.

Les citrouilles et courges peuvent être d'une cul


ture lucrative dans la première zone. Nous ren
voyons le lecteur aux ouvrages d'horticulture pour
les détails.
Il y a un grand nombre de variétés' de citrouilles
et de courges. Le cultivateur devra choisir celles
dont il retirera le plus de profit ; quand à nous,
nous conseillons la culture de la courge de l'Ohio
comme la meilleure à manger ; mais les plus grosses
sont les meilleures à cultiver : le public, en général,
aime beaucoup la quantité.

CRESSON DE FONTAINE.

Le cresson de fontaine peut être utilisé dans les


terres sourceuses et baignées d'eau, pourvu qu'elle
puisse se renouveller, car l'eau croupissante qui ne
se renouvelle pas est impropre à cette culture.
Sol et climat. — Le cresson vient partout où il y a
de l'eau limpide ; la terre n'est pour lui qu'un acces
soire. Quelle qu'elle soit, elle lui suffit. Il réussit
également sous tous les climats dé la France.
m RÉVOLUTION AGRICOLE
Culture et produit. — On ouvre des rigoles d'un ou
de deux mètres de large, et de 30 à 40 centimètres
de profondeur, tous les mètres ou tous les deux mè
tres selon la quantité d'eau; de chaque côté des ri
goles on ménage un talus à fleur d'eau et on y pique
des débris de cresson portant quelques racines, à la
distance de 15 à 20 centimètres, et on jette les plus
petites racines dans l'eau.
Avec dix bottes de cresson, on peut planter une
rigole de dix mètres de long et d'un mètre cinquante
de large.
Quand la plantation est ainsi faite, le cresson ne
tarde pas à végéter, et deux mois après on peut
commencer la récolte ; seulement il faut ménager le
plant afin de le laisser s'étendre, se ramifier et se
multiplier.
On peut planter toute l'année ; mais le printemps
est l'époque la plus favorable, depuis mars jusqu'en
juin.
Le produit du cresson est assez considérable ; mais
il est variable en raison de la nature de la planta
tion, de celle des eaux et des sources. On estime
qu'une cressonnière produit de trente à quarante
bottes de cresson par mètre carré de rigole, dont le
prix moyen est de 5 centimes à Paris, ce qui donnerait
de 1 fr. 50 à 2 fr. par mètre de rigole. Un hectare
pouvant en contenir quatre mille mètres, le produit
brut serait donc de 6,500 fr. à 8,000 fr. — Les frais
RÉVOLUTION AGRICOLE 123
de cueillette, debottelage et de transport sont assez
élevés.
Débouchés et vente. — Il se fait une grande con
sommation de cresson dans les villes ; le placement
en est facile sur tous les marchés. On le met en
hotte d'une forte poignée, liée à l'aide d'un petit
osier ou d'un lien de paille.
Zone. — Le cresson ne saurait être cultivé que
dans la première et dans la seconde zones, parce
que le transport en est assez onéreux et que la
plante se détériore facilement quand elle est trop
longtemps cueillie. Cependant , il serait possible
qu'on pût en tirer parti même dans la troisième
zone.

FRAISIER.

Depuis quelques années, on cultive le fraisier en


plein champ, et on en retire des bénéfices considé
rables.
Il y a un grand nombre de variétés de fraisiers ;
on en compte plus de trois cents ; mais toutes ne
sont pas propres à la culture en plein champ ou de
produit. Chaque année il y a de nouvelles variétés
perfectionnées par les semis, et on ne saurait en
arrêter d'avance la liste ; cependant, voici celles qui
sont le plus propres à pe genre de pulture, tant en
124 RÉVOLUTION AGRICOLE
raison de l'abondance de leur produit que de leurs
qualités.
André Ducel (dans les sols frais) ;
Belle de Paris ;
Prince Impérial ;
Eléanor;
Empress-Eugénia;
Goliath ;
Marguerite (Le Breton);
Napoléon III ;
Sir Charles Napier ;
Sir Harry.
Victoria ;
Elton;
La Constante (dans les sols consistants et
frais) ;
Lucas ;
Marquise de Latour-Maubourg;
Oscar;
Lucie ;
Sir Walter-Scott;
Perpétuel d'Argenteuil (cette variété de
4 saisons à gros fruits, a été obtenue de
semis, par nous, en 1863).
Il y a un grand nombre d'autres variétés dont les
produits sont beaucoup plus méritants; mais elles
ne peuvent guère se cultiver que dans les jardins
RÉVOLUTION AGRICOLE lit
en raison du haut prix du plant. Au surplus, nous
renvoyons les lecteurs, pour plus amples rensei
gnements, à un ouvrage qui traite spécialement des
fraisiers (1), et aux catalogues qui se publient chaque
année. La culture du fraisier s'étend beaucoup au
jourd'hui en France , et les produits seront d'au
tant plus recherchés qu'on s'attachera aux bonnes
variétés.
Quand la culture des grosses fraises s'est introduite
chez nous, on ne connaissait guère que la Princesse
royale, la plus détestable de toutes; aussi pendant
longtemps on a cru que les grosses fraises étaient
bien inférieures en qualité aux petites; aujourd'hui
qu'il y en a un grand nombre de variétés nouvelles
d'un grand mérite on est revenu de cette erreur.
Sol et climat. — Le fraisier s'accommode de tous
les sols ; mais pour la culture en plein champ il lui
faut une terre de consistance moyenne et un peu
fraîche. Dans un sol sec et léger, il ne réussirait
qu'à la condition qu'on lui donnerait des arrosages
fréquents au moment de la récolte. Il réussit dans
toute Ja France, excepté dans les contrées du midi
où les pluies d'été sont très-rares et les chaleurs très-
fortes.
Culture et produit. — On plante le fraisier à l'au-

(1) Les asperges, les fraises et les figues, l vol. in-18, avec gra
vures. 1 fr. 80 cent., franco par la poste.
126 RÉVOLUTION AGRICOLE
tomne et au printemps. Dans la culture qui nous
occupe on devra le planter dès le 1 5 septembre, si
l'on veut obtenir déjà un commencement de récolte
au printemps suivant.
On plante les variétés ci-dessus, à 40 centimètres
en tous sens. On dresse des planches de 1 mètre 20
et on y trace trois rayons. Quelques personnes, et
nous sommes de leur avis, font des planches de
80 centimètres et ne mettent que deux rayons espa
cés de 50 centimètres. La culture et la cueillette se
font ainsi beaucoup plus facilement.
Il est indispensable d'arroser en plantant. Si l'on
n'a pas d'eau, il faudra de toute nécessité et quel
que soit le temps qu'il fasse; en conduire dans un
tonneau qu'on voiture jusqu'à la pièce. Du reste, il
en faut très-peu. Nous avons remarqué souvent
qu'un arrosoir de la contenance de 1 2 litres suffit
pour arroser 45 à 50 pieds. C'est un quart de litre
par touffe.
Au printemps, on bine et on sarcle, et cela au
moins trois fois en deux mois. Aussitôt que les cou
lants ou filets se montrent on les coupe ; il ne faut
pas en laisser pousser un seul, à moins que l'on ait
besoin de plant, car ils épuisent les pieds et dimi
nuent la récolte de plus de moitié.
On doit tenir le sol constamment meuble et net de
mauvaises herbes. A l'entrée de l'hiver de la seconde
et de la troisième années, il faut fumer très-légère
RÉVOLUTION AGRICOLE 127
ment avec du fumier bien pourri et rechausser la
plante en amoncelant la terre autour du pied. Les
boues de rues, les curures d'égout, de mares, de
fossés, etc., sont un excellent engrais pour le frai
sier.
Pour récolter les fraises il faut couper avec l'ongle
le pédoncule à un ou deux centimètres au-dessous
du fruit. La cueillette doit se faire le matin et non
en plein soleil ; car outre que le fruit est moins frais
la cueillette au soleil fatigue la plante qu'elle froisse,
et dessèche. Les fraises destinées à voyager doivent
être cueillies encore fermes ; car si elles étaient trop
mûres, elles se mettraient en bouillie en route.
Les arrosages augmentent considérablement la
récolte des fraises.
Un hectare de fraisiers produit à la seconde année
de cinq à six mille francs et au moins autant à la
troisième. Passé ce temps, le fraisier meurt ou se
dégarnit.
Débouchés et vente. — On trouve le placement de la
fraise sur tous les marchés des grandes villes. On
l'expédie tantôt en petits pots d'un kilo ou de deux
kilos, tantôt en petits paniers du même poids. Tous
les matins, à la Halle de Paris, il en arrive des quan
tités considérables. Les Anglais en achètent beau
coup en France, bien qu'ils cultivent cette plante en
grand dans les environs de Londres, et en plein
champ.
128 RÉVOLUTION AGRICOLE
Zone. — Le fraisier peut se cultiver dans toutes les
zones, car son fruit se transporte assez facilement
quand il est cueilli à point et bien emballé. Ainsi,
le Médoc en expédie beaucoup à Paris au commen
cement de la saison ; plus tard cette fraise est aban
donnée en raison de son petit volume et de son peu
de qualité; cependant elle arrive assez bien con
servée.

FIGUIER.

La culture du figuier est répandue dans le midi


de la France; mais elle y est négligée. On pourrait
l'étendre au centre et au nord avec avantage, car à
l'état vert la figue est très-recherchée.
Il y a plusieurs variétés de figues ; mais celle qui
convient dans notre système de culture est la figue
blanche, parce que cette variété est celle qui résiste
le mieux dans les climats froids, et qui donne le
meilleur fruit.
Sol et climat. — Le figuier croît dans tous les sols,
depuis le sol le plus sablonneux jusque dans les plus
compacts, soit secs ou humides. On peut le cultiver
dans toute la France, même au nord.
Culture et produit. — Le figuier se multiplie de
drageons qu'on détache du pied ou de marcottes. On
les plante avant l'hiver ou mieux au printemps, de
mars à avril.
REVOLUTION AGRICOLE 1J9
La plantation se fait de deux manières, par deux
couches ou par couches simples (on appelle couches
chaque pied, parce qu'on couche toutes les tiges, pour
les enterrer pour passer l'hiver).
Pour planter par deux couches, on ouvre deux
trous à la distance de 1 mètre 50, et on plante un
pied dans chaque trou en les inclinant dans le sens
opposé pour qu'ils s'éloignent au lieu de se rejoin
dre, de manière à former un V dont la base serait
écartée de 1 mètre 50 (il y a des plantations qui
sont faites à un mètre seulement; mais dans les
pièces étroites). La plantation se fait en lignes, dis
tantes entre elles de 2 mètres, les couches sont
dirigées de manière à incliner les figuiers à droite
et à gauche dans le sens de la largeur de la pièce.
Pour planter par couche simple ou oblique, il suf
fit d'ouvrir des trous à la distance de 3 mètres 50
sur la ligne et de distancer les lignes de 2 mètres.
On incline alors tous les plants du même côté, et
si le terrain est en pente, on incline le figuier du
côté du haut. Cette inclinaison a pour but de faci
liter le couchage (enterrage qui se pratique l'hiver).
La culture du figuier, comme celle de tous les
autres arbres, comprend les labours, la taille, le pin-
çage, enfin toutes les opérations qui servent à entre
tenir la terre meuble, à gouverner l'arbre, etc. ;
mais, l'art de diriger le figuier et d'obtenir des
fruits étant un peu plus compliqué dans cet arbre
130 RÉVOLUTION AGRICOLE
que dans tous les autres, nous sommes forcé de
renvoyer le lecteur à un ouvrage spécial pour le
connaître à fond (1).
Le figuier demande de fréquents labours. A Ar-
genteuil on le cultive absolument comme la vigne ;
cependant, on cesse tous labours quand la figue
commence à prendre du développement, c'est-à-dire
à la fin du mois de juin, dans la crainte de froisser
les feuilles et de faire tomber le fruit qui se détache
au moindre choc.
Les labours se font toujours à plat ; mais en ayant
le soin de dégager le pied en faisant une cerne (un
godet) autour, afin d'y attirer l'eau dans les terres
sèches; et, aussi et surtout, pour que les branches
traînantes ne puissent toucher au sol et s'enraciner
dans leur longueur, ce qui est très-préjudiciable à
l'arbre.
Aussitôt que le relevage est fait, c'est-à-dire huit
ou dix jours au plus après, selon l'époque et la sai
son, on pratique l'éborgnage. Pour cela, on se munit
d'un couteau bien affilé (les cultivateurs d'Argen-
teuil se servent d'une serpette, mais ils savent ma
nier cet instrument avec une grande dextérité), et
on enlève l'œil terminal T de chaque branche, en le
coupant jusqu'à sa base au trait A (flg. 2).

