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BRATSCH

« Nous sommes tous des oiseaux de passage. Demain nous serons loin ». (Dan)

Une histoire comme il n’en existe plus que dans les récits d’un temps révolu : Des
potes, l’envie de se tenir chaud, une amitié indéfectible, une passion, et la musique…
Colonne vertébrale de ce bien singulier quintet….
Pour bringuebaler tout ça, quelques vents et marées, au final assez peu. Des
courants contraires, beaucoup. Des kilomètres, énormément, et surtout des
rencontres… Tout le temps.
Voici donc l’histoire vraie d’une bande de pirates d’eau douce. De gentils de grands
chemins : Les BRATSCH.

« On vient d’histoires différentes, on n’a pas eu à renier quoi que ce soit » (Pierre)

La formation prend ancre au beau milieu des années 70. Connaître la date exacte
relève d’un luxe dont personne ici n’a réellement les moyens…
Dan, pas encore le Clapton manouche d’aujourd’hui, mais déjà guitariste du Monde,
quitte Lyon avec la ferme intention de sillonner le globe. Arrivé en banlieue
parisienne, il remplit la gamelle en faisant le videur dans une boite de strip-tease ou
passe parfois Bruno…
Bruno, moustaches et galurins 100% manouches, biologiste de formation, violoniste
virtuose, apprend que Dan joue de la guitare… Et que si on veut le trouver c’est
facile… Il loge dans le presbytère ! Les voies du Seigneur sont souvent
hospitalières…
Les deux hommes se parlent. Se trouvent des airs traditionnels d’Europe centrale.
Ne se quitteront plus.
De son coté, Pierre, dessinateur industriel, vend des ventilateurs avec l’entrain que
l’on peut imaginer d’un type ne rêvant que de caresser la contrebasse jazz. La
rencontre se fait.
Pierre quitte ses costumes en tergal (N’oubliez pas, nous sommes à la fin des
années 70 !!), laisse pousser ses cheveux. Les ébouriffe… Et s’en va teinter de
swing le son Rom des deux zigotos précités…
L’embryon du groupe est formé. Sa vraie différence aussi. Chacun amène son
univers. Ses notes. Ses mots. Ses coups de blues, de cœur, de gueule… De cul !
Du coup… Quand, quelques temps plus tard, déboulent François, beau gosse à
queue de cheval indienne, œil clair et accordéon ravageur, puis Nano, clarinettiste,
pur produit du jazz qu’il enseignait, on ne pousse pas les meubles… On agrandit la
maison. Parce qu’on sait intuitivement que ces cinq là vont y passer un sacré bout de
temps.
« Les choses qui nous échappent restent très importantes » (Bruno)

25 ans.
25 ans à faire des disques. Pas des tonnes. Une petite douzaine en fait.
Mais surtout 25 ans à faire la route. Et pas la petite.
25 ans à préférer les odorants chemins de traverses de la scène aux autoroutes de
l’information que sont les voies « royales » des major compagnies.
25 ans. De Prague à Denver, en passant par Bratislava, Paris Stuttgart, Limoges,
Madrid, Oslo, Izmir, Alexandrie, Poznan, Zagreb, Dubrovnik, Chalons en
Champagne…
25 ans d’un tour du monde désordonné, bruyant, gai et coloré.
25 ans d’une musique sans accroche géographie… Pas étonnant qu’on la
comprenne partout. C’est de là qu’elle vient !
25 ans qu’en trainant leur bonne humeur dansante de gitans célestes sur la sono
mondiale ils se sont fait des amis, des bébés, des frères d’armes, des cousins.

« Ne jamais rien laisser tomber » (Nano)

Il y-a des entreprises où, si vous atteignez les 25 ans d’ancienneté, le CE (encore un
mot qu’ils ne connaissent pas et Dieu les en préserve !) offre un voyage.
Eux ont décidé de nous l’offrir.
Ce voyage s’appelle « Plein du monde » : Un tortillard sillonnant les musique d’un
globe dont on oublie si souvent qu’en le regardant autrement que par les hublots
télé, on le trouverai époustouflant.
Tortillard au contrôleur plutôt relax puisqu’ y ont embarqué quelques passagers
clandestins de renom… Ou non : Monsieur Charles… Aznavour. Père de tous.
Balbino Medellin, Debout sur le Zinc, La rue Ketanou et Sanseverino… Petits
frères de sang gitan. Tété, Khaled, cousins si proches d’un sud lointain. Nery
l’insaisissable ami. Lhasa, Nourith, fragiles compagnes d’émotion. Juliette, sœur
jumelle forte en gueule et puis… Petite dernière, lointaine et turbulente nièce par
amour : Olivia Ruiz.

« Etre ouvert. Ne jamais avoir un style auquel on se tient fermement. Ecouter »


(François)

« Plein du monde » est bourré de gens, de genres, de talents, de sons et de


langues... Un album de Bratsch quoi !
Groupe dont il serait temps qu’après le monde, les médias français les découvrent…
Enfin, ça, c’est moi qui le dit parce qu’eux, vieux chats de gouttière amusés, en
arrivent à se demander si un gros succès commercial ne serait finalement pas un
drame. Ils ont trop roulé leur bosse, usé le cuir de leurs étuis à instrument et leurs
fonds de culotte dans des bus de tournée, pour ne pas savoir qu’une galette n’est
qu’un épiphénomène. Fut-elle en d’or, platine ou diamant.
Si forte soit elle, la cohésion d’un groupe est une potion magique dont le créateur
aurait avalé la formule. Un énorme succès, bien que mérité, ne serait-il pas,
finalement, une tuile ?
Le problème, c’est qu’a ce point d’intégrité, rien ne peut être laissé au hasard.
Conséquence, parce que sans concession, ce disque est bon. Fichtrement bon.
Alors à vous de voir.
Ouvrez le, vivez le, diffusez le, faites passer les Bratsch à la postérité ou bien….
Gardez-le jalousement. N’en parlez à personne. Traitez-le comme un trésor : un
immense vin d’Ouzbékistan dont peu connaissent l’existence. Buvez le seul ou avec
des amis proches. De la famille…
Ce serait un peu égoïste, limite dégueulasse…
Mais bon. Je vous comprendrais. Chacun ses trésors.

Eric Jean-Jean

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