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L'ÉTERNEL RETOUR ET LA PENSÉE DE LA MORT

Marc Crépon

Presses Universitaires de France | « Les Études philosophiques »

2005/2 n° 73 | pages 193 à 202


ISSN 0014-2166
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L’ÉTERNEL RETOUR ET LA PENSÉE DE LA MORT

De la mort, de la crainte de la mort, dépend la


connaissance du Tout. Rejeter la peur du terrestre,
enlever à la mort son dard venimeux, son souffle
pestilentiel à l’Hadès, voilà ce qu’ose faire la philo-
sophie. Tout ce qui est mortel vit dans cette
angoisse de la mort, chaque naissance nouvelle
multiplie l’angoisse d’un nouveau fondement, car
elle multiplie ce qui est mortel. Sans fin le sein de
la terre inépuisable accouche du neuf, et chacun
est soumis à la mort, chacun attend avec crainte et
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tremblement le jour de son passage aux ténèbres.
Mais la philosophie conteste ces angoisses de la
terre. Elle s’échappe par-dessus la tombe qui
s’ouvre sous les pieds à chaque pas1.

Sur cette méditation de la mort s’ouvre, on s’en souvient, le livre de


Franz Rosenzweig, L’Étoile de la Rédemption. Dans ces pages inaugurales,
dont on rappellera qu’elles furent écrites dans les tranchées, durant la pre-
mière guerre mondiale – dans « les plis de la terre nue » –, le philosophe
dresse un double constat. D’abord, la philosophie est impuissante à apaiser
notre angoisse devant la mort. Quels que soient ses efforts pour nous
consoler de notre certitude d’une fin inéluctable, ses injonctions de n’en rien
craindre ne tiennent pas devant notre volonté de « survivre » envers et
contre tout. Ensuite, ni la distinction d’un ici-bas et d’un au-delà, ni l’union
des morts et des vivants dans un grand Tout, quelles que soient les modali-
tés de leur construction, ne sont à la mesure de la relation au temps – à notre
temps de vie, mais sans doute aussi au temps de vie des autres (au spectre du
deuil qui hante toute relation) – qu’induit cette certitude. Avant même que
le temps ne devienne un des thèmes directeurs de L’Étoile, son incipit nous
laisse pressentir qu’une pensée qui voudrait tenir bon face à l’épreuve de ce
« quelque chose impitoyable, impossible à éliminer (ein Unerbittliches, nicht
wegzuschaffendes Etwas)2 » devrait penser le temps autrement.
Si je veux me souvenir de cet incipit – celui d’un grand livre auquel la
pensée de Nietzsche n’est pas tout à fait étrangère – c’est afin de mieux
introduire à la question qui sera la mienne. S’il est vrai que toute pensée du
temps ouvre une relation singulière à la mort, non seulement à la possibilité

1. Franz Rosenzweig, L’Étoile de la rédemption, trad. franç. par Alexandre Derczanski et


Jean-Louis Schlegel, revue et corrigée, Paris, Le Seuil, 2003, p. 19.
2. Ibid., p. 21.
Les Études philosophiques, no 2/2005
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de notre propre disparition, mais aussi à celle des êtres plus ou moins pro-
ches, quelle est celle que promet la doctrine de l’éternel retour ? À supposer
que Zarathoustra prophétise quelque chose, avec et par cette pensée, et que
ce quelque chose soit la venue du surhumain, n’est-ce pas dans notre façon
d’affronter l’angoisse devant la mort et de faire l’expérience du deuil que
celui-ci se signifie comme un « autrement qu’être humain » ? N’est-ce pas
cela qu’attend et veut Zarathoustra ? N’est-ce pas cela qui en fait, de l’aveu
même de Nietzsche, un « cinquième évangile » ?
Déjà, nous savons que d’un point de vue formel – c’est-à-dire indépen-
damment de ce que la pensée de l’éternel retour nous dit et nous apprend du
temps – les conditions de son énonciation peuvent être considérées comme
« prophétiques », au sens où elles annoncent une rupture des temps, une
coupure en deux de l’histoire, la venue dans le temps d’un événement (la
publication et la diffusion de cette pensée) qui en interrompt le cours et en
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brise la continuité. Plusieurs textes de Nietzsche le signalent, qui disent tous
ce qu’il espérait de sa pensée et du livre dans laquelle elle se trouvait pro-
férée. Sa prise de parole n’avait rien d’une recollection, d’une récapitulation,
elle ne visait pas non plus à synthétiser et dépasser d’anciennes opinions, elle
n’était pas progressive et ne s’inscrivait dans aucune continuité de la pensée.
Elle faisait, bien davantage, irruption, dans le cours du temps, avec l’espoir
d’inverser le sens de l’histoire. C’est ce qu’il laisse entendre à son éditeur,
Ernst Schmeitzner, dans une lettre où il lui décrit et prédit les effets à venir
de Ainsi parlait Zarathoustra, dans les termes suivants :
Il s’agit d’une « poésie » ou d’un cinquième évangile ou de quelque chose pour
lequel il n’existe pas encore de nom : de loin la plus sérieuse, mais aussi la plus gaie
de mes productions et accessible à tous. Aussi, je crois qu’elle produira un effet
immédiat1.

