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LES EFFETS DES PROBIOTIQUES

Auteure : Alyssa Carré-Mlouka (Maître de Conférences, MNHN)

Les bactéries probiotiques sont largement utilisées en tant que complément alimentaire, pour leurs
nombreux effets bénéfiques pour la santé humaine, bien que tous ne soient pas démontrés de manière
formelle. Dans tous les cas, il semble que ces effets soient liés à la capacité des probiotiques à moduler la
flore intestinale et la réponse immunitaire de l’intestin (Figure 1).

Figure 1. Principaux effets des probiotiques © MNHN

Plusieurs études ont démontré que la consommation de probiotique permettait l’augmentation du nombre de
bactéries lactiques dans l’intestin, donc de « bonnes bactéries », en tout cas de bactéries indicatrices d’un
intestin sain. Par exemple, une étude sur une dizaine de sujets humains en bonne santé ayant consommé
pendant 4 semaines un lait fermenté contenant la souche probiotique Lactobacillus helveticus GCL1001 à
108 cellules/g, a démontré une augmentation des populations de Bifidobacterium. A noter que toutes les
études tendent vers la même conclusion : la consommation de probiotiques ne modifie pas structurellement
ni durablement la composition du microbiote intestinal, celui-ci étant trop bien implanté. Toutefois, chez les
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jeunes enfants dont le microbiote n’est pas encore stabilisé, l’ingestion de probiotiques peut avoir des effets
plus marqués, en particulier sur les populations de Bifidobacterium. Dans tous les cas, dès l’arrêt de la
consommation quotidienne de probiotiques, la composition de la microflore revient à son état initial.
L’effet des probiotiques sur le système immunitaire a aussi été clairement établi. Les bactéries entrent en
contact avec les cellules épithéliales intestinales qui peuvent elles-mêmes être présentatrices d’antigènes et
productrices de cytokines, et stimuler le tissu lymphoïde associé à la muqueuse intestinale (Gut Associated
Lymphoid Tissue : GALT). Le GALT constitue la plus grande masse de tissu lymphoïde du corps humain.
L’ingestion de bactéries probiotiques agit sur le système immunitaire non spécifique en provoquant une
augmentation de la phagocytose par les macrophages et une augmentation de la production de cytokines
anti- ou pro-inflammatoires, mais également sur le système immunitaire spécifique (augmentation de la
production d’IgA et diminution des IgE). Il semblerait que le maintien d’une inflammation intestinale de bas
niveau soit bénéfique pour la santé, permettant une fonction accrue du GALT dans son rôle de barrière
intestinale immunitaire. Toutefois, certaines bactéries lactiques ont aussi démontré une action anti-
inflammatoire chez des patients atteints d’un état inflammatoire systémique ou d’allergie.

Examinons les principaux effets des probiotiques sur la santé :

• Protection contre des bactéries pathogènes, grâce à l’effet « barrière »


En favorisant la croissance dans l’intestin de bactéries non nocives voire bénéfiques, sa colonisation par des
bactéries pathogènes devient plus difficile. Les bactéries lactiques utilisées comme probiotiques peuvent
donc prévenir voire aider à guérir certaines infections gastro-intestinales. Par exemple, la fameuse
« turista » ou diarrhée du voyageur, est une diarrhée très fréquente qui se déclare suite à l’ingestion
d’aliments contaminés par des bactéries pathogènes comme Escherichia coli, Shigella, ou Salmonella. Il
semble que la consommation de probiotiques puisse dans certains cas réduire l’incidence de ce type de
diarrhée, mais les résultats des différentes études sont parfois contradictoires. Autre exemple bien
documenté : certains ulcères gastriques sont liés à la multiplication dans l’estomac d’une bactérie résistante
aux conditions acides, Helicobacter pylori. Une cohorte d’enfants atteints de cette pathologie a été traitée
par des antibiotiques, supplémentés ou non par des compléments alimentaires probiotiques (Lactobacillus
casei DG) : on a pu constater une élimination de 84% d’Helicobacter pylori chez les enfants ayant
consommé les probiotiques, contre 57% chez les enfants n’en ayant pas consommé 1. De plus, les effets
secondaires de l’antibiothérapie (nausées, diarrhées) étaient moindres avec les probiotiques. Tous les
mécanismes impliqués dans l’inhibition des bactéries pathogènes par les probiotiques ne sont pas bien
compris, mais il semblerait que la production de substances antimicrobiennes par les bactéries lactiques,
ainsi qu’une stimulation de la production d’IgA, pourraient jouer un rôle.
• Diminution de l’incidence et de la durée des diarrhées
La grande majorité des diarrhées infectieuses contractées dans les pays occidentaux sont dues à des virus.
Les traitements par antibiothérapie orale pour diverses pathologies peuvent également, par déséquilibre et
réduction de la flore intestinale, provoquer des diarrhées. Des effets assez clairs ont pu être démontrés 2 sur
l’amélioration de ces symptômes par la consommation de différentes souches probiotiques, notamment
Lactobacillus rhamnosus ou Lactobacillus acidophilus. Ces effets bénéfiques sont directement liés au
rééquilibrage de la flore intestinale, mais dans le cas d’infections par des rotavirus, on a pu aussi mesurer
une concentration d’IgA sériques plus élevée.

