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POUR UNE UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS DANS LA

COMPRÉHENSION DES PRATIQUES DE GESTION DES


RESSOURCES HUMAINES DANS LES ENTREPRISES
Claire Dupont, Gérard Warnotte

De Boeck Supérieur | « Reflets et perspectives de la vie économique »

2007/2 Tome XLVI | pages 141 à 153


ISSN 0034-2971
ISBN 2804155889

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economique-2007-2-page-141.htm
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Pour citer cet article :


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Claire Dupont, Gérard Warnotte« Pour une utilisation des études de cas dans la
compréhension des pratiques de gestion des ressources humaines dans les
entreprises », Reflets et perspectives de la vie économique 2007/2 (Tome XLVI),
p. 141-153.
DOI 10.3917/rpve.462.0141
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Pour une utilisation des études
de cas dans la compréhension
des pratiques de gestion
des ressources humaines
dans les entreprises
Claire Dupont * et Gérard Warnotte **

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Abstract – Though large scale studies enable to understand current trends like absen-
teeism, lowering motivation among some groups of workers or problems encountered
in hiring workers with specific skills on the Belgian labour market, they do not always
help to capture why companies set up specific human resource management prac-
tices. For instance, these studies seem to devote little attention to contextual factors
that can affect work organisation. Based on quantitative methods, they often fail to inte-
grate perceptions of individuals working at different organisational levels and to capture
the underlying dynamics of specific HRM practices. Considering our empirical approach
at the firm level, we argue that a more qualitative analysis, especially based on detailed
case studies, could contribute to enrich these quantitative approaches through a better
understanding of companies behaviour on the labour market and to suggest new origi-
nal theories or proposals related to work organisation. For example, these proposals
can be either to adopt a more diagnostic approach for companies that need to imple-
ment specific changes or to take into account the potential impact of previous experi-
ences in the decision-making process.

JEL Codes: M10, M12.


Keywords – personnel management, qualitative methodology, case study, work
organisation.

* Claire Dupont est assistante au Centre de Recherche Warocqué, Faculté Warocqué d’Économie
et de Gestion, Université de Mons-Hainaut. Courriel : claire.dupont@umh.ac.be.
** Gérard Warnotte est professeur émérite à l’Institut d’Administration et de Gestion, Université
Catholique de Louvain. Courriel : gerard.warnotte@skynet.be.

Reflets et Perspectives, XLVI, 2007/2-3 — 141


CLAIRE DUPONT ET GÉRARD WARNOTTE

1 INTRODUCTION

À l’heure où les environnements organisationnels sont de plus en plus instables,


comprendre au mieux l’intérêt et les apports éventuels de l’implantation de prati-
ques de travail spécifiques semble devenir l’une des préoccupations majeures des
entreprises et des chercheurs. La littérature en gestion des ressources humaines
(GRH) regorge ainsi d’études reflétant aussi bien les principales tendances en
matière d’organisation du travail que s’attardant sur les liens pouvant exister entre
l’introduction de certaines pratiques de travail et la performance (notion prise au
sens large) des entreprises. Ainsi, concernant la Belgique, Bouquin (2005) note que
l’interim semble devenir la voie d’accès à l’emploi, que les entreprises pratiquent
de plus en plus des systèmes de formation sur le tas, etc. ; Bogaert et Vloeberghs
(2005) constatent que près de 43 % des entreprises qu’ils ont étudiées déclarent dis-

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poser de systèmes leur permettant de gérer l’hétérogénéité de leur force de travail...
Beaucoup d’études tentent aussi de dépasser ce côté descriptif des pratiques
de travail en entreprises pour examiner les éventuels liens existant entre ces prati-
ques et la performance organisationnelle. Un certain nombre d’entre elles concluent
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à l’existence d’un lien étroit entre l’utilisation de certaines pratiques de travail et


