1982 B - Du Messager Des Âmes Au Spirite en Languedoc in La Mort Aujourd'hui Cahier de Saint Maximin Collège D'echanges Contemporains Ed Rivages 1982 PP 95-109
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Du messager des âmes au spirite en Languedoc In La mort aujourd'hui Cahier de Saint Maximin Collège d'Echanges contemporains Ed Rivages 1982 pp 95-109
Titre original
1982 B - Du messager des âmes au spirite en Languedoc In La mort aujourd'hui Cahier de Saint Maximin Collège d'Echanges contemporains Ed Rivages 1982 pp 95-109
Du messager des âmes au spirite en Languedoc In La mort aujourd'hui Cahier de Saint Maximin Collège d'Echanges contemporains Ed Rivages 1982 pp 95-109
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1982 B - Du Messager Des Âmes Au Spirite en Languedoc in La Mort Aujourd'hui Cahier de Saint Maximin Collège D'echanges Contemporains Ed Rivages 1982 PP 95-109
Du messager des âmes au spirite en Languedoc In La mort aujourd'hui Cahier de Saint Maximin Collège d'Echanges contemporains Ed Rivages 1982 pp 95-109
Du Messager des ames
au spirite en Languedoc
Tous les historiens de la mort rencontrent et déplorent, 4 un moment
ou a un autre de leur parcours, la pauvreté relative ou, plutés, la dispersion
extréme de l'ethnographie de la mort en Occident. Les folkloristes ont
pourtant transcrit dvs dizaines de rituels, le schéma des “rites de passage”, tel
que Van Gennep Ia découver, a servi de modéle et de cadre a maintes
descriptions mais il est vrai que le point de vue évolutif s'efface dans ces
Fecensions monorines et que, surtout, la mort clle-méme n'y est pas définie
dans toute lampleur des gestes, des traces et des discours cu'elle suscie
Pour transformer l'objet sans doute convient-il de modifier le regard et le
prise. Les historiens ont choisi d'agrandir le plus possible langle de vue
dans le temps ct espace. L’ethnologue est plus i Paise dans le parti inverse :
pourquoi ne pas essayer, au conitaire, de prendre un poste d'observation
ponctuel et significatif pour, a partir de la, s*étendre jusqu'aux limites
historiques et spatiales nécessaires & la comprehension de ce.qui se passe ici,
en une société donnée, saisic en un instant de son histoire 2
Encore convient-il de bien choisir son lieu d'observation mais In critique de
Vethnographie commune nous y aide. La mort y est en effet traitée en deux
chapicres distincts et souvent autonomes. Le premier détailie les
comportements collectifs que déclenchent son imminence, son avénement et
sa remémoration. L'ordre chronologique de la séquence ct ia mise en place
sociologique des acteurs suffisent & une description sure et cohérente. En
revanche les croyances et les pratiques concernant non plus la mort mais les
morts vont en général rejoindre, en un deuxieme chapitre, le fouillis des
“superstitions”, “peurs” et autres “Ipendes” comme si, dans nos sociétés, la
gestion de Pau-dela par les églises n'avait laissé place qu’ des discours ct
observances fragmentaires, incohérents, dont la logique nous serait a jamais
perdue. Or juste avant Van Gennep, Herz avait montré, pour des sociétés
plus exotiques il est vrai, que tout mort accomplit un double passage. Le
premier accompagne et suit le décés, il va de la vie 4 la mort, Le sceond est
situé au cceur d'un au-dela qui est toujours pensé comme un espace et an
temps a parcoutir, & traverser. La encore les survivants sont en partie
tesponsables du destin posthume de leurs défunts, cet autre passage, trop
souvent négligé, est done aussi socialisé, i mobilise toute la puissance des
95rituels personnels, domestiques et communautaires. Lorsque ceux-ci sont
oubliés, inachevés ou mal accomplis, les défunts font signe, manifestant ainsi
Ie retard pris dans leur périple et les remédes que leur sort malheureux exige.
Qu’en est-il de ce passage dans l'Europe du Sud ? Qu'est-ce qui dure ct
gu’est-ce qui change dans la relation a ect au-deli ot les morts se déplacent ?
Quelles configurations émergent de la mosaique des enseignements, des
dogmes, des traditions et des nouveautés métaphysiques ? Quels rapports
sociaux ces transformations mettent en jeu? Telles sont les questions que
nous poserons a un tertain assez vaste : fe pays toulousain largement eaillé,
du Languedoc des plaines aux montagnes pyrénéennes, de la Cerdagne au
Béarn.
