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UNE RÉVOLUTION SOUS INFLUENCE : LA RÉPUBLIQUE CHINOISE FACE

AU CONSORTIUM BANCAIRE

Hugues Tertrais

La contemporaine | « Matériaux pour l’histoire de notre temps »

2013/1 N° 109 - 110 | pages 25 à 31


ISSN 0769-3206
Article disponible en ligne à l'adresse :
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temps-2013-1-page-25.htm
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UNE RÉVOLUTION
SOUS INFLUENCE :
la république chinoise face
au consortium bancaire
par
HUGUES TERTRAIS
Hugues Tertrais est professeur à l’université de Paris 1 Panthéon – Sorbonne,
Directeur du Centre d’histoire de l’Asie contemporaine (CHAC)

Mots clés :
Chine,
Révolution de 1911,
Puissances coloniales,
Stratégies financières

L
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a révolution républicaine en Chine n’est sans doute pas réductible à des considérations financières,
mais celles-ci en constituent une toile de fond à la fois spécifique et particulièrement contraignante.
Le « gâteau » chinois a changé d’aspect : le temps n’est plus aux visées territoriales, même infimes,
qui ont marqué le XIXème siècle jusqu’à ses dernières années – encore que l’expédition militaire
envoyée en 1900 à Pékin, si elle manifestait une belle unité internationale, n’était peut-être pas elle-même dénuée,
pour certains de ses acteurs, d’arrières-pensées de cet ordre. Restent sans doute les zones d’influence, qui s’appuient
souvent sur les espaces coloniaux, périphériques de la Chine voire construits sur ses anciens Etats tributaires : le
Royaume-Uni regarde l’empire du Milieu depuis Hong Kong et les Indes, Birmanie et Malaisie comprises ; la France
depuis l’Indochine ; la Russie depuis l’Asie centrale et la Sibérie ; le Japon aussi à travers Taiwan et la Corée – voire
les Etats-Unis depuis les Philippines, quoique les ambitions américaines opposent aux Puissances la politique de la
« Porte ouverte ». Les enjeux demeurent : si la Chine, écrivait le North China Herald en septembre 1895, « ne peut
se gouverner elle-même, il y en a d’autres qui le peuvent, et le veulent »1. Pour ce faire, le temps est venu de la
mobilisation des capitaux et des stratégies financières.2

La montée en puissance des banques étrangères a accompagné l’affaiblissement


de la Chine, dont l’ « impératrice douairière » Cixi tenait les rênes depuis près de
cinquante an lorsqu’elle décède en 1908. Les conflits du tournant du siècle ont en
particulier fait vaciller l’Empire et les indemnités de guerre l’ont lourdement « lesté » :
200 millions de taëls aux termes du traité de Shimonoseki, qui met fin en 1895 à la
première guerre sino-japonaise ; 450 millions de taëls selon le protocole final de
Pékin, qui conclut en 1901 l’intervention internationale. Les besoins de la Chine
apparaissent en effet gigantesques : à la mise en place de nouvelles infrastructures
ferroviaires s’ajoute le service de la dette et la nécessaire réforme de l’Etat. Du côté
des banques, la médiation pour le placement d’un emprunt d’Etat semble constituer 1. Cité par Pierre Renouvin, La question
la meilleure affaire qui soit, France et Royaume-Uni dominant le marché : l’épargne d’Extrême-Orient, 1840-1940, Paris,
française se partage en effet avec l’épargne anglaise la plupart des emprunts émis 1946, p. 149
par le gouvernement de Pékin – sur les quatorze contractés par ce dernier entre 2. Cet article se fonde principalement sur
1898 et 1909, cinq ont été placés, totalement ou en grande partie, sur le marché le dépouillement du Bulletin du Comité de
l’Asie française, organe mensuel du
financier de Paris. Le Bulletin du comité de l’Asie française fait d’ailleurs de la « dette comité patronal éponyme, entre 1901 et
extérieure chinoise » l’une de ses rubriques régulières. 1914, et sa confrontation avec les
archives diplomatiques.

