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UNIVERSITE DE PARIS I (PANTHEON–SORBONNE)

Benjamin GHOZLAN
Pierre RIOU

TD 3210

L’EVOLUTION DES
MODELES
PRODUCTIFS

Année universitaire 2000-2001


PLAN

Introduction

I . Vers une production de masse

A. Organisation de la production jusqu’à la Révolution Industrielle


1. Le moyen âge : un début de spécialisation
2. Les précurseurs de la spécialisation des tâches

B. Le Taylorisme et ses applications


1. Qu’est ce que le taylorisme ?
2. Une application des idées de Taylor : le Fordisme

C. Les limites du taylorisme


1. Les inconvénients du modèle
2. Un modèle en crise

II. La recherche d’un nouveau modèle

A. La nécessité d’un nouveau modèle de gestion de la production


1. Pourquoi faut-il un changement ?
2. Les nouveaux indicateurs de performance

B. Les modèles « juste à temps » et MRP 


1. Le modèle du « juste à temps » (JAT)
2. La combinaison du modèle MRP et du modèle JAT

C. Les mutations techniques dans la production : la productique


1. L’usine sans hommes devient presque une réalité…
2. ...mais cela ne restera toujours qu’un rêve

III. Post-taylorisme ou néo-taylorisme : y a-t-il eu un réel changement ?

A. Le post-taylorisme tend a dépasser l’OST…


1. Le post-taylorisme : des nouveaux modes de production mettant fin aux
dysfonctionnement propres au taylorisme
2. L’expérience Volvo un exemple de post-taylorisme

B. ...mais les caractéristiques du taylorisme perdurent : le néo-taylorisme


1. L’ombre de Taylor plane encore sur l’organisation du travail
2. Des exemples concrets du néo-taylorisme

Conclusion
INTRODUCTION

L’entreprise doit sans cesse améliorer ses performances pour survivre, en particulier sur
le plan des coûts, des délais et de la qualité, ainsi que dans la rapidité de la mise sur le
marché des produits nouveaux qui peuvent être soit des biens ou soit des services.
C’est la fonction de production qui joue alors le rôle d’arme stratégique.

C’est pourquoi les systèmes productifs qui ont vocation à organiser la production sont
incontournables dés lors que l’on parle de l’entreprise et plus précisément de
production.

L’ entreprise doit mettre en œuvre des modèles productifs adaptés aux exigences du
marché tout en tenant compte de l’aspect humain qui se traduit le plus souvent dans les
conditions de travail : c’est en quelque sorte le défi posé à l’organisation de la
production.

Les modèles productifs ont connu une évolution importante tout au long de l’histoire
étant donné que les contraintes posées, les produits fabriqués et la demande affectée à la
production ont de même beaucoup changés avec le temps.

Le problème posé est alors de savoir s’il y a eu phénomène de continuité entre les
différents modèles et le cas échéant quels ont été les facteurs de rupture ?

Les modèles productifs ont certes du faire preuve d’adaptation à leur environnement,
technique, social, humain et économique.
Cependant, la perspective de rentabilité de l’entreprise a tendance a accordé la
primauté à la production de masse

Nous analyserons alors les prémices de l’organisation de la production qui ont contribué
indéniablement à la naissance du modèle taylorien (I).
Puis, nous nous intéresserons à la remise en cause du modèle de Taylor qui a donné lieu
à de nouveaux enjeux en termes d’organisation de la production (II). Enfin, nous nous
interrogerons sur la situation actuelle des processus de production afin de savoir si le
modèle taylorien est réellement mort (III).
I- Vers une production de masse

Le taylorisme est le fruit d’une longue évolution de l’organisation des ateliers et des
chantiers  (A).
C’est un modèle de production de masse et de fabrication de produits standardisés
fondé sur des préoccupations techniques plutôt que sociales (B).
Face à l’évolution du marché des dernières décennies le modèle taylorien a cependant
montré ses faiblesses (C).

A. Organisation de la production jusqu’à la Révolution Industrielle

1) Le moyen âge : un début de spécialisation

« La division du travail » (au XIVe siècle dans l’industrie textile florentine) fut poussée au
maximum : produire une pièce de drap nécessitait 26 manipulations différentes, exécutées
chacune par un ouvrier spécialisé. On peut aussi noter la liberté en matière de déplacement et de
salaire des ouvriers du bâtiment , ces derniers pouvant aller d’un chantier à l’autre et refuser le
salaire offert.

Ce n’est pas le surmenage qui causait l’absentéisme parmi les travailleurs anglais du XIIIe siècle.
Il semble qu’ils aient eu plus de jours de congés officiel que ceux d’aujourd’hui… En moyenne,
l’ouvrier travaillait cinq jours et demi par semaine. Toutefois, sa journée était extrêmement
longue, commençant à l’aube, finissant à la tombée de la nuit, douze heures et demi l’été, huit
heures trois quart en hiver.
La modulation des horaires existait déjà !

2) Les précurseurs de la spécialisation des tâches.

L’histoire nous montre que Taylor, dont nous étudierons le modèle productif ultérieurement, a eu
des précurseurs.

Ainsi, l’économie anglaise du XVIe siècle est dynamisée par l’apparition de nouvelles industrie
telle que la verreries, la fabrication de canons ou l’extraction du charbon. Cette dernière activité
va prendre une importance particulière car le charbon de terre commence à remplacer le charbon
de bois dont le prix augmente en raison de la raréfaction des forêts.

