Kinesither Rev 2020;20(224-225):24–30

Dossier
La méthode Mézières : des particularités à la globalité

Méthode Mézières :
principes fondamentaux et principales
indications
Mézières Method: Fundamental principles and main
indications
Sandrine Gain-Duval 11, rue des Glaïeuls, 77300 Fontainebleau, France

Reçu le 14 avril 2020 ; accepté le 25 mai 2020

MOTS CLÉS
RÉSUMÉ Chaîne musculaire
En 1947, Françoise Mézières fait une observation qui bouleverse tous les principes régissant Diaphragme
la pratique des gymnastiques et des thérapeutiques corporelles de l’époque. Cette observa- Indication
tion qu’elle nomme « Observation Princeps » lui permet de comprendre que toute partie du Kinésithérapie
corps est interdépendante du reste du corps par l’organisation de son vêtement musculaire Lordose
en chaînes, et que les muscles du dos se comportent comme « un seul et même muscle ». Réflexe antalgique a priori
Sa méthode a considérablement modifié la manière de voir, de sentir, d’analyser et d’ap- Unité corporelle
préhender un patient dans son entièreté, plutôt qu’un symptôme ou une maladie. Le concept
de « globalité du corps » est né. Cette méthode consiste à évaluer et traiter les troubles
musculo-squelettiques dans une approche globale de l’homme, et s’appuie sur des grands KEYWORDS
Muscular chain
principes fondamentaux, dictés par Françoise Mézières et qui soutiennent sa méthode. Le mal
Diaphragm
du dos, « Mal du siècle », est une indication majeure de consultation pour les thérapeutes pra-
Indication
tiquant la Méthode Mézières. Les praticiens traitent de multiples pathologies neuro-musculo-
Physical-therapy
squelettiques d’origine traumatologique et rhumatologique ainsi que des syndromes plus Lordosis
complexes tels que les fibromyalgies. Au-delà de son action curative, cette méthode permet Antalgic reflex a priori
de retrouver un équilibre neuro-végétatif, une réharmonisation du schéma corporel, et favorise Body’s unity
une prise de conscience des somatisations.
© 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

S. Gain-Duval
Cabinet médical privé,
SUMMARY 11, rue des Glaïeuls,
In 1947, Françoise Mézières made an observation that overturned all the principles governing 77300 Fontainebleau,
the practice of gymnastics and body therapy at the time. This observation, which she calls France
Adresse e-mail :
"Observation Princeps", allowed her to understand that every part of the body is interdependent sandrine.gain.duval@gmail.com
with the rest of the body through the organization of its muscular clothing in chains, and that
the muscles of the back behave as "one and the same muscle". Mézières’s method has signifi-
cantly changed the way to see, feel, analyze and apprehend a patient as a whole, rather than
considerer a symptom or a disease. The concept of the "whole body" was born. This method DOI des articles originaux :
consists of evaluating and treating musculoskeletal disorders in a global approach to man, and http://dx.doi.org/10.1016/j.
is based on major fundamental principles, dictated by Françoise Mézières and which support kine.2020.06.005
her method. Backpain, "Pain of the century", is a major sign for consultation for therapists prac- http://dx.doi.org/10.1016/j.
ticing the Mézières method. Practitioners treat multiple neuro-musculo-skeletal pathologies of kine.2020.06.001
http://dx.doi.org/10.1016/j.
traumatological and rheumatological origin as well as more complex syndromes such as fibro- kine.2020.06.004
myalgia. Beyond its curative action, this method allows to recover a neurovegetative balance, a http://dx.doi.org/10.1016/j.
reharmonization of the body schema, and promotes an awareness of somatization. kine.2020.05.021
© 2020 Elsevier Masson SAS. All rights reserved http://dx.doi.org/10.1016/j.
kine.2020.06.006
http://dx.doi.org/10.1016/j.
kine.2020.06.003

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2020.06.002
24 © 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Méthode Mézières : principes fondamentaux et principales indications
Dossier
La méthode Mézières : des particularités à la globalité

épaules de la patiente, elle voit la lordose lombaire se révéler.