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Les choses bougent cependant en 1905, quand la victoire Le consortium prend sa première forme à la fin des an-
japonaise sur la Russie secoue tout le monde : les natio- nées 1900, alors que le mouvement d’opposition, d’insur-
nalistes chinois présents au Japon comme Sun Yat-sen, rections locales en mutineries, fermente en Chine
qui fonde précisément cette année-là la Ligue jurée, méridionale et que le nouveau train de réformes est
ancêtre du Parti national (Guomindang) ; mais aussi le ralenti à Pékin après la disparition de Cixi. Sun Yat-sen,
gouvernement de Pékin, encouragé de ce fait à redresser pour sa part, qui a dû quitter le Japon en 1907, est
la tête face aux Puissances et qui tente d’obtenir, par expulsé d’Indochine l’année suivante puis s’installe en
exemple, des soumissions à la baisse en mettant en Malaisie britannique, tout en continuant de beaucoup
concurrence les divers groupes financiers intéressés aux voyager, mais son projet d’insurrection, imaginé en
affaires chinoises. Du côté des Puissances, à l’inverse, le novembre 1910 échoue cinq mois plus tard à Canton.
contexte est favorable à une alliance des marchés répon- Entre établissements financiers, la tension se fait également
dant à cette nouvelle situation : l’Entente cordiale entre forte, mais le poids du tandem formé par la Hong Kong
le Royaume-Uni et la France – soit une série d’accords and Shanghai Bank et la Banque de l’Indochine impose
coloniaux dont l’un concerne justement le Siam – vient le respect à la communauté financière. Les établisse-
d’être conclue en 1904, mettant fin à la rivalité ancestrale des ments qui échouent à leur faire concurrence entrent dans
deux puissances impériales ; de fait leurs « bras financiers » l’alliance. La jeune Deutsch-Asiatische Bank est ainsi
se rapprochent en Asie. En mars 1905, la Hong Kong and amenée à signer le 6 juillet 1909 un accord provisoire avec
Shanghai Bank et la Banque de l’Indochine s’associent les deux institutions, ce qui conforte le Bulletin du Comité
déjà pour émettre sur les marchés de Londres et de Paris, de l’Asie française : « Les phases de cette affaire prouvent
un emprunt siamois de 1 million de livres3. Leur alliance se qu’il devient impossible de faire, dans des conditions
concrétise également, la même année, dans la Chinese acceptables, des prêts à la Chine sans une entente interna-
Central Railway Ltd, compagnie constituée pour construire tionale liant les principaux marchés et leurs gouvernements »4.
le Hankou-Sichuan : la « force de frappe » des deux En 1910 enfin, le groupe américain Morgan s’associe à
banques associées leur permet de passer outre aux résis- son tour aux trois établissements5 : la date de la signature
tances provinciales, celle de la Compagnie du Sichuan de ce dernier contrat, le 10 novembre 1910, marque la
notamment, animées au contraire par la recherche d’un naissance officielle du consortium.
certain autonomisme en manière d’équipement ferroviaire.
Le champ d’intérêt du consortium s’élargit, mais les chemins
Les enjeux de la ligne Hankou-Sichuan apparaissent impor- de fer continuent d’abord de le mobiliser. Le 15 avril 1911,
tants. L’accord franco-anglais de 1905, soit l’entente des les quatre partenaires signent certes un contrat d’emprunt
deux principaux prêteurs pour l’investissement ferroviaire en de 250 millions de francs pour la réforme monétaire en
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Chine, touche d’abord un équipement structurant à l’échelle Chine et le développement de la Mandchourie – ce qui va
de l’empire : déjà, le Pékin-Hankou, « Grand central » rendu d’ailleurs, analyse le Bulletin, dans le sens de la politique
réalisable par un montage financier franco-belge, a consti- américaine en Chine6. Mais il en revient vite à ce pourquoi
tué, dans les dernières années du XIXème siècle, la première il s’est constitué, après un ultime épisode qui se produit le
grande voie ferrée lancée à l’intérieur du pays ; il s’agit main- mois suivant. Du côté de Pékin, encouragé dans ce sens
tenant d’y ajouter les autres grandes lignes Hankou-Sichuan par les Puissances, le gouvernement impérial finit en effet
et Hankou-Canton pour arriver à un grand réseau national – par admettre que l’autonomisme provincial en matière
et accessoirement mieux drainer les marchandises de l’inté- d’équipement ferroviaire ne lui permettrait pas « de résis-
rieur vers les ports du littoral. Par son impact économique ter facilement aux diverses tentatives révolutionnaires »7 :
et financier en Chine, cependant, le projet apparaît aussi le 9 mai 1911, un édit impérial place les grandes lignes
comme une source de tensions sociales dans les provinces ferroviaires sous l’autorité du gouvernement central, les
centrales et méridio- banques des Puissances se tenant disposées à financer
nales de l’Empire : le une telle « nationalisation ». De fait, dix jours après cette
3. Selon le principal historien de la seconde,
la taille de la Hong Kong and Shanghai monde des bateliers décision, le 20 mai 1911, le contrat est signé avec l’alliance
Bank, fondée en 1865 à Hong Kong, comme la nouvelle bour- des prêteurs pour le financement du Hankou-Canton et du
représente le double de celle de la Banque geoisie commerçante Hankou-Sichuan. Il porte lui aussi sur 250 millions de
de l’Indochine, fondée elle en 1875 à
Saigon – Marc Meuleau, Des pionniers en qui s’y forme se sentent francs (10 millions de livres). La révolution ferroviaire des
Extrême-Orient, Paris, 1990, p. 250 spoliés, ce qui peut bien provinces – par la prise de contrôle de l’activité – n’aura
4. Bulletin du Comité de l’Asie française sûr prendre un tour ainsi pas lieu, ou du moins pas encore.
(BCAF), septembre 1909, p. 369. La politique. Du côte des L’histoire des emprunts chinois, d’une part, et celle de la
Deutsch-Asiatische Bank a été fondée en Puissances, l’initiative révolution républicaine d’autre part, se croisent alors. La
1889 à Shanghai.
franco-anglaise de 1905 révolution surgit sur le bassin moyen du Yangzi. Les mili-
5. Plus jeune que la Hong Kong and
Shanghai Bank, la Banque Morgan a été et le projet qu’elle sous- taires qui y sont casernés répugnent à réprimer, comme le
fondée en 1871 à New York. tend forment le premier leur demande le pouvoir central, les troubles croissants
6. BCAF, avril 1911, p. 252 et 298 noyau et le premier dans la région : l’insurrection de Wuchang, déclenchée le
7. BCAF, mai 1911, p. 215 argument de ce qui 10 octobre 1911, s’étend rapidement aux cités voisines de
8. Les trois cités de Wuchang (militaire), deviendra quelques Hankou et de Hanyang, contrôlées le 12 octobre8. A Pékin,
Hankou (concessions) et Nanyang années plus tard le le régent n’apparaît pas porté aux réformes alors que le
(« chinoise ») forment aujourd’hui consortium bancaire. pouvoir impérial a la silhouette pittoresque et dérisoire
l’agglomération de Wuhan – voir dans ce
dossier l’article de Dorothée Rihal.

