Un exemple national en Europe :
LA CULTURE DANS LA PRESSE ECRITE GRECQUE
par Eirini Louvrou,
éditeur, directrice des Editions Olkos,
Athènes.
Je voudrais tout d'abord rappeler les
conditions économiques, c'est à dire linguis-
tiques, de la presse, comme d'ailleurs de l'édi-
tion grecque, aujourd'hui. A peine 11 millions
de Grecs résident dans l'Etat grec contempo-
rain. Autant résident dans ce que l'on appelle
la diaspora constituée des émigrés, aux Etats-
Unis, en Australie, au Canada, et des Grecs qui
sont demeurés dans les espaces de l'hellénisme
historique, Chypre, Egypte, Roumanie, Russie
ou … Turquie.Le poids statistique de la langue
grecque est donc au maximum de vingt-cinq
millions dans le monde ; compte tenu de sa
dispersion géographique, elle est é conomique-
ment de faible rentabilité pour l'édition en
général. Contrairement aux titres d'autres lan-
gues qui réalisent d'importantes performances
en Grèce, anglais, français, allemand, russe …,
les titres grecs ne trouvent pas à l'étranger un
complément qui, économiquement, serait
significatif.
Je voudrais ensuite indiquer que la vita-
lité de la presse grecque est une tradition néo-
hellénique particulièrement intense pour avoir
été brocardée au XIXème siècle par les chroni-
queurs anglais et français, ces derniers ayant
pourtant, durant la guerre d'indépendance,
vigoureusement contribué à la création d'une
presse néohellénique, par l'intermédiaire de
Firmin Didot notamment. Cette vitalité
demeure. Le baromètre de la seule presse quo-
tidienne nationale compte 24 titres. Une
remarque comparative, pour que nous parlions
la même langue statistique : avec nos amis
Français, nous avons l'habitude de diviser nos
chiffres éditoriaux par six, soit le rapport entre
les populations grecques de la métropole et
celles de la France ; ce qui est d'ailleurs sous-
évalué car la francophonie lectrice n'a aucune
commune mesure avec l'hellénisme lecteur ;
cela dit pour que vous multipliiez ou divisiez
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selon la présence de vos langues respectives,
les quelques chiffres que je vous donnerai.
Pour exemple, 24 titres nationaux grecs, cela
signifierait 144 titres nationaux en France. Il y
a derrière ce chiffre, vous l'imaginez, beau-
coup de militantisme pour une presse d'infor-
mation et d'opinion libres des pressions, euro-
péennes ou mondialistes ; mais les cinq titres
qui réussissent à dépasser les 25 000 exemplai-
res sont nécessairement de forts vecteurs
publicitaires, sans être pour autant, au
contraire, des titres " poubelle ". D'ailleurs,
contrairement à la presse britannique, la pres-
se quotidienne " poubelle " - ce mixte de mode,
de sexe et de poeple- n'apparaît encore timide-
ment en Grèce que dans les suppléments de fin
de semaine.
Je me contenterai de traiter des cinq
titres principaux, en termes d'espaces réservés
à la culture ; il s'agit, en termes de tirage, des
1er, 2ème, 4ème, 5ème et 7ème titres les plus
importants. Ces cinq là possèdent tous un volu-
me rédactionnel significatif pour la culture,
que j'exprimerai approximativement en pour-
centage de la pagination. Pour cette contribu-
tion je fournis en annexe une dizaine de titres
qui sont réellement significatifs de la diversité
politique, culturelle et sociale de la presse
grecque. Quant à l'appartenance politique des
titres, il m'est difficile de les classer selon les
conventions des autres pays participants que je
ne connais pas. Je me suis donc alignée sur "
Courrier international " pour qualifier politi-
quement, pour vous, la presse de mon propre
pays.
Ces cinq principaux titres sont les sui-
vants (tirage moyen quotidien hors fin de
semaine, baromètre de mai 2005) : Ta Néa (les
Nouvelles) : 78 000 exemplaires, centre ;
Eleférotypia (Liberté de la Presse) : 70 500
exemplaires, gauche ; Elefthéros Typos (la
Presse libre): 36 000 exemplaires, droite ; I
Kathemerini (le Quotidien), 36 000 exemplai-
res, droite; To Vima (la Tribune), 18 000 exem-
plaires, centre gauche.
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Le seul titre clairement lié à un mouvement
politique est Rizospastis, organe du Parti
Communiste grec (7 000 exemplaires).
Le total de la presse quotidienne hors
presse régionale est de 373 500 exemplaires.
La presse régionale est relativement peu déve-
loppée ; seuls sont significatifs le Journal de
Thessalie et les deux journaux de Macédoine
Aggelioforos (le Messager) et Macédoine qui
traitent principalement de l'actualité culturel-
le régionale, qui est très riche à Thessalonique.
La concentration est, comparée à d'aut-
res pays comme l'Allemagne, la France ou la
Grande-Bretagne, encore faible, dans la presse
comme dans l'édition grecque , mais l'européa-