Le messager des mes
En 1873, répondant a une sollicitation de son inspecteur d'académie, un
institutcur du Lautagais, R.Cantier, dresse un tableau critique mais
scrupuleux de état des croyances sur les manifestations de I'au-del& dans
Farrondissement de Castelnaudary, son témoignage nous servira de guid
Superstitions. Les superstitions tendent tous les jours & disparaitre dans l'arrondissement ; da
ins clles ne produisent pas les conséquences ficltuses d'autrefois. Cependant quelques
yances absurdes ont encore des racines profondes dans Fesprit des habitants de certains
illages. surtovt cher les femmes
Une des croyances les plus accréditées dans In campagne est celle qui est relative aux
revenants, Beaucoup de gens pensent que les ames des morts reviennent pour demander des
priéres. Les Ames se manifestent soit en se produisant sous des formes fantastiques, soit en
frappant, soit en remuant les meubies, soit en articulant certains sons. On attribue parfois aux
mes des morts certains malhcurs, des maladies, la perte des bestiaux, et plus particulierement
les maladies ou la mort des jeunes enfants. Un enfant est pile, chétif, maladit, les com
ne manquent pas de dire qu'il est persécuré par les dimes. On chesche wussivdt quel peut &
défant dont ime vient ainsi réclamer des prieres. es Ton décide facitement que ce ne peut éive
gue celle de tel ou tel membre de la famille. Alors on fait dite des messes, réciter des
surtout les psaumes de la Pénitence. on offre dus pain bénit a la messe.. ete
Le plus souvent on va consulker les soi-disant “Messagers des, ames”
manguent jamais d'ordonner des priéres tout en nommant le membre de la famille déc
réclame ces prires. Parfois, malgré ces précautions. le Messager norime une personne qi vit
encore, mais les gens trompés au lieu de reconcer 3 leurs superstitions, se contentent de
changer de charlatan
Voici ce qui se passait dernigrement dans un village du canton de Fanjeaux : Mme X
avait un enfant de doure mois. Cet enfant perdait de jour en jour. “Tl devient pile ct dimiaue
de coups. dit la mére, c'est quelque more qui me le poursuit™. Eile prend le parti d'allee
consulter le Messager des ames de Mirepoix. En la voyant entrer, homme en
communication avec Jes morts lui dit : “Pauvre femme ! que n’étes-vous venue plus tét : vous
auriez déji délivré lame de votre mére des flammes du Purgatoire. Vous éces heureuse encore
avoir eu Vidée de venir me trouver avant dimanche : ce jour-la votre enfant aurait été dans
Te suaire, Recournee-vous-en vite : faites dire une messe demain ct une autre samedi,
occasion de laquelle vous donnerce un pain béni. N'oublice pas qu'il vous faut assister aux
messes avec 'enfane habillé de blanc.”
Le caré ayant renarqué que quelque chose d’extrancdinaire se passait dans la famille X.
Aéclaca que s'il avait été insteuit plus t6t des motifs qui guidaiemt Mme X. il n'aurait pas dic la
messe pour elle: et le dimanche, au prone, il attagua vivement cette superstition des dimes qui
réclament des priétes. Probablement il ne convertit personne.
Les Messagers des antes les plus célébres sont : celui de Mirepoix que vont consuler les
96habitants du canton de Fanjeaux et de Belpech : celui qui habite la métairie de Picarel dans la
commune de Montauriol ct qui cst en vogue dans le canton de Salles; celui d’Avignonet qui
est visité par Ia partic ouest de l'arrondissement ; et celui de Labécéde, appelé Tincos, qui ala
confiance de quelques habitants de la Montagne Noire.
On trouve encore des personnes qui pensent que les morts font une procession dans la
nuit de la Toussaint.
Cenaines personnes croient & des étres appelés des Prurs qui occasionnent disent-elles,
A cemtaines heures de la nuit, des bruits effeayants, qui remuent lee meubles, trainent les
alles, bouleversent les ustensiles de ménage. éxeignent les bougies, se proménent en faisant le
bruit d'un homme qui marche. secouent les rideaux des lits, enlevent les couvertures,
soufflétent méme les habitants de la maison. On trouve des personnes qui confondent ces
esprit avec les Ames des mores dont nous avons parlé.
On entend dire & certaines personnes qui passent pour ne pas manquer d’intelligence
quielles ont vu des fantémes se présemtant la nuit sous des formes bizarres et changeantes,
s'loignant et se rapprochant alteenativement et sans cesse. D'autres fois ils disent avoir vu
une himigre extraordinaire qui suivait une marche réguliéee ct qui navait rien de commun,
avec la Jumiére dont on se sert
Quclgues personnes eroient que oppression produite par le cauchemar, résultat d'un
malaise, est duc i la pression d'un étre non défini qu'on appelle Luin en francais et Brérbo en
patois. Autrefois on attribuait ce réle 4 certaines vicilles femmes.
M faut reconnaitre cependant que les siiperstitions tendent 4 disparaitre peu 4 peu. La
diffusion des lumiéres, les principes que les enfants puisent dans les écoles, readrone la
nouvelle génération encore moins crédule et les pretiques superstitieuses scront biemst
reléguées dans quelques rares villages ou hameaux oi instruction ne pourra pas pénéirer.”
Scule I: procession annuclle des moris la nuit de Toussaint e&t attendue.