Mais le ton prophétique ou messianique est aussi celui qu’adopte Zara-


thoustra dans nombre de ses discours. Non seulement il se présente à ceux
qui croisent son chemin comme un prophète – un prophète qui doit préci-
sément réapprendre à vivre et à mourir2 –, mais il fait aussi à plusieurs repri-
ses l’éloge de la prophétie. Or cet éloge n’est pas séparable d’un autre regard
autant sur le dépérissement des êtres et des choses qui l’entourent que sur la

1. Nietzsche, lettre du 13 février 1883 à Ernst Schmeitzner, dans Friedrich Nietzsche,


Sämtliche Werke, Kritische Studienausgabe, Berlin-New York, Walter de Gruyter, 1975-1984,
vol. 6, p. 327.
2. Voir, dans Ainsi parlait Zarathoustra, la fin de la troisième partie, « les sept sceaux (ou : le
chant du oui et de l’amen) » : « Si je suis prophète, et plein de cet esprit prophétique qui erre sur
la haute crête d’entre deux mers, allant et venant, telle une lourde nuée, entre le présent et
l’avenir, ennemi des bas-fonds étouffants et de tous les êtres exténués qui ne savent plus ni
mourir ni vivre (und nicht sterben, noch leben kann). [...] Oh ! Comment ne brûlerais-je pas du désir
de l’éternité, du désir de l’anneau des anneaux, l’anneau nuptial du retour » (trad. franç. Paul
Matthias, Paris, Garnier-Flammarion, 1996, p. 283-284) ; Kritische Studienausgabe (désormais
KSA), Berlin, Walter de Gruyter, 1966-1977, t. 4, p. 287. Je reviendrai plus loin sur ce passage
décisif, en soulignant d’ores et déjà que la pensée de l’éternel retour se distingue par la relation
au vivre et au mourir dont elle délivre, autant que par celle qu’elle annonce.
L’éternel retour et la pensée de la mort 195