La production anglaise passe de ce fait de 35000 tonnes vers 1560 à 200000 tonnes au début du
XVIIe siècle. Ce charbon est utilisé comme combustible domestique mais aussi industriel ; il
suscite également la construction de moyens de transports appropriés (terrestres et maritimes) et
alimente une partie des exportations britanniques. Ces nouvelles industries ne peuvent voir le
jour qu’en raison de l’élargissement des marchés intérieur et extérieur, de l’enrichissement
d’une partie de la population et de ce nouvel état d’esprit qui la pousse à investir dans le secteur
productif.
Cette évolution socio-économique a pour effet de concentrer des travailleurs salariés dans des
unités de production d’une dimension jusque là inconnue, pouvant atteindre plusieurs centaines
de personnes, et de mettre en place des activités complémentaires s’entraînant les unes les
autres au sein de ces unités. On peut ainsi donner l’exemple des horlogers qui ont acquis une
forte avance technologique sur les autres corporations et ont même commencé à appliquer les
principes de la division des tâches. En 1763, on relève seize spécialités dans la fabrication des
horloges et vingt dans celle des montres : faiseur de mouvements, finisseur, foreur, faiseur de
ressorts, graveur d’aiguilles, graveur de cadrans, confectionneur de balancier, polisseur de
cuivres, émailleurs de cadrans, argenteur de cadrans, graveur de boîtiers, doreur de bronze,
peintre fondeur de rouages, faiseur et polisseur de timbres…

Cette évolution de l’environnement influence les réflexions des hommes sur le moyen
d’organiser la production de manière optimale . Adam Smith est ainsi le premier à s’intéresser à
la question. On peut voir qu’il vente déjà les mérites, la supériorité de la division du travail dans
son ouvrage « La richesse des Nations » écrit en 1776. Celle-ci serait à l’origine de l’aisance de
tous, de l’efficacité économique.

« Cette grande augmentation dans la quantité d’ouvrage d’un même nombre de bras est en état
de fournir, en conséquence de la division du travail, est due à trois circonstances différentes :
premièrement, à un accroissement d’habilité chez chaque ouvrier individuellement ;
deuxièmement , à l’épargne du temps qui se perd ordinairement quand on passe d’une espèce
d’ouvrages à une autre, et troisièmement enfin, à l’invention d’un grand nombre de machines
qui facilitent et abrègent le travail, et qui permettent à un homme de remplir la tâche de
plusieurs (…) Cette grande multiplication dans les produits de tous les différents arts et
métiers, résultant de la division du travail, est ce qui, dans une société bien gouvernée, donne
lieu à cette opulence générale qui se répand jusque dans les dernières classes du peuple.
Chaque ouvrier se trouve avoir une quantité de son travail dont il peut disposer, outre ce qu’il
en applique à ses propres besoins ; et comme les autres ouvriers sont aussi dans le même cas ,
il est à même d’échanger une grande quantité des marchandises fabriquées par lui contre une
grande quantité des leurs. Il peut fournir abondamment ces autres ouvriers de ce dont ils ont
besoin, et il trouve également à s’accommoder auprès d’eux, en sorte qu’il se répand, parmi
les différentes classes de la société, une abondance universelle »

Adam Smith traite ainsi du problème de la gestion de production. Par l’effet de la division du
travail, le monde deviendrait un immense atelier où chacun serait spécialisé.

Smith prend l’exemple de la fabrication d’une épingle. Selon lui, un homme seul mettrait très
longtemps à fabriquer une épingle, alors que dans une manufacture spécialisée, des ouvriers
spécialisés qui auraient chacun qu’une seule tâche (par exemple un coup de marteau)
pourraient produire 48000 épingles en un jour. Cette différence de productivité serait due à
l’emploi de machines et à l’habilité des travailleurs spécialisés, d’où un gain de temps.

Frédéric W. Taylor ira plus loin que Smith dans l’organisation rationnelle de la production en
élaborant l’Organisation Scientifique du Travail (OST).
B. Le taylorisme et ses applications

1) Qu’est ce que le Taylorisme ?

L’auteur de l’Organisation Scientifique du Travail (OST) est le premier théoricien du


management. Son objectif principal était de rationaliser le travail afin d’augmenter la
productivité.

Ses préoccupations étaient techniques plutôt que sociales. Ce qui s’explique par la situation
économique de l’époque où l’industrialisation est en plein essor, la demande est largement
supérieure à l’offre, la main d’œuvre est surtout rurale sans formation, n’ayant pas
d’expérience pour travailler dans l’industrie.

Frédéric Winslow Taylor (1856-1915) , américain d’origine irlandaise, définit ses idées
« clés » dans son ouvrage « Shop Management » paru en 1903. Elles portent essentiellement
sur quatre points :
- la « flânerie systématique » et le système différentiel de salaire institué pour la combattre
- le chronométrage
- la sélection de l’ouvrier
- une maîtrise fonctionnelle chargée essentiellement de préparer le travail

Taylor présente la flânerie systématique comme un postulat, c’est à dire quand on affecte un
certain nombre d’ouvrier à un travail similaire et qu’on les paie à un tarif journalier uniforme,
les meilleurs ralentissent leur vitesse d’exécution jusqu’à ce qu’elle rejoigne celle des moins
productifs. Il préconise comme moyen de lutte un système de salaire différentiel.

Il considère que l’homme n’aime pas le travail, que le travail est pénible pour l’homme qui a
des capacités physiologiques limitées. Le mode de rémunération au rendement optimise les
intérêts sociaux de tous au sein de l’entreprise. L’ouvrier gagne en efficacité, il peut
maximiser sa rémunération ; et justice , la rémunération récompense les efforts de chacun. Les
patrons obtiennent pour leur part un bas coût de fabrication.