Elle met en branle anonymement toute la collectivité défunte et l'on prévoit
en général des rites d'accueil dont R. Cantier ne dit rien. Mais hors de cette
circonstance, et individuellement cette fois, le mort puise dans le répervoire
assez. ouvert des signes dont il dispose. Tl en marque la maison de ses
survivants, Bruits, paroles, objets déplacés, lucurs, maladies des bétes et
surtout dépérissement inexplicable des enfants peuvent étre des appels du
défunt. Les maux accumulks et dirigés vers les réserves de la maison —~ le
grenicr, armoire, la cave — et les témoins de sa vitalité — les enfants et Je
cheptel — sont pour cela interprétés comme magiques mais ils peuvent alors
manifester aussi bien la malveillance d'un vivant, le sorcier, que la souffrance
d'un mort, Les travaux sur la sorcellerie ignorent souvent cette double
origine alors qu'elle est trés présente en Languedoc, que Jeanne Favret Ia
note dans le Bocage et que Henri Graule la trouve elairement formulée, par
ses plus anciens témoins, dans le Bourbonnais de 1960 : “Les morts envoient
certaines maladies”. Pourtant cette reconnaissance n'est que rarement
immédiate. Les “comméres”, les vicilles femmes la suggérent a propos de
Fenfant chétif, ainsi annoncent-elles l'origine possible et orientent-elles les
parents vers le médiateur, l'interpréte des morts : le messager des ames, en
occitan “I'armier™. La place nous manque pour détailler toutes les faccetes de
cette fonction capitale dont un travail récent de Jean-Pierre Piniés a illustré
les nuances. Retenons simplement que l'armier doit son pouvoir au hasard de
Ja naissance et non a une transmission initiatique ; que ce pouvoir est
paradoxalement passif : les morts lui apparaissent sans qu'il les sollicite, la
nuit, “en vrei” ou “en réve”. Il regoit des communications de défunts dont il
peut tout ignorer, il part en informer les vivants ou attend leur visite pour
97répondre a leur demande, Le contenu du message est des plus orthodoxes : le
mort souffre en Purgatoire faute d'avoir regu son viatique de messes et de
priéres, ses hériticrs doivent s'exécuter pour que sa peine s‘accélére et qu'il
atteigne le licu de la paix. L'au-dela de Narmier et de ses consultants est done
double: dans un premier temps le mort est proche et soulfre, sa
manifestation est possible, ensuite il gagne le repos et disparait, le plus
souvent 4 jamais, Les mots Purgatoire et Paradis peuvent désigner ces
moments et ces espaces mais leur comenu n'est plus celui que l'Eglise
catholique Jeur préte méme si l'imagerie des flammes et des délices est
commune aux deux cosmologies. Le reméde que le mort réclame et que
Parmier ordonne est rout aussi peu hérétique : des prigres ct des messes que
Ton commandera au curé mais qui sollicitent aussi tout un corps
d'auxiliaires : le mendiant diseur de psaumes ou J'ermite itinérant.
Une présence silencieuse :
Ce systéme dont noiis avons tu toutes les complexités n'est pas une création
de la société lauragaise du Second Empire pourtant les témoignages plus
anciens sont fort clairsemés et rémoignent, par la, de la position sociale du
Messager des imes qui n'est dénoncé et pourchassé par les clercs qu'aux
heures du rigorisme.
En 1321, Arnaud Gelis, dit Botelher, “exerce” 4 Pamiers depuis
plusicurs années, il est vjetime du zéle anti-hérétique de l’évéque Fournier,
lui qui pourtane proteste, a juste titre, de sa bonne foi chrétienne. Au temps
de la Contre-Réforme, dans ces mémes régions languedociennes, la
condamnation de Varmier alimente la chasse aux pratiques “superstiticuses”.
Les statuts synodaux de Pévéque de Narbonne, édictés en 1645 et repris
ans plus tard, stipulent: “Nous défendons, sous peine d'excommunication,
de dire en public ou en particulier, qu'on a des révélations de l'ésat des ames
des fidéles trépassés, avant que den avoir communiqué avec nous ou avec
notre vicaire général. Et nous enjoigaons aux recieurs et vicaires de nous
dénoncer au plus tt ceux de leur paroisse qui s'adonnent 4 ces sortes de
pratiques, pour y étre par nous remédié ainsi qu'il appartiendra.” Les
dénonciations des curés de village sont pourtant assez rares, Pune nous est
parvenue ptécisément du Lauragais. A Villepinte (diocése de Saint-Papou!)
en 1664 “enquis s'il y a des sorcelieries ou superstitions ont répondu qu'il y a
un certain homme qui parle avec les morts...”.
