Vous êtes sur la page 1sur 80

LA CRIMINOLOGIE

Plan général du cours

Chapitre Ier : Définitions et objet de la criminologie

Chapitre II : Histoire des théories criminologiques

Section 1 : - les origines de la criminologie

Section 2 : - les théories criminologiques en sociologie

Section 3 : - Psychologie de la délinquance

Chapitre III : Développement de questions contemporaines

· Délinquance et victimes

· Criminalité et ethnicité

· Tendance de politique criminelle en matière de délinquance urbaine

Chapitre IV : Victimologie et politique en faveur des victimes

· La victime comme objet scientifique

· Les enquêtes de victimation

· Assistance, droit et aide aux victimes

· Peur du crime et victime

· Victimes et justice restauratrice

Chapitre V : Les courants psychologiques, psychanalytiques et cliniques au 20ème


siècle

Chapitre VI : Tendances de politiques criminelles en matière de délinquance


urbaine.
Chapitre Ier : Définitions et objet de la criminologie

1. La diversité des définitions de criminologie

Définition d'Emile DURKHEIM (1795) : "Nous constatons l'existence d'un


certain nombre d'actes qui présentent tous ce caractère extérieur que,
une fois accompli, ils déterminent de la part de la société cette réaction
particulière appelée peine. Nous faisons de ces actes un groupe sui
generis. Nous appelons crime tout acte puni et nous faisons du crime
l'objet d'une science spéciale: la criminologie.

DURKHEIM définit le crime en fonction de la réaction sociale, la peine.


Les actes qui intéressent sont ici, les actes figurants dans le code pénal.

Définition générale : étude scientifique du phénomène criminel ou


science du crime.

Ces définitions ne tiennent pas compte des divergences et des


controverses à propos de l'extension du concept de criminologie.

1.1 Définitions larges et définitions étroites

Enrico FERRI, membre de l'école positiviste italienne où la criminologie


fut institutionnalisée, définit la criminologie comme la somme de toutes
les sciences criminelles (pénologie, criminalistique, politique criminelle,
balistique) en ce compris le droit pénal.

Edwin SUTHERLAND (sociologue américain) définit la criminologie


comme la science qui étudie l'infraction en tant que phénomène social.
Il assigne à la criminologie un vaste domaine englobant les processus
d'élaboration des lois (criminalisation primaire, qui renvoie aux modes
et causes d'élaboration des lois) ou sociologie législative, l'infraction aux
lois (étiologie), les réactions provoquées par l'infraction aux lois
(pénologie).

Cette conception contenait des développements nouveaux notamment


que la criminologie ne peut se départir du processus de réaction sociale.

Les définitions "étroites" donnent comme but exclusif l'étude de


l'étiologie et de la dynamique criminelle.

Les définitions étroites écartent du domaine de la criminologie le droit


pénal, la sociologie et la prophylaxie criminelle (prévention des crimes).

Jean Pinatel, juriste français, père de la théorie du noyau central de la


personnalité criminelle, découpe la criminologie en deux branches
distinctes:

La criminologie clinique, qu'il définit comme la science pratique


consistant en l'approche multidisciplinaire du cas individuel en vue de
son traitement et la prévention de la récidive.

La criminologie clinique, à l'instar de la médecine s'applique en trois


phases. Premièrement, le diagnostic qui a pour but de comprendre les
causes et les raisons du passage à l'acte. Ensuite le traitement, et pour
terminer le diagnostic. La question du pronostic renvoie au concept de
dangerosité.

La criminologie générale définie comme la science théorique qui va


coordonner les diverses données qui sont recueillies sur les facteurs et
les mécanismes de la délinquance.

La criminologie générale comprend cinq sous-secteurs :


1) La criminalité (ensemble des infractions produites en un moment
donné sur un territoire donné.

2) Le criminel : tentative d'établissement d'une typologie

3) Le crime : classement des comportements contraires aux normes


pénales

4) La victimologie : (étude des victimes (forme de victimalisation


secondaire) et méthodes de "soulagement" des victimes.

Concept de stigmatisation (réaction à "l'étiquette" collée par la société).


La réaction sociale impliquerait le crime.Réaction sociale : mouvement
des années 1960, certains comportements délinquants le deviennent à
cause de la réaction sociale.

1.2 Conceptions subjectivistes vs. Objectivistes

Les conceptions subjectivistes (ou science du délinquant) trouvent leurs


origines à l'essence même de la criminologie, dans l'école positiviste
italienne et dans la définition de "l'homme criminel". Pour eux, le crime
est un indice de l'homme délinquant.

Etienne DEGREEFF, médecin et anthropologue belge qui travaillait dans


les prisons, se démarque des positivistes par rapport au déterminisme
de l'homme criminel. DEGREEFF fait une enquête biographique et
personnelle des criminels. Il travaille sur l'acte à travers la vision que le
criminel a de lui-même. Il a déterminé un processus du passage à l'acte
criminel.

Conception objectivistes : Les objectivistes essayent d'établir des


régularités objectives (des structures et des lois) indépendantes des
consciences et volontés personnelles. Elle fait du délit et de la réaction
sociale l'objet de l'étude.

Dans les années 60-70, dans les pays anglo-saxons, est apparu un
nouveau courant nommé criminologie critique ( ou criminologie
radicale, ou criminologie nouvelle ou criminologie néo-marxiste). Dans le
l'ouvrage de Taylor, Walton et Young " The new criminology" (1967),
l'action criminelle doit être considérée comme un acte politique par
lequel un délinquant exprime son rejet du pouvoir en place, un refus de
l'organisation sociale de la société capitaliste qui créent des
discriminations (majorité des criminels en prison ont fait des atteintes à
la propriété, les personnes nanties bénéficies d'un système de règlement
des conflits différents..)

1.3 Conceptions étiologiques vs. Dynamiques

Au début des années 1950, le débat subjectif/ objectif se double d'une


nouvelle controverse. L'affinement des méthodes de statistiques tentent
de mettre en évidence des causes de délinquances ainsi que des lois de
son apparition. L'option causaliste ne donne cependant que des résultats
très minces et est finalement abandonnée. Les efforts sont concentrés sur
le processus d'apparition de la délinquance.

Ce processus désigne toute succession d'événements se déroulant selon


un certain ordre marqué par un commencement, un déroulement et une
fin. On constate l'importance de la dimension temps.

La vision causaliste n'envisage la dimension temps que par rapport à


l'antériorité de la cause quant aux faits.

La théorie dynamique :

Etienne DEGREEFF a mis en évidence des étapes progressives conduisant


au passage à l'acte. DEGREEFF dirigeait l'école criminologique de Louvain
dite "école de l'acteur social".

Il existerait un état dangereux pré-délictuel. Il a constaté que le


processus est identique qu'il soit en présence d'homme normaux, semi-
normaux ou pathologiques. Plus de 70% des sujets préviennent par des
paroles ou des signes avant leur passage à l'acte. Cette période peut
varier de quelques jours à quelques années. Ces avertissements doivent
être perçus comme une dynamique avant le passage à l'acte.
Etude du crime passionnel : la plupart des hommes ayant tué leur femme
mûrissent cet acte pendant une longue période et passent par plusieurs
phases:

1) l'acquiescement mitigé : ils prennent conscience du bénéfice de la


disparition de leur femme mais n'osent pas admettre qu'il seront l'agent
de cette disparition.

2) L'assentiment formulé : ils commencent à accepter qu'eux même


pourront faire disparaître leur femme. Ils essayent d'atteindre leur
femme par des moyens "légaux" (calomnie…)

3) Période de crise : ils constatent qu'ils vont devoir passer à l'acte.


l'individu se sent mal et là, apparaissent des faits révélateurs.

4) Passage à l'action

Il y a des processus sociologiques présentants des processus à étapes.


Howard BECKER s'intéressant à la déviance, introduit le concept de
carrière criminelle.

Ex: les consommateurs de Marijuana commençant avec des copains. Il


apprend d'abord à en reconnaître les effets, augmente sa consommation
et apprend à gérer socialement sa consommation.

1.4 Etude du passage à l'acte et étude de la réaction sociale

Ce clivage apparaît dans les années 1960. La criminologie était autrefois


considérée comme une discipline permettant de comprendre les causes
du fait criminel. La réaction sociale était envisagée comme
criminogène. "La prison est l'école" Victor Hugo.

Une inversion des relations cause/effet est envisagée, la réaction sociale


mène au crime et plus l'inverse. Des courants de pensées tels
l'interactionnisme symbolique, la sociologie de la déviance, la théorie de
l'étiquetage, la criminologie critique, l'abolitionnisme, la nouvelle
criminologie, la criminologie constructiviste reprochent aux positivistes
de ne pas s'être interrogé sur la notion de crime et d'en avoir fait un acte
naturel.

L'existence même du crime tient d'une loi. Tout le processus de définition


sociale de la déviance est crucial.

Comment un acte en vient-il à être criminalisé? Pourquoi certains


délinquants sont-ils punis et d'autres pas? Quelles sont les conséquences
de la stigmatisation?

Les théories de la réaction sociale sont fort différentes de la criminologie


du passage à l'acte.

La variable dépendante cesse d'être le crime ou le criminel mais devient


la réaction sociale à la déviance. Les criminologues du passage à l'acte
traitent de la prison et des peines comme variable indépendante. Ils
voulaient savoir si les lois et les mesures produisent les effets dérivés.

Les criminologues de la réaction sociale s'intéressent à la réaction


sociale pour elle-même et la considère de manière critique. Ils perçoivent
le système de politique criminelle comme une machine à crimes
fonctionnant à coups de stigmatisations et d'impartialité. La
criminologie critique récuse la légitimité du droit pénal et le problème
criminologique se situerait dans le système pénal.

La déviance est une construction sociale. La criminalisation est une arme


aux mains des puissants et la stigmatisation va amplifier la déviance.

1.5 La définition d'Alvaro Pires:

La criminologie est un champ d'étude et une activité complexe de


connaissances interdisciplinaires, de nature à la fois scientifique et
éthique, ayant pour but la compréhension et l'élucidation du problème
criminel au sens large (c-à-d allant des comportements au phénomène
social) .
Le champ d'étude désigne des savoirs ayant des thèmes communs et
différentes rationalités. La criminologie doit effectuer ses contrôles sans
tris préalables.

L'activité complexe signifie que la criminologie doit articuler différentes


disciplines (dont le droit), des théories des pratiques, des éthiques et des
valeurs.

Il existe un débat sur l'appellation des savoirs, sur le statut scientifique


de la criminologie, sur l'identité du criminologue ( contrôleur social,
agent d'ordre…)

2. Criminologie et droit pénal

La distinction entre ces deux disciplines est reliée à l'histoire du droit


pénal.

On peut relier l'origine du droit pénal à la publication du Traité des


délits et des peines de Cesare Beccaria paru en 1764. Ce traité est une
forme de révolte contre le système de justice de l'ancien régime. Dans
cette optique, les juges disposaient d'un pouvoir absolu sur ceux qu'ils
étaient amenés à juger. Cela conduisait à des séances de torture en
public. Il régnait une insécurité et un arbitraire juridique total. La
naissance de la criminologie est liée à la contestation de ce régime.

Beccaria plaide pour cinq grands principes de justice:

1) La justice doit être égale pour tous

2) Les lois doivent être écrites et codifiées afin que nul ne l'ignore

3) Les lois doivent être sûrement et prestement appliquées (la


certitude d'être jugé et la célérité du jugement peuvent avoir un effet
préventif)

4) La peine doit être définie par la loi

5) La punition doit être humaine (Beccaria prône l'abolition de la peine


de mort, la classification des détenus, l'étendue des privations de
liberté…)

Il résume ses principes sous l'adage " Nullum crimen nulla poena sine
lege".
Trois idées sous-tendent au droit pénal:

1) L'homme est rationnel, il est doté du libre arbitre.

2) L'homme est responsable de ses actes (principe de l'Homo


Economicus).

3) La peine est considérée comme ayant un effet dissuasif.

Les idées de Beccaria sont à la base de la convention des droits de


l'homme et de la rédaction des codes pénaux.

Les principes de Beccaria ont une influence capitale sur de nombreux


codes pénaux. La peine doit étroitement coller au crime avec une
certaine forme d'automatisme. La rigidité des codes pénaux ne permet
cependant pas de tenir compte de la personnalité du criminel ni des
circonstances.

Le principal obstacle est que le même traitement est d'application pour


tous (criminel primaire ou récidiviste, enfant ou adulte…)

Dans le code français de 1810, est introduit le principe de la fourchette.


En 1819, des lois instaurent les circonstances atténuantes objectives. Les
circonstances atténuantes subjectives sont introduites en 1832.

Au 19 ème siècle, les médecins interviennent beaucoup dans la politique


criminelle. Le médecin Pinel fait supprimer les chaînes dans les
pénitenciers. Peu à peu, la médecine se forge une place dans le procès
pénal.

Les psychiatres commencent à établir des typologies, surtout en ce qui


concernent le discernement des criminels.

La criminologie se forme contre le droit pénal. Plusieurs positions se


forment par rapport à l'imbrication des deux disciplines.

Le droit procède à une analyse des sources et des textes. La criminologie


est une science empirique, elle puise dans le réservoir des sciences
sociales. Les sciences empiriques écartent la spéculation, la simple
déduction et la métaphysique. Le droit pénal est une discipline
normative, de--SS--ive, disant ce qui doit être, définissant en cadre les
comportements à adopter par les individus. La criminologie part de
l'observation, tente d'approcher la réalité, de rendre compte de la
criminalité, de dépeindre le criminel. La criminologie tente de mesurer
les résultats de la politique criminelle.

Le crime nécessite une approche particulière. Le droit pénal et la


criminologie sont liés par certaines relations. Le droit pénal est un axe
par lequel la criminologie effectue ses recherches. Les pénalistes ne
peuvent ignorer la criminologie, évoluant notamment autour de la justice
réparatrice.

Quelle est l'influence de la criminologie sur le droit pénal ?

Les positions multi-factorielles considèrent que le droit pénal est le


résultat de sources multiples (histoire, pression philosophique…). La
conception de certains auteurs est celle d'un droit pénal criminologique
où la criminologie doit fournir des indications pour empêcher la récidive
et le passage à l'acte.

La vision du droit pénal criminologique était défendue par les


positivistes italiens.

Il faut distinguer le droit pénal général du droit pénal spécial (qui dicte
les comportements interdits). Les incriminations du droit pénal spécial
reflètent les valeurs et les fondamentaux de chaque société. Au sein du
droit pénal spécial, la criminologie est beaucoup moins présente.

Au sein d'une démocratie, les enjeux de la politique criminelle doivent


être déterminé dans un débat démocratique entre deux pôles:

le pôle "défense de la société/ sécurité/ maintien de l'ordre public"


le pôle "justice/ protection des droits de l'homme/ protection des
libertés individuelles"

3. La criminologie et la politique criminelle

De la distinction entre criminologie et politique criminelle

La politique criminelle est l'organisation rationnelle de la lutte contre le


crime sur base des données de la science criminologique. Elle désigne
l'ensemble des mesures à prendre pour tenter de faire diminuer le crime.
Elle indique des techniques de préventions sociales et de situation
préventionnelle (target hardening). Le target hardening conduit à un
déplacement de criminalité (les banques étant mieux protégées, ce sont
les petits commerces qui sont maintenant cibles de hold-up).

La politique criminelle s'attache également à la raison des punitions.

4. la criminologie et la criminalistique

La criminalistique est l'ensemble des sciences et des techniques utilisées


en justice pour établir le fait matériel de l'acte délictueux et la culpabilité
de l'individu. Elle englobe la médecine légale, la police scientifique,
l'entomologie cadavérique, la balistique, la psychologie judiciaire. La
criminalistique a un but exclusivement probatoire et est annexée à la
procédure pénale.

5. La criminologie et la pénologie

L'ancien nom de la pénologie est la science pénitentiaire. Elle est devenue


la science des peines avec l'apparition des peines alternatives. La
pénologie a pour objet le traitement des délinquants.
Chapitre 2 : Origines et premiers développements de la criminologie.

1. La contextualisation scientifique du positivisme en criminologie

1.1 La phrénologie

La phrénologie (ou cranioscopie) est fondée par Franz Joseph Gall (1768-
1828). De 1810 à 1819, il publie les quatre volumes "anatomie et
physiologie du système nerveux en général et du cerveau en particulier".
Ils s'intéresse aux localisations. Selon lui, le cerveau est composé d'une
juxtaposition de zones marquées par des penchants. Le comportement
humain serait contraint par le jeu de ces différents penchants. Le latent
serait perceptible à partir du manifeste. Le comportement se moule dans
la forme du crâne. Si le crâne est développé en un point, l'individu aura
tendance au comportement caractérisé par le penchant. Il constate que
certains pencant sont communs aux hommes et aux mammifères :

l'instinct de défense de soi-même (conduisant aux rixes)

l'instinct carnassier (conduisant au meurtre)

l'instinct de convoitise (conduisant au vol)

La phrénologie permettrait de prédire les comportements. Trois saillies


intéresseraient le droit pénal :

le conduit auditif externe, caractéristique des classes dangereuses, des


chiens et des coqs de combat, correspond à l'instinct de défense de soi-
même, à un goût pour les bagarres

au dessus du conduit auditif externe, remarqué chez les chiens et les


hommes ayant un penchant pour le meurtre, s'associe à la lascivité, à
l'oisiveté et à l'orgueil.

au dessus de l'arcade sourcilière, caractéristique de l'instinct de


propriété, mène au vol.
Cette théorie empiétant sur le domaine juridique, les juristes
reprochaient à Gall de porter atteinte à la religion, au libre arbitre et à la
liberté. Gall n'entendaient pas trancher la liberté humaine ou le
déterminisme. Il reconnaît que l'homme est habité par des penchants qui
inclinent sa conduite dans un sens ou un autre mais sans la déterminer
complètement. La liberté de se laisser aller à ses penchants ou de leur
résister fonde le droit de punir.

