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ET SON CULTE
Le seul document bien daté relatif à Castor est la lettre que l'évêque de
Rome. Boniface, lui adressa. ainsi qu'à d'autres évêques du Midi. pour les
inviter à se réunir pour juger du cas de l'évêque de Valence Maximus. Ce
texte daté du 13 juin 419 ne donne aucune précision sur l'actio n même du
personnage et si l'on peut proposer d'identifier son siège avec celui d 'Apt. CC'
n'est que pour des arguments de vraisemblance. puisque la lettre est muette
sur ce point 6.
Les autres documents SOnt à chercher dan s les préfaces des œuvres de
Jean Cassien . Institutiones (ou Instituta coenobiorum) 7 et Collation,s. Le premior
ouvrage. une série de 12 livres. est adressé à Castor lui-même: beatissime
papa Castor. Donc à un évêque. Le projet a!!ribué par Cassien à CaSlor eSl de
f(construire pour Dieu un temple vrai et raisonnable . non pas à l'aide de
pierres inertes. mais en réunissant de saints personnages. sane/orum virorum
L J. V AN DER STRATEN.« Un f10g(' anci('n d(' saint V(ran, fils d(' saint Eucht'r,
dans Annaitc/a BolJandiana. t.83. 196L pp. 81-94 ; M . CARRIAS. Saint Mitrt d'Aix.
itudt hagiographiqur, Aix. 1969 : Cl. PASSET. La passion dr saint Pons dt Cimin. (passio Ponti).
Sourm ri traditions. Nic('. 1977. Fr. OOLBEAU.« 1...1 Vi(' ('n pros(' d(' !iilint Milrcd. fvrqu(' d('
Di(', Histoir(' du t('xt(' ('t (d. critiqu(' ,J. dans Franria, t. II . 1984. pp. 97- 130
6. BONIFACE, Ep. 3. 1. Patr. lat .. t. 20, p. 7j6: Bonifacius Patroclo, Remigio.
Maximo. Hilario. &v('ro. Val(' rio. Juliano. Comorio. L('omio. Constantino, JMnni.
Montano. Marino. Mauricio ('t caeuris ('piscopis ...
7. On pourra s(' r('porter aux éditions avec traductions paru('s dans SOUfC('S chrfti('nn('s :
J('an CASSIEN, Confirtnm, fd. E. Pich('ry. 3 vol.. Paris. 19n - 19j9: ]('an CASSIEN.
Instituions cinohitiqutJ. fd. J.-Cl . Guy. Paris. 19M . Dom Pich('ry a fait un(' mi S(' au point sur
la chronologie. Voir plus loin note 19.
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congregatione )). fi est clair que Castor n'est pas un moine et qu'il n'y a dans sa
région aucune communauté monastique. (( Dans une province qui n'a pas de
monastère , tu désires que soit organisée la manière de vivre des Orientaux, et
surtout des Egyptiens. "Apparaît là même le souci profond de Jean Cassien.
donner des modèles qui sont placés sous l'autorité de ceux qui apparaissaient
alors comme les plus parfaits. les moines d'Egypte. Néanmoins. on se
gardera de croire que Jean n'a pas fait de choix: toute son œuvre prouve le
contraire et. parmi les différents modes de vie. il a pris ce qui lui a paru bon.
Mais ce pa..l!sage de la préface présente un grand intérêt puisqu'il pose une
affirmation: l'absence de coenobia dans ce qui est appelé provincia '. Quel sens
donner à ce terme: celui de province civile ou ecclésiastique? Apt est alors
dans la Narbonnaise II ? Or. il y a déjà à Lérins la fondation d'Honorat et
Lérins paraît dépendre de Fréjus qui est aussi en Narbonnaise Ir. Faut-il
penser à un sens plus vague: « région»? Peut-être. Quoi qu'il en soit. il est
évident qu'il n'y a pas autour d'Apt encore de monastère ou du moins de
fondation cénobitique. Or. nous verrons qu'il y a, sur ce point. contradiction
flagrante entre les Vies et cette source qu'il convient de situer en tout cas
après les années 415. moment de l'arrivée de Jean Cassien à Marseille.
vraisemblablement vers 420-424.
