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Retérence: Lagendre, M.-F. (1998) «Transformer les savoirs pour les rendre accessibles aux éléves », Vie pSdagogique, 1998. 108, septembre-octobre, 99-38. Transformer les savoirs pour les rendre accessibles aux éléves par Marie-Frangoise Legendre ole Introduction Enseigner, ce n'est pas simplement transmettre un contenu, Mais au-deli de cette affirmation devenue banale, que doit-on comprendre? Essentiellement que la connaissance d'une discipline, quoique nécessaire son enseignement, n'est pas suffisante. Les connaissances que doit posséder lenseignant, en rapport avec une discipline particuligre, sont bien différentes de celles du spécialiste. Contrairement au spécialiste, enseignant ne vise pas a faire évoluer les connaissances dans sa discipline, mais faciliter Facquisition par l'éleve d'un certain nombre de savoirs, d'habiletés, dlattitudes. Lienseignant n'est pas un «producteur», mais un «diffuseury de connaissances. Il doit rendre accessibles aux éléves un certain nombre de savoirs & enseigner. Cela exige des compétences pédagogiques particuliéres qui vont bien au-dela de la simple maitrise des contenus de la discipline Les savoirs enseigner ne correspondent jamais intégralement aux savoirs savants produits par la culture. Ils ne correspondent pas davantage a Yensemble des savoirs disciplinaires que les enseignants ont acquis au cours de leur formation, Les savoirs qui ont éé sélectionnés puis regtoupés dans les programmes d'études sont modifiés, remodelés cn fonction des visées particuliéres de I'école. Ils sont adaptés aux caractétistiques du contexte scolaire et & ses finalités propres. La récente réforme du curriculum témoigne de ces choix socistaux, liés aux valeurs privilégiges 4 une période donnée, qui influent largement sur la détermination de ce qui doit étre enseigné et de ce qui doit étre visé par cet enseignement, De la méme fagon, les savoirs effectivement enseignés ne se réduisent pas aux contenus des programmes d'études. L'enseignant doit son tour modifier les contenus de son enseignement afin d'aider 'éléve a les comprendre et A les assimiler. Il existe donc une certain écart entre les savoirs d enseigner, les savoirs effectivemeni enseignés et les savoirs réellement appris. La notion de transposition didactique peut nous aider 4 mieux comprendre la nature de cet écart ct les modifications de divers ordres que subissent les savoirs lorsqu'ils passent d'un contexte, celui de la culture, a Pautre, celui de I'école. Dans la premiére partie du présent article, nous préciscrons ce qu’est la transposition didactique et les divers niveaux auxquels elle se produit, Dans la soconde partie, nous nous intéresserons & la mise en oeuvre du curriculum par lenseignant et au cadre de référence qui la sous-tend. Puis, nous essaierons de dégager, en conclusion, quelques implications du phénoméne de la transposition didactique pour la formation initiale et continue des enseignants. 1. Transposition didactique et transformation graduelle des savoirs La transposition didactique correspond au «travail qui, d'un objet & enseigner, fait un objet d’enseignementy (Chevallard, 1991). Elle désigne done les transformations que subissent les «savoirs savants» lorsqu'ils passent de leur contexte d'origine, celui de la culture au sens large, au contexte de lenseignement. Ces transformations ont essentiellement pour but de faire en sorte que les savoirs produits par la culture puissent ttre enscignés et évalués dans la pratique pédagogique. Elles conduisent a la création Aobjets d'enscigncment, les savoirs scolaires, qui ne constituent pas seulement des versions simplifiges des savoirs savants, mais présentent leurs caractéristiques propres. Prise au sens large du passage d'un objet de savoir a un objet denseignement, puis de celui-ci 4 un objet d'apprentissage et d'évaluation, 1a transposition didactique inclut également les transformations quleffectue lenseignant dans les contenus de enseignement pour en favoriser I'appropristion par 'élive, Elle intégre aussi les modifications que I'éléve est amené faire aux contenus qui lui sont enseignés dans son effort pour les assimiler ou pour répondre aux exigences de I'évaluation. On peut done distinguer deux grands niveaux dans la transposition didactique. Le premier niveau, bien qu’il inlue sur la pratique pédagogique, cesi-a-dire sur ce qui se passe dans la classe, demeure exteme a celle-ci. II correspond au passage des savoirs produits aux savoirs diffusés, puis aux savoirs sélectionnés qui deviendront objets denseignement. On peut parler en ce sens de transposition didactique externe. Le second niveau est directement lig aus relations qui s'Stablissent entre l'enseignant, I'élbve et le savoir dans le contexte de la pratique pédagogique. Il correspond au passage des savoirs scolaires, définis dans les programmes d'études, aux savoirs effectivement enseignés, puis de ceux-ci aux savoirs appris et aux savoirs évalués. Il reléve de ce que Ton peut appeler la transposition didactique interne. A chacun de ces niveaux imerviennent différents filtres qui ont pour effet de modifier les savoirs 4 des degrés divers en fonction de contraintes de divers ordres. Alors que la transposition didactique externe a pour objet de faire en sorte que les savoirs puissent étre enseignés et évalués, la transposition didactique interne consiste essentiellement a faire en sorte que les savoirs puissent étre appris. 