Les bases du chronométrage telles que les conçoit Taylor, se résument en un certain nombre
d’impératifs :

- diviser le travail en temps élémentaires


- repérer tous les mouvements inutiles et les éliminer
- étudier, comment plusieurs ouvriers habiles, pris l’un après l’autre, exécutent chaque
opération
- décrire chaque mouvement élémentaire et enregistrer son temps
- étudier le pourcentage qu’il convient d’ajouter aux temps enregistrés pour couvrir les retards
inévitables
- fixer le pourcentage qu’il faut ajouter pour les repos et étudier les intervalles auxquels
ceux-ci doivent être accordés pour réduire la fatigue
- reconstituer les combinaisons de mouvements élémentaires que l’on retrouve le plus
souvent dans les travaux de l’atelier, enregistrer les temps de ces groupes de mouvements
et les classer.
Cette étude des temps et des mouvements a été poursuivie par des disciples de Taylor,
comme F.B. Gilbreth, R.M. Barnes, H.B. Maynard.

Ce modèle de division / recomposition des tâches se base sur la croyance toute technicienne
en l’existence d’une forme optimale d’organisation du travail.

La division du travail telle que la pense Taylor vise à confier chaque tâche élémentaire à
l’ouvrier le plus apte à la réaliser. Cette division est multiforme, mais elle aboutit à une
fragmentation maximale des tâches : division horizontale et une séparation conception /
exécution : division verticale.
Taylor était partisan de l’organisation « staff and line », qui suit le principe de l’unité de
commandement .

Il y a donc en fait dans l’OST quatre principes de direction scientifiques :


- « Les membres de la direction mettent au point la science de l’exécution de chaque élément
du travail qui remplace les bonnes vieilles méthodes empiriques » L’exécution du travail va
être séparée de sa conception.
- « Les dirigeants choisissent d’une façon scientifique leurs ouvriers , il les entraînent et les
instruisent de façon à leur permettre d’atteindre leur plein développement »
- « Les dirigeants collaborent cordialement avec leurs ouvriers de façon à avoir la certitude
que le travail s’exécute conformément au principe de la science qui a été créé »
- « Le travail et la responsabilité du travail se divise d’une façon presque égale entre les
membres de la direction et les ouvriers »

La théorie de Taylor a été appliquée de son vivant. Il travaillait comme ingénieur conseil
travail pour la Betlehem Steel. Il a provoqué de grands changements dans son entreprise :
baisse du nombre d’employés, le rendement moyen a été multiplié par six en quelques années,
la rémunération des salariés a augmenté de 60 à 80 % .

2) Une application des idées de Taylor : le Fordisme.

Henry Ford (1863-1947) développe le taylorisme et va même au-delà en instaurant le travail


à la chaîne.

Définir le travail à la chaîne exige que soit fait référence au taylorisme. En cela déjà, le
fordisme ne constitue qu’une rupture mineure. En ce qui concerne la standardisation, si
Taylor insiste presque exclusivement sur celle des modes opératoires, Ford s’inquiète
davantage de la standardisation des matériels. En matière de parcellisation du travail Ford va
pousser celle-ci à son extrême limite. Elle permet avant tout de faire appel à une main-
d’œuvre déqualifiée et de réduire pour celle-ci le temps de formation. Là où Ford va innover,
c’est dans l’importance qu’il va accorder aux machines ou plutôt aux systèmes de machines
reliées entre elles par un système de convoyage : c’est le principe de la chaîne de montage.
Celle-ci décharge l’ouvrier non seulement de tout travail pénible, mais aussi du souci
élémentaire de la réflexion. Ce n’est plus alors l’ouvrier qui circule autour d’un produit, c’est
le produit qui se déplace devant une série d’ouvriers fixés à leur poste de travail.
Les effets sur la productivité sont impressionnants, ainsi de 6000 exemplaires produits en
1908 la Ford T passait à 189000 en 1913. Mais la réaction des travailleurs ne se fit pas
attendre : 380% de turn-over en 1913.

Face à ce constat, Ford se rend compte que l’organisation du travail ne doit pas se limiter à
l’organisation du seul procès de travail. En introduisant le five dollars day, il tente de
résoudre le problème. Qu’est ce que le five dollars day ? C’est la décision prise par Ford de
porter (au 1er janvier 1914) le salaire minimum payer aux ouvriers de ses usines à 5$ par jour,
en même temps que la durée du travail était ramenée à huit heures. Pour comprendre la
surprise que cette décision a provoquée, il faut savoir que le salaire journalier perçu à
l’époque par les ouvriers américains de l’automobile variait entre 2 et 3 $.

Le five dollar day répondait ainsi à un problème spécifique d’embauche. Dans ce domaine,
l’objectif fixé fut atteint au-delà de toute espérance : quelques mois après la décision, de
longues files d’attentes se formèrent devant les bureaux d’embauche de la Ford Motor
Company, tandis que le taux de turn-over retombait à 6.4%.
Le five dollars day ne résultait certes pas d’une volonté philanthropique, mais son principe va
se révéler essentiel pour le développement de la production de masse, dans la mesure où la
redistribution des gains de productivité va s’ajouter à la baisse des prix pour stimuler le
dynamisme du marché.
Standardisation, mécanisation, centralisation, production de masse, marchés de masse,
régime salarial fondé sur la redistribution d’une partie des gains de productivité, telles
sont les racines de la division du travail fordienne diffusée après la Seconde Guerre mondiale.
Sa diffusion a ouvert des perspectives sans précédent à la croissance cumulative, l’ajustement
entre production et demande se faisant par la diffusion ex ante des gains de productivité aux
catégories alimentant la production de masse.

