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2015/3 N° 44 | pages 342 à 353
ISSN 1636-3671
ISBN 9782847953350
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Jihadisme et jihad
au Moyen-Orient
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Raffaele Mauriello1
« Que le texte [de l’accord sur le nucléaire] soit ratifié ou pas, la République
islamique d’Iran ne renoncera pas à soutenir ses amis dans la région, les peuples
opprimés de Palestine, du Yémen, les peuples et gouvernements syriens et irakiens,
le peuple opprimé du Bahreïn et les combattants sincères de la résistance au Liban
et en Palestine »
Les 10-11 juin 2014, le groupe jihadiste sunnite jusque-là nommé État islamique
en Irak et au Levant (EIIL) prenait la deuxième ville d’Irak, Mossoul et se rebaptisait
État islamique (EI) le 29. Cette conquête faisait redouter l’arrivée des jihadistes à
Bagdad et la fin de l’État nouveau et précaire né de l’invasion américaine. Le fragile
équilibre entre chiites et sunnites, d’une part, arabes et kurdes de l’autre semblait
définitivement condamné et l’offensive de l’EIIL irrésistible. Mais le 31 août arriva
la nouvelle que les forces irakiennes étaient enfin parvenues à freiner l’avancée des
jihadistes3. À l’époque cela apparut comme un événement miraculeux sur le théâtre
d’opération d’Amerli, une ville peuplée de turkmènes chiites. Ce n’est pas à leur
statut de minorité ethnique que ces derniers durent leur salut – les Turkmènes sont
quelque trois millions (13% de la population du pays) dont 60 % sunnites et 40 %
chiites4 – ni à la peur que ne disparaissent les minorités irakiennes ethnico-reli-
gieuses – mais à la seconde composante de leur identité : le chiisme. La rupture du
siège fut rendue possible par une rare combinaison de forces. Les principaux arti-
sans de la victoire ne furent pas l’armée régulière mais les milices chiites irakiennes,
1 Postdoctoral Research Fellow in World Studies, Université de Téhéran
2 Prière du vendredi 17 consécutive à la signature le 14 juillet 2015 de l’accord sur le nucléaire à Vienne. La vidéo
de la ḫuṭbah est disponible en farsi sur le site personnel de l’ayatollah Khâmene‘i, <www.leader.ir/langs/fa/media.
php?p=contentAttach&id=13440>.
3 Cf. Ahmed Rasheed, Isabel Cloes, « Jubilant Iraqi Forces Break Two-Month Siege of Amerli : Officials », Reuters, 31
août 2014, <www.reuters.com/article/2014/09/01/us-iraq-security-idUSKBN0BW20140901>.
4 « Iraqi Turkmen : Overview », UNPO, 11 mars 2015, <unpo.org/members/7878>.
L’État islamique et la République islamique d’Iran Jihadisme et jihad 343
au Moyen-Orient
emmenées directement sur le terrain par le chef iranien de la Force al-Qods (unités
spéciales), le légendaire Qassem Souleymani5.
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nouvelle – ou peut-être devrais-je dire qu’ils lui « firent de la publicité », du degré
de coopération militaire atteint par les États-Unis et l’Iran dans la guerre contre
l’« État islamique » : les Américains avaient commencé à partager la base militaire de
Taqqadum dans la province d’al-Anbar avec les miliciens chiites irakiens (et à ce que
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l’on peut présumer leurs conseillers militaires iraniens)6. Quelques semaines plus
tard, le 14 juillet, l’Iran et le groupe 5+1 (ou 3+3) parvenait à un accord sur la crise
nucléaire, ouvrant la voie à un changement d’ordre géopolitique d’une portée his-
torique que certains n’hésitaient pas déjà à qualifier de « Pax Iranica »7. Un scénario
tout à fait dans la ligne d’une tendance qui monte dans les chancelleries occiden-
tales et que formule sans ambages Christopher Meyer, ex-ambassadeur britannique
à Washington (1997-2003) après avoir servi à Berlin et Fellow au Royal United
Services Institute : l’Iran nouvel allié de l’Occident dans le chaos moyen-oriental8.