1.1 De la culture extra-scolaire au curriculum formel Le filtrage et la diffusion des sayoirs par la communauté scientifique Un nombre considérable de «avoirs sevants» sont produits par la communauté scientifique dans une variéié de domsines de connaissance. La notion de «savoirs savantsy ne se référe pas 4 un domaine de connaissance particulier, mais a lensemble des savoits produits par la culture, Elle s‘oppose aux «savoirs communsy, seuls les premiers faisant l'objet d'une validation sociale et culturelle, alors que les seconds relévent plutét dela [début de la p. 34 du iexie original] sphire privée ou de savoirs communément admis sans pour autant éue légitimés. Elle peut également inclure des «pratiques sociales de référence» (Develay, 1993), clest-d-dire des activités professionnelles de divers ordres reliées 4 un domaine de connaissance ou & une discipline donnée. Or, ce ne sont pas tous les savoirs produits par la culture qui font Fobjet dune «publicité», clest-A-dire dune diffusion dans le grand public. Ces savoirs sont «filtrés» par la communauté scientifique, Celle-ci d'une part, ne diffuse pas tous les savoirs et, d'autre part, les diffuse sous une forme qui ne correspond généralement pas 4 Ja maniére dont ils ont été construits ou modifi¢s. La sélection des savoirs par les décideurs et leur organisation dans le curriculum Pour élaborer le curriculum, le systéme scolaire va puiser dans les «savoirs diffusés» qui ont été préalablement validés. Mais cc ne sont pas tous les savoirs diffuses qui peuvent devenir objets dlenscignement. Dabord, toutes les connaissances présentes dans une société ne se prétent pas nécessairement i une transmission de type scolaire, c'est-a-dire & une adaptation aux caractéristiques du cadre scolaire (M. Verret, 1975, cité par Develay, 1993), Par ailleurs, tout ce qui peut étre enseigné ne devient pas nécessairement «objet denseignement», ne serait-ce qu'en raison des contraintes de temps qui imposent des choix. Ainsi, le choix de ce qui doit étre enseigné dépend aussi bien des objectifs de formation visés que des valeurs privilégiées par la culture et des savoirs valorisés @ une époque donnée. Ceriains savoirs peuvent devenir désuets alors que d'autres vont acquérir un caractére essenticl quils ne possédaient pas auparavant. De plus, 'élaboration du curriculum officiel fait souvent objet de négociations entre les décideurs confrontés aux exigences contradictoires de la société ct a ses aitentes variées. L’évolution des programmes d'études est le reflet de cette influence sociale et eulturelle qui, par le filtre du systéme denseignement et de la politique éducative, sélectionne les savoirs et les appréte» de telle fagon quils puissent étre enseignés, appris et évalués, 2.1 Du curriculum formel a ce qui est effectivement enseigné et appris Le «bricolage» des programmes par les enseignants Bien que les programmes comportent, par définition, un aspect prescriptif, les enseignants disposent d'une certaine marge de manoeuvre. Ne serait-ce quien raison des contraintes propres au contexte scolaire et a la classe, ils ne peuvent actualiser le curriculum, cest-d-dire le rendre effectif, qu'en 'adapiant & leurs éléves. Leur activité siinscrit toujours dans un cadre dynamique qui nécessite des ajustements continucls et of il est possible dlimproviser. «Lnseigner, dit Perrenoud, c'est notamment bricoler les savoirs pour les rendre enseignables, exercables et évaluables dans le cadre d'une classe, d'une année, dun horaire, d'un systeme de communication et de travail» (Perrenoud, 1994, p. 115), Certes, une partie du travail de transposition est souvent assurée par les manuels scolaires qui proposent aux enseignants des outils, des méthodes, des situations, des exercices, ete. Le travail de bricolage des contenus a enseigner peut donc étre plus ou moins important selon les enseignants, mais quelle que soit I'ampleur des transformations quils effectuent, les contenus «effectivement enseignésy ne correspondent jamais intégralement aux contenus «a enscigner» Le «remodelage» des contenus de lenseignement par l'éleve Si l'on ne saurait dire de I'éléve qu'il effectue consciemment un travail de transposition didactique au méme titre que lenseignant, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut "éellement assimiler ce qui Iui est enseigné sans un travail d appropriation personnelle des savoirs. L'apprenant n'est pas passif. Il effectue, lui aussi, genéralement de fagon plus implicite quexplicite, un travail de «remodelage» des contenus enseignés en fonction de son niveau de comprehension et de ses propres objectifS. Il filtre les savoirs tant en fonction de ses connaissances antérieures que des attentes qu'il pergoit chez son enseignant, C'est pourquoi le travail de lenscignant, clest-a-dire la transformation des savoirs objets d'enseignement en savoirs effectivement enseignés, ct le travail de Téleve, clestai-dire la transformation des savoirs enseignds en savoirs réellement appris, sont intimement liés. En effet, si c'est a I'léve de donner un sens a ses apprentissages, c'est & lenseignant de faire en sorte qu'une situation d'apprentissage puisse Stre porteuse de sens pour I’éleve. Ces deux types de transformation interagissent done étroitement, puisque le travail de lenseignant sur les objets de sa pratique détermine en partie le travail de |'éléve sur les contenus qui lui sont enseignés. Liextériorisation de savoirs par 'éléve et leur évaluation par Venseignant De méme quil existe un écart entre cc qui est effectivement enscigné et ce qui est réellement appris, il existe un écart entre ce qui est appris et cc qui est évalué, D'une part, les savoirs évalués ne constituent qulun sous-ensemble de ce qui a été enscigné, D'autie part, le savoir extériorisé par 'éléve au cours de I'évaluation ne refléte que tres partiellement les savoirs quiil a réellement acquis. L'éléve peut avoir appris quelque chose sans le manifester dans une évaluation officielle. Il peut également faire appel, au moment de 'évaluation, a des connaissances autres que celles qui ont été enseignées mais qui influent néanmoins sur