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UNIVERSITE DE PARIS Faculté des Lettres et Sciences Humaines (SORBONNE) HENRI NGOA LE MARIAGE CHEZ LES EWONDO — Etude Sociologique — Thése de Doctorat de Troisiéme Cycle présentée sous la direction de Monsieur Georges BALANDIER Professeur 4 la Sorbonne Directeur d'Etudes a I'Ecole Pratique des Hautes Etudes (VI" Section) PARIS 1968 Ama femme, A mes parents, +++ Pour leur conception du mariage, INTRODUCTION GENERALE Dans une société de tendance égalitaire comme celle des Evondo du Sud-Cameroun, le mariage constitue l'une de ces ins- titutions qu'on ne saurait oppréhender sans mettre cn cause, du méne coup, la réalité sociale tout entiére, Le mariage apparaft - pour a~ ployer une terminologie devenue classique ~ came un “phénanene social total", came une sorte de résumé socfologique of s"entrenélent des ins~ titutions de tous prdres. C'est souligner 1a complexité de la présente &tude, Car enfin, o2 comencer et od s'arréter ? Fallait-il abstraire du tissu serré du tout social les seuls fils qui composent le phénaméne matrimonial, au risque, peut-ére, de priver ce dernier de toute intel- ligibilité ? Ou bien fallait-11 plutét présenter cette institution com- me une "forme" se détachant sur un certain "fond" restant lui-mgne 2 déterminer 7 Toutes ces questions nous avaient littéralaent assailli au début de cette tude, Pendant des mois, elles n'avaient cessé de hanter notre esprit, au point de 1"inhiber par moments. Mais peu & peu, la ten- péte s'est apaisée, rendant possible la délimitation du champ de nos re- cherches. Pour mieux cerner le probléme du mariage chez les Ewondo, {1 nous a fallu d'abord faire le vide dans notre esprit, et nous mettre ~ par 1Mimagination - @ la place d'une personne étrangére qui, par défini- tion, ignore tout de cette ethnie od avaient baigné sans discontinuer notre enfance et notre adolescence. Et c'est gréce A ce recul pris sur notre objet d'étude que nous avons pu arréter un plan on deux volets. eae) Le prenter volet, qui englobe les deux preniers chapitres, sert d'introduction a la société ewondo. Le premier chapitre tente de situer géographiquanent , historiquenent et généalogiquenent les Ewondo. Au reste, exception faite de ce dernier aspect - le généalogique - ce chapitre n'est qu'une tentative de synthése des principaux travaux ef- fectués a ce jour sur les Ewondo. En revanche, le deuxiéme chapitre, qui porte sur les caractéristiques générales de la société ewondo, se veut plus original, plus personnel. "Quelquee caractéristiques générales" se- rait cependant plus juste, un tel intitulé étant plus facile a concevoir qu'a réaliser : qu'entenire on effet par caractérietiques générales d'uno société ? A moins de se Livrer @ un recensement schématique, et partant dépourvu de toute portée sociologique véritable, ne friserait-on pas L'utopie & voulotr examiner - dans une étude dont le ci situe ailleurs ~ tous les grands paliers de 1a réalité sociale 7 11 a re d'intérét se donc fallu choisir, une fois de plus; et pari les "rubriques" retenue: le systéme de parenté occupe une place de preniére importance : ne cons~ titue-t-i1 pas le seul baréme de référence qui pemette le départ entre conjoints possibles et conjoints prohibés 7 Outre le eystine de parenté, copendant, ce deuxtime chapt- tre conprend également 1'analyse de 1'organisation pdlitique de la so- c1été ewondo, par le biais de l'étude des différents types d’autorité , de leurs attributions et de leurs