nisation semble dans ce secteur comme dans
tous les autres, imparable.
Un groupe domine, le groupe
Lambrakis, politiquement orienté au centre et
naturellement néolibéral qui, avec ses titres Ta
Néa et To Vima maîtrise 26,2 % des tirages hors
fin de semaine et 18,2% des tirages de fin de
semaine. Son président-fondateur est lui-
même très engagé dans le développement
musical et en même temps, dans la tradition
grecque, homme d'affaires et mécène. Il possè-
de en outre une constellation de magazines qui
couvrent la décoration, la mode, le people, le
sexe…. Les autres titres sont dépendants des
travaux publics, de l' armement maritime etc.
Nous définissons, nous Grecs, la culture
naturellement au sens traditionnel du terme
grec, ou au sens humaniste, englobant les
sciences dites exactes et les sciences de l'hom-
me et de la société. On sait que les frontières
culturelles sont floues, différentes selon les
pays et que par ailleurs la distinction entre
information et publicité est souvent impossi-
ble. Je prends donc en compte toutes les
rubriques 'livres', 'disques', 'santé'…. et exclue
les rubriques décoration, gastronomie et
mode. Je l'indique pour que l'on ne procède pas
à des comparaisons fausses avec les presses
d'autres nations ; et je sais que mes critères
sont conventionnels.
Les cinq titres qui accordent une place
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significative à la culture telle que je l'ai défi-
nie sont les suivants : Nea, Vima, Eleftéros
Typos, Kathimérini, Eleftérotypia.
Ces titres possèdent tous des pages cul-
turelles quotidiennes, un ou deux suppléments
chaque semaine et un ou plusieurs chaque fin
de semaine ainsi qu'un magazine à dominante
culturelle inclus dans le prix du quotidien ; une
nouveauté inspirée de la presse britannique est
la présence dans ces suppléments de CD ROM,
disques de musique ou de films. Les titres qui
n'éditent pas de magazine éditent un ou plu-
sieurs suppléments thématiques, le plus sou-
vent scientifique et /ou historique.
Tous les domaines y sont traités, souvent
de façon très approfondie. Le volume rédac-
tionnel des pages culturelles représente, pour
2 000 pages observées, 20 % du tirage total,
publicité incluse. Les domaines dominants sont
: l'histoire (1/5 du total), la littérature et la
poésie (15% du total), les sciences (12% du
total), les musiques (10% avec une préférence
pour les musiques classique et grecque), les
livres en général (9%), le cinéma (8%).Tous ces
titres possèdent un site Internet qui reprend
gratuitement les grands articles, notamment
culturels. Il y a peu de revues spécialisées cul-
turellement (comme le français Beaux-Arts) ,
ou alors elles sont très spécialisées et touchent
un très petit public.
Les grands débats de politique ou d'éco-
nomie culturelle internationale sont quasi
absents ; ces thèmes sont abordés sous l'angle
de la politique intérieure. En ce qui concerne
les contenus la culture grecque est tradition-
nellement ouverte aux cultures étrangères
depuis les grandes diasporas d'intellectuels
générées par l'occupation ottomane. La curio-
sité du lectorat grec est variable selon les
domaines; on peut citer par exemple la littéra-
ture et es sciences exactes américaine, les
sciences humaines françaises, le cinématogra-
phies américaine, française, britannique, asia-
tique… L'intérêt des rédacteurs est principale-
ment orienté vers, les Etats-Unis, la France, la
Grande-Bretagne, l' Allemagne. L'orientation
internationale des journalistes est naturelle-
ment très liée au pays où ils ont étudié, tota-
lement ou partiellement. Il faut ajouter que
4 et 5 juillet 2005
les Grecs sont grands lecteurs de presse étran-
gère; pour exemple le premier quotidien fran-
çais acheté en Grèce est l'Equipe !
Les journalistes permanents ont souvent
des activités complémentaires dans le cadre
même du journal : organisation de manifesta-
tions diverses, spectacle, cinéma, débats… A
côté des collaborateurs permanents les titres
confient des rubriques permanentes, souvent
hebdomadaires, à des universitaires, des écri-
vains, des scientifiques et à des journalistes
audio-visuels.
L'évolution de la presse grecque parait, comme
celle de l'édition classique, difficile à prévoir.
Qui dit édition dit aussi et surtout diffusion-dis-
tribution ; c'est certainement la maîtrise de la
distribution qui sera l'enjeu majeur des
concentrations. On peut craindre des phéno-
mènes de concentration semblables à ceux qui
ont touché beaucoup d'autres pays ; la culture
perdrait certainement une bonne partie de sa
substance dans les quotidiens et leurs supplé-
ments, et les journalistes de leur liberté. Mais
la faible rentabilité de notre langue nous a jus-
qu'à présent, épargnés ; pour combien de
temps ?