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Titre d’une action Shansi du Pekin
Syndicate United, Coll. Privée

d’un enfant, Pu Yi, le « dernier empereur de Chine »9. Mais engagées en Chine. Il sait en effet dans quelle urgence
l’homme fort s’appelle Yuan Shikai, qui a organisé et dirige financière se trouve l’Empire.
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la puissante armée du Nord (Beiyang), témoignage bien A Londres comme à Paris, il noue contact aux plus hauts
réel des réformes entreprises par l’empire : quoiqu’en dis- niveaux politiques et financiers : il soumet un mémoran-
grâce, il demeure un recours et ne va pas échouer dans ce dum au Foreign Office, rencontre Clémenceau et entre en
rôle. Le mois de novembre 1911 est décisif : le général contact avec le Quai d’Orsay. Il s’entretient également
Yuan Shikai, revenu en grâce à Pékin pour mâter la rébel- avec les représentants du consortium bancaire dans les
lion, fait reprendre Hankou le 1er novembre, puis Hanyang deux capitales, mais ne convainc pas : ni en tentant d’at-
le 27, soit seulement un mois environ plus tard – une durée tirer les crédits vers son camp plutôt que vers celui de
bien longue pour une cité toute proche. L’homme fort de Yuan Shikai et de ce qui reste d’Etat impérial, ni encore
Pékin paraît en effet hésiter : entretemps, le corps consu- moins en menaçant de ne pas reconnaître les emprunts
laire de Hankou proclame sa neutralité, en faveur de déjà consentis une fois qu’il serait au pouvoir. Sans doute
laquelle a dû peser le consul Raphaël Réau, dirigeant la est-il déjà trop tard : depuis le 8 novembre, selon les propres
concession de la république française à Hankou, qui a eu termes de Stanislas Simon, directeur de la Banque de
l’occasion de rencontrer Sun Yat-sen – « un de mes vieux l’Indochine, « nous (les banques) avons décidé de ne répondre
amis », écrira celui-ci10. Le centre de gravité révolutionnaire à aucune demande d’argent de la Chine tant que nous ne
se déplace cependant vers le bas-Yangzi. La majorité des nous trouverons pas en face d’un gouvernement responsable
dix-huit provinces de la Chine « utile », principalement au et dont la constitution nous donne toute garantie »13.
sud, ont déjà quasiment fait sécession11. L’assemblée de Comme l’écrit Marc
leurs représentants, qui s’était d’abord réunie à Wuchang, Meuleau, qui a passé au
9. Titre du film retraçant sa vie,
fin novembre, s’installe à Nankin à la mi-décembre, à crible les archives de la réalisé par l’Italien Bertolucci en 1987.
proximité de Shanghai, où ses plénipotentiaires rencon- Banque de l’Indochine, 10. Sun Yat-sen / Sun Zhongshan xiansheng
trent ceux de Yuan Shikai. « Le programme que zizhuan (Autobiographie de Sun Yat-sen),
Sun Yat-sen développe cité par George Soulié de Morant,
Soun Iat-Senn, Paris, Gallimard, 1932,
Curieusement, durant ces trois mois d’insurrection, Sun devant Stanislas Simon,
p. 148
Yat-sen ne se montre pas, du moins pas en Chine12 : depuis qui le reçoit le 23 novem-
11. Carte dans Marie-Claire Bergère,
plus de deux ans en effet, le leader nationaliste parcourt bre, renforce encore les Sun Yat-sen, Paris, Fayard, 1994, p. 230
le monde à la recherche de financements ; au moment de préventions du groupe 12. « Où est donc passé Sun Yat-sen ? »,
l’insurrection de Wuchang, en octobre 1911, il se trouve français à l’égard des s’interroge Marie-Claire Bergère dans
aux Etats-Unis mais, au lieu de rentrer précipitamment, il républicains. En se pro- son ouvrage, ibidem, p. 233
accélère sa tournée internationale, passant de Denver à posant de supprimer 13. Lettre de Simon à Ardain, directeur
de Shanghai, 13 novembre 1911,
New York puis, en novembre, séjourne successivement à les likin, les douanes
cité par Marc Meuleau, Des pionniers
Londres et Paris, les deux principales places financières intérieures chinoises, et en Extrême-Orient, op. cit., p. 241