rapports mutuels. Micux que tout au- tre, ce niveau d'analyse a montré A quel point tout, ici, était ié, et combien la mentalité égalitariste des Bwondo jouait le réle d'un mé- canisme de nivellement ; 4 telle enselgne qu'aucune autorité, qu'elle soit politique ou autre, ne parvient jamais a trancher réellenent sur L'ensenble des individus. Cette tendance au nivellement aboutit a un synchrétisme socio~politique quasi complet , qui débouche lui-méme sur une sorte d'interchangeabilité des détenteurs des leviers de comande. On verra plue loin, on effet, qu'un méme individu pout remplir 3 lui seul des charges aussi différentes que celles de Ndzo (chef du clan), de Mtatk ntol (juge), de Nkukwna (xiche polygame) et de Ngtingah (expert en matiére occulte, chargé de 1a défense et de la sécurité du pays). 3s Enfin, on a également inséré parm les caractéristiques gé- nérales de la société deux rites : l'este (rite de rétablissenent) et L'esani (danse funéraire). Le choix de ces rites ne reléve pas totale~ ment du hasard : 11 répond au souci de rompre avec une certaine tendan- ce (oh! bien inconsciente !) qui s'observe chez ceux qui ont fait des monographies sur les Pahouins du Sud-Caneroun (Béei et Bulu) ~ auxquels, rappelons-le, se rattachent les Evondo, Cette tendance inconsciente con— siste 4 toujours présenter les mes rites : le rite initiatique mascu- lin So, le grand rite féninin Mévuhgu, etc. , come si toute la partition rituelle du grand ensemble Béti-Bulu se réduisait & ces seuls thines. Ctest done pour raapre le chame qu'on a jeté son dévolu sur d'autres aspects du patrimoine culturel ewondo. Tels sont, brigvenent exposés, les principaux points soule~ vés dans cette partie essentiellement introductive. La deuxitme partie, on s'en doute, a trait au phénoméne matrimonial proprement dit. Bien que longue et camplexe, sa conception a été beaucoup plus factle, les choses ayant €té euvisagées dans une perspective, pour on a suivi a relation matrinoniale depuis son origine jusqu'a sa dissolution éventuelle, En sorte que cette deuxléme partie comporte, en dehors d'une courte introduction générale, quatre chapitres, savoir : l'origine du processus du mariage; le processus du mariage et la "compensation matrimoniale" (nous nous expliquons plus loin sur ce dernier mot); le cérémonial du mariage; les formes du marta~ ge et ses fonctions socio-politiques. Nous ne dirons ici que quelques mots de ces différents chapitres. L'origine du processus du mariage, qui e'étond sur des mois, voire des années, implique la mobilisation de tous les nenbres des clans du gargon et de la fille. Dans un premfer temps, on se livre des deux eétéo a des rechorches mimutieuses concer- nant 1a tribu du futur conjoint , ses antécédents personnels et faniliaux. Existe-t-il des liens de parenté entre mon futur conjoint et mof-méne ? Mon futur est-il travailleur ou paresseux ? Souffre-t-il d'une maladie grave ou chronique (lépre, conitialtté, tuberculose) ? Ce n'est qu'une fots ces questions résolues que le processus du mariage prend naissance, par le nsili aluk (demande en mariage). Celui-ci se déroule en public, 4 et s'accompagne du paicsent d'un prenier acompte de "compensation matri- moniale". Toutefots, on ne s'est pas arrété & ce seul c&té officiel de la nafssance du processus matrimonial : on s'est également intéressé 3 ses développenents affectifs. Aussi le chapitre s'achéve-t-i1 sur le lan- gage emoureux. Dans le deuxiéme chapitre, on traite de cette pratique que le commun des