mort qui l’attend. S’il est vrai, comme je vais essayer de le montrer,
qu’échapper à l’angoisse devant la mort, surmonter l’expérience du deuil
sont des traits qui caractérisent Zarathoustra, ils sont liés explicitement au
don de prophétie. Avoir des rêves prophétiques, c’est, en effet, nécessaire-
ment attendre et espérer, c’est croire que quelque chose peut surgir encore
qui ne sera pas immédiatement reconductible à la loi de la disparition natu-
relle de tous les êtres vivants. C’est croire, plus encore, qu’on a raison de le
croire – et l’affirmer. Ainsi, dans un discours de la deuxième partie intitulé
« Du pays de la culture », la capacité de faire des rêves prophétiques se
trouve doublement liée à la création et à ce que Nietzsche appelle « la foi
dans la foi ». À celui qui dispose d’une telle capacité et donc d’une telle foi,
s’oppose celui pour qui le dernier mot de la réalité est que « tout mérite de
périr » :
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Vous êtes la réfutation ambulante de la foi, la dislocation de toutes les pensées,
indignes de croire, telle est l’épithète que je vous donne, ô réalistes. [...] Vous êtes
stériles, c’est pourquoi vous manquez de foi. Mais tous ceux qui sont nés créateurs
ont toujours eu des rêves prophétiques et su lire des présages dans les étoiles ; ils
ont eu foi dans la foi. Vous êtes des portes entrebâillées, au seuil desquelles le fos-
soyeur est en attente. Et voici votre réalité : « Tout mérite de périr (Alles ist werth, dass
es zu grunde geht). »1
Avant même que nous ne nous engagions à nouveau dans le questionne-
ment de l’éternel retour, ce discours de Zarathoustra nous apprend deux
choses. La première est que si la pensée nietzchéenne du temps est une
pensée « prophétique » ou « messianique », celle-ci n’est pas séparable d’un
messianisme de la parole (celle de Zarathoustra) et de l’écriture2 (celle de
Nietzsche). La seconde est que cette « foi dans la foi » qu’est toute prophétie
est tout autant un rapport à la mort et au deuil qu’un rapport au temps.
Avoir foi dans la foi, c’est refuser de se laisser gagner par le sentiment que
rien ne vaut, car tout est périssable, que la mort étant inéluctable, tout est
vain – c’est refuser de prêter une oreille complaisante à ceux que Zarathous-
tra dénonce, dès le premier livre, comme des « prédicateurs de mort (Prediger
des Todes) ». Nous savons que, quelques années plus tard, ce sentiment pren-
dra le nom de nihilisme – et nous devrons nous demander si, au bout du
compte et en dépit de tout ce qui les sépare, ce n’est pas dans leur commun
refus d’un tel sentiment que « temps messianique » et « éternel retour »
consonnent.
Mais de quoi Zarathoustra fait-il prophétie ? Pour répondre à cette ques-
tion – ce qui veut dire interpréter le « surhumain », tout comme l’éternel
retour, dans l’horizon d’une croyance et d’une promesse, je repartirai de « la
pensée de la mort ». De façon singulière, cette pensée accompagne
Nietzsche tout au long de son œuvre – ou plutôt, elle est, elle-même, un

1. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, op. cit., p. 166 ; KSA, 4, p. 154.


2. Sur ce point, je me permets de renvoyer au chapitre 6, « Politiques de l’écriture », de
mon ouvrage : Nietzsche, l’art et la politique de l’avenir, Paris, PUF, 2003.
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objet de sa pensée, auquel, avec une régularité remarquable, plusieurs de ses


grands livres consacrent au moins un aphorisme. Ainsi le § 185 du Voyageur
et son ombre est-il intitulé « De la mort raisonnable (Vom vernünftigen Tode) ».
L’un des derniers discours de Zarathoustra, dans le premier livre de Ainsi
parlait Zarathoustra, traite nommément, quant à lui, « de la libre mort (vom
freien Tode) », dont le thème se retrouve dans Crépuscule des idoles et dans
L’Antéchrist. Enfin, l’aphorisme 278 du Gai Savoir porte explicitement le titre
« La pensée de la mort (das Gedanke an den Tod) ». Ce dernier texte fait même
état de ce qui pourrait apparaître comme une véritable obsession de la mort.
Évoquant une promenade dans les ruelles d’une ville quelconque, Nietzsche
raconte comment derrière chacun des visages qui composent la foule
bigarrée, assoiffée de vie, qui déambule à ses côtés, il perçoit autant de
morts en sursis, autant d’êtres accrochés à leur avenir et oublieux, du même
coup, du fait que leur mort à venir est, en réalité, le seul avenir qu’ils aient en
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commun :
Et cependant pour tous ces êtres bruyants, vivants, avides de vivre, bientôt se
fera le silence ! Comme on voit derrière chacun se dresser son ombre, son obscur
compagnon de route ! C’est toujours comme un dernier instant qui précède le
départ d’un navire d’émigrants : on a plus de choses à se dire que jamais, l’heure
presse, l’Océan dans son morne silence attend, impatient, derrière tout ce bruit
– si plein de convoitise, si certain de sa proie ! Et tous, tous pensent que la vie
vécue jusqu’alors ne serait rien, sinon peu de choses, le proche avenir serait tout ;
d’où cette hâte, ces cris, cette façon de s’assourdir et de s’abuser ! Chacun veut
être le premier dans cet avenir – et pourtant la mort et le silence de mort consti-
tuent l’unique certitude et ce qu’il y a de commun à tous dans cet avenir. Combien
étrange que l’unique certitude, l’unique sort commun n’ait eu à peu près aucun
empire sur les hommes et que ce dont ils sont le plus éloignés, c’est de se sentir
comme une confrérie de la mort1 !