A- Les dix principaux titres quotidiens nationaux, hors fin de semaine :

1- Ta NEA (les nouvelles) ; 78 000 exemplaires ; centre ; groupe Ch.Lambrakis.

2- ELEYTEROTYPIA (liberté de la presse) ; 70 500 ex. ; gauche.
3- ETHNOS (la Nation) ; 43 000 ex.; gauche populiste.
4- ELEYTHEROS TYPOS (la presse libre); 36 000 ex. ; droite
5- H KATHIMERINI (le quotidien) ; 31 000 ex.; droite.
6- EXPRESSO ; 18 000 ex.; poeple.
7- TO VIMA ; 18 000 ex.; centre gauche ; groupe Lambrakis.
8- APOYEVMATINI (journal de l 'après midi); 18 000 ex; droite.
9- ADESMEVTOS TYPOS (presse indépendante) ; 10 500 ex. ; droite.
10- RIZOSPASTIS (radical) ; 7 000 ex. ; gauche communiste ; organe du comité central du P.C.

La totalité du tirage de la presse quotidienne nationale s'élève, pour ce baromètre (mai 2005) à
365 500 exemplaires.

B- Les huit principales éditions de fin de semaine (quotidien + supplément(s)

+ magazine) :

1- PROTO THEMA (premier sujet) ; 218 000 ex.; populiste

2- TO VIMA TIS KYRIAKIS (la tribune du dimanche) ; 205 000 ex.; centre gauche; groupe
Lambrakis.
3- KYRIAKATIKI ELEYTHEROTYPIA (liberté de la presse dominicale) ; 178 500 ex. ; gauche.
4- ETHNOS TIS KYRIAKIS (le National du dimanche) ; 160 000 ex. ; gauche-populiste.
5- H KATHIMERINI (le quotidien) ; 152 500 ex. ; droite.
6- ESPRESSO THS KYRIAKIS (expresso du dimanche) ; 47 000 ex ; poeple.
7- TYPOS TIS KYRIAKIS (presse du dimanche) ; 41 500 ex.; droite.
8- RIZOSPASTIS (radical); 34 000 ex. ; communiste.

La totalité du tirage s'élève, pour ce baromètre (mai 2005), à 1 129 200.

Cette statistique montre, a minima, que le lectorat grec est majoritairement un lectorat de fin
de semaine.

Château du Grand Jardin - Joinville 4 et 5 juillet 2005