Note de la rédaction
Cet article fait partie d’un ensemble indissociable publié
dans ce numéro sous forme d’un dossier nommé « La
méthode Mézières : des particularités à la globalité »
coordonné par Michel Gedda, et composé des articles
suivants :
• Gedda M. La méthode Mézières : des particularités
à la globalité. Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
• Paquette AM. Françoise Mézières : un peu d’histoire.
Kinesither Rev 2020; 20 (224–5).
• Gain-Duval S. Méthode Mézières : Principes fonda-
mentaux et principales indications. Kinesither Rev
2020; 20 (224–5).
• Gain-Duval S, Paquette AM. Méthode Mézières :
Moyens thérapeutiques. Kinesither Rev 2020; 20
(224–5).
• Savage M. Effet à distance d’un traitement par la
Méthode Mézières sur l’ouverture buccale chez une
patiente lombalgique chronique. Kinesither Rev
2020; 20 (224–5).
• Fabre C. Intérêt de la Méthode Mézières chez les
patients migraineux : étude préliminaire. Kinesither
Rev 2020; 20 (224–5).
• Roussange A. Effet d’un traitement kinésithérapique
par la méthode Mézières sur la posture et la lombalgie
mécanique non spécifique du jeune golfeur de haut
niveau, et étude du plan sagittal. Kinesither Rev 2020;
20 (224–5).
Afin d’éviter de mettre en souffrance les lombaires, elle replie
les genoux vers la poitrine, la tête bascule alors en extension
sans possibilité de la ramener dans son axe (Fig. 1).
Cette observation vient contredire l’idée que la déformation
vertébrale est due à une faiblesse des muscles rachidiens,
ceux-ci se comportant comme un seul et même muscle dont
le raccourcissement circule de part et d’autre du rachis.
Son intuition géniale est alors de traiter cette patiente de
façon paradoxale, d’étirer ses muscles plutôt que de les ren-
forcer et de considérer les lordoses lombaires et cervicales
comme responsables de l’hypercyphose dorsale. L’amélio-
ration se fait très vite sentir. Elle multiplie alors ses tests et
succès thérapeutiques, et en déduit six lois fondamentales,
décrites comme suit à l’époque :
● Les nombreux muscles postérieurs du corps se compor-
tent comme un seul et même muscle ;
● Les muscles du plan postérieur sont trop forts et trop
courts. N’étant jamais totalement étirés par les mouve-
ments libres, leur enraidissement dans le temps est inéluc-
table. Ces muscles, qui se raccourcissent, participent à
l’altération de notre morphologie normale ;
● Toute contraction musculaire localisée aussi bien en concen-
trique qu’en excentrique provoque instantanément le raccour-
cissement de l’ensemble de cette musculature ;
● Toute opposition ou compensation à ce raccourcissement
provoque instantanément des latéroflexions et des rota-
tions du rachis et des membres ;
● La rotation des membres due à l’hypertonie des chaînes
s’effectue toujours en dedans ;
● Toute élongation, détorsion, douleur ou effort impliquent
une apnée inspiratoire du diaphragme.

INTRODUCTION

La Méthode Mézières est une spécialisation de kinésithérapie

permettant d’identifier, d’évaluer et de traiter les troubles musculo-
squelettiques de façon globale tout en respectant les particularités
individuelles de chaque patient.

Élaborée par Françoise Mézières, la Méthode Mézières

se distingue par une approche originale prenant en
compte le corps dans sa globalité, et traitant la cause
primaire des tensions à distance des symptômes.

En effet, Françoise Mézières fait le constat de l’unité du

système myo-fascial dont l’excès de tension entraîne une
hypo-extensibilité et génère des troubles posturaux, des
déformations tridimensionnelles du rachis et des membres,
qu’elle appelle les dysmorphismes, lesquels constituent des
facteurs de risques pour développer des pathologies de l’ap-
pareil locomoteur.
Au printemps 1947, Françoise Mézières fait cette décou-
verte capitale qu’elle nomme « Observation Princeps » et qui
bouleverse les concepts thérapeutiques de l’époque. C’est
lors de la prise en charge d’une patiente atteinte d’une hyper-
cyphose sévère qu’un corset porté pendant deux ans n’a pas
améliorée, qu’elle décide de travailler au sol pour allonger le
rachis. Essayant de réduire la cyphose en appuyant sur les Figure 1. Observation Princeps.