Comme c’est le cas pour n’importe quel État moderne, les critères et principes
au fondement des relations internationales de la République islamique d’Iran sont
ancrés dans sa Constitution.
5 Cf. Armin Rosen, « Iran’s Military Mastermind Was Reportedly Present During Iraq’s Biggest Victory So Far Against
ISIS », Business Insider, 3 septembre 2014, <www.businessinsider.com/suleimani-was-present-during-battle-for-amerli-
2014-9?IR=T>.
6 Cf. Josh Rogin, Eli Lake, « Iran Forces and U.S. Share a Base in Iraq », BlombergView, 22 juin 2015, <www.bloom-
bergview.com/articles/2015-06-22/irans-forces-and-u-s-share-a-base-in-iraq>.
7 Cf. H. A. Hellyer, « Will an Iran nuclear deal usher in a ‘Pax Iranica’ across the region ? », Brookings, 13 juillet 2015,
<www.brookings.edu/blogs/markaz/posts/2015/07/13-iran-nuclear-deal-regional-interests-hellyer>.
8 Cf. Christopher Meyer, « Chaos in the Middle East Means It’s Time for an Alliance with Iran », The Telegraph, 10
juillet 2015, <www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middeleast/11729847/Chaos -in-the-Middle-East-means-its-time-for-
an-alliance-with-Iran.html>.
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16- « formulation de la politique étrangère du pays sur la base des critères de l’Is-
lam, de l’engagement fraternel envers tous les musulmans et du soutien sans réserve
de tous les peuples opprimés ( mustad‘afan )du monde ».
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Si pour une république qui se proclame islamique le principe de « critères isla-
miques » et la défense des intérêts des musulmans sont attendus, la deuxième caté-
gorie des bénéficiaires de l’engagement de la République, les mostad‘afin (opprimés),
l’est peut-être moins.
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« La politique étrangère de la République islamique d’Iran est fondée sur le refus
de toute forme de domination exercée ou acceptée, sur la protection de l’indépen-
dance à tous les points de vue et de l’intégrité territoriale du pays, sur la défense des
droits de tous les musulmans et sur le non-alignement face aux puissances hégémo-
niques et sur les relations pacifiques réciproques avec les États non belliqueux » ;
et à l’article 154 :
« La République islamique d’Iran a pour idéal le bonheur de l’homme dans toute
la communauté humaine, et reconnaît que l’indépendance, la liberté et le règne du
droit et de la justice sont des droits pour tous les peuples du monde. C’est pour-
quoi, tout en s’abstenant absolument de toute ingérence dans les affaires intérieures
d’autres nations, elle soutient le combat pour le droit des opprimés (mostad‘afin)
contre leurs oppresseurs partout sur la planète ».
Si l’on compare avec le contre-exemple de l’État islamique tel qu’il est exposé dans
sa revue officielle Dabiq9, il apparaît que sont totalement absentes dans la Constitu-
tion de la République islamique les idées de jihad en tant que « guerre sainte » et de
jihad en général. Ce n’est pas un hasard.
9 Cf. Elliot Friedland, Special Report : The Islamic State, The Clarin Project, 10 mai 2015, <www.clarionproject.org/sites/
default/files/islamic-state-isis-isil-factsheet-1.pdf> ; Jennifer Keltz, « Islamic State’s Dabiq 10 Emphasizes Global Jihad over
Islamist Nationalism », Center for Security Policy, 15 juillet 2015, <www.centerforsecuritypolicy.org/2015/07/15/islamic-
states-dabiq-10-emphasizes-global-jiahd-over-islamist-nationalism/>.
10 Cf. pour une perspective historique Rudolph Peters, Jihad in Classical and Modern Islam : A Reader, 2éd. Princeton,
2005.