l’amélioration de la performance. Huselid constate ainsi, en 1995, sur base de don-
nées recueillies auprès de 968 sociétés américaines, que des techniques particu-
lières de recrutement et de sélection ainsi que certains programmes d’implication
ou de formation contribuent à réduire le turnover des entreprises qui les introdui-
sent et améliorent leur productivité. De son côté, Hiltrop (1996) insiste sur l’impact
du travail en équipe, des systèmes de paie reliés à la performance de l’entreprise
ou encore des processus conduisant à décentraliser les décisions dans la création
d’un véritable avantage compétitif pour les entreprises. D’autres auteurs entre-
voient également des associations significativement positives entre la flexibilité du
temps de travail, sensée répondre aux aspirations personnelles des salariés, et la
performance organisationnelle (Cerdin et Som, 2003), ou entre des systèmes spé-
cifiques de profit-sharing et la productivité des entreprises qui les introduisent
(Cahuc et Dormont, 1997).
Cependant, toutes les études s’attardant sur l’impact (que ce soit au niveau
performance, productivité, etc.) de l’introduction de pratiques de travail particuliè-
res n’aboutissent pas toujours aux mêmes conclusions. Ainsi, en synthétisant les
résultats de publications étudiant les liens éventuels entre pratiques de GRH et per-
formance, Wall et Wood (2005) constatent que la formation ou encore la structure
du travail n’est pas reliée à certains ratios financiers et qu’il n’existe aucune relation
entre l’utilisation de certaines pratiques de GRH et la productivité ou le profit des en-
treprises. De tels résultats amènent ces auteurs à conclure que la preuve empirique
d’un lien quelconque entre pratiques de GRH et performance organisationnelle
n’est pas assez forte.
Dans cet article, nous nous intéresserons, bien plus qu’à la recherche de liens
éventuels entre pratiques de travail et performance, à la méthodologie et aux tech-
niques de recueil et de traitement des données généralement utilisées dans de tel-
les études. Notre objectif est de démontrer que les approches utilisées dans les
études dominant la littérature et relatives aux pratiques de travail ne nous appor-

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POUR UNE UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS DANS LA COMPRÉHENSION DES PRATIQUES…

tent qu’une compréhension limitée de ces pratiques et de leur impact sur le mar-
ché du travail dans le sens où elles minorent, voire ignorent, l’existence de certains
facteurs. Nous traiterons dès lors des multiples intérêts que peut représenter l’uti-
lisation, en complément à de telles études, de méthodes de recherche davantage
qualitatives. En nous basant plus particulièrement sur la méthodologie des études
de cas, nous montrerons que de telles approches des entreprises sont suscepti-
bles de mettre à jour des facteurs généralement ignorés et par là, d’améliorer notre
compréhension des pratiques de travail telles que mises en place dans les entre-
prises.
Pour ce faire, nous nous attarderons sur les hypothèses et méthodes spécifi-
ques sous-tendant les études s’intéressant aux liens entre pratiques de travail et
performance et nous questionnerons sur leurs limites (section 2). Ensuite, nous
proposerons une autre méthode d’approche, consistant à appréhender les entre-

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prises d’une manière plus qualitative et permettant de dépasser les limites évo-
quées précédemment. Dans cette optique, nous aborderons le thème des études
de cas, expliquerons en quoi consistent de telles études et comment celles-ci peu-
vent dépasser les limites des études axées sur la recherche de liens entre prati-
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ques de travail et performance. Nous illustrerons également, sur base de certaines


observations découlant d’une recherche empirique basée sur les études de cas,
comment une telle méthodologie peut contribuer à enrichir notre compréhension
liée à l’organisation du travail dans les entreprises (section 3). Enfin, nous conclu-
rons dans la section 4.

2 QUELQUES LIMITES CONCERNANT L’APPROCHE


SOUS-TENDANT LES ÉTUDES RELATIVES
AUX PRATIQUES DE GRH
Les différentes études que nous avons consultées (Arnone et al., 2005 ; Bogaert
et Vloeberghs, 2005 ; Boselie et al., 2005 ; Bouquin, 2005 ; Wall et Wood, 2005 ;
Storey, 2002 ; Jayaram et al., 1999 ; Hiltrop, 1996 ; Huselid, 1995 ; etc.) et qui
s’intéressent généralement toutes aux apports éventuels d’une (ou d’un ensemble
de) pratique(s) de travail pour l’entreprise et son personnel semblent généralement
se caractériser par des méthodes de recherche communes. Nous allons dans cet-
te section nous attarder sur ces méthodes et les hypothèses qui les sous-tendent
afin de nous questionner sur leur utilité dans la compréhension approfondie de l’or-
ganisation du travail dans les entreprises.
Tout d’abord, nous constatons que les études s’intéressant aux liens entre
pratiques de travail et performance sont bien souvent organisées selon des ap-
proches principalement quantitatives, visant à analyser les pratiques de travail
au sein de larges échantillons d’entreprises sur base d’enquêtes par question-
naire (postal ou téléphonique) ou encore de l’exploitation de bases de données
spécifiques (pensons notamment au Belfirst pour la Belgique). Storey (2002), par
exemple, se base sur un échantillon de 314 répondants pour déterminer si les poli-
tiques de formation ont une réelle influence sur la performance des firmes. Bouquin

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CLAIRE DUPONT ET GÉRARD WARNOTTE