Lors de la rédaction de la série des dix Entretiens spirituels (collationesJ
qui ont prolongé le discours de Jean Cassien. Castor a dû mourir. En effet.
Jean Cassien écrit dans la préface: " Le même pontife. dans la /lamme de
son zèle incomparable pour la sainteté. m'avait aussi prié de rédiger du même
style ces dix conférences. des plus grands parmi les Pères du désert. je veux
dire des anachorètes qui demeuraient au désert de Scété ... Aujourd'hui qu'il
nous laissés, pour aller vers le Christ, c'est à vous, bienheureux évêque
Léontius (il s'agit de l'évêque de Fréjus) et vénérable frère Helladius (c'est un
anachorète inconnu) que j'ai pensé devoir les dédier. )) 9 L'ensemble des
Collationes était achevé en 430 et le second groupe de conférences est
antérieur à la fin de 426, moment où Honorat l'abbé de Lérins devint évêque
d'Arles. On ne saurait être plus précis pour situer la première série des
{( Conférences n.
Castor vivait donc entre 419 et le milieu de la deuxième décade du V'
siècle: là, s'arrêtent nos connaissances, c'est-à-dire les informations que l'on
puisse tirer de documents sùrs. Tout le reste, n'est que transcription ou
interprétation de sources médiévales dont il va nous falloir apprécier la
validité.
8. Jean CASSIEN, Inst. , Préf.. 3. pp. 24-25 In provinâa siquidem roenobiorum experti
Orirnta/ium maximeque Aeg'lptorum voltns institula.
9. Jean CASSIEN. Conf.. Prif.. p. 74.
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Dans ce rapide examen des chartes du cartulaire cl' Apt. notons aussi un
texte, non daté, et qui est fon suspect ". C'est la donation du cas/mm de
Saignon, par Georges (et son épouse) qui prétend avoir fait jadis - Karoli
17. Bibl. nat., ms. lat., 2126. fol. 1 (Xlr_Xn r siècl~ sdon Ph. Lau~r). éd . par
ALBANES. Ga/lia .. , op.cil" Instr .• col. . 127-128. nO 1
18. Ed. M . PETSCHENIG. Corp", ,,,ipt. "d. lat., t. XVII. 1888, p. 3 ainsi que
p, XVIII. XXII. Dans aucun manuscrit n'apparaît le titre SjJt!ulum mOM!horum. Il est curieux
de noter que Gennade (p . CXllI ; voir PaIr. lat., t. '8.col. 1096) donne des noms différents
aux trois premiers livres de ce que nous appe:lons les Institutions. un autre nom au quatrii-me
(Institulionum /ibtr unum) et aux huit livres suivantS (dt origint tt "NIl/italt ac rtmtdiis (}do
principa/ium vitiorum). Formule qui se retrouve dans un manuscrit du IX r sià:le (p. XVIII).
19. A,ta 'an,torum, Nov<mb". t. Il. I. id. H. DELEHAYE <t H. QUENTIN.
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26. J. SAUTEL. Catalogue dtScriptif el il/us/rt dts manuscrits liturgiques de l'Eglist d'Apt,
Carpen,,,,,. 1921, pp. 23-28
J/ili
Cette différence n'est pas la seule que j'ai pu constater. En effet. la Vie
d'Auspicius, telle qu'elle ressort des manuscrits 1 et 3 d'Apt et du manuscrit
126 d'Avignon, est différente de celle du manuscrit 2 d'Apt. Ici le lien est
très nettement marqué avec les actes des martyrs romains Nérée et Aquilée;
là on insiste essentiellement sur la mission confiée par l'évêque de Rome
Clément. Or, le texte même du bréviaire 2 d'Apt se retrouve dans la Vie
d'Auspicius du manuscrit de Carpentras.