Ce texte pose les prémices de toute réflexion sur la mort. Il retrouve les
accents pascaliens de la pensée du divertissement. La certitude de sa finitude
conduit chacun à se distraire de l’échéance inéluctable, par tous les moyens,
en concentrant son attention sur son avenir immédiat. Mais il va encore au-
delà. Il dit, avec une clarté sans égale, que notre pensée de la mort affecte
notre perception de l’instant, c’est-à-dire du temps, en tant qu’elle est com-
mune. Non seulement, comme l’avait déjà noté Pascal, nous ne vivons pas
l’instant pour lui-même, mais notre obsession de la mort nous interdit en
outre de le partager. La force du texte de Nietzsche est de lier la pensée de la
mort et celle du « nous ». Il n’y a, dit-il, qu’un seul « nous » qui tienne, c’est
celui qui nous lie, dans la certitude partagée de notre finitude – ce que
Rosenzweig devait analyser, un peu plus tard, comme la multiplication, à
chaque naissance, de l’angoisse de ce qui est mortel. Or ce « nous » est un
« nous » confisqué. Nous ne savons pas partager cette commune apparte-

1. Nietzsche, Le Gai Savoir, trad. franç. Pierre Klossovski, revue par Marc de Launay,
dans Œuvres philosophiques complètes, t. 5, Paris, Gallimard, 1982, p. 190-191 ; KSA, 3, p. 523.
L’éternel retour et la pensée de la mort 197

nance. Notre rapport au temps, au présent comme au passé et à l’avenir, est


à ce point distrait de notre propre finitude que nous nous replions sur
d’autres formes de communautés. Sans doute, ce qui s’exprime dans cette
distraction est une volonté de vivre, mais celle-ci est aussi une fuite devant la
mort – une mauvaise équation entre la vie et la mort. Qu’est-ce que la vie, en
effet, si elle n’est que cette fuite, une résistance aveugle à l’angoisse de la
mort ? D’où l’émergence d’une question qui est peut-être celle-là même de
l’éternel retour : comment faut-il penser le temps, pour sortir de cette équa-
tion ? Ou mieux encore, comment prendre confiance, comment croire dans
la possibilité que quelque chose (une pensée) va venir, et que son irruption
nous en sortira ? Et si une telle chose, une telle pensée existe, quelle com-
munauté s’en trouvera restituée ? Quel autre partage s’annoncera ?
Comme toujours, avec Nietzsche, ces questions n’ont de sens qu’arti-
culées à une critique sans appel. Formulées dans Le Gai Savoir, elles se
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retrouvent dans Ainsi parlait Zarathoustra, sous la forme paradoxale d’une
condamnation radicale d’un certain attachement à la vie. Le § 278 du Gai
Savoir se termine en effet par la promesse ou le vœu suivants : « Et je contri-
buerais volontiers à leur rendre la pensée de la vie cent fois plus digne d’être
pensée encore. » Comment aimer la vie, sans que l’amour qu’on a pour elle
soit alourdi par la crainte de la mort ? Cela suppose, nous l’avons vu, une
autre pensée de la vie et de la mort, c’est-à-dire du temps, qui retrouve, dans
la finitude même, la dimension d’une promesse. Or c’est précisément ce que
prophétise Zarathoustra dans son discours intitulé « De la mort libre » :
Je vous montrerai une mort qui est le sceau de l’accomplissement (den vollbrin-
genden Tod), une mort qui pour les vivants est un aiguillon et une promesse (ein
Gelöbnis).
L’homme qui a su accomplir son destin meurt en vainqueur, d’une mort qui est
sienne, entouré de ceux qui sont espérance et promesse.
C’est ainsi qu’on devrait apprendre à mourir ; et jamais on ne devrait célébrer de
fête, sans qu’un tel mourant y parût pour donner sa consécration aux serments des
vivants.
Mourir ainsi, rien n’est plus grand, et, en second lieu, mourir en pleine lutte, en
prodiguant une grande âme.
Odieuse au combattant, comme au vainqueur est votre mort grimaçante qui
s’avance en rampant, tel un voleur, et partout se présente en souveraine.
Je vous vanterai ma mort, la mort libre qui viendra parce que je le voudrai1.

