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Face à la diminution de celle-ci, alors que le Conseil Constitutionnel avait mis en place une
jurisprudence constructive, protectrice des pouvoirs du législateur, le président Mazeaud encourage
non pas au retour pur et simple à l’équilibre initial du régime mais une revalorisation qui passerait
par celle des textes législatifs et de la légitimité des assemblées parlementaire pour le citoyen.
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La V République marque un recul historique de la place du Parlement, sous l’effet de la
rationalisation du parlementarisme, du confinement de la loi à un « domaine », bien au-delà de l’avis
de 1953 du Conseil d’Etat et qualifié de « révolution juridique » par les contemporains, ainsi que sous
celui du contrôle de constitutionnalité. La loi ne devait ainsi plus, comme l’a jugé le Conseil
Constitutionnel en 1986, exprimer la volonté générale « que dans le respect de la Constitution ».
Ainsi la place du Parlement a été renforcée, notamment avec la révision du 23 juillet 2008 sans que
soit bouleversé l’équilibre fondamental du régime, devenu une « démocratie moderne » (Guy
CARCASSONNE). La perspective des réformes a été celle d’une revalorisation de la légitimité
démocratique du travail des assemblées parlementaires ainsi que d’une amélioration de la qualité
du droit. Elle pourrait en ce sens en guider de nouvelles.
Bien que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 constitue en réalité une évolution majeure dans
le renforcement de la place du Parlement, celle-ci pourrait être encore revalorisée à travers diverses
possibilités de réformes (II).
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I) Bien que la V République marque un recul historique de la place du Parlement (A), celle-ci
s’est avérée plus importante que ne l’avaient envisagé les débuts du régime (B).
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puissante, commandait que le Parlement ne vît pas ses pouvoirs entravés, ni par un contrôle de
constitutionnalité encore très résiduel – mais pas inexistant – ni, a fortiori, par le pouvoir exécutif.
Un tel système avait toutefois prouvé ses propres limites, d’abord par la reconnaissance de
la nécessité d’accorder un pouvoir réel à l’exécutif, ensuite par son inefficacité intrinsèque. En effet,
la nécessité d’accorder au pouvoir exécutif un pouvoir réel avait été reconnue par la jurisprudence
administrative (CE, 1906, Babin) y compris en matière de police (CE, 1919 Labonne) avant même
la dérive que constituèrent les trop fréquentes pratiques de délégation législative sous la forme
de décrets lois. Par le jeu des partis dans un système parlementaire sans prime majoritaire et par
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la dépossession auto-orchestrée de ses pouvoirs législatifs, le Parlement de la III République a fini
par révéler les limites d’une place trop importante.
ème
Si la IV République s’est au départ appuyée sur un certain nombre de correctifs par rapport à ce
système, la prééminence de la loi et du Parlement n’en a pas moins entraîné des effets similaires :
faiblesse des exécutifs et pratiques de délégations législatives, qui entraînent un affaiblissement des
pouvoirs publics et des possibilités de législation dans son ensemble.
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La V République, rompant avec ce système, marque l’abandon du dogme de la suprématie de la loi
et un net recul de la place du Parlement.
ème
Dans le système de la V République, le Parlement, défini à l’article 24 de la Constitution, est
composé de deux chambre : l’Assemblée nationale, aujourd’hui composé de 577 députés au
maximum, élue au suffrage universel direct par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et
le Sénat, représentant des collectivités territoriales, composé de 348 sénateurs (au maximum), élus
au suffrage universel indirect.
Le Parlement est doté, depuis 2008, de trois missions : il vote les lois, il contrôle l’action du
Gouvernement, il évalue les politiques publiques.
Toutefois, ces missions, à commencer par la principale, qui est celle de la législation, voient leur
portée réduite par une série de mécanisme institutionnels.
Face aux excès du parlementarisme, la Vème République institue trois innovations majeures et
indissociables : la délimitation du domaine de la loi, la mise en place d’un contrôle de constitutionnalité
et la rationalisation du parlementarisme.
La délimitation d’un domaine propre à la loi et limité alors que le domaine du règlement, défini
à l’article 37, couvre tout le reste et s’affirme comme pouvoir de droit commun, constitue, aux yeux
des commentateurs de 1958 et pour les rédacteurs de la Constitution eux-mêmes, une « révolution
juridique ».
Pour la première fois, au-delà même des matières essentielles définies par l’arrêt « Balin » et l’avis
du Conseil d’Etat de 1953 précités, le domaine de la loi est expressément défini – et il est limité.