(2005), dans sa radiographie des pratiques managériales dans le secteur manu-


facturier wallon, interroge plus de 800 responsables d’entreprises et près de 869
travailleurs ; de même, Bunel (2005) recourt à la méthode économétrique sur un pa-
nel de près de 100 000 entreprises françaises pour étudier l’impact de la réduction
du temps de travail.
Si de telles études offrent l’avantage, par leur approche quantitative, d’aboutir
à une généralisation des résultats obtenus pour un secteur ou groupe d’entrepri-
ses, nous nous posons tout de même certaines questions quant au pouvoir expli-
catif des méthodes utilisées : peut-on réellement comprendre en profondeur une
pratique de travail sur base d’une liste de questions identiques pour toutes les en-
treprises étudiées ? N’élimine-t-on pas de cette manière certains facteurs particu-
liers qui jouent pourtant un rôle important dans le fonctionnement de l’entreprise et
qui seraient spécifiques à son environnement interne ou externe (culture, environ-

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nement technologique, etc.) ? Peut-on par exemple saisir l’influence exercée par le
contexte au sein d’un échantillon composé de plusieurs centaines d’entreprises,
appartenant généralement à des secteurs d’activités très contrastés ? La vision uni-
versaliste sous-tendue par de telles méthodologies, consistant à croire qu’il existe
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des pratiques de travail plus efficaces que d’autres pouvant être appliquées partout,
est-elle bien réaliste ? On peut en effet remettre en doute le principe selon lequel
une pratique particulière, telle qu’un système de profit-sharing par exemple, serait
susceptible d’augmenter la productivité dans tous les secteurs d’activités. N’y a-t-
il pas des conditions particulières qui influenceraient l’apparition de ce lien et qui ne
semblent pas vraiment approfondies par les techniques statistiques généralement
utilisées dans de telles études ? On peut dès lors se demander si la méthodologie
quantitative, dans sa volonté de récolter un nombre de données parfois considéra-
ble, ne tend pas à minorer, voire parfois ignorer, l’existence de facteurs plus parti-
culiers à l’entreprise, au secteur d’activités étudié, etc., pour offrir une image assez
lisse du fonctionnement de l’entreprise.
Cela nous conduit aussi à aborder la question même du lien entre les prati-
ques de travail et la performance des entreprises. Si beaucoup d’études se cen-
trent sur cette question et livrent des conclusions parfois contradictoires, faut-il pour
autant écarter toute pratique pour laquelle aucune association empirique n’aurait
été établie avec la performance ? Nous considérons en effet, comme Hesketh et
Fleetwood (2006), que l’absence de relations empiriques entre une pratique de tra-
vail et la performance organisationnelle ne signifie nullement qu’il n’existe aucune re-
lation entre ces deux notions. Il est tout à fait possible qu’une relation existe mais
que la nature de cette relation soit plus complexe à capturer que par l’utilisation de
méthodes statistiques (Hesketh et Fletwood, 2006). Or ne serait-il pas intéressant de
chercher à comprendre cette relation en réfléchissant à d’autres méthodes capables
de rendre compte de cette complexité ? Conclure en effet en l’absence d’associa-
tions entre une pratique et un concept particulier sans remettre en question la métho-
de utilisée risque de conduire à ignorer certains facteurs qui existent et qui possèdent
peut-être un pouvoir explicatif important. Dans cette optique, la compréhension
même du fonctionnement d’une pratique de travail se révèle quelque peu limitée.
Nous devons donc être conscients du fait que si les différentes études s’inté-
ressant aux liens GRH-performance visent à mieux comprendre quelles pratiques

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POUR UNE UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS DANS LA COMPRÉHENSION DES PRATIQUES…

s’avèrent plus intéressantes pour l’entreprise, les associations empiriques qu’elles


peuvent mettre en avant ne doivent pas constituer une fin en soi mais bien un point
de départ à la compréhension de ce lien. En effet, l’observation d’une relation entre
une pratique de travail et la performance ne constitue pas en soi une explication.
Pour reprendre l’illustration de Hesketh et Fletwood (2006), bien qu’il soit très inté-
ressant de savoir, par l’utilisation d’équations par exemple, que les variables X1 ou
X2 expliquent dans une certaine proportion la variance de la variable Y, ni l’équa-
tion, ni les données empiriques ne viennent expliquer pourquoi ce lien existe. Or,
bien plus que la découverte d’un lien entre deux notions, l’explication même de ce
lien nous semble très enrichissante pour améliorer notre compréhension du fonc-
tionnement de certaines pratiques de travail au sein des entreprises.
Nous nous interrogeons également sur la crédibilité à apporter aux don-