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Dossier
La méthode Mézières : des particularités à la globalité
De ces six lois, découlent les grands principes fondamentaux
qui constituent l’essence et les bases de sa Méthode [1].
GRANDS PRINCIPES FONDAMENTAUX
DE LA MÉTHODE MÉZIÈRES
Concept des chaînes musculaires et de l’unité
corporelle
Selon Françoise Mézières, nous accumulons tout au long de
notre vie une tension pathogène dans les muscles qui repré-
sente une force « tassante » pour le corps. Elle établit le
postulat que cette tension est à l’origine de la constitution des
chaînes, et considère au début de sa découverte que seule
la chaîne musculaire postérieure existe en tant que chaîne
musculaire organisée et qu’elle est responsable de tous les
maux, de toutes les déformations du corps. Ces déformations
se font dans le plan antéro-postérieur, mais aussi dans le
plan transversal : « La chaîne musculaire postérieure forme
un ensemble unique et cohérent sur l’ensemble postérieur du
corps. Il s’agit de muscles situés à la face postérieure de la
jambe, de la cuisse, et du tronc, situés en arrière de l’axe de
flexion-extension du rachis » (Fig. 2).
Elle considère que ces muscles ne sont jamais totalement
étirés et ont une fâcheuse tendance au raccourcissement
Figure 2. Chaîne musculaire postérieure.
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S. Gain-Duval
et à l’hypertonie : « La musculature postérieure forme une
chaîne qui n’est jamais trop faible, mais au contraire, est
forte, rigide et contractée ».
Cette chaîne musculaire, formée de muscles poly-articulaires
dont la fonction principale est le maintien de la verticalité,
tapisse la face postérieure du corps depuis les orteils jusqu’à
l’occiput. Son excès de tonicité par « un travail en corde
d’arc » (rapprochement des points d’insertions musculaires)
peut modifier l’équilibre des trois masses (céphalique, thora-
cique et pelvienne), en aggravant les lordoses de la colonne
vertébrale.
Par ailleurs, même si elle les travaillait de façon intuitive au
début, Françoise Mézières décrit également d’autres chaînes
musculaires : la chaîne antéro-interne constituée du couple
diaphragme-psoas, la chaîne antérieure du cou et les chaînes
brachiales (Figs. 3 et 4).
Françoise Mézières définit une chaîne musculaire comme
« un ensemble de muscles polyarticulaires et de même
direction, qui sont imbriqués et se succèdent en s’enjambant
comme les tuiles d’un toit ».
Tous les éléments d’une chaîne musculaire
sont solidaires et se comportent comme « un seul
et même muscle ». Aussi, toute action d’étirement
ou de contraction, située sur une partie de la chaîne
a un impact sur l’ensemble du système,
d’où le concept d’unité corporelle.
Figure 3. Chaîne brachiale.
Méthode Mézières : principes fondamentaux et principales indications
La méthode Mézières : des particularités à la globalité
Figure 4. Chaîne antérieure du cou.
Il n’y a donc pas de bonne « morphologie » sans un bon équi-
libre des tensions musculaires, cet équilibre permettant une
cohésion parfaite entre stabilité et mobilité. Tout déséquilibre
dans une partie du système myo-fascial implique une réor-
ganisation d’un nouvel équilibre, souvent au prix d’une défor-
mation des segments. C’est-à-dire que les forces musculaires,
l’état de tension et la perte d’élasticité représentent un facteur
de risque qui déséquilibre la posture, la modifie et occasionne
des douleurs. Pour Françoise Mézières, la douleur doit être
comprise comme « un signal d’alarme d’une déformation qui
aurait atteint son seuil d’acceptabilité ».
Notion de réflexe antalgique a priori
Françoise Mézières introduit également la notion de réflexe antal-
gique a priori (RAP) qui est « un automatisme de défense (phéno-
mène d’adaptabilité) inconscient contre une douleur occulte, que
le comportement normal ferait surgir dans une région précise,
éloignée de celle reconnue comme altérée, et sans rapport avec