C. Les limites du taylorisme

1) Les inconvénients du modèle

Les hommes se trouvent réduits à passer toute leur vie à remplir un petit nombre d’opérations
simples. Ils ne développent donc pas leur intelligence et n’exercent pas leur imagination à
chercher des expédients pour écarter des difficultés qui ne se rencontrent jamais. Ils perdent donc
naturellement l’habitude de déployer ou d’exercer ces faculté.

En effet, les conditions de la division du travail diminuent les possibilités de satisfaction :


anonymat et dépersonnalisation, maintien en dessous des possibilités réelles de chacun,
suppression de l’initiative, de la liberté, du contrôle, de la responsabilité. Les conditions de la
division du travail engendrent chez certains travailleurs un vieillissement prématuré, une
installation dans une routine avec résistance au changement favorisée par les difficultés
économiques ou familiales, une tension et une agressivité donc des conflits, une influence sur
la vie personnelle et les loisirs.

L’ouvrier complètement démotivé, résiste d’une manière inconsciente à ces contraintes du


travail répétitifs par un absentéisme important, des accidents et des incidents plus nombreux,
des changements d’emplois plus fréquent. La parcellisation favorise une sélection des plus
aptes basée sur les habilités surtout fonctionnelle et non sur une qualification et sur une valeur
humaine, elle ne prévoit aucune orientation, aucune promotion ; elle s’oppose au progrès
personne, car elle ne permet pas d’apprendre et d’acquérir une connaissance réelle des
matériaux et du travail ; elle limite les débouchés en créant un fossé entre l’opérateur et la
conception. Elle réduit les niveaux de qualification, ce qui diminue les possibilités
d’adaptation à de nouvelles tâches. Il existe un autre problème : le principe de la chaîne
continue implique la soumission de tous à la cadence intensive de la machine. Si un maillon
saute tout saute. Tous les éléments de la chaîne sont interdépendants. Cela peut entraîner des
arrêt de la chaîne de fabrication, donc des retards.

2) Un modèle en crise

Dans les années 60-70, les gains de productivité obtenus dans la période précédente
accroissent le niveau de vie des individus (accroissement du pouvoir d’achat des individus
par la baisse relative des prix des biens des produits). Cet accroissement du niveau de vie
combiné à des phénomènes sociologiques, se traduit par une demande accrue mais plus
diversifiée, plus personnalisée.

Pour répondre à cette demande, les producteurs doivent diversifier leur production : les
produits ont une durée de vie réduite du fait de l’évolution de la demande ; les producteurs
doivent anticiper les évolutions grâce au marketing. Les concepts de cycle de vie des
produits et de portefeuille de produits deviennent des références et poussent à l’innovation
pour bénéficier d’un avantage compétitif . Le marketing scrute le marché , la production
« suit » sous le contrôle de la finance grâce aux outils (dont la comptabilité industrielle) mis
au point au cours de la période précédente.

Dans ce contexte, les économies d’échelle deviennent plus difficiles à dégager et l’effet
d’expérience joue plus rarement car la diversité de la demande conduit à des micro-cadences
incompatibles avec l’apprentissage qui suppose une assez forte répétitivité.
Ainsi les modèles produits par Renault voient leur nombre de variantes progresser fortement :

Modèle Année Nombre de variantes

Renault 4 1963 11
Renault 16 1971 6000
Renault 18 1982 60000

La Renault 18 étant produite à un rythme annuel de 300000 véhicules, la production annuelle


ne connaît en moyenne que cinq voitures identiques, ce qui est un chiffre trop faible pour que
les ouvriers mémorisent des processus de montage.
La réponse à la variété de la demande par la diversité des modèles se fait au détriment des
effets d’expériences.

Au fur et à mesure que la concurrence s’accroît , la production connaît des problèmes de


productivité et ceci d’autant plus que le personnel de production accepte de moins en moins
les conditions du travail taylorisées.

A partir du milieu des années 70, l’organisation taylorienne, dans de nombreux cas, ne peut
plus faire face à l’évolution des marchés.

En effet conçue pour une production uniforme, l’unité de production taylorienne engendre
dysfonctionnements et contre-performances quand, au sein d’une même unité, les activités
de production hétérogènes se multiplient pour répondre à la diversité de la demande. W.
Skinner énonce le principe de focalisation, selon lequel une unité de production ne peut pas
tout faire : réduction des prix, diminution des délais, amélioration de la qualité et de la
flexibilité. Dans le même temps, W. Abernathy et K. Wayne montrent que la recherche d’effet
d’apprentissage est source d’effets pervers essentiellement en terme de rigidification des
entreprises. Certains constructeurs automobiles en privilégiant les grandes séries ne pouvaient
répondre à l’offensive de leurs concurrents qui privilégiaient des séries plus courtes (séries
limitées liées à une saison ou un événement) mais bien mieux adaptées à la demande ; leurs
chaînes de montages étaient trop rigides.

Cherchant à réduire les coûts par effet d’apprentissage et économies d’échelle, les entreprise
ne font pas évoluer correctement leur appareil de production pour répondre à la
diversification de la demande.

Bref les dysfonctionnements et les contre-performances se multiplient. Ces derniers se sont


manifestés par une plus grande fréquence des grèves, un accroissement des taux de turn over,
des taux d’absentéisme, une augmentation des rebuts, une baisse de la qualité et de temps en
temps de la productivité.

On voit donc bien que l’organisation du travail du one best way atteint ses limites à l’heure de
la transformation des marchés : globalisation, flexibilisation. Le taylorisme sous sa forme
originelle a été poussé à sa perte.