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nées récoltées, provenant bien souvent d’un répondant unique, sensé représenter
l’intérêt général et aller dans le sens du bien de l’entreprise et de ses salariés (Ac-
kerman, 1986, in Bournois et al., 1993). Ainsi, sur les 25 études répertoriées par
Wall et Wood (2005), 21 d’entre elles utilisent une seule source de référence pour
collecter les données (il s’agit généralement de responsables RH). Il en va de
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même pour Boselie et al. (2005) qui, sur base d’un échantillon de 104 publications,
constatent que plus de la moitié d’entre elles (63 études) ne se sont adressées
qu’à un répondant unique au sein de l’entreprise. Le fait de ne s’adresser qu’à une
seule personne pour récolter les données sensées représenter une entreprise ne
risque-t-il pas d’occasionner certains biais ? Un responsable RH ne pourrait-il pas
considérer qu’une pratique spécifique de travail est bien mise en place dans son en-
treprise alors que des managers ou employés affirmeraient le contraire, ne perce-
vant pas cette pratique de la même manière ? Ces perceptions ne pourraient-elles
pas aussi affecter la performance de l’entreprise ? Il faut d’ailleurs souligner que si
l’impact de certaines pratiques de travail sur la performance est sensé passer par
un changement du comportement des employés, les indicateurs sensés mesurer
de tels changements restent assez rares (seules 26 des 104 études répertoriées
par Boselie et al. (2005) s’y intéressent). Toujours selon Boselie et al. (2005), peu
d’attention semble être portée à la qualité de la mise en place des pratiques RH.
Or, si un responsable RH estime n’avoir rencontré que peu de difficultés dans l’in-
troduction d’un système d’évaluation particulier, ne tend-on pas à oublier que les
managers, généralement non formés aux matières RH, jouent tout de même un rôle
crucial dans l’application d’une telle pratique vis-à-vis de leur équipe et dans l’inter-
prétation que cette équipe peut alors en développer ?
Nous nous questionnons aussi sur la manière dont les différentes études
s’intéressant aux liens entre pratiques de travail et performance considèrent l’en-
treprise et son personnel. Si, au départ, l’idée était d’analyser si certaines prati-
ques RH produisaient certains effets RH (au niveau de la satisfaction, motivation,
présentéisme, etc.) qui induisaient eux-mêmes un effet sur la performance de l’en-
treprise, il semble que cette relation se soit inversée (Boselie et al., 2005), le prin-
cipe étant maintenant qu’une relation significativement positive entre certaines
pratiques de travail et la performance soit la seule preuve de l’intérêt que les orga-
nisations apportent à leurs ressources humaines. Une telle approche de l’organi-
sation semble proche du modèle instrumental de Brabet (1993) qui postule une

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CLAIRE DUPONT ET GÉRARD WARNOTTE

convergence des intérêts et des enjeux poursuivis à la fois par les individus, l’en-
treprise et la société. Dans une telle optique, la participation du personnel découlant
de l’introduction de pratiques de travail dites incitatives est « conçue comme un
moyen d’améliorer la productivité et d’obtenir l’adhésion aux actions de la GRH – et
comme une réponse provoquée par celles-ci » (Brabet, 1993, p. 71). Mais ce prin-
cipe d’égalité entre efficacité économique et sociale ne relève-t-il pas d’une con-
ception trop simplifiée de l’entreprise ? Bien plus que de les concevoir comme
objets du changement, les individus évoluant au sein de l’organisation ne sont-ils
pas plutôt des acteurs influençant le développement et l’évolution de ces différen-
tes pratiques de travail ? De tels phénomènes ne semblent pas réellement appré-
hendés dans les études que nous avons consultées, principalement sous-tendues
par des approches objectives tendant à considérer l’individu comme un être logi-
que et rationnel. Nous considérons pourtant qu’ils pourraient apporter une lumière

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considérable sur les mécanismes à travers lesquels certaines pratiques affectent le
fonctionnement des entreprises et leur performance.
Nous pensons que, malgré les mérites de telles études dans la compréhension
des liens entre pratiques de travail et performance, les approches sous-jacentes à
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ces études ne permettent pas d’explorer en profondeur les organisations pour


comprendre ce qu’il s’y passe : “far from seeing the pursuit of statistical associa-
tions as an ‘end game’, as it is often presented in academic journals and (especially)
the more generic publications aimed at HR professionals, we interpret it as a point
of departure. At best, it tells us there is a connection to be explained and, at this
point, the search for a deeper understanding of the relationship between HRM and
organizational performance must begin” (Hesketh et Fletwood, 2006, p. 683).
Face aux différentes limites que nous venons de relever et souhaitant pouvoir
disposer d’une connaissance approfondie du fonctionnement des entreprises sur le
marché du travail, il nous semble utile de proposer une approche de recherche com-
plémentaire contribuant à mieux rendre compte des processus entourant l’introduc-
tion des pratiques de travail au sein des entreprises et venant par là enrichir notre
compréhension de leur fonctionnement.