Mais le scandale, semble-t-il, nait moins de existence de cette
pratique que de Fampleur qu'elle peut prendre au point de porter ombrage au
pratre et 4 PEglise. A Pamiers en 1321, Arnaud Gélis est dénoncé car depuis
quelques mois sa répuration s'est accrue, il est méme devenu le consciller
d'un cercle de bourgeoises liges a Mengarde, la couturiére. A Lacoste prés de
Clermont I'Hérault, cing siécles plus tard, c'est une armiére qui outrepasse la
sphére tolérable de son pouvoir et de son audience :
“Marie Rey était née & Lacoste, le jour des Monss, vers lan 1770. Dés lige de quatre a cing
ans, elle avait des attaques de nerfs et prétendait ére oppresséc par les morts, qu'elle voyait,
aprés ses dires, toujours présenis devant elle. Le curé hésita longtemps, nous a-t-on affirmé,
984 lui faite faire la premiére communion, car elle avait toujours ses attaques de nerfs. Sa pileur
érait effrayante et presque cadavércuse. Quoique pratiquant la religion avec une devotion
exemplaise, les curés des environs fulminaient sans cesse contre elle : l'éveque lui-méme se
réla de la partie et défendit de donner l'absolution a quiconque T'aurait consult
Malgré tout, on venait la trouver de fort loin et de tous les pays d’alentour, Elle
prétendait avoir des conversations avec les morts, et recomimandait i ses clients, desquels elle
n’exigeait rien comme salaice (on donnait ce qu’on voulait) de faire dire beaucoup de messes,
de distribuer du pain aux pauvres, ete. Elle assurait & ceux qui la consultaient que c'était lame
d'un oncle, d'un grand-pére ou de tout autre parent qui était en souffrance, et dont V'oubli de
Ja part des vivants occasionnait & ces derniers les malheurs qui es frappaient. Elle avait épousé
le sieur Etienne Carriere. Sa mort arriva en 1842; elle avait alors soixante-douze ans, Ne
Jaissant aucun enfant, elle fit um testament en faveur de quelques neveux qui furent ses
héritiers. Comme on lui refusa la sépulture religieuse, elle fur enterrée sans le secours d'aucun
prétre, au coin d'une de ses terres, of: 'on bitit sur sa tombe une petite masure sans portes ni
endures.
Que ses exclusions soient tés exceptionnelles ne saurait nous surprendre.
Pourquoi l'armier serait-il dénoncé par le curé de village alors que ce dernier
joue son rdle dans cette médiation dont il tire un coquet bénéfice ? Seul le
prélat doctringire ou le préire personnellement offusqué s‘insuzgent contre
Pusage des sacrements et des priéres a des fins hérétiques aussi la répression
du Messager des ames fut-elle rarement 4 ordre du jour.
Comme chaque trace de 'armier émane de conflits ponctuels et particuliers
leur rareté méme fonde notre certitude de sa présence ancienne et de longue
durée. Pourtant en 1873, Vinstivuteur du Lauragais note fa répugnance du
curé du village: “il attaqua vivement cette superstition des ames qui
réclament des priéres” et cette attitude n'a, & cette époque, rien de singulier.
Les temps ont vraiment changé, l'armier est banni du sein de I'Eglise. Que
s'est-il donc passé entre temps ?
Le premier spiritione.
Dis 1852 les clercs languedociens se sont trouvés confrontés au spiritisme.
Lengouement saisit l'elite carcassonnaise passionnée, dans le sillage de
Timoléon Jaubery, le juge d’instruction, par l'affaire des deux jeunes filles
qui, & Congues, “faissient parler la table”, L’evéque d’ailleuts s'y laisse
prendre au début car il trouve “fore belles” leurs révélations d'outre-tombe,
Mais bientdt deux cercles sinstallent & Carcassonne, T'un chez Jeubert,
Pautre chez Bernard, un pharmacien et surtout, en 1865, un exilé du 2
décembre, Valentin Tournier, regagne sa ville converti au spititisme d’ Allan
Kardec. Ce propriétaire devient le penseur vénéré, il dabore et diffuse sa
doctrine, véritable spiritisme languedocien. Jusqu’en 1886, sa personnalité
marque le cercle du commandant Azerm dont la maison, au pied de la Cité,
accucille & chaque séance les ouvriers du faubourg qui viennent solliciter
librement Vévocation de leurs mors. Le groupe carcassonnais fait des
adeptes dans les villes voisines, entretient des correspondances mais aussi se
présente en expert dans toutes les affaires villageoises de hantise. A Malves,
Pezens, Castelnaudary... ils éclairent des situations étranges : jeuncs filles
“possédées”, coups frappés, objets inexplicablement mobiles... Ce ne sont
plus les morts qui font signe et invitent & consulter l'armier mais les esprits
99qui attendent le médium, le cercle et la table pour donner de leurs nouvelles
et délivrer leurs enseignements.
Ces promoteurs bourgeois du spiritisme sont alors, sans exception, des
républicains. Tous ont eu maille & partir avec la police impériale, ils sont
attirés par les formes du socialise utopique qui, depuis 1830, fascinent les
bourgeois éclairés de la région. Forts de leur idéologie, stirs de la vérité de
leur nouvelle doctrine, ils cherchent a Ja répandre par tous les moyens,
ouvrent leurs cercles au peuple, tiennent des chroniques dans les journaux.
Dés 1860, PEglise européenne a réagi devant Vinvasion spirite mais en
Languedoc la lutte est persistante : en 1875 Varchevéque de Toulouse, dans
un mandement de Caréme, condamne la doctrine, Valentin Tournier
polémique aussitét avec lui, en 1877, un curé de Narbonne réplique par un
pamphlet Le spiritisme démasqué et jugé... Liampleur et la pugnacité des
alfrontements nous fait mesurer le succés de la nouvelle croyance, reste & en
apprécier les causes.