mortels s'ent@e a désigner du nom inexact de "dot" C'est un probléme d'une importance capitale auquel se rattachent beau- coup d'autres non moine capitaux : 1a validité du martage, la réparti~ tion de 1"héritage aprés la mort du pater familias, la 1égit imation des enfants, et que sais-Je encore t Le troisiame chapitre porte our le cé- rémonial du mariage. Un cérénonial double, en ce sens qu'il se déroule en partie chez les parents de la fille et en partie chez ceux du gargom 11 s"accompagne de diverses manifestations, dont notamment ce que nous avons proposé d'appeler 1a “danse-lecon-de-choses" : il stagit d'une danse au cours de laquelle le groupe des belles-méres de 1a jeune mariée instruit celle-ci, par des gestes appropriés, du manienent et de 1'usage de certains ustensiles de cuisine et des instruments aretoires, entre autres, Le quatriame et dernier chapitre, enfin, tente de dégager les fomes du martage, sa signification et son réle socio-politiques. Au total, on n’aura done ouvert aucun chapitre sur la dis solution du mariage ! Pourquoi une telle “anission", nous denandera~ t-on sans doute ? Ds les prentares pages d' "Afrique Anbigiié", Georges Balandier pose une question, cette question : "avone-noue bamlisé Le monde au point de nous retrouver ches nous sur toute ea surface 2” Question 3 tout le moins pertinente. Car enfin, qui done a décrété 1dentité absolue des multiples obj ectivations spatio-tenporelles de la réalité humaine ? Qui donc a décidé qu'on pouvatt sppréhender totalenent Leo digeGrontes axpériences de 1'Hmme A l'aide de modéles Fixés une bon ne fols pour toutes ? Aprés avoir candidenent réservé, come font ta plu- part, une piace de choix 2 1a 'Wissolution" du mariage, dans notre‘pro~ jet de thase détai11é, nous avons dd y renoncer au terme de nos recher~ ches sur"le terrain". Si les problémes du divorce et de 1'"éuancipation" de 1a veuve sont aujourd’hui @ la mode, 11 n'en a pas toujours été ainsi. En sorte que notre travail, essentiellenent centré sur la societé tradi- noes tionnelle, n'avait pas & s'enbarrasser d'une question qui manquait jus traditionnelles, et qui par 18 m@ne, débordait 1e ca~ dre ewondo pour s"inscrire dans un ensemble plus vaste : la société ca~ tement de bases. merounaise tout entiare. Toutefois, pour plus de précisions, nous ren- voyons le lecteur & nos conclusions. Reste maintenant a dire quelques mots du déroulenent de nos recherches, Celles-ci se sont Gtendues “sur trois sunées, sous 1a direction d'un maftre éclairé : Monsieur le Professeur Balandier, qui, dés le dé- part, nous avait fait conprendre le trés grave danger qu'il y a, du poim de we de la connaissance scientifique, 4 s"imaginer, comme font certains, qu'on peut faire une étude séricuse sur l'Afrique en se prélassant dans un bon fauteuil parisien, Nous sommes donc allé au Cameroun a deux re~ prises, en 1966 ct en 1967. En dehors du dépouillenent des archives ad~ ministratives, notre travail a surtout consisté a interroger des vietl- lards, ces détenteurs de la culture traditionnelle. La méthode 1a plus couramont utilisée était I'entretien. Connaissant parfaitenent les ha- bitudes du vielllard ewondo - qui répugne a 1'entretien du type "ques- tion-rGponse" = nos entretiens talent toujours entiarament libres au début : "grand-pere, je voudrats que vous me parlies du mariage d'autre- fois", disions-nous au départ.