Les travailleurs sont soumis, aliénés à leur machine à la cadence intensive de la chaîne de
montage. Ils n’effectuent qu’un petit nombre de tâche à cause de la partialisation. Leur
travail est donc répétitif. Ils sont considérés comme des robots, ils effectuent leurs gestes
machinalement sans jamais avoir à réfléchir.

Les travailleurs dans les années 70 réalisent que cette situation n’est plus soutenable, leurs
exigences sont plus nombreuses, ils ne peuvent plus supporter une telle qualité de vie. Ce
sont donc les fondements même du taylorisme qui l’ont conduit à sa perte.

A la vue de ces dysfonctionnements, de nombreux économistes et sociologues ont cherché à


former de nouvelles stratégies d’organisation productive. Certaines en totale rupture avec le
taylorisme.

II- La recherche d’un nouveau modèle


Les exigences de production ont évoluée et le modèle taylorien a révélé ses limites, c’est
pourquoi il a fallu définir de nouvelles attentes en termes d’organisation de la production (A).

Il en découle la création de modèles mieux adaptés à ces attentes : le MRP (Materials


Requirements Planning ou Manufacturing Resource Planning, dans sa version la plus récente)
et le JAT (« juste à temps ») (B).

De plus, des mutations techniques couplées à des impératifs de rentabilité ont abouti au
développement de l’automatisation de la production (C).

A. La nécessité d’un nouveau modèle de gestion de la production

1) Pourquoi faut-il un changement ?

La modification de l’environnement économique et l’évolution technologique ont


fortement contribué à remettre en cause le modèle taylorien :

 la demande adressée à la production évolue :

Dans les années 50 il fallait six mois pour obtenir une 2 CV, véhicule standard
et dépouillé. Dans les années 80-90, le client s’attend à trouver à trouver le
véhicule qu’il souhaite avec 20000 variantes, une qualité, une fiabilité et un
service élevés.
On demande à la production de fabriquer des gammes de produits de plus en
plus étendues, tout en maintenant et même en réduisant les coûts et en
améliorant la qualité.
On demandes à la production, une grande flexibilité en volume et en produit,
de savoir travailler sans stock et d’être disponible pour lancer rapidement de
nouveaux produits.

 la nécessité de diminuer les temps de fabrication :

Il est un fait que les coûts salariaux sont élevés en France, c’est pourquoi
l’entreprise lorsqu’elle ne délocalise pas sa production optera pour la
diminution des temps de fabrication. Concrètement, cela se traduit par le
recours à l’automatisation, l’informatisation et l’organisation.
Ainsi, dans l’industrie textile, le temps de fabrication d’une chemise est passé
de 20 minutes à5 minutes et dans l’industrie automobile, le temps de montage
d’une voiture est passé de 25 heures à 16 heures.

2) Les nouveaux indicateurs de performance:


 La polyvalence et la responsabilisation des acteurs:

 On donne plus d’importance à l’homme , on lui accorde une plus


grande participation au niveau de la création et de la production.
L’homme se voit responsabiliser afin que sa motivation
augmente. De plus est instauré un système de rotation des tâches
pour éviter la lassitude dans le travail et la polyvalence est
favorisée. On assiste à une suppression de la parcellisation des
tâches

 La qualité:

Pour se démarquer de la concurrence, il est désormais nécessaire de


respecter les impératifs posés par la qualité totale ou les cinq « 0 »
(0 défaut, 0 papier, 0 délai, 0 stock, 0 panne).

 La flexibilité :

La flexibilité devient impérative pour apporter la réponse la plus


rapide possible et la plus adaptée à la demande et à la concurrence.

 L’apprentissage

L’apprentissage permet de développer la polyvalence et ainsi de


mieux faire face à des changements d’objectifs stratégiques dictés par
la présence d’aléas techniques, sociaux (restructuration) ou
commerciaux (repositionnement).

B. Les modèles « Juste à Temps » et MRP 

1) Le modèle du « juste à temps » (JAT) :

 Origine :

Dans les années 60, après avoir analysé les méthodes fordistes, Eiji
Toyoda, membre de la famille fondatrice du groupe Taichi Ohno, a
mis au point cette méthode. Il faut noter qu’ à cette époque, la
productivité japonaise était dix fois inférieure à la productivité
américaine. Après de 20 ans de rodage, la méthode fut largement
utilisée au Japon.

 Caractéristiques du modèle JAT :

Pour répondre à une demande de plus en plus segmentée, les


producteurs élargissent les gammes de produit La demande est perçue
comme un juxtaposition de niches. Dans ce contexte, la logique
fordiste de production de masse, de consommation standardisée
devient insuffisante pour assurer la compétitivité. Désormais, il faut
produire à la commande et coller aux variations, quantitatives et
qualitatives, de la demande. En d’autres termes, une double exigence
doit être satisfaite : satisfaire le client et équilibrer l’exploitation.

La méthode JAT repose sur l’idée fondamentale que les pièces


doivent être fabriquées au moment où l’on en a besoin. Donc, il
s’agit d’une méthode d’appel par l’aval (le poste demandeur), ce
qui signifie que le flux de production est « tiré » (ou encore flux
tendus) alors qu’il est « poussé » de l’amont vers les magasins dans
les méthodes traditionnelles. C’est un système de pilotage de la
production à court terme.

Les ordres de fabrication ne sont plus dictés par le planning mais par
le poste aval, qui utilise à cette fin une étiquette ( kanban en
japonais) sur la quelle on mentionne la quantité souhaitée.

Cette méthode a pour conséquence de réduire les stocks, puisqu’elle a


pour objectif le zéro stock, ainsi que les en-cours.