Il estime que sa théorie peut servir à la détermination des peines et à


leur modulations. Il distingue alors deux types d'infractions:

1) les crimes reliés directement au penchant, l'individu ne leur a pas


résisté

2) les crimes où le penchant fait défaut et le comportement du criminel


s’expliquent par les circonstances. (ex: un père veuf assassine un goujat
ayant engrossé puis abandonné sa fille unique serait poussé par un
sentiment d'honneur)

La cranioscopie permet de révéler une saillie indiquant la présence de


l'instinct carnassier. Cela permettrait de définir la probabilité de
récidive. Un penchant révélé imposerait une peine fort longue, non pas
en fonction de la gravité de l'infraction mais pour protéger la société.

Le conflit entre médecins et juristes se tend sur le débat du libre arbitre


et du déterminisme. Ce débat trouve son importance lors de l'apparition
des circonstances atténuantes. Le courant italien plaide pour une
prédominance des scientifiques dans ce débat.

1.2. Le positivisme d'Auguste COMTE (1798-1857)

COMTE est un philosophe, collaborateur de SAINT-SIMON. Ces pensées


s'inscrivent dans une période d'euphorie industrielle. Il rêve de faire
converger les esprits vers une doctrine unique. Il veut faire de la
politique une science positiviste. COMTE est un positiviste évolutionniste,
il propose une évolution de l'individu et de la société en plusieurs
stades :

- Stade théologique et militaire : stade caractérisé par une explication


imaginative et surnaturelle des phénomènes. Au point de vue de la
religion, on passe du fétichisme au polythéisme et du polythéisme au
monothéisme.

- Stade métaphysique et légiste : les explications surnaturelles sont


remplacées par des explications abstraites.

- Stade positif et industriel : Stade où les hommes renoncent à chercher


les causes profondes de l'essence des choses. Ils se contentent de
découvrir les fondements des lois effectives par l'observation et le
raisonnement.

La pensée de COMTE est calculante et inductive. Il avait l'ambition de


réorganiser la société. Il fonde une théorie de l'Etat dont le Dieu doit être
le grand être de l'Humanité. "L'amour pour principe, l'ordre pour base et
le progrès pour but".

Cette idéologie a eu une influence considérable outre-Atlantique,


notamment au Brésil. COMTE avait pour ambition de classer les hommes.

1.3. La lignée statisticienne d'Adolphe QUETELET (1796 – 1874)

Au cours du 19 ème siècle, se développe la statistique criminelle. Les


pouvoirs publics donnent à ces chiffres une finalité politique. QUETELET
utilise les données criminelles pour en faire une analyse scientifique. Ces
travaux ont un objectif sociologique. Selon QUETELET, ces statistiques
sont sensées être un indicateur des phénomènes sociaux. Ces statistiques
doivent résoudre des problèmes dont la criminalité.

QUETELET fait partie de l'école cartographique. Il émet une thèse d'un


passage selon les zones d'une criminalité musculaire à une criminalité
rusée. Son ouvrage principal s'intitule "Sur l'homme et le développement
de ses facultés. Essai de physique sociale" paru en 1869. Il consacre une
partie de son œuvre à la recherche de lois régissant la criminalité et de
facteurs induisant les phénomènes sociaux.
Le penchant au crime est défini comme une possibilité plus ou moins
grande de commettre un crime. Ce penchant est une probabilité
statistique portant sur l'Homme ou sur un groupe d'homme. QUETELET
s'aperçoit que ce penchant au crime ne coïncide pas avec la moralité
d'une population. Il existe une relation entre moralité d'une population
et penchant au crime mais le penchant est souvent influencé par les
tentations auxquelles sont exposés les individus et les occasions de
passage à l'acte se présentant. QUETELET étudie des groupes
suffisamment grands et dégage une population majoritaire représentée
par l'homme moyen. L'Homme Moyen est un groupe d'homme
majoritaire et statistiquement majoritaire. Il confond normalité et
majorité statistique. Aux extrémités se trouvent d'un coté des hommes au
penchant au crime très fort, de l'autre des hommes au penchant très
faible.

Quels sont les penchants sociaux menant à la criminalité?

Il est difficile de hiérarchiser les causes. Ces causes se trouvent dans la


société qui renferment en elle-même les germes de la criminalité. Il met
en évidence des facteurs démographiques : "les sociétés ont les
délinquants qu'elles méritent". A. LACASSAGNE.

Le milieu social est le bouillon de culture de la société. Le microbe est le


criminel. Il n'a d'impact que s'il trouve le bouillon.

QUETELET découvre des départements très pauvres ayant des taux de


criminalité très faibles tandis que d'autres départements plus riches ont
des taux de criminalité très élevés. Il conclut que les distorsions entre les
possibilités matérielles et les aspirations des individus mènent à la
criminalité. Selon lui, le passage du bien-être à la misère est dangereux.
Des brusques changements d'état donnent naissance aux crimes, surtout
si les personnes souffrant du changement d'état sont irrités par le luxe et
les différences de fortune.

L'ambition est de connaître les causes sociales de la criminalité est liée à


la volonté de combattre le crime en incitant les gouvernements à la
réforme. La prévention est primordiale. La justice de prévention est un
recours plus efficace qu'une justice de répression. Il faut intensifier
l'instruction et l'éducation morale.
1.4. L'évolutionnisme de Charles DARWIN

DARWIN a les mêmes préoccupations que QUETELET et COMTE. Il veut "


mettre de l'ordre". L'idée centrale de DARWIN est la persistance des plus
aptes à la conservation et à l'élimination des sujets qui présentent des
variations nuisibles.

Les ancêtres de l'homme constituent un lien de continuité avec les


formes de vie les plus simples. L'homme est envisagé comme une
créature de l'univers comme les autres sans lien privilégié avec Dieu. Il
est déterminé par son passé et ses antécédents biologiques. Le
comportement de l'homme ne peut être le résultat du libre arbitre.

A la fin du 19 ème siècle, les théories de Gall tombent en désuétude mais


on conserve la distinction entre infractions liées aux circonstances et
celles liées aux penchants.

Les phrénologues croyaient au déterminisme biologique mais ne


pouvaient expliquer pourquoi deux personnes ayant les mêmes
caractéristiques crâniennes, soumises aux même conditions extérieures
pouvaient avoir des comportements différents. Le facteur héréditaire
constituerait le point de jonction, les tares héréditaires expliquant les
différences. L'existence d'instinct dépravé est expliqué par l'hérédité.

Selon Prosper LUCAS dans son "traité philosophique et physiologique de


l'hérédité naturelle", les facteurs du milieu social sont présentés comme
des facteurs accessoires pour expliquer des comportements
fondamentalement basés sur l'hérédité. Il développe une idée selon
laquelle les individus vivant dans le prolétariat vive dans un milieu si
défavorable que leur penchant supérieur s'en retrouvent atrophiés
tandis que les penchants animaux sont souvent sollicités. Le
déterminisme est ici modéré, Lucas affirme que l'homme est libre de
céder ou non à la prédisposition biologique.

A partir de la deuxième moitié du 19 ème siècle, on dégage les typologies


de la "race criminelle". Certains anatomistes affirment que la race
criminelle est une variété humaine marquée par des caractéristiques
particulières. On y recherche des signes, des stigmates, des constantes
relevant un différentiel d'évolution.
Arthur Bordier, professeur d'anthropologie médicale à Paris, à partir
d'une collection de crâne de guillotinés, observe un volume crânien
considérable qui, selon lui, met ne évidence des traits régressifs :

- Une faible courbe frontale mettant en évidence une infériorité


mentale quasi-préhistorique

- Une importance de la région pariétale et un renflement des arcades


sourcilières témoignent d'une monstruosité cérébrale, un retour
atavique de l'homme de l'âge de la pierre taillée.

Le criminel est une image vivante des origines préhistoriques (…) un


débris.

Selon DARWIN, le germe fécondé de l'animal supérieur est bourré de


caractères invisibles éloignés nous de plusieurs milliers de générations.

2. L 'école positiviste italienne

2.1.Le positivisme en criminologie

LOMBROSO est plus un héritier culturel qu'un pionnier. L'œuvre des


positivistes est la cristallisation d'un nouveau courant. Ils sont hostiles à
la théorie du criminel né. Les positivistes sont fidèles au programme de
COMTE : fixer la connaissance sur l'expérimentation et sur l'observation,
mesurer les faits sur l'observation plutôt que sur la théologie. Est
considéré comme positiviste celui qui adhère aux trois principes suivants
:

- "L'empirisme et pas les spéculations". Ils récusent la pensée déductive


et abstraite d'auteurs comme BECCARIA, ces pensées n'étant que vaine
spéculation.

- L'objet de la criminologie est le criminel. Le criminel est perçu comme


différent du non criminel. Le crime ne serait qu'une abstraction juridique
sans intérêts. La seule réalité qui importe est l'examen scientifique du
criminel.
- L'explication du comportement criminel se retrouve dans des
dispositions installées à demeure chez des êtres distincts des autres
hommes

Conséquence pratique : le problème criminel tient à une minorité d'être


trop enclin au crime. Il faut traiter les prédispositions et éliminer les
individus les plus dangereux.

Le crime ne résulte pas d'un choix, il a une perspective déterministe.

Le déterminisme est une doctrine philosophique, un principe selon


lequel il existerait un ordre des faits suivants lesquels les conditions
d'apparition d'un phénomène étant déterminées, le phénomène ne peut
que se produire.

Ce principe renvoie au paradigme de LAPLACE :

"Un observateur omniscient qui se pencherait sur l'univers s'apercevrait


que le monde est déterminé et il est possible de déterminer l'apparition
d'un phénomène. Il est possible d'établir des lois car l'univers reprend
des régularités".

Il serait possible d'établir des lois sociales des répartitions des faits. Les
sociologues étant chargés de rechercher des faits sociaux. Cependant, le
bilan de ces lois est mitigé, négligeant la place du chaos, du libre arbitre…

Le fatalisme donne la vision d'un univers où règne le hasard. Cet échec de


la recherche de lois a mené vers une revue des ambitions plus limitée ;
on se base plus sur des modèles et certains sociologues renoncent à
établir des lois.

Le refus du déterminisme ne conduit pas aux refus de reconnaissance de


conditionnements multiples. La multiplicité des conditionnements
permet de garder quant à soi son conditionnement.

2.2. Cesare LOMBROSO (1835 – 1909)


LOMBROSO est médecin, il a une approche biologisante de la
criminologie. LOMBROSO est considéré comme le père fondateur de
l'école positiviste. Il s'intéresse à la psychiatrie et devient professeur
d'anthropologie culturelle à l'université de Turin. Il est ensuite nommé
médecin des armées où il note systématiquement les caractéristiques
physiques de plus de 3000 soldats. Il essaye de corréler des attitudes
psychiques et étudie leurs tatouages. Il devient ensuite médecin des
prisons.

La première édition de son ouvrage "l'homme criminel" ne contient que


262 pages ; quelques années plus tard, il en fait plus de 900.

LOMBROSO fait l'autopsie du célèbre criminel VILELLA. Il découvre sur


son crâne un creux qu'il nomme fosse occipitale médiane ainsi qu'un
autre creux. Ces creux sont des particularités des primates inférieurs. Il
conclut de ces découvertes que les criminels seraient des atavus. Le
criminel atavique (traduit par la suite par FERRI en criminel né)
constitue une des classifications des criminels.

LOMBROSO entreprend des recherches sur de nombreux sujets. Il relève


des anomalies sous-tendues par l'idée de bestialité originelle. Il constitue
un atlas des régions de France où il repère 40% de criminels nés.

Sa théorie étant fortement critiquée, LOMBROSO tente de tempérer et


commence à corréler le crime avec certains facteurs sociaux pouvant
mener au crime. Sa typologie distingue :

- Atavus

- Criminel dément

- Criminaloïde (caractérisé par l'absence de stigmates physiques et de


désordres mentaux reconnaissables mais qui, sous le poids de certaines
influences, peut passer à l'acte)

- Criminel par passion ( opposé au criminel né, caractérisé par un


certain niveau de raffinement, de sensibilité)

- Femme délinquante (prostituée, avorteuse)

LOMBROSO préconise pour les femmes des peines légères les privants de
leur féminité (tonsure…)
La démarche de LOMBROSO est inductive et expérimentale; il contribue à
changer les idées des juristes de l'époque mais, se focalisant sur le
criminel, il n'envisage pas la société.

En 1886, Gabriel TARDE émet une critique en insistant sur la relativité du


crime. Ce qui est incriminé dans un lieu donné en une époque donnée ne
l'est pas ailleurs où à un autre moment. Comment un criminel naturel
peut-il être conditionné à commettre des crimes divers selon le lieu où il
vit ? De plus, les stigmates décrits par LOMBROSO se retrouvent souvent
chez des non criminels.

En 1913, l'Anglais GORING attaque cette thèse dans son ouvrage "the
english convict". Il refait des mesures de manière sérieuse et
systématique au moyen d'instruments (LOMBROSO se servait de ses
mains). Il compare les détenus anglais avec un groupe contrôle
(comprenant des étudiants et des officiers de l'armée). Se servant de
méthodes statistiques fort avancées, il distingue 37 traits physiques et 6
traits psychiques.

Il conclut qu'il n'existe que peu de différences statistiques à l'exception


de trois variables : poids, taille et Q.I. ; Les détenus anglais sont moins
grands, moins lourds et moins intelligents. Les différences sont surtout
fonctions de l'alimentation.

En 1906, lors d'un congrès, LOMBROSO explique comment l'idée lui est
venue. Il fait remonter la découverte de sa théorie à 1870. La théorie lui
serait apparue en une seule fois (comme une impétration divine). Ses
recherches auraient servis à confirmer sa thèse : "Dans chaque sauvage
sommeille un criminel". L'ethnographie du crime est la reconnaissance
de comportements incompatibles avec le développement linéaire
imaginé par les européens de l'époque. On associe à des objets de la
criminalité certains comportements : le tatouage serait le propre des
sauvages et des asociaux.

A l'époque, le crime est un agent important de l'histoire sociale. Il dégage


la distance entre les classes, les classes laborieuses étant assimilées aux
classes dangereuses par la bourgeoisie. Ces classes sont caractérisées par
des différences sociales.

En plaçant le crime au sein de l'individu, on déresponsabilise le pouvoir


en place.
Selon LOMBROSO, l'adaptation est fonction de la symétrie du corps (les
blancs sont érigés en corps parfaits) ; Il présente les peuples colonisés
comme des attardés de la civilisations.

En 1884, CORRE pose que "Les races les plus rapprochées de l'état
primordial sont considérées comme les plus criminelles or, c'est dans ces
races que l'on constate la plus grande solidarité." Il démontre que ces
peuplades sont fortement perturbées par le colonialisme.

2.3. Rafaël GAROFALO (1852 – 1934)

GAROFALO est juriste de formation, magistrat et professeur de droit


criminel à Naples. GAROFALO invente le terme de "criminologie" et
propose de rassembler toutes les sciences criminologiques derrière cette
appellation.

En 1880 dans "Criminologia", il tente de définir sociologiquement le


crime : "serait Crime, ces actes qu'aucune société civilisée ne peut refuser
de considérer comme tel et de punir comme tel parce qu'il affecterait
deux sentiments altruistes de base communs à tous les êtres humains et
à tous les âges : le sentiment de probité (honnêteté scrupuleuse) dans le
cas des infractions contre les biens et le sentiment de piété heurte dans
les cas d'infractions contre les personnes. De tels actes constituent des
crimes naturels. Il propose pour classifier les crimes de s'appuyer sur
des constatations sociologiques universelles et non pas sur des
classifications légales. Quant aux autres infractions du code pénal, il
propose de les insérer dans un code de désobéissance.

En 1878, il lance le concept de "Temibilita". Cette idée renvoie à la


capacité criminelle d'un individu et sa capacité de réadaptation après le
passage à l'acte. La capacité criminelle est la "dangerosité" de l'individu.
La base organique de la dangerosité serait héritée. Fortement influencé
par DARWIN, GAROFALO déclare, que comme toute entité naturelle, la
société doit éliminer ses tares, caractérisées par la criminalité.

Pour l'élimination, il propose trois moyens :

- La peine de mort, pour les individus dont les actes renvoient à une
anomalie permanente
- L'élimination directe par l'emprisonnement de longue durée et par la
déportation. Ce mode d'élimination ne doit pas voir sa durée fixée par le
code pénal.

- L'isolement dans des colonies agricoles, pour les délinquants


juvéniles.

Jamais GAROFALO n'évoque la resocialisation des individus. Observant, le


taux de criminalité relativement bas du Royaume Uni, il conclut qu'il est
dû au grand taux de peines capitales et d'exil prononcées.

GAROFALO propose trois conditions nécessaires pour une politique


criminelle efficace :

1. La politique criminelle doit satisfaire la demande de punition de


l'opinion publique.

2. La punition doit être suffisamment intimidante.

3. La sélection sociale qui en résulte finira par éliminer les criminels et


leurs progénitures de la société.

2.4. Enrico FERRI (1856 – 1928)

Juriste, issu d'une famille de commerçants, il s'intéresse à la statistique


appliquée au crime. Il est un réformateur des institutions criminelles,
homme politique socialiste (voire marxiste) au début de sa carrière. Il
préside la commission préparant le nouveau code pénal. A la fin de sa
carrière, il rallie le fascisme et fait partie de la commission présentant le
code fasciste.