ses résultats, II est en effet tres difficile de déterminer avec prévision le début et le terme d'un apprentissage (Develay, 1993), Enfin, l'éleve peut avoir appris autre chose que ce que Venseignant désirait lui faire apprendre tout en manifesiant les signes extéricurs de la compétence en question. Le contrOle des acquis est Tune des caractéristiques du contexte scolaire qui peuvent contraindre plus ou moins la transposition didactique interne, aussi bien celle qu'effectue l'enscignant que celle que fait, de maniére implicite, l'apprenant. En effet, la maniére dont lenseignant «appréte» les savoirs pour les rendre assimilables par I'éIéve n'est jamais complétement indépendante de la maniére dont il les évalue. De la méme fagon, le «sens» que Péléve donne aux savoirs dans la situation scolaire n'est pas indépendant de la maniére dont ils seront évalugs. Les contraintes d'évaluation qui psent tant sur lenseignant que sur l'éléve peuvent done influer sur Jeur rapport au savoir et, par le fait méme, sur la maniére dont les objets ¢enseignement seront remodelés par l'enseignant et assimilés par Téleve. C'est pourquoi il est essentiel d'intégrer dans la transposition interne le passage des savoirs récllement appris aux savoirs évalués Dans la premiére partie du présent article, nous avons vu qu'une partie du phénoméne de la transposition didactique non seulement échappe a l'enseignant, mais lui impose certaines contraintes dont il ne peut faire abstraction. En effet, la transposition didactique exteme, qui a pour fonction de déterminer les contenus des programmes d'études en conformité avec les attentes de 1a société, est essentiellement sous la responsabilité du systéme d’éducation. Toutefois, une partie non négligeable de la transposition demeure sous la responsabilité de lenseignant et lui procure, au-deld des contraintes du systéme scolaire et du curriculum qui pésent sur sa pratique, une certaine marge de manoeuvre. Cest 1a oi se joue Ia dynamique entre lenseignement et Vapprentissage, oi les connaissances de I'enseignant et celles de I’éléve entrent en interaction, ov il y a place pour Tétablissement dune relation plus personnelle avec les savoirs. La transposition didactique interne, celle qui s‘effectue dans la pratique pédagogique, est principalement sous la responsabilité de lenseignant, C'est a lui de déterminer comment faire en sorte que les éléves acquiérent la [début de lap. 35 du texte original] maitrise des savoirs. Clest également lui qui doit assurer, en suscitant la collaboration active de léléve, la transformation des savoirs enseignés en savoir réellement appris. La transposition didactique inteme, liée a la mise en oeuvre du curriculum par Venseignant, prend appui sur le eadre de référence de lenseignant, c'est-A-dire sur ensemble des connaissances pouvant guider sa pratique. C'est ce que nous nous proposons d'examiner dans 1a seconde partie du présent article. . 2. La mise en oeuvre du curriculum et le cadre de référence de la pratique Tout travail de transposition didactique interne implique une réappropriation du curriculum par Venseignant, c'est-i-dire une transformation des objets mémes de la pratique pédagogique en fonction des buts de lenseignant. Enseigner, ce n'est pas transmettre aux éléves les contenus des programmes d'études. C'est leur donner des travaux, leur proposer des taches, leur faire faire des exercices, susciter leurs questions, y répondre, concevoir des situations d'apprentissage, en évaluer les résultats, etc. Leenseignant doit done constamment accomplir un travail de réinvention, dexplicitation, de mise en forme, dillustration et de concrétisation du curriculum officiel. I! doit établir Vordre chronologique des apprentissages, hiérarchiser les éléments du programme, déterminer les savoirs généraux dont il devra essurer la maitrise. A ces aspects de création et d'interprétation, inhérents & la mise en oeuvre du curriculum, il faut ajouter les contraintes de divers ordres avec lesquelles lenseignant doit composer et le travail de négociation quiil est amené @ faire pour inciter les éléves & stengager dans leur apprentissage, Tout cela est source de certains écarts, inévitables mais nécessaires, entre le curriculum prescrit et celui qui est enseigné. C'est pourquoi, comme le note Perrenoud (1994), «La culture qui doit Bre concrétement enseignée et évaluée en classe n'est que balisée par le curriculum formel.» (p. 34-35). Ce dernier devra étre mis en oeuvre par Venseignant et, il devra done faire objet d'une interprétation. 2.1 L'interprétation du curriculum Liinterprétation du curriculum par I'enseignant ne se limite pas a la compréhension de ses contenus particuliers. Elle ne peut faire abstraction du contexte de la pratique et tout particuligrement des éléves & qui il enseigne. Par ailleurs, enseigner, ce n'est pas simplement faire acquérir des connaissances sans lien entre elles; c'est aider I'élave a les organiser et favoriser chez lui 'acquisition d'habiletés et d'attitudes fondamentales. Cest pourquoi lenseignant doit aussi prendre en considération le statut des savoirs enseigner. Interpréter le curriculum, c'est en quelque sorte se demander a qui I'on enseigne, queest-ce quion enseigne et pourquoi I'on enseigne. Les réponses @ ces questions, l'enseignant ne peut les trouver dans les programmes d'études. A quij'enseigne? Dans son interprétation du curriculum, lenseignant ne peut ignorer que les éléves diffrent dans leur rapport au savoir. Ce rapport au savoir se construit d'abord dans la famille, mais il slabore aussi au contact de la culture environnante, notamment des médias. Or, les éléves sont inégalement préparés a assimiler les savoirs scolaires, & leur donner un sens. Ils ne possédent pas le méme bagage de connaissances et sont souvent de cultures