Le spiritisme de ce temps est donc fortement marqué & gauche, ses apdtres
sont des positivistes républicains et, surtout, anticléricaux. Or dans ce
Languedoc la déchristianisation avance tds vite, presque partout. L’organi~
sation méme da bourg et du village médierranéen avec son économie
désormais centrée sur la viticulture, sa sociéeé complexe et hiérarchisée, sa
sociabilité intense, son dualisme politique foreement marqué, assure une
grande homogénéité culturelle, a gauche comme 4 droite. En adoptant la
République le petit propriguaire adhére 4 V'idéologie de ses notables et admet
aussi leurs options spirituelles. Dans ce premier temps l'athéisme ne s'impose
pas mais au contraire un idéalisme tout empli d'une sore de mystique
fanébre, C'est donc I'Eglise comme cozps et comme force sociale et politique
qui est visée mais on admet plus que jamais la survie de l'ame dans un au-
dela of elle migee vers la perfection, Ja connaissance ct le repos.
Pourtant ce mouvement dimitation ne suffit pas & expliquer l'adhésion
populaire & la “religion des esprits”. La présence ancienne et essenticlle de
Farmier entre aussi en jeu, elle a, en Languedoc, fait le lit des spirites. Les
ents du vocabulaire sont d’abord pleins d’enseignements: les
“mors” deviennent “esprits” l'armicr est qualifié de spirite comme le
notent, en 1885, des instituteurs du Lauragais dans leurs monographics
communales : “La superstition régne en souveraine chez. les habitants de
Beauville : une poule modifie-t-elle son gloussement ? un animal domes-
tique est-il malade ? Vite en court chez le Spirite, qui ne manque jamais de
faire dire un certain nombre de messes pour un parent décédé depuis de
Tongues années”
L'expétience de Parmier, par certains de ces aspects, préfigure Ja
technique spirite et l'admet done d’autant mieux. Dés que sa réputation et sa
clientéle se déploient au-dela du voisinage et du village le messager des dimes
nraccucille plus malgeé lui la parole des morts mais, comme les spirites,
cherche a la susciter, provoque 'expérience et officic publiquement : “ily aa
Francarville un maitre-valet quia, disent les bonnes gens, le pouvoir
evoquer les esprits : il tient dans les cabarets des localités voisines des
100cabinets d'affaires tres fréquentés” (Saussens, Lauragais, 1885), Délaissant le
langage amphigourique des esprits & la mode bourgeoise ces morts parlent la
langue de tous les jours, ils s'adressent a larmier-médium comme les défunts
de naguére, dans l'occitan du pays. Enfin la représentation de lau-del ne
subit, dans Timmédiat, aucun changement notable. Les voix s'élévent d'un
Purgatoire — C'est le temps de la purification progressive de lesprit selon la
cosmologie spitite — puis gagnent le repos et, de la, les plus parfaites et les
plus prestigicuses dispensent un enseignement a I'usage des initiés. Les saints
de 'Eglise, le Christ lui-méme ne dédaignent pas de parler pour confirmer la
vérité du spiritisme, Jeanne d’Arc dans toute la France et Germaine de
Pibrac en Languedoc sont méme revendiquées, aux heures de leur popularité
extréme, comme divinités tutélaires des médiums.
Les spirites bourgeois sont dilleurs tres conscients de la chance que la
présence traditionnelle de l'armier offre & leur prosélytisme. Ils tirent alors
argument des révélations posthumes de ces spirites “primitifs”. Le 20 mars
1879 le cercle de la Cité, & Carcassonne, évoque Millet, un tisserand qui fat,
de son vivant messager des Ames, c'est-a-dire “medium”, Valentin Tournier
transcrit, enthousiaste, sa communication aux adeptes : “Je voyais des morts
qui quelquefois me disaient des choses bonties et guelqucfois des choses
mauvaises. Les set-sans (les sept psaumes de lz Pénitence) allaient bien et
sidsilesmeasess Ves siious (curds ay perdatentiensA Bresent je vers dle
vous autres vous changez ¢a. Vous faites bien. Dieu n'a pas besoin de messes
ni de set-sans ; il demande de bonnes actions. Je in'étais imaginé d'etre le
messager des ames bonnes ct j'étais le bouffon des Ames coquines qui aiment
A se moquer des braves gens.
Varmier apparaic donc pour faite la critique de ses propres illusions et des
scandaleux profits que les curés en retiraient ; il invite 4 adhérer, une fois
rejetée la “superstition catholique” au déisme moralisant de la secte.