L’État islamique et la République islamique d’Iran Jihadisme et jihad 345
au Moyen-Orient
(occultation) et le jihad/guerre ne peut donc être déclaré sauf dans des situations ex-
ceptionnelles susceptibles de légitimer l’action du juriste islamique (‘ālim, mujtāhid)
qui s’en arroge alors la responsabilité. Ce fut le cas de l’imam Khomeyni face à
l’attaque de l’Irak en 1980 ou de l’ayatollah Sistani confronté à l’offensive de l’État
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islamique en Irak et donc d’une menace sur l’existence même de l’État irakien en
2014. En outre dans le chiisme imamite le jihad est véritablement bellum iustum et
pium, c’est-à-dire avant tout l’exercice d’un droit qui a pour objectif la défense, une
guerre où l’idée de justice renvoie par contre à une dimension laïque et sacrée, mais
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pas sainte11. On peut donc soutenir aisément sur le plan théorique, et l’histoire en
témoigne amplement, que dans l’islam chiite imamite duodécimain non seulement
le jihad entendu en tant que « guerre sainte » proactive ou expansionniste (dans le
cas d’États comme l’EI), mais même le jihadisme entendu comme « guerre sainte »
proactive ou expansionniste au niveau international (dans le cas des groupes non-
étatiques) sont impossibles.
burn, les victoires continues du premier contre l’armée syrienne et les lourdes pertes
essuyées par celle-ci montrent à quel point cette théorie est infondée15.
Pour ce qui est des analystes, certains posent qu’el-Assad a joué un rôle fonda-
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mental dans la transformation de la guerre civile syrienne en véritable jihad. Comme
l’a mis en lumière Hugh Roberts, il y a sans doute des éléments de vérité dans cette
interprétation des faits. 1) Le régime a instinctivement (et de façon compréhensible)
tendu à rassembler derrière lui la communauté alaouite ; 2) Il a reçu le soutien, en-
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core que seulement en un second temps et comme l’a reconnu Hassan Nasrallah lui-
même « tardivement »16 du Hezbollah chiite libanais ; 3) Il a en un premier temps
focalisé la confrontation, puis l’action guerrière sur les groupes non jihadistes, favo-
risant du même coup (involontairement) l’organisation et l’expansion des groupes
jihadistes/takfiristes (jetant l’anathème sur les mécréants)17. Si tout cela reste vrai,
les responsables majeurs de l’avancée des groupes jihadistes n’en ont pas moins été
les acteurs externes au conflit qui ont soutenu ces groupes en termes de ressources
financières et d’armements. Ce qui est le cas de l’Arabie saoudite, du Qatar et du
Koweït ; des pays que l’Iran considère, avec d’importantes nuances pour ce dernier,
comme des monarchies sectaires gouvernées par des régimes sunnites corrompus et
par ailleurs imposés à des minorités chiites largement désavantagées.
Ce qui était aussi en grande partie le cas de l’Irak de Saddam Hussein, à cette
seule différence formelle près qu’il s’agissait ici d’une dictature « républicaine ». Jus-
tement la chute de ce dernier régime et l’arrivée des chiites au pouvoir en Irak a
rendu les élites sunnites d’Arabie saoudite, du Qatar et du Koweït (comme en Jor-
danie et en Turquie), déjà très inquiètes, encore plus anxieuses quant à la formation
d’un axe présumé entre le Hezbollah au Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Alors qu’un
tel axe n’a jamais pris corps, en particulier à cause de divergences quant à la projec-
tion géopolitique entre la Syrie et l’Irak qui allaient s’illustrer dans une implacable
opposition entre les deux branches du parti Baas au pouvoir tout au long de histoire
post-coloniale de ces deux pays, ainsi que pendant la période post-Saddam avec les
accusations répétées de Bachar el-Assad et de Nouri al-Maliki comme le rappel des
ambassadeurs, etc18.
L’anxiété des pays du Golfe a atteint des sommets inédits avec les perspectives de
rapprochement, devenues effectivement réalité, entre les USA et l’Iran et en consé-
15 Cf. Patrick Cockburn, The Rise of islamic State : ISIS and the New Sunni Revolution, Londres & New York ,Verso, 2015,
p. 25.
16 « Nasrallah Says Hizbollah “late” to Join Conflict in Syria », The National, 29 mars 2014, <www.thenational.ae/world/
syria/nasrallah-says-hizbollah-late-to-join-conflict-in-syria>.