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de reprendre le contrôle de l’administration des douanes, aux Puissances l’impression qu’il avait seul une autorité
le chef des révolutionnaires menace les recettes sur suffisante pour assurer l’ordre et maintenir un pouvoir
lesquelles sont gagés nombre d’emprunts »14. central, négociant avec les républicains qu’il ménageait
Rentré finalement en Chine fin décembre 1911, Sun Yat- militairement et conduisait, par la crainte d’une intervention
sen raconte lui-même l’épilogue de cette difficile quête fi- étrangère, à lui offrir la Présidence de la République »19.
nancière : « dès avant mon arrivée, tous les journaux chinois Officiellement, cependant, la neutralité reste de mise,
et étrangers avaient annoncé que j’apportais des fonds notamment à Paris, tant que deux pouvoirs coexistent en
considérables pour l’entretien de notre armée antimonar- Chine : « Le programme commun peut se résumer ainsi,
chique. Le jour même où je débarquais à Shanghai, les précise le ministre français le 4 février 1912 : neutralité
affiliés qui m’attendaient et les journalistes me question- entre impériaux et républicains jusqu’au jour où une
nèrent. Je répondis : je n’ai pas une sapèque. Je n’apporte entente entre eux aura abouti… »20.
que l’essence même et l’énergie antimonarchique… ».15 Le Le nouveau pouvoir chinois trouve sa forme à la mi-février
29 décembre 1911, Sun Yat-sen n’en est pas moins, selon 1912. Tout se passe en quelques jours, comme dans un
ses propres termes, désigné « président temporaire » et ballet bien réglé : le 12 février, l’empereur – et l’Empire avec
prend ses fonctions à Nankin le 1er janvier 1912, en pro- lui – abdique à Pékin ; le lendemain 13 février, Sun Yat-sen
clamant officiellement la République chinoise – l’Empire démissionne à son tour à Nankin ; le 15 février 1912, enfin,
n’abdiquera que le 12 février à Pékin. Yuan Shikai est élu président de la république et ramène
trois semaines plus tard celle-ci à Pékin. Yuan Shikai, le
La République a donc été proclamée alors que l’Empire dernier homme fort de l’Empire Qing, rallié à la République
n’a pas encore abdiqué, ce qui pourrait menacer l’unité et en devenant le nouveau président, avec l’aval de Sun
même de la Chine. Le « temps court » de cet « entre-deux » Yat-sen, représentait une combinaison de nature à satisfaire
apparaît comme celui de toutes les négociations : entre à la fois les Puissances et les banques, qui peuvent donc
Pékin et Nankin, l’Empire et la République, Yuan Shikai alors passer aux « choses sérieuses » : réorganiser la Chine,
et Sun Yat-sen, ces derniers avec les Puissances sur fond car tout semble à faire où à refaire, et sur tous les plans.
de relations avec les banques, sans doute maîtres du jeu. Une constitution provisoire est adoptée en mars 1912. « En
Dès la mi-janvier, Yuan Shikai se manifeste, annonçant réalité, écrit le Bulletin du Comité de l’Asie française en ce
en quelque sorte la fin de l’Empire : le ministre de France printemps, l’empire chinois, et même les dix-huit provinces
à Pékin est ainsi informé, par l’un des conseillers du premier, de la Chine proprement dite, sont à reconquérir par le gou-
« que la cour a décidé l’abdication »16. La course à la recon- vernement de Yuan Shikai ou par un autre ; la force qui
naissance oppose les deux pouvoirs chinois : le Quai pourra ordonner ce chaos reste, en grande partie, entre
d’Orsay voit Yuan Shikai « rechercher l’appui de la France, les mains des puissances étrangères, et c’est ici que les
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parce qu’il pense que c’est chez elle qu’il trouverait le plus intérêts français entrent en ligne »21. La question chinoise