Ainsi entre 1860 et 1890, un groupe de républicains populistes use de
tous les moyens de Ia lutte ct de la propagande politique — cercles, missions,
journaux — pour détacher en douceut l'armier d'une Eglise dont I’influence
générale décroit mais leur spectaculaire réussite suppose une relative
continuité, Les vieux mons familiers de l'armier n'ont pas encore la figure
des esprits du médium et de la table tournante. I] est vrai qu’ l'origine,
encore obscure, du spiritisme occidental il y a sans doute l'écoute attentive
dans les sectes d’illuminés des années 1780 — des révélations d'inspirées
populaires toutes pleines des visions de ce Purgatoire proche peuplé de morts
geignards ct vindicatifs et que le médium de tout cercle spirite choisi pour la
i é” de sa culture ne manqua pas, au début, de traduire en termes
traditionnels l'expérience qu'on lui demandait de vivre
Anmier ct spirite : de nouveaux agencements
Tiraillé entre sa fidélisé formelle & P'Bglise ct V'attraction du spiritisme
naissant, Ia fonction de 'armicr va donc peu a peu se dissoudre dans les pays
de “tables tournantes” : la plaine viticole de Montpellier 4 Carcassonne, les
101villages “rouges” des Corbiéres et du Minervois, toutes les villes aussi. La
grande poussée spirite qui accompagne les deux guerres mondiales conquiert
encore des villages ot, souvent, l'instituteur et le groupe des jeunes sont a
Vorigine d'un engouement gui capte les familles angoissées par le sort des
combartants. Aprés le syncrétisme initial vient la conversion pure et simple.
Liarmier solitaire s'efface devant le cercle spirite qui déploic des techniques
de plus en plus sophistiquées : a la table s'ajoutent la planche a écrize, le verre
qui se déplace sur un alphabet, la matérialisation... Le mort agressif qui
s'impose en persécutant la maison et le Messager se muc tour 4 tou: en un
esprit chéri que l'on souhaite attirer pour encore vivre prés de hui ou en un
Personnage illustre et ancien qui narre sa vic romanesque et plonge les
consultants dans les délices de la peur. En ville le spititisme va méme
rejoindre le bric a brac de la divination. La voyante, personnage important
dans les quartiets populaires de l'entre-deux guerres, sait tout faire : la table,
la boule de verre, le mare de café, les tarots, le sommeil hypnotique... Les
villagcois prennent chez elle rendez-vous les jours de marché,
Cevte vulgarisation triomphante s'accompagne, dés le début de ce
siécle, de la désaffection officielle des notables de gauche. Seal Ferroul le
leader socialiste des vignerons de 1907 reste fidéle au spiritisme et entretient
quelques temps chez Tui une jeune médium télépathe. Mais Pintégration
nationale des républicains languedociens voit tiompher — non sans
difficultés ct polémiques — un rationalisme qui rejoint & la fois le combat de
PEglise et celui des psychiatres. Ceux-ci ont en effet, dés 1860, défini un
“délire spitite” qui, 4 partir des années 80, conduit & l'asile de Limoux,
Toulouse ou Montpellicr des malades d'origine populaire “obsédés” par les
défunts et les esprits. Ouvriers agricoles, émigrés espagnols et finalement,
dans les derniéres années, nomades gitans sont frappés de ce “délire” qui
stigmatise ce qui fut longtemps une connaissance codifiée et pertagée.
Liarmier résiste pourtant en quelques licux a cette absorption, a ce
refoulement. Le langage d’abord en préserve Ia trace, Dans le Tarn jusqu'en
1960, tout le monde sait ce qu'armacier veut dire. Dans le haut pays de Foix,
les armiéres, toujours féminines, ont encore leur réputation ; l'aire remonte,
semble-t-il, vers le Nord jusqu'au Lauragais rural avec ses messagers dames.
Ailleurs les mots ne perdent leur contenu que lentement — armicr est
aujourd'hui, en Pays de Sault, un sobriquet incompris —~ mais dans leur aire
de présence la fonction reste, en général, vivante jusqu’aux années 1950. La
localisation de ces persistances nous pose encore aujourd'hui problme. Il
semble que la puissance préservée de I'Eglise catholique — renforcée, dans le
castrais, par ‘opposition protestante — ait contenu le spiritisme et donc
sauvegardé plus longtemps Ia pureté de V'armier qui a pu exercer dans son
ombre tout en sloignant de plus en plus du curé local. Dés la fin du XIX®
sigcle en effet, les messes se commandent au loin, jusqu’s Marscille, par
correspondance. Aujourd’hui encore l'expérience du Messager est vivace
tnais dang sa forme la plas disséminge, Ine s'agit plus de voir tons ces morts
familiers ou anonymes qui formaient la compagnie nocturne de l'armier mais
d'accueillir une relation avec un défunt proche. Li se préserve toute
Pancienne configuration de l'au-dela, le premier espace oti se cétoient morts
et vivants, le calendrier, les gestes répétitifs si pénibles au mort qui passe :
102“Une fois
eété il y avait un bit avec des fagors. Il é:ait habillé en noir avec un chapeau
a plume alors que quand il était vivant il était toujours en paysan. Js Jui ai
ai vu mon mari, aprés qu'il a &€ mort ; sur un ane et de chaque
dit: “Mas, que fas paure ome ? (Mais que fais-tu pauvre homme ?)— Ta
Je vois, il me faut toujours charger du bois sur I'éne.” Et je l'ai vu longtemps
comme ¢a, toujours en train de charger du bois. Un jour il m'a dit: "Per la
Totsants anrai acabat.” (Pour la Toussaint j'autai fini.) Et depuis je ne V'ai plus
revu.