différentes. Is ne disposent pas tous de stratégies d'apprentissage efficaces, notamment sur le plan métacognitif. Certains sont relativement autonomes, d'autres ont davantage besoin d’étre soutenus. De plus, l'enseignant et les élves n'ont pas un rapport du méme ordre au savoir. Le premier a la responsabilité dorganiser des situations favorables a l'apprentissage, les seconds ont la responsabilité d'apprendre. Mais ils ne possédent pas, comme l'enseignant, une vue d’ensemble des savoirs 4 acquérir et de la manigre dont ils s'articulent. Il faut donc les aider & anticiper les connaissances visées et & faire des liens entre les notions successivement abordées. Lienseignant et les éléves ont également des positions différentes en ce qui conceme la démarche de construction de connaissances, puisque le projet d'enseignement ne coincide pas nécessairement avec le projet dlapprentissage. L'éleve n'a pas toujours le désir de connaitre ce que l'enseignant a pour but de lui faire apprendre. Le sens quill donne 4 lapprentissage peut étre bien différent de celui de lenseignant. Leur position différe également en ce qui a trait a la gestion du temps. Le temps d'enseignement définit une norme conduisant & un certain découpage des savoirs; un ensemble de contenus devant étre abordés dans une période déterminée. Dans la dynamique de lenseignement, les savoirs sont done présentés a Téléve sous une forme progressive et cumulative. Dans la dynamique de l'apprentissage, le temps nest pas nécessairement cumulatif: il peut donner liew & des réorganisations, & des réélaborations, a des intégrations et parfois méme a des régressions. Les enseignants doivent donc, dans la mise en ocuvre du curriculum, sefforeer de concilier deux logiques irréductibles: celle de lenseignement et celle de l'apprentissage. La premigre correspond a une progression ordonnée des contenus du programme et s¢ présente sous la forme d'un découpage de ces contenus en modules, en legons, en exereices liés aux divers objectifs du programme. La seconde correspond au processus de construction des connaissances par I'éléve. Elle obéit & une logique différente, beaucoup moins linéaire, qui ne s'accorde pas toujours avec Ia logique de l'enseignement. Ainsi, tout en respectant Ja logique et la progression du programme, les enseignants doivent adapter les contenus de l'enseignement aux caractéristiques des éleves et du groupe-classe ainsi qu‘a la diversité des objectifs visés. Ils sont constamment engagés dans un processus de reconstruction, de contextualisation et de représentation de la matiére qui vise & en faciliter lapprentissage. Qu'est-ce que j'enseigne et pourquoi je 'enseigne? Dans le cadre scolaire, les savoirs 4 enseigner ne constituent pas seulement un objectif ou une fin en soi. En effet, les contenus de formation définis dans le curriculum sont a la fois des objets ct des outils. En tant quobjets, ils correspondent aux savoirs essentiels définis, dans les grands domaines dapprentissage (Groupe de travail sur Ia réforme de curriculum, 1997). En tant qu’outils, ils servent & "apprentissage Uhabiletés cognitives de niveau supéricur ou de competences générales de divers ordres dont l'acquisition ne reléve pas du domaine exclusif de lenseignement des disciplines (Avis du CSE, 1990; 1994). Crest le cas des compétences iransversales, proposées par la récente réforme du curriculum, dont I'aequisition doit se faire dans Tensemble des matiéres. Chaque discipline posséde ainsi, outre sa valeur intcinséque A titre de domaine de connaissance, une valeur instrumentale, puisquielle participe a Iatteinte dobjectifs généraux des programmes. Ces objectifs généraux, qui renvoient a la formation fondamentale visée par des contenus c'apprentissage variés, ne peuvent se réduire a lacquisition de connaissances particuligres. Ils somt davantage de ordre de finalités éducatives qui ne peuvent étre atteintes sans un minimum de concertation pédagogique et de collaboration interdisciplinaire. Ils peuvent étre concrétisés par l'enseignant, a lintérieur de sa pratique pédagogique, par la fagon dont il exploite les contenus de son enseignement. C'est en ce sens que le Conseil supérieur de l'éducation (1990) invite chaque enseignant a se pereevoir non seulement comme un spécialiste, mais comme un généraliste, aidant Téléve a établir des liens entre les divers apprentissages scolaires ainsi quentre les apprentissages et la réalité extrascolaire. Dans linterprétation du curriculum, il s'agit de favoriser le développement d'un savoir significatif, clest-A-dire lié aux savoirs antérieurs de léléve, structuré, c'est-a-dire permettant de relier les connaissances les unes aux autres, et Iransférable, c' lire applicable dans des contextes autres que celui de Técole. Ainsi, au-dela des contenus particuliers définis dans les programmes, l'enseignant doit savoir exploiter les objets denscignement de telle fagon quiils puissent contribuer a Tatteinte dobjectifs plus globaux. L'enseignant, dans une «appropriation responsable» du curriculum officiel, (Avis du CES, 1994) ne pout done faire !'économie d'une réflexion [alébut de la p. 36 du texte original] sur les finalités de l'éducation et sur le contexte socioculturel 4 l'origine des missions qui sont confiées & I'école. Cette réflexion interpelle l'enseignant sur le plan de ses propres valeurs et du sens qu'll donne a sa discipline au regard de finalités éducatives plus larges. Elle ne peut non plus faire abstraction de ses caractéristiques propres, aussi bien personnelles que socioculturelles et professionnelles. Le choix de ses stratégies pédagogiques ne prend done pas appui exclusivement sur ce qu'il sait, mais également sur ce qu'il est ct sur ses propres valeurs, Son questionnement ne se limite pas & «quoi enseigner ni méme a comment enseigner, mais inclut aussi le «pourquoi enseigner» tel ou tel contenu a tels ou tels éléves. Les réponses a ce type de questions reposent principalement sur le eadre de référence de l'enseignant, c'est-d-dire sur un ensemble de savoirs relatifs au contexte, aux éléves et aux contenus qui vont grandement influer sur sa fagon de remodeler les objets de sa pratique pédagogique. C'est ce cadre de référence dont nous définirons maintenant les principales composantes. 