facile appui financier indispensable… »17. Nankin tente est ainsi à la fois, politique et économique : les milieux
également de se faire reconnaître par Paris mais on sait diplomatiques et financiers font cause commune. Pour
l’insuccès de Sun Yat-sen dans la capitale française. reprendre l’expression de Marc Meuleau, se réalise alors en
D‘ailleurs, selon les termes du président du Conseil Poincaré Chine « l’Union sacrée de la finance et de la diplomatie ».22
et jusqu’à nouvel ordre, le « Gouvernement de la
République (…) ne peut connaître que le Gouvernement Pour les diplomates, la question semble être de savoir si le
impérial chinois auprès duquel nos agents sont accrédités ».18 nouveau gouvernement chinois, résultant d’un accord entre
Yuan Shikai et Nankin, est assez crédible pour être reconnu,
14. Dossier « Consortium 1911-1913 »,
archives de Shanghai de la Banque Indosuez,
Banques et gouverne- comme le chargé d’affaires de Chine le demande à Paris le
cité par Marc Meuleau, op cit, p. 244 ments demeurent 3 avril et comme y est déjà enclin le gouvernement japonais.
15. Sun Yat-sen / Sun Zhongshan xiansheng prudents, bien qu’une Pour les Puissances, la reconnaissance du nouveau pouvoir
zizhuan (Autobiographie de Sun Yat-sen), logique politique s’im- chinois apparaît en fait suspendue à un processus constitu-
cité par George Soulié de Morant, Soun
pose progressivement tionnel. Le 15 avril 1912, le Quai d’Orsay donne aux principaux
Iat-Senn, Paris, Gallimard, 1932, p. 160
aux diplomates : « De- ambassadeurs la ligne à suivre, à la fois très impériale et bien
16. Le général norvégien Munthe. T n° 468,
14 janvier 1912, de Margerie à Poincaré. puis le début de la crise, dans la culture politique européenne : « Cette reconnaissance
DDF (1871-1914), 3e série, tome I. Yuan Shikai avait paru à devrait (…) être subordonnée à la confirmation explicite des
17. T n° 479, 17 janvier 1912, DDF peu près maître de la droits des Puissances en Chine, tels qu’ils résultent non
(1871-1914), 3e série, tome I. situation, écrit ainsi seulement des traités, mais des traditions et des usages ;
18. T Poincaré n° 492, 20 janvier 1912, DDF Poincaré quelques jours enfin, cette confirmation n’aurait de valeur qu’autant qu’elle
(1871-1914), 3ème série, tome I. Poincaré
détient également le portefeuille des Affaires plus tard ; bien qu’éga- serait obtenue d’un Gouvernement chinois définitif, c’est-à-
étrangères. lement détesté des dire constitué en vertu du vote d’une assemblée nationale ».
19. T n° 536, 27 janvier 1912, DDF Mandchous et des Cette assemblée est supposée se réunir à Pékin le 1er octobre
(1871-1914), 3e série, tome I. républicains et suspect « pour élaborer et voter la constitution définitive, élire le
20. T n° 599, 4 février 1912, DDF aux deux parties, il avait Président de la République et permettre l’établissement d’un
(1871-1914), 3ème série, tome I.
su se rendre indispen- Gouvernement parlementaire. (…) Une fois cette première
21. « Les intérêts français et la révolution
chinoise », Bulletin du Comité de l’Asie
sable, amenant, par la question résolue, il resterait à obtenir du Gouvernement
française, mars 1912, p. 92 menace de sa retraite, la chinois définitif une garantie formelle des stipulations des
22. Marc Meuleau. op.cit., p. 177 dynastie de concession traités et des droits des étrangers en Chine »23. Les acteurs
23. Document 344, T Poincaré du 15 avril en concession jusqu’à du jeu chinois, désormais politique et financier à la fois,
1912, DDF (1871-1914), 3e série, tome II. l’abdication, donnant s’installent dans la durée.