(I) Voir Les asperges, les fraises et les figues, un vol. in-18 avec
figures, 1 fr. 50. franco par la poste.
RÉVOLUTION AGRICOLE 131
Huit à dix jours après l'éborgnage, on procède à
l'ectonnage.

Fig. 2.
On nomme eclonnage, l'éborgnage des yeux à bois
qui se développent le long du rameau pincé. Cette
opération se fait après le pinçage, aussitôt que l'on
peut distinguer l'œil à bois d'avec la figue qui se
trouve à côté ; elle se pratique en enlevant l'œil à
l'aide de l'ongle du pouce, comme l'indiquent les
traits enBBBBBBBBB (fig. 2).
On enlève donc tous les yeux, excepté deux, qui
sont destinés à donner naissance à deux branches
de remplacement qui produiront le fruit l'année sui
vante. Pour cela, on conserve deux yeux placés de
chaque côté de la branche, pour les obtenir comme
en B et G (fig. 3) le plus rapprochés du vieux bois,
afin d'éviter l'allongement du figuier, et en les choi
132 RÉVOLUTION AGRICOLE
sissant espacés de 25 centimètres au moins l'un
de l'autre.

Fig. 3.

La figue blanche mûrit naturellement sous toutes


les latitudes, en France, mais pour l'avoir plus tôt,
et jouir des figues d'automne (regains) , on est obligé
de leur faire subir une petite opération qu'on
nomme apprêt ou apprêter.
L'apprêt des figues a une autre utilité bien plus
grande, c'est que dans une localité, comme Argen-
teuil, où la culture du figuier se fait sur une grande
échelle (la vente annuelle atteint parfois le chiffre
de 150,000 francs), il importe beaucoup de l'avoir
RÉVOLUTION AGRICOLE 133
de bonne heure et de prolonger la récolte, afin de
n'être pas encombré de travail quand elle arrive ;
car , non-seulement ce travail serait impossible ,
mais la récolte, se faisant en quelques jours, se
vendrait à vil prix. On a donc cherché le moyen
d'avancer la maturité de la figue, et on l'a trouvé
il y a bien longtemps ; car on ne connaît ni le nom
de l'inventeur du procédé, ui depuis quand il est
pratiqué.
Pour apprêter la figue, il suffit de déposer une
très-faible goutte d'huile d'olive sur l'œil, et, neuf
jours après, elle est bonne à cueillir.
Deux choses essentielles sont à observer pour ap
prêter. La première, c'est qu'il ne faut opérer que
sur des figues dont la fleur est passée depuis quel
que temps, ce qu'on reconnaît à ce que l'œil est
jaune et semble vouloir se dilater; la peau est parée,
en termes de métier, c'est-à-dire lisse, brillante et
tirant sur le jaune; la seconde, de n'opérer que par
un temps sombre, le soir ou le matin.
Toute figue touchée avant l'époque convenable, se
fane et tombe. Si on la touche par le grand soleil,
l'œil noircit, la figue se bouffe, mais elle se fane ou
ne végète plus, et elle est également perdue, soit
qu'elle tombe ou qu'elle reste, car elle n'est pas *
mangeable.
Rien de plus simple que de toucher ou d'apprêter
la figue. Les cultivateurs d'Argenteuil ont un petit
8
134 RÉVOLUTION AGRICOLE
flacon plein d'huile, attaché à leur boutonnière ; ils
y trempent le pétiole d'une feuille de figuier, ou
une paille, ou un petit morceau de bois, puis ils en
posent légèrement l'extrémité sur l'œil de la figue,
et l'opération est faite. On peut en apprêter deux,
trois et même quatre, sans retremper le petit instru
ment dans l'huile.
Les figues apprêtées ne sont jamais aussi déli
cates que celles qui ont accompli naturellement leur
maturité.
La cueillette de la figue n'a rien de particulier;
seulement, quand ce fruit est destiné à voyager, il
faut savoir saisir le moment propice ; car, une seule
journée suffit pour le perdre.
La cueillette doit se faire le matin, avant que le
soleil ait flétri ou fané le fruit. Les cultivateurs
cueillent tous les deux jours la figue. Ils la mettent
dans de grands paniers, puis ils l'ont le triage et l'em
ballage à la maison.
Le produit du figuier est variable et ne saurait
être évalué même approximativement, mais il est
important et peut donner de l'aisance à ceux qui
s'adonnent à sa culture. A Argenteuil, elle est très-
profitable.
• Débouchés et vente. — La figue verte trouve un
placement facile dans toutes les villes et sur
tous les marchés. Cependant, dans la plus grande
partie de la France on ne connaît pas ce fruit déli*
RÉVOLUTION AGRICOLE 138
cieux qui est si recherché. La figue se vend à Paris
par panier de cinquante-deux fruits. Le prix moyen
est de 5 fr. les deux paniers de 52. Les paniers sont
compris dans la vente et coûtent 12 fr. 50 le cent.
Zone. — Le figuier peut être cultivé dans toutes
les zones ; car son fruit se vend un bon prix et sup
porte parfaitement le transport dans des voitures
suspendues sur ressorts, les seules, du reste, que
l'on doive employer pour transporter les fruits et
les légumes.

FRAMBOISIER.

Le framboisier peut trouver place dans notre sys


tème de culture. Quoique le produit n'en soit pas
considérable, on pourra, parfois, utiliser par ce
moyen quelques coins de terre abandonnés.
Il y a trois variétés de framboisier : le framboisier
à gros fruits, le framboisier remontant ou de tous les
,mois, et le framboisier commun, dit des Bois. Le fram
boisier à gros fruit doit être préféré.
Sol et climat. — Le framboisier s'accommode de
tous les terrains ; mais étant originaire des pays
froids, il réussit mal au midi, à moins qu'on le plante
à l'exposition du nord.
Culture et produit. — On multiplie le framboisier
à l'aide des drageons qui sortent des racines ; on les
plante à un mètre en tout sens ; on bine et houe le
136 RÉVOLUTION AGRICOLE
sol deux fois par an au moins , en ménageant les
jeunes pousses qui sortent de terre , et au printemps
suivant, on retranche toutes celles de l'année précé
dente qu'on raccourcit d'un tiers environ.
Plus tard, quand le framboisier est bien garni, que
les tiges sont vigoureuses, on augmenle peu à peu le
nombre des drageons; mais il ne faut pas qu'il yen
ait plus de huit à dix -par touffe ou par mètre carré.
La manière de récolter est connue ; mais ce qu'on
n'observe pas assez, c'est de cueillir le matin, à la
rosée. Le fruit se conserve mieux que quand il est
récolté par la chaleur.
Quant au produit, il est, dit-on, assez élevé dans
les terres qui conviennent au framboisier. Ne l'ayant
jamais cultivé en grand, nous ne saurions en parler
en.connaissance de cause.
Débouchés etvente.— La framboise est employée par
les distillateurs, les pharmaciens, les confiseurs, etc.
On en trouve le placement dans toutes les grandes
villes et sur les marchés. On la vend en panier et
même en vrac, quand elle est destinée à être con
vertie en infusions ou liqueurs. On l'emploie beau
coup aussi dans les confitures de groseille, de cerises,
dans les liqueurs de cassis, etc.
Zone. — Le framboisier ne saurait être cultivé que
dans les zones éloignées des villes, là où les terrains
sont à bas prix et produisent peu. Nous lui assi
gnons donc comme zones spéciales la troisième et
RÉVOLUTION AGRICOLE 437
la quatrième. Cependant, le transport peut offrir
quelques difficultés soit sous le rapport de la longue
route, soit sous celui de la fraîcheur des fruits.

GAUDE.

La gaude est une plante tinctoriale dont la culture


peut être profitable dans plus d'une circonstance.
C'est une plante bisannuelle et sauvage dont toutes
les parties contiennent une matière colorant en
jaune.
Sol et climat. — La gaude réussit dans tous les
sols , et dans tous les climats où végète le blé d'hi
ver.
Culture et produit. — La gaude se sème au prin
temps; elle demande seulement quelques binages.
On préfère, en général, ne la semer qu'à la fin de
juillet ou en août ; alors, on la bine une fois à l'au
tomne et une fois au printemps. Dans ce cas, on la
fait précéder d'une récolte quelconque susceptible
d'ameublir le sol.
A l'été suivant, quand les plantes ont passé fleur
et qu'elles ont pris une teinte jaune, on les arrache,
on les met en petits paquets et on les fait sécher,
soit dans le champ même, soit ailleurs.
Pour avoir de la graine, on laisse la quantité de
pieds qu'on désire.
8.
138 RÉVOLUTION AGRICOLE
La gaude est d'un produit variable en raison de la
température ; on l'estime en moyenne à 2,500 kilog.
par hectare ; mais elle peut être inférieure, comme
elle peut atteindre 4 mille kilog.
Débouchés et vente. — On trouve le placement de
cette plante dans le commerce de la teinture, et elle
se vend soit en nature, soit travaillée, c'est-à-dire
prête à être employée. Elle ne se livre que séchée.
Zone. — La gaude peut être cultivée dans les troi
sième et quatrième zones.

GARANCE.

La garance est une plante vivace. On extrait de


sa racine une matière colorante rouge très-recher
chée.
Sol et climat. — |La garance demande un sable
glaiseux ou une terre franche; elle réussit dans
toute la France.
Culture et produit. — 11 faut un sol très-ameubli
et bien nettoyé pour recevoir la garance. On la mul
tiplie de pieds semés sur couche dont on détache les
tiges latérales pour les repiquer quand les pieds ont
atteint 40 à 50 centimètres et émis des racines. La
plantation a lieu vers la fin de mai, en rayons, dis
tants de 50 centimètres. — On espace les plants de
20 centimètres sur les lignes.

i
RÉVOLUTION AGRICOLE 139
On butte les pieds tous les six mois, pendant les
deux premières années, et on arrache à l'automne de
la troisième. Les racines arrachées, on les fait sécher
à l'air, puis on achève la dessication au four.
La garance produit de 4,000 à 5,000 kilos de
racines à l'hectare. Cette culture passe pour être très-
lucrative dans le midi.
Débouchés et vente. — La garance se place dans la
teinturerie ; elle se vend soit brute, soit en poudre.
Zone. — Elle ne convient qu'à la troisième et à la
quatrième zones.

HARICOTS.

Le haricot peut être cultivé avec profit, en grand,


dans notre système ; sa culture est trop connue pour
que nous nous y arrêtions. Disons, toutefois, qu'il
faut savoir choisir les bonnes variétés et que les ha
ricots nains ou sans rames sont les seules qui con
viennent dans notre système.
Le haricot se vend sec à la mesure, à la Halle de
Paris ; vert, il se vend au poids.

HOUBLON.