Il s’agit d’un renversement de perspective. Le législateur ne peut plus tout faire. Le Gouvernement
semble pouvoir faire tout ce que le législateur ne peut pas, sous réserve, bien sûr, de la conformité de
ses actes à la hiérarchie des normes et au principe de légalité, dont le respect est assuré par le juge
administratif.
Enfin, l’un des apports majeurs de la Constitution de 1958 réside dans la rationalisation du
parlementarisme. Pour éviter les dérives des Républiques précédentes, la Constitution met en place
divers mécanismes qui assurent la prééminence gouvernementale et limitent le rôle du Parlement.
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Dans cette architecture, la place du Sénat est plus restreinte encore puisque l’Assemblée nationale
peut avoir le dernier mot en cas de désaccord, y compris après la convocation d’une commission
mixte paritaire (article 45).
Il est vrai que l’évolution des institutions a d’abord donné lieu à un renforcement de la prééminence
gouvernementale, avec l’affirmation du fait majoritaire à la suite de l’élection du Président de la
République au suffrage universel direct, décidée par référendum en 1962. Le fait majoritaire se définit
par la solidarité du Parlement à l’égard du Gouvernement et, en dehors des périodes de cohabitation,
du Président de la République. Il implique que le Parlement ne prend pas le risque de mettre en
défaut le Gouvernement et qu’il suit toujours celui-ci dans la conduite de sa politique. D’un point de
vue institutionnel, son émergence résulte du parlementarisme rationnalisé, du scrutin uninominal
majoritaire, du droit de dissolution du Président de la République et de la légitimité conférée à celui-ci
par le suffrage universel direct.
Surtout, les éléments de limitation de sa place prévue par la Constitution ont été pour partie encadrés
par la pratique et par la jurisprudence protectrice du Conseil Constitutionnel.
D’une part, le juge constitutionnel a estimé qu’il ne lui revenait pas, dans le cadre du contrôle de
constitutionnalité a priori de l’article 61 de la Constitution, de juger de l’empiètement d’une disposition
législative sur le domaine règlementaire. La procédure de législation et celle d’irrecevabilité de l’article
41 y pourvoient. Sur ce point, il a également eu une interprétation favorable au Parlement en jugeant
que l’irrecevabilité, en ce qui concerne l’article 40, devait avoir été soulevée au cours des débats
parlementaires, pour être opératoire.
D’autre part, le Conseil a développé, à partir de 1982 (décision « Blocage des prix et des revenus »)
sa jurisprudence dite de l’incompétence négative, qui tend à obliger le Parlement à aller jusqu’au bout
de sa compétence, sous peine de censure de la loi.
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Le domaine de la loi a également été étendu dans une certaine mesure par le juge administratif,
la mise au jour d’un principe général du droit en constitue une extension réelle.
Elle a en effet montré que le Président de la République, bien qu’au cœur des institutions, ne pouvait
dans certains cas, rien faire sans le Parlement et qu’in fine le fonctionnement du régime dépendait
bien ce celui-ci.
II) Si la place du Parlement a été revalorisée du point de vue institutionnel par l’évolution
majeur que constitue la révision du 23 juillet 2008 (A), elle pourrait l’être encore davantage
dans une double perspective de réaffirmation de sa légitimité démocratique et de recherche
d’amélioration de la qualité de la loi (B).
Avant 2008, certaines révisions constitutionnelles avaient déjà contribué à une revalorisation de
la place du Parlement. Ainsi, par exemple, de la réforme de 1974, qui ouvre la saisine du Conseil
Constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs. Ainsi également de la mise en place,
en 1996, des lois de financement de la sécurité sociale, qui renforcent le contrôle parlementaire
sur cet aspect essentiel des finances publiques et de la société.
La révision du 23 juillet 2008 va plus loin. Elle renforce le Parlement dans ses trois fonctions et lui
attribue de nouveaux pouvoirs qui nuancent la prééminence gouvernementale et le parlementarisme
rationnalisé.
En matière législative, la révision sécurise le travail parlementaire. Elle allonge les délais entre le
dépôt d’un projet de loi et son examen en commission ou en séance. Elle limite les cas de procédure
accélérée, nouveau nom de la procédure d’urgence.
Elle redonne aux parlementaires la maîtrise, au moins théorique, de l’ordre du jour (art. 42).