De quoi la mort peut-elle être promesse solennelle (Gelöbniss) ? Qu’est-


ce qu’une « mort libre » ? Que signifie « mourir à temps » ? On aurait tort
d’abord de réduire ce texte à une simple apologie du suicide2. Dans un pas-
sage de Crépuscule des idoles qui fait directement écho à ce discours, Nietzsche
donne une description assez saisissante de ce qu’il appelle la mort au
moment voulu (zur rechten Zeit). Elle doit être, dit-il, « lucide et joyeuse,

1. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, op. cit., trad. modifiée, p. 112 ; KSA, 4, p. 93-94.
2. Même si cette dimension n’est évidemment pas absente du texte de Nietzsche.
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accomplie au milieu de ses enfants et de témoins (inmitten von Kindern und


Zeugen), de sorte que de vrais adieux soient possibles, puisque celui qui prend
congé est encore présent et capable de peser ce qu’il a voulu et ce qu’il a
atteint, bref de faire le bilan de sa vie »1. Dans un registre assez inhabituel,
sous sa plume, avec des accents qui évoqueraient presque La solitude des mou-
rants de Norbert Elias2, c’est d’abord l’ensemble des tabous qui pèsent sur la
mort et le deuil, comme les dimensions incontournables d’une vie partagée,
d’une vie commune, que Nietzsche a dans sa ligne de mire. Mais c’est aussi
davantage. Cacher, confisquer la mort au regard de ceux qui devraient
accompagner le mourant (les enfants et les témoins), faire de la mort un
tabou, une chose honteuse, dont il faudrait se tenir éloigné, n’a d’autre sens
qu’un ressentiment contre la vie et, plus encore, contre le temps. Il y a,
autrement dit, une façon d’appréhender (dans les deux sens du terme) les
derniers instants de la vie qui retourne la vie contre elle-même – un « atta-
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chement » à la vie, dans la crainte de la mort, qui ne fait rien d’autre que la
sacrifier à l’avance.
De ce retournement, de cette hypothèque, rien n’est plus significatif que
le rituel de la confession solitaire, dont le christianisme a voulu faire le der-
nier acte de la vie et l’ultime préparation à la mort – un bilan de la vie en
forme d’aveu et de repentance. De fait, chaque fois que Nietzsche parle de
la mort, la critique du christianisme apparaît en toile de fond. La religion
chrétienne n’a pas su penser la mort, parce qu’elle a déprécié la vie. La suite
de l’aphorisme 36 de Crépuscule des idoles le rappelle explicitement : « La mort
librement choisie, la mort au moment voulu » n’a de sens que « par opposi-
tion à la comédie pitoyable et atroce que le christianisme s’est permis de
jouer avec la dernière heure des mourants »3.
On ne saurait pardonner au christianisme d’avoir abusé de la faiblesse des mou-
rants pour violer leur conscience et de leur manière même de mourir pour en tirer
des jugements de valeur sur l’homme et son passé4.

Toute pensée de la mort porte ainsi en abîme une pensée du temps vécu
– c’est-à-dire aussi d’un certain rapport au passé et à l’avenir. Elle en est
même, comme dans le cas du christianisme, le révélateur. Mais alors, si tel
est le cas, et si le surhomme est celui qui peut voir dans la mort une « pro-
messe solennelle », c’est une autre pensée du temps que cette promesse
appelle – celle-là même qui sera pour Zarathoustra « la pensée la plus
lourde » : la pensée de l’éternel retour. S’il est vrai que cette pensée fait

1. Nietzsche, Crépuscule des idoles, trad. franç. par Jean-Claude Hémery, dans Œuvres philo-
sophiques complètes, t. VIII, Paris, Gallimard, 1974, p. 129 ; KSA, 6, p. 134.
2. Cf. Norbert Elias, La solitude des mourants, trad. franç. par Sibylle Muller, Paris, Chris-
tian Bourgois, 1987, p. 31 : « Rien ne caractérise mieux l’attitude actuelle devant la mort que
la manière dont les adultes redoutent de faire connaître aux enfants les faits concrets tou-
chant la mort. C’est là un symptôme particulièrement remarquable du refoulement de la mort
au niveau individuel comme au niveau social. »
3. Nietzsche, Crépuscule des idoles, op. cit., p. 129 ; KSA, 6, p. 134.
4. Ibid.
L’éternel retour et la pensée de la mort 199