Aujourd'hui que la consommation de la bière est


devenue presque générale, la culture du houblon
est assurément lucrative.
140 RÉVOLUTION AGRICOLE
Sol et climat. — Le houblon aime les sols un peu
frais, les terres substantielles. Cependant, on peut
le cultiver presque partout, si ce n'est dans les sols
arides et trop élevés ou dans les vallons humides et
froids, où ses fleurs (cônes) sont atteintes de la rouille
et deviennent ainsi presque sans valeur. Il réussit
dans toute la France, excepté dans le midi où les
vents violents (le mistral) le renversent, le meurtris
sent et rendent toute récolte éventuelle.
Culture et produit. — Il y a quatre variétés de hou
blon : le sauvage, le rouge, le blanc à tiges courtes
et le blanc à longues tiges. Ce sont ces deux der
nières variétés que l'on préfère ; cependant le hou
blon à tiges rouges est plus robuste que les autres et
s'accommode d'un terrain de qualité inférieure.
Il faut au houblon une terre largement engrais
sée et défoncée de 45 à 50 centimètres de profon
deur, pendant l'été ou l'automne qui précède la
plantation.
On plante le houblon au printemps, avec du jeune
plant enraciné, ou du vieux plant qu'on tire des hou-
blonnières; cependant, il est préférable de planter à
l'automne dans les terres sèches. On plante à la dis
tance de deux mètres en tous sens, ou au moins à
1 mètre 60. On peut en placer de 3000 à 3500 pieds
par hectare, environ.
Au mois d'avril, lorsque les jeunes plants com
mencent à pousser, on leur donne un échalas comme
RÉVOLUTION AGRICOLE 141
à la vigne ; mais il faut se hâter de le placer aussitôt
que la tige parait ; car sans cela, elle s'inclinerait à
terre ou se romprait, parce qu'elle pousse très-rapi
dement.
A la seconde année, il faut, au lieu d'échalas, des
perches de 5 à 6 mètres de hauteur auxquelles on
laisse des chicots de branches de 8 à 1 0 centimètres
de long pour servir d'appui au houblon. L'extrémité
supérieure doit, autant que possible, se terminer en
fourche pour asseoir les tiges qui s'élancent et
retombent le long de la perche.
A la seconde année, c'est-à-dire l'année où com
mence la récolte, quand les tiges ont 1 mètre à
1 mètre 50 de hauteur, on choisit les plus vigou
reuses au nombre de 4 ou 5 et on les attache à la
perche , en ayant soin de les enrouler autour en
suivant le cours du soleil, c'est-à-dire de l'est à
l'ouest, et on coupe ras terre les tiges que l'on ne
veut pas conserver.
Au lieu de perches, on peut employer des pieux de
deux mètres de haut au-dessus desquels on fixe des
perches transversales ou des fils de fer ; nous avons,
essayé de ce moyen pour nous et nous nous en
sommes très-bien trouvé. Il est vrai que le terrain
dans lequel nous avons cultivé le houblon était un
peu sec; néanmoins, tout nous porte à croire qu'il
réussirait également dans la plupart des cas.
On dépouille le houblon de ses feuilles jusqu'à la
142 RÉVOLUTION AGRICOLE
hauteur de deux mètres au moment où les fleurs
commencent à paraître ; cette opération a deux buts :
aérer la plantation et faire porter la sève sur les
cônes (fleurs).
Une houblonnière doit toujours être purgée de
mauvaises herbes ; on lui donne ordinairement
quatre binages par an ef un labour d'hiver, pour
enterrer le fumier.
On récolte les cônes du houblon lorsqu'ils com
mencent à brunir et on les fait sécher à l'air libre
dans les greniers, partout où l'air peut circuler, ou
dans des fours construits tout exprès. Pour faire la
récolte plus facilement on coupe les tiges à 1 mètre
de haut et on porte toute la plante sous des han-
gards où la cueillette se fait facilement. Il faut éviter
de récolter par la pluie.
Une houblonnière peut durer de 12 à 15 ans, sou
vent même 18 et 20.
Le produit du houblon est assez variable ; en Alle
magne il est de 2,500 à 3,000 francs par hectare.
En France, il peut être plus élevé, dans de bonnes
circonstances.
Les feuilles de houblon ne sont pas entièrement
perdues; elles peuvent être utilisées à la nourriture
du bétail.
Débouchés et vente. — On trouve le placement du
houblon chez tous les brasseurs qui ne peuvent s'en
passer dans la fabrication de la bière, bien qu'ils en
RÉVOLUTION AGRICOLE 143
emploient le moins possible, en raison de son prix
élevé. La vente se fait en sacs et au poids; le poids
est toujours déterminé : il est de 50 ou 100 kilos.
Le houblon conserve ses qualités pendant plu
sieurs années ; néanmoins, elles vont toujours en
diminuant, surtout, s'il n'est pas très-fortement
comprimé dans les sacs.
Zone. — Le houblon ne peut guère être cultivé
que dans la troisième et la quatrième zones.

IGNAME.

Nous allions passer sous silence l'igname de la


Chine, quand nous avons pensé qu'il serait utile,
peut-être, de prémunir nos lecteurs contre cette
culture qui ne sera jamais bonne à faire, si ce n'est
comme curiosité. Ce légume sera toujours inférieur
à la pomme de terre et, de plus, sa culture est, sinon
impossible, du moins extrêmement difficile. On peut
en juger par la réponse que nous fit un de nos amis,
qui l'a cultivée ; nous lui demandions ce qu'il pensait
de l'igname? L'igname, dit -il, est une plante qu'on
plante en France et qu'il faut aller récclter en Chine.
En effet, il faut défoncer le sol à 60 ou 80 centimètres
pour récolter les tubercules ou racines, ce qui occa
sionne des frais considérables, capables de dépasser
la valeur de la récolte. On devra donc se mettre en
144 RÉVOLUTION AGRICOLE
garde contre les exagérations de ceux qui préten
dent que l'on peut remplacer la pomme de terre par
l'igname.
Si la culture de l'igname était possible , ce ne se
rait qu'à la condition de le planter dans un sol qui
doit être défoncé l'année suivante; encore fau
drait-il qu'il le fût au moins à 65 ou 70 centimètres
et à la houe ou tournée , autrement on ne pourrait
extraire tous les tubercules.
Au moment même où nous terminons cet article,
nous venons d'en faire arracher quelques pieds dans
notre jardin, et nous en avons trouvé qui mesuraient
85 centimètres de long. Le tubercule ne commence
guère à être gros et comestible qu'à 45 centimètres
de profondeur.

MACHE.

La mâche est connue de tout le monde, on peut


l'utiliser comme seconde récolte après les choux, les
pommes de terre, etc. Elle ne peut être cultivée que
dans la première et la seconde zones. Sa culture est
connue. (Voir, au besoin, les ouvrages d'horti
culture).
MELON.

Le melon peut se cultiver en plein champ dans


presque la moitié de la France. On le rencontre
RÉVOLUTION AGRICOLE 145
dans les environs d'Auxonne et dans quelques par
ties du midi.
Le melon est un fruit délicieux. Il est vrai que
quelques personnes prétendent qu'il est fiévreux;
c'est une erreur , il ne gêne que ceux qui en man
gent trop ou qui ne savent pas le manger : en lui
associant du sel et du poivre, du poivre surtout, et à
bonne dose, on peut en manger autant et peut-êlre
plus que de tous les autres fruits.
La cullure du melon peut être très-profitable,
c'est pourquoi nous le faisons figurer dans les plan
tes à cultiver dans notre système.
Il y a deux sortes de melons : les melons à écorce
mince et unie, les melons à écorce épaisse et rugueuse
ou couverte d'aspérités. Chacune de ces espèces se
subdivise en un grand nombre de variétés qu'il
n'est pas intéressant de rapporter ici, car elles
demandent toutes les mêmes soins. Cependant, les
melons, dits maraîchers, sont plus robustes que les
cantaloups; c'est-à-dire que les melons à écorce lisse
et mince sont plus faciles à cultiver que ceux à
écorce raboteuse et épaisse.
Sol et climat. — Le melon demande une terre
sèche et chaude. Partout où le sol n'est pas foncière
ment chaud, on ne peut le cultiver que sur couche ;
c'est dire qu'il ne réussit que dans les parties méri
dionales de la France en plein champ.
Culture et produit. — Dans notre système, on ne
146 RÉVOLUTION AGRICOLE
peut et ne doit cultiver le melon en plein champ
que sur butte, comme on le fait à Honfleur.
A cet effet, on le sème sur couche, sous cloche ou
sous châssis, dès les premiers jours d'avril, (dans
les contrées méridionales on peut le semer en place
sur buttes, cela l'avance souvent de quinze jours)
et on repique les jeunes plaDts quand ils ont trois
feuilles, non compris les cotylédons.
On fait tremper, pendant 12 heures, les grainse de
melon dans du vinaigre ou dans du vin pour em
pêcher les mulots et les rats de les manger.
Les buttes se font de la manière suivante : on
ouvre des trous de SO centimètres de profondeur et
de 60 centimètres au moins de diamètre à la dis
tance de 2 mètres à 2 mètres 30 en tous sens, et on
les laisse s'aérer et s'échauffer pendant huit ou dix
jours. Alors, on les remplit de fumier au niveau du
sol, puis on mélange la terre extraite avec du ter
reau, à parties égales, et on forme des buttes avec le
tout; ces buttes ont la forme d'un cône aplati en
haut. Gela fait, on place une cloche sur la butte,
(dans le Midi on ne se sert pas de cloche) pour l'é
chauffer et huit jours après on procède à la planta
tion. Autant que possible on doit choisir un temps
couvert et n'opérer que le soir. Ou ombre la cloche,
ou on met simplement une tuile du côté du soleil.
Quand le plant a végété, on pince la tige au-dessus
de la troisième feuille et on ne conserve que deux
RÉVOLUTION AGRICOLE 147
branches latérales, au moment où elles se dévelop
pent. Lorsque ces branches atteignent les bords de
la cloche, on la suspend sur trois fourchettes en
bois et on les laisse passer dessous. Plus tard, on
supprime les cloches, après toutefois avoir déposé du
fumier tout autour des buttes, on ne laisse que deux
melons à chaque branche, soit quatre par pied, et on
retranche le surplus. La figure 4 représente les
buttes de melon immédiatement après la planta
tion.

Fig. «.
On arrose peu le melon, et quand on le fait, il
faut verser l'eau sur la cloche ; mais il faut le bas
siner tous les deux jours dans les terres sèches et
même plus souvent.
11 ne faut pas confondre les bassinages avec les
148 RÉVOLUTION AGRICOLE
arrosages ; les bassinages ne doivent mouiller que
les feuilles, les arrosages mouillent la terre.
Dans le Midi, on fait cette culture d'une manière
plus économique. On sème le melon en place en
avril, et en lignes distantes de 1 mètre 30 à 1 mètre
50, dans le fond desquelles on a déposé de l'en
grais. On éclaircit quand les jeunes plantes ont 3
feuilles de manière à laisser un pied tous les 60 ou
70 centimètres; on taille comme nous venons de le
dire. On n'arrose pas ou presque pas les melons
ainsi cultivés.

Fig. 5.
On rencontre souvent des clos entourés de murs
RÉVOLUTION AGRICOLE 149
qui ne sont pas utilisés ; on peut , dans ce cas, plan
ter à l'est, à l'ouest et même au midi , si le terrain
n'est pas trop brûlant, des melons que l'on cultive
en palissades et sur butte. La figure 5 représente un
pied de melon ainsi disposé. On peut aussi le cultiver
à plat, si le sol est sec et brûlant ; mais, alors, il
faut ouvrir des rigoles qu'on remplit de fumier, et
tous les soirs dans la cbaleur, on bassine. On arrose
sur la cloche au besoin.
Le produit du melon varie selon la qualité du
sol, de l'espèce, de l'année, etc. ; mais, en général,
cette culture est très-lucrative quand elle est bien
entendue.
Débouchés et vente. — Le melon se place facilement
dans toutes les villes; il en arrive des quantités
considérables à la Halle de Paris. La vente s'en fait
au compte, au cent ou au mille, tantôt assortis de
grosseur, tantôt en sortes de choix, par gros, petits
et moyens, en bons et médiocres, etc.
Zone. — Comme on le voit, le melon peut se cul
tiver dans toutes les zones, depuis la première jus
qu'à la quatrième , puisque le Midi en envoie de
grandes quantités à Paris.
Il est à désirer que cette culture s'étende ; car elle
peut être très-avantageuse pour nos cultivateurs.
Elle est beaucoup moins difficile qu'on le pense.
ISO RÉVOLUTION AGRICOLE

NAVET.

Le navet peut trouver place avantageusement,


comme seconde récolte, dans notre système. Il y a
plusieurs variétés de navets ; la meilleure de toutes,
selon nous, est le petit navet d'Orret qui est bien
supérieur au navet de Freneuse, des Vertus, etc. ;
malheureusement, il n'est pas connu et il est fort
difficile d'en avoir de la graine bien franche.
Le petit navet jaune est également d'excellente
qualité ; mais il rend peu.
La culture du navet est trop facile et trop répandue
pour que nous en parlions plus longuement.
Il peut se cultiver dans toutes les zones.

NOISETIER.