Elle permet au président de chaque assemblée ou à l’auteur d’une proposition de loi de demander
à son sujet un avis préalable consultatif.
Enfin, le texte discuté en séance est désormais celui de la commission et non plus celui du
gouvernement. Se trouve ainsi revalorisés le travail parlementaire, les commissions, officiellement
reconnues et le droit d’amendement (art. 44).
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Cette évolution parachève entre autres celle prévue par la LOLF qui renforçait déjà considérablement
les pouvoirs d’enquête et du contrôle du Parlement en matière financière.
Le Parlement dispose désormais d’un pouvoir de blocage des nominations de l’article 13 : difficile
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à mettre en œuvre (il doit réunir 3/5 de votes négatifs dans la commission compétente de chaque
assemblée), il n’en implique pas moins une contrainte pour le Président de la République. Ce pouvoir
existe aussi, dans chaque assemblée, pour les nominations du ressort de leur président respectif.
Le Parlement est désormais consulté sur la prolongation des opérations extérieures (art. 36), pour
laquelle, au-delà d’un délai de trois mois, après qu’il a simplement été informé au départ, son
autorisation expresse devient nécessaire.
Le Parlement dispose désormais d’un droit de résolution (article 34-1), qui s’ajoute à celui prévu en
matière européenne (88-4 et 88-7) et qui lui permet de prendre position sur un sujet sans légiférer.
Il faut ajouter à cela la limitation des possibilités d’utilisation de l’article 49-3, l’obligation, pour
les ordonnances de l’article 38, de connaître une ratification expresse, et l’ajout de nouvelles matières
à l’article 34.
Le souci d’une démocratie équilibrée se traduit également par une revalorisation, dans l’organisation
interne du Parlement, du rôle de l’opposition – ainsi que des groupes minoritaires –, consacré par
la Constitution et à qui est réservé un jour par mois (art. 42).
La révision de 2008 constitue ainsi une évolution majeure de la place du Parlement qui, toutefois,
conserve l’équilibre fondamental de la Vème République.
D’abord seule la pratique pourra révéler la portée véritable de ces évolutions institutionnelles.
Ensuite la plupart des mécanismes, même atténués, demeurent, notamment l’article 49. La
prééminence gouvernementale et le fait majoritaire, voire, hors cohabitation, la prééminence
présidentielle, ont encore toute leur portée.
La grande restriction de la place du Parlement a démontré son efficacité mais pose un problème
en termes de démocratie, qui montre qu’elle est peut-être excessive.
D’autres hypothèses ont été émises, qui consisteraient à rendre plus déterminante la responsabilité
de l’exécutif et plus aisée toutes proportions gardées, sa mise en œuvre, ou à renforcer encore le rôle
des commissions.
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Sa réaffirmation pourrait ainsi passer par une amélioration du rapport des citoyens aux assemblées
parlementaires et de la légitimité des Parlements. Le renforcement des contrôles sur les conflits
d’intérêt et surtout une réflexion sur la qualité des textes et la sécurité juridique.
En effet, dans une perspective kelsénienne, la qualité de la norme est essentielle au respect de l’Etat
de droit au cœur duquel le Parlement se trouve placé. Il semble essentiel, comme le préconisait le
président Mazeaud, que le travail du Parlement s’affirme comme de qualité et à destination des
progrès qu’attend un Etat démocratique.
D’un point de vue plus concret, c’est en conformité avec le discours préliminaire de Portalis au code
civil que c’est avec une loi bien écrite, que le Parlement peut trouver toute sa place : il affirmera ainsi,
par cet outil majeur qu’est le texte juridique, tant son rôle, réel donc encadré, que ses exigences.
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La Vème République est donc un régime ambigu pour ce qui concerne la place du Parlement. Elle est
marquée à la fois par sa réduction sans précédent et par un mouvement de rééquilibrage, qui s’est
consolidé avec la révision de juillet 2008, sans toutefois bouleverser le système initial.
C’est à travers une réflexion sur des éléments fondamentaux du pacte démocratique, tels que
la qualité de la loi et un certain nombre d’évolutions quant au fonctionnement du Parlement lui-même,
que pourrait désormais évoluer la place du Parlement sous la Vème République, afin de renforcer
la légitimité de celle-ci et de réaffirmer l’attachement citoyen à la démocratie parlementaire. Celle-ci
pourrait toutefois être complétée par des formes nouvelles de démocratie directe, propres à redéfinir
le rôle et la place du Parlement dans le cadre d’un pacte démocratique renouvelé.
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