3 POUR UNE COMPRÉHENSION APPROFONDIE


DES LIENS ENTRE PRATIQUES DE GRH
ET FONCTIONNEMENT DES ENTREPRISES :
VERS L’UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS

Sachant que les approches quantitatives, plus objectives, ne peuvent affirmer,


« sous peine de tomber dans le réductionnisme et l’impérialisme, rendre compte de
la globalité des phénomènes humains ni être la seule démarche pertinente dans ce
domaine » (Marc, 1994, in Allix-Desfautaux, 1998, p. 215), nous pensons qu’une
approche plus qualitative des entreprises pourrait contribuer à lever certaines des
limites exposées précédemment et compléter ainsi notre compréhension du fonc-
tionnement des pratiques de travail. En effet, l’un des avantages des approches
qualitatives est que les données en découlant ont une forte puissance explicative

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POUR UNE UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS DANS LA COMPRÉHENSION DES PRATIQUES…

des processus et permettent donc de s’investir réellement dans un phénomène de


compréhension du pourquoi et du comment des choses en référence à un contex-
te spécifique. Ceci est dû au fait qu’une telle approche considère que tout individu
développe des perceptions diverses quant au monde qui l’entoure mais est aussi
capable de façonner ce monde (Muchielli, 1991, in Alix-Desfautaux, 1998).
Ayant remarqué que les approches sous-tendant les études axées sur les liens
pratiques de travail-performance avaient tendance à ignorer ou sous-estimer le
contexte spécifique des entreprises étudiées et le point de vue de leurs différents
membres, nous nous intéresserons plus particulièrement, au sein des approches
qualitatives, à la méthodologie des études de cas. Nous pensons que celle-ci peut
constituer un outil d’exploration intéressant en complément aux méthodes plus
quantitatives qui prédominent généralement dans la littérature.

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3.1 En quoi consistent les études de cas ?

La méthodologie par étude de cas peut être définie comme « une analyse spatiale
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et temporelle d’un phénomène complexe par les conditions, les événements, les
acteurs et les implications, lorsque la réalité des situations ne peut être appréhen-
dée dans leur globalité » (Wacheux, 1995, p. 129). Dans cette optique, la recher-
che sous-tendant les études de cas est clairement axée sur la compréhension du
« comment » et du « pourquoi », et donc des processus, bien plus que sur la com-
préhension du « quoi » ou du « combien ».
Trois apports des études de cas nous semblent importants à souligner au vu
des limites des études centrées sur les liens entre pratiques de travail et perfor-
mance évoquées précédemment. Ainsi, les études de cas se basent sur des
situations réelles, ce qui écarte dès lors « des cas qui seraient présentés comme
“une synthèse entre les situations de plusieurs entreprises” ou encore les transpo-
sitions a posteriori d’une expérience vécue dans un autre contexte » (Bachelard,
1995, p. 146). De cette manière, il est possible de mieux tenir compte de certaines
caractéristiques contextuelles, l’idée étant de pouvoir appréhender et comprendre
un phénomène en relation au contexte dans lequel il se produit et non de fournir
une explication globalisante pouvant ignorer des facteurs contextuels spécifiques.
Les études de cas permettent également de recueillir les témoignages de
multiples acteurs évoluant à différents niveaux au sein de l’entreprise. Une telle
démarche peut ainsi éloigner le chercheur des éventuels biais pouvant apparaître
dans les enquêtes s’adressant à un répondant unique dans le sens où il est pos-
sible de cerner à la fois les perceptions de la direction à propos d’une pratique de
travail mais aussi et surtout des personnes à qui cette pratique est destinée
(employés, ouvriers, etc.). Généralement recueillis au moyen d’entretiens, ces dif-
férents témoignages révèlent également comment et pourquoi ces membres en
viennent à développer une perception particulière de la pratique analysée et con-
tribuent donc à donner plus de profondeur à l’analyse. Une telle démarche se
démarque des approches plus quantitatives dans le sens où, dans la réalisation
d’une étude de cas, c’est bien plus l’interviewé qui va guider le chercheur que
l’inverse et qui va l’orienter, par exemple, vers des personnes spécifiques à inter-

