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CHAPITRE 4 - LE MONDE DE L'APRES-

GUERRE

Classe préparatoire à Sciences Po - Histoire

LAURENT BOSCHER

http://sciencespodiago.over-blog.com/ 12 05
2018

22 Août 2017 , Rédigé par Laurent Boscher Publié dans #2. CHAPITRES

Introduction : « Un monde en ruines à réinventer »


Le monde de l’après-guerre désigne la période de l’histoire qui s’étend de 1945 à 1947. 1945 :
fin de la Seconde Guerre mondiale. 1947 : début du conflit Est-Ouest. Deux années au cours
desquelles pays vainqueurs et pays vaincus s’efforcent de reconstruire le monde qu’ils avaient
eux-mêmes contribué à détruire.

I - UN MONDE DETRUIT

En 1945, après six années de guerre, le bilan est sans appel. Le monde est détruit : tant sur le
plan humain et moral que sur le plan matériel et économique.

A - Sur le plan humain et moral

Le monde est détruit sur le plan humain et moral parce que, sur le plan humain, jamais une
guerre n’a provoqué autant de morts et, sur le plan moral, parce que jamais les limites de
l’horreur n’ont été repoussées aussi loin.

1 - Sur le plan humain

La Seconde Guerre mondiale est bien plus meurtrière que la Première : 60 millions entre 1939
et 1945 contre « seulement » 9 millions entre 1914 et 1918.

Bien plus. Pour la première fois au cours d’un conflit militaire, la proportion de civils tués est
plus élevée que celle des soldats : 52 % contre 48 %. Entre 1939 et 1945, une victime sur
deux est donc un civil. A titre de comparaison, entre 1914 et 1918, la part des pertes civiles ne
représentait que 5% des pertes totales.

Ce bilan s’explique naturellement par des raisons géographique et raciale : d’une part, le
caractère mondial de la guerre ; d’autre part, la volonté d’exterminer le peuple juif. Mais ce
bilan s’explique aussi par le recours de plus en plus systématique aux bombardements
aériens : que ce soit du côté des vaincus, où en 1940 les raids massifs de l’aviation font
60.000 morts en Angleterre, dont la moitié à Londres ; ou bien que ce soit du côté des
vainqueurs, où en 1945 les bombardements aériens de Dresde en Allemagne le 13 février, de
Hiroshima et de Nagasaki au Japon les 6 et 9 août, font respectivement 135.000, 60.000 et
40.000 morts.

Mais, de tous les pays impliqués dans le conflit mondial, ce sont l’URSS (21 millions), la
Chine (15 millions), l’Allemagne (7 millions), la Pologne (5,4 millions) et le Japon (3
millions) qui payent le plus lourd tribut à la guerre, loin devant la France qui, ayant capitulé
dès 1940, ne déplore « que » 600.000 victimes.

2 - Sur le plan moral

En 1945, la découverte des camps de concentration en Europe et l’emploi de l’arme nucléaire


en Asie provoquent un traumatisme moral sans précédent. Le génocide perpétré contre les 6
millions de Juifs et les 250.000 Tziganes ainsi que la mort de 370.000 Japonais après le
recours à la bombe atomique font prendre conscience au monde que des êtres civilisés
peuvent se comporter comme des barbares et mettre la science au service des « crimes de
masse ».
C’est d’ailleurs pour juger les génocidaires nazis et les criminels de guerre nippons que sont
institués le Tribunal de Nuremberg entre 1945 et 1946 ainsi que le Tribunal de Tokyo entre
1946 et 1948. C’est également au cours de ces deux procès que sont recensés un nouveau type
de crime : le génocide ; et un nouveau type d’infraction pénale : le crime contre l’humanité. Il
est toutefois regrettable de constater que cette « justice des vainqueurs » infligée aux dépens
des vaincus ne se soit pas préoccupée des crimes commis par certains vainqueurs, à
commencer par l’URSS de Staline, à l’origine en 1940 du « massacre de Katyn », au cours
duquel l’Armée rouge exécuta sommairement 20.000 soldats polonais.                

B - Sur le plan matériel et économique

En 1945, le monde n’est pas seulement détruit sur le plan humain et moral. Il l’est également
sur le plan matériel et économique.

1 - Sur le plan matériel

L’Europe et l’Asie, théâtres principaux des opérations militaires, sont les deux continents les
plus touchés par la Seconde Guerre mondiale. Des villes entières, bombardées, sont détruites
par les raids aériens. Parmi elles : Stalingrad, Varsovie, Berlin, Le Havre, Coventry et Tokyo.

L’URSS, à elle seule, concentre la moitié des destructions et déplore 28 millions de sans-abri
au sortir de la guerre.