• Diminution du risque allergique


Les allergies alimentaires sont de plus en plus fréquentes chez les enfants, en particulier l’allergie au lait de
vache. Des thérapies liées à l’ingestion de probiotiques ont amélioré significativement les symptômes liés à
ce type d’allergie, comme la dermatite atopique (eczéma). Cet effet serait dû à l’augmentation des IgA, qui
piègeraient les allergènes, les empêchant ainsi de provoquer une réaction allergique par stimulation
excessive du mécanisme inflammatoire. Il a également été observé une diminution de la réaction

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inflammatoire grâce aux cellules T régulatrices. Enfin, les bactéries lactiques entraînent la diminution de la
sécrétion des IgE responsables de l’hypersensibilité immédiate.

• Amélioration des symptômes liés à l’intolérance au lactose


Chez les mammifères, la lactase, enzyme permettant de cliver le lactose en glucose et galactose, est
produite par les entérocytes des microvillosités intestinales. Sa synthèse est maximale après la naissance
puis diminue progressivement avec le sevrage. Certaines personnes présentent un déficit en lactase, ne leur
permettant plus de digérer correctement le lactose, le principal glucide du lait. Le lactose s’accumulant ainsi
dans l’intestin, sera fermenté par les bactéries, provoquant un inconfort intestinal (ballonnements,
flatulences, nausées, diarrhée) dont les causes restent mal comprises. La consommation de probiotiques,
sous forme de yaourts ou laits fermentés ou complément alimentaire, améliore ces symptômes, en apportant
des bactéries lactiques produisant la 𝛽-galactosidase, enzyme bactérienne équivalente à la lactase. De plus,
dans les produits laitiers fermentés, le lactose est en grande partie déjà dégradé par les bactéries lactiques,
permettant un apport moindre en lactose qu’en consommant du lait. Bifidobacterium lactis et Lactobacillus
bulgaricus, notamment, ont démontré leur efficacité pour soulager les symptômes de l’intolérance au
lactose3.

• Activité anti-cancérigène
Le cancer colo-rectal est un cancer extrêmement meurtrier dans les pays occidentaux. Plusieurs études 4
suggèrent que l’ingestion de probiotiques peut réduire la probabilité de formation de tumeur chez les patients
à risque. Il semblerait que des souches de Lactobacillus et de Bifidobacterium sécrètent des composés qui
inhiberaient la prolifération des cellules tumorales ou provoqueraient leur apoptose, mais ces composés
n’ont pas encore été identifiés. Il a également été avancé que les probiotiques, par modulation des activités
métaboliques du microbiote, pourraient stimuler la production d’enzymes détoxifiantes ou permettre la
dégradation d’enzymes pro-carcinogènes. Aucun de ces effets n’a été clairement démontré en clinique.

• Prévention de l’obésité, des maladies cardio-vasculaires, et du diabète de type 2


L’obésité est un grave problème de santé publique touchant tous les pays industrialisés. L’obésité peut avoir
des conséquences graves sur la santé, notamment en favorisant l’apparition des affections cardio-
vasculaires, des cancers, ou l’induction d’un diabète de type 2. De nombreuses études5 ont été menées sur
l’effet de la consommation de probiotiques sur la prévention de l’obésité. Plusieurs souches probiotiques ont
permis une perte de poids avec une réduction du diamètre des adipocytes. Des effets positifs sur
l’homéostasie du glucose et de l’insuline ont également été observés. Il est par ailleurs démontré 6 que les
nouveau-nés nourris au sein, bénéficiant d’une inoculation intestinale par les bactéries lactiques du lait
maternel, ont une propension moindre à développer un diabète de type 2 à l’âge adulte. Enfin, le
métabolisme lipidique est également impacté par la consommation de probiotiques, avec une diminution du
cholestérol et des triglycérides sanguins, ainsi qu’une amélioration de la stéatose hépatique (accumulation
de triglycérides dans le foie). L’ensemble de ces effets est beaucoup plus marqué chez les personnes en
surpoids. Ces influences bénéfiques des probiotiques résulteraient d’une modulation des activités
métaboliques enzymatiques digestives, de la dégradation des fibres polysaccharidiques, et de l’induction
d’une inflammation intestinale de faible intensité. Chacun de ces effets constatés des probiotiques est
associé à des souches particulières, et il serait intéressant de tester les effets de mélanges de plusieurs
souches afin de déterminer s’ils peuvent se révéler synergiques.