l’objet d’une prophétie, et qu’elle a quelque chose de nouveau à nous dire de


notre angoisse devant la mort et de notre expérience répétée du deuil, nous
devons nous demander de quelle nature est la promesse portée par la pensée
nietzschéenne du temps et comment elle s’articule à cette « promesse solen-
nelle » que serait la mort pour les vivants.
De la pensée de l’éternel retour, il faut souligner d’abord, comme le rap-
pelait Gérard Bensussan dans Le temps messianique, qu’elle doit être rigou-
reusement distinguée de cette « perpétuelle reproduction du rythme des
naissances et des corruptions du monde »1, que l’on trouve dans les palin-
génésies de la philosophie antique, à commencer par celle des stoïciens. De
celles-ci, nous savons, en effet, qu’elles sont inséparables d’une pensée de la
mort et du deuil. La représentation d’une telle reproduction est censée
rendre possible, dans la communauté, un rapport apaisé à la conscience que
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nous avons du dépérissement des êtres vivants ; elle se trouve au fondement
de l’unique consolation qui peut être apportée à notre angoisse devant la
mort et à notre tristesse devant la disparition d’un être proche. Est-ce cela
que veut et attend Zarathoustra ? Si tel était le cas, si la pensée de l’éternel
retour ne faisait que décalquer ces palingénésies antiques, elle se trouverait
en opposition avec cette déconstruction de la « mort naturelle » que
Nietzsche réitère dans la plupart des textes qu’il consacre à la mort2.
L’instant de la mort, avec ce qu’il peut avoir de décisif, de « volontaire » se
trouverait dissout dans le grand cycle des naissances et des disparitions
– cette dissolution n’étant elle-même qu’une nouvelle néantisation de la
mort, un nouveau refus d’affronter en elle ce « quelque chose d’impitoyable,
impossible à éliminer » qu’évoquait Rosenzweig.
C’est donc une autre pensée du temps qu’appellent l’ « aiguillon » et la
« promesse solennelle » que Zarathoustra veut voir dans la mort. Et cette
pensée se démarquera d’autant plus de la conception stoïcienne du temps
qu’il lui faudra s’accorder à cette promesse. La pensée de l’éternel retour, qui
se donne d’abord sous la forme d’une vision et d’une énigme, fait, dans le
corps même du livre, l’objet d’une mésinterprétation, que Nietzsche met en
scène sous la figure d’un gnome. Alors que, dans un face-à-face dramatique,
Zarathoustra entreprend de lui exposer sa « pensée d’abîme », celle-là même
que, dit-il, il ne devrait pas pouvoir supporter, le gnôme la traduit dans la
langue qui lui est immédiatement accessible – celle des conceptions classi-
ques du temps : « Toute vérité est courbe, le temps lui-même est un cercle
(die Zeit selber ist ein Kreis). »3 Or cette traduction, parce qu’elle est simplifica-

1. Gérard Bensussan, Le temps messianique, Paris, Vrin, 2001, p. 138.


2. Voir aussi Nietzsche, Humain, trop humain, t. II, trad. franç. de Robert Rovini revue
par Marc de Launay dans Œuvres philosophiques complètes, Paris, Gallimard, 1988, p. 258 ; KSA,
2, p. 633 : « En dehors de la pensée religieuse, la mort naturelle ne mérite aucunement d’être
glorifiée. – La sage organisation et la libre disposition de la mort entrent dans cette morale de
l’avenir, aujourd’hui inconcevable et d’aspect immoral, dont voir monter l’aurore au regard
doit être un bonheur indicible. »
3. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, op. cit., p. 207 ; KSA, 4, p. 200.
200 Marc Crépon

trice, parce qu’elle gauchit sa pensée, provoque la colère de Zarathoustra.


Elle manque ce que l’image dont s’est servi le prophète, celle de la jonction
des chemins, devait précisément donner à voir : l’instant.
Regarde cette poterne, gnome, lui dis-je encore. Elle a deux issues. Deux che-
mins se rejoignent ici ; nul ne les a suivis jusqu’au bout.
Cette longue route qui s’allonge derrière nous dure une éternité. Et cette longue
route qui s’étire devant nous, c’est une autre éternité.
Ces chemins se contrecarrent ; ils se heurtent du front, et c’est ici, sous
cette poterne, qu’ils se rencontrent. Le nom de la poterne est inscrit au fronton :
« instant »1.