17 Cf. Hugh Roberts, « The Hijackers », London Review of Books, 14-16 juillet 2015, <www.Lrb.co.uk/v37/n14/hugh-
roberts/the-hijackers>.
18 Cf. Robert Fisk , « Saddam Revisited as Iraq Accuses Syria of Sheltering Baathist Bombers », The Independent, 11
septembre 2009, <www.independant.co.uk/voices/commentators/fisk/robert-fisk-saddam-revisited-as-iraq-accuses-syria-
of-sheltering-baathist-bombers-1785453.html>.
L’État islamique et la République islamique d’Iran Jihadisme et jihad 347
au Moyen-Orient
quence un soutien croissant de leur part aux mouvements jihadistes opposés au nou-
vel État irakien dirigé par les chiites. Donc, à la suite du déclenchement de la guerre
civile ce fut le tour de la Syrie et d’un appui à quelque force que ce fût opposée à
l’État dirigé par les alaouites. Cela a été plus récemment le cas du Yémen à la suite de
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la prise du pouvoir à Sanaa par le mouvement chiite d’Ansarullah et le lancement de
l’opération Decisive Storm par les Saoudiens19.
À partir de ce qui vient d’être exposé on peut dire qu’outre un affrontement entre
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« Le monde va être surpris par ce que nous [l’Iran] et la direction militaire sy-
rienne sommes en train de préparer pour les prochains jours »21. La déclaration
19 Cf. Dan Roberts, Kareem Shaheen, « Saudi Arabia Launches Yemen Air Strikes as Alliance Builds Against Houthi
Rebels », The Guardian, 26 mars 2015, <www.theguardian.com/world/2015/mar/26/saudi-arabia-begins-airstrikes-against-
houthi-in-yemen> ; Nick Thompson, Inez Torre, « Yemen : Who’s Joining Saudi Arabia’s Fight Against The Houthis ? », 30
mars 2015, <edition.cnn.com/2015/03/27/world/yemen-saudi-coalition-map/>.
20 Cf. Seyed Mohammad Marandi, « ISIL, US Intervention and the Rise of the Iranian Model », Aljazeera, 5 octobre 2014,
<www.aljazeera.com/indepth/opinion/2014/10/isil-us-intervention-rise-irania-20141017572560286.html>.
21 « Iran-Syria Defense Pact Implementation ; Causes and Implications », The Iran Project, 10 juin 2015, <theiranproject.
com/blog/2015/06/10/iran-syria-defense-pact-implementation-causes-and-implications>.
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remonte à début juin et c’est le chef des forces spéciales d’Iran qui parle, le général
Qassem Souleymani. Quelques jours plus tôt, les médias ont retransmis la nouvelle
de l’arrivée en Syrie de 15 000 combattants provenant d’Iran22. À la mi-juillet, la
surprise se faisait encore attendre, en admettant que Souleymani ne se soit pas référé
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à la résolution de la controverse sur le nucléaire iranien par la signature de l’accord
entre les 5+1 et l’Iran du 14 juillet.
Il est certain qu’une partie des énormes ressources économiques libérées par l’abo-
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lition des sanctions sur l’Iran seront canalisées dans le soutien au régime syrien et
le renforcement de la capacité militaire ou si l’on veut de défense de la République
islamique. Une autre ira au renforcement de l’appui militaire et économique au Parti
de Dieu. C’est en ce sens que le 9 juin, donc au moment où Souleymani déclarait
que l’Iran et le régime dirigé par el-Assad étaient en train de préparer une « surprise »
pour le monde, Nasrallah affirmait de son côté que le temps était arrivé de mener à
terme la guerre contre l’État islamique23. La résolution du dossier nucléaire avait et
a eu sans doute priorité, ce qui amenait Téhéran à ne pas prendre de risques, mais le
temps pourrait bien être arrivé pour les Iraniens de placer la barre plus haut.