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CLAIRE DUPONT ET GÉRARD WARNOTTE

roger. Les études de cas poussent en effet le chercheur, dans sa compréhension


du phénomène étudié, à s’interroger sur les différents acteurs intervenant, sur leur
rôle et leurs objectifs, etc. Dans ce cadre, l’entretien se révèle bien plus approprié
que les questionnaires distribués à grande échelle car il offre la possibilité de poser
des questions ouvertes aux interviewés qui peuvent alors livrer leurs perceptions,
sentiments, etc., à propos d’une pratique spécifique de travail.
Vu son intérêt pour les situations réelles et pour les acteurs qui y évoluent,
l’étude de cas est associée à une meilleure compréhension de la complexité
organisationnelle dans le sens où elle vient révéler des problématiques vécues
sur le terrain et les représentations des membres du personnel à l’égard de ces
problématiques et du contexte dans lequel elles se développent (Bournois et al.
(1993)). Une telle méthode réintègre d’ailleurs la dimension temporelle dans l’ana-
lyse des données récoltées en contribuant à reconstruire les événements dans le

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temps ; elle vient donc mettre à jour la dynamique entourant les pratiques de travail
au sein des entreprises, ce que les méthodes quantitatives permettent plus diffici-
lement. L’étude de cas permet non seulement de comprendre comment les com-
portements et/ou les processus sont influencés par le contexte mais surtout
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comment ces comportements peuvent influencer le contexte.


Outre ces différents apports, soulignons que l’étude de cas est l’une des mé-
thodologies permettant de combiner aussi bien des approches quantitatives que
qualitatives. Dès lors, loin de nier les études axées sur les liens GRH-performance,
l’étude de cas peut tout à fait constituer une approche complémentaire aux mé-
thodes quantitatives et elle-même entraîner la production de données plus quanti-
tatives quant au phénomène étudié. Retenons aussi que, bien loin de constituer
une simple description d’un phénomène, les études de cas peuvent contribuer à
formuler certaines hypothèses, voire à générer certaines théories (Eisenhardt,
1989). Il est clair qu’en termes de validité externe, les résultats obtenus grâce à une
étude de cas semblent difficilement généralisables, étant spécifiques à des acteurs
évoluant dans un contexte particulier. Mais cela n’affecte en rien la pertinence d’une
telle méthode : l’étude de cas, bien plus que de rechercher des régularités, va en ef-
fet mettre en évidence les mécanismes dont la présence explique que des événe-
ments ou actions se produisent de façon spécifique dans un contexte déterminé.
La validité interne des résultats obtenus ne s’en trouvera dès lors que renforcée.

3.2 Quelle est l’utilité des études de cas dans


la compréhension des pratiques de GRH ?

Ayant indiqué en quoi les études de cas pouvaient dépasser les limites des appro-
ches plus quantitatives, nous allons maintenant tenter d’illustrer en quoi les infor-
mations obtenues par les études de cas peuvent compléter notre connaissance du
fonctionnement de l’entreprise et de l’organisation de son travail. Pour cela, nous
nous baserons sur les observations de Dupont (2006), tirées de l’étude de certains
cas analysés dans le cadre de sa thèse.
Dupont (2006) montre ainsi comment les individus réagissent au sein d’un en-
vironnement spécifique et influencent la mise en place et l’évolution de certaines

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POUR UNE UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS DANS LA COMPRÉHENSION DES PRATIQUES…

pratiques. Dans cette optique, le contexte constitue à la fois une contrainte pour
l’action mais cette dernière participe elle-même à la construction d’un autre con-
texte. Prenons le cas d’une entreprise de haute technologie belge (désignée sous le
nom fictif de Biotech) dans laquelle 12 entretiens ont été menés aussi bien auprès
d’acteurs RH, que d’acteurs de terrain (employés, délégués syndicaux, etc.) ou de
responsables de département. Certaines caractéristiques semblent prédominer
dans un tel secteur : le marché sur lequel évoluent les sociétés de haute technologie
est en effet très instable, ce qui nécessite une grande flexibilité au sein des entrepri-
ses. De plus, le personnel de telles sociétés dispose généralement de connaissan-
ces très pointues qu’il est bien souvent difficile de trouver sur le marché du travail et
que l’entreprise ne peut donc se permettre de perdre.
Dans ce cadre, Biotech, confrontée à des géants technologiques de renommée
mondiale, est amenée à mettre en place des pratiques de travail sous-tendues par la