Selon FERRI, l'étude de l'étiologie criminelle constitue un moyen


contribuer à l'évolution des institutions de contrôle social. L'école
positiviste doit protéger la société contre le crime.

Dans "Sociologia Criminale" (1884), il distingue le crime comme fait


individuel et le crime comme fait social. FERRI est conscient qu'il existe
une multiplicité de facteurs entrant en jeu dans le phénomène criminel.
Le crime est déterminé comme par une série de facteurs contre lequel
l'homme n'a aucune liberté. " Le libre arbitre n'est qu'une illusion". Il
imagine une théorie multifactorielle de la criminalité déterminée par
trois sorte de facteurs :
1. Les facteurs anthropologiques :

facteurs "constitution organique"

facteurs " constitution psychique" (anomalie de l'intelligence et des


sentiments)

caractère personnel (race, âge, profession, classe sociale…)

2. les facteurs physiques ou "cosmo – tellurique", relatif au milieu où


les individus baignent.

3. Les facteurs sociaux, résultant du milieu social (religion, densité de


population, famille…)

A partir de ces facteurs, il entreprend d'améliorer la typologie criminelle.

1. Les criminels nés présentant les caractéristiques dépeintes par


LOMBROSO. Ils ne sont pas fondamentalement liés au crime.

2. Les criminels fous agissant sous l'influence d'une maladie mentale.

3. Les criminels d'habitude : récidivistes endurcis sous l'influence de


facteurs sociaux. Il y a parmi eux des criminels d'envergure, des
professionnels du crime et des inadaptés sociaux.

4. Les criminels d'occasion, constituant la plus grande part des


délinquants, résultant d'un milieu social défavorable et d'une
constitution psychique faible. Ils ont peu de sensibilité morale.

5. Les criminels passionnels : Individus sanguins et impulsifs. Ils


passent à l'acte au grand jour, sans processions. Ils avouent
immédiatement leurs crimes et sont pris par le remords. Ils deviennent
des détenus modèles.

L'homme criminel est déterminé par ces facteurs. FERRI remet en cause
le fondement de la responsabilité pénale qui, selon lui, ne peut être basée
sur la faute. La responsabilité ne peut être fondée que sur l'idée du
risque que le délinquant fait courir à la société. Il veut substituer les
peines par des mesures de défense sociale. Il est plus important
d'empêcher le délinquant de récidiver.
Ces mesures sont fondées, d'une part, sur l'élimination des individus
dangereux, d'autre part, par les "substituts pénaux", mesures préventives
destinées à protéger la société en neutralisant le potentiel criminel des
individus. Ces mesures préviennent le crime et la récidive. FERRI pense
que le pouvoir dissuasif est très faible et que l'Etat est l'instrument qui
doit mettre en place les mesures de prévention. Ex: limitation des
horaires de travail, limitation des ghettos, éclairage nocturne des rues,
suppression des taudis, création de refuge nocturne, mesures dans
l'ordre familial…

Un des problèmes de ces substituts est que FERRI pense pouvoir élever le
niveau moral sans toucher à la sphère économique.

FERRI envisage de réunir ces mesures dans un code préventif qui


démontrerait l'importance des facteurs sociaux du crime. Il pense que le
législateur peut intervenir sur la marche du crime.

Des lois diverses de la sociologie criminelle:

FERRI produit une étude statistique où il compare la criminalité en


France entre 1826 et 1878 et celle de l'Italie à la même période.

La loi de régularité de la criminalité : La criminalité est constante dans le


temps. Tant que subsiste les conditions ordinaires de la vie sociale, la
criminalité comporte un nombre déterminé de délits se produisant avec
régularité ; si des perturbations accidentelles se produisent dans la vie
sociale, cette régularité est perturbée.

La loi de saturation, articulée avec la loi de sursaturation : comme dans


un volume de liquide donné à une température donnée, se dissout une
quantité donnée de substance chimique, de même dans un milieu social
donné avec des conditions individuelles et physiques déterminées, il se
produit un nombre donné de phénomène criminel. La sursaturation a
lieu dans un changement de régularité. Suite à un événement social, la
quantité de crime augmente, comme une plus grande quantité de sel peut
se dissoudre si la température augmente.

L'environnement social donné influence les crimes. Certains facteurs ont


un impact individuel, d'autres ont un impact social.
Conclusion du positivisme :

Le positivisme peut se résumer par le poids des recherches empiriques


sur la criminalité et l'environnement du criminel.

Le comportement est dans une large mesure déterminée.

Il a pesé dans la réforme des mesures pénales.

Il a suscité des résistances de juristes qui voulaient gardé une peine


déterminée ; les positivistes voulaient un traitement médical.

L'opposition entre pénalistes et positivistes. Au milieu du19ème siècle,


des conflits opposent des auteurs comme CARRARA qui défend des
principes néoclassiques et des penseurs comme ELLERO qui développe
une conception préventive de la peine. La prévention s'oppose au
classicisme et se structure à la fin du 19 ème siècle par la création d'une
série de revues. Le positivisme devient une doctrine de droit pénal, il
dispose de disciple, se diffuse et contribue à influencer le droit pénal
surtout en matière de défense sociale. Elle fait passer la défense de l'Etat
avant la protection des individus. Ils ont l'idée d'un impérialisme
scientifique sur le droit pénal.

"Sociologia criminale" est une œuvre centrale. FERRI affiche sa


sympathie pour le mouvement fasciste et pour le programme de
politique sociale dont l'axe central consiste à réaffirmer l'autorité de
l'Etat vis-à-vis des abus du principe de liberté.

3. Crime et naissance de la sociologie au 19 ème siècle.

A.M. GUERRY dans son "essai sur la statistique morale en France" se


penche sur des chiffres de 1825 et 1830, il répartit les départements en
cinq régions et met en évidence une constante et une régularité des
chiffres de la criminalité. Il met en évidence un profil type de la
criminalité (Masculine, jeune, urbaine et pauvre). Cette constance serait
le signe que le comportement humain est soumis à des lois.

En 1843, E. DUCPETIAUX analyse la condition physique et morale des


jeunes ouvriers. Il met en évidence entre misère et crise économique
d'une part et la criminalité d'autre part. En 1845, ENGELS met en avant
un déterminisme de nature économique. La criminalité serait la
conséquence d'un dysfonctionnement de la structure sociale. Cette
critique sociale est suivie par les philosophes libéraux et les catholiques.
Cette prise de conscience ne va pas remettre en cause l'ordre social
capitaliste. Ils seront essentiellement réformiste.

L'école socialiste a deux grands représentants : ENGELS et MARX. Ils


proposent des solutions radicales. Le crime n'est pas un élément central
mais il sert d'indicateur dans leurs démonstrations. Ils ne considèrent
pas la criminalité comme un désordre social mais comme une
caractéristique de l'ordre social capitaliste, une production sociale
résultant logiquement de l'Etat des rapports sociaux existants. Lorsque
ENGELS analyse en 1845 la classe laborieuse au Royaume-Uni, la
présentation faite de la criminalité et de la classe sert a appuyer
l'oppression.

Selon MARX, "un criminel produit des crimes mais produit aussi le droit
pénal, les professeurs de droit criminel… Il produit aussi la police, le
droit judiciaire, les jurés, les juges, les avocats, de la littérature… Le crime
éliminerait une partie excédentaire de la population du marché du
travail. Le crime diminue la concurrence entre les ouvriers et empêche
les salaires de tomber sous un certain minimum. Par la réaction sociale,
le crime absorbe une partie de la population (agents carcéraux…)

3.1 Emile DURKHEIM

Le fonctionnalisme :

En mathématiques, la fonction évoque une correspondance entre deux


quantités. En biologie, on fait la distinctions entre organes et fonctions.
En biologie, la fonction est l'ensemble d'opération que les organes
effectuent pour le maintien de la vie.
DURKHEIM et SPENCER empruntent les explications organicistes pour les
appliquer au modèle social. La société est conçue comme une collectivité
harmonieuse d'individus. Les parties constituantes de la société ont une
fonction. Un phénomène social ne peut s'expliquer que par sa fonction et
les fonctions sont reliées aux besoins sociaux. Il faut chercher
l'explication des phénomènes sociaux dans d'autres phénomènes sociaux
et pas dans la psychologie individuelle.

R.K. MERTON distingue la fonction manifeste et la fonction latente.

Manifeste, la fonction est reconnue par la société, elle est intentionnelle.

Latente, fonction intentionnelle ou non - intentionnelle mais non –


reconnue. (ex: Le diplôme fonction manifeste: donner à l'emploi ;
fonction latente : effectuer un tri social).

DURKHEIM propose une autre approche du phénomène criminel, "un fait


social s'imposant à l'individu". Le phénomène lui est extérieur. Les faits
sociaux maintiennent l'équilibre social. La fonction est de maintenir
l'homéostasie. Les tensions dans la société sont une préparation à un
monde meilleur (liaison à une vision du progrès).

DURKHEIM cherche à identifier les propriétés intrinsèques du crime, son


élément permanent et général.

1) Il recherche cet élément en étudiant les convergences entre crime


punis en tous temps et en tous lieux, un noyau dur. Cette comparaison ne
rassemblant qu'un petit nombre de crimes, la méthode est abandonnée.

2) Ce qui est commun à tous les crimes, c'est le fait d'être


universellement réprouvé par les membres d'une société donnée.
Pourquoi dans chaque société, certains éléments sont-ils appelés crimes
et provoquent cette réaction sociale appelée peine ? Pourquoi érige-t-on
un comportement en crime ?

Il envisage successivement trois hypothèses :

1) Ces actes provoquent de la nuisance sociale (critère utilitariste).


Seraient criminalisés les actes à danger social. Il rejette cette hypothèse
pour trois raisons :

On trouve un nombre d'actes érigés en crime sans que par eux-mêmes ils
ne soient nuisibles pour la société.
Nombre d'actes font l'objet d'une répression sans aucune relation avec
leur degré de nuisance alors qu'il existe des actes plus nuisibles pour le
corps social qui sont moins réprimés

Il existe des actes désastreux pour la société qui ne sont réprimés du


tout.

2) Les actes incriminés sont ceux qui altèrent des sentiments moraux
reconnaissables (Cf. GAROFALO). DURKHEIM élimine cette hypothèse car
elle n'est pas scientifique, les sentiments moraux étant variables et
changeants.

3) Un caractère commun à tous les crimes, c'est le fait que dans toutes
sociétés, les crimes sont des actes qui froissent avec une certaine
intensité les sentiments communs d'une grande moyenne des individus
composant une société. Est donc criminel un acte qui froisse les états
forts et définit la conscience collective.

DURKHEIM ouvre une brèche importante, il récuse le crime naturel.


Implicitement, il rejette le crime par essence, le criminel pathologique.
Un acte n'est crime que si nous le réprouvons ; le processus de définition
est lié à la réaction sociale. Le crime n'a pas de carton ontologique, il
n'existe pas en tant que tel. Il est relatif à un ensemble de croyance.

Le crime est normal et utile. Il est normal car il s'observe dans les
sociétés de tous types. Il ne constitue pas une maladie mais un
phénomène sociologique normal. Le crime peut présenter des formes et
des taux anormaux mais il reste normal s'il ne dépasse pas un certain
seuil.

Son utilité émane de l'évolution de la conscience sociale. Ainsi, le crime


peut être une anticipation de la morale à venir (ex: la liberté de pensée
n'a put être consacrée que parce que les règles la prohibant ont été
violées). Dans cette approche, le criminel a un rôle d'agent social
régulier.

3.2. Gabriel TARDE

TARDE ne renie pas le facteur anthropologique mais renvoie le crime au


milieu social et à l'environnement. La majorité des voleurs et des
meurtriers ont été livrés à eux-mêmes. Ils deviennent des criminels non
pas par atavisme mais parce qu'ils en ont choisis le métier. Ils ont fait ce
choix à l'intérieur d'une série de contraintes dictées par la misère, la
dissolution sociale, la crise de religion…

Les lois de l'imitation (1890) : TARDE utilise l'idée d'imitation. Selon lui,
tous les actes importants sont dictés par un mécanisme de copie. Il émet
trois règles de l'imitation :

1. Les hommes s'imitent d'autant plus qu'ils sont rapprochés.

2. Le supérieur est plus imité que l'inférieur.

3. Les modes jouent un grand rôle dans le choix de l'imitation. Quand


deux modèles sont incompatibles, la mode la plus récente l'emporte sur
la plus ancienne.

Il utilise ces lois pour expliquer l'évolution historique du crime. Le


peuple ne fait qu'imiter les vices des aristocrates et des classes
dirigeantes. Les campagnes imitent les villes. Cependant, ces mécanismes
ne sont pas inéluctables et comme ces lois ne sont pas automatiques, la
responsabilité pénale doit subsister et la peine doit être individualisée
sur des bases psychologiques.

Conclusion :

L'individu ne choisit pas. Il est engagé par des influences


psychosociologiques. Ils ont été à l'école du crime et pratiquent le crime
comme un métier.

Dès l'origine, le discours médical prime. On emprunte des éléments


cliniques pour approcher le criminel. La société est représentée comme
un organisme biologique qu'il faut protéger d'une maladie. Les juristes
n'appartiennent pas aux écoles positivistes et du milieu social. A partir
du 20 ème siècle, les juristes tentent de s'imposer dans les congrès
d'anthropologie. Ils tentent d'imposer le juridique comme cadre
nécessaire d'analyse. La criminologie en Europe trouve refuge dans le
droit. On part d'une criminologie empirique qui se développe vers une
criminologie stabilisée et considérée comme juridiquement correcte. Le
droit fera bon ménage avec la criminologie clinique.
On assiste aux USA à une perpétuation des travaux sociologiques dès les
années 1920.

Chapitre 3 : La criminologie sociologique au XXème siècle.

1. les grands courants de la sociologie de la déviance américaine

Pourquoi la sociologie de la déviance se développe-t-elle au début du 20


ème siècle aux USA ?

a) La première guerre mondiale affecte fort l'Europe et ses


sociologues. Ils trouvent aux USA un terrain fertile : d'énormes
problèmes sociaux, les villes prennent des dimensions spectaculaires.
Les villes sont confrontées à des problèmes d'inadaptations. Les pouvoirs
publics américains font appel aux sociologues car il est urgent de réagir à
cette réaction sociale. L'ordre social vacille. Un des premiers objets
d'étude des sociologues sera le crime car la délinquance va être liée à des
problèmes sociaux.

b) Le développement d'un marché de la recherche criminologique dans


les universités américaines.

Suite à la première guerre mondiale, il y a une fuite des cerveaux vers les
Etats-Unis. Les USA deviennent leaders de la sociologie mondiale. Les
sociologues contribuent à la mise en place d'une politique publique. Ils
interviennent dans la "prise du pouls" de la société. Les conflits sont
difficilement séparables de l'évolution de la société américaine.

Les sociologues américains ont une façon différente d'appréhender le


crime, les problèmes. A partir d'un schéma de recherche, ils envisagent
la sociologie du crime. La sociologie de la déviance américaine analyse le
crime en terme de milieu (quartiers, cités, zone de la ville…), culture,
fonction, liens sociaux, interactions…
Il est classique de distinguer différents courants en fonction des secteurs
d'analyse. Chaque courant propose un cadre d'analyse qui énonce les
problèmes à poser, les phénomènes à observer dans la réalité et la
manière de les mesurer.

L'école de Chicago à comme concept fondamental le milieu au sens de la


communauté écologique. Les éléments d'analyse résident dans
l'observation des forces de l'environnement. Les facteurs d'explication
sont imaginés en termes d'organisation ou de désorganisation.

Le culturalisme : la délinquance est un système culturel. Les éléments


d'analyse sont l'observation des groupes d'individus, les facteurs
d'explication sont trouvés en termes d'acculturation, de déculturation et
de socialisation.

Le fonctionnalisme (dans les années 1950) : le fonctionnalisme a comme


concept fondamental, la structure sociale. La délinquance est envisagée
comme la conséquence du mauvais fonctionnement de la structure
sociale. Les éléments d'analyses seraient l'étude des statuts des
individus, les facteurs d'explications, l'étiologie qui renvoie à des
dysfonctionnements.

Le rationalisme : "l'acteur rationnel choisit les moyens qui conviennent à


son but". Le rationalisme considère les précédentes approches comme
trop déterministes.

L'interactionnisme symbolique a comme concept l'interaction. La


délinquance serait le produits d'interactions entre individus. On observe
les rôles, stratégies, tactiques. Les explications sont trouvées en termes
d'étiquetage social.

Les théories critiques (ou néo-marxistes) : mise en avant du système


politique et économique. C'est une sociologie militante envisageant le
crime comme un résultat d'une domination. Ils visent la transformation
des rapports sociaux.
1.1 L'école de Chicago

L'école de Chicago désigne l'ensemble des travaux réalisés entre 1915 et


1940 par les chercheurs, enseignants et étudiants de l'école. L'école de
Chicago a trois caractéristiques : il s'agit d'une sociologie urbaine,
réformiste et empirique.

Urbaine : L'école de Chicago s'est consacrée aux problèmes des villes et


surtout de l'immigration (en 1840, Chicago compte 4500 habitants, en
1930, elle en compte 3 500 000)

En 1900, plus de la moitié de la population américaine est née hors du


territoire des USA. Après 1914, un nouveau flux d'immigration noire
venant du sud grossit les populations des villes.

Réformiste : L'école de Chicago a une ambition pratique. Elle désire


apporter des solutions. Ils participent à la formation de travailleurs
sociaux.

Empirique : L'école de Chicago descend sur le terrain et est très créative


en matière sociale

Pour appréhender la réalité, il faut s'en imprégner longuement. Ils font


des anamnèses des délinquants, analysent les archives des tribunaux.