La relation spéciale entre Iran et Syrie, définie par les intéressés comme une « al-
liance stratégique », est ancienne puisqu’elle a désormais dépassé les trois décen-
nies et surmonté les nombreux événements dramatiques survenus dans la région24 :
guerre Iran-Irak (1980-1988), guerre civile libanaise (1975-1990), guerre du Golfe
(1990-91), incursions répétées d’Israël au Sud-Liban et à Gaza, fin du régime de
Saddam Hussein (2003), etc. On note que la Syrie fut avec l’Union soviétique le
premier pays à reconnaître le nouveau régime établi à Téhéran une fois la Révolution
islamique couronnée de succès.
Au cours de ces années l’alliance entre la Syrie et l’Iran s’est révélée efficace en de
nombreuses occasions et sur de nombreux fronts ; l’intérêt de compenser la rhéto-
rique de l’affrontement entre Arabes et Perses, mobilisée par l’Irak de Saddam et sou-
tenue par les pays de la rive sud du Golfe depuis les premières années de la Révolu-
tion, le déclenchement de la guerre entre les deux pays et la naissance du Conseil de
coopération du Golfe, n’étant pas le moindre. Après la fondation du Hezbollah en
22 « Iran Sends 15,000 Fighters to Syria », The Daily Star, 4 juin 2015, <www.dailystar.com.lb/News/Middle-East/2015/
Jun-04/300520-iran-sends-15000-fighters-to-syria-ashx>.
23 Cf. Tim Marcin, « ISIS, Hezbollah Battle in Lebanon : Nasrallah Vows to ‘Finish’ Fight Against Islamic State Group »,
International Business Times, 10 juin 2015, <www.ibtimes.com/isis-hezbollah-battle-lebanon-nasrallah-vows-finish-fight-
against-islamic-state-group-1961197>.
24 Cf. Nadia Von Maltzahn, The Syria-Iran Axis : Cultural Diplomacy and International Relations in the Middle East, Lon-
dres, I.B.Tauris, 2013. Cette relation d’intérêt mutuel (équilibrage du pouvoir dans la région) entre Syrie et Iran précède
en réalité la Révolution islamique ; elle s’amorce avec l’arrivée au pouvoir d’Hafez el-Assad (1971) – et la mort de Nasser
comme du panarabisme en 1970 – ainsi qu’avec la guerre arabo-israélienne de 1973 quand l’Iran offrit un appui logistique,
médical et plus généralement civil à la partie arabe et accueillit dans ses hôpitaux quelques soldats syriens et égyptiens
blessés. Toujours en 1973 les relations diplomatiques entre Iran et Syrie furent rétablies au niveau d’ambassades après
une crise remontant à 1965. En décembre 1975, le président el-Assad allait enfin rendre une visite d’État à Téhéran.
L’État islamique et la République islamique d’Iran Jihadisme et jihad 349
au Moyen-Orient
1982 et plus récemment la chute du régime de Saddam comme l’arrivée des Arabes
chiites au pouvoir en Irak, cette dernière rhétorique est particulièrement difficile à
soutenir ; ce n’est pas un hasard si elle a donc été remplacée ou mieux refondée en
tant qu’affrontement entre sunnites et chiites.
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En 2006 l’alliance stratégique entre Iran et Syrie a pris la tournure d’une coopération
militaire ouverte avec la signature d’un accord de défense réciproque et l’acquisition
par Damas de matériel de guerre produit par Téhéran25. C’est justement à cet accord
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L’alliance avec le Hezbollah, elle, résiste à tout. Le rôle central du Hezbollah dans
le combat contre les jihadistes/takfiristes en Syrie commence officiellement avec la
bataille de Qusayr, dans la province de Homs, fin mai 201331. Même si l’existence de
« martyrs » dans les rangs du Parti de Dieu avait déjà été révélée auparavant, c’est à
partir de l’été 2013 que la place de ce dernier dans les combats devient toujours plus
importante ; jusqu’à ce qu’il arrive dans des cas récents qu’il conduise entièrement
des opérations du côté syrien de la frontière entre Liban et Syrie. Les médias proches
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du mouvement expliquent son rôle dans le conflit syrien de la façon suivante : les
combattants sont engagés dans un jihad défensif et obligatoire (en particulier dans
le cas de la défense du mausolée de Sayyida Zaynab à la périphérie de Damas) et
l’ennemi est incarné par les groupes takfiristes qui représentent une menace pour
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Damas mais aussi pour le Liban lui-même et doivent donc être affrontés avant qu’ils
n’arrivent au pays des Cèdres32. En ce sens, le Parti de Dieu présente ses opérations
en Syrie comme menées contre l’État islamique, al-Nosra, etc. et non comme une
intervention dans la guerre civile qui ensanglante le pays.