cette dernière ». En effet, un traumatisme physique ou même
psychologique peut perturber l’équilibre corporel et modifier son
organisation. Afin de fuir une sensation douloureuse et trouver un
certain confort, les différentes parties du corps sont capables de
se désaxer et de s’organiser dans un nouvel équilibre, vicié. Des
articulations peuvent être surmenées, des chaînes musculaires
réactives de défense et de compensations peuvent s’installer
jusqu’au jour où le corps ne parvient plus à compenser. Le patient
consulte alors pour des douleurs qui ne sont que les effets d’une
cause lointaine et compensée dans le temps et l’espace.
Françoise Mézières disait que « le mal n’est jamais là où il se
manifeste ». Il convient de nuancer cette idée en disant que
le mal n’est pas toujours là où il se manifeste.
Dossier
Tout l’art du praticien de la Méthode Mézières est de remon-
ter les chaînes tensionnelles de compensations qui se sont
organisées dans le corps, afin de débusquer les causes
primaires des perturbations et ainsi équilibrer le corps [2].
La lordose
On désigne comme lordose, la courbure des régions cervicale
et lombaire, concave en arrière. C’est le passage à la posi-
tion bipède qui est à l’origine de la lordose. Elles sont plus ou
moins prononcées selon les typologies, et sont nécessaires
pour maintenir les masses céphalique, thoracique et pel-
vienne en équilibre. La plupart des mouvements des membres
de moyenne et grande amplitudes engendrent l’accentuation
des lordoses physiologiques qui sont donc adaptatives pour
donner un crédit de longueur aux extrémités.
Françoise Mézières disait : « Nous ne sommes que des
lordoses ». À celles cervicale et lombaire, elle ajoutait aussi
la lordose « poplitée » (flessum de genou) ou encore la lor-
dose « diaphragmatique » (lordose dorso-lombaire haute).
Pour elle, la lordose est mobile « comme un anneau sur une
tringle à rideau » car par phénomène de compensation on
réduit une lordose d’un côté pour l’augmenter de l’autre.
Elle disait aussi que « tout est compensation lordotique, une
lordose se compensant toujours par une autre lordose ».
Françoise Mézières voit alors dans la lordose un ennemi
puissant, responsable de toutes les déformations du corps.
Pour elle, la lordose est toujours primaire, la cyphose et la
scoliose sont des processus de compensations secondaires
à la tension musculaire postérieure et donc à la lordose. Si
l’on sait que les lordoses physiologiques sont nécessaires à
l’équilibre corporel, il est fréquent de constater que l’excès de
tonus de la chaîne musculaire postérieure, par exemple, peut
engendrer un déplacement des masses corporelles augmen-
tant les courbures rachidiennes (hyper lordose, ou hyper
cyphose, ou scoliose). Toute rétraction partielle de cette
chaîne implique une rétraction de l’ensemble du système,
puisque l’allongement d’une courbure lordotique se traduit
par le raccourcissement de l’autre courbure [3].
Les Méziéristes ont longtemps été considérés comme des
« effaceurs » de lordose du fait de l’utilisation de la posture
classique en décubitus dorsal, membres inferieurs levés et
nuque allongée, menton rentré. Il s’agit de s’adapter à l’évolution
des typologies et pratiquer les postures Mézières dans le respect
d’un bilan préalable bien conduit, et du choix d’un traitement qui
vise à équilibrer les courbures rachidiennes dans le respect des
courbures physiologiques. Il faut veiller à réduire les courbures
exagérées, et redonner de la lordose là où les courbures sont
effacées, par exemple dans le cas des rectitudes cervicales.
Il est nécessaire de donner de la mobilité à la colonne
vertébrale et de redonner de la souplesse dans les
courbures, une colonne souple et mobile est plus
fonctionnelle qu’une colonne raide.
Le diaphragme : muscle primordial de la Méthode
Mézières
La respiration tient une place prépondérante dans la Méthode
Mézières. Le diaphragme, muscle si cher à Françoise Mézières,
27