• Maladies neurodégénératives
Plus récemment, des travaux de recherche 7 tendent à suggérer que la santé intestinale pourrait influer le
système nerveux central. La communication entre les deux systèmes passe par un réseau d’interactions
hautement intégré incluant la communication neuronale directe, la signalisation endocrine, ainsi que des
facteurs immunitaires. Il semblerait que chacun de ces signaux, eux-mêmes impliqués dans l’apparition de
maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson, puisse être influencé par les bactéries
intestinales. A l’inverse, des effets psychologiques induits par le système nerveux central peuvent moduler la

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composition de la microflore intestinale. Par ailleurs, on constate avec l’âge une diminution dans la variété
des espèces colonisant le tractus gastro-intestinal, plus prononcée chez les patients atteints de maladies
neurodégénératives. Les symptômes précoces des maladies neurodégénératives sont souvent associés à
des troubles du tractus gastro-intestinal, ce qui pourrait suggérer un rôle dans l’apparition de ces affections.
Il semblerait que ces déséquilibres aient pour conséquences une réponse inflammatoire et un stress oxydatif
accrus dans l’intestin, qui pourraient induire la production de molécules neuroactives et moduler des signaux
métaboliques ayant des effets sur le système nerveux central. La grande majorité des études concernant les
effets des probiotiques sur les maladies neurodégénératives ont été menées sur des modèles de rats ou de
souris, mais très peu d’études cliniques sont disponibles chez l’Homme. L’administration de Lactobacillus
helveticus R0052 a par exemple réduit les symptômes d’anxiété chez des patients souffrants du syndrome
de fatigue chronique8. Ainsi, l’utilisation des probiotiques comme traitement prophylactique, thérapeutique ou
symptomatique des maladies neurodégénératives présente un potentiel intéressant, mais ses effets chez les
patients restent à étudier plus en détail.

Bibliographie :
1. Sýkora, J., Valecková, K., Amlerová, J., Siala, K., Dedek, P., Watkins, S., Varvarovská, J., Frantisek
Stozický, F., Pazdiora, P. & Schwarz, J. Effects of a specially designed fermented milk product
containing probiotic Lactobacillus casei DN-114 001 and the eradication of H. pylori in children: a
prospective randomized double-blind study. J. Clin. Gastroenterol 39(8): 692-698 (2005).
2. Martinez R.C.R., Bedani, R. & Saad, S.M.I. Scientific evidence for health effects attributed to the
consumption of probiotics and prebiotics: an update for current perspectives and future
challenges. British Journal of Nutrition 114,1993–2015 (2015).
3. Oak, S.J. & Jha, R. The effects of probiotics in lactose intolerance: A systematic review. CritRev
Food SciNutr 9, 1-9 (2018).
4. Uccello, M., Malaguarnera, G., Basile, F., D’agata, V., Malaguarnera, M., Bertino, G.,Vacante, M.,
Drago, F. & Biondi, A. Potential role of probiotics on colorectal cancer prevention. BMC Surgery, 12
(Suppl 1) S35 (2012).
5. Evivie, S.E, Huo, G-.C, Igene, J.O. & Bian, X. Some current applications, limitations and future
perspectives of lactic acid bacteria as probiotics. Food & nutrition research 61, 1318034 (2017).
6. Owen, C.G., Martin R.M., Whincup, P.H., Smith, G.D. & Cook, D.G. Does breastfeeding influence
risk of type 2 diabetes in later life? A quantitative analysis of published evidence. Am. J. Clin.
Nutr 84, 1043-1054 (2006).
7. Westfall, S., Lomis, N., Kahouli, I., Dia, S.Y., Singh, S.P. & Prakash, S. Microbiome, probiotics and
neurodegenerative diseases: deciphering the gut brain axis. Cell. Mol. Life. Sci. 74: 3769-3787
(2017).
8. Rao, A.V., Bested, A. C., Beaulne, T. M., Katzman, M. A., Iorio, C., Berardi, J.M. & Logan, A.C. A
randomized, double-blind, placebo-controlled pilot study of a probiotic in emotional symptoms of
chronic fatigue syndrome. Gut Pathogens 1: 6 (2009).

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