Le noisetier est un arbrisseau très-connu, qui


compte un grand nombre de variétés sauvages
et cultivées. Il ne s'agit ici que de ces dernières.
Le noisetier cultivé comprend quatre variétés
très-recommandables sous le rapport de leurs fruits.
On dislingue l'avelinier d'Espagne, à fruit angu
leux ; le noisetier franc, à fruit blanc ovoïde; le
noisetier commun, à fruit rond ; le noisetier franc,
RÉVOLUTION AGRICOLE 181
à fruit rouge ovoïde dont la pellicule qui enve
loppe l'amande est rouge.
Sol et climat. Le noisetier est peu délicat sur
le sol ; il s'accommode des plus mauvaises terres et
végète dans tous les climats.
Culture et produit. On ne plante guère le noi
setier que dans quelques coins des jardins où
nulle autre plante ne pourrait végéter utilement ;
cependant, on peut tirer parti de cet arbrisseau de
trois manières : en le plantant entre les grands
arbres en touffes, en attendant qu'ils soient en
rapport; en plein, dans les terres maigres et arides,
pour en récolter le fruit ; enfin, dans les sols nus
et escarpés pour faire des cerceaux. Dans l'un,
comme dans l'autre cas, on l'élève en buisson ;
mais, pour obtenir des cerceaux, il faut l'élaguer,
lui laisser un plus grand nombre de pousses, et le
couper aussitôt qu'il atteint la longueur voulue.
Quand on ne le cultive que pour le fruit, on le laisse
croître sur quatre mères-branches qu'on ne taille
ni n'élague pas, si ce n'est pour enlever les vieilles
branches et celles qui sont mal placées ou qui traî
nent à terre.
On multiplie le noisetier et l'avelinier à l'aide
des drageons qui poussent au pied ou par leurs
graines qu'on met stratifier (voir Pépinière, etc.)
pendant l'hiver, pour les planter en rayons à 30 ou
35 centimètres en tous sens, au mois de mars.
152 RÉVOLUTION AGRICOLE
Les drageons sont plus économiques, mais moins
vigoureux.
Le produit du noisetier et de l'avelinier est va
riable, en raison de la nature des terres et du genre
de culture.
Débouchés et vente. Les cerceaux de noisetier se
vendent facilement dans les vignobles, et les fruits
sur tous les marchés. Les fruits de l'avelinier, surtout,
sont recherchés pour les desserts ; ils entrent dans
la composition de l'assiette assortie, connue sous le
nom des quatre mendiants. Quant au fruit du noi
setier commun qui est beaucoup moins estimé, on
en retire une huile qui a une certaine valeur, soit
comme comestible, soit comme objet de parfu
merie, etc.
Zone. Le noisetier ne convient guère que dans
les troisième et quatrième zones.

OIGNONS.

La culture de l'oignon peut être très-lucrative


quand on a des terres qui lui conviennent et qu'on
peut le faire entrer dans un assolement régulier et
bien entendu. Il y a deux sortes d'oignons, l'oignon
d'hiver, ou oignon blanc, et l'oignon d'été. C'est au
cultivateur à voir lequel des deux se prête le mieux
à son assolement ou à ses cultures.
La culture de l'oignon est connue; aussi nous
RÉVOLUTION AGRICOLE 153
renvoyons aux ouvrages d'horticulture qui sont en
tre les mains de tout le monde, ceux qui auraient
besoin de renseignements.
Toutefois, nous dirons que l'oignon blanc ou gros
hâtif, et le petit blanc hâtif, sont ceux dont on peut
retirer le meilleur parti. Semés en août et repiqués
en octobre, ou semés en place au mois d'août ou vers
les premiers jours de septembre, on en obtient un
bon produit dès le mois de mai suivant, ou de juin
au plus tard.
L'oignon rouge, ou d'été, se sème en mars et se
récolte en août; il est généralement d'une vente
moins avantageuse.

OSEILLE.

Tout le monde connaît l'oseille ; il y en a des


champs tout entiers près des grandes villes, dont on
tire un assez bon produit. On sème, en mars, la
graine de l'oseille à feuilles larges; quand les jeunes
plantes ont quatre ou cinq feuilles, on choisit les
plus beaux pieds, les plus francs et on les repique
en place. Cette culture est connue.

PASTEL.

Le pastel est une plante bisannuelle dont la feuille


est employée dans la teinture.
Sol et climat. — Le pastel demande une terre pro
9.
184 RÉVOLUTION AGRICOLE
fonde, meuble, et bien engraissée. Il réussit dans
toute la France ; cependant dans les contrées méri
dionales, où les pluies sont rares en été, il ne donne
des récoltes que peu abondantes. On peut récolter
deux années de suite les feuilles du pastel.
Culture et produit. — Le pastel se sème au mois
de mars, en rayons de 45 à 50 centimètres de dis
tance. On le bine soigneusement. Les feuilles se ré
coltent deux ou trois fois par an, selon la force du
plant, pendant l'été.
Le produit est de 3000 à 3500 kil. à l'hectare.
Débouchés et vente. — Les teinturiers emploient le
pastel, et on en trouve facilement le placement. Les
feuilles se vendent sèches et en balles de tous poids.
Zône. — Le pastel peut se cultiver dans la troi
sième et la quatrième zones.

PISSENLIT.

Le pissenlit est une plante comestible que l'on


utilise pour faire des salades très-estimées, et dont
la culture, fort peu connue en France, peut être
très-profitable.
Sol et climat. — Le pissenlit s'accommode de tous
les sols ; peu de plantes sont plus rustiques. Il vient
dans tous les climats. La variété la plus productive
est la dent-de-lion.
RÉVOLUTION AGRICOLE 158
Culture et produit. — On sème le pissenlit dent-de-
lion en juin , après une première récolte, dans un
sol meuble, par planches ou billons d'un mètre et
demi de large, séparés par des sentiers de 50 à
60 centimètres.
Au mois de décembre, on butte avec de la terre
qu'on prend dans les sentiers, et avec laquelle on
enterre les plantes de 7 à 8 centimètres.
Le pissenlit nous a produit, dans des terres très-
séches et très-légères, 1 kilo 500 à 2 kilos par mètre
carré, selon que le semis avait eu lieu en mai ou
juin, et les récoltes faites enfévrier ou en mars. Passé
le 1er avril, dans le climat de Paris, le pissenlit monte
à graine, à moins qu'il ne soit dans des terres fraîches
et à l'exposition du nord. Dans ce cas, la récolte peut
se prolonger presque tout le mois d'avril.
Débouchés et vente1. — Le pissenlit se vend sur tous
les marchés et à la Halle de Paris. C'est une salade
très-recherchée. Il se transporte facilement même
à de grandes distances.
Zone. Le pissenlit peut être cultivé avec avan
tage dans les première, seconde et troisième zones.

PLANTES AROMATIQUES.

Les plantes aromatiques peuvent être cultivées


avec avantage. La liste en est nombreuse ; il y a l'a
1S6 RÉVOLUTION AGRICOLE
nis, la coriandre, le fenouil, l'absinlhe, le cumin, la
lavande, la mélisse, la sauge, et le thym. On les
emploie en médecine, dans la distillation et aussi
pour faire des huiles essentielles et odorantes con
nues sous le nom d'essences.
Elles ne sauraient, sans doute, donner lieu à une
grande culture ; mais, ainsi que nous l'avons dit
précédemment, il y a place pour tout; il s'agit de
savoir la prendre le premier et le plus lôt possible.
Les piaules aromatiques sont recherchées et ont
un emploi fréquent et des débouchés assez certains
pour qu'elles soient d'une culture avantageuse pen
dant longtemps. Il est évident que si tous les culti
vateurs faisaient de l'anis, de l'absinthe, etc., la
vente en deviendrait impossible ; mais cela ne sau
rait être.
Nous n'entrerons point dans le détail de la cul
ture de chaque plante ; nous nous bornons à la
signaler; chacun la trouvera dans les anciens
ouvrages.
Les plantes aromatiques ne peuvent guère être
cultivées que dans les centres éloignés des grandes
villes, là où les terres sont à bas prix et où la cul
ture des autres plantes de grande consommation ne
saurait être appliquée, à moins qu'on les vende
vertes , dans lequel cas il faut être rapproché du
lieu de consommation.
RÉVOLUTION AGRICOLE 157

POIHEAU.

Nous avons conseillé la culture de l'oignon blanc


d'hiver et de l'oignon rouge ou rose d'été; nous
devons parler de celle du poireau ; car l'oignon d'été
et le poireau sont presque inséparables dans la
grande culture maraîchère. On sème le poireau en
mars avec l'oignon ; cului-ci arraché en août, laisse
la place libre pour le poireau qui est encore tout pe
tit ; il continue de croître et on a deux récoltes au
lieu d'une.
Pour plus amples renseignements, consulter les
ouvrages d'horticulture.

POIS.

Il ne s'agit ici que du pois nain ; le pois par lui-


même ne saurait être bien lucratif, s'il était cultivé
seul dans un terrain qui lui serait exclusivement con
sacré ; il n'en est pas ainsi, comme on va le voir.
Le pois se sème en janvier ou février, en rayons
distants de 30 centimètres environ. Aussitôt qu'il
est levé ( en mars ou commencement avril ), on
plante de la pomme de terre (marjolaine) entre les
rayons de deux l'un, soit à 60 centimètres, et à 40
centimètres, seulement, sur la ligne.
On pince les pois (on enlève les fleurs supérieures),
158 RÉVOLUTION AGRICOLE
aussitôt que la fleur est bien développée, et on le ré
colte fin mai, en arrachant toutes les fanes. On
donne un binage aux pommes de terre qui sont déjà
levées et fortes, et on les récolte en juillet et en
août. — Tout aussitôt, on laboure le terrain et
on sème des navets, des mâches, etc., ou même du
blé.
Il y a des localités où le pinçage n'est pas pratiqué.
Dans la culture que nous signalons il est indispen
sable; car il faut que tous les pois soient récoltés le
même jour. Le pincage arrête la floraison et fait
refluer la sève sur les fleurs qui restent; les cosses
deviennent plus belles et végètent toutes en même
temps, de manière que la maturité arrive pour tou
tes à la même époque.
Pour les détails voir les ouvrages d'horticulture.
Le pois appartient aux première et seconde zones
ou à la troisième au plus.

POMME DE TERRE HATIVE.

La pomme de terre hâtive est d'une culture lucra


tive ; il n'en est pas de même de la tardive, parce
qu'elle occupe le terrain trop longtemps et qu'elle
ne se prête pas aussi bien à notre système.
On vient de lire à l'article pois, la manière dont la
pomme de terre se cultive à Argenteuil. C'est cette
culture que nous recommandons.
RÉVOLUTION AGRICOLE 189
On peut cultiver la pomme de terre tardive, mais
elle n'a pas les mêmes avantages que la hâtive ; car
elle se récolte quand l'autre est mangée depuis long
temps, et qu'il y a abondance de légumes; aussi le
prix en est beaucoup moins élevé.
Cette culture est connue ; il serait superflu d'en
parler plus longuement. Cependant nous croyons
devoir faire connaître le résultat d'une expérience
que nous avons faite. On sait qu'il est d'usage d'en
lever, au commencement de la saison, quelques
tubercules au pied de chaque touffe et de butter. La
plante continue de végéter et fournit une seconde
récolte à l'époque ordinaire. Voulant connaître l'in
fluence de cette opération sur la récolte, nous plan
tâmes en mars, une planche de quarantaine, soitdeux
rayons. Les premiers jours de juin nous fîmes déta
cher 150 tubercules des 34 touffes du premier rayon,
pesant ensemble 6 kilog. 600 gr. Le 17 juillet, nous
fîmes arracher et peser séparément les tubercules
des deux rayons. Le premier (celui qui avait déjà
donné une récolte) rendit 1 1 kilog. 650 gr. ; le second
qui était resté intact, 1 1 kilog. 700 gr. Le premier
avait donc produit 18 kilog. 250 gr., c'est-à-dire plus
d'un tiers en sus. Il y a donc tout avantage à déta
cher de bonne heure les tubercules, sans arracher
la plante.
160 RÉVOLUTION AGRICOLE

POMMIER, POIRIER.