Dossier
La méthode Mézières : des particularités à la globalité
est le muscle principal de la respiration, unique et asymétrique,
solidement attaché à la face antérieure de la colonne lombaire.
Le diaphragme est une cloison musculo-aponévrotique, large,
fine et aplatie, qui sépare la cage thoracique de la cavité abdomi-
nale, tout en laissant un passage à l’œsophage, aux nerfs, aux
vaisseaux dont l’aorte et la veine cave inférieure, ainsi qu’aux
vaisseaux lymphatiques. Sa position stratégique au centre du
corps et le lien étroit qu’il lie avec les viscères lui donnent un rôle
non négligeable dans les activités de digestion, d’élimination,
de retour veineux, et lors des manifestations émotionnelles [4].
C’est ainsi que Françoise Mézières le considérait comme le
centre d’une toile d’araignée sur lequel convergent les diffé-
rentes chaînes musculaires, et comme une sorte de « boîte
noire » du corps, siège de toutes nos émotions accumulées
au cours de la vie : stress, joie, peur, etc.
Le diaphragme n’est pas seulement LE muscle
de la respiration, c’est aussi un muscle primordial
de la statique vertébrale, garant de la lordose
physiologique lombaire.
En effet, ses insertions sur les faces antérieures des corps
vertébraux et disques lombaires, et ses multiples attaches
musculo-aponévrotiques influent sur la statique et la dyna-
mique du corps et par conséquent sur la morphologie rachi-
dienne en proposant par sa contraction, une action lordosante
sur la colonne lombaire [4].
C’est l’action combinée du diaphragme avec le psoas sur
la colonne lombaire qui assure ce maintien de la courbure
physiologique lombaire (Fig. 5). Ces deux muscles consti-
tuent une chaîne musculaire antéro-interne, complice de la
Figure 5. Chaîne antéro-interne, couple diaphragme-psoas.
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S. Gain-Duval
chaîne musculaire postérieure qui relie la cage thoracique et
le rachis lombaire aux membres inférieurs. Lorsque la tension
du diaphragme est trop importante, ou que celui-ci est soumis
à un stress trop fort, sa tendance sera de se spasmer et
d’induire, par sa contraction excessive, cette « empreinte »
de lordose thoraco-lombaire courte et haute que Françoise
Mézières appelait « lordose diaphragmatique » [4].
Elle avançait également la notion de « blocage respiratoire »
du diaphragme en position inspiratoire et disait que « le dia-
phragme est la dernière compensation qui apparaitra quand
toutes les autres auront été supprimées ».
L’évolution de notre pratique permet de mettre en évidence dif-
férentes typologies thoraciques selon les forces musculaires
excessives en présence. Tantôt des thorax évoluant sur
le mode inspiratoire, thorax large aux diamètres antéro-
postérieur et transversal élargis par prédominance de tension
de la chaine musculaire postérieure, tantôt des thorax évoluant
sur le mode expiratoire aux diamètres transversaux et antéro-
postérieur diminués par excès de tension de forces antérieures,
ou encore des thorax à typologies respiratoires mixtes [5].
« La respiration ne se rééduque pas… elle se libère », disait
Françoise Mézières. Tout l’art du Méziériste est de relancer la
rythmicité diaphragmatique tout en la libérant des tensions péri-
phériques qui l’entravent, retrouver une bonne mobilité de la
cage thoracique et une ligne thoraco-abdominale harmonieuse
[6] (Fig. 6).
L’attitude de la tête : une attitude capitale
« Tout peut venir du haut » disait Françoise Mézières. En effet,
la position de la tête a une influence sur la statique du corps et
elle y accordait une grande importance, consciente de la rela-
tion entre souplesse des muscles du cou, équilibre du regard
et influence de la position de la tête sur le reste du corps, en
particulier sur le thorax et la région scapulaire. Elle considé-
rait que les troubles posturaux sont très souvent liés à des
problématiques dont le point de départ est l’attitude de la tête,
venant perturber l’équilibre du corps jusqu’aux pieds, par voie
de chaînes musculaires descendantes. Aussi, le praticien de
Figure 6. Françoise Mézières, travail de la respiration.
Méthode Mézières : principes fondamentaux et principales indications
La méthode Mézières : des particularités à la globalité
la Méthode Mézières accorde un soin particulier à la libération
des forces musculaires excessives au cou et à la tête, et au
bon positionnement de la masse céphalique afin de rééquili-
brer la posture [7].
PRINCIPALES INDICATIONS
L’indication majeure de rééducation par la Méthode
Mézières est le « mal de dos ».
Un total de 8 français sur 10 souffrent ou souffriront du mal de
dos durant leur vie, que ce soient des lombalgies, lumbagos,
sciatiques ou hernies discales. Les lombalgies représentent
un enjeu de santé publique car c’est un symptôme répandu :
4 personnes sur 5 souffriront de lombalgie commune
au cours de leur vie, et plus de la moitié de la population