Lrethnographe se trouve donc aujourd'hui confronté & cette mosaique
de représentations et de pratiques & propos du second passage du défunt, de
Ja proximité quémandeuse au repos silencieux. Mais ces syncrétismes, ces
répartitions géographiques, ces glissements sociaux, ne se comprennent qu’en
référence a une histoire oii se trouvent confrontés : Ja trés longue durée du
revenant et du Messager des ames entrecoupée des curiosités répressives du
catholicisme doctrinaire, une crise intense oa le spiritisme sinsinue
habilement dans ce statu quo séculaize pour finalement, par son orientation
Politique ct idéologique, le faire élater avant de devenir Iui-méme une
croyance illégitime que la bourgeoisie éclairée abandonne aux franges
populaires les plus démunies. Cette mutation n'a rien de heurté et de linéaire,
entre couches sociales, entre péles institutionnels, entre systémes cosmolo.
giques la circulation des échanges fut, un temps, trés intense. Le spiritisme le
plus bourgeois et le plus ésotérique se met a l'écoute de la parole spontange
de femmes médiums aussi “simples” que possible, c'est-a-dire d'origine et de
culture paysannes ; il admet aussi, dans s2 premiére période, quelques grands
intercesseurs catholiques et participe done des mouyements “paniques” qui
secouent le christianisme du siécle dernier, L'armier lui-méme, dés la
premiére enquéte qui le révéle, au début du XIV® siecle, tient un role
maléable, évolutif, Au-dela de sa forme simple des élargissements vers tous
les publics, des confusions avec les autres agents de la magic (devins et
guérisseurs) sone possibles. Quant a Eglise, elle attaque depuis un long siécle
Farmier quand il devient spirite mais clle le défend implicitement, ct le fait
aussi discrétement perdurer, lorsqu’elle est assez forte pour s’opposer aux
anticléricaux qui promeuvent la “religion des esprits”.
Done chaque expérience qui nous est aujourd'hui confige est a
Vintersection de ces mouvements. Son lieu, son moment, ses acteurs et ses
symboles doivent étre exactement situés dans ce champ de forces dont la
reconstitution, & diverses périodes de l'histoire, peut scule nous faire
comprendre comment le savoir sur Poutre-tombe prend des visages aussi
variés, comment il est encore si diversement éprouvé.
Daniel Fabre
Note : Chacun de nos parsgraphes exigerait maintes notes justificatives, chaque développe-
ment pourrait gre abondamment argumenté et illustré, nous demandons a nos lecteus de
bien vouloir admettre certaines affirmations et de se reporter 4 un ouvrage a paratce fin
1982: Daniel Fabre et Jean-Pierte Pinies, Le Messager des cimes qui comporte, en outre, une
analyse echnologique beaucoup plus fouillée des expériences de Parmier ent ici-bas et a=
103Table ronde
sur la communication
de Daniel Fabre
Interventions de Philippe Ariés
Philippe Joutard
Roger Chartier
Daniel FabrePhilippe Ariés. D'aprés ce que vous nous avez dit, nous nous trouvons en
présence de la rencontre entre deux systémes de relations avec l'au-dela : Pun
de ces systémes n'est pas du tour chrétien, l'autre est assez vaguement
christianisé. L’un est archaique, l'autre est moderne : cette rencontre est tout
4 fait passionnante.
Le systéme archaique semble étre en dehors de l'affectivité: & un
moment vous nous avez. dit et Céuait trés frappant, que lorsque une ame
venait a la rencontre de l'armier, il pouvait s'agir de l’ame d'un ancétre trés
lointain. Le second systéme cst au contraire basé, sur Vaffectivité: le
spiritisme est en effet une maniére de parler avec les chers disparus. C'est
quelque chose de trés complexe, qui introduit une frontiére infiniment floue :
lorsque les disparus sont évoqués, nous nc savons pas si nous devons nous
considérer comme étant dans le registre du souvenir, ou bien dans celui du
surnavurel, du merveilleux.
Roger Chartier. Je voudrais demander & Daniel Fabre quel rapport il établit
entre le mode de relation avec les morts qu'il a étudié et la possession. Je
pense en particulier aux cas de possession survenus « Morzine, lors de la crise
de 1857. Comme i Loudun au XVII siécle, on voit alors les morts parler
par la bouche des possédés. Bien stir, entre votre exposé et le cas que
jévogue, il y # une grande différence * ce ne sont pas ici des proches, des
étres identifiables qui parlent. Cependant, on peut relever des points de
similitude : d'une part, comme dans le cas de Parmicr, ils ou elles (je veux
parler des morts) réagissent un peu comme des auxiliaires de I'Eglise
Liarmier demande des messes, 4 Morzine les morts ont un réle moralisateur
de mise en garde ou bien d'édification. D’autre part, dans le cas de la
possession, les possédées sont “investies” par les ames mortes qui parlent par
elles, de méme l’armier se trouve interpellé comme malgré lui, par les morts.