Or manquer l’instant, c’est manquer l’ouverture sur l’éternité – cette


ouverture qui, loin d’être une consolation ou un apaisement, vaut comme
exposition de la vie à la vérité du temps. Et de fait, sans une telle exposition,
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la pensée de l’éternel retour ne pourrait être liée, comme tout le livre de
Nietzsche cherche à le faire valoir, à la venue du surhumain dans l’homme.
Elle ne serait ni « la pensée la plus lourde » ni une « pensée d’abîme ». Elle ne
porterait pas, avec elle, comme contenu de sa promesse, la fin de toute ven-
geance, de tout ressentiment contre le temps et contre la vie – et peut-être
aussi la fin de toute angoisse devant la mort. Qu’est-ce donc que l’éternel
retour ? C’est d’abord l’objet d’une affirmation qui, en tant que telle, est
manifestation de la volonté de puissance. Ce qui compte, dans l’éternel
retour, n’est pas seulement que tout revienne à l’identique, c’est qu’à
l’instant même où je l’affirme, j’acquiesce à la totalité du temps, au présent,
au passé et à l’avenir. Je fais de ce qui fut, de ce qui est et de ce qui sera un
objet de ma volonté, échappant par là même au remords et à la nostalgie,
autant qu’à la crainte de l’avenir. Déjà, on peut entr’apercevoir ici ce qui,
dans cette affirmation, bouleverse le rapport à la mort. C’est moins la certi-
tude du retour que la transformation de la mort en objet du vouloir. En
disant « oui » à tout le temps, je dis « oui » à la mort qui viendra. En faisant
de chaque instant un abîme d’éternité, je le fais aussi de l’instant de ma
propre mort.
Et de fait, c’est une constante, dans tous les textes de Nietzsche sur la
mort, que cette volonté de marquer la nécessité vitale de sa réappropriation.
La pensée de l’éternel retour, l’affirmation du retour à l’identique de tout ce
qui fut, de tout ce qui est et de tout ce qui sera m’apprend (ce serait là sa plus
haute destination, celle-là même qui lui fait côtoyer les cimes) à ne pas me
laisser voler ma propre mort. Ce qui est insupportable, dit Nietzsche, ce
n’est pas qu’il y ait des morts naturelles et d’autres qui ne le sont pas – c’est
qu’il y ait des morts (y compris des morts naturelles) qui en confisquent la
volonté, c’est qu’il y ait des pensées, des discours, des pratiques, religieuses,
politiques ou autres qui font de cette confiscation leur raison d’être.
L’expression « mourir à temps » n’a pas d’autre sens. Elle ne veut pas dire

1. Ibid.
L’éternel retour et la pensée de la mort 201

« précipiter sa fin », « mettre fin à ses jours », par dégoût ou par lassitude de
la vie, mais, au contraire, veiller à garder, encore et toujours, la volonté de
faire de sa mort une affirmation de l’éternité. En cela, elle n’apaise sans
doute pas l’angoisse devant la mort, au sens d’une consolation, mais elle
apprend à « vivre avec », sans que rien de la vie ni rien du temps ne soit
sacrifié. Deux des textes que nous avons rencontrés le disaient déjà de
façons différentes. Crépuscule des idoles :
Par simple amour de la vie, on devrait vouloir une mort différente, libre, cons-
ciente, qui ne soit ni un hasard ni une agression par surprise1.

Et l’aphorisme 278 du Gai Savoir, dont on rappellera la conclusion :