2.2 Le cadre de référence de l'enseignant Ce qui guide lenseignant, ce ne sont pas seulement les caractéristiques du groupe-classe et les contenus de lenseignement, mais la représentation quill sen fait, Cette représentation nest évidemment pas statique mais dynamique, puisqu’elle évolue cn fonction des connaissances et de Texpérience acquise par l'enscignant au cours de sa pratique. Cette représentation esi done fonction du cadre de référence de l'enscignant, Cest-i-dire des connaissances sur lesquelles il prend appui pour guider sa pratique pédagogique. Ce cadre de référence comporte de nombreuses composantes. En effet, lorsque les enseignants préparent leurs cours et enseignent A leurs éléves, ils puisent différentes sources. Ils intégrent a leur connaissance de la matiére d'autres éléments de connai: pertinents pour I'enseignement. Ces demiers ne sont pas explicitement présents dans le programme, mais ils influent largement sur la maniére dont les enseignants vont le mettre en oeuvre et la fagon dont il vont enseigner. Ainsi, le rapport qu'entreticnnent les enseignants avec les «savoits a enseignem est «cmultidimensionneb». Il ne se réduit pas & la connaissance de la matiére ou des contenus des programmes d'études, mais implique tune perspective particuliére en ce qui conceme Ia discipline correspondant & ce que Shulman (1986) appelle la connaissance pédagogique de In matiére. Cette derniere repose sur un ensemble de savoirs contextuels, disciplinaires, pédagogiques et didactiques qui ne sont pas simplement juxtaposés, mais intégrés sous une forme qui permette de faciliter acquisition de connaissances par l'éléve. Ce sont dailleurs ces, connaissances qui distinguent, selon Shulman (1986, 1987), I'expertise de lenseignant de celle du spécialiste d'une discipline. Ces connaissances peuvent étre aussi bien implicites quexplicites, puisque lenseignant n'est pas nécessairement conscient de ensemble des connaissances qui guident son action. Il peut délibérément prendre appui sur certains savoirs tout comme il peut subir T'influence, & son insu, des nombreuses connaissances acquises par Texpérience. On peut regrouper ces connaissances cn trois grandes composantes interreliées: la connaissance du contexte, la connaissance des éléves et la connaissance des contenus, La figure 1 présente différentes connaissances constitutives du cadre de référence de l'enseignant. Elle n'en fournit pas une représentation exhaustive, mais elle vise a illustrer Je caractére multidimensionnel du rapport de lenseignant aux savoirs a enseigner. ‘CADRE DE REFERENCE DE L'ENSEIGNANT Connaissance du CONTEXTE Connaissance du contexte éducatif au sens large: - connaissance de l'environnement social et culture! de I'école connaissance de divers milieux éducatifs connaissance des finalités et des buts de l'éducation | connaissance de institution scolaire, etc Connaissance du contexte de I'école et de Ia classe: | + connaissance du projet éducatif de l'école = connaissance du milieu professionnel (collegues, etc.) = connaissance des ressources fournies par le milieu ~ connaissance de la classe, ete, | Connaissance des ELEVES | Caractéristiques du groupe-classe: . |- dynamique ~ homogéneité ou hétérogénéité = degré de motivation ~ habiletés sociales ~ degré de coopération ou de compétition, etc. Caractéristiques des éleves: ccau de développement cognitif, affectif et social - motivation a |'égard des apprentissages scolaires | - répertoire de connaissances et d'expériences culture dorigine = niveau socio-eonomique - répertoire des stratégies (cognitives, métacognitives, etc.) - niveau de maitrise des habiletés préalables Caractéristiques des processus d'apprentissage: ~ processus cognitif en jeu dans l'apprentissage = r0le des connaissances antéricures = nature des «conceptions intuitives et spontanées» | - effet des représentations préalables sur l'apprentissage | - rdle des stratégies cognitives et métacognitives + réle de organisation des connaissances, etc. Connaissance du contenu Connaissance de la discipline et culture générale: - principaux concepts constitutifs de la discipline + liens entre ces concepts (réseau dle concepts, concepts intégrateurs) | «structure de ta diseipline | liens avee des notions appartenant a d'autres di - méthode diinvestigation propre a la disci = taches, situations, problémes liés a la discipline - épistémologie de la discipline, ete, ‘iplines Connaissance du curriculum: + notions, sujets, concepts, modules du programme + objectifs dur programme + ressources pédagogiques ou didactiques - matériel approprié et accessible ~ connaissance verticale: liens avec les programmes antérieurs et ultérieurs dans laméme | discipline | - connaissance horizontale: liens avec les contenus abordés dans @autres programmes, | ete. | Connaissance pédagogique de la matire: + nature des connaissances (déclaratives, conditionnelles et procédurales) en cause + niveau de complexité et de généralité des notions enseignées + liens avec les connaissances antérieures et les représentations préalables de l'apprenant | = utilité de certains exemples, analogies, comparaisons, métaphores, ete, | = liens avec des situations extrascolaires | + niveaux de complexité ou registres de formation selon lesquels on peut aborder ces notions - concepts clés et nocuds de difficulté, ete, La