Quant à la France, après quatre années d’occupation nazie, elle est, à l’Ouest, la première
victime des dommages matériels.

2 - Sur le plan économique

Vainqueurs aussi bien que vaincus, en Europe autant qu’en Asie, se sont profondément
appauvris et durablement endettés, du fait de la guerre. La dette publique des Etats se creuse,
tandis que l’inflation semble ne connaître aucune limite. Partout, lors de l’après-guerre, le
retour au quotidien est difficile. En Allemagne, notamment, règne un véritable chaos mêlant
inflation, disette, marché noir, pauvreté et risque d’épidémies.

Au fond, seuls les pays situés à l’écart des zones de guerre se sont enrichis, à commencer par
les Etats-Unis, l’Argentine et le Canada. Ainsi, la richesse nationale américaine a augmenté
de moitié, alors que celle de la France a diminué d’autant. De même, les Etats-Unis, plus
grand pourvoyeur de fonds pendant la guerre, sont devenus le premier pays créditeur du
monde et aussi le seul pays où depuis 1940 le revenu moyen et la production industrielle ont
doublé. Pour ces raisons, le monde détruit ne peut imaginer se reconstruire sans l’aide des
Etats-Unis.

II - UN MONDE A RECONSTRUIRE

En 1945, le monde, littéralement détruit du fait de la Seconde Guerre mondiale, se doit d’être
reconstruit dans les deux secteurs les plus dévastés : l’économie et la politique.

A - Sur le plan économique


L’économie de l’entre-deux-guerres (1919-1939), au même titre que la politique
internationale menée par les nations au cours de cette période, prend sa part de responsabilité
dans la guerre qui éclate en 1939. Le protectionnisme excessif des Etats, pour les uns, le
désordre monétaire, pour les autres, auraient favorisé la « crise des années 1930 », à l’origine
de la guerre.

Au sortir du conflit, l’idée, sur le plan économique, est donc de favoriser le libéralisme et de
stabiliser les monnaies nationales. Dans ce but, le 22 juillet 1944, 44 pays signent les accords
de Bretton Woods (Etats-Unis) aux termes desquels la coopération économique internationale
doit l’emporter sur l’isolationnisme financier d’avant-guerre. Un tel principe est mis en
pratique par deux institutions :

- en premier lieu, par le Fonds monétaire international (FMI), qui doit garantir la stabilité des
monnaies nationales ;

- en second lieu, par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement


(BIRD), une banque mondiale qui doit financer la reconstruction des pays détruits par la
guerre.

En 1947, enfin, pour parachever la rénovation de l’économie mondiale, est signé, à Genève,
l’Accord général sur les droits de douane et le commerce (GATT), dont l’objet est de garantir
l’ouverture des frontières au commerce international.

Grâce à Bretton Woods, au FMI, à la BIRD et au GATT, espère-t-on, la prospérité du monde


sera ainsi assurée et avec elle la garantie de la paix.

B - Sur le plan politique

La reconstruction économique du monde pour garantir la paix est nécessaire. Mais elle n’est
pas suffisante. Pour garantir la paix sur le plan politique, encore faut-il la confier à ceux
susceptibles d’en défendre l’intégrité : d’un côté, les Etats-Unis et l’URSS, deux
superpuissances, également appelées « supergrands » ; de l’autre, l’Organisation des Nations
Unies (ONU).

1 - La prééminence des deux superpuissances

Les Etats-Unis et l’URSS, ennemis jurés depuis la révolution bolchevique de 1917, et plus
encore depuis la conclusion du pacte germano-soviétique en 1939, sont devenus « amis » en
1941, lorsque l’URSS, rompant avec l’Allemagne nazie, rejoint le camp des Alliés et forme
avec les Etats-Unis ainsi que l’Angleterre ce que l’on appelle la « Grande Alliance »,
officialisée par la signature de la Charte de l’Atlantique (1941).

Cette Grande Alliance a naturellement pour but de remporter la guerre. Mais elle a aussi pour
objectif de préparer l’après-guerre. Dans cette perspective, une première conférence est
organisée en Iran à Téhéran en 1943, puis une seconde en URSS à Yalta, entre les 4 et 12
février 1945.

Lors de la conférence de Yalta, trois chefs d’Etat sont réunis : le Soviétique Staline,
l’Américain Roosevelt, le Britannique Churchill ; et plusieurs décisions sont prises en vue de
maintenir une paix durable :
- Primo, tous les pays libérés doivent procéder à des élections libres et démocratiques.

- Secundo, l’Allemagne, démilitarisée, dénazifiée, amputée d’un tiers de son territoire, est
partagée, ainsi que Berlin, en quatre zones d’occupation confiées aux vainqueurs (URSS,
Etats-Unis, Angleterre, France).