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Yuan Shi-kai (center) poses with two other palace officials
inside the Forbidden City in 1908, Morrison collection,
Mitchell Library, Sydney

Pour les banquiers, l’idée étant d’opposer un front commun Etats. L’un des points d’achoppement des négociations
à la Chine, la première négociation est à mener entre elles, ressortait d’une part de l’entente – ou non – de la Russie
mais aussi avec et entre les Puissances, dont les intérêts et du Japon à propos de leurs « droits » respectifs sur le
ne coïncident pas nécessairement. L’argent est à la fois, Mandchourie et la Mongolie et, d’autre part, de l’adéquation
dans l’immédiat, ce dont la Chine a surtout besoin et ce des intérêts de l’Etat russe et de ceux de la Banque russo-
qui lui manque le plus. Le projet de budget de Pékin, tel asiatique : ce groupe international ne comprenait en effet
que le connaissent les Puissances, est simple : avec 297 pas moins de huit banques (une russe, quatre belges, deux
millions de taëls en recette pour 576 millions en dépenses, anglaises et une française). L’accord obtenu le 20 juin, qui
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celles-ci ne sont couvertes qu’à à peine plus de 50%. Or il ne prévoit aucun engagement politique sur la question des
y a urgence, pour payer régulièrement des troupes propres droits et laisse une certaine liberté de manœuvre à la
à « reconquête » du pays – des forces du Yunnan seraient Banque, aura au moins eu le mérite de clarifier les intérêts
en train d’investir le Guizhou et le Sichuan lui-même serait de chacun des acteurs, étatiques et financiers.
partagé entre deux gouvernements ; pour satisfaire les be-
soins des provinces, qui cherchent à emprunter ; pour Le 20 juin 1912 est en effet trouvé l’accord qui scelle une
consentir des avances à Yuan Shikai, vers qui les large union des préteurs et met la Chine au pied du mur.
Puissances ont de fait porté leur soutien politique. Les « Quoiqu’il en soit, pour Poincaré, qui diffuse l’historique
entretiens réunissant les six groupes financiers concernés du démêlé « russo-asiatique » par sa circulaire du 24 juin,
débutent à Londres les 14 et 15 mai 1912. Il leur faudra nous ne pouvons que nous féliciter de la conclusion d’un
deux autres « rounds » pour trouver un accord : à Paris les accord qui permettra à l’emploi éventuel de nos capitaux
7 et 8 juin et, enfin, 18, 19 et 20 juin – l’équivalent au total en Extrême-Orient les garanties et le contrôle indispensable,
d’une semaine entière ! de préserver la Chine, quel que soit le gouvernement
qu’elle se donne, des risques d’une désorganisation éco-
Politiques et financiers font en effet cause commune nomiquement déplorable et politiquement dangereuse,
– rappelons que le lancement d’un emprunt sur une place enfin de donner à notre alliance avec la Russie le nouveau
financière – Londres, Paris ou autre – est soumis à l’aval gage d’une action commune pour la défense de ses inté-
de l’Etat concerné. Le Corps diplomatique de Pékin se rêts »25. L’objet de l’accord est d’imposer à la Chine les
mobilise ainsi, faisant l’intermédiaire entre le nouveau gou- termes d’un vaste emprunt de « réorganisation » d’environ
vernement et les établissements du consortium. Dans 35 millions de livres (1500 millions de francs), ce qui
cette atmosphère de mobilisations nationales, la frontière augmenterait accessoirement sa dette de 40%... Le
paraît ténue entre finance et diplomatie. Paris donne le ton consortium, décidé à le faire aboutir, se compose de six
du côté français : « Il faut que l’opinion sache que l’on doit groupes nationaux : le britannique est mené par la Hong
demander à la finance une discipline nationale dans cette Kong and Shanghai Bank, que rejoindront quatre autres
affaire », précise le Bulletin du Comité de l’Asie française, établissements en décembre 1912 ; le groupe allemand,
en se posant presque en modèle : « Il est à souhaiter que conduit pas la Deutsch-Asiatische Bank, en rassemble
les autres gouvernements se joignent (à cette discipline), quatorze autres, parmi
mais les gouvernements doivent décourager, à cette heure lesquelles la Deutsche 24. « Les intérêts français et la révolution
chinoise », Bulletin… op. cit.
décisive, pour tous les intérêts étrangers en Chine, les Bank et la Dresdner
25. Circulaire Poincaré, 24 juin 1912.
dissidences »24. L’affaire se complique à l’occasion car les Bank ; le groupe français Document 138, DDF (1871-1914), 3ème série,
frontières des banques ne sont pas toujours celles des emboîte le pas à la tome III.