Le pommier et le poirier peuvent être utilisés de


deux manières : à la production des fruits de table
et à la fabrication du cidre ou du poiré.
La culture étant la même dans l'un comme dans
l'autre cas, nous ne parlerons pas de ce qui concerne
la production des fruits à couteau, seulement qu'il
soit bien entendu que tous les arbres doivent être
greffés d'espèces connues, et qu'il faut choisir les
variétés ou espèces propres au terrain, au climat, et
les plus lucratives à la vente.
Sol et climat. — Le pommier et le poirier deman
dent un sol profond et un peu frais, qu'il soit, du
reste, léger ou compact, siliceux ou calcaire. Pour
qu'ils réussissent, c'est-à-dire pour qu'ils vivent
longtemps et donnent de bons produits, il faut que
le sol ait au moins 60 centimètres de bonne terre
végétale et un sous-sol perméable aux racines, d'au
moins 70 centimètres. Ce sous-sol n'a pas besoin
d'être très-riche en substances nutritives ; mais il
faut qu'il soit poreux et frais, sans être infertile.
L'argile et le sable pur sont les deux extrêmes qui
s'opposent à la réussite des arbres fruitiers.
Le pommier et le poirier réussissent dans toute la
France, excepté dans les contrées méridionales où la
température est trop élevée et le terrain trop sec.
RÉVOLUTION AGRICOLE 161
Le pommier et le poirier doivent être greffés sur
franc; tout arbre greffé sur paradis, doucin ou co
gnassier, doit être rejeté comme impropre à végéter
vigoureusement et longtemps quelle que soit, du
reste, la qualité du sol. Il donne du fruit trop vite,
languit pendant quelques années et meurt.
Culture et produit. — Quand on peut élever soi-
même les arbres, c'est sans doute un avantage ; mais
il ne faut pas, dans le cas contraire, hésiter à s'adres
ser à un pépiniériste pour se procurer ceux dont on
peut avoir besoin.
Si l'on veut planter des arbres à cidre, il faut s'a
dresser aux pépiniéristes spéciaux, et si l'on désire
planter des arbres pour les fruits de table , on trou
vera presque partout des hommes honorables qui
pourront fournir les espèces demandées. Le pépinié
riste, en général, est probe et honnête.
On croit généralement qu'il faut ouvrir un trou
très- profond et très- large pour planter un arbre:
c'est une erreur ! Il est vrai que l'arbre ainsi planté
végète plus vigoureusement pendant les premières
années ; mais, ensuite la végétation se ralentit ou
s'arrête, et il languit. Si le sol est convenable, il
suffit d'ouvrir des trous capables de contenir les
racines, soit de 70 centimètres au carré sur 60 de
profondeur. (Voir Pépinière, etc.)
Si nous avions une plantation d'arbres fruitiers à
faire, voici comment nous procéderions. Nous plan
162 RÉVOLUTION AGRICOLE
terions des arbres à haute tige, à la distance de 6 à
7 mètres en tous les sens. Entre chaque arbre à haute
tige nous placerions des pyramides, et entre chaque
ligne une autre rangée de pyramides à un mètre de
distance, soit comme il suit :

AooAooAooA
oooooooooo
Ao oAo oAo oA
oooooooooo
AooAooAooA

Les A représentent les arbres à haute tige et les o


les pyramides. Celles-ci donneraient des fruits dès
la troisième année de plantation et pourraient en
donner jusqu'à ce que les grands arbres couvrissent
le terrain.
Aussitôt que les arbres nuiraient aux pyramides
nous supprimerions celles-ci.
Le peu d'étendue de cet ouvrage nous interdit de
parler de la manière de gouverner une plantation
et de pratiquer la taille, nous sommes obligé de ren
voyer notre lecteur à un traité spécial d'arboricul
ture. Il y en a un grand nombre, tous très-bons;
il n'aura donc que l'embarras du choix.
Si l'on cultive le pommier et le poirier pour la
table, rien de plus facile. On récoltera les fruits et
RÉVOLUTION AGRICOLE 163
on les vendra en leur saison, en les conservant par
les moyens connus ; mais si l'on cultive le pommier
et le poirier à cidre, il faut en convertir les fruits
en boisson.
A cet effet, on procède comme il suit : Les fruits
étant cueillis on les met en tas d'un mètre d'épais
seur à l'air libre, et on les laisse mûrir ainsi pen
dant un mois. On les broie en les passant entre deux
cylindres et on les presse. On met de côté ce cidre
comme le meilleur, c'est le cidre dit de goutte.
On jette le marc dans une cuve, on le mouille
avec un peu d'eau (la même quantité qu'on a ob
tenue de cidre) et on le laisse en cet état pendant
24 heures ; on presse de nouveau et on entonne le
liquide à part. Quelques-uns le mélangent avec le
premier cidre.
Quant au marc, on le remet dans la cuve ; on le
laisse fermenter pendant deux ou trois jours et on
le distille pour avoir de l'eau-de-vie, ou on le
donne aux bestiaux.
Au lieu de procéder ainsi, voici ce qu'on peut faire
pour obtenir une boisson meilleure et plus alcoo
lique.
Après la première pressée, on remet le double
d'eau de ce qui est sorti de jus, et on ajoute, par
chaque hectolitre d'eau 12 Mlog. de sirop de fécule.
On jette 200 grammes de levûre de bière par hecto
litre d'eau ajoutée, après l'avoir dissoute dans trois
164 RÉVOLUTION AGRICOLE
litres d'eau, et on mélange le tout en brassant.
On ferme la cuve et les portes pour éviter le froid.
On laisse fermenter pendant huit ou dix jours,
puis on soutire le liquide et on presse le marc ; on
mélange le cidre de presse avec le cidre soutiré à
l'avance ou cidre de goutte, et on a ainsi une
boisson plus forte et plus alcoolique et qui se con
serve beaucoup mieux.
Le produit du pommier et du poirier ne saurait
être évalué ; il varie en raison de l'âge des arbres,
de la qualité du sol et de l'année ; mais, à coup sûr,
il peut être considérable si on entend bien cette
culture.
Nous donnons, ci-dessous, la liste des meilleures
espèces de poires, par ordre de maturité. Qu'on ne
perde pas de vue que les hâtives, quoique générale
ment moins bonnes, ont leur mérite et qu'elles se
vendent bien.

Poire de St-Jean, arairé Joannet . . mi-juin,


— doyenné d'été
Madeleine ou citron des Carmes. .
Epargne beau présent, St-Samson.
Grosse blanquette, gros roi Louis . août,
Jargonelle, bellissime
Bergamote d'été, milan blanc. . .
Epine rose, poire de rose, oignonet.
Williams, Bon chrétien Williams. . fin août.
Epine d'été
Bon chrétien d'été, Gratioly . . .
RÉVOLUTION AGRICOLE 168
Bon chrétien de Bruxelles septembre.
Bergamote d'Angleterre .
— d'été. . . .
Duchesse d'Angoulème. septembre et octobre.
de Berry
Bonne Louise d'Avranches
Beurré d'Angleterre
moiré octobre.
— lucratif . . . .
Saint-Michel-Archange octobre et novembre.
Besi-LamoUe — ~~
Doyenné gris — —
Beurré magnifique — —
— d'Anjou — —
Marquise — —
Beurré Picquery novembre, décembre
Fondante des bois — —
Passe-Colmar décembre.
Colmar-Nélis décembre à janvier.
Crassane novembre à janvier.
Beuzard — —
Beurré d'Aremberg — —
Chaumontel — —
Saint-Germain novembre à mai.
Royale d'hiver décembre et janvier.
Doyenné d'hiver décembre à juin.
Bon chrétien d'hiver — —
Fortunée mars à juin.
Beurré bronzé — —
Léon-le-Clair — ~~

Voici, par ordre de maturité, la liste des meilleures


espèces de pommes à cultiver pour la table.
166 RÉVOLUTION AGRICOLE
Calville rouge d'été, Madeleine . . . mûrissant en août.
Cœur de pigeon — —
Rambour franc d'été, rayé ou de Notre-
Dame septembre.
Reinette d'été —
— d'Espagne octobre.
— jaune hâtive —
— rouge novembre.
Malingre ou Calville malingre d'Angle
terre —
Reinette blanche du Canada décembre.
— grise — janvier.
Reine des reinettes —
Gloria Mundi —
Reinette du roi —
Dowtoun non-pareille —
Reinette ordinaire février.
— de Champagne —
Calville blanc d'hiver janvier à avril.
Rivière — —
Reinette de Granville, pomme-poire
de Duhamel janvier à mai.
Reinette blanche, blanc d'or .... février à mai.
— très-tardive mars à juin.
— très-grosse de Douay. ... — —

Les meilleures espèces pour le cidre sont : les


pommes de Saint-Grilles, Guillot-Royal, Girard, Blanc-
doux, Gros-doux, Muscadet, Amer-doux, Germaine.

Débouchés et vente. — Les fruits trouvent place


ment partout, sur tous les marchés; il en est de
REVOLUTION AGRICOLE 167
même du cidre. Qu'on le fasse Lien, (comme nous
venons de l'indiquer) et on le vendra très-facilement
à un prix plus élevé que celui auquel se placent
les cidres de Normandie.
L'usage du cidre se répand de jour en jour da
vantage mais généralement cette Loisson est telle
ment mal faite, mal soignée, qu'elle est repoussée
de la consommation, en raison de sa mauvaise
fabrication.
Zone. — Le pommier et le poirier peuvent se cul
tiver dans la seconde, dans la troisième et dans la
quatrième zones.

PRUNIER.

Le prunier est d'un bon rapport et il est facile


d'en étendre la culture. Il y a un grand nombre de
variétés de pruniers ; les uns produisent des fruits
destinés à la table, les autres à la confection des
pruneaux, enfin d'autres à la fabrication de Peau-
de-vie de prunes ou kœtsch-wasser, qui est très-esti-
mée dans certaines localités.
Sol et climat. — Le prunier s'accommode de tous
les terrains ; il réussit même dans des terres arides
où peu d'autres arbres de sa taille réussiraient. Il
n'exige pas une grande profondeur de terre végé
tale ; une couche de 25 centimètres lui suffit, pourvu
168 RÉVOLUTION AGRICOLE
que le sous-sol ne soit pas impénétrable à ses
racines.
Il réussit dans toute la France.
Culture et produit. — On élève le prunier en se
mant des noyaux de saint-Julien, de cerisette, de
gros damas noir, et on greffe dessus les variétés que
l'on veut cultiver.
Le prunier s'élève soit en plein vent, soit en buis
son. On plante les pleins vent à 6 ou 8 mètres en
tous sens, selon la variété et le terrain. Plus la va
riété est vigoureuse, plus le terrain est frais et de
bonne qualité, plus il faut espacer les sujets.
Pour jouir plus tôt, on peut planter des pruniers
en buissons entre les plein vent, comme nous
l'avons indiqué pour le pommier et le poirier. On
peut aussi cultiver simultanément le prunier et l'a
bricotier.
Pour élever le prunier en buissons, rien de plus
facile ; on coupe raz terre la tige, après deux ans de
plantation, et on l'établit sur quatre ou cinq mères-
branches qu'on fait bifurquer une, deux, trois fois
chacune, selon le terrain et la force du sujet, et
l'espacement. Ces buissons doivent être taillés gros
sièrement pour leur donner une forme convenable
et les débarrasser de leurs branches inutiles.
Le prunier en vieillissant, comme l'abricotier,
perd ses branches, et souvent la tige est saine; dans
ce cas, il faut tenter le rajeunissement qui réussit
RÉVOLUTION AGRICOLE 169
généralement bien. Pour cela, on ravale les mères-
branches à 20 centimètres au-dessus de la greffe. Il
reperce des branches que l'on dirige pour faire une
nouvelle charpente. La première année, on laisse
pousser toutes celles qui sortent, et on les soutient
avec des tuteurs pour que les vents violents ne les
éclatent pas. L'année suivante on choisit les mieux
placées pour faire quatre ou cinq mères-branches;
on les taille à 40 ou 50 centimètres au plus pour
les faire bifurquer et on raccourcit toutes les autres
à iO centimètres seulement. A partir de ce moment,
on gouverne cet arbre comme on le ferait pour un
jeune. Toutefois, on le taille beaucoup plus long,
pour lui laisser refaire sa charpente et émettre ses
branches à fruits.
Le produit du prunier ne saurait être évalué exac
tement. Il varie selon l'usage qu'on fait de ses fruits,
l'âge de la plantation et la manière dont elle est
gouvernée.
Il y a en France de vastes étendues de terrains in
cultes où le prunier et l'abricotier réussiraient bien ;
c'est là surtout qu'il conviendrait de les cultiver.
Nous connaissons des terres qui se vendent à peine
120 fr. l'hectare, où le prunier et l'abricotier feraient
merveille.
Des fonds placés dans ces sortes de terres produi
raient 150 p. 0/0 d'intérêt par an, après douze ou
quatorze ans de plantation.
10
1701 RÉVOLUTION AGRICOLE
En effet, l'hectare se paye. . . . 120 fr.
Il faudrait 300 pieds de pruniers à 75 c. . 225
Ouverture des trous et plantation. ... 75

Soit. . 420
Intérêts pendant quatorze ans 420
L'hectare, en rapport, reviendrait donc
840

A l'âge de quatorze ans un prunier et un abrico


tier rapportent de 2 à 3 fr; à vingt ans, ils valent de
5 à 6 fr.; à trente ans de 7 à 10 fr. Le produit oscil
lerait donc de 2 à 10 fr. par arbre de l'âge de qua
torze ans à trente ans et au-dessus, soit entre 600 fr.
et 3,000 fr. En supposant que la récolte manque une
année sur deux le rapport serait encore de 300 à
1,500 fr. sans compter la valeur du bois et l'amélio
ration du sol.