Leur modèle théorique est emprunté à l'écologie animale (étude des


rapports entretenus entre les êtres vivants et leur milieu). Cela suppose
un modèle de causalité particulier. L'ensemble des rapports et
interactions est à chercher dans un espace limité. Tout élément peut être
impliqué dans une relation causale. L'école de Chicago enregistre un
nombre élevé d'événements mais limités dans un espace restreint.
L'habitat et les habitants prennent le trait d'un système clos. Ce système
est un équilibre précaire entre des individus différents et un
environnement.

Les théories écologiques de la délinquance apparaissent ainsi que le


concept de désorganisation sociale, affectant le développement des
grands centres urbains américains. Des thèmes tels que l'immigration,
l'assimilation sont des dimensions culturelles mais l'école de Chicago ne
se réfère pas au culturalisme. Ils ne prennent pas la culture comme objet
d'analyse. La désorganisation sociale est le déclin de l'influence des
règles de comportement sur les membres d'un groupe. Cette définition
rompt avec les notions de problèmes sociaux et de pathologies sociales.

La notion de désorganisation sociale est précisée par Robert PARK. " Elle
résulte d'une interprétation des changements sociaux liés au
développement des grandes industries et aux transformations du
contrôle social qui en découlent."

Le contrôle social dans les zones rurales est informel et régule le


comportement. Il est direct. Dans les villes, le contrôle repose sur des
principes abstraits mis en œuvre par des institutions formelles.

Il y a un affaiblissement des contraintes sur le groupe primaire. Cet


affaiblissement est responsable de l'augmentation de la délinquance.

Il y a deux recherches majeures sur le sujet :

"The gang. A study of 1313 gangs in Chicago" de Frederik TRASHER en


1927. TRASHER constate la localisation géographique de la délinquance
juvénile. Il l'explique par une théorie de l'urbanisation. Historiquement,
la ville industrielle s'est développée de sorte que le centre-ville comporte
bureau et magasins. Les quartiers résidentiels se trouvent dans la
périphérie. Dans l'espace intermédiaire entre périphérie et centre-ville,
se rassemblent les immigrés et les noirs. Cet espace est appelé espace
interstitiel. Les immigrants y prennent racine. L'accoutumance ne se fait
pas sans problème et la population y change souvent. Selon TRASHER, la
délinquance juvénile est un phénomène d'acclimatation de conditions
socio-démographiques difficiles. La délinquance remplit les zones de
fractures sociales.

Selon lui, les membres du gang considèrent l'espace urbain comme un


espace particulier échappant à la propriété commune. Ils défendent leurs
territoires contre les invasions des membres d'autres gangs. Un
étranger ne peut connaître les limites d'un territoire mais les
autochtones les connaissent. La symbolique de l'espace est prégnante et
fait appartenir à une bande. L'appartenance a un quartier est plus
déterminante que l'origine ethnique. A cet isolement spatial correspond
un isolement culturel où certaines activités ont une symbolique
particulière (ex : le vol est considéré comme une activité sportive).

Il conclut que pour comprendre ces pratiques, il faut partir de l'espace


urbain où vivent ces bandes. Les bandes ne sont pas désorganisées, elles
sont une forme de structure sociale, création spontanée des adolescents.
La société conventionnelle ne leur convient pas. La sociabilité ne peut pas
être articulée avec les institutions de la société. La désorganisation est le
produit du développement des forces non contrôlées de
l'environnement.

TRASHER analyse la structure des gangs. Les gangs naissent


spontanément de rencontres fortuites. Progressivement, le gang se
structure (émergence des leaders…), se soude par l'expérience du conflit
avec d'autres gangs ou avec la société. C'est dans ces conflits que le gang
peut dégénérer. Les gangs sont instables, se restructurent sans cesse ou
disparaissent (départ du leader…). Les gangs comblent un manque chez
les jeunes. Dès que les jeunes ont goûté à la vie palpitante des gangs,
toutes les activités et les programmes des autres institutions paraissent
insipide.

"Juvenile deliquency and urban areas" de Clifford SHAW et Henry MC KAY


en 1942. SHAW est un praticien, MC KAY est statisticien. Ils partent de la
même problématique que TRASHER mais utilise une méthodologie
différente. Ils analysent des dossiers judiciaires répartis en trois
périodes de temps1900-1906, 1917-1923, 1927-1933. Ils reportent sur
une carte le lieu d'habitation des jeunes. Les zones de délinquance se
retrouvent dans un anneau entourant le centre-ville où le taux de
chômage est très élevé, où il y a beaucoup de maladies, de familles
divorcées, de problèmes sociaux...

Ces quartiers ont un taux de délinquance élevé alors que la population


s'est considérablement modifiée. Quand un groupe entre dans ces zones,
la délinquance au sein de ce groupe augmente, quand il le quitte, le taux
diminue. La délinquance est un aspect de la vie sociale. Ces contacts sont
personnels et collectifs dans ces zones. SHAW et MC KAY développent le
concept de "zone urbaine de détérioration morale" caractérisé par un
taux élevé de criminalité et des conditions économiques défavorables.

Ils relèvent trois facteurs :


Un statut économique précaire, l'hétérogénéité de la population et une
forte mobilité des populations conduisent à un relâchement des
contrôles sociaux traditionnels et des formes sociales de contrôles. Ils
constatent que la socialisation entre pairs est important dans la
délinquance. Dans les condamnations prononcées en 1928, il apparaît
que 82% des jeunes n'ont pas agis seuls.

Les zones urbaines de détérioration morale fournissent 60% des jeunes


condamnés.

Le travail "The Jack Roller" de Clifford SHAW est un travail visionnaire. Il


démontre à quel point la justice pénale peut être inefficace et peut avoir
des effets pervers. Il met en évidence que le formalisme du traitement
nuit aux jeunes. Il conclut que le traitement n'est pas dissuasif mais
favorise l'encrage dans une carrière. SHAW préconise la prévention
prenant forme à partir d'habitant du quartier. Il insiste sur l'importance
de la proximité.

En 1932, il lance lui-même le programme des "Chicago area project" pour


faire baisser le taux de délinquance. Il crée des associations ayant une
harmonie culturelle conseillée par des personnes extérieures. Le but est
de créé des programmes d'activités récréatives, surtout en été.

1.2. Le culturalisme

Les principaux organes de transmissions de la délinquance sont les


bandes de jeunes. La délinquance est transmise comme par tradition. La
transmission de la délinquance est un facteur culturel qui permet
d'introduire une relation entre taux important de délinquance et aires de
désorganisation sociale. Sans le facteur culturel, on se contente d'une
simple observation. Il y a un culturalisme en germes dans les travaux de
SHAW et MC KAY.

C'est un enchaînement de voir le culturalisme succéder à l'école de


Chicago. S'ajoute au facteur culturel, un facteur économique. On constate
que les populations connaissant un taux élevé de criminalité sont, en
général, les dernières arrivées dans la ville et les plus démunies. On note
un glissement du milieu écologique au milieu culturel.
Le culturalisme : la culture couvre les activités créées par l'homme, qui
s'opposent à la nature. Tous les peuples ont une culture. La thèse du
relativisme culturel conduit à accorder un même degré de dignité à
toutes les cultures.

L'école culturaliste américaine développe deux axes de théories

1. La culture est un ensemble

2. La culture est un patrimoine commun à tous les membres d'une


société, susceptible de se transmettre de génération en génération en
gardant sa cohérence. Cette cohérence implique que la socialisation
donne des produits, des individus plus ou moins similaires.

Margaret MEAD et Ruth BENEDICT, anthropologues, ont observé que


chaque culture est organisée selon une configuration marquée par des
traits saillants. Ce modèle culturel forge une personnalité typique pour
ses membres.

L'idée de transmission culturelle, d'hérédité sociale est dominante. Dans


la culture existe un répertoire de rôle définissant les règles de société.

La culture détermine les comportements, vivre dans une société


déterminée correspond à adopter des normes de conduites précises.

Une des critiques formulées à l'égard du culturalisme est qu'à trop


vouloir attacher un individu à une société, on ne tient pas compte de ses
origines. On ne peut vivre deux cultures à la fois. Une personnalité doit
être unique et entière.

Le culturalisme substitue au problème de distribution géographique de


la population, aux questions d'équilibre et de déséquilibre, le problème
de socialisation et de différence des cultures entre individus. Une analyse
psycho-culturaliste prédomine.

Comment des nouveau-nés sont-ils transformés en individus


particuliers ?
La délinquance est envisagée soit comme le produit d'une transmission
culturelle, soit comme un conflit de culture, soit comme le produit du
développement d'une sous- culture.

La théorie d'Edwin SUTHERLAND insiste sur les variables situationnelles.


Elle ne nie pas l'importance de variables comme la personnalité mais
considère que cela s'explique d'avantage par l'apprentissage,
l'acquisition que par des traits de personnalité. Il considère qu'existe une
culture délinquante comprenant des techniques (vols…) mais aussi une
culture morale par rapport à ce comportement et des définitions de
situations particulières qui exigent où justifient la délinquance.

Ce sous- système permet les formes de la délinquance dans des situations


particulières. Les attitudes, connaissances, croyances doivent d'abord
exister dans un environnement culturel dans lequel baigne le délinquant
avant d'être incluse dans sa personnalité comme tous les autres types de
culture. La procédure est la même pour la délinquance et le
conformisme.

Ces théories minimise la particularité du crime et maximise l'humanité


du délinquant.

SUTHERLAND propose la théorie des associations différentielles, théorie


générale de la délinquance.

SUTHERLAND est diplômé de l'école de Chicago. Il critique les


corrélations entre délinquance et désorganisation sociale. Il critique la
méthodologie de SHAW et MC KAY. Les enregistrements des tribunaux ne
rendant pas compte de la criminalité réelle (cf. Chiffre noir), l'échantillon
est donc biaisé.

SUTHERLAND réalise un travail sur les criminels en col blanc. Il


s'aperçoit que la criminalité se rencontre dans toutes les classes sociales.
Certaines classes sociales bénéficient d'une protection face au système
répressif. Il propose d'élargir le champ d'étude à tous les actes violant la
loi, même s'il n'y a pas eu de poursuite.

Il se concentre aussi sur les apprentissages. Cette voie de recherche est


liée au fait que dans les bas- quartiers, tous les habitants n'ont pas de
conduites délictueuses.
Qu'est-ce qui conduit un individu à entrer ou non dans le crime ?

La théorie des "associations différentielles" : le comportement criminel


n'est ni inhérent au délinquant, ni inventé par lui. Il est appris,
principalement au sein de petits groupes. Cet apprentissage comprend
les techniques, l'orientation des pulsions, des mobiles et des
rationalisations. Ils se donnent des bonnes raisons de commettre des
délits.

Cf. Concept de David MATZA : les techniques de "neutralisation". Tous les


délinquants adhèrent aux mêmes valeurs que les conformistes. Le
délinquant ne se voit pas comme plus mauvais malgré le fait qu'il
reconnaît son activité de délinquant. Ils utilisent pour s'accommoder des
techniques de neutralisation qui maintiennent des images d'eux-mêmes
assez proche du conformisme. : minimisation du mal causé, négation de
la victime (lui refuser la reconnaissance d'être humain), condamnation
des censeurs (ne pas reconnaître la légitimité des institutions
répressives), "appeal to higher loyalties" (code d'honneur)…

L'orientation des mobiles, des pulsions est fonction de l'interprétation


favorable ou défavorable que fait un individu de la violation des
dispositions légales. Un individu devient délinquant quand les
interprétations favorables à la transgression de la loi sont plus attirantes
que l'interprétation défavorable. On devient délinquant parce qu'on
s'associe à un modèle criminel sans avoir accès à des modèles contraires.
Chaque individu apprend la culture de son milieu d'autant plus qu'il n'a
pas de modèle contraire.

SUTHERLAND ne parle pas d'associations entre criminels et non-


criminels mais d'associations entre interprétation favorables et
défavorables à la transgression de la loi. On peut côtoyer peu de
criminels et être très exposé à la tentation. Même si l'on fréquente
beaucoup de criminels, de nombreuses formes de comportements
criminels peuvent paraître défavorables. Ex: un voleur peut être
défavorable au meurtre ou au viol. Les attitudes pro- délictueuses
peuvent être enseignées par une personne pro- conformiste.

SUTHERLAND observe que toutes les associations différentielles ne sont


pas de poids égal. Certaines associations ont un impact variant selon
quatre facteurs : fréquence, durée, antériorité et intensité.

Fréquence : plus on est exposé à un modèle criminel, plus le risque


augmente.

Durée : plus les contacts sont longs, plus le risque augmente.

Antériorité : un comportement criminel adopté dès la petite enfance peut


persister toute la vie. Un enfant peut être élevé à la délinquance.

Intensité : l'intensité renvoie au prestige du modèle criminel ou non


criminel.

D'un point de vue technique, les mécanismes d'apprentissage criminels


sont les mêmes que tout autre apprentissage. La théorie de SUTHERLAND
ne peut pas être ramenée à une posture de sens commun. Il problématise
l'interaction. Selon lui, les conduites individuelles dépendent de celles
des autres non pas mécaniquement mais par un jeu d'ajustement
mettant en œuvre une activité d'interprétation. Les individus font des
choix parmi les modèles proposés.

SUTHERLAND a cependant trop accentué l'entourage du délinquant. Les


facteurs macro- sociaux jouent aussi un rôle important. Ex: la
délinquance de l'individu peut être reliée à des expériences sociales
diverses comme le rejet des institutions, l'échec scolaire…

On lui reproche de ne pas pouvoir expliquer l'existence de la culture


criminelle et de ne pas tenir compte des problèmes liés à la
personnalité. Le prestige du modèle culturel n'est pas le même pour tous,
cela dépend de variables individuelles.

1.3. Le fonctionnalisme
"Chaque statut (position sociale) définit le rôle (comment se comporter
avec les autres)"

Le statut est une position sociale dans un réseau de relation sociale. De la


même façon qu'un individu entretient plusieurs relations sociales, il
occupe plusieurs positions. Chaque statut définit pour celui qui l'occupe
un ensemble de relations bien définies avec les autres. Chaque position
définit un contrat vis-à-vis des autres positions. Le contenu des contrats
est appelé le rôle, c'est-à-dire avoir tel ou tel statut conduit à tenir tel ou
tel rôle.

Chaque individu occupe diverses positions simultanément. Ex: un


magistrat peut être à la fois catholique, conservateur, marié, père de
famille… Cet individu occupe successivement les différents rôles.

En comparaison avec le culturalisme, on peut signaler que chez les


culturalistes, les conduites sont différentes car les cultures sont
différentes ; Chez les fonctionnalistes, l'accent est mis sur la grande
diversité des conduites d'individus appartenant à une même culture.

Pour les fonctionnalistes, les conduites sont différentes car au sein d'un
même système culturel, les statuts sociaux sont très divers. Il n'est pas
utile de s'interroger sur la personnalité de base d'un individu, il est
préférable de rechercher le type d'individu définit comme pertinent pour
occuper tel ou tel statut.

Plutôt que de s'interroger sur la personnalité des individus, le


fonctionnalisme s'intéresse à la façon dont la structure sociale attribue
les statuts aux individus. A partir du moment où les rôles et les statuts
que les membres d'une culture peuvent exercer sont différents, on ne
peut régler le problème de l'apprentissage à partir de l'intériorisation
d'un modèle culturel commun. L'asocialisation n'est pas un problème
culturel car il n'y a pas de modèle culturel commun à intérioriser. La
socialisation est un mécanisme de sélection des individus dont la
fonction est de pourvoir à des positions définies par la structure sociale.

Comment les fonctionnalistes peuvent-ils expliquer les conduites à


caractère standardisé s'il n'y a pas de culture ?
La théorie de l'anticipation : si dans la grande majorité des cas, les
individus n'enfreignent pas les systèmes de normes régissant les
relations sociales, ce n'est pas parce qu'ils ont, dès l'enfance, intériorisé
un modèle, mais parce qu'ils anticipent les rôles qu'ils peuvent être à
même d'occuper.

Ex: dans une vision fonctionnaliste, l'individu qui désire devenir


magistrat évite d'adopter des comportements illicites et répréhensibles
et adopte le profil du "bon sujet". Il faut répondre à l'attente des
individus avec qui il sera en relation.

L'adoption de ces comportements s'appelle l'anticipation statutaire.

L'individu s'interdit les écarts de comportement qui pourraient rompre


l'équilibre du système, l'homéostasie (cf. E.DURKHEIM). (Cf. "Le cercle
des poètes disparus" un professeur ne remplissant pas son statut social
est renvoyé). A terme, l'équilibre du système social global est menacé.

Le problème de la motivation des conduites renvoie à un problème


central, celui du fonctionnement du système social. Le système social
global est composé d'éléments interdépendants, des sous-systèmes. Dans
le culturalisme, le système se limite à la relation individu / société.

Robert King MERTON produit un travail dans lequel la délinquance


s'inscrit dans une théorie de l'anomie.

Ex: l'achat de biens de consommation : le but de l'accumulation de biens


a pour fonction manifeste la consommation.

Selon VEBLEN, en 1928, un criminologue ou un sociologue doit prendre


en compte la fonction latente des biens de consommation. Parmi les
fonctions latentes de la persistance de la consommation, il y a celle de
symboliser une puissance pécuniaire. La consommation ostentatoire
maintient une certaine forme de prestige.

Il y a donc une satisfaction de consommer mais aussi le résultat d'élever


ou de confirmer son statut social. Il y a un paradoxe dans le sens où les
gens achètent des choses chères moins parce qu'elles sont meilleures
que parce qu'elles sont tout simplement chères.