2) La combinaison du modèle MRP et du modèle « Juste à temps » :


Le modèle JAT s’inscrit dans une logique de «flux tirés »,  où la fabrication n’est
jamais anticipée. C’est pourquoi il peut être intéressant de le combiner avec le
modèle de planification MRP qui est dans une logique inverse c’est-à-dire celle
des « flux poussés ».

Le modèle MRP a été mis au point aux Etats–Unis dans les années 1960 et est à la
base de la plupart des logiciels de gestion de la production assistée par ordinateur
(GPAO). Il permet de calculer les besoins nets en matières à fabriquer ou à
acheter, en fonction du carnet de commandes, des stocks et des en-cours.

Le modèle MRP en actualisant quotidiennement les données, en fonction des


informations commerciales reçues, permet d’anticiper la demande.

Cette anticipation de la demande a pour objectif de mieux gérer les stocks à moyen
et long terme (maîtrise des délais de commande et de la valeur des stocks). Cette
mission rejoint en un sens celle du modèle JAT, cependant les 2 modèles
n’agissent pas au même niveau : la logique du MRP est d’anticiper la demande
pour planifier l’approvisionnement tandis que celle du JAT est de se laisser
guider par la demande pour produire.

Par exemple : l’usine Renault du Mans adopte la combinaison des 2 modèles :


Dans les ateliers de production, la production est organisée selon la méthode JAT
(des étiquettes kanban sont apposées sur les conteneurs pour indiquer à la fin de
chaque étape de production quelle doit être la prochaine étape de production).
C’est le principe de pilotage de l’offre par la demande.
Par contre, l’approvisionnement est géré par un système informatisé basé sur les
principes du MRP : chaque usine de montage transmet quotidiennement sur
ordinateur ses commandes pour le jour J+3 et ses prévisions de commandes pour
les 3 jours suivants.

Le MRP renforce la standardisation des pièces de base de telle sorte que la


différenciation s’effectue au montage final (par exemple dans le secteur
automobile, même s’il y a une différenciation finale des modèles, les pièces de
bases telles que les essuie-glace sont les mêmes pour chaque modèle).

C. Les mutations techniques dans la production : la productique

1) L’usine sans homme devient presque une réalité…

L’intégration d’équipements automatisés bouleverse l’approche de la gestion de la


production et apporte une souplesse accrue ainsi qu’un gain de productivité.

 La conception assistée par ordinateur (CAO)

Afin de simplifier la tâche des concepteurs (la diminution du temps d’étude et du


nombre de calculs ainsi que la possibilité de modifier et corriger des dessins).

 La fabrication assistée par ordinateur (FAO)

L’automatisation de la production assure une qualité finale


supérieure, la réduction des délais de fabrication et des coûts.

Les machines à commandes numériques : ce sont des machines qui


peuvent être commandées grâce à des informations préenregistrées,
sans l’intervention de l’homme. En d’autres termes, ce sont les
ordinateurs qui contrôlent les machines.

La robotique : les robots sont des « machines intelligentes »,


programmables qui exécutent une multitude d’opérations différentes.
Le coût d’un robot étant au minimum de 1.5 millions de francs, ce
sont principalement les grandes industries qui en sont pourvues.
Malgré leur fiabilité, leur taux de peut représenter panne théorique est
de l’ordre de 1%. Un arrêt de fonctionnement des pertes financières
énormes puisque quand un robot tombe en panne, c’est toute la ligne
de fabrication qui s’arrête.
Par exemple dans l’industrie automobile, une heure d’interruption
représente une perte de production de 100 voitures.

2) …mais cela ne restera toujours qu’un rêve

Beaucoup d’idées reçues circulent :


_ le travail de l’ouvrier spécialisé est facile à automatiser : ce n’est pas vrai car on
constate que la manutention est simple pour l’homme et complexe pour un robot ;

_ il y aura des usines sans ouvriers : c’est le vieux rêve des techniciens mais
l’automatisation ne remplace au mieux qu’un tiers des ouvriers et on a besoin du
personnel pour assurer les investissements financiers ;

_les nouvelles techniques sont des remèdes miracles : non puisqu’elles sont plus
difficiles à utiliser que prévu, les objectifs sont rarement atteints, les délais de mise
en œuvre dépassés et en conséquence la rentabilité décevante.

L’organisation ne convient plus mais on n’a pas trouvé de véritable modèle de


remplacement.
Taylor, l’anti-modèle est mort mais où est le modèle ?

III- Post-taylorisme ou néo-taylorisme: y-a-t-il eu un réel changement ?

La remise en cause du système taylorien a abouti au post-taylorisme caractérisé notamment


par une meilleure participation des différents acteurs et une meilleure communication de
l’information (A).

Cependant le mode d’organisation taylorien, centré sur la notion de rentabilité et la production


de masse, reste très présent dans l’industrie, c’est pourquoi on parle aussi de néo-taylorisme
(B).

A. Le post-taylorisme tend à dépasser l’OST …

1) Le post taylorisme : des nouveaux modes de gestion de


production mettant fin aux dysfonctionnements propres au taylorisme

En théorie, l’homme y est revalorisé, il a l’impression d’appartenir à un groupe, ce qui lui


fournit un bien-être considérable, il est alors très motivé et donc plus efficace. Ils ont des
responsabilités plus grandes, ils sont autonomes dans certains domaines, ils s’organisent, par
exemple gèrent leurs congés. Ils ne leur reste plus qu’un seul but, de produire la quantité
exigée et non plus obéir aux ordres du supérieur hiérarchique.