Ce qui me rend heureux, c’est de voir que les hommes refusent absolument de
penser la pensée de la mort ! Et je contribuerais volontiers à leur rendre la pensée de
la vie cent fois plus digne d’être pensée encore2.
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Mais c’est surtout dans le texte qu’il consacre à la mort de Socrate – le
§ 340 du Gai Savoir, intitulé précisément « Socrate mourant » – que
Nietzsche le rappelle. Ce qu’il perçoit dans les derniers instants de la vie, les
dernières paroles que relate Phédon : « Ô Criton, je dois un coq à Escu-
lape », ce n’est rien de moins qu’une mise en abîme vertigineuse du rapport
que Socrate aura eu, sa vie durant, au temps et à la vie. De ces ultima verba, il
fait le signe de ce qui aurait pu, sans cela, rester masqué : un ressentiment,
une vengeance contre la vie, et donc contre le temps – un signe suffisam-
ment dramatique pour qu’il nous invite à dépasser même les Grecs :
Est-ce possible ! Un homme tel que lui, qui avait vécu gaiement et comme un
soldat aux yeux de tous – était un pessimiste ! Il n’avait donc fait autre chose que
bonne contenance à l’égard de la vie, que cacher de son vivant son ultime jugement,
son plus intime sentiment ! Socrate, Socrate a donc souffert de la vie (am Leben gelit-
ten) ! Et il s’en est encore vengé (seine Rache dafür genommen) – au moyen de ce mot
obscur, horrible, pieux et blasphématoire. [...] Ah, mes amis ! Il nous faut surmonter
même les Grecs3.

Le paradoxe donc est que pour que la pensée de la vie puisse acquérir,
de façon exponentielle, cette dignité que réclame Le Gai Savoir, il faut juste-
ment non plus s’abstenir de penser la pensée de la mort, s’en détourner ou la
contourner, comme Pascal le regrettait déjà, mais apprendre à la voir autre-
ment, à penser en elle un instant d’éternité. Est-ce suffisant ? Est-ce une
façon juste d’affronter notre angoisse devant la mort, sans que celle-ci para-
lyse notre existence et que notre attachement à la vie se retourne contre
elle ? Dans les dernières pages qu’il consacre à la pensée de Nietzsche,
Gérard Bensussan, une fois reconnue à la pensée nietzchéenne la dimension
prophétique que bon nombre de ses commentateurs lui auront refusée,

1. Nietzsche, Crépuscule des idoles, op. cit., p. 129 ; KSA, 6, p. 135.


2. Nietzsche, Le Gai Savoir, op. cit., p. 191 ; KSA, 3, p. 523.
3. Ibid., p. 231-232, ; KSA, p. 569-570.
202 Marc Crépon

s’interroge sur le contenu même de cette prophétie – sur le sens exact de


l’affirmation de l’éternel retour de l’identique, comme manifestation de la
volonté de puissance. Sa critique alors se focalise sur un point déterminé qui
se laisse résumer de la façon suivante : dans le sauvetage du temps et de
l’avenir que la pensée de l’éternel retour serait censée orchestrer, seule la
volonté est sauvée. Le « oui » accordé au temps ne serait rien d’autre qu’un
oui accordé au « vouloir ». Les voies de l’éternité qui se rencontrent sous la
poterne de l’instant, pour reprendre l’image de Zarathoustra, seraient cou-
rues d’avance, elles ne laisseraient aucune place à l’irruption de l’impré-
visible, à l’inattendu, à cette illumination ou ce vertige d’éternité que Benja-
min ou Rosenzweig donnent à penser.
Ainsi se trouve contestée fondamentalement l’idée qu’une pensée du
temps qui s’accorde et s’articule à la volonté de puissance pourrait rendre
raison de la promesse et de l’espérance – c’est-à-dire aussi de l’exigence de
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justice, dont toute prophétie devrait transir le temps. Mais cette condamna-
tion est-elle juste ? La pensée du temps comme éternel retour de l’identique
confisque-t-elle effectivement l’espérance et la promesse ? Il est temps de
revenir au vœu de Zarathoustra : « Je vous montrerai une mort qui est le
sceau de l’accomplissement, une mort qui est aiguillon et promesse. » À
chaque instant de la vie, la pensée de l’éternel retour, « la pensée la plus
lourde », « la pensée d’abîme » rend possible, dans son articulation du temps
à la volonté, une autre pensée de la mort. Et cette autre pensée ne sauve pas
seulement le temps, elle en retourne la souffrance en faveur de la vie. Elle
rend la certitude d’une fin inéluctable favorable à la vie. D’où la question,
sur laquelle je voudrais conclure provisoirement. N’est-ce pas cela qu’espère
Zarathoustra ? Que la mort, éclairée par la pensée de l’éternel retour, rende
justice à l’amour de la vie ? Mais si la mort prend ce sens, n’est-ce pas la
question du deuil, la question de la communauté des morts et des vivants,
qu’il nous faudra poser autrement ?
Marc CRÉPON
CNRS, Archives Husserl, Paris.

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