DURKHEIM a appliqué le concept d'anomie au suicide ou à la division du


travail social. L'anomie serait la maladie d'une société privée de règles
morales ou juridiques conduisant à la désagrégation d'une société.

MERTON, en 1938, établit les fondations d'une théorie générale sur base
de l'anomie. Cette théorie sera, par la suite, reprise, étudiée et critiquée.
MERTON approfondit une distinction entre trois points (qui se
retrouvent implicitement chez DURKHEIM). Le fonctionnement de la
société repose sur ces trois variables.

1) Les buts culturels qui sont les désirs et aspirations que la culture
inculque aux hommes. Ces buts constituent un aspect de la structure
sociale.

2) Les normes sont l'ensemble des règles sociales prescrivant aux


hommes les façons de faire que l'on peut légitimement employer pour
atteindre les buts culturels.

3) Les moyens institutionnalisés : sont les possibilités offertes par la


société pour accomplir les buts culturels d'une manière compatible avec
les normes.

MERTON observe que les sentiments de frustrations, de désespoir,


d'injustice, ce qu'il appelle la tension sociale (théorie de la tension). Ces
éléments ne dépendent pas directement de ces variables mais de la
relation entre elles. Cela peut pousser les individus à ne pas respecter les
normes.

L'interaction entre les trois variables détermine la tension socialement


structurée. La structure culturelle peut prescrire des buts identiques
pour tous les membres de la société ou des buts différents pour tous les
individus occupant différentes positions sociales.

Il remarque que la société américaine prescrit le but culturel de réussir


dans la vie en termes de biens pécuniaires et matériels. Les normes ne
diffèrent cependant pas selon la classe sociale.
Pourtant, les possibilités d'accomplir les buts varient considérablement
selon les positions sociales. Cette situation engendre frustration et
développement de tension sociale (surtout dans les classes inférieures).

Cette disjonction conduit à un affaiblissement des hommes envers les


buts culturellement prescrits et les moyens institutionnalisés. Cela
conduit à une situation d'anomie. Selon MERTON, l'anomie n'est pas la
conséquence d'un état morbide de la société (opposition à DURKHEIM).

La structure sociale est plus importante que la pauvreté dans la déviance


(la criminalité est moins élevée dans les pays très pauvre que dans
certains pays riches).

Des conduites sociales en apparence différentes peuvent relever de la


même explication (on peut expliquer tant la criminalité en col blanc que
celles des pauvres).

L'un des buts portés sur l'échelle des valeurs est l'argent. De tous cotés
s'exerce sur les individus une pression valorisant un combat sans
relâche, or les mécanismes économiques ne permettent pas à tous
d'accéder à la richesse. Chaque individu tente à sa façon de réduire la
pression sociale. MERTON met en évidence cinq façons d'éviter et de
s'adapter aux disjonctions.

Mode d'adaptation Buts Moyens


1. Conformisme + +

2. Innovation + -
3. Ritualisme - +
4. Evasion - -
5.Rébellion -/+ -/+

Ces types d'adaptations ne prennent pas en compte la psychologie mais


le rôle de la société économique. Il envisage l'adaptation en fonction en
fonction de deux variables : le but (les accepter ou les rejeter) et les
moyens (idem).
Le conformisme : l'individu adhère au but et aux moyens. Vu que la
société est relativement stable, ce mode est le plus répandu.

Les modes suivants constituent des genres de comportement déviant.

L'innovation : les innovateurs adhèrent au but mais rejette les moyens


légitimes (ex: le voleur adhère au but de l'argent mais rejette les moyens
légaux) Il y a des innovateurs chez les délinquants en col blanc. Il y a des
innovations douteuses à la limite de la malhonnêteté. Ce mode
d'adaptation se retrouve surtout dans les classes inférieures car les
moyens légitimes y sont moins accessibles.

Le ritualiste n'adhère pas au but mais fait des moyens une vertu. Ils sont
surconformistes quant aux moyens (ex: le bureaucrate suivant les règles
aveuglement sans tenir compte du but final auquel elles ont été
affectées). Ce mode est très répandu dans les classes moyennes
inférieures.

L'évasion : ceux qui s'évadent se retirent de la compétition sociale (ex :


vagabonds, alcoolique…). Les personnes utilisant ce mode sont rares et
sont, en général, condamné par les bien pensants.

La rébellion : les rebelles se détournent du système social et culturel


qu'ils trouvent injuste et essayent de reconstituer une société sur de
nouvelles bases. Ces personnes ont compris qu'étant donné que l'origine
de leur frustration est la situation sociale, il faut en changer.

Cette explication est plus large qu'une simple conception de la


délinquance. Les comportements délinquants sont déviants mais tous les
comportements déviants ne sont pas forcément délinquants.

Cette théorie demeure incomplète. MERTON examine les déterminants de


la tension, les réponses à la tension. Il ne présente pas de classification
des facteurs déterminants, ni de règles faisant la liaison entre le modèle
et le facteur d'adaptation.

Selon la position de l'individu dans la structure sociale, l'individu est ou


n'est pas en situation de se conformer aux pre--SS--ions du système
culturel.

Par conséquent, pour définir l'inégalité sociale, il ne faut pas partir


comme les culturalistes des différences entre les classes sociales mais
selon les conditions dans lesquelles vivent les individus. La situation
socio-économique de ces individus empêche l'accès à des statuts
pourtant très prisés. Dès le départ, les individus ont un retard et, ainsi,
sont créées les conditions d'un sous-système déviant.

CLOWARD et OHLIN posent que le dysfonctionnement des structures


sociales créent les conditions de la sous-culture délinquante. "Les jeunes
des classes populaires font l'expérience du désespoir ; désespoir qui
naît du fait que leur position économique est fixée. Ce désespoir est
d'autant plus poignant qu'ils sont exposés à l'idéologie culturelle dans
laquelle l'incapacité de s'élever socialement est considérée comme une
faute morale. Cet échec à la mobilité ascendante est regardé comme
preuve de cette tare.

MERTON dégage le concept de groupe de référence qu'il oppose au


concept de groupe d'appartenance. Il existe une frustration relative qui
produit une contradiction : se référer au groupe auquel on n'appartient
pas et qui sécrètent des normes contradictoires celles du groupe
d'appartenance. Si un individu adopte les normes du groupe de
référence, il y rentrera plus facilement. Une anticipation sociale est
possible uniquement dans les sociétés où la mobilité sociale est possible.

1.4 Les théories rationalistes

Dans les années 1960, émergent des travaux considérants les théories
antérieures comme braquées sur l'étiologie. Certains des travaux
rationalistes se situent dans une filiation des travaux de Jérémie
BENTHAM. BENTHAM utilise une théorie utilitariste. Il pense que tout
comportement obéit à un calcul des plaisirs et des peines, un procédé
utilitariste coût/bénéfice. Les théories rationalistes s'inscrivent aussi
dans le courant de théories sociologiques qui portent le délinquant
comme centre telles celles de WEBBER ou BOUDON.

Le délinquant n'est plus considéré comme le jouet de forces, de


contraintes. Au contraire, le délinquant doit être analyser comme un
acteur exerçant des choix, quelqu'un qui développe des stratégies pour
atteindre des buts. La délinquance est une activité pratique à des règles
de rationalité identiques à celles de tous les autres comportements
sociaux.

Dans le cadre des contraintes inhérentes à toutes actions et au regard du


contexte social dans lequel il évolue, il possède toujours une marge de
manœuvre suffisante pour exercer son activité.

Cf. Théorie de David MATZA : pour apprendre à être délinquant,


l'individu doit maîtriser les techniques de neutralisation qui lui permet
de violer les règles sociales. Il ne met pas l'accent sur les causes de l'acte
mais sur la rationalité du délinquant.

Existe-t-il une rationalité chez des individus exerçant continuellement


des activités qui rapportent peu ?

Pour ceux qui présentent un comportement compulsif, ils peuvent


relever d'un problème pathologique. MATZA explique le comportement
compulsif par l'effet social des comportements.

Travis HIRSHI publie en 1969 "Causes of delinquency"(Berckley,


university of California). Il s'agit d'une théorie mixte entre sociologie et
psychologie. HIRSHI rejette toute analyse causale. Il ne considère pas que
le crime est un dysfonctionnement social. La nature de l'homme est,
selon lui, fondamentalement amoral. Le caractère déviant de l'homme est
la règle. Il renverse les interrogations en " pourquoi certains individus
sont-ils conformes ?". La violation des règles est attrayante ; elle a
quelque chose de profitable. Quels sont les freins par rapport à ce
penchant naturel ? Il analyse les forces du contrôle social, les liens
favorisant la conformité.
D'un point de vue méthodologique, HIRSHI se situe dans une tradition de
travaux quantitatifs. Il s'appuie sur des enquêtes de délinquance auto-
révélée. Il soumet un questionnaire à quelque 4000 adolescents
scolarisés. La théorie de HIRSHI consiste à affirmer que les liens sociaux
conventionnels jouent un rôle essentiel dans l'inhibition des
comportements déviants. La déviance résulte de la fragilité, de
l'affaiblissement ou de la rupture avec les liens sociaux. HIRSHI
décompose le lien social en quatre éléments qui agissent
cumulativement :

1) L'attachement : l'attachement est entendu au sens psychologique. Il


se mesure à la tendance qu'à un sujet à s'identifier à des personnes de
référence, à la sensibilité que manifeste l'individu aux regards, aux
attentions qu'auront ces personnes par rapport à lui. Plus l'individu est
sensible au regard des modèles (parents, instructeurs, curé…) moins il
est probable qu'il adopte un comportement déviant. L'enquête démontre
que plus le contrôle parental est fort, plus la communication est aisée,
plus l'identification est grande, moins la délinquance auto- révélée sera
grande.

2) L'engagement ("commitment") : sentiment d'être tenu par ses


engagements antérieurs. Le sujet ayant investi son énergie et son temps
dans un milieu aura plus de difficultés à se détacher de ce milieu s'il sait
que l'acte qu'il va commettre peut le couper de ce milieu. Ce processus
sert à défendre une réputation acquise.

3) L'implication ("involvment") : le sujet impliqué est absorbé par ses


activités. Il n'a plus beaucoup de temps pour commettre des actes
déviants ("l'oisiveté est la mère de tous les vices"). Ex : l'écolier attaché à
son statut d'écolier passe le plus clair de son temps à conserver son rôle
(emprisonnement positif). L'implication fait que l'adolescent accepte son
statut d'adolescent, et il peut ainsi différer sa participation à des activités
d'adulte qui n'apportent pas de profit (tabagie, consommation d'alcool).
Ce trait de l'implication est plus évoqué par rapport aux adolescents car
ils sont dans une phase où ils ne sont plus considérés et surveillés
comme des enfants et on n'a pas encore avec eux des attentes d'adultes.
Ces implications amenuisent les périodes d'oisiveté.

4) La croyance en la valeur des normes (ou en la moralité des lois) :


certaines personnes n'ont pas en elles le sentiment d'obligation de se
conformer à la loi. Le respect des règles est corrélé avec les valeurs qu'on
y rapporte. Si les valeurs ne sont pas intégrées, les comportements
délinquants ne choquent pas. Pour chacun, il existe des forces centrifuges
et centripètes. Les forces centripètes doivent être les plus fortes.

Critiques de la théorie de HIRSHI : Cette théorie est en contradiction avec


les théories culturalistes où les groupes de pairs sont importants. Ici, les
délinquants sont envisagés comme ayant peu de capacités relationnelles
(>< Théorie de SUTHERLAND). HIRSHI survalorise la dimension de
socialisation verticale, du processus de transmission de valeurs par les
parents et l'école au détriment des interactions horizontales. Il occulte
les relations conflictuelles dans le comportement. Les relations sociales
se forgent rarement sans heurts.

Dans les années 1970 et 1980, le modèle de l'acteur social rationnel


recueille beaucoup de succès. Des théories se développent et présentent
le délinquant comme un individu calculateur qui recherche un maximum
de profit pour un minimum d'effort. Le délinquant choisit les moyens les
mieux adaptés pour les buts qu'il convoite. Il prend en charge divers
éléments comme l'efficacité de la police, la probabilité d'être condamné…
Ces auteurs font le constat d'une forte augmentation de la délinquance
acquisitive prédatrice durant les années 1960 et ce malgré la situation
économique florissante. Il s'ensuit une contestation des conceptions
expliquant la délinquance par les théories de structure sociale.

Ils envisagent d'autres formes d'explications. Ce type de délinquance


n'est pas la résultante de facteurs sociaux mais de l'affaiblissement de la
conscience sociale. Elle pose les fondements d'une nouvelle stratégie de
prévention de la délinquance s'affichant en concurrence du modèle de
travail social. Ce modèle est appelé situationnel dont l'idée est de
sécurisé les espaces fragiles (~target hardening).

Marcus FELSON partant du dicton "l'occasion fait le larron" pose une


nouvelle logique situationnelle. On ne cherche plus à agir sur les causes
mais on tente d'inhiber la délinquance. On se détourne du criminel et on
s'attache à la situation et surtout à la victime.
MARTINSON procède à l'évaluation des évaluations des programmes de
réinsertion des délinquants. Il conclut par ces mots "What works ?
Nothing works !"

Dans les années 1970, le chômage réaugmente, le statut de salarié


s'affaiblit. Les services publics subissent les assauts de la pensée libérale.
La délinquance est perçue en terme de coût. Cette criminologie est
réaliste et s'attarde peu sur le délinquant. Ce faisceau réduit d'éléments
fait bon ménage avec une criminologie dite administrative.

1.5. L'interactionnisme symbolique

Les interactionnistes introduisent le paradigme de la réaction sociale. Ils


peuvent être considérés comme le courant précurseur de la criminologie
sociale.

G.H. MEAD pose les fondements de l'interactionnisme symbolique dans


son ouvrage "Mind, self and society".

Howard BECKER introduit les premiers concepts tels celui de


"stigmatisation". Les théories causalistes se bornent à rechercher les
causes individuelles ou sociales de la délinquance. Les théories
rationalistes focalisent sur l'agent délinquant et les stratégies entre
l'agent et les agences de contrôle social.

Ces théories peinent à rendre compte de l'effet de la réaction sociale sur


les comportements sociaux. La réaction sociale va de la réaction
informelle (famille, entourage proche) à des réactions formelles
(justice…).

Les nouveaux courants introduisent le concept de "chaînon manquant".


La réaction sociale est envisagée comme un objet spécifique de la
recherche.

La démarche interactioniste symbolique considère qu'il est peu


scientifique de se demander qui est le vrai criminel sans tenir compte
d'une analyse de la façon dont la société définit le crime. La définition du
délinquant dépend des types de conduites faisant l'objet d'un traitement
pénal.
Pourquoi, alors, certains types de comportement font-ils l'objet d'une
incrimination et pas d'autres ? Quels sont les effets du système répressif
sur la carrière délinquante et le plan collectif ?

Ce changement de paradigme nécessite de nouveaux outils d'analyse


comme la sociologie du droit, la sociologie politique, la sociologie des
organisations… Des courants ultérieurs se développent tels la
criminologie critique et la sociologie pénale.

Dans les années 1950, dans les universités californiennes, à Berkley, des
séminaires rassemblent des auteurs comme BECKER, GOFFMAN, MATZA
qui s'inscrivent dans une filiation des travaux menés à l'école de Chicago,
surtout d'un point de vue méthodologique. On y développe des
approches ancrées, par exemple, sur l'observation participante. Ils
développent un courant de travaux critiques. On met en évidence une
rupture méthodologique. Ces chercheurs sont hostiles à la domination
fonctionnaliste; ils plaident pour le retour au "field work". Leur posture
méthodologique consiste à prendre en compte le vécu des acteurs et pas
le point de vue des institutions. La conception des acteurs du monde
social doit être l'objet d'étude.

Une deuxième rupture s'exprime sur le fond. La critique des analyses


précédentes peut se résumer en trois points:

1. Les analyses sociologiques passent sous silence le rôle du droit pénal,


des institutions répressives dans la définition du crime.

2. Ils tentent de rechercher une différence entre délinquant et non


délinquant. L'existence du chiffre noir entrave la recherche scientifique
dans la recherche de différence car il pose des auteurs délinquants non
reconnus comme non délinquants ce qui fausse les données. Il est vain de
vouloir dégager une différence étant entendu la complexité des relations
entre les attitudes déviantes et conformistes.

3. Ils se démarquent des travaux antérieurs car ils n'ont pas une
conception déterministe de la délinquance. La délinquance serait tantôt
influencée par la culture, tantôt par le but social...
L'interactionnisme symbolique se base sur la théorie des rôles conception
pavlovienne).de Georges Herbert MEAD. Pour MEAD, le stimulus
implique d'abord une interprétation puis la réaction (et pas le stimulus
implique directement une réaction

MEAD expose sa théorie des rôles :

Pour que les individus puissent communiquer avec les uns avec les
autres, ils doivent apprendre à identifier, définir et classer les objets qui
nous entourent. L'individu doit indiquer à lui-même le genre d'objet avec
lequel il doit traiter. L'objet étant identifié, un ensemble d'attentes est
provoqué. Ces attitudes et attentes déterminent en grande partie le
comportement par rapport à l'objet.

Les catégories où l'on classe les objets sont socialement construites (ex :
les catégories de personnes socialement reconnues sont des rôles
sociaux). Ces catégories nous amènent à développer au cours de
l'enfance, de l'adolescence et de la vie adulte, un système de rôle. On
apprend des critères définissant les rôles, les attentes par rapports au
comportement que cette personne doit avoir.