-A moran, mélugera angabé mod dean ! (ah 1 mon fils, le mariage était une chose capitale !), Et Le bon vieillard, durant des dizaines de minutes et devant un magnétophone, prenait plat~ sir & broder avec brio sur le phénonéne matrimonial. Cette introduction générale nous pemettait alors de mieux fornaliser nos questions et de Jes lui poser sous couleur de demandes d'explication sur tel ou tel as- pect de son propos. C'est dire qu'il nous est arrivé de passer des jour- nées ot des Journées entiéres avec un méne infornateur, mais aussi de faire une trop grande consommation de bandes magnétiques. L'interview n'est d'ailleurs pas 1a seule méthode que nous ayons aployée : nous avons égalenent fait faire a vide certains rites, tel que la'ise a mort de 1a parenté" - que nous verrons a 1"avant- dernter chapitre de ce travail. De plus, nous avons pris contact avec plusieurs éléves de 1'enseignament secondaire : avec la grécieuse auto— risation de Monsieur le Ministre de 1'Education Nationale canerounais , 76. nous avons pu, en sept mbre-octobre 1966, faire passer un questionnaire aux éléves des classes terminales des lycées et collages du Centre-Sud. Ce procédé nous a permis de mesurer A quel point ces jeunes gens étaient senotbilieés aux problanes matrimoniaux actuels. Malheureusenent , ce ntest qu'a ce niveau que 1a technique du questionnaire nous a réussi : en revanche, des clmy cents questionnaires que nous avons renis ou on— voyés personnellanent a des étudiants canerounais de France, dix, oui trés exact ent dix, nous ont été retournés a ce jour ! Mul doute qu'tl ya ace silence des raisons qui restent & déterminer ~ encore faudrait- {1 d'ailleurs que les intéressés veuillent bien se préer a la recher- che sociologique ! Cependant , on ne peut quand mére pas dire que tous mos conpatriotes de France nous aient refusé leur concours, puisqu'une section de 1'U.NeE.K. (1'Union Nationale des Brudiants du Kanerun) - celle de Lille - avait bien voulu accepter un carrefour sur les problé- mes du mariage au Cameroun. Ce carrefour avait duré un aprés-midt. Nous ne pourrons clore cette note introductive sana raer~ cter tous ceux qui nous om prété leur concours pour ce travail. A Monsicur le Professeur Malandier qui, malgré ses noabreu- ses occupations, a bien voulu accepter de diriger ce travail, qui n'a cessé de guider mos pas malhabiles, de tempérer noo élans parfote fou- gueux, de nous relancer au contraire quand notre rythme devenait hési- tant, nous disons toute notre reconnaissance. Nous renercierons également son Excellence le Ministre de 1'Education, de 1a Jeunesse et de la Culture eaerounais qui, apres nous avotr accordé une bourse de troistéme cycle, devait aussi payer un de nos voyages d'étude et contribuer a la réalisation matérielle de cette th8se, Pour tous les Cancrounais qui viendront apris nous, on nous per- mettra cependant de ceressex l'espoir qu'il y aura bientét un budget spé- eifique pour les doctorats. eerie Enfin, nous prions tous noo informatcuro, sano exception, de bien vouloir trouver ici 1'expression de toute notre gratitude. On aurait voulu les citer tous namément, n’écait le nombre considérable de pages qu'eit exigées une telle entreprise. B d'ailleurs, a quoi ton les citer : ne sont-ils pas, au fond, les vrais auteurs de cette oeuvre ? NOTE SUR LA TRANSCRIPTION DES CITATIONS EWONDO L'ewondo est une langue écrite depuis 1"époque de 1a colo~ nisation allenande, soit depuis soixante-dix ans environ, Aussi - sui- vant d'ailleurs en cela l'exenple de nos prédécesseurs (M. Bertaut , J. Binet, P, Alexandre, entre autres), utiliserons-nous 1'orthographe existante, dont nous domons ci~aprés quelques régles de prononciation. 