Daniel Fabre. Je suis tout & fait d'accord avec la remarque de Philippe Ariés a
propos de la différence quant au “sentiment de la mort”, qui oppose 'armier
au spirite encore que les syncrétismes que cette substitution historique a
produit me paraissent aussi trés révélateurs, la mutation s'est faite en douceur
4 partir du moment ot I'Eglise, son enseignement et ses recommandations
107étaient hors-jeu, voire lorsque clle-méme tolére une sorte de vague
spititisme... mais ceci est une autre histoire, Lintervention de Roger
Chartier est, me semble-t-il, d'une grande importance dans la mesure ou il
met le doigt sur une solution que je n'ai guére mentionnée : les hantises, les
Gésordres du corps ct du langage peuvent aussi bien étre qualifiés, par les
rétres et les médecins, de possession diabolique ou de délire de possession,
[es morts deviennent des démons ou des fantasmes de démons, C'est souvent
la conclusion des autorités scientifiques et morales dés que l'affaire met en
branle des collectivités et prend un tour épidémique. Le cas de Morzine n'a
Gailleurs rien dexceptionnel, en Bretagne, en Rouergue, en Languedoc
jusqu’en 1905 encore, plusieurs affaires de ce genze et pour Je moins aussi
Spectaculaires ont ew lieu mais, en général, aprés 1860, Tinterprétation
poychiatrique (délire hallucinatoire et spirite)s‘impose, semble-t-il. Pourtant
EP prise de possession du corps par un esprit peu aussi bien étre une forme
tour 4 fait popularisée de la manifestation des mons. En Sicile “ghi spiritati
dtudiés par Giuseppe Pitré, en Sardaigne les victimes de l’Argia, Ia tarentule
sarde que décrit Clara Gallini, en Galice les “corpos abertos”, les corps
guverts de Carmelo Lisén, sont aussi habités par un mozt qui erre. Ce n'est
jamais le cas de l'armier qui voit, entend, comprend les marques, recoit
parfois des coups et autres tracasseries mais garde son corps fermé au mort
aressif: en revanche ce theme de la pénétration par le mort apparait avec le
tédium spirite, C'est donc-Ii, en effet, un probléme essentiel, Il est vrai
aussi que dans presque tous les cas, le mort suscite un désordre moralisateur,
iI se plaint de l'accroc fait aux sites funéraires, de Ia vie scandaleuse des
Survivants, de T'oubli qu'il eit de ses propres dettes avant de mourir, Les
Tevenants sont, pour la plupart, d'un parfait conformisme.
Philippe Joutard. Juste une remarque 4 propos de la différenciation pouvant
ici s établir entre catholiques ct protestants. Effectiverent, celle-ci n'est pas
toujours évidente : lors d’enquétes orales, j'ai pu m'en rendre compte 4
plusieurs reprises. En particulier, je me souviens d'un cas qui illustre tout a
fait la fameuse expression du ‘‘mal qui vient des morts” : “était le cas d'une
personne détentrice d'un secret négatif et qui ne pouvait pas le transmettre
vvant sa mort: on m'a dit que si cette personne ne transmettait pas son
secret, elle n'arriverait pas & connaitre le repos.
wLa geande différence réside en fait dans la solution que le monde
catholique peut apporter a ce type de difficuleés : faire dire des-messes.
Solution parfois adoptée par les protestants qui font appel au curé. Dans
autres cas, un peu comme cher, les notables républicains dont Fabre vient
de parler, les protestants libéraux recourent au spiritisme, Sculement c'est un
phénoméne de plaine : en montagne, dans les Cévennes, je n'ai jamais
Entendu parler de spititisme. Une troisiéme solution reléve de pratiques
magiques” : par exemple on prend soin de refermer la porte lorsque le
cortege s'en va, on exige qu’aprés la cérémonie le pasteur n’aille pas voir
108
t
'd'autres personnes (jai &eé trés frappé de constater que jusque vers 1950, ces
pratiques étaient plus ou moins tolérées par les pasteurs)
Mais comme les solutions sont finalement insuffisantes, je me demande
si pour les protestants le systéme ne s'est pas assez vite disloqué. Dans les
Cérenncs, j'ai wouvé toute une série d'exemples de revenants qui ne
surgissent que de maniéve dérisoire : le groupe de jeunesse va se servir des
revenants pour ennuyer, pour plaisanter.
Daniel Fabre. Vl serait intéressant de mener, 4 ce propos une enquéte dans les
mailicux protestants tarnais oii messagers des ames et spitises sont bien
mutestés, Quant au revenant facéticux, il reléve, me semble-t-il, d'une autre
analyse qui incerrogerait le rapport, en gros “initiatique”, que les jeunes gens
eneretiennent avec la mort, les revenants, les cimetiéres... C'est un des points
tecentiels dans la définition de La Jeunesse ; j'essaie d’y travailler par ailleurs.
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