Voici les meilleures espèces de prunes pour la


table, par ordre de maturité :
Jaune hâtive de St-Barnabé ou de
Catalogne.. du 1»' au 10 juillet.
Jaune noire hâtive de St-Jean, ou
Madeleine du 40 au 20 juillet.
Prune-pêche — —
De Montfort — —
Monsieur hâtif fin juillet.
— tardif du 1 or au 10 août.
RÉVOLUTION AGRICOLE 171
Grosse mirabelle double, mirabelle de
Metz ou drap d'or du <0 au 20 août.
Damas d'Italie — —
Grosse reine-Claude verte ..... du 18 au 30 août.
Abricotée blanche — —
Reine-Claude violette fin août.
Fellemberg septembre.
Coë
Coës golden drop
Saint-Martin . . octobre.

Les meilleures espèces pour les pruneaux sont les


suivantes :
Abricotée blanche.
Virginal à fruit blanc.
Gros damas blanc.
Verte bonne de Rome ou Coude-à-papa.
Sainte-Catherine.
Prune d'Agen ou robe de sergent (c'est cette prune qui
sert à faire les pruneaux d'Agen qui ont tant de réputation).
Impériale ou prune d'Altesse.
Saint-Morin.
Kœtsche d'Italie.

Débouchés et vente. — La prune trouve facilement


placement dans tous les marchés. Le kœstch-wasser
est recherché dans les lieux de production. La vente
de la prune se fait au panier ou au poids indistinc
tement.
Zone. — Le prunier cultivé pour la prune appar
tient à la première et à la seconde zones, par excep
172 RÉVOLUTION AGRICOLE
tion à la troisième ; cultivé pour le pruneau et pour
l'eau-de-vie, il rentre dans la troisième et la qua
trième

RADIS.

La culture en grand des radis peut être avanta


geuse de deux manières : en semant le radis en
récolte dérobée, pour occuper le terrain, en atten
dant une autre culture, ou en le repiquant pour faire
de la graine. Dans l'un, comme dans l'autre cas, il
est à peu près indispensable d'avoir de l'eau à sa
disposition. Cependant, nous connaissons des loca
lités où l'on sème des quantités de radis roses en
mars ou fin de février, qu'on n'arrose pas.
Le repiquage des radis roses pour la graine est
d'un bon rapport ; mais il faut pour cela des terres
fraîches et un peu consistantes. Les sols secs et
légers sont impropres à la production de la graine
qui y est rare et de mauvaise qualité.
Pour obtenir de la graine, on choisit les plus belles
racines, les plus franches, on les repique et on ar
rose. La récolte doit se faire aussitôt que les siliques
blanchissent et que la graine commence à jaunir.
Alors, on arrache les plantes et on les dépose sur le
sol en petites javelles pour qu'elles achèvent de
mûrir ; puis, après dessication, on les bat pour en
avoir la graine.
RÉVOLUTION AGRICOLE 1T3
La culture du radis doit se pratiquer dans la
première zone seulement ; la graine peut se faire
dans la seconde , la troisième et la quatrième.
On peut également faire le radis noir d'hiver; mais
sa culture est plus exigeante que celle du radis rose,
— Quant à la production de la graine, c'est absolu
ment la même chose ; mais la consommation de la
graine de radis noir étant beaucoup moindre que
celle des petits radis, on devra en tenir compte, alin
de ne pas dépasser les besoins de la vente.
Pour avoir la graine de radis noir, il faut conser
ver les plus belles racines en cave pendant l'hiver,
et les repiquer en pleine terre vers le 20 février,
dans le centre et dans le nord, et dès le 25 janvier,
au midi.

RÉGLISSE.

La réglisse est une plante que l'on cultive pour ses


racines qui sont d'un fréquent usage en pharmacie.
Quoiqu'elle ne soit guère cultivée en grand que dans
l'Italie méridionale, dans les Calabres, on peut la cul
tiver avec succès en France, où on la rencontre dans
les jardins, même dans le nord. Il est vrai que dans
cette latitude la racine est un peu moins sucrée;
mais la différence est si peu considérable que cela
ne saurait être un empêchement à sa culture.
Sol et climat. — La réglisse exige un sol meuble,
10.
174 RÉVOLUTION AGRICOLE
assez profond et plutôt léger qu'argileux. Nous
l'avons vu dans des sols très-secs et profonds où elle
donnait des racines de très-bonne qualité ; nous les
avons dégustées et nous n'avons pas trouvé qu'il y
eût une différence sensible avec les réglisses les plus
réputées du commerce. La réglisse peut donc être
cultivée dans toute la France.
Culture et produit. — On multiplie la réglisse avec
les drageons enracinés qui sortent du pied ou par
ses graines ; mais ce dernier moyen étant beaucoup
plus long, on ne l'emploie que bien Rarement; cepen
dant, nous avons tout lieu de penser qu'il serait
préférable au premier.
Il serait facile d'avoir des pépinières de cette
plante : quelques planches dans un jardin pourraient
fournir tout le plant nécessaire à une plantation
d'une assez grande étendue. Il suffirait de la faire
quelques années avant d'exécuter cette plantation.
La réglisse se plante en lignes distantes de 60 cen
timètres, et à 30 centimètres dans les lignes. Cette
plantation a lieu pendant tout l'hiver jusqu'au
15 février. On sarcle et on bine pendant l'été pour
tenir le sol propre et meuble.
A l'automne, on coupe les tiges qui ne sont qu'an
nuelles bien que les racines soient vivaces. On fume
à l'automne qui suit la plantation et on continue les
binages et les sarclages chaque année.
C'est à la fin de la troisième année seulement
RÉVOLUTION AGRICOLE 178
qu'on arrache les racines ; elles sont , alors, assez
fortes et assez sucrées. On les nettoie en retranchant
tous les bourgeons; on les sarcle et on les fait sécher.
Quand la dessication est complète, on les met en
bottes et c'est ainsi qu'on les livre au commerce.
Le produit de la réglisse est élevé ; mais il nous
est impossible de l'évaluer exactement. Ce qu'il y a
de certain, c'est que cette culture est très-lucrative.
Débouchés et vente. — La réglisse se place très-fa
cilement dans les maisons de drogueries en gros et
dans les grandes pharmacies. C'est en bottes et au
poids que la vente a lieu ; les bottes sont générale
ment de 5 et de 10 kilog.
Zone. — La réglisse convient à la troisième et à
la quatrième zones. Le transport est facile, et, comme
elle n'est pas très-exigeante sur la qualité du sol,
on peut l'utiliser bien facilement dans un grand
nombre de cas.

SALSIFIS ET SCORSONÈRE.

Le salsifis blanc et la scorsonère d'Espagne peuvent


trouver place dans notre système. L'un et l'autre
sont d'une culture facile ; ils se sèment en mars ou
avril et se récoltent en octobre.
Cette culture est d'un assez bon rapport ; elle peut
être faite dans toutes les zones.
Tout le monde connaît la manière de cultiver le
176 RÉVOLUTION AGRICOLE
salsifis et la scorsonère ; nous ne nous y arrêterons
donc pas.

VIGNE.

La vigne cultivée, non pour faire du vin , mais


pour la production du raisin de table, peut utiliser
des terres et des expositions privilégiées, ainsi que
des murs inoccupés ou mal occupés.
Nous ne voulons pas dire que la vigne destinée à
la fabrication du vin soit sans profit, mais nous
pensons que l'on en a, en ces derniers temps, sin
gulièrement exagéré les avantages ; aussi nous n'en
conseillons pas la culture.
La liste des raisins de table n'est pas très-longue à
énumérer : il n'y a que le chasselas et le morillon
hàtif ; le premier comme qualité de raisin, le second
comme primeur. Toutes les autres variétés ne sont
que de fantaisie et ne peuvent être cultivées en vue
d'en tirer parti pour la vente.
Il y a bien encore quelques raisins de table que
l'on cultive, tels sont les muscats et le frankental ;
mais ils sont moins recherchés que le chasselas.
Sol et climat. — La vigne destinée à la production
du raisin de table, demande un sol léger et profond,
avec un sous-sol perméable aux racines, et non
argileux. Elle réussit depuis la latitude de Paris
jusqu'au Midi de la France.
RÉVOLUTION AGRICOLE 177
Cultivre et produit. — Il nous est impossible de .
décrire la culture du chasselas et du morillon noir
hâtif, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages spé
ciaux (1), car elle est trop étendue pour trouver
place ici.
Le chasselas et le morillon hâtif doivent être
plantés en treilles le long d'un mur bien exposé et
non en cépée comme la vigne destinée à faire le
vin. Dans cet état, le raisin n'acquiert pas de quali
tés et se vend beaucoup moins cher. Le morillon,
pourrait, à la rigueur s'accommoder de cette culture,
mais il est moins hâtif et moins bon.
Le raisin de table est d'un produit considérable ;
un grand nombre de cultivateurs et d'horticulteurs
des environs de Paris lui doivent leur aisance.
Fontainebleau, Thomery, Meudon, Argenteuil, etc.,
vendent une énorme quantité de raisin. (Pendant un
mois, il sort en moyenne 20 voitures de raisin du
vignoble d'Àrgenteuil, tous les soirs, pour être
vendus le lendemain matin à la Halle.) Thomery,
Fontainebleau et leurs environs produisent plus
spécialement du chasselas.
Débouchés et vente. — Le raisin est d'une vente
assurée sur tous les marchés. A la Halle de Paris, il
n'y en a jamais assez. Les départements peuvent

(1) Culture et traitement de la vigne, ou Guide de l'amateur de


treilles et du vigneron. 1 vol. in-18, avec 32 figures gravées sur
bois. 2 fr. 50 cent, et 2 fr. 90 cent, franco par la poste.
178 RÉVOLUTION AGRICOLE
doncyen expédier en toute assurance. Les Anglais en
font une très-grande consommation, et chaque jour,
pendant la saison, il en sort de France des quan
tités considérables qui se dirigent sur l'Angleterre.
La vente du raisin se fait au poids. L'emballage a
lieu dans des paniers ou dans des caisses. Le raisin
de premier et de second choix s'expédie en caisses
d'un, de deux et trois kilog au plus. Celui de troi
sième et quatrième choix est livré en paniers de tous
poids, mais ne dépassant pas 6 à 7 kilog, pour éviter
le tassement et le froissement, Le prix du kilo
varie depuis 25 centimes jusqu'à 50 centimes pour
les raisins noirs et le chasselas de 3e et 4e choix, et
depuis 50 c. jusqu'à 2 fr. pour les raisins de second
et de premier choix.
Zone. — Les raisins de table peuvent se cultiver
dans toutes les zones; seulement les troisième et
quatrième choix, en raison du prix peu élevé auquel
ils se vendent, ne conviennent qu'à la première et à
la seconde zones ; les seconds choix peuvent se cul
tiver dans les trois premières zones et les premiers
dans toutes les zones, en raison du prix élevé qu'ils
obtiennent.
On croit généralement que le chasselas exige un
sol et un climat exceptionnels ; c'est une erreur :
partout où le gamet mûrit, le chasselas peut donner
d'excellents produits, ainsi que le morillon hâtif.
Cependant, dans le Midi, le chasselas est médiocre ;
RÉVOLUTION AGRICOLE 179
aussi la vente du raisin de cette provenance est
plus difficile.