1°) Toutes los lettres ee prononcents 2°) Les _voyelles : est toujours femé, came dans "dé", se prononce en gros came “ou” dens beurre, Se prononce came "o" dans "pot " dans folle. se prononce toujours ou. 1, € ont le m@ne son qu'en Francai est un son long comme dans mine 3°) Les consonnes a a se prononce came "o" u a, a g est toujours dur. h est toujours aspire. gb et kp sont deux consonnes qui n'ont pas de correspondants en fran- gais : leur prononciation s'apprend sur le tas ! he % vélaire. 8 est toujours dur, quelle que soit sa place dans le mot. PREMIERE PARTIE BREVE INTRODUCTION A LA SOCIETE EWONDO CHAPITRE I = SITUATION GEOGRAPHIQUE ET HISTORICO-CENEALOGIQUE DES EWONDO, Aussi curieux que cela puisse paraftre, la po- pulation dont 11 est ici question se campose de cette ethnie qu'on ap pelle généralement "Yaoundé" et dont le nom s'étend par conséquent A Lactuelle capitale fédérale du Cameroun, De "EHONDO", les Allenands , premiers colonisat curs du Cameroun, de 1884 8 1915, ont fait "Jaunde”, et les Francais aprés cux "Yaoundé" ! Et pourtant, sf on en croit G. Bruel, les premiers explorateurs allenands avatent donmné leur station le nom de "Tsonou", “qui voudrait dire, en neger-english : station"(i). Quels rapports y-a-t-11 donc entre Evondo, d'une part, et Tsonou ou Jaundé d'autre part ? Comment de telles tranformations avaient- elles &é possibles ? Deux tentatives d'explication pewent @re avan- cées. Tout d'abord, 1a tendance générale des Buropéens & tronquer les nos indigénes. Ainsi de la célébre ville de Dakar, qui s'appelait fidis Makar (2), Ainsi, également , du mot Fang, qui a été"terit de 14 facons différentes : "Fang, Fan, Fans, Fan, Faons, Mfan, Mfang, Mfaons, Pahouins, Mpahouins, Pavin, Mpawin, Paou8n, Mpaoutn, etc." Le Pre Trilles, ani fait cette observation intéressante, conelut, son sans raison "on comienira que c'est beaucoup pour un saul pele 1" (3). Bt Mae Dugast écrira plus tard, & propos des Ewondo : "Leo Buroptene les dési- gnent conmunénent du nan de Yaoundé, mais ils se noment eux-ménes Buondo, "(4) Devant une telle débauche de sobriquets, on comprend Le souci du Pére Trilles d'inviter les africantstes a connaftre au préalable (1) Georges Bruel, La France Equatoriale Africaine, larose, diteur, Paris, 1935, p. 312. (2) Henri Trilles, Le Totémisme chez les Fan, Biblicthaque Anthropos, 1912, note n°1, p. 171. (3) H. Tries. Ouvrage cité, note n°3, p. 110, (4) Igor Dugast. Inventaire ethnique du Sud-Cameroun, Mémoires I.F.A.N. 1949, p. 70, +10. le vrat non des ethnies qu'ils se proposent d"étudier; "car, dit-il, Lianglate n'aine pas plus @ e'entendre appeler John Bull, ou L'Allenand, tarton ou tte carrée, que le Fang : Pahouin, nam sous lequel on le dé- signe pourtant le plus sowent"(1). Tendance donc 2 tronquer, & trans~ fomer, & dénaturar les noms indigénes. Er pourtant , les choses ne paraissent pas si simples en ce qui concerne particuligrement les Evondo. En effet, s'i1 est exact que la pénétration allenande & 1'intéricur du Cameroun s'est surtout effec— tuée, a partir du port de Kribi et des régions avoisinantes, Petit et Grand Batanga - ce qui du reste est historiquenent fondé(2) - 11 semble possible que les Allemands sient omprunté le mot "Jaunde" aux Boulou, ethnic quiils avatent nécessairenent rencontrée avant les Evondo, et dont on sait qu'ils désignent cos derniers du nom de "Yewondo",Ce type d'emprunts abonle d'aflleure dane 1'histofre