française a eu au moins un épisode de mal de dos dans les
douze derniers mois. Ce symptôme est donc un motif de
consultation fréquent, au 2e rang des motifs de consultation
pour la lombalgie aigüe et au 8e rang pour la lombalgie chro-
nique1, et de ce fait un motif important de consultation pour la
Méthode Mézières.
Les principales indications sont :
● Les affections rhumatologiques telles que les algies rachi-
diennes aigues ou chroniques (lombalgies, cervicalgies,
dorsalgies, discopathies, les douleurs articulaires des
membres (coxarthrose, gonarthrose, maladies inflamma-
toires, les pathologies capsulo-ligamentaires, dysfonction
temporo-mandibulaire ;
● Les affections traumatologiques telles que les séquelles de
traumatismes osseux (fractures, entorses), les lésions musculo-
squelettiques (tendinites, contractures, claquages), épaule dou-
loureuse, chondromalacie rotulienne ;
● Les déviations et déformations orthopédiques (scolioses,
cyphoses, hyperlordoses, genu-valgum, genu-varum, hal-
lux valgus, pieds plats, pieds creux) ;
● Les pathologies neuromusculaires (névralgie cervico-
brachiale, syndrome des scalènes, sciatique, cruralgie) ;
● Les syndromes plus complexes (syndrome de stress,
fatigue chronique, fibromyalgie).
Le travail du corps dans sa globalité permet également
d’intervenir pour tout ce qui concerne les troubles respira-
toires, digestifs, circulatoires, neuro-végétatifs, etc.
Au-delà de son action curative pour de nombreuses patholo-
gies, cette méthode a une vertu préventive et éducative en
permettant au patient d’acquérir des outils de compréhen-
sion de lui-même et d’auto-apprentissage pour entretenir
ses articulations, sa souplesse musculaire, sa respiration, ce
qui contribue à l’amélioration de sa santé globale et de son
mieux-être.
En dehors des états infectieux et inflammatoires aigus, la
seule limite de traitement de cette rééducation posturale
réside dans le manque d’investissement ou de coopération
du patient pour ce travail qui requiert temps et patience.
1
Source : https://www.ameli.fr.
Dossier
CONCLUSION ET ÉVOLUTION
Observer, sentir, pour comprendre et harmoniser. Tel est l’hé-
ritage que nous a laissé cette grande dame de la kinésithé-
rapie !
C’est en effet grâce à l’observation que Françoise Mézières
est parvenue à comprendre que le corps est « tassé » par
sa propre force musculaire, sa fâcheuse tendance à l’hyper-
tonie, son état de tension, de contraction, de perte d’élasti-
cité acquise avec le temps, et non par la force de pesanteur.
Par ses tests, elle met en évidence le raccourcissement des
grands ensembles musculaires qui s’organisent en chaînes
et, de ce fait, remet en question toutes les techniques de ren-
forcement musculaire de l’époque.
Ainsi le corps est un tout, un tout indissociable qui
n’est pas envisageable de soigner de façon analytique
mais de manière globale, considérant l’homme dans
son entièreté avec son attitude corporelle qui lui est
propre, et son histoire.
C’est aussi par l’observation que Françoise Mézières
comprend que l’homme s’organise autour de schémas de
compensations, des comportements échappatoires à la dou-
leur engendrant inévitablement des dysmorphismes avec le
temps. Elle comprend enfin que le diaphragme constitue le
dernier maillon de toutes les chaînes musculaires du corps,
et se sert de la respiration pour faciliter l’étirement muscu-
laire et obtenir une correction posturale dans un alignement
complet de l’axe vertébral et des membres, ainsi qu’une res-
tauration de l’élasticité globale des tissus corporels.
L’apport de son expérience, de sa compréhension de
l’homme, est la base de l’édifice de toutes les thérapeutiques
corporelles globales d’aujourd’hui et un outil thérapeutique
extraordinaire pour tous les praticiens soucieux de pour-
suivre son œuvre.
L’évolution de la compréhension de la méthode et de son
enseignement ont permis à ses successeurs de décrire
l’ensemble des chaînes musculaires du corps, d’admettre
la notion de compétition entre les chaînes musculaires, de
décrire les chaînes croisées et spiroïdes [4], de comprendre
l’intime relation entre la fonction et la forme, de rédiger une
définition plus actuelle et académique de la Méthode [8].
Depuis 70 ans, nous pouvons lire de nombreux articles et
témoignages de patients, adeptes de la Méthode Mézières,
qui ont retrouvé grâce à cette prise en charge originale, sou-
plesse, agilité, équilibre, indolence ou tout simplement la
santé et le mieux-être.
Malheureusement, aucune étude scientifique n’a pu, à ce
jour, apporter la preuve scientifique des bienfaits ou de l’in-
térêt de la Méthode Mézières dans la prise en charge des
pathologies de l’appareil locomoteur. Ce sera tout l’enjeu des
années à venir si nous voulons pérenniser et faire évoluer cet
outil thérapeutique d’exception.
Déclaration de liens d'intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
29