- Tertio, 30 % des frontières européennes sont modifiées, à commencer par celles de l’URSS,
qui annexe 750.000 km² dont les trois Etats baltes, et celles de la Pologne, qui sont déplacées
de 300 km vers l’Ouest jusqu’à l’Oder-Neisse.

- Quant à l’Asie, elle aussi concernée par le remaniement territorial, deux de ses pays doivent
faire face à une situation nouvelle, en premier lieu le Japon administré par les seuls
Américains, en second lieu la Corée, partagée en deux zones d’occupation, soviétique au nord
du 38e parallèle, américaine au sud.

Toutes ces décisions, entérinées à Yalta, en février 1945, sont confirmées et précisées six
mois plus tard, à Potsdam (Allemagne), en juillet-août 1945, en présence du Soviétique
Staline, de l’Américain Truman et du Britannique Attlee.

2 - La naissance de l’ONU

L’ONU est officiellement créée par 51 Etats, le 25 juin 1945, lors de la conférence de San
Francisco. Remplaçant la Société des Nations (SDN), fondée au lendemain de la Première
Guerre mondiale, et incapable d’enrayer la Seconde, l’ONU est constituée dans le but
d’assurer la paix et la sécurité internationale par l’adoption de mesures collectives. L’ONU,
dont le siège est situé à New York, comprend plusieurs grandes institutions :

- L’Assemblée générale, au sein de laquelle chaque pays membre dispose d’une voix (en vertu
du principe « un Etat = une voix »), se réunit une fois par an pour émettre à la majorité des
deux tiers des recommandations que tous doivent respecter.

- Le Conseil de sécurité, composé de 11 membres (15 depuis 1966), dont 5 permanents (Etats-
Unis, URSS, Royaume-Uni, Chine, France), peut se réunir à tout moment pour examiner les
questions susceptibles de mettre la paix en danger et prend les décisions à la majorité simple,
les cinq membres permanents disposant toutefois d’un droit de veto.

- Le Secrétaire général, élu pour cinq ans par l’Assemblée générale, sur proposition du
Conseil de sécurité, assure la gestion quotidienne.

- Enfin, diverses organisations, telles que la CIJ, l’UNESCO, l’UNICEF, l’OMS, la FAO,
l’OIT, le FMI, la BIRD, ont reçu, chacune dans leur domaine, la mission d’établir une
coopération internationale destinée à faire respecter les libertés fondamentales, lesquelles sont
solennellement énoncées par la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par
l’Assemblée générale, à Paris, le 10 décembre 1948.

Conclusion : « De la "Grande Alliance" à la "Grande Méfiance" »

L’espoir d’un monde meilleur, aux mains des deux supergrands, eux-mêmes soumis au
contrôle de l’ONU, ne survit pas à l’année 1945.
Le 5 mars 1946, en effet, Winston Churchill, ancien Premier ministre britannique, signe à
l’Université américaine de Fulton, dans le Missouri, l’acte de décès de la « Grande Alliance »
et l’acte de naissance de la « Grande Méfiance ». Selon lui, l’Europe, et bientôt le monde, est
divisée en deux, depuis, écrit-il, qu’« un rideau de fer est descendu à travers le continent ». Le
poids de la responsabilité de la division du monde en deux camps opposés en incombe à
l’URSS qui, selon lui, « cherche partout à s’emparer d’un pouvoir totalitaire » et à imposer un
modèle économique et social identique au sien, comme en témoigne la soviétisation de la
Pologne.

Le monde, à peine sorti de la Seconde Guerre mondiale, se prépare donc à vivre sous la
menace d’un Troisième conflit planétaire, opposant non plus le « camp des Alliés » au « camp
de l’Axe », mais le « bloc capitaliste de l’Ouest » au « bloc communiste de l’Est ».

VOCABULAIRE

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Washington).

CIJ : Cour internationale de justice (La Haye).

Dénazification : nom donné à la politique menée par les Alliés en Allemagne pour extirper
l’idéologie nazie de la population allemande.

FAO : Organisation pour l’agriculture et l’alimentation (Rome).

FMI : Fonds monétaire international (Washington).

GATT : General Agreement on Tariffs and Trade.

OIT : Organisation internationale du travail (Genève).

OMS : Organisation mondiale de la santé (Genève).

UNESCO : Organisation pour l’éducation, la science et la culture (Paris).

UNICEF : Organisation de protection de l’enfance (New York).

Soviétisation : processus par lequel les pays d’Europe de l’Est acquis au communisme
calquent le modèle économique et social soviétique.

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