ACCESSOIRES DE LA CULTURE.

Comme accessoires de la culture lucrative nous


recommanderons, à ceux qui sont en position de le
faire, l'éducation des abeilles et celle du lapin.
Les abeilles donnent un beau produit dans les
localités montagneuses, dans le voisinage des prai
ries et des bois. Le lapin réussit partout où on sait
l'élever.

ABEILLES.

L'éducation des abeilles est toute une science ;


aussi nous ne prétendons pas faire un traité spécial,
ici; mais simplement donner quelques notions
capables de faire naître chez le cultivateur le
désir de s'occuper de cette branche si intéressante
de l'agriculture, tout en engageant le lecteur qui
voudrait s'y adonner, à recourir aux nombreux et
excellents ouvrages qui en traitent.
Ceux qui consacrent leur loisir à l'éducation des
abeilles y trouvent, non-seulement une distraction
des plus agréables , mais le moyen d'augmenter
leurs revenus. Plusieurs personnes de notre famille
qui s'en sont occupées nous ont affirmé qu'une ruche
180 RÉVOLUTION AGRICOLE
leur a produit en moyenne 15 francs net par an, pen
dant une période de 40 ans.
L'éducation des abeilles peut se faire dans toute
la France.
Un essaim est composé : 1° de la mère abeille qui
reproduit l'espèce ; 2° des faux-bourdons ou des
abeilles mâles qui fécondent la mère abeille ; 3° des
abeilles ouvrières ou abeilles-mulets qui ne sont pas
susceptibles d'être f< condées et qui ne peuvent
féconder. Ces abeilles sont chargées de l'approvi
sionnement de la colonie, de lui procurer tous les
matériaux nécessaires à la formation des alvéoles
où se forme le couvain et où est déposé le miel.
Du rucher. — Le rucher doit être placé à l'expo
sition du midi et sur un endroit sec, autant que pos
sible abrité par un hangar élevé qui laisse arriver les
rayons du soleil tout en empêchant les courants
d'air et la pluie de pénétrer jusqu'aux ruches. En
hiver, on doit pouvoir en fermer le devant à l'aide
d'un vitrage dans lequel sont ménagées des ouver
tures. Il doit être à l'abri du ravage des bestiaux et
des animaux de toute nature.
Des ruches. — Les habitations que l'on construit
aux abeilles sont tantôt des paniers d'osier ou de
paille que l'on enduit de glaise, de bouse de vache,
tantôt des espèces de caisses en bois, des ruches en
bois, etc.
Les ruches doivent être construites de manière
REVOLUTION' AGRICOLE 181
que l'on puisse les augmenter ou les diminuer de
capacité, enlever le miel et la cire à volonté ; donner
un plus ou moins grand passage aux abeilles ; enle
ver les essaims, et distribuer la nourriture en biver.
Étant dans l'impossibilité de donner des instruc
tions suffisantes pour l'éducation des abeilles, nous
nous bornons aux quelques lignes ci-dessus et ren
voyons le lecteur, pour plus amples renseignements,
au Calendrier de l'Apiculteur de M. de Beauvois.
Il y trouvera tout ce qui est nécessaire. C'est l'un
des apiculteurs les plus distingués que nous con
naissions. En 1855, lors de l'Exposition universelle,
nous avons eu souvent occasion de le voir, et c'est
toujours avec le plus grand plaisir que nous écou
lions sa parole si claire, si précise, si persuasive.
Son livre est le plus complet que nous connaissions.
Il est rempli de faits scientifiques et pratiques du
plus grand mérite.

LAPIN.

Le lapin peut être un accessoire des plus utiles et


des plus lucratifs ; aussi allons-nous essayer de
décrire rapidement ce qui a rapport à son édu
cation.
Il y a plusieurs variétés de lapin ; mais à part
quelques exceptions, ( lies se valent à peu près. Il y
en a du poids de 2 kilog. jusqu^ 6 kilog. On connaît
11
182 RÉVOLUTION AGRICOLE
le rouennais au poil gris argenté, le niçard de Flo
rence au poil fauve. Ces variétés sont presque tou
jours croisées. Les lapins de 3 à 4 kilos sont les plus
profitables, parce que les hases ou lapines ont plus
soin de leurs petits et qu'elles sont beaucoup plus
fécondes : elles font jusqu'à 12 et 15 petits tous les
deux mois. Ce sont ces dernières que nous élevons
depuis trois ans et dont nous sommes très-satis
faits.
Depuis quelques années, il est fort question des
léporides (croisé du lapin avec le lièvre). Nous
avons tenté ce croisement sans pouvoir l'obtenir;
probablement, parce que nous ne nous sommes
jamais trouvé dans de bonnes conditions. Pour réussir
il faut avoir, dit-on, un lièvre tout jeune, d'un mois
ou six semaines, et l'élever avec des lapins du même
âge : il paraît alors que le croisé se fait facilement ;
car le lièvre qui a une grande antipathie pour le
lapin, s'habitue dans son jeune âge à vivre avec lui.
S'il est déjà vieux ou seulement adulte, il se refuse
à approcher des lapins. Les animaux nés de ce croi
sement, au contraire des autres mulets, jouissent
de la faculté de se reproduire entre eux. On dit que
la chair est meilleure que celle du lapin.
Le croisé doit se faire de préférence avec un lièvre
mâle et une lapine ; puis on multiplie les mulets en
les croisant avec eux-mêmes. Dans le cas où il y
aurait plus de sang du lapin que du lièvre, on croi
RÉVOLUTION (AGRICOLE 483
serait de nouveau le mulet avec le lièvre, et vice versa.
Logement des lapins, — Il ne faut pas craindre de
bâtir des logements pour le lapin; il les paye aussi
bien que le mouton, le bœuf et le cheval. On peut
faire des loges superposées tout autour des murs et
dans le milieu de la pièce . Les loges doivent avoir
pour les mères 1 m. de profondeur sur 60 c. de lar
geur, et 1 m. de haut. Le devant est occupé en
entier par une porte en treillage de fil de fer (toile
métallique) très-serré dont les mailles doivent n'a
voir que 2 c. carrés, les petits sortant par le moindre
trou. Il faut un peu de jour par le haut pour quel'air
puisse se renouveler.
Il faut un mâle pour douze à quinze lapines. Les
mâles doivent être isolés.
Multiplication. — La lapine porte de trente à trente
et un jours. On met la femelle près du mâle, et elle
doit y rester douze heures au moins, si elle n'a pas
de petits, et huit heures seulement si elle en a. On
l'y met dix à douze jours au moins après le part.
Quand la lapine a mis bas, on la met avec le mâle
pendant le jour, car elle ne donne à téter que pen
dant la nuit à ses petits, tant qu'ils ne sortent pas
du nid. La lapine fait en moyenne sept à huit ni
chées par an, qui produisent environ cinquante
petits. Elle est féconde dès l'âge de quatre mois et
peut porter pendant deux ans au plus. Au delà, elle
ne fait que de trois à six petits.
181 RÉVOLUTION AGRICOLE
L'allaitement dure vingt-quatre à vingt-huit jours
seulement. A cet âge, les petits sont ordinairement
assez forts pour être sevrés. On les sépare delà mère
et deux mois après on met les mâles d'un côté et les
femelles de l'autre. Les petits lapins sortent de leur
nid vers le quatorzième ou le quinzième jour, et ils
commencent à manger aussitôt.
Nourriture. — Le lapin vit de tous les débris pos
sibles, de plantes et de fruits; mais il faut éviter de
lui donner les salades, les chicorées sauvages et sur
tout les laitues; très-peu de betteraves. Il faut qu'il
fasse deux ou trois repas par jour. Un seul doit se
composer de sec et deux de vert sur trois au plus. Le
sainfoin, la luzerne, l'herbe des prairies, la vesce, le
chiendent, les feuilles de vigne, de choux, les carot
tes, navets, sont une excellente nourriture verte pour
lui. Comme nourriture sèche, le son, l'avoine, la
luzerne, les feuilles et bourgeons de vigne secs, le
sainfoin sont très-recherchés du lapin en hiver, à
défaut de nourriture verte.
Quoi qu'on dise, il ne faut pas laisser le lapin
manquer d'eau : il est bon de lui en donner un peu
tous les deux jours, même plus souvent quand il ne
mange que des aliments secs.
On doit nettoyer les loges deux fois par semaine
en ayant soin de ne pas toucher au nid que font les
mères, une douzaine de jours avant la mise bas;
souvent quelques jours seulement à l'avance.
RÉVOLUTION AGRICOLE 183
La nourriture doit être donnée dans de petits
râteliers très-étroits comme ceux des moutons. Au
bas, il doit y avoir une auge de 10 c. de large sur 1
de profondeur, élevée du sol de quelques centimètres
seulement pour que les petits puissent manger faci
lement.
Le lapin est bon à livrer à la consommation dès
l'âge de quatre à cinq mois. Il s'engraisse en quinze
jours, à six mois, et se vend facilement sur les mar
chés à de bons prix : il est d'un très-bon produit. On
évalue à 40 fr. net le bénéfice qu'une lapine peut
donner par an.
Partout où l'on cultive des légumes, tels que ca
rotte, pommes de terre, choux, navets, le lapin peut
être d'une grande utilité pour consommer les débris.
C'est un excellent moyen de les convertir en viande
et en engrais. Le fumier de lapin est l'un des plus
actifs.

FIN

il.
TABLE

PREMIÈRE PARTIE

Avant-propos
L'agriculture est-elle productive. '
Causes qui rendent l'agriculture improductive
.Moyens de rendre l'agriculture productive '
Ce que nous entendons par culture industrieEe et com- ^
merciale ^
Avantages de l'agriculture industrielle et commerciale
Produits comparatifs de la grande culture et dé la culture ^
industrielle .••••
Théorie de la culture industrielle et commerciale.. .
Diversité de la culture industrielle et commerciale, d'après
l'éloignement des centres de consommation
Applications générales de la culture industrielle ffW wwies.
Inconvénients du morcellement des propriétés .- -W
Utilité des clôtures et manière de les faire »
Des assolements AS
Mécanisme des assolements •
Des engrais Si
Influence de la culture industrielle et commerciale sur la
production du blé W
11.
188 TABLE
Mise en pratique do nouveau système 58
Nature des terres propres au nouveau système de culture. . 61
Pépinières , 63
Établissement d'une pépinière d'arbres à fruits pour la cul
ture industrielle.. 64
Plantation en place 66
Époque à laquelle les principaux! légumes et fruits appa
raissent à la halle de'Paris 68
Mode de vente et d'expédition à la halle de Pari» 69
Des instruments propres à la culture industrielle 70
De l'eau. — Moyen ;de s'en procurer, de l'élever et de la
distribuer par arrosages 74
Des sources ou moyen de les découvrir 85

DEUXIÈME PARTIE

NOMENCLATURE PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES QUI PEUVENT


ENTRER DANS LA CULTURE INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE,
CULTURE SPÉCIALE, MODE DE OULTURE, ETC.
TABLE *M

Framboisier lao
Gaude 437
Garance
Haricots 139
Houblon i39
Igname 143
Mâche 144
Melon 144
Navet 150
Noisetier 180
Oignons 182
Oseille m
Pa*el I»
Plantes aromatiques *~
Pois i88
Pomme de terre hative ^
Poirier, Pommier 167
Prunier 17S
Radis 173
Réglisse • 175
Salsifis et Scorsonère J76
Vigne " 179
Accessoires de la culture j79
Abeilles " i81
Lapin
EXTRAIT DU CATALOGUE
DES PLANTS D'ASPERGES, DE FRAISIERS, DE VIGNES
QUI SC TROUVENT CHEZ M. LEBEUF PERE, A AR8ENTEUIL
(SEINE,-ET-OISE)

