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Les principaux virus entériques transmissibles par voie alimentaire (norovirus et virus de l’hépatite A) sont retrouvés dans de
nombreux environnements et leurs particularités tiennent à leur persistance et leur forte résistance, à leur très faible dose infec-
tieuse et leur capacité de transmission directe fécale-orale ou indirecte via les surfaces alimentaires, ou la consommation d’eau,
de fruits, de végétaux ou de mollusques. Un des moyens important permettant la réduction de ce risque est l’emploi de biocides
pour traiter ces environnements. Les nombreuses substances actives disponibles sont couvertes par le Règlement Européen
n°528/2012 dont l’objectif est l’harmonisation des conditions de leur mise sur le marché. A côté de ce règlement, de nombreuses
normes européennes ont été publiées permettant non seulement d’évaluer l’activité virucide sur ces virus cibles mais aussi d’ap-
précier l’impact des nombreuses substances interférentes rencontrées dans l’industrie alimentaire.
particules virales passent sur l’aliment ; si l’application d’un gel al- locaux par voie de nébulisation du désinfectant. Dans toutes ces
coolique est effectuée, ce pourcentage diminue jusqu’à 0,3 à 0,6% normes l’activité virucide est définie par la capacité d’un produit ou
(Bidawi S., al, ). d’une substance active à produire une réduction du nombre de par-
• Les norovirus : dans le cas de contacts surfaces-aliments il peut être ticules virales de micro-organismes pertinents dans des conditions
observés des transferts pouvant atteindre jusqu’à 26% sur des laitues, définies, ceci dans l’environnement. Cette réduction retenue est de
et entre 55% et 95% sur de la viande (Escudero et al, ). Ces résultats 10 000 fois la population virale initiale. Ce type d’activité ne doit
sont cohérents avec ceux de Sharps et al ( ) réalisant des contacts pas être confondu avec l’activité antivirale définie par la capacité
surfaces-fruits et constatant des transferts de 20% à 70% lorsque le d’une substance d’agir sur les virus en phase réplicative c’est-à-dire
milieu est humide, et des transferts de 1% à 12% en milieu sec. au stade de leur multiplication à l’intérieur des cellules humaines
ou animales. Sans entrer dans le détail de ces normes, notamment
De quels produits biocides désinfectants celles se focalisant sur la santé humaine et la sécurité alimentaire, il
disposons-nous en France et en Europe ? est important de retenir que les norovirus y sont représentés, et que
La première décennie de ce 21ème siècle a vu la mise en place de suivant le type d’application (mains, surfaces, instruments) des cri-
la directive Biocides 98/8/CE remplacée le 1er septembre 2013 tères de températures, temps de contact, souillures organiques sont
par le règlement Biocides 528/2012. Cette réglementation, dont bien spécifiés auxquels peuvent être ajoutées des conditions addi-
la mise en place est progressive, est gérée au niveau européen par tionnelles pour répondre à des exigences spécifiques d’un environ-
l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA) et en nement donné. Citons l’exemple de la liste additionnelle de souches
France par le Ministère en charge de l’écologie avec l’appui et l’ex- virales dans laquelle nous trouvons les virus des hépatites A et E,
pertise de l’Anses. Ce texte définit le produit biocide comme un mais aussi les Rotavirus et Astrovirus. En préalable au choix d’un
produit destiné à détruire, repousser, contrôler ou rendre inoffensifs traitement de surface dans une situation donnée, sur un site donné,
des organismes nuisibles, par une action chimique ou biologique. ces outils sont essentiels car ils permettent d’étudier toute une série
L’ensemble de ces biocides sont déclinés en 22 types de produits de facteurs affectant cette activité virucide :
ou catégories d’usage, eux-mêmes rassemblés en 4 groupes dont le La concentration en produit ; la nature du virus ; l’état d’aggrégation
groupe 1 contenant l’ensemble des désinfectants tous les domaines des virus ; la quantité et la nature des souillures ; Le type de surface ;
d’application confondus (santé animale, secteurs alimentaires, santé la température ; le temps de contact ; le pH du milieu ; les carac-
humaine, collectivités, industries, domestique). Dans le processus téristiques physico-chimiques de l’eau ; le mode d’application du
d’autorisation, les substances actives biocides font l’objet de déci- produit (pulvérisation, trempage, circulation, nébulisation...) Tous