de 1a colonisation en Afrique Noire, Il en est ainsi du mot "Pahouin" qu'utilisent les Francais pour dire Fang : ‘Les Mpongoué ont appelé les Fang Mpangouen, écrit ¢. Bruel, d'oa nous avons fait Pahowin" (3). Le mot Yaoundé serait done 4@ aux Boulou. Mais ceci est une pure hypothése de notre part. D'ailieurs, notre propos n'est pas d'exaniner des questions A"étynologte. Aussi, reviendrons-nous 4 la situation géographique et historico-généalogique des Buonda. L, SITUATION GEOGRAPHIQUE DES_BHONDO. Mme Dugast donne du pays Bvondo les coordomnées géographi- ques suivantes 10°40 & 11°40 E.Gr. "3°10 @ 4°05 Tat. "Rancax Eousok sur une piste W-3 10°06 B.Gr. sur une piste E-0 10°25 a 10°40 E.Gr. 13°10 et 3°85 lat. Nord” (4) (D H, Trilles .Quinze années chez les Fang, Desclée, De Brouwer ot C*, Paris, 1912, p. 13. (2) Gf. I. Dugast. Ouvrage cft&, pe 49. E. Mveng. Histofre du Cameroun. Présence Africaine, Paris, 1963, pp. 297 et suivantes. J. Bouchaud. Histoire et géograplite du Cameroun sous mandat fran- ais. Inpriné par les Etablissaents J. Wadsworth, Grange Printing Fae te Le pays ewondo couvre une superficie de 4 320 Ka2 (1). 1 est arrosé par deux fleuves : le Nyong et 1a Lokoundje, (2) et canpte environ(94 000 habitants *)Quant 4 la densité de sa population, elle est de 49,3 h/km2 au nord du Nyong et de 13,1 au sud de ce méme fleuve, La branche Evuzok, moins prolifique, ne comporte que 5 h/lm2. Los principales villes du pays ewondo sont : Yaoundé, Mbal- mayo et Lolodorf. Le climat est de type Equatorial, chaud et hunide, et con~ porte quatre saisons conditionnées par le régime des pluies ¢ 1) La grande saison stche, de décembre & mars; 2) La petite saison des pluies, de mers a mai abondant es; 3) Ia petite saison séche, de juin au mots d'aoit : bruines, grains orageux; plutes peu 4) Ia grande saison des plutes, de septeubre & novanbre, Les maxima des précipitations se situent en mai et en octo- bre. (A) Ltagriculture conprend deux types de cultures : les cultu- res vivet@res ct leo cultures industrielles. Parni les premi@res, on distingue : le manioc et le macabo; 1'arachide et 1'ignane; le nafs et 1a patate douce; 1a caume & sucre et les haricotss les courges ot Ja banane, douce et plantain. Quant aux cultures industrielles, elles comprennent essen- tfellenent : le cacao, la banane et le palmier @ huile (Elaeis Guincen- sis) dont on extrait @ la fois une huile jaunitre - 1'huile de palme - et deo palmictos : produits qui servent 4 la fabrication des savons, des bougies, graisses, lubrifiants. Mais, n'oublions pas que la foré& équatoriale dans laquelle baigne le pays evondo renferme des bots pré- cleux : acajou, sapelli, bubinga, ébéne, iroko, qui prennent naturelle ment place pami les cultures industrielles, Suite des notes de 1a page 10 (3) G. Bruel, Ouvrage cité, p. 270 (4) I. Dugast. Ouvrage cité, P. 70 Botes de 1a page 11” 1) I. Dugast. Ouvrage cité, P.70 (2) Les Evondo L'appellent Akongo. (3) 5. Criaud. Géorraphie du Cameroun, 7e éd,, 1966, Imprimerie St Paul, - ize I] existe aussi un peu d'élevage : chévres et moutons; basse~ cour : poules et canarde de Barbarie; porcs appartenant & la race ibéri- que, noirs et petite, Toutefois, des croisenents heureux avec des races europSennes ont donné d'excellents résultats, & Mvog-Betsi notamment (environs de Yaoundé), IL. SITUATION HISTORIQUE DES_EVONDO Généralenent , les Evondo sont considérés comme faisant par- tie intégrante de 1a grande famille Fang ou Pahouin, On s'en convaincra facilement