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Syndromes thalamiques
P. Cesaro, D, Rieu, H. Ollat
Le terme de « syndrome thalamique », initialement proposé par Déjerine et Roussy, désigne aujourd'hui
les tableaux neurologiques en rapport avec toute lésion du thalamus. Véritable « tableau électrique » du
cortex cérébral, le thalamus permet activation hémisphérique globale ou sélective. Du fait des propriétés
spécifiques de ses neurones avec un mode de fonctionnement tonique ou phasique, sa fonction de
« réentrée » oscillante, activant de multiples aires cortcales, pourrait étre une base anatomofonctionnelle
de la « réalité subjective ». Les douleurs thalamiques sont persistantes, profondes, paroxystiques et
rebelles aux analgésiques, avec parfois hyperpathie, et sont retardées par rapport a la Iésion causale, et
associées d un déficit sensi, parfois mineur, voire absent, Un hémisyndrome senstit, a fortiori si associé
une hémiagueusie, est caractéristique. Les troubles moteurs sont variés : soit défcitaires, sot fiés 6 une
ataxie, ou comportant des mouvements anormaux : hémichorée, astérixis, myoclonies, et de facon plus
coractéristique, une négligence motrice. Les Iésions thalamiques droites peuvent entrainer un syndrome
de V"hémisphére mineur. L‘aphasie thalamique est observée lors de lésions du thalamus gauche
réduction de Vexpression autonome, incohérence du discours avec paraphasies verbales et perturbation
de Ia réalisation vocale ; persévérations ou agrammatisme. Des Iésions thalamiques ischémiques
bilatérales sont responsables de troubles de mémoire surtout antérogrades, associés souvent @ des
troubles des fonctions exécutives, partois aprés une période de coma, Ce texte aborde ces différents
tableaux lésionnels, leur physiopathologie, sans étre exhaustif sur la variété des lésions en cause.
Mots clés : Thalamus ; Douleur ; Hémisyndrome sensi; Syndrome thalamique ; Négligence motrice ;
Aphasie thalamique ; Amnésie thalamique ; Démence thalarique ; Diaschisis ; Activation ;
Rythmes thalamocorticaux ; Négligence visuospatiale
Plan @ Introduction
Introducth ' connexions thalamocorticales : voies de la sensibilité, circuits
‘= Troubles sensitifs et douleurs thalamiques 2 ‘moteurs sous-corticaux en provenance du striatum, du cervelet
Pen aba mainenen {gu attomotonctnnee dl rei saben > dans
Nature et localisation des Iésions S$ ‘sur les couches 3 et 4; .
tie eniomeneten is om $+ RAE une pesto conte ple, ot des polos
1 Troubles de la mémoire et démence thalamique 6 méropostérieur ou pulvinany; ¥
xétroprojections corticothalamiques et d'abondantes projec-
sux de la base17-0310 m Syndromes thalmigues
* type IV: projections diffuses plus restreintes au cortex, comme
par exemple le noyau préoptique.
Soulignons, pour terminer, la place particule occupée par le
nnoyat réticulaire, noyau de rétroprojection inhibitrice gabaergi-
‘que, qui contrdle les messages ascendants thalamocorticaux.
{es cellles thalamocorticales de relas présentent deux modes
de réponse distincts : le mode tonique et Ie mode « bouffées »,
reflétant l'état d'une conductance membranaire caleique,
voltage-dépendante. Le passage entre mode tonique et mode en
« bouttées » est contrdlé par plusieurs catégories d’afferences
rhon sensorielles, par exemple le cortex cérébral par les voies
descendants, en feedbuck vers le thalamus. Ainst le thalamus
devient un relais dynamique qui modifie la nature et le format
de l'information qui parvient au cortex eérébral
En état de polarisation « normale » des neurones, les déchar
ges tonigues sont liGes de fagon linéaire aux influx excitateurs
‘qui parviennent au thalamus. Dans ce mode, Ia linéarite des
réponses est excellente mais la détection de nouveaux signaux
fest peu efficace. En cas d'hyperpolarisation des neurones
thalamiques, des boutfées de potentiels d'action surviennent de
fagon réguliére toutes les 100 ms environ dans les noyaux de
relais. A Vinverse, les décharges en boutfées permettent une
detection quasi immediate des nouvelles informations, sans
permettre le codage de leur organisation temporelle
Ce made de décharge en boutfées avait été observé au cours
‘du sommell, il est maintenant établi qu'il fat partie intégrante
‘du mode de fonctionnement normal du thalamus. L’hypothése
‘généralement admise est que les bouffées permettent d « ales
ter» le thalamus sur la survenue d'un événement nouveau, Le
passage d'un état & autre serait sous Te contrdle de récepteurs
‘métabotropiques et non lonotropiques. Selon ce modéle,
Vactivation de voies afférentes corticales ou du trone céxébral
entiainerait des potentiels excitateurs prolongés susceptibles
diinactiver la conductance calcique, entrainant le passage en
mode de réponse tonique, alors que les messages inhibiteurs
GABAergiques entraineralent des potentiels inhibiteurs prolon-
és avec un effet inverse. Ainsi ce systéme permettrait, de fagon
ppétiodique, de détecter de fason efficace des messages nou-
‘eaux, puis en passant en mode tonique, de mieux décrize la
nature de ces messages afférents. Le mode « burst» est égale-
‘ment impliqué lors des oscillations rythmiques qui concernent
les circuits relayant dans le thalamus.