sions au niveau communautaire et les produits formulés sont mis sur les produits désinfectants que nous pouvons rencontrer sont com-
le marché aux niveaux des pays avec possibilités de reconnaissances plexes par leurs compositions. Ils peuvent être à base d’aldéhydes,
mutuelles au sein de l’Union Européenne voire de mise en place de d’acides organiques, de chlore, d’iode, de peroxyde d’hydrogène, de
procédures centralisées. Quant aux principes d’évaluation, des ex- peracides, d’ammoniums quaternaires, d’amphotères, de polyhexa-
pertises sont menées sur les dangers et les risques pour l’homme, méthylène biguanide, de triamine, d’alcools, de produits phéno-
l’animal et l’environnement, en complément de l’évaluation de l’effi- liques etc… Vis-à-vis de nos virus alimentaires, leurs niveaux de
cacité qui tient compte des modalités d’application de ces produits. performance peuvent être très différents. Prenons l’exemple, d’un
Sur le volet efficacité, le spectre des biocides désinfectants peut être côté le virus de l’hépatite A et le norovirus, et de l’autre de pro-
très large et couvrir la bactéricidie, la fongicidie, le levuricidie, la duits très employés dans le domaine alimentaire, l’hypochlorite de
sporicidie, la mycobactéricidie, la virucidie, la phagicidie… sodium et l’acide peracétique. Le comportement de ces deux virus
est similaire vis-à-vis de l’hypochlorite de sodium puisqu’il faut
Comment sélectionner les produits virucides des concentrations entre 150 et 300 ppm pour obtenir une activité
les plus performants ? virucide forte sur un temps court de 5 min. Par contre, vis-à-vis de
Dans cette démarche de sélection des désinfectants, un accord s’est l’acide peracétique le virus de l’hépatite A est 100 à 150 fois plus
fait au niveau européen de prendre en référence les normes euro- résistant que le norovirus ! Beaucoup de travaux scientifiques seront
péennes élaborées au sein du Comité Européen de Normalisation. nécessaire dans les années à venir pour une meilleure compréhen-
Aujourd’hui, en 2014, près de 40 normes sont publiées ou en voie sion des mécanismes d’action de ces biocides désinfectants vis-à-vis
de publication. Ces normes sont regroupées selon trois phases : des virus.
les tests de laboratoire dit de « phase 1 » permettent d’évaluer
une activité de base sans définir une concentration d’emploi – les En conclusion, ces virus d’intérêt du secteur alimentaire sont de-
tests de « phase 2 » rassemblent des essais de laboratoire prenant venus une préoccupation grandissante ces toutes dernières années,
en compte un certain nombre de paramètres du terrain, de la tem- notamment liée au développement des méthodes de diagnostic ba-
pérature au mode d’application en passant par le type de surface sées sur les techniques de biologie moléculaire révélant des préva-
traité – les tests de terrain dits de «phase 3 » qui n’ont pas encore lences élevées à hauteur des agents étiologiques traditionnels. Parmi
aujourd’hui fait l’objet de normalisation. Pour l’évaluation de l’ac- les mesures préventives fortes figure la mise en place des bonnes
tivité virucide des désinfectants, trois normes sont aujourd’hui pratiques de nettoyage et désinfection qui suppose un choix per-
publiées et quatre autres sont en cours d’élaboration. Une norme tinent du ou des biocides désinfectants. L’évolution réglementaire
(NF EN 13 610) cible les bactériophages rencontrés dans le do- européenne récente sur ces produits biocides apporte des garanties
maine de l’agro-alimentaire et dans l’industrie, sources de problèmes en termes de performances et de risques lors de leurs utilisations
au cours des opérations de fermentation. Une deuxième norme (NF sur le terrain. De même, la publication au sein du Comité Européen
EN 14 675) cible les virus rencontrés dans le domaine vétérinaire. de Normalisation de nombreux outils méthodologiques, reconnus
Une troisième norme (NF EN 14 476) couvre le domaine médical. par la communauté scientifique, permettent d’objectiver les niveaux
A ces normes s’ajoutent quatre projets de norme qui intègrent des d’efficacité de tous ces produits proposés aux nombreux opérateurs
supports sur lesquels sont inoculés et séchés des virus, notamment du domaine alimentaire, mais aussi de pouvoir évaluer plus finement
une norme destinée à l’évaluation des procédés de traitements des l’impact de tels ou tels paramètres propre à chaque situation. n