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volonté de retenir les talents dont elle dispose. Cela passe par l’introduction de sys-
tèmes spécifiques de rémunérations, l’instauration de contrats à durée indéterminée
ou encore le développement de formations managériales visant à attirer l’attention
de tous les managers sur le comportement à adopter vis-à-vis de leurs collabora-
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teurs. Dans ce cadre, les enjeux spécifiques d’un contexte contribuent à définir un
cadre d’action pour le développement de pratiques de travail particulières, ce qui
évite au chercheur de croire qu’il existe des pratiques de travail meilleures que
d’autres et applicables partout.
Cependant, ce que les études quantitatives ne révèlent pas, c’est que toute
modification du contexte vient perturber les individus qui y évoluent. En effet, ceux-
ci développent des perceptions divergentes en fonction de leur niveau dans l’or-
ganisation et de leur compréhension des formations managériales qui leur sont
destinées. Dans le cadre de la rétention des talents chez Biotech, certains mana-
gers, estimant qu’il est très important d’homogénéiser les comportements à adop-
ter face aux collaborateurs, semblent apprécier les formations managériales et ne
pas les remettre en question. D’autres managers, par contre, pensent que de tel-
les formations ne devraient se destiner qu’aux experts que l’on souhaite faire évo-
luer dans la société et déplorent que ces formations ne s’intègrent pas dans un
plan de carrière. Dès lors, l’introduction de formations managériales contribue à la
construction d’un autre contexte en fonction des représentations développées par
les personnes. Ces perceptions sont d’une extrême importance dans le sens où
elles reflètent comment les individus perçoivent les pratiques de travail qui leur sont
destinées et comment ils en viennent à modifier le cours des événements (certains
managers étant satisfaits de cette tendance à homogénéiser les comportements,
d’autres réclamant davantage de différenciation). Si les formations managériales
sont sensées, selon les responsables RH de Biotech, contribuer à renforcer la mo-
tivation des managers, on constate que certains d’entre eux restent perplexes en
considérant que ces formations sont susceptibles de faire perdre du temps aux per-
sonnes disposant de qualifications techniques très pointues. Une telle analyse, en
se basant sur les perceptions de multiples acteurs au sein d’un contexte déterminé,
nous permet de comprendre en quoi des perceptions divergentes peuvent éven-
tuellement neutraliser l’effet de la formation sur la motivation. De telles perceptions
révèlent également que ce n’est pas la pratique en elle-même qui engendre la
performance ; il semble en effet que ce soit la façon dont cette pratique est perçue

149
CLAIRE DUPONT ET GÉRARD WARNOTTE

par les individus, au sein d’un contexte spécifique, qui peut les amener à agir de
manière plus performante ou pas.
Les études de cas permettent aussi de mieux comprendre comment des si-
tuations passées peuvent encore affecter les décisions du présent et les réactions
des individus au sein des entreprises. Dupont (2006) s’est ainsi intéressée au cas
d’une entreprise agro-alimentaire baptisée Alimenta. Celle-ci, faisant partie d’un
groupe international, se caractérise par un style de direction très participatif se dé-
marquant de la conception du management, plus rigide, développée par le groupe.
Connaissant depuis quelques années un certain niveau d’absentéisme, Alimenta
n’avait jamais pris de réelles mesures pour y faire face, certains ouvriers ou chefs
d’équipe évoquant à ce sujet un certain laisser-faire. Récemment, une stratégie de
lutte contre l’absentéisme a pourtant dû être envisagée, Alimenta étant confrontée
à un plan de restructuration mondial consistant en la fermeture de nombreuses

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usines et connaissant un taux d’absentéisme plus important que les autres usines
du groupe en Belgique.
Dans ce cadre, le département RH a mis en place un plan de lutte contre l’ab-
sentéisme prévoyant notamment le relevé des absences au sein des équipes de
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production, la convocation des personnes comptabilisant 4 absences sur l’année


et le licenciement d’un certain nombre d’individus fréquemment absents. L’usine a
donc créé un nouveau contexte beaucoup plus régulé visant principalement les
absents, en comparaison à la politique de laisser-faire jusqu’alors pratiquée. Les en-
tretiens menés chez Alimenta révèlent que ce nouveau contexte développe dans
l’esprit de certains individus une image plus répressive du département RH qui tran-
che avec le style de gestion qualifié de très tolérant. Des questions se posent dès
lors quant à la pratique d’un tel management face à l’influence d’une direction mon-
diale assignant à ses usines des objectifs agressifs de réduction de coûts. Face à
cette perception répressive, le département RH s’oriente alors, en complément
aux mesures directes de lutte contre l’absentéisme, vers un renforcement de la
communication afin de souligner l’importance du rôle de chacun dans l’usine et de
renforcer l’implication du personnel. Tout en visant également à limiter le phéno-
mène d’absentéisme, une telle action est perçue de manière moins répressive et
amène à responsabiliser davantage les chefs d’équipe dont on attend désormais
qu’ils soient non seulement de bons techniciens mais aussi de bons communica-
teurs. Par cette illustration, on constate que l’introduction d’une pratique spécifique
(lutte contre l’absentéisme) peut se heurter à certains comportements attachés à un
style de management bien spécifique (management très tolérant) que cette pratique
vient remettre en question. En fonction des perceptions, cette pratique de travail
peut évoluer afin de ne plus simplement viser une catégorie spécifique de personnes
(les absents) mais bien d’insister sur le rôle de chacun dans l’entreprise. L’étude de
cas vient ainsi révéler la dynamique entourant un phénomène particulier dans l’en-
treprise (l’absentéisme) et affectant les pratiques censées contrer ce phénomène.
Une telle mise à jour de la dynamique entourant les pratiques de travail intro-
duites au sein d’une organisation contribue à disposer d’une explication robuste
(Hesketh et Fletwood, 2006) quant à la raison de liens éventuels entre pratiques de
travail et performance. Elle permet également de démontrer que les entreprises ne
sont pas des systèmes fermés marqués par des événements réguliers qui impli-