L’homme est considéré désormais comme une richesse. Il peut être actif. Tout individu est
intéressant, il a des idées. De plus il voit ce qu’il se passe réellement en pratique, il n’est pas
enfermé dans un bureau à ne faire que des suppositions, il a la connaissance du terrain. Il est
donc en mesure de faire des remarques constructives dans différents domaines comme :
l’organisation du travail, les méthodes de production, la qualité, la productivité ainsi que les
conditions de travail. C’est dans le but de récolter ces remarques que les cercles de qualités
ont été créés. Il s’agit de groupes de salariés volontaires se réunissant pendant les heures de
travail afin d’effectuer des propositions pouvant permettre des améliorations.
Les salariés et leur supérieur définissent conjointement la direction participative par objectif
(la D.P.O.). Ils fixent les buts à atteindre tous les ans. Cela permet de développer la
communication interne qui est facteur de cohésion au sein de l’entreprise.
Comme le montre le tableau ci-dessous il semble en effet que se modèle soit vraiment
appliqué, notamment en France.

L’AUTONOMIE DES OUVRIERS EN 1991 (en %)

Proportion d’ouvriers Ensemble Ouvriers sous Ouvriers Ouvriers


dans le cas suivant : des ouvriers Contrainte utilisateurs postés
automatique De l’informatique
2x8 3x8

Les supérieurs fixent 72 56 82 62 66


seulement les objectifs
Ils disent aussi comment 28 44 18 38 34
faire le travail
Quand il se produit
quelque chose d’anormal
dans le travail, les
salariés :
- règlent en général 37 26 43 28 26
l’incident
- règlent seulement 15 15 22 17 23
l’incident des cas
prévu d’avance
48 59 36 55 51
- font généralement
appel à une autre
personne
Ministère du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Enquête Conditions de travail 1991.
Données sociales 1993, INSEE

2) L’expérience Volvo : un exemple de post-taylorisme

Après l’échec du taylorisme, l’entreprise Volvo a tenté de mettre en place une toute nouvelle
organisation basée sur le social, sur la motivation des travailleurs, afin que leur liberté puisse
les conduire à être plus productif. Le projet fut conçu dans les années 80 et le début de la
production fut initialisé en 1989. Le but étant de produire les modèles haut de gamme, les
séries 900.
En effet, la production est adaptée à un segment particulier, celui du haut de gamme donc un
modèle et non pas une gamme entière. L’usine est dite de montage final, autrement dit, on
n’assemble pas entièrement le véhicule comme dans le modèle classique. La partialisation des
tâches et la spécialisation du modèle classique sont remplacés par un travail de groupe dans ce
modèle. La plus grande rupture se fait au niveau de la suppression de la chaîne de montage,
pourtant maillon central du taylorisme. De plus, on trouve dans l’usine des machines spéciales
afin d’éviter des charges aux ouvriers.

Un système où tout est organisé autour du social. La liberté des employés au niveau des
tâches est réelle, ils évoluent à leur guise. On assiste à un travail d’ensemble où l’esprit de
groupe est très important. La gestion participative est très présente, les syndicats actifs
favorisent le brainstorming et finalement les groupes sont complètement autonomes.

Les seuils de rentabilité ne furent jamais atteints, c’est pourquoi l’entreprise Volvo ferma
l’usine d’Uddevalla en 1993. Les dirigeants de Volvo ont voulu baser l’expérience sur un
aspect peut être trop social, trop libertaire, sans assez d’encadrement, et n’ont pas donné
assez d’importance à la gestion de la production en elle-même, ce qui a conduit à des
problèmes d’absentéisme et d’oisiveté.

En résumé, Volvo s’est retrouvé face à la réalité économique, plus de liberté pour le
travailleur et plus de social ont été un échec puisque l’usine a fermé ses portes.

B. …mais les caractéristiques du taylorisme perdurent : le néo-taylorisme

1) L’ombre de Taylor plane encore sur l’organisation du travail

 La forme a changé mais le concept reste identique :

Même si les structures deviennent plus flexibles, il existent toujours des temps de
production contraignants. La diminution des temps morts demeure le fondement
de l’organisation : il s’agit toujours de lutter contre la flânerie, non plus contre
celle des hommes, mais celle des machines. La production en flux tendu, le
JAT, ne sont en fait rien d’autre que l’expression d’un taylorisme modernisé.

La cadence, les rythmes de travail contraignant, n’ont pas disparu, au contraire,


l’automatisation a permis d’accélérer ces cadences.

La polyvalence peut avoir comme effet secondaire l’accentuation des rythmes de


travail. De plus l’introduction de la flexibilité ne remet pas en cause la division
verticale du travail : les tâches manuelles répétitives et parcellisées n’ont pas
disparu.

Même si elle est camouflée, la production de masse est toujours d’actualité.


Comme nous l’avons remarqué précédemment concernant le modèle MRP, la
différenciation retardée permet de recourir à une production standardisée et de
différencier les produits en fin de cycle de production.

Le travail reste toujours chronométré afin de tenir les délais imposé par le marché.

Enfin, la qualité totale requiert un contrôle de chaque élément de la chaîne de


production et abouti ainsi à parcellisation des tâches.

Ce sont donc les exigences en terme de qualité et de délai qui donnent lieu au néo-
taylorisme.

2) Des exemples concrets du néo-taylorisme

 Le toyotisme :

Fondé par l’ingénieur Ohno, le modèle toyotiste consiste à s’adapter aux exigences du
marché. Il prend donc en compte la flexibilité, , la qualité, le coût et les délais. Le
toyotisme est en quelque sorte une revisite du taylorisme car ses fondements
principaux sont identiques :
_ une production de masse (Toyota reste le premier constructeur mondial avec
3.900.000 véhicules produits en 1999). Le principe de différenciation retardée est
combiné avec la production standardisé (sur une même plate-forme, sur une même
caisse, on greffe en dernière minute les différences : moteur, sièges…).