Dossier
La méthode Mézières : des particularités à la globalité
RÉFÉRENCES
[1] Mézières F. Originalité de la méthode Mézières. Maloine; 1984.
[2] Mézières F. « Le reflexe antalgique a priori », Bulletin AMIK, no 3, 1976.
[3] Mézières F. Révolution en gymnastique orthopédique. Éditions
Legrand; 1949.
[4] Sider F. La Méthode Mézières protocole, examen, traitement,
Tome 1. Éditions Format; 2013.
[5] Patté J. Le Grand livre de la Méthode Mézières. Éditions Eyrolles; 2018.
[6] Mézières F. Les cahiers de la Méthode naturelle, 1er trimestre; 1973.
[7] Mézières F. « Importance de la statique cervicale », Cahiers de la
méthode naturelle, no 51, 1972.
[8] Ramirez-Moreno J, Revilla-Gutiérrez JR. Nouvelle définition académique
de la Méthode Mézières. Kinesither Scient 2018;0598:35–45.
POUR EN SAVOIR PLUS
Keleman S. Anatomie émotionnelle, Éditions Guilbot, 1997.
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S. Gain-Duval
Points à retenir
• La Méthode Mézières est une méthode de rééduca-
tion globale et individuelle conçue et élaborée par
Françoise Mézières dès 1947.
• Le concept de globalité du corps est né de « l'ob-
servation princeps ».
• Toute partie du corps est interdépendante du reste
du corps par l'organisation des muscles en chaînes.
• Tous les éléments d'une chaîne musculaire se
comportent comme « un seul et même muscle ».
• Le mal n'est pas toujours là où il se manifeste. L'art
du praticien est de remonter les chaînes tension-
nelles de compensation pour débusquer les causes
primaires.
• Le diaphragme est un muscle primordial de la sta-
tique vertébrale.