150
POUR UNE UTILISATION DES ÉTUDES DE CAS DANS LA COMPRÉHENSION DES PRATIQUES…

queraient tel ou tel comportement, comme le laissent entendre les études entre-
voyant certains liens significatifs entre pratiques de travail et performance. Au
contraire, les entretiens effectués dans le cadre des études de cas de Dupont
(2006) révèlent que les individus se livrent à de multiples jeux de pouvoir, dépen-
dant d’un contexte spécifique et des interprétations de ce contexte, dont les effets
sont très difficilement estimables étant donné leur interférence.
Vu la spécificité des contextes et des pratiques introduites chez Biotech et Ali-
menta, nous devons être conscients de l’impossibilité de généraliser les observations
à l’ensemble du secteur des hautes technologies ou du secteur agro-alimentaire.
Cependant, bien loin de nécessiter une validité externe, la démarche de compréhen-
sion d’un phénomène particulier ne se trouve renforcée que par la validité interne de
la recherche, permise grâce à la mise en relation des phénomènes apparaissant
dans le contexte et des perceptions des multiples acteurs qui y évoluent. Les illustra-

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tions des cas Biotech et Alimenta nous permettent également de comprendre que
les pratiques relatives au marché du travail résultent en fait d’une construction in-
tervenant au cœur des rapports entretenus par les individus au sein d’un contexte
déterminé. La méthodologie qualitative, et notamment l’étude de cas, soulignent
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donc l’importance de considérer et comprendre les comportements des individus


au sein de leur entreprise afin de mieux comprendre le fonctionnement du marché
du travail.

4 CONCLUSION

Nous avons tenté dans cet article de montrer les limites des méthodes quantita-
tives dans la compréhension approfondie des pratiques de travail en entreprises.
En remettant notamment en question les approches sous-tendant les méthodes
d’enquête à grande échelle, la crédibilité des données récoltées, ainsi que la con-
ception même de l’entreprise et des individus qui y évoluent, nous nous sommes
interrogés sur la capacité même des approches quantitatives à rendre compte de
la complexité des organisations et des pratiques qui y sont mises en place. Loin de
prôner la disparition des méthodes quantitatives, nous avons essayé de démon-
trer de l’intérêt de leur associer des méthodes de recherche plus qualitatives. Pour
ce faire, nous nous sommes attardés sur la méthodologie par étude de cas et avons
souligné ses apports pour une meilleure prise en compte des facteurs généralement
oubliés dans les méthodes quantitatives : le contexte, l’individu en tant qu’acteur, la
dynamique entourant l’introduction des pratiques de travail… Sur base de certaines
illustrations tirées d’une recherche empirique, nous avons pu comprendre pour-
quoi une pratique spécifique de travail est introduite dans une organisation et com-
ment les individus sont susceptibles de la faire évoluer en fonction des perceptions
qu’ils en développent. Dans ce cadre et en complément aux approches plus quan-
titatives, l’étude de cas est susceptible d’approfondir notre connaissance des pra-
tiques de travail en révélant les facteurs contribuant ou non au développement
d’un lien entre ces pratiques et la performance des entreprises.
À partir de cette compréhension supplémentaire et approfondie des pratiques
de travail, la méthode des études de cas vient faire prendre conscience au cher-

151
CLAIRE DUPONT ET GÉRARD WARNOTTE

cheur, mais aussi au gestionnaire, de l’intérêt d’une approche beaucoup plus


diagnostique tenant compte des différents systèmes de représentations qui se
développent dans les entreprises mais qui participent aussi à leur construction.
Une telle approche vient aussi mettre en avant l’importance de considérer les évé-
nements du passé qui marquent encore les individus évoluant dans les entreprises
et qui peuvent les amener à modifier des pratiques de travail spécifiques.

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