Qu'est-ce que le "self" (le soi dans la traduction) ? Le self est l'image que
nous avons de nous même. Il s'agit aussi d'un objet social. Ce que nous
tentons de faire de nous même dépend en premier lieu de l'objet social
que nous pensons ou désirons être. Les types de soi possible dépendent
de la culture. Ces rôles existent en nombre limité et sont plus ou moins
imposés. Le soi est élaboré au cours des processus d'interaction avec les
autres. En communiquant avec les autres, nous découvrons les catégories
dans lesquelles nous sommes. Nous pouvons ambitionner d'entrer dans
une certaine catégorie mais cette revendication doit prendre un sens
dans les termes de la culture de ceux avec qui nous communiquons et
nous devons la rendre possible la rendre plausible en la validant, c'est-à-
dire adopter les critères culturels du rôle. La validation du rôle est
réussie quand les autres indiquent par leurs réactions qu'ils nous
acceptent comme spécimen valable dans ce rôle.
MEAD pose que durant toute sa vie, chacun est engagé dans un processus
de construction, de maintien et de confortation de soi or, tous les rôles
auxquels nous sommes identifiés ne sont pas activement recherchés et
cultivés par nous même. On peut refuser certains rôles et en accepter
d'autres par résignation. L'entourage peut contraindre à nous faire
accepter un rôle auxquels nous nous résignons. Une fois prix dans ce rôle,
nous sommes disposer à adopter tous les comportements soutenants ce
rôle.

Le nœud central de la théorie de MEAD est le processus d'acquisition et


d'engagement des rôles.

Les auteurs s'inscrivant dans l'interactionnisme symbolique opèrent une


distinction entre le premier passage à l'acte (appelé déviance primaire)
et les autres passages à l'acte (la déviance secondaire), éventuelles
réitérations suite à la réaction sociale. La déviance secondaire marque un
engagement de l'auteur dans la délinquance ; cet ancrage est présenté
comme découlant de l'effet stigmatisant de la réaction sociale.

Dans son ouvrage "Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades
mentaux et autres reclus", Erving GOFFMAN observe l'effet d'un univers
totalitaire sur l'image de soi des malades. Il fait référence à des univers
tels les prisons, les camps de concentrations, les homes.

Il définit une institution totale comme un lieu de résidence et de travail


où un grand nombre d'individus placé dans la même situation, coupé du
monde extérieur pour une durée longue, mènent ensemble une vie
recluse dont les modalités sont minutieusement réglées et minutées.

Il existe des institutions totalitaires ouvertes.

GOFFMAN dépeint aussi des techniques de mortification : elles


commencent par des rituels d'admission (fouille au corps,
dépersonnalisation, distribution de tenues particulières) qui marquent
la perte de l'ancien statut social. Elles forcent l'individu à se défaire de
son moi antérieur pour le rendre vulnérable. L'espace réduit suppose des
concessions à la vie quotidienne. Le manque d'espace contraint à la
promiscuité, on subit la "contamination morale" (le fait d'être obligé de
cohabiter avec des personnes de cultures, de conditions, d'âges
différents…). La promiscuité entraîne également une contamination
physique (impossibilité de préserver certains domaines intimes comme
le corps et les pensées). Ces actes attentent à la dignité humaine.

L'individu perd le contrôle sur sa vie, il y a un assujettissement au


gardien, une perte de crédibilité. Les détenus doivent faire signe de
déférence obligatoire à l'égard du personnel. Il se crée une vie
artificielle entre personne de même sexe. Ces actes amènent à un
effritement de l'image positive que l'homme peut avoir de lui-même.

Howard BECKER, né en 1928, étudie la sociologie à Chicago. Il est, à ses


heures perdues, musicien de jazz "underground". Son ouvrage
"Outsiders" marque la sociologie de la déviance. Selon BECKER, la
déviance reprend les comportements qui transgressent les normes
acceptées par le groupe social ou par telle institution. Il reprend dans ses
catégories déviantes les musiciens de jazz. Il apprécie le décalage entre
des univers de représentations qui ne communiquent pas ensemble. Le
monde conventionnel méprise le monde du jazz, le monde du jazz
méprise le monde conventionnel.

Les musiciens de jazz ne s'excluent de la société conventionnelle que par


leur mode de vie ou leur goût de la musique.

Outsiders, qui signifie "étranger", a un double sens :

L'individu qui a transgressé une norme et qui est perçu par le groupe
social comme étranger. Un individu à qui on ne peut faire confiance pour
vivre selon les normes.

L'individu ainsi étiqueté peut voir les choses autrement. Il se peut qu'il
n'accepte pas la norme selon laquelle on le juge, il peut dénier la
compétence pour son juge. Dans ce but, BECKER va noter que la
définition sociologique de la déviance (défaut d'obéissance aux normes)
oublie un élément central : la déviance est créée par la société. Cette
affirmation ne signifie pas que les causes de la délinquance sont dans le
contexte social. Il pose que les groupes sociaux créent la déviance en
instituant des normes dont les transgressions créent la déviance et en
étiquetant les transgresseurs comme déviants. La norme et son
application créent la déviance comme le droit pénal crée la délinquance.
La délinquance est une conséquence de la création et de l'application par
d'autres de normes et de sanctions à un transgresseur. Le déviant est
celui à qui l'étiquette a été collée avec succès et le comportement déviant
est celui à qui la société attache cette étiquette.

Selon BECKER, la déviance est un processus par lequel on colle une


“étiquette” à un individu. Le comportement déviant est celui auquel la
collectivité attache cette étiquette.

Les délinquants ne constituent pas une catégorie homogène, naturelle


car, d'une part, le processus n'est pas infaillible (des individus peuvent
être considérés comme déviants alors qu'il y erreur (cf. Erreur
judiciaire)), d'autre part, la catégorie n'est pas exhaustive. On ne peut
donc pas être assuré que la catégorie qualifiée de déviante comprendra
tous les individus déviants (entre autres les déviants secrets).

Il est donc vain de rechercher des facteurs de crimes communs à la


catégorie. La seule chose qui est commune, c'est le partage de l'étiquette
de déviant ainsi que l'expérience d'être considéré comme outsiders.

Le caractère déviant ou non d'un acte dépend de la réaction sociale. Or


face à un acte donné, la réaction sociale peut varier. La réaction sociale
peut également varier selon l'appartenance sociale de la victime et de
l'auteur.

La déviance n'est donc pas une propriété de l'acte mais une propriété de
l'interaction entre l'auteur de l'acte et les personnes qui sont amenées à
juger l'acte.

La carrière déviante

BECKER applique sa théorie de la carrière déviante aux fumeurs de


marijuana. Il présente un modèle séquentiel (prenant en compte le fait
qu'une déviance se développe dans le temps selon une manière
organisée).

L'étiquetage dépend d'un processus interactif mais il ne faut pas


considérer que ce processus est synchronique. Les différents facteurs de
l'interaction n'agissent pas simultanément sur l'individu.
Il y a une succession de phases. Si une cause peut jouer un rôle important
dans une phase, elle peut avoir un rôle négligeable dans une autre.

BECKER présente quatre étapes:

1) Le premier acte : commettre une transgression. Dans ce premier


acte, il n'y a pas une volonté délibérée de violer les normes sociales. Il y a
le plus souvent une conformisation au mode d'agir et de penser dans le
milieu de la vie de l'acteur. Chercher des motivations à cette acte est peu
opérant car chacun d'entre nous est confronté à des tentations déviantes.

Il convient dès lors de se demander comment procèdent ceux qui ne


passent pas à l'acte? La raison est à chercher dans une série
d'engagements que l'on contracte tout au long de sa vie. Une tentation
déviante est réprimée en pensant aux conséquences de l'acte.

Pour les individus qui succombent aux tentations, le maintien


d'apparences conformes ne représente pas un effort constant. Cette
hypothèse est cependant rare.

2) Ce qui n'est qu'une impulsion fortuite peut parfois devenir un goût


durable voire un mode de vie.

Comment passe-t-on d'un stade à l'autre? Par un processus


d'apprentissage et par interactions avec d'autres déviants qui permet
l'acquisition des motifs et des intérêts déviants.

Comment devient-on consommateur de drogue? Il faut d'abord


apprendre, au contact d'un groupe, certaines techniques (on ne plane pas
dès la première fois). Il faut percevoir les effets de la consommation et la
considérer comme une source de plaisir. Les premiers effets ne sont pas
toujours agréables.

Il faut neutraliser les différents types de contrôles sociaux qui pèsent sur
ces pratiques mais aussi pénétrer un réseau d'approvisionnement, éviter
des comportements sociaux trop visibles. On élabore des rationalisations
pesant sur la pratique pour supporter les interdits sociaux. On apprend à
cacher les effets susceptibles d'entraîner le rejet des autres.
3) Pour être déviant, il ne suffit pas de se livrer à une activité déviante
encore faut-il être pris et désigner comme déviant. Cette phase est
cruciale dans la formation d'un comportement déviant stable. Le seul fait
d'être stigmatisé a des conséquences considérables sur la vie sociale
future de l'individu et sur l'image qu'il aura de lui-même. L'étiquette
transforme l'individu aux yeux des autres et il va être traité en
conséquence.

Le statut d'une personne est composé de caractéristiques principales et


accessoires. La déviance est une caractéristique principale qui induit une
large gamme de caractéristiques accessoires.

Pour être qualifié de déviant, il faut avoir objectivement commis un fait


déviant. Si un homme est arrêté pour cambriolage, il va être présumé
capable de commettre d'autres infractions. Ce type de réaction sociale à
la déviance revient à énoncer une prophétie qui contribue à sa propre
réalisation (discours performatif). Des mécanismes se déclenchent et
concourent à modeler l'individu sur l'image qu'en ont les autres. Il est
difficile pour un individu ainsi envisagé de participer à la vie de groupes
respectant la norme sociale.

BECKER tempère cependant les effets du mécanisme en précisant que


toutes les prophéties ne se réalisent pas. Un individu peut retrouver le
droit chemin. Ce retour à la normalité est vain si, malgré tout, l'entourage
de l'individu continue à le percevoir comme un déviant.

4) Entrer dans un groupe déviant organisé : les personnes rejetées par


la société se regroupent ensemble pour diminuer le poids du stigmate et
car elles ont la conscience de partager un monde commun. Cela engendre
une sous-culture déviante (un ensemble d'idées sur le monde et sur la
manière de s'adapter au monde mais aussi un ensemble de pratiques
quotidiennes). L'attachement à cette sous-culture est constitutif d'une
identité déviante. Ces sous-cultures offrent une idéologie qui fournit des
raisons solides de maintenir une ligne de conduite. Dans la sous-culture,
on apprend à pratiquer les caractères déviants de la meilleure manière
qui soit. Il y existe également une vaste gamme de traditions qui sont
rapidement intégrées par les nouvelles recrues.
BECKER conclut sa théorie en quatre dimensions:

1) Démystification de la déviance : la déviance s'acquiert de manière


identique aux activités les plus ordinaires

2) Une activité collective dans laquelle l'individu apprend à tenir un


rôle au sein d'une sous-culture.

3) La déviance est l'aboutissement d'un processus d'attribution de


statut. Dans ce processus interviennent les entrepreneurs sociaux, des
groupes capables d'influer sur le contenu des normes sociales mais aussi
des gens qui rendent effectives ou non l'application des normes.

4) Le fait d'être étiqueté va avoir des conséquences considérables sur


la carrière déviante des individus. Une fois étiqueté, il est plus difficile de
poursuivre dans la normalité.

Critiques de l'interactionnisme symbolique :

Les interactionnistes ne fournissent aucune explication sur la


propension de certains individus à transgresser les normes.

Les travaux interactionnistes attirent l'attention sur l'effet pervers de la


stigmatisation mais ne fournissent pas de réponses s'il existe de bonnes
réactions sociales.

Section 2 : la criminologie critique (où criminologie radicale ou néo-


marxiste)

La criminologie critique est un mouvement qui apparaît en opposition à


l'interaction symbolique. Cette criminologie a pour ambition de montrer
que l'analyse du crime ne peut se concevoir indépendamment des
systèmes économiques et politiques dans lesquels s'inscrit le crime. Ce
courant est influencé par les thèses marxistes et la sociologie du conflit.
Elle est également marquée par des théories radicales (telles les luttes
sociales et le féminisme), les questions suscitées par la guerre du
Vietnam, la révolte de la jeunesse (jeunesse bourgeoise, mai 1968).
Cette criminologie est militante. Ces membres valorisent l'apraxis. Elle
conçoit le crime comme la résultante d'un rapport politique ou
économique de domination. Elle poursuit un objectif de transformation
des rapports politiques et sociaux.

La sociologie du conflit peut être représentée par TURK. Elle considère la


société comme composée de groupe en compétition ; chaque groupe
luttant pour le contrôle et la domination. Les conflits peuvent porter sur
des richesses mais également sur des problèmes de cultures, de
religion...

Cette conception amène à considérer le droit non pas comme le produit


d'un consensus social mais comme le reflet des valeurs du groupe
dominant et qui, par conséquent, dispose du pouvoir d'influencer le
droit.

Le droit pénal serait, en fait, un instrument politique mis en place par la


classe dominante pour maintenir l'ordre social et économique et pour
criminaliser ceux qui menacent la position dominante du groupe.

La criminologie néo-marxiste (caractérisée par un ouvrage collectif de


TAYLOR,WALTON & YOUNG) critique l'approche du conflit au motif que
cette dernière prend trop peu en considération la nature
fondamentalement économique du conflit social. Dans nos sociétés, une
petite part de la population (la bourgeoisie) détient une très grande part
des richesses. La structure sociale serait donc criminogène. L'analyse se
base donc sur la répartition des richesses. Le droit pénal ne sert qu'à la
défense du système en place, à assurer son maintien. La loi pénale n'est
appliquée qu'à la classe dominée. Lorsque la loi pénale est appliquée à
un membre de la classe dominante,c'est uniquement pour en faire un
bouc émissaire dans le but de renforcer le mythe de la neutralité de la loi.
La criminologie critique démontre que les grandes puissances peuvent
impunément violer les lois de protections de l'environnement, de santé...
Elles parviennent à détourner l'attention des délits qu'elles commet sur
les crimes commis par la classe populaire.

GRAHAM illustre ces théories en démontrant comment les grandes


industries pharmaceutiques ont tout mis en oeuvre pour empêcher la
criminalisation de leurs produits : des lobby's ont fais pression pour
empêcher l'interdiction des amphétamines, du Valium©...

Dans cette perspective, le crime est envisagé comme un acte politique, un


acte de refus à l'égard d'une organisation sociale totalitaire et capitaliste.

Ces travaux arrivent dans la criminologie de langue française à travers


les travaux de Michel FOUCAULT et de Robert CASTEL. Elle se consacre
progressivement à la procédure de la gestion de la déviance

Propos d'étape

Chacune des théories naît dans un contexte particulier, pour expliquer un


problème particulier. (ex: SUTHERLAND et HIRSHI expliquent la
délinquance juvénile, SHAW et MCKAY expliquent les quartiers
intersticiels...). Les théories s'insèrent bien dans le contexte qui les à vu
naître mais beaucoup ont entamé une montée généralisante dans
l'ambition de pouvoir expliquer tous crime commis à n'importe quelle
époque. Cette montée est rarement convaincante suite à l'effacement du
contexte de leur fabrication. En gardant le contexte en vue, on envisage
plus aisément le type de situation qui pourra être éclairé valablement.

L'utilisation de ces théories implique le mariage entre plusieurs


théories ; les combinaisons se justifiant au vu de certaines convergences,
une théorie permettant de compléter une autre (théories intégratives).

Ex: tentative de combinaison de paradigme :

La population carcérale est massivement composée de prolétaire, on


peut interpréter les faits :

➔ Paradigme étiologique : la pauvreté mène au crime

➔ Paradigme de la réaction sociale : la surprésence des pauvres est la


conséquence de la fragilité de leur groupe.

La pauvreté peut mener à des actes prohibés et le système a tendance à


stigmatiser les individus dont les indicateurs d'insertion sont les moins
tangibles.
Le crime n'apparaît pas de façon isolée, il constitue un élément parmi
d'autre de la scène sociale. On ne peut faire abstraction de la situation
dans laquelle le crime s'inscrit (Auteurs-victimes-tiers-témoins-loi-
justice). Beaucoup de théories appauvrissent la scène en se focalisant sur
l'auteur. Cela rend difficile l'analyse. L'auteur n'est alors pas perçu
comme l'acteur d'une scène sociale.

Section 3 : La sociologie pénale et les comptes du crimes

L'apport des théories démontre que la transgression n'implique pas


nécessairement la répression mais la répression nécessite la réussite
d'un processus de labelisation.

Ces découvertes vont, à partir des années 1960, donner un nouveau


souffle à un des débats les plus anciens de la criminologie, à savoir " Sur
quelles données travailler? "

Avant cela, la mesure du crime n'a pas susciter la création de bases de


données, elle s'est bornée à utiliser les comptages officiels opérés par les
diverses institutions pénales qui sont effectués pour les besoins de leur
fonctionnement.

Cette situation tient au fait que les données officielles préexistait à


l'étude de la délinquance. En France, dès 1827, paraît annuellement le
" compte général de l'administration de la justice ".

La statistique désigne à l'époque les mémoires d'allure littéraire qui


synthétisait pour le Princeps la situation de son Etat. Elles pris par la
suite le sens de de collection de données chiffrées qui était appelée, à
l'époque, arithmétique sociale.
Dès le début de la criminologie, on s'interroge sur la pertinence de cette
économie d'effort. Pendant un temps relativement long pourtant, on a
penser que ces chiffres disponibles était représentatifs de l'ensemble des
cas.

Au 20ème siècle, les criminologues ont conseiller de récolter leurs


données le plus en amont possible ( à savoir, au sein des services de
police), ces données étant plus proches des délits. Les comptages
policiers sont alors utilisés comme sources de données.