27. Bibl. de Carpentras. ms. 514. Voir plus bas. Cette Vie se retrouve copiée par J.F . de
REMERVILLE. Colkctanta variorum diplmnalum mksiat Apltnsis. pp. 5-10
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Il me semble donc clair qu'au XIV' siècle, devaient circuler deux Vies.
au moins. très proches par leur trame, différentes cependant dans leurs
formes et leur développement. De ce fait, je tirerai. provisoirement. au
moins une observation méthodologique: la nécessité de faire une enquête
globale sur les sources des textes de nos bréviaires du Midi, pour reconstituer
des Vies perdues.
des fairs qu'il rapporte. ainsi que ses récits le fom assez comp rendre: et
comme il l'avait composé dans un style recherché et ampoulé. peu à la portée
du commun des fidèles, Raimond Bot. évèque d'Apt vers la fin du
XIII' siècle. la retoucha et la r<'digea en un style plus simple et accessible il
tous)) 29. Alhanès affirme. contre cenains détracteurs qu'il ne nomme pas.
mais qui doivent être les Bollandistes dont le tome VI de septembre avait
paru en 1867, que la Vie existe, mais curieusement il ne cite pas sa source. Et
surtout il s'est bien gardé de publier le document. non plus que celui relatif il
AlL'~picius, se contentant de piquer ici ou là de très brèves références et
préférant résumer le texte qu'il avait dù lire 30, Où? Vraisemblablement à
Carpentras. dont il devait connaître le fond. C'est le même document qu'a
eu entre les mains Paul de Terris lorsque dans la re vue mensuelle cc Sainte
Anne d 'Apt)) 31, en 1894, il donna sa propre version : « Nous nOlis
comenterons de traduire à peu près littéralement l'o uvrage de l'évêq ue
aptés ien du xrw siècle, sauf à y ajouter quelques légers détails qui lui avaient
échappé et que nous emprunterons à des auteurs sérieux . ))
Le manuscrit de Carpentras débuta par un prologue qui se prése nt e
comme l'œuvre de Regimundlls Aptensis "desiae ... episcopus, qui la dédie il un
chanoine - non nomm~ d'Avignon - qui avait été récemment i71 basilica
IIbi corpus beata, Matba, Sa/vatoris ancilla" discipulae, ... qui,scit - h as ilique
où un autel était dédi é à saint Castor. Ce Regimundus serait donc le
Rd}mundus Boti des actes de la fin du XIII' siècle. il moins qu'il ne s'agisse de
Raymond Bot. évêque d'Apt de 1319 à 1330. Curieusement Albani"
présente les deux solutions à des pages différe ntes. Dans la notice sur Castor.
il attribue la rédaction il Raymond Bot «évêque d'Apt vers la fin du
XIW siècle)) et, dans la notice sur Raymond Bot II, il en fait l'auteur d e la
copie de la Vie et Je donateur d'un buste d 'argent destiné à recevoir la tête de
Castor 32.
Ce Regimundus, évêque, est donc censé avoir remanié une Vie
ancienne: vitam quam olim gallicano co/nrno simplici/ate fratrum minus
d,/ucidatam inveni, simp/ici stilo breviter enorat, cura vi. Pour qui lit les lo ngues
phrases et répétitions souvent superflues du texte. un sourire vient
immédiatement. Mais. il y a des choses plus graves. Notre Ct abréviateur ))
donne un récit qui n'est pas toujours en accord avec les leçons d es bréviaires.
qui devraient être contemporaines de sa rédaction. ni avec d'autres
documents plus récents. Il ne peut être question de reprendre entièrement la
narration. Je me contenterai d'en rappeler les faits saillants.