Dans des conditions pathologiques, il semble que Inhibition
permanente lige a la privation d’afférences, par exemple le
Gsafférentation sensitive, entraine une hyperpolarisation,
permanente, avec persistance du mode de réponse en boutfées
Ce phénoméne a été enregistré au cours des douleurs neutoge-
nes et au cours de nombreux autres états pathologique "Une
meilleure connaissance de la pharmacologie de cette conduc
tance calcique pourrait permetire de mettre au point des
thérapeutiques concernant ces différents états, On peut alns!
‘concevoir que les traitements antighatamate ou des traitements
GABAergiques puissent avoir un effet bénéfique, par exemple
‘dans les douleuss neurologiques chronique.
Depuis le syndrome de Déjerine et KRoussy II, le syndrome
thalamique recouvre aujourd’hul un grand nombre de tableaux
neurologiques en rapport avec la lésion de différents systemes
de connexion thalamocorticale
Nous limiterons l'exposé aux différentes categories de déficlts
ncurologiques entrainés par des iésions thalamiques, les regrou-
pements lésionnels étant évoques, le cas échéant.
™@ Troubles sensitifs et douleurs
thalamiques
Clinique
En 1906, Déjerine et Roussy ": '7 décrivent « le syndrome
thalamigue »
+ hmlanesthéste variable pout les tact, douleur et température,
prononcée pour les sensioiités profondes, avec téaction
exagerte aux excitations douloureuses et thermigues ;
+ hémiparéste regressive rapide, sans signe de Babinsa
2
‘+ hémiataxie ou des mouvements choréoathétosiques du cté
anesthésig;
+ douleuis, persistantes, profondes, paroxystiques et sebelles
aux analgésiques.
Pour produire ce syndrome, la lésion siége en avant du
pulvinar, dans la partie postérieure et inférieure da « noyat,
externe» du thalamus (VP). L’hémlanopsie est inconstante. Le
‘goat, Voule et Vodorat peuvent aussi étze partois alézcs.
Lhyperpathie est caractérstique : les stimulations tactiles ow
mécaniques non nocives déclenchent une sensation doulou-
reuse retardée, mal définie, dépassant la zone stimulée, se
prolongeant bien au-dela de la stimulation, et dont Vintensite
nest pas lige & celle de la stimulation. Chez quelques patients,
elle peut tre déclenchée par des stimulations visuelles, auditives
‘ou encore pat le stress, "emotion.
La quallté et lintensité des douleurs spontanées sont les
mémes que celles de la douleur hyperpathique. Elles sont
continues, ne cédant qu’au sommeil et peu influencées par les
antalgiques,
Le syndrome douloureux est retardé (jours, semaines ou mots)
par rapport aux lésions cézébrales.
Le « pure sensony stroke», classiquement associé a une lésion
thalamique, est en fait souvent lié 8 d'autres lesions hémisphé-
rigues, notamment corticales, ow du trone eérébral 69). La
distribution chélro-orale est associée aux lesions corticales mais
peut l'étre aux Iésions thalamiques (noyau ventro-postéro-
lateral) La vatlabllité des lésions aboutit au concept de douleut
centrale ou central post stroke pain (CPSP) pour les
Anglo-Saxons ("5
De fagon intéressante la perception des illusions tactiles est
altérée chez les sujets ayant des douleurs thalamiques, conta
rement aux douleurs dorigine spinale =")
Enfin, Lhermitte *'! a montré que Vintensité de la douleur
varie considérablement d'un malade 3 Vautre, sans relation aux
‘troubles sensitifs, et on peut individualiser des formes hyperal-
sgiques et des formes analgiques.
Schott et al. ° ont, pour leur part, déctit ois niveaux de
sémiologie douloureuse
‘+ formes mineures, comportant simplement des paresthésies
désagréables ;
+ hyperpathie modérée, déclenchée par des stimulations
réperes;
“+ hyperpathie majeure, avec sGactivité immédiate et intense &
tout stimulus de nature sensoriclle ou non.
Les lésions siggent dans lhémisphére mineur chez deux tiers
des patients 2
occlusion des branches thalamogenouillées de V'artére
cérébrale posterieure est Pétiologie la plus fréquente (. °. Les
douleurs surviendraient en cas de lésions paramédiane ou
antéricure ; au contraire les Iésions seulement postéricures avec
abolition des potentiels somesthésiques ne s'accompagnent pas
de douleurs 7), On a aussi déerit des douleurs centrales lors de
maladies infecticuses ou inflammatoires du systéme nerveux
central, au décours de thalamotomies stéréotaxiques ou aprés
sion chirargicale des projections thalamocorticales ou du.
cortex pariétal
Physiopathologie
Selon Déjerine et Roussy "7, la douleur thalamigue natt de
«