CELINE propose d'améliorer la statistique policière en pondérant chaque


enregistrement pour évaluer la gravité des faits. Ces efforts ne
permettent cependant pas d'écarter les doutes sérieux qui planent sur
la pertinence des comptages officiels pour mesurer la délinquance.

Dans les années 1960, cette aptitude de l'administration à mesurer le


crime est examinée. Les chances d'un acte d'être enregistrer dépend de la
propension des victimes et des témoins à informer les services officiels
(" renvoi des affaires "). Ces chances sont également fonction de la
priorité accordée à l'acte par les services d'enregistrement, de sa
visibilité ainsi que d'une multitude de considérations variables d'un cas à
l'autre.

Il apparaît finalement de moins en moins pertinent de se baser sur les


données officielles. Cela amène alors les criminologues à faire leur
propre recherche de données.

Notions:

Criminalité réelle : l'ensemble des infractions commises durant un temps


déterminé sur un territoire donné.

Criminalité enregistrée : l'ensemble des faits portés à la connaissance du


système pénal. Cette criminalité existe à deux niveaux : - apparente : les
faits portés à la connaissance de la police et du parquet.

- légale : les faits qui ont fait l'objet d'un


jugement.
Criminalité cachée : Chiffre noir : [criminalité réelle] – [criminalité
enregistrée]

Chiffre gris : [criminalité enregistrée apparente] –


[criminalité enregistrée légale]

Cette criminalité fait l'objet d'un mécanisme de diversion.

1
2
3
Crim. connue
Crim. inconnue
1 – Violences familiales, viols 2 – Escroquerie 3 – meurtres,
hold-up

Comment deé composer le meé canisme d'enregistrement?

Il existe des biais dans les statistiques officielles. Les statistiques officielles servent
surtout aà mesurer l'efficaciteé des services qui les enregistrent.

On retient deux meé canismes :

1) La reportabilité du fait : deé pend de deux eé leé ments – la visibilité et le renvoi. La


visibiliteé varie selon les circonstances de l'infraction, le groupe social de l'auteur ou de la
victime, le contenu eé motionnel. Des infractions faites aà l'abri des regards ou aà contenu
eé motionnel moindre suscitent moins de renvois. Certains types d'infractions sont plus
exposeé es au regard de l'intervention policieà re. Au sein des institutions peé nales, l'auto-
alimentation est faible.

2) Le renvoi : la capaciteé du fait aà eê tre signaleé aà la justice peé nale. Les victimes sont, en
geé neé ral, les plus motiveé es aà rapporter les faits.

Cependant, il existe des infractions qui ne suscitent pas pas de sentiment personnel
d'eê tre victime (infraction aà l'environnement, escroquerie aà la seé curiteé sociale, piratage...)
et les chances de renvoi sont donc treà s faibles. A l'inverse, les infractions d'atteinte
contre les biens sont beaucoup plus aà meê me d'eê tre deé nonceé es.

Le renvoi est variable parfois en fonction de l’institution ouà l’acte a eé teé commis.
Certaines infractions sont prises en charge par l’institution elle-meê me (eé glise, famille,
eé cole).

Si la victime est trop proche de l’auteur ou si elle en est effrayeé e, les chances de renvoi
diminuent fortement.

La perception que la victime a des institutions judiciaires ou de la police entre eé galement


en ligne de compte. Sous l’influence des meé dias, un teé moin peut eê tre aà meê me de se
rendre compte que des agissements qu’il a vu sont en reé aliteé des deé lits.
La reconstruction d’objet

Il ne suffit pas pour qu’un fait soit enregistreé qu’il soit reconnu mais eé galement que le
systeà me peé nal accepte d’y donner suite.

La reconstruction d’objet peut eê tre deé finie comme le traitement par les agences
reé pressives de la matieà re premieà re fournie ou deé couverte. Elles reconstruisent cette
matieà re premieà re pour la modeler aà la logique propre de leur institution. Le systeà me
peé nal opeà re eé galement un tri :

· La police peut refuser d’enregistrer la demande (main courante)

· La plainte peut eê tre classeé e sans suite.

L’ouverture des diffeé rents filtres de tri deé pendent des interactions entre les agences du
systeà me peé nal. Les meé canismes d’enregistrement sont conditionneé s par l’anticipation
des agents (un policier ne poursuivra pas une enqueê te si il sait que le parquet conclura aà
un non-lieu).

Les chercheurs se reé solvent donc aà produire eux-meê mes des donneé es.

3) Les enqueê tes

QUETELET a eé mis l’hypotheà se que l’eé cart entre la criminaliteé enregistreé e et la


criminaliteé reé elle est constant.

On a prouveé que le chiffre noir varie fortement selon l’eé poque et le lieu.

3.1 L’enqueê te de Self-Report (ou enqueê te confesseé e ou auto rapporteé e)

Le principe consiste en l’interrogation d’un groupe d’individus, pris au hasard dans la


population, au sujet des deé lits qu’ils ont commis et ce, sans s’occuper des suites
eé ventuelles.

Historique : Ce type d’enqueê tes prend forme aux USA aà la fin des anneé es 1940. Elles
portent presque systeé matiquement sur la probleé matique de la deé linquance juveé nile.
Elles transitent par l’Angleterre et les pays scandinaves avant d’arriver dans les pays
francophones dans les anneé es 1970.
Ce genre d’enqueê te renseigne sur le type de criminaliteé et l’identiteé de l’auteur. Les
criminologues de la reé action sociale utilisent ces enqueê tes pour mesurer la reé action
sociale. D’autres l’utilise pour reconstruire les carrieà res criminelles.

Les cateé gories de reé ponses sont, en geé neé ral, fixes. L’objectif des enqueê tes a une
dimension quantitative.

Ce type d’enqueê te dispose de plusieurs biais :

· Il est impossible de deé terminer la veé raciteé des propos recueillis.

· Les adultes eé mettent des reé sistances aà ces enqueê tes.

· Elles ne sont applicable qu’aà la petite deé linquance.

· Une reé ponse donneé e ne correspond peut eê tre pas aà la cateé gorie eé mise par le chercheur.

· Elles sont geé neé ralement couê teuses.

Ces enqueê tes ont cependant livreé certains reé sultats :

· La deé linquance seé rieuse paraîêt eê tre l’apanage des jeunes hommes.

· Le facteur « difficulteé scolaire » garde une importance certaine.

· La deé linquance est distribueé e dans la population des adolescents de manieà re


relativement eé parpilleé e.

· Les statistiques officielles refleà tent mal la criminaliteé reé elle.

3.2 Les enqueê tes de victimation

Le principe consiste en l’interrogation d’un grand nombre de personnes sur les


infractions dont elles ont eé teé victime sur une peé riode donneé e.

Leur historique est aà peu preà s le meê me que les enqueê tes de self-report mais leur
influence a persisteé au-delaà des anneé es 1980. Elles ont susciteé un certain engouement.
Au moins une enqueê te de ce type est lanceé e chaque anneé e aux USA.
Elles ont deé livreé s un certain nombre de reé sultats globaux au sujet de certains theà mes
d’eé tudes :

· Comment la victimation se distribue-t-elle au sein de la population ?

Elle est plus freé quente dans certaines cateé gories sociales, essentiellement chez les jeunes
ceé libataires issus des minoriteé s ethniques.

Selon un sondage international, la tranche de population se situant entre 16 et 34 ans a


trois fois plus de chances d’eê tres toucheé par un deé lit.

Il appert que la victimation s'accorde assez mal avec le sentiment d'inseé curiteé . Le taux de
victimation est par contre relativement proche de la courbe de criminaliteé .

Il apparaîêt eé galement que le statut matrimonial est un facteur important. En effet, les
ceé libataire ont trois fois plus de risque d'eê tre victime d'un crime que les gens marieé s
( cela est bien eé videmment aà mettre sur le compte du mode de vie du groupe social en
question).

Une explication dominante est deé gageé e en matieà re de style de vie. Le lien de contact est
moduleé par le style de vie du deé linquant et de la victime. Il y a des convergences entre la
cible et le deé linquant.

La probabiliteé de la survenance d'un deé lit serait fonction de la rencontre dans le temps et
l'espace d'un deé linquant motiveé et d'une cible pouvant l'inteé resser et ce en l'absence
d'une personne pouvant empeê cher le deé lit. La proximiteé est treà s importante et il existe
un rapport entre la visibiliteé , l'accessibiliteé et la valeur.

Ex: Au Canada, 86% des homicides impliquent un lien entre la victime et l'auteur. Aux
USA, 56% des agressions sexuelles sont commises par un ami ou ou une connaissance,
23% par un ami ou un amant, environ 3% par des membres de la famille.

Avantage des enqueê tes de victimation:

· Conviennent mieux que le self-report pour eé valuer la nature du deé lit.

· Permet de connaîêtre du renvoi des affaires.

· Protocoles de recherche permettant des comparaison entre pays et eé poques.


Biais :

· Neé glige les crimes sans victimes (travail au noir, piratage de musique sur le net...).

· Certaines victimes amplifient la deé linquance

· Tributaire des pertes de meé moire.

Chapitre 4 – Victimologie et politiques en faveur de la victime.

Section 1: La victime comme objet d'eé tude scientifique

Avant l'apparition de l'Etat moderne, le systeà me vindicatif sert aà maintenir la stabiliteé


sociale. Il s'agit d'une justice priveé e ouà la victime a son importance selon son clan, sa
caste...

Les travaux anthropologique ont deé montreé que le modeà le vindicatif n'a pas engendreé
d'escalade de violences. La preé sence d'un clan pour soutenir la victime a un effet
dissuasif.

Le systeà me peé nal retire la victime du conflit. Cette dernieà re est remplaceé e par la notion
de princeps; le fauteur de trouble est consideé reé comme portant atteinte au princeps.

Longtemps, le corps du coupable eé teé l'objectif d'exposition de la puissance du princeps


(torture, exeé cution sanglante...)

Avec l'aveà nement du contrat social, le bannissement est aboli. L'eé volution des moeurs
entraîêne l'abolition des tortures et de la peine de mort. Les travaux forceé s,
l'enfermement deviennent les peines standards. L'enfermement reé gresse au cours du
Xxeà me sieà cle en Europe occidentale cependant, les peines s'allongent.

Les peines alternatives (ou intermeé diaires) apparaissent. Une des philosophies sous-
tendant les peines intermeé diaires provient du systeà me traditionnel. Un impeé ratif de
vengeance empeê che la recherche du statut de victime qui est reé serveé (ou laisseé ) aux
personnes deé nueé es de pouvoirs qui supplient une reé paration de l'offense aupreà s des
puissants.
Aujourd'hui, on affirme le statut de victime, cela coupant avec une attitude vengeresse.
L'impeé ratif de vengeance est effaceé au profit du statut de victime. On ne se focalise
deé sormais plus sur l'auteur mais sur le dommage subit par la victime.

Deux auteurs sont consideé reé s comme les peà res fondateurs de la victimologie: VON
HENTIG et MENDELSHON.

Leurs travaux apparaissent aà la fin des anneé es 1940. Ils s'inteé ressent de façon
systeé matique aà la victime en ce qu'elle constitue un facteur susceptible de peser sur
l'apparition du comportement criminel. Ils mettent en eé vidence des facteurs:

· L'existence d'un pheé nomeà ne d'interchangeabiliteé des roê les entre l'auteur et la
victime.

· Des facteurs tels la marginalisation et l'isolement social diminuent la protection


de la victime potentielle.

WOLFGANG analyse, en 1958, les relations entre auteurs et victimes d'homicide. Il


introduit le concept de victime catalyseuse. Dans 26% des cas, la victime joue un roê le
actif dans le deé lit en utilisant une arme, un moyen de pression aà l'eé gard de l'auteur.

A la fin des anneé es 1950, la victimologie est subordonneé e aux questions eé tiologiques
traditionnelles.

a) La victimogeneà se

La victime est d'abord envisageé e comme paradigme de catalyseur. Il y a une dynamique


complexe dans la relation victime / auteur. L'inteé reê t pour la victime permet de se
deé tacher de la vision dichotomique du peé nal qui oppose l'auteur soit aà la socieé teé , soit aà la
victime.

Le concept de précipitation (acception chimique) naîêt de cet inteé reê t. L'objet de


recherche " victime " connaîêt une eé volution et se rapproche d'une vision sociologique.
Dans les anneé es 1970 et 1980, des recherches sur les victimes remettent en cause la
preé cipitation (victim precipitation). Ce concept voit naîêtre des critiques aà son eé gard
surtout concernant une tendance culpabilisante (cf. Recherche de AMIR sur les victimes
de viol)
b) Enqueê tes de victimation

voir supra.

c) Assistance, droit et aide aux victimes

La recherche victimologique se deé veloppe. On ne focalise plus sur " qui sont les
victimes ? " mais " comment les aider ? ". On s'interroge sur les meé thodes sociales,
juridiques, meé dicales, pour aider les victimes et sur les manieà res de sortir des
conseé quences peé nales.

Les premiers services d'aides sont cateé goriels : femmes victimes de viol, femmes
battues... On y retrouve l'activisme du mouvement feé ministe. Ce mouvement est militant
et reé agi au concept des recherches. La victimologie indique des actions aà mener. On
essaye de mettre en lumieà re l'expeé rience commune des victimes. Ce mouvement mettent
en avant le machisme de la socieé teé et les ideé es reçues qui en reé sultent. Les violences aà
l'eé gard des femmes apparaissent au grand jour.

Les feé ministes organisent des permanences d'accueil des victimes. Elles refusent le
soutien des autoriteé s publiques.

En Grande-Bretagne, apparaissent des reé seaux et des centres d'aides de victimes,


subsidieé es et orienteé es vers tous les types de victimes. La deé marche d'aide aux victimes
est plus pragmatique que scientifique. L'eé coute aux victimes est privileé gieé e et ce
mouvement est favorable aà l'augmentation de la punitiviteé .

En Belgique, la fusillade est de Hannut (qui a fait de nombreuses victimes) est aà la base
de l'attention porteé e aux victimes. Il n'existe alors pas encore de fond d'indemnisation
des victimes. Une association de Huy " Aide et reclassement ", qui a pour vocation la
reé insertion sociale, soutient les victimes et entame une campagne en faveur de
l'indemnisation des victimes.

Dans les anneé es 1980, Daniel MARTIN deé veloppe des activiteé s de recherches sur les
conseé quences du crime.

Ce courant est le domaine est ouà l'effort en matieà re de recherche est le plus importante.
Daniel MARTIN est militant et chercheur (Il a soutenu les parents LEJEUNE et RUSSO).

d) Peur du crime et victime


Les gouvernements se preé occupent de la monteé e du sentiment d'inseé curiteé . Dans ces
politiques, on consideà re que la victime a un roê le a joueé . On deé bat sur l'articulation entre
la peur du crime et la victimation. La relation entre la peur, le risque et la reé aliteé de ce
risque est fort complexe.

Les enqueê tes de victimation mettent en eé vidence un public qui craint d'eê tre victime alors
qu'il est le moins exposeé . Cela peut s'expliquer par l'anticipation des eé veé nements
redouteé s, soit aà la preé occupation des probleà mes sociaux.

Certains pensent qu'il y a un lien entre victimation et sentiment d'inseé curiteé ; d'autres
sont convaincus qu'il n'y a justement pas d'impact. L'Etat moderne deé veloppe des
mesures de protections nouvelles qui induisent un Target Hardening. Les occasions sont
creé eées par des victimes potentielles.

e) victimes et justice restauratrice

Evolution du point de vue de la peine

Dans les socieé teé s traditionnelles, il n'y a pas de droit peé nal. Les dommages entre clans se
reà glent par la vengeance. Pour le clan de la victime, il convient d'infliger aà l'auteur du
trouble un dommage eé quivalent. La restitution peut se faire en nature ou de manieà re
tarifieé e. L'acquittement de la dette replace l'eé quilibre anteé rieur et pacifie aà nouveau les
relations sociales.

Dans la mesure ouà ce systeà me a lieu entre groupes, il y a la garantie d'une vengeance.

Dans une socieé teé eé tatiseé e, la violence est contenue par l'instauration d'un deé seé quilibre
entre le Princeps et l'individu ( le deé linquant). Nul ne peut reé sister aà ce deé seé quilibre et
cela engendre de la crainte. Dans le systeà me peé nal, la victime est mise de coteé .

Selon Philippe ROBERT, la peé naliteé opeà re de deux façons, en deux peé riodes :

1. La peine s'attaque de manieà re spectaculaire au corps du condamneé .

2. On proceà de aà l'eé loignement (galeà res, colonie peé nitentiaires)


Au 19eà me sieà cle, les peines physiques sont remplaceé es par des peines privatives de
liberteé . Le pouvoir royal se deé sacralise et la prison devient la sanction type de l'Etat
libeé ral, cette sanction est souvent accompagneé e d'une peine de travail.

Lorsque l'Etat social eé merge, on assiste aà une eé conomie de la peine. L'emprisonnement


est diminueé , les peines courtes ne sont plus exeé cuteé es. On use de la menace avec
l'instauration du sursis. Pour les mineurs, des politiques de preé ventions sont mises en
place.

Si les conditions de deé tention s'humanisent, la symbolique de l'enferment reste treà s


importante. Les prisons restent, cependant, surpeupleé e. Les peines d'enfermement sont
moins prononceé es mais les peines prononceé es sont plus longues.

Les peines alternatives se deé veloppent et se multiplient. Les deé linquants sont pris en
charge et sont surveilleé s en milieu ouvert.

Des innovations, principalement tourneé es vers la victime et la reé paration du lien social,
apparaissent. La reé paration du dommage rentre au sein des solutions envisageé es.