40. L'e: xe:mplaire: du bréviaire- de- ]:; 32 que- poss~dait le: chanoine: Espellt lai s~e e-ntrt'voir
b difficuh ~~ rt'ncontrées par l'adoption d e-s nouveaux textes. Vnt' main a écrit sur It' dernin
folio du brévia ire- propreme-nt dit : (' Ad idem obj«tum vide- ddiberatione-m capituli 30 maï
1643. VOye:7 la délibération du 8 (déce:mbre-) 1604 où le: chapitre en recevant le bréviaire
romain Mdart' que ce n'e-st qu'autant qu'il ne: préjudirait pas à ses statut~. privilèges. libe:rtés t't
immun ités. En 1697. le Parleme-nt y avoir abus à une ordonnance: de M . l'év<<tue: qui
ordonoit de: rt'cnoir le rirud francois-romain ou métropolitain. sur le: fond mê-me qu'on ne:
peut pas changer les usage:s de:s cathédrales. li
393
41. La vÎt dt Jain/ Caslor, tvifJue d'Apl e/ patron rie la paroisse tÛ Nismes. Avignon. éd.
F.J. OOMERGUE, , .cl
42 . Gal/ia Christina, t. J. 17IL col. 3~O-351l:t inslr. p. 73
394
En effet, la Vie qu'il donne, très brève, lue in perveluslo Aplensis ecclesiae
martyrowgio, suit très fidèlement les leçons du bréviaire - et elles seules - ,
en omettant quelques rares phrases.
Il n'y a donc, durant les XVl'-XVIII' siècles, que peu de modifications par
rapport aux versions primitives. Ou bien on garde la version A, courte; OH
bien on résume la version B. Sauf à en conserver un passage original: mais
encore cela est-il le fait des correcteurs de 1) 32. Aux XVII'-XVIII' siècles, on
appauvrit la seule version qui faisait preuve d'une réelle imagination et on la
réduit à un pauvre abrégé.
43 , Il s'agit d'unt thèse soutenue' à Paris-IV C'n 1984. à paraître dans la Bibliothèque dt
l'Ecole française: de Rome. Pour plus de d~vdoPIXm('nts sur ces ViC's qui seront citées, je
renvoie à l'article indiqué à la note 1
395
44. Gal/ia chrisliana novissima, Arl~s . Valence. 19CXJ. col. lB, nO 299
4l.lbid., col. 120. n' 27l.
46. J.-M. ROUQUETTE, Provtnct romane, 1.1, la ProVutct rhodanienne, La-Pierre-qui-
vire. 1974. pp. 26~-273; J. THIRION. 5aint-Trophimed'Arks, dans Congrèsarrhiokgique de
France, /J4' session, /976, Pays d'Arles, Paris. 1979, pp. 370- 382
Je me d~mand ~ si J'on a bi~n raison d'attribuer s~ul~m ent à des raisons de disposition. du
terrain la crypt~ d~ Montmajour : on aurait pu bâtir l'édific~ ~ n d'autres lil"uX du plateau. à
mon ·s~ns. D'où l'impression que j~ mire que la crypte d'Apt n'est pas aussi isolée qu'on I~
dit. et que celle d'Arl~s n'est pas aussi archaïque qu on le." croit.
47. Gal/ia chrisliana novissitpa, ArI~s. col. 221. nO 568. J'ai la conviction qu'il faudra
repf("ndf(" un jour l'étud~ du cutte." d~ Trophime.
48. J. NOUGARET et R. SAINT -JEAN, Lmgurdoc roman, 1. l , Le Langurdoc
médite"anien, La-Pi~rre-qui-vire. 19n . .pp. 42-45
J96
est en effet vraisemblable que dans les villes du Midi, à l'instar de ce qui se
faisait à Vienne (autour d'Adon) et à Lyon, au moment où se réorganisait la
vie ecclésiastique - ce dont témoignent encore pour nous les plaques de
chancels ici et là conservées - il ya eu écriture de Vies d'anciens évêques ou
de saints locaux. Cepe~dant je n'oserais faire remonter aussÎ haut les sources
de la Vie de Castor, ou de celle d'Auspicius. Pour Apt comme pour bien
d'autres villes, nous butons sur tout ce que le XI' siède a accumulé dans la vie
religiell'ie : reconstruction des chapitres cathédraux, reconstructions des lieux
de culte. créations monastiques. Auparavant nous n'appréhendons que le
vide. Ou presque