connaissance du contexte La connaissance du contexte comporte Vensemble des connaissances que posséde Venseignant relativement 4 divers contextes éducatif’. Elle ne se limite pas au contexte de la classe puisqu'elle inclut les savoirs relatifs 4 environnement éducatif au sens large. Il va de soi quiune telle connaissance est ¢troitement lige au bagage d'expsriences de Yenseignant et 4 leur plus ou moins grande diversité. Par exemple, l'enseignant qui a travaillé dans divers milieux socio-économiques et culturels aura une connaissance plus vaste et plus diversifige des contextes éducatif’ que celui dont I'expérience se limite a un seul milieu d'enseignement. La connaissance du contexte éducatif joue done un réle important dans la manire d'adapter les contenus de 'enseignement au contexte de la pratique. Elle met également en cause les conceptions de lenseignant sur les finalités de 'éducation et ses valeurs sous-jacentes. La connaissance des éléves La connaissance des éléves implique aussi bien la connaissance du groupe-classe que la connaissance des processus d'appreniissage des éleves. La dynamique peut étre tres diférente d'un groupe autre et influer de fagon importante sur le choix des siratégies pédagogiques, Tout enseignant [début de ta p. 37 du texte original] sait bien que les groupes different les uns des autres et ou'il doit adapter sa pratique pédagogique en consequence. Il en est de méme des caractéristiques des éléves. Ces demicrs peuvent différer & plusieurs égards: leur niveau de développement cognitif, social et affectif, leur motivation au regard de lapprentissage ou leur répertoire de connaissances et de strategies tant cognitives que métacognitives. La représentation que se fait Venseignant des processus d'apprentissage de I'éleve, notamment du réle facilitateur ou perturbateur des représentations intuitives, est une composante importante de la connaissance des éléves. En effet, l'une des fonctions de 'enseignant consiste a faire évoluer les représentations intuitives ou naives des éleves dans la direction des savoirs objectivés transmis par la culture. II doit done apprendre & reconnaltre les connaissances antgricures des éléves sur lesquelles il devra prendre appui et les types dobstacles associés a lapprentissage de certaines notions. Il doit prendre en considération la pertinence et le niveau de difficulté des taches qu'il propose aux éléves. Ce type de savoir nlest pas relatif uniquement aux caractéristiques des éléves, mais a I'influence que celles- ci peuvent avoir sur les interactions, tant cognitives qwaffectives, entre les jeunes et les contenus de l'enseignement. La représentation que l'enseignant se fait des processus dapprentissage de I'éleve est importante 4 plusieurs égards. Non seulement elle influe sur sa fagon d’intervenir, mais elle a aussi un effet sur la vision de lapprenant lui-méme en ce qui concerne 'apprentissage et, par le fait méme, sur son rapport au savoir. La connaissance du contenu. La connaissance du contenu comprend bien sir 1a connaissance de la discipline et des programmes, mais elle ne s'y limite pas. Elle inclut également des connaissances & la fois pédagogiques ct didactiques, relatives aux conienus, qui ne sont pas dissociées des connaissances de la discipline et du curriculum. La connaissance de la discipline ne se réduit pas a la connaissance des principaux concepts constitutifs de cette discipline et de leurs relations. Elle comporte également des connaissances relatives la structure de la discipline, aux méthodes dinvestigation qui lui sont propres et aux rapports quelle entretient avec d'autres champs de connaissance. En ce sens, elle n'est pas indépendante de la culture générale de 'enseignant. Elle inclut aussi une connaissance des types de tiches & accomplir ou de problémes 4 résoudre relativement aux contenus et des exigences variées que cela peut entrainer, Ce type de connaissances permet a I'enseignant de mettre en évidence la pertinence et I'ullité des contenus des différentes disciplines dans des contextes autres que scolaires. Il joue un r6le particuliérement important dans le choix des exemples ou des situations proposés aux éléves La connaissance des programmes inclut la connaissance des sujets et des notions enseignés dans les diverses classes ainsi que celle du matériel pédagogique disponible et de ses contextes ou conditions d'utilisation. Shulman (1986) distingue deux aspects de la connaissance du curriculum: la connaissance latérale ou horizontale et la connaissance verticale. Le premier aspect est relatif 4 la connaissance des autres matiéres simultanément enseignées aux éléves d'une méme année, Elle est généralement moins difficile pour les enseignants du primaire qui enseignent la plupart des matiéres du programme. Elle lest davantage au secondaire ot les enseignants se pergoivent plutét comme des spécialistes d'une discipline et ont peu de contacts avec leurs collegues des autres matigres. Le second aspect implique une certaine connaissance des notions dune discipline qui ont &é enseignées ou seront enseignées. C'est cette connaissance horizontale et verticale du curriculum qui sous-tend I'habileté de l'enseignant a relier le contenu d'une legon a des sujets, a des questions ou des notions présentés dans d'autres cours ow a des étapes différentes du programme, Cette idée a été reprise dans le récent projet de réforme du curriculum pour faciliter la mise en oeuvre des programmes. On propose en effet de présenter ces demniers sous la forme de deux documents: l'un, de type vertical, indiquant, pour chaque programme, ensemble des cours qui le constituent année aprés année; l'autre, de type horizontal, prenant la forme d'un documesit de référence établissant le champ d'action collective du personnel enseignant, clest-i-dire