Ces nouvelles mesures ont un effet reé inteé gratif. Ex: " Concertation restauratrice en
groupe "(HERGO). Dans ces cas, l'approbation de la victime est capitale et peut eê tre
neé faste pour le deé linquant.

Qu'est ce que la justice restauratrice ?

Ce mouvement deé marre d'une reé flexion theé orique et vise aà prendre du recul par rapport
aà la justice peé nale et aà la justice protectionnelle (interpreé tant la deé linquance comme un
symptoê me).

La justice restauratrice se deé marque par sa preé occupation pour la victime et pour le
dommage causeé par l'infraction. En se focalisant sur le dommage, on restaure un lien
entre l'auteur et le poê le victime/communauteé .

Selon GALLOWAY et HUDSON, le crime est avant tout consideé reé comme un conflit entre
individus et secondairement comme un conflit entre auteur et Etat.
Le but du processus est la reé paration du dommage. Ce systeà me est senseé promouvoir la
participation de la victime, du deé linquant, de la communauteé pour reé parer le dommage
plutoê t que de laisser la deé cision entre les mains d'un juge ou d'un expert.

Ce courant se situe au croisement de la victimologie, du courant communautariste et du


courant abolitionniste.

Influences victimologiques:

De nombreux victimologues sont seé duits par cette approche car elle permet de
transcender une question importante : " est-ce que l'aide aux victimes est compatible
avec la resocialisation du deé linquant ? Il apparaissait difficile de reé inteé grer des
deé linquants tout en tout en s'occupant des victimes.

Influences abolitionnistes :

Ce courant est porteé par le Hollandais Luc HULSMAN et le Scandinave N. CHRISTIE. Ils
proê nent la disparition du droit peé nal et s'inscrivent dans le sillage de la criminologie
critique. Le droit peé nal est perçu comme un mal social car il n'atteint aucun de ses
objectifs tout en creé ant de nouveaux probleà mes. Le droit peé nal a une vision partielle et
partiale des probleà mes. Il est caracteé riseé par des reé ponses steé reé otypeé es. Les
abolitionnistes remplacent la notion de crime par celle de situation problème.

Ils veulent utiliser un systeà me de reé solution des conflits ouà les parties du conflit
proposent des solutions et pourraient faire appel aà un systeà me officiel travaillant sur le
mode civil.

Influences communautaristes :

Ce mouvement consideà re la socieé teé actuelle comme trop fragmenteé e, trop individualiste.
Les individus ne sont plus capables de s'identifier aà une communauteé . Cette situation
serait aà la base de nombreux probleà mes. Ils proê nent la mise en place de petites
communauteé s ouà chacun pourrait inteé grer des normes.

Plusieurs sous-courants de la justice restauratrice ont pris une coloration religieuse. Le


mouvement communautariste contribue aà poser de bonnes questions et met en doute le
fait que le droit peé nal se focalise trop sur l'individu.

La justice restauratrice est traverseé e de nombreuses controverses.


Chapitre 5 : Les courants psychologiques, psychanalytiques et cliniques au 20eà me sieà cle.

Jusque 1960, l'approche criminologique en Europe s'axe essentiellement sur l'individu.


Le courant constitutionnaliste (courant lieé aà la biologie) cherche aà eé tablir une
morphologie caracteé ristique du deé linquant appeleé e somatotype. Leur theà se est que le
physique d'un individu refleà te la constitution psychique.

KRETCHMER propose une typologie :

– Athleé tomorphe : individu aà la charpente puissante, au corps velu, aà la chevelure


drue, sujet aà des bouffeé es eé pileptique, plus enclin aà commettre des crimes violents.

– Eptomorphe : individu freê le, au visage fin, en manque affectif, serait enclin aà
commettre des vols.

– Pictomorphe : individu corpulent, chauve serait enclin aà commettre d'abord des


vols et ensuite des crimes.

– ...

Des theé ories mettent en relation le QI et la propension aà commettre des deé lits. La
deé biliteé mentale se transmettrait de manieà re heé reé ditaire. Des statistiques montrent que
les deé linquants auraient des carences de la penseé e abstraite et du QI verbal. Les
deé linquants violents passant aà l'acte de manieà re irreé fleé chie ont un QI treà s peu eé leveé .

Cependant, certaines contre-expertises ont deé montrer que les premieà res lignes, la
" chair aà canon " de la premieà re guerre mondiale (autrement dit, des membres de classes
sociales treà s peu eé leveé es) ont, pour 47% d'entre eux, le QI d'enfants de 13 ans.

E. SUTHERLAND remarque que le pourcentage de deé linquants deé biles est passeé , avec le
temps, de 70% aà 20%.

D'autres theé ories criminologiques sont avanceé es dans le sillage du courant


psychanalytique. Selon FREUD, le comportement humain est fonction de pulsions
inconscientes. Les deé sordres fonctionnels (tels la criminaliteé ) sont des conseé quences de
ces pulsions. Des eé nergies refouleé es cherchent aà eê tre satisfaites et arrivent aà l'exprimer
en cas de carences sociales.
Il y a deux types d'explications psychanalytiques.

1. Le deé linquant a un surmoi trop rigide, dominant, qui refoule excessivement et creé e
des sentiments de culpabiliteé profond. L'individu cherche alors aà braver les limites deà s
qu'il le peut.

2. Le deé linquant a un surmoi atrophieé . La socialisation est deé ficiente et entraîêne une
absence de refoulement des pulsions.

Le comportement criminel est preé vu comme une reé ponse substitutive.

La figure du psychopathe :

La psychopathologie classifie une maladie mentale. On distingue la psychopathologie des


travaux de ceux qui eé tudient les traits de personnaliteé des psychopathes.

Le psychopathe est un deé linquant multi-reé cidiviste irreé cupeé rable. Il semble eê tre
incapable de se comporter normalement.

D'aucuns utilisent le terme de sociopathie ; selon eux le trouble n'est pas intra-
psychique mais se trouve dans la conduite sociale. La psychiatrie propose des deé marches
pour diagnostiquer les troubles sociopathiques. On utilise deux instruments.

1. Le DSM-4 : chez le psychopathe, il y a un mode geé neé raliseé de fonctionnement ouà le


sujet ne manifeste pas d'inteé reê t pour les droits d'autrui et ce depuis l'aê ge de quinze ans.
Ce mode de fonctionnement est deé tecteé aà travers au moins trois criteà res parmi une une
liste ( manquement aux normes sociales de comportement, dupliciteé (mensonges
reé peé teé s), impulsiviteé , labiliteé , irritabiliteé et agressiviteé , absence de preé occupation pour sa
propre seé curiteé et celle des autres, irresponsabiliteé , absence de remords...)

2. L'eé chelle de HARE " psychopathology check-list revisited "

1) Etienne DEGREEFF (1928 -1961) " Theé orie du processus criminogeà ne "

Psychiatre attacheé aà la prison centrale de Louvain, il marque le champ de la criminologie


par son exposeé sur la psychogeé neà se des deé linquants. Il innove dans les theé ories
criminologiques car il a une approche de veé cu, il envisage le crime de l'inteé rieur. Il
cherche aà comprendre comment le criminel envisage son crime. DEGREEFF deé crit le
processus avant le passage aà l'acte. Il met en eé vidence un eé tat dangereux preé deé lictuel. Le
processus est le meê me que l'individu soit normal, semi-normal ou pathologique. 70%
des criminels annoncent leur crime. Il faut voir ces avertissement dans une dynamique
qui qui preé ceà de le passage aà l'acte.
1) Assentiment inefficace (ou acquiescement mitigé)

Lorsque l'individu est confronteé aà une situation probleé matique, l'ideé e que l'autre, source
de son probleà me, puisse disparaîêtre eé merge mais pas neé cessairement de sa propre
action. Ce premier stade, en geé neé ral, se reé sorbe spontaneé ment. L'autre est proteé geé par
des fonctions morales issues de la socialisation.

2) Assentiment formulé

Des individus acceà dent parfois aà cette phase ouà l'autre est deé valoriseé , deé shumaniseé . On
exageà re les torts de l'autre ; torts qui peuvent devenir un motif aà sa disparition (deé but
d'agression verbale). Son eé ventuelle disparition est rationaliseé e. L'instinct de sympathie
est affaibli et les probabiliteé de passage aà l'acte augmentent.

Le sujet est mal dans sa peau durant cette phase. Il eé prouve une grande reé sistance face
au passage aà l'acte. Il vit un conflit qui l'oppose aà de nombreux obstacles moraux.
Lorsque l'individu a une capaciteé de controê le des pulsions bien eé tabli, il peut envisager
d'autres solutions que le passage aà l'acte.

3) Acceptations et crises

Les objections morales sont balayeé es. L'individu s'envisage comme auteur de la
disparition de l'autre. On est, alors, treà s proche du passage aà l'acte. Il ne manque que
l'occasion.

L'acte sera d'autant plus violent que la sympathie pour l'autre eé tait forte. Plus les
barrieà res des phases preé ceé dentes ont eé teé fortes, plus l'acte sera sauvage.

De tels comportements sont applicables aux vols, aà l'agression et aux situations ouà une
dissolution des barrieà res morales est neé cessaire.

L'homme moyennement honneê te ne marche qu'aà reculons vers un acte aussi avilissant
que le crime.

2) J. PINATEL (1913-1999) " Theé orie du noyau central de la personnaliteé criminelle ",
1963

Criminologue français, PINATEL travaille dans l'administration. Il est preé sident de la


socieé teé internationale de criminologie. Il s'inteé resse aux examens psycho-meé dicaux et
aux traitements des deé tenus. Il deé veloppe l'ideé e d'une criminologie clinique ainsi que la
theé orie du noyau central de la personnaliteé criminelle.
Il conçoit cette theé orie sur base d'une syntheà se d'observation reé aliseé e par des cliniciens
dont E. DEGREEFF.

Le noyau central de la personnaliteé criminelle:

L'ideé e de PINATEL est l'abandon de l'ideé e selon laquelle il existerait une diffeé rence de
nature entre deé linquant et non-deé linquant. Il n'y aurait qu'une diffeé rence de degreé , un
continuum allant du plus petit deé linquant jusqu'au multi-reé cidiviste endurci.

Le noyau central de la personnaliteé criminelle est le noyau qui va gouverner la passage aà


l'acte. Ce noyau est composeé de quatre traits particuliers constituant une nouvelle
organisation de personnaliteé chez le deé linquant grave. Cette constellation de traits est un
eé leé ment deé clencheur qui facilite le passage aà l'acte. La preé sence simultaneé e et organiseé e
des ces quatre traits deé termine le passage aà l'acte.

1. L'égocentrisme (ou égocentrisme moral)

Il s'agit de la propension aà situer les personnes et les eé veé nements uniquement en


rapport avec soi-meê me. Normal chez l'enfant, ce trait empeê che de prendre en compte le
jugement des autres. Le deé linquant parvient aà passer aà l'acte sans se poser de questions,
il peut fuir la culpabiliteé . L'eé gocentrisme renvoie aà l'indiffeé rence par rapport aux
jugements d'autrui.

2. La labilité

Il s'agit de l'incapaciteé aà preé voir les conseé quences d'un acte. Il se preé occupe du deé sir
immeé diat sans tenir compte ni du passé, ni du futur. Ce trait explique pourquoi le
criminel est insensible aà la menace peé nale. Ces individus n'ont pas une conduite stable.

3. L'indifférence affective

Être sourd et aveugle . Ne pas percevoir le coteé odieux du crime, eê tre insensible aà la
souffrance d'autrui. PINATEL relie cette indiffeé rence aà une carence affective de l'individu.

4. L'agressivité
Il s'agit de la tendance aà agir et reé agir avec violence. L'individu est muê par une eé nergie
fort circonstancieé e qui le pousse vers ses buts.

La reé union de ces quatre traits deé finissent la dangerositeé de l'individu (cf. GAROFALO).
Pour PINATEL, cette structure est diffeé rentes des classifications cliniques, il ne s'agit que
de l'accentuation de traits normaux , de degreé .

C. DEBUYST consideà re que cette theé orie est reé ductrice, naîïve, eé tant uniquement baseé e
sur des rapports de psychiatre. La vision du deé linquant est statique or une personnaliteé
eé volue.

Cette theé orie statique conduit aà des deé rives sur le plan du traitement du deé linquant.

Chapitre 6 : Tendances de politiques criminelles en matieà re de deé linquance urbaine.

1) Approche du concept de preé vention

a. d'ouà vient le concept de preé vention?

Ce concept est treà s utiliseé quel que soit le domaine (politique, meé decine...). Il sert de
reé feé rence pour de nombreux intervenants de terrain. Ce concept est lourd, envahissant
et transversal. De nombreuses actions institutionnelles sont structureé es sur base de la
preé vention. La preé vention est preé senteé e comme un ideé al.

La droite politique privileé gie un axe de preé vention situationnelle (chacun doit faire sa
part de preé vention) et d'actions de responsabiliteé de la famille.

La gauche privileé gie des actions preé ventives sur le social.

Ces deux poê les sont cependant d'accord sur la gestion des risques.
b. Origine de la preé vention par rapport au savoir

Dans la penseé e criminologique, la premieà re balise est le traiteé de BECCARIA. Il plaide


pour une preé vention peé nale geé neé rale. Les peines sont senseé es jouer un roê le dissuasif.

L'arriveé e d'une penseé e scientifique est une deuxieà me balise historique. Jusqu'au 18eà me
sieà cle, les grands fleé aux sont perçus comme des risques sociaux incalculables et
immaîêtrisables. Les fleé aux sont relieé s aà des explications deé istes ou deé monologiques.

Un nouveau scheé ma de penseé e s'installe, l'homme tente d'expliquer les risques par des
lois rationnelles qui progressivement mettent le pas aux explications deé istes. Apparaîêt
l'ideé e de gestion preé ventive (cf. F. ERWALD " l'eé tat providence "). Les philanthropes
reé fleé chissent au moyen de lutter contre les eé pideé mies. Les rapports de speé cialistes
argumentent vers des mesures preé ventives (eé gouttages, mesures d'hygieà ne...) afin d'agir
sur les causes des maladies.

La typologie des preé ventions apparaissent avec l'eé pideé miologie.

Prévention primaire : actions dont les effets empeê chent le deé veloppement des causes
geé neé rales d'un pheé nomeà ne et qui visent les populations ouà le pheé nomeà ne n'est pas
encore preé sent.

Prévention secondaire : programmes visant des groupes plus vulneé rables ouà le
pheé nomeà ne risque de se preé senter.

Prévention tertiaire : preé vention orienteé e vers les individus chez qui le pheé nomeà ne
s'est deé jaà produit, pour eé viter la reé cidive.

Les speé cialistes de l'eé poque (tels FERRI) se demandent si les pathologies sociales
touchent beaucoup les mineurs d'aê ge et ne risquent pas de ramener la socieé teé aà son eé tat
sauvage. Un nombre important d'individus semblent insensibles aà la menace peé nale. A
partir de cette question, se deé veloppe la criminologie.
Deux tendances s'opposent. La tendance biologisante-psychologisante expliquant
pourquoi la menace peé nale ne fonctionne pas, l'autre tendance est centreé e sur la
primauteé du contexte social.

Cette ideé e de preé venir la deé linquance apparaîêt au croisement de deux pheé nomeà nes : les
premiers deé veloppements scientifiques sur l'eé tiologie et l'aveà nement de l'Etat libeé ral ;
eé tat qui a pris du poids dans l'intervention sociale.

Apparaîêt une strateé gie qui paraîêt eê tre une alternative au droit peé nal. Il paraîêt possible de
convertir le risque criminel en menace calculable sur lequel on pourrait exercer un
controê le qui se ferait sur des facteurs individuels ou sur des composantes sociales.

Un savoir embryonnaire sur la criminaliteé . Les sciences deé finissent les facteurs et les
politiques publiques essayent d'agir sur ces causes en eé liminant les facteurs. D'autres
part, on essaye de deé velopper des forces qui rameà nent vers des comportements
respectant les normes.

Durant l'apreà s deuxieà me guerre mondiale, se deé veloppe et se professionnalise le travail


social. La preé vention est un des fondements des pratiques professionnelles.

c. Inconveé nients :

La preé vention est quelque chose de flou. Ce concept est difficile aà circonscrire et renvoie
beaucoup aà des entreprises de controê le social. La theé orisation du concept de preé vention
aboutit aà une impasse en raison de son caracteà re ambigu, eé lastique. Des auteurs
proposent des typologies ouà l'on peut classer diffeé rents types d'approches se
revendiquant de la preé vention. Tout est prévention.

La preé vention est fort relieé e au controê le social. Elle a tendance aà " polluer " l'action
sociale. De façon geé neé rale, l'ideé ologie de la preé vention s'identifie en opposition aà
l'appareil de reé pression preé ventive. Elle est conçue pour venir en aide au droit et aà la
justice perçus comme inefficaces.

Tout en se preé sentant comme diffeé rent du droit peé nal, elle apparaîêt proche de la logique
peé nale dans les finaliteé s de controê le, de correction de l'individu, de protection...

Les politiques publiques ont, en geé neé ral, deux objectifs:


– le deé veloppement de preé ventions geé neé rales

– le deé veloppement de preé ventions plus speé cialiseé es.

La preé vention geé neé rale reste souvent cantonneé e aà la simple deé claration d'intention. Par
contre, il y a des investissements importants dans la preé vention socio-peé nale. Cette
approche speé cialiseé e reste dominante.

2) La theé orie de la feneê tre briseé e

voir article de P. PONSAERS

3) Le sentiment d'inseé curiteé

voir rapport Fondation Roi Baudouin

Vous aimerez peut-être aussi