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Banque de l’Indochine avec pratiquement toutes les se laisse pas faire. Il refuse en effet la prise en compte
grandes banques nationales, huit au total ; le groupe d’ « indemnités dues en raison de la révolution », dont Pékin
américain se compose également de quatre gros établis- n’a jamais reconnu le principe ; il n’accepte pas non plus « le
sements autour de J. P. Morgan & Co ; un groupe russe, surplus du revenu des douanes non consacré au payement
plus éclectique donc, avec la Banque russo-asiatique et des dettes antérieures, comme garantie supplémentaire de
des établissements belges ; une banque japonaise enfin, l’emprunt de réorganisation », un peu comme le nœud de
la Yakohama Specie Bank – au total, plus de quarante la corde appelé à se resserrer autour du cou du pendu ;
établissements…26 la Chine veut enfin se garder la liberté dans le choix
des « conseillers étrangers prévus parmi les conditions de
Dans cette partie de « bras de fer », le rapport des forces l’emprunt »29.
est sans doute inégal, mais chacun dispose de la même
arme : le temps, le gouvernement chinois espérant voir Dans sa plus grande dimension, le consortium ne survivra
se lézarder la muraille financière, le consortium et les cependant pas aux élections américaines de 1912 : deux
Puissances attendant que Pékin « craque ». En attendant, mois après son entrée à la Maison Blanche, où il succède
il convient certes pour le groupe des prêteurs de concéder au républicain Taft, qui fut accessoirement le premier
« au compte-goutte » des avances à Yuan, le maître du gouverneur américain des Philippines (1901-1904), le
moment, nécessaires à sa survie, mais ainsi, écrit-on crû- président démocrate Woodrow Wilson fait connaître son
ment à Paris, « de laisser cuire la Chine dans son jus à désaccord sur « les conditions de l’emprunt et les respon-
attendre sur ses positions les besoins qui la rendront plus sabilités qu’elles entraînent », effectivement assez
accommodante »27. Sur le fond et en langage plus « tech- éloignées du principe américain de la Porte ouverte…
nique », l’idée clairement exprimée consiste d’abord à « Ces conditions, précise Wilson, nous semblent toucher
réorganiser financièrement la Chine : « Il faut, en réalité, de fort près à l’indépendance administrative de la
que les prêteurs reconstruisent, pour ainsi dire, leur Chine », dont il se plait à l’occasion de flatter « le grand
débiteur »28. L’idée opératoire reste de dissuader tout peuple ». Il ajoute que le contrôle envisagé est même
emprunt « dissident », de façon à empêcher le gouvernement « contraire aux principes (sur) lesquels est (fondé) le
de Pékin d’en jouer et de s’extraire des contraintes imposées Gouvernement du peuple américain lui-même ».30
par ce véritable Mur d’argent.
Un contrat relatif à l’emprunt de réorganisation est
Le consortium, malgré la palette des moyens mis en œuvre, néanmoins et finalement signé le 27 avril 1913, entre le
ne peut en effet empêcher un certain nombre d’emprunts consortium et le gouvernement de Pékin, mais a minima :
industriels d’ouvrir quelques brèches. Ainsi, en septembre au lieu des 35 millions de livres envisagés (1500 millions
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1912, deux emprunts – anglais puis français – de dimension de francs), 25 sont octroyés (635,25 millions de francs),
modeste (250 millions de francs chacun) sont conclus sous soit 42 %31. Un télégramme laconique de Pékin en informe
cette forme : le second, initié par des intérêts sino-belges Pichon, ancien Ministre de France à Pékin et nouveau
de Tianjin (Société sino-belge de Tianjin, Société belge de ministre des Affaires étrangères, déjà au courant par la
tramways en Chine), englobait l’important projet d’une directeur de la Banque de l’Indochine, Stanislas Simon :
grande artère ferroviaire traversant la Chine du Nord, du « Contrat d’emprunt a été définitivement signé la nuit
Shandong au Gansu, assorti d’une avance immédiate en dernière. Je ne crois pas qu’il faille attacher d’importance
liquide de 25 à 50 millions de francs, toujours bienvenue excessive aux manifestations de Sun Yat-sen », nécessai-
pour Pékin. Le consortium se réunit périodiquement pour rement en désaccord32. Demi-succès ou demi-échec ? Le
faire le point, relayé par la diplomatie des pays concernés. principe d’une réorganisation de certaines administrations
Poincaré informe lui- chinoises était admis, sauf dans certaines de ses modali-
même ses principaux tés. Quatre conseillers étrangers devaient être nommés :
26. Tableau dans Marc Meuleau, op. cit ., ambassadeurs, comme un Anglais aux gabelles ; un Français et un Russe à la Cour
p. 247 à la fin décembre 1912 : des comptes ; un Allemand enfin au bureau des emprunts.
27. « Les emprunts chinois », Bulletin du « Les représentants des La répartition de l’émission confirme au passage l’importance
Comité de l’Asie française, septembre
1912. six groupes se sont réu- des places de Londres et de Paris (environ 30% chacune), de
28. Bulletin du Comité de l’Asie française, nis à Londres les 13 et Berlin dans une moindre mesure (24%) – le reste des
mai 1913, p. 174. 14 décembre courant placements étant effectué en Russie et, marginalement, en
29. T. Poincaré, 24 décembre 1912, pour examiner l’état Belgique33. Les garanties de l’emprunt sont principalement
document 119, DDF (1871-1914), actuel des négociations constituées par les recettes des gabelles, le reste par les
3ème série, tome V. de l’emprunt de réorga- revenus fonciers de quatre provinces et l’excédent des
30. T. Jusserand (Washington) à Pichon, nisation entre les revenus des douanes. Au final, la moitié de l’emprunt de
ministre des Affaires étrangères, mars
1913 « sans date », document 24, DDF banquiers et le ministre réorganisation était engloutie par les dépenses de
(1871-1914), 3e série, tome VI. chinois des Finances », ministères et la réorganisation des gabelles : l’emprunt ne
31. Bulletin du Comité de l’Asie française, qui manifestement ne pouvait ainsi être que le premier d’une longue série.
avril 1913, p. 153.
32. T. Conty (Pékin) à Pichon, 27 avril
1913, document 299, DDF (1871-1914),
3e série, tome VI.
33. Bulletin du Comité de l’Asie française,
mai 1913, p. 215