ensemble du contenu des matiéres pour chaque année d'études (Groupe de travail sur la réforme du curriculum, 1997). La connaissance pédagogique de la mati’re correspond la fagon de représenter et de formuler les contenus d'enseignement sous une forme qui les rende significatifs et plus facilement assimilables par les éléves. Elle inclut une compréhension des difficultés particuliéres relatives & Tapprentissage de telle ou telle notion; une connaissance des conceptions préalables des €leves qui peuvent nuire a l'apprentissage; une connaissance des stratégies les plus efficaces pour amener les éléves a restructurer ou a réorganiser leurs connaissances antéricures; la connaissance des notions clés ou des concepts intégrateurs permettant de distinguer, dans la structure d'une discipline, ce qui est essentiel et ce qui est aecessoire (Develay, 1996); la connaissance de «différents niveaux de formulation» ou cregistres de conceptualisation» (Astolfi et Develay, 1989) permettant d'aborder un méme ensemble de notions selon des niveaux de complexité ou dabstraction variés, etc. La connaissance pédagogique de la mativre permet & Yenseignant de se représenter non seulement les connaissances ou competences visées par son enseignement, mais les connaissances et processus de raisonnement utilisés par Yapprenant et leur effet éventuel sur 'apprentissage. Elle est indispensable pour amener Teéleve & construire de nouvelles connaissances partir de celles qu'll a déja acquises. Ce sont ces différentes composantes du cadre de référence de l'enseignant qui vont guider Vinterprétation et la mise en ocuvre du curriculum, c'est-a-dire le passage du curriculum officiel au curriculum effeotif. Cest ce cadre de référence qui oriente en grande partie les, processus de la transposition didactique interme, Dans cette perspective, le curriculum formel n'est pas considéré comme un objet dappremtissage, mais comme un outil @enscigncment au service de lapprentissage, un instrument de travail a partir duquel des choix pédagogiques adaptés aux contenus, au contexte, aux éléves et & la dynamique du groupe-classe peuvent étre faits. En tant qu’outil il doit fournir a lenscignant les repéres essentiels qui lui permettront de situer la contribution particuliére de ce qu'il enseigne a la formation générale de Iéléve. Mais il doit aussi laisser & Tenseignant une marge de manoeuvre suffisante pour assurer sa mise en oeuvre. Ine peut préciser en détail comment ce dernier devra s'y prendre pour atteindre les objectifs. Cette perspective sollicite tout particuliérement expertise professionnelle de T'enseignant puisque interpretation et la mise en ceuvre du curriculum dépendent largement de son bagage de connaissances et dex Conclusion Dans le présent article, nous avons établi une distinction entre deux grands niveaux de la transposition didactique: lun exierne 2 la pratique et l'autre inteme a la pratique, cest-i- dire aux relations qui s'établissent entre l'enseignant, I'éleve et le savoir. Nous avons cherché & montrer que la transposition didactique interne ne peut {début de la p. 38 du texte original) avoir licu sans une réappropriation du curriculum par lenseignant prenant appui sur son cadre de référence, ¢c'est-a-dire les connaissances de divers ordres susceptibles de guider sa pratique pédagogique. S'approprier un curriculum n'est pas une démarche que Ton fait une fois pour toutes, mais un processus sans cesse renouvelé, année aprés année, Il existe en effet une interaction continuelle entre 'appropriation ou [a réappropriation dun curriculum par Tenseignant et l'élaboration de son cadre de référence, Tout censeignant débute avec un certain cadre de référence, puisque méme lenseignant novice posséde déja une certaine représentation du contexte, des éléves et des contenus. Au fur et A mesure quill est amené interpréter le curriculum pour le mettre en oeuvre dans un contexte déterminé, l'enseignant est susceptible d'enrichir son cadre de référence, de le modifier. Par conséquent, Ics connaissances et habiletés cn jeu dans la transposition didactique ne peuvent se réduire a de simples techniques quon pourrait transmetire aux futurs enseignants au cours de leur formation initiale. Elles relévent de processus @'inierprétation consistant donner un sens A des objets de savoir dans des contextes diversifiés. Elles impliquent un rapport dynamique et constamment renouvelé avee les savoirs A enseigner puisque Ienseignant est sans cesse amené 4 modifier sa comprehension de ces savoirs par leur enseignement Si la formation initiale doit, bien str, faire en sorte que les fururs enseignants acquiérent, les connaissances de base nécessaires a la pratique, elle doit aussi les préparer a se donner une formation continue au cours leur pratique professionnelle. Pour cela, ils doivent disposer de cadres de référence significatif’ leur permettant de réfléchir sur leur pratique pour en titer un enseignement. Ils doivent aussi trouver dans le milieu un soutien adéquat pour consiruire graduellement leur compéience. I! est cone important de concevoir des dispositifs d'insertion professionnelle pouvant faciliter 'appropriation du curriculum par Tenseignant et 'enrichissement graduel de son cadre de référence. La transposition didactique ne doit pas étre vue comme une transformation globale du programme préalable & sa mise en ocuvre. Elle se manifeste dans le travail quotidien de Tenseignant par une série dlajustements et denrichissements graduels, une adaptation et tune personnalisation progressives, tant en ce qui concerne Ja planification de legons et interaction en classe qu’en ce qui a trait a l'évaluation des apprentissages et des stratégies Genseignement. Elle prend simultanément appui sur le bagage de connaissances de Yeaseignant et sur les diverses