Asperges.
Hollande rouge ou violette hâtive, 1" choix. Les 100 griffes. 12 fr. .
— — — 2" choix. . — 8 fr. .
— — — 3« choix.. — 2fr. .
— — tardive, 1" choix.. — 12 fr. »
— — — ï' choix. . — 8 fr. •
— — — 3» choix.. — 2 fr. .
Asperge verte améliore'e — 1" choix. — 8 fr. .
— — — 2" choix. . — 4 fr. t
— — — 3° choix. . — 1 fr. 80
— Hollande ordinaire 1" choix.. — Kfr, .
— — 2* choix.. — 2 fr. .
Fraisiers.
Fraisiers remontants ou des 4 saisons (fragaria semper florens).
Nota. — La variété, dite des Quatre-Saisons ordinaire, est entièrement
supprimée de nos cultures, c'est pourquoi elle ne figure pas dans la liste
ci- dessous qui ne contient que les variétés améliorées et à gros fruits.
Fraisier des Quatre-Saisons (dit Reine à"Argenteuil). Le cent. 5 fr. »
— perpétuel d'Argenttuil, — 5 fr. •
Ces variétés, obtenues d'un semisfait en 1863, sont lesplusrecomman-
d ables de toutes les Quatre- Saisons connues ; elles sont vigoureuses, hâtives,
et leurs fruits pèsent de trois à sept grammes.
Fraisier des Quatre Saisons, perpétuelle rouge à'Ar
genteuil, sans filets à .,
fruits rouges l<e cent. *
— — perpétuelle blanche à"Ar
genteuil
sans filetsà fruits blancs — 4, ,lr;
Ces deux dernières variétés sans filets, provienneut d'un semis fait en
1863; elles sont trè^recommandables sous tous les rapports. Les fruits
sont exquis et de toute beauté ; la plante vigoureuse et fertile.
Meudonnaise, ou à feuille de laitue Le cent. 12 fr- "
Reine des quatre saisons ""*.... 5 fr. '
Gloire de Nancy ..*.'.'.'.'.V " La douzaine, th. •
Brune de Gilbert j fr. •
Ces deux dernières variétés sont plus curieuses que méritantes. Elles ne
conviennent
fruits guère qu aux collectionneurs:* elles sont peu
peu délicats. r fertiles et leurt
Fraisiers non remontants
A TRÈS-GROS FRUITS LES MEILLEURS ET LES PLUS ESTIMES.
Ces fraisiers ont un immense avantage sur ceux dits des Quatre-Saisons.
Ils sont vigoureux, d'une culture facile, les fruits sont très-gros (il y en
a qui pèsent jusqu'à 80 grammes), leur chair est juteuse, sucrée, parfumée,
fraîche, succulente et presque dépourvue de graines, ce qui les rend aussi
agréables à manger qu'une pêche. Comparativement au fruit de ces
variétés, le fraisier des Alpes et les anciennes espèces ne sont que des
plantes sauvages dont les fruits ne doivent plus figurer sur nos tables.
En plantant des variétés précoces, moyennes et tardives, on a des fruits
une grande partie de l'année, d'une qualité bien supérieure à ceux des
Quaire-Saisons. Avec ces fraises, on fait des confitures exquises, tandis
qu'avec les Quatre-Saisons on n'a que des graines confites qu'on peut
comparer à du sable fin sucré.
Nota. — Les variétés dont le nom est précédé d'une " se forcent bien.—
Les prix étant sujets à variation, ils ne sont indiqués ici que pour l'au
tomne de 1864 et le printemps de 1865. Ceux qui voudront se renseigner
sur les prix du jour devront demander le catalogue général et descriptif
qui est envoyé franco par la poste, à ceux qui en font la demande franco.
Ils trouveront, du reste, dans ce catalogue, la nomenclature des fraisiers
nouveaux parus dans l'année.
Adair (Elphinstone) Les lï pieds.. 1 fr. 60
Admirai Dundas — 1 fr. 80
Ambro-ia (Nicholson) — 3 fr.
André Duccl (Robichon) — î fr.
Barnes' large white — 1 fr.
* Belle Bordelaise (deux récoltes par an) — 1 fr.
Belle de Paris (Bossin^ — 3 fr.
' Black Prince (Cuthill) — 1 fr.
Bonté Saint-Julien (Carre) — 1 fr.
British queen [Myatt's) — 1 fr.
Carolina superba (Kitley) — 2 fr.
Crystal palace (Nicholson) — 1 fr. 80
* Duc de Malakoff [Gloëde) — ... . 1 fr.
Délices du palais <D' Niçoise] — 4 fr.
" Eléanor (Myalt's) — 1 fr.
* Empress-Eugénia (Knevett) — 2 fr.
Excellente (Lorio) — 1 fr.
Eliza (Myatt's) — 1 fr. J5
* Elton pine (Hivers) — 1 fr.
Exposition de Chalons (D' Nicaise) — S fr.
Garibaldi (Stewat-Neilson) — 7 fr.
Goliath (Kitley) — 1 fr.
Hendries seedhng — î fr.
Jocunda (Salter) — 1 fr.
Kaminski — 4 fr.
" Keen-seedling — 1 fr.
La Châlonnaise (Dr Nicaise); — 1 fr. 80
La Constante (de Jonghe) — 3 fr.
La Délicieuse (Lorio) — Bfr.
LaReino (de Jonghe) Les 12 pieds. Ifr, BO
La Sultane (Nicaise).. , — 6fr. »,
Lucas (de Jonghe) — . .... 5fr. >
M"e Louesse (Graindorge) — .... 4 fr. ■
M1™ Collonge (Graindorge) — 2fr. ■
Marguerite (le Breton) — 2 fr. ■
Mon.-trueu-e de Kobine (Baumann) — 1 fr. 80
Napoléon III (Glocde) — 1 fr. 60
Lucie (Boisselot) — 4fr. •
May queen (Nicholson) — 1 fr.
Muscadin de Liège (Lorio) — 4 fr. ■
Nec plus ultra (de Jonghe) — 1 fr.
Nimrod (Lucombe Pince et Cie) — 2 fr. 50
' O.-car (Bradley) — 3fr. ,
Prince .Arthur ( Wilmot) — 2 fr. «
* Princes Frederick William (Nevin).. — 1 fr. 80
Prince impérial (Graindorge) — 1 fr. so
' Prince of Wales (Ingram) — 1 fr, 7")
• Queen Victoria (Myatt's) — 1 fr. KO
Rival queen (Tiley) — 2fr. ■
Royal Victoria (Slewart et Neilson) — 3fr. ■
* Sir Charles Napier (Smith) — 1 fr. 80
•' Sir
Sir Walter
Ilarry (Underihll) — 1 fr. BO
Scott (Nicholson) — 2fr. *
Stirling Castle pine — 1 fr. 1
Surprise (Myatt's) — 2 fr. ■
Sultane (D' Nicaise) — 6 fr. (
" Victoria (Trollop^ — 1 fr,
Wizard of the North — 2fr. ■
Wonderfull (Jeyes) — 2fr. ■
Variétés rejetèes ou abandonnées
COMME INFÉRIEURES EN QUALITÉ OU EN PRODUIT.
Ananas de la Halle Les 12 pieds. . 1 fr. •
— de Guéménée — 1 fr. 80
Black Prince (Cuthill) — 1 fr.
Capron Ananas — 1 fr.
— framboisé — 1 fr.
Comte de Paris (Pelvilain) — 1 fr.
Crémont — 1 fr.
Deptfort pine (Myatt's) — 1 fr.
Comtesse de Neuilly [Gauthier) — 1 fr.
Princesse royale (Pelvilain) — 1 fr.
Vicomtesse Héricart de Thury (/. et D.) — 1 fr.
Quatre-Saisons ordinaires (n'est plus cultivé chez
nous, et remplacé par les nouvelles variétés) . . .
Quatre-Saisons sans filets (remplacé par les nou
velles variétés)
Princesse Alice — 1 fr. •
Nous supprimons ces variétés de notre collection; cependant,
nous en conservons encore quelques pieds pour les collectionneurs qui
ésireraient les connaître.
Variétés nouvelles annoncées en 1868.
Bijou (de Jonghe) Le pied. 1 fr. 80 Les six. 8 fr.
Cockscomb (jardins royauxde Frogmore) — 1 fr. 50 — 8 fr.
Gloria (Nkholson) _ 1 fr. 50 — 8 fr.
Haquin (Haquin) — 1 fr. 50 — 5 fr.
Héro (de Jonghe) — 1 fr. 80 — 5 fr.
Lorenz Booth (de Jonghe) — 1 fr. 50 — 5 fr.
Progrès. (d°) — 1 fr. 50 — 5 fr.
Souvenir de Kieff(d°) — 1 fr. 50 — 5 fr.
Victory of Bath (Lydiard) — 1 fr. 50 — S fr.
Léon Saint-Laumer, — 1 fr 80 — 5 fr.
Variétés tout à fait nouvelles
n'atant pas encore été annoncées.
Diane (Lebeuf) Le pied. 2 fr. Les six. 10 I
La Fertile (de Jonghe) — 2 fr. — 10 I
La Rustique (d°) — 2 fr, — 10 f
Le Géant (Lebeuf) — 2 fr. — 10 f
Model (de Jonghe)... — 2 fr. — 10 f
Robusta (d°) — 2 fr. — 10 I
The Kimberley (Kimberley) — 2 fr. — 10 I
The Tietjen (Htriderson) — 2 fr. — 10 I
Nota. — Demander le catalogue descriptif pour connaître les variél
nouvelles que l'on produit chaque année, ain -i que la grisseur, la form
et la couleur du fruit.
Vigne
RAISIN DE TABLE.
On plante du 10 octobre au 28 avril.
Chasselas de Fontainebleau, le pied enraciné
— — premier choix, le pied enraciné
— — doré Id.
— — premier choix, Id.
— — noir, Id.
Morillon hâtif, Id. Id.
Muscat, Malaga, Alicante, Id. Id,
Meslier blanc, Id. Id.
— noir, Id. Id.
En prenant par 100 on obtient une réduction.
(Voir le Catalogue général et descriptif pour les autres variétés
Vignes à vin.
Gamet noir d'Argenteuil, le plus productif et le meilleur des
gamets pour le vin et pour la table, leo 1,000 pieds
enracinés 1" choix de 40 à 80
Figuiers.
Figuier à fruit blanc, le pied enraciné (Marcotte) 2
— — ld. 2« choix 1
— à fruit violet ou rouge, tardif, le pied enraciné (Marcotte).. . 2
— — _ — 2* choix. 1
Imprimerie L. TOINON et Cie, à Saint-Germain.
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

Calendrier des Vins, instructions à exécuter, mois par


mois, pour soigner, conserver, améliorer, vieillir et clarifier les
vins vieux et nouveaux, guérir ceux qui sont malades, 1 vol. in-18,
1 fr. 25 c, et 1 fr. 40 c. franco par la poste.
$
Culture de la Vigne , Guide du Vigneron et de l'Amateur
de treilles, indiquant, mois par mois, les travaux à faire dans le
vignoble et dans lesjardins sur les treilles ; la manière de pis
gouverner, dresser, cultiver la vigne d'après toutes les mét
en usage en France, la guérir de ses maladies, suivie de l'Oïdium,
ou moyen de le traiter et de le guérir, i vol. in-18, avec 32 gra
vures, 2 fr. 50 c.
L'Oïdium, moyen de guérir la vigne et de traiter les vins
oïdiés. 1 brochure in-8°, 50 c., franco par la poste.
Les Asperges, les Fraises et les Figues, ou description
des meilleures méthodes de culture, de la manière de les forcer
pour avoir des primeurs et des fruits pendant l'hiver, suivie du
Calendrier du cultivateur d'asperges, de fraisiers et de figuiers,
indiquant, mois par mois, les travaux à faire dans es aspergeries,
les fraisières et les ligueries. I vol. in-18, avec 5 gravures sur
bois, i fr. 50 c. franco par la poste.
Manuel de l'amèlio.i vtion des liquides, vins, alcools,
spiritueux, l'art de les déguster, de les guérir de leurs maladie*,
de faire les vins mousseux, de travailler les vins pour imiter
ceux de tous les cres, etc., etc.. 1 vol. in-18, 3 fr. et 3 fr. 20 c,
franco par la poste. .

Imp. L. Toiuon et C, il Saint-Germain.


I

Buchbinderei
H. Pantde
85376 Massenhausen
Tel.: 08165 - 80121

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