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D’une certaine manière, Yuan Shikai aura « sauvé les meu- Shikai, général réformateur rescapé de l’Empire Qing ; et
bles », mais le consortium ne survivra pas à l’année 1913, celle des grands établissements financiers, toujours plus
miné par les emprunts « industriels » divergents et handicapé puissants, associés dans le consortium et dont l’ambition
on le sait par le retrait du groupe américain. La dissolution restait de réorganiser la Chine selon leurs intérêts. Les
de cette union des prêteurs est durement ressentie par le deux parties avaient cette perspective en tête : entre
Bulletin du Comité de l’Asie française, qui rappelle « les Yuan Shikai, qui a besoin des banques pour consolider son
efforts accomplis, depuis 1905 déjà, en vue de créer et pouvoir, et celles-ci, toujours à la recherche de garanties,
de remplacer par une politique de discipline le crédit si chaque partie a besoin de l’autre, mais à ses conditions.
légèrement fait à la Chine ». L’appréciation du Times de L’échec du consortium met également fin à treize ans de
Londres apparaît plus nette encore : « La théorie d’une relative unité des Puissances en Chine, inaugurée
muraille protectrice dont on voulait entourer les finances en 1900 face à l’insurrection des Boxeurs et dans l’expé-
chinoises a subi un échec complet (…) et le groupe des dition militaire internationale d’abord destinée à desserrer
cinq Puissances a travaillé sur des hypothèses qui ne le siège des Légations. L’éclatement de la Grande Guerre
tenaient pas un compte suffisant des méthodes ordinaires en Europe, quelques mois plus tard n’en permettra pas la
de la finance cosmopolite ».34 reconstitution. Pire, étant donnée l’implication des
Puissances dans le fonctionnement administratif et finan-
cier de la Chine, et l’endettement de celle-ci, la « guerre
L’énorme endettement de la Chine a ainsi constitué le civile européenne » forme un contexte particulièrement
point de rencontre – et de rupture – entre deux trajec- peu favorable à la reconstitution de l’unité chinoise :
toires : celle de la révolution républicaine chinoise, dont la République chinoise cède la place pour une dizaine
on sait que la direction politique a été captée par Yuan d’années aux « Seigneurs de la guerre ».
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34. « La dissolution du consortium »,


Bulletin du Comité de l’Asie française,
décembre 1913, p. 371 et 372 (pour la
citation du Times)

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