expériences qui peuvent l'enrichir, mais aussi sur une attitude douverture qui laisse place, au-dela des actions routiniéres nécessaires & la pratique quotidienne, a l'innovation, a Vimagination, a la recherche erative de nouveaux moyens adaptés au contexte, aux éléves et a la personnalité méme de Yenscignant. Un exemple de transposition didact force Vapprentissage du concept de Enseigner un concept tel que celui de «force» ne se réduit pas a faire apprendre un ensemble de definitions, de formules, de régles ou dalgorithmes de calcul. Crest plutdt aider l'éleve & comprendre la signification «scientifiquen de ce concept, signification qui differe de celle du «sens commun». Si le but de lenseignant est d'amener I'éléve A se représenter Ie concept de force, c'est-t-dire les phénoménes quiil permet de décrire, il devre effectuer un travail de transposition didactique. Cette demisre est nécessairement influencée par le cadre de référence de Venseignant et les éléments qui le constituent Ceux-ci incluent tout autant ses expériences d'enseignement et sa connaissance des éléves que les connaissances pédagogiques ou didactiques qu'il a acquises. L’exemple qui suit nous a été fourni par un enseignant d'expérience. 11 illustre en quoi la représentation que Venseignant se fait de la manire dont les éléves peuvent parvenir & Jassimiler la signification du concept de force, influe sur son choix de situations | Sidactiques et de strates pédagogiques permetiant de les expliter | Comme le démontrent, entre autres, les travaux de Lemeignan et Weil-Barais, les éleves | sont incapables de construire par eux-mémes les concepts formels comme celui de ta | force. En tant qu'enseignants, comment peuicon tes aider? Le clef réside dans le fait que. "dans la construction des concepts formels, la démarche hypothéugue est centrale, II faut | que lenseignant puisse amener les éleves a formuuler des hypotheses pour expliquer des phénombnes et en prédire de nouveaux. Pour ce faire, Venseignant doit imaginer des situations qui favoriseroni une telle démarche. «La procédure que je suis est celle proposée par Lemeignan et Weil-Barais dans leur ouvrage intitulé Construite des concepts en physique. Dans un premier temps, les éléves | sont amenés 4 élaborer un modéle «précurseur» au modéle newtonien. Dans ce premier modéle, baptisé «modéle interaction», les éléves sont conduits, par des discussions, & établir des correspondances enire les événements et les interactions sans pour cela introduire les concepts de masse et diaceélération, Dans ce modéle «primitify, les objets sont conceptualisés non pour ce quiils sont, mais selon les interactions quils entretiennent avec les autres objets. Apres discussion, les éléves conviennent dune | représentation symbolique commune & tous les objets (personnes, véhicules, Terre...) Pour représenter les interactions, irs souvent et spontanément, les éleves choisissent de dessiner une fldche pour indiquer la direction et le sens. Les expressions «awtant que» et «plus que» sont traduites par la grandeur des fldches «Voyons un exemple. «Prenons le cas de votre premibre oeuvre absiraite que vous avez suspendue & aide de deux cordes lors de votre dernier vernissage. Le dessin pouvant illustrer la situation est | le suivant. | | «Si nous représentons la méme situation sous la forme symbolique convenue, nous | obtiendrons la figure ci-dessous: | | Ae T ‘evmtace Toensate «Lorsque les éleves seroni familiers avec ce «modéle interaction», nous procéderons | alors & la construction duu modéle classique de force.» | “Cet exemple illustre comment Tenseignant, en prenant appui sur sa connaissance de Tapprentissage du concept de force et des abstacles qui lui sont associés, est amené | faire construire par I'éléve un «modéle transitoiren. Ce demier, essentiellement qualitatif | et ne faisant intervenir aucune définition formelle, vise a faciliter la conceptualisation par Téleve des phénoménes que représente le concept de force. Ce amodéle transitoiren, précurseur du modéle newtonien, a une valeur essentiellement pédagogique. Tl sert en | quelque sorte de pont entre ce que Téiéve connait et ce que l'enscignant a pour but de Lui faire apprendre. L'accent est mis sur la comprehension du concept, e'est-a-dire sur ce qu'il représente, ct non sur sa définition formelle que I'éléve pourrait fort bien mémoriser sans | en comprendre le sens. Références ASTOLFI, J.-P. L’école pour apprendre, ESF éditeur, coll. Pédagogies .2° édition, Paris, 1993, CHEVALLARD, Y. La transposition didactique, Grenoble, Editions La pensée sauvage, 1991. CONSEIL SUPERIEUR DE L'EDUCATION. L'intégration des savoirs au secondaire, Avis du Conseil supérieur de l'éducation, 1990. CONSEIL SUPERIEUR DE L'EDUCATION. Rénover le curriculum du primaire et du secondaire, Avis du conseil supérieur de l'éducation, 1994. DEVELAY, M. De lapprentissage a T'enseignement, Paris, ESF éditeur, coll Pédagogies, 2° édition, 1993. JOHSUA, $. et S, DUPIN. Introduction & la didactique des sciences et des mathématiques, Paris, PUF, 1993 GROUPE DE TRAVAIL SUR LA REFORME DU CURRICULUM. Ré: Québec, ministére de "Education, 1997, sffirmer lécole, LEGENDRE, M.-F. «Transposition didactique et réflexion épistémologique», Specire, février-mars 1995, p. 9-15. MEIRIEU, P. Enseigner, scénario pour un nouveau métier, Paris, ESF Editeur 5° édi 1992. MEIRIEU, P. Apprendre, oui mais comment?, Paris, ESF Editeur, 11° édition, 1993. PERRENOUD, P. Métier d'éidve et sens du iravail scolaire, Paris, ESF Editeur, 1994, SHULMAN, LS. «Those Who Understand: Knowledge Growth in Teaching», Educational Researcher, vol. 15 (2), 1986, p. 4-14. Notes Marie-Frangoise Legendre est professcure & la Faculté des sciences de Téducation & "Université de Montréal.

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