_ la main d’œuvre reste non qualifiée et contrôlée malgré certaines manœuvres


psychologiques (cercles de qualité…).

_ enfin, elle conserve des cadences très élevées dues à l’automatisation et aux délais à
tenir.

 La restauration rapide : Mac Donald

Dans l’univers du fast-food tout semble hérité de l’OST. Le principe du travail


chronométré est à la base même de la restauration rapide. Tenir les délais est ici
vital. Ne pas faire patienter le client est un principe essentiel, d’où la rapidité
d’exécution des tâches chez Mac Donald. Pour travailler chez eux il faut être
« speed ».

La restauration rapide emploie des personnes non qualifiées au moindre coût.


De plus leur notion de la polyvalence n’est pas très enthousiasmante puisqu’un
employé polyvalent chez Mac Donald est un employé qui saura à la fois passer le
balais, faire la plonge et travailler aux cuisines.

Enfin la division du travail reste d’actualité puisque pour vendre un hamburger, il


faut 3 personnes : celle qui cuit la viande, celle qui met le sandwich dans sa boîte
et celle qui vend le sandwich.
Il est donc difficile de passer outre les principes de bases apportés par Taylor.
C’est pourquoi les modèles actuels tentent de concilier les exigences du marché
(flexibilité, qualité et délais essentiellement) et le savoir-faire productif issu du
taylorisme.
CONCLUSION

En conclusion, l’organisation des stratégies productives a beaucoup évolué


puisqu’en un siècle, on a connu pratiquement 50 ans de domination du modèle
classique adapté à l’économie d’abondance.

Suite aux évolutions du marché mettant en relief la rigidité du modèle taylorien,


ce-dernier fut abandonné dans sa forme originelle.
On a alors vu émerger beaucoup de nouveaux modèles caractérisés par de
nouveaux concepts : production en flux tendus , intégration des notions de qualité,
coûts, délais et flexibilité.
Il n’empêche que le taylorisme n’a pas vraiment disparu et prend place dans des
secteurs plus récents comme les services.

De plus, la notion de modèle unique n’existe plus, la diversité des secteurs


d’activité le rend impossible, c’est pourquoi les entreprises mettent de plus en plus
en place des modèles de gestion de production personnelle basés sur les situations
auxquelles elles sont confrontées.

Enfin, il est intéressant de remarquer l’interaction qui existe entre


l’environnement de l’entreprise et la dynamique des systèmes productifs.
En effet, l’environnement aura été un facteur essentiel de remise en cause du
modèle classique et réciproquement l’organisation de la production influe sur
l’environnement tant du point de vue technique et économique que social et
humain.
SOURCES

Problèmes économiques,
N° 2359, 19 Janvier 1994 : Vers de nouvelles formes d’organisation de la production.
N° 2447, 22 Novembre 1995 : L’ère de la productique : crise ou dépassement du modèle
classique d’organisation.
N° 2458, 7 Février 1996 : Par quel système remplacer le Fordisme ?

La richesse des nations


Adam Smith, 1776

Principles of scientific management


Frédéric Winslow Taylor, 1912

La société industrielle en France


Jean-Pierre Daviet, Dunod

Précis d’organisation et de gestion de la production


Luc Boyer

Limits of the learning curve


W. Albernathy et K. Wayne, Harvard-L’expansion n°7 ( 1977)

The focused factory


W. Skinner, Harvard-L’expansion n°6 (1977)

La gestion de production
A. Gratacap, Dunod (1999)

Gestion de production
P. Roger, Précis Dalloz (1992)

Une nouvelle typologie pour les systèmes de production


Y.Gousty et J-P . Kieffer, RFG (juin 1988)

Division du travail, changements techniques et croissance


R. Boyer et G. Schmeder, DEES n°87 (mars 1992)
LEXIQUE

Abondance : état durable d’équilibre entre les besoins et les biens destinés à les satisfaire. L
L’abondance s’oppose à la rareté.

Concourance : ingénierie simultanée, tâches en parallèle, simultanées, convergentes.

Efficience : efficacité, capacité de rendement.

Flexibilité : ajustement rapide des quantités, des prix et des qualités aux variations du volume
et de la structure de l’offre et de la demande sur les marchés.

Juste à temps : idée d’ajuster l’offre à la demande, production en flux tendue. La demande
détermine l’offre. Il faut s’adapter aux variations qualitatives et quantitatives des
consommateurs au plus vite. Système de pilotage de la production à court terme devant
permettre de produire à la demande.

Gains de productivités : ils sont réalisés quand le rapport entre le volume de la production et
le volume des moyens mis en œuvre pour obtenir cette production augmente.

Gestion de production : assurer efficacement la combinaison des facteurs de production. Le


management des opérations consiste à fabriquer au moindre coût des produits de qualité
disponibles dans les meilleurs délais et dont la demande est susceptible d’évoluer rapidement.

Productique : application de l’automatique et de l’informatique aux processus de production


industrielle.

Rentabilité : rapport entre un revenu et le capital engagé pour l’obtenir.

Transversabilité : recomposition de l’entreprise par flux et processus et non par fonction,


logique du service. Le vrai patron c’est le client ou le responsable du projet et non le
responsable de la fonction.

Néo-taylorisme : taylorisme réadapté aux nouvelles donnes du marché.

Post-taylorisme : nouvelles théories en rupture avec le taylorisme.

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