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défense contre le jihadisme, surtout en Irak, à quelques kilomètres des frontières35.
Dans le même sens, l’image du Parti de Dieu, parfois associé de façon erronée aux
hezbollahs autochtones et à la répression évoquée plus haut a été révisée positive-
ment. Au point qu’une immense affiche de Nasrallah trônait cette année à l’entrée de
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la foire du livre de Téhéran qui s’est déroulée du 6 au 16 mai 2015. Dans ce même
contexte, le leader du Hezbollah divulguait officiellement au mois de février la pré-
sence « limitée » de membres de son mouvement en Irak pour y combattre l’État
islamique également sur ce front36. À ce que rapporte Phillip Smyth, le Hezbollah
al-Abrar, soit l’unité du Parti de Dieu présente en Irak, était à Amerli aux côtés de
Souleymani et de forces al-Qods, dans le gouvernorat de Diyala qui s’étend au nord
de Bagdad jusqu’aux confins avec l’Iran et même à l’intérieur de la capitale37. À plus
de trente ans de sa fondation le Hezbollah apparaît aujourd’hui comme un acteur
toujours plus fort et plus indépendant, au point d’opérer en tant que véritable force
militaire « nationale » du Liban et allié de l’Iran également sur des théâtres d’opéra-
tion relativement lointains comme à partir de sa base dans la vallée de la Bekaa ou au
Sud. C’est au moins ainsi que la situation est perçue de Téhéran.
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dominé par les talibans à la suite de l’assassinat du personnel iranien à Mazar-i-Sharif
après la prise du pouvoir dans la ville par ces derniers39, mais elle y avait renoncé en
raison de son isolement international et de la faiblesse relative de ses forces armées
qui étaient à l’époque encore en phase de réarmement consécutivement à la guerre
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Sud-Est du pays al-Qaïda et les partisans de l’État islamique42; une scénario qui res-
semble en partie à celui de la Syrie, à cette importante différence près qu’Ansarullah
est arrivé au pouvoir à Sanaa par un mouvement de protestation qui a su acquérir
une légitimité croissante au cours de sa montée en puissance, en partie aussi à cause
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du combat livré contre l’extrémisme jihadiste/takfiriste dont il ne peut certes pas être
accusé d’être la matrice.
L’Arabie saoudite sait qu’elle ne peut battre les houthistes ni par des bombarde-
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ments aériens ni par le soutien à al-Qaïda dans le pays. À l’instar de la Turquie qui
a démontré préférer en Syrie ce qu’elle perçoit comme un moindre mal, soit l’EI,
au Parti de l’union démocratique (PYD)43, l’Arabie saoudite pourrait être amenée
à soutenir l’ascension d’un groupe beaucoup plus incisif qu’al-Qaïda, l’EI, pour ne
pas se retrouver à ses frontières avec un État allié ou seulement proche de l’Iran. Ce
même groupe constituant par contre un danger pour elle-même.
42 Cf. Ali Hashem, « Saudis, Iranians benefit from Houthi attack on Sanaa », Al-Monitor, 14 septembre 2014, <www.
al-monitor.com/pulse/originals/2014/09/saudis-iran-houthi-attack-Sanaa.html>.
43 Cf. Selcan Hacaoglu, « Islamic State Retreat Gives Turkey Unwanted Kurdish Neighbor », Bloomberg Business, 22
juin 2015, <www.bloomberg.com/news/articles/2015-06-22/islamic-state-retreat-gives-turkey-an-unwanted-kurdish-neigh-
bor>.