en passant en revue quelques travaux d'africanistes et méne des documents officiels, Guauant soit de 1'adminict ration colontaic, soit de 1"Etat fédéral du Cameroun, . Pour le Pére Trilles, par exemple : "Les Fan proprenent dite se partagent, non come moeurs ou habitudes, car elles sont abeolunent ue ménes, mats au point de me des dialectes, en quatre fanitles dis- tinotes : Betet, Méké, Fon, et Bulé"(1). Et, un peu plus loin, L'auteur récise : "Les yaunde (...) sont eans aucun doute une branche du raneau betsi” (2). Vers 1a méne Epoque, un capitaine de 1l'armée francaise, A. Cottes, publiait un rapport sur la mission qu'il venait d'effectuer au Sud Cameroun. Pour le Capitaine, 1és populations d'origine Bantou qui habitent au Sud-Caneroun sont : les Sangha-Sangha, les Dzen, les Daimou et "enfin les Mfang (ou Pahouin) dont les groupanente les plus ‘importants sont lee Yaoundé et les Boulé du Cameroun, les Mtoun, lee Way, les Mazouna, les Making, les Mavouna, lee Ossyéba du Congo fran- gate. "(3). Un rapport annuel, airessé par le gouvernement francais a la S.D.N., en 1923, stipulait : "les principales tribus Fang finées au Cameroun sont lan Btouns et les Mvélés du Sud de ta Sanaga, les Yaoundé entre la Sanaga et le lyong, les Banés du Nyong moyen, les Boulous qui du lyong o'étendont juequlan Men, enfin lea Mtamoun de la fronbidre espagnole" (4). Daas son livre intitulé "Ie Droit coutumier des Boulous", (1) H. Trilles. Le totémie chez les Fan, déja cité, p. 12 (2) Ij Trilles, Le totéiene... p. 16 (3) André Cottes. Ia mission Cottes au Sud-Cameroun (1905-1908). Ernest Leroum, Editeur, 1911, Paris, p. 100. (4) Rapport annuel du Gouvermauent frangate sur ladmintet ration sous mandat des territoires du Caneroun pour l'année 1923, Imprimerie se Maurice Bertaut présentera également les Ewondo came un sous-groupe des Fang. Selon lui, en effet, les Fang du Cameroun se divisent en deux grands groupes : au Sud, les Boulou, les Fang proprenent dits, les Fong, les Ntoumou et les Mvaé; au Nord, le groupe dit Béti, c'est- A-dire les Ewondo, les Bané, les Mvélé et les Bton (1). Quelques années plus tard, le Bulletin de 1a Société d'Prudes Cenerounaises présentait une sorte de tableau général des principales populations du Cameroun, dans lequel les Bwondo figurent parmi les Fang (2). En 1944, le R.P. Bouchaud, dans son "Histoire et Géographie du Cameroun", édité en An~ gleterre, écrivair : "Le centre du Sud-Caneroun est habité par d'impor- tantes tribue, appartenant a la grande fantlle des Fangs, appelée aus- st Pahouins ou Pongwés (...). De tous les indigénes du Caneroun, ce sont eux qui se sont lee micux adaptés & 1a colonisation européenne, Tels sont lee Bakokos, les Etons, les Byondos (ou Yaoundés), les Boulous, les Bande, les Fonge, les Muaés, etc. "(3). Par ailleurs, un auteur bien connu, le Dr Baumann, fait observer qu'au cours de leurs nmbreuses ai- erations, les Fang se sont fondus avec les vieux Bantous, puisque leurs "sous-tribus conservent des traces des conditions diverees des crotse- mente", Be dtajouter + "inet, les Etons, Yaoundée ot Béinée, tribus du Word, se sont fondus avec les Batis et t1 n'y a pas Longtanpe, on par- lait encore bati dans la régions" Bt si G, Balandier, observateur atten~ tif des fang ne s'est pas penché de fagon particuliare sur le sujet qui nous occupe, 11 1'a cependant effleuré a propos des problénes démogra- phiques au Gabon, I1 écrit : "le pauplenent Fang ne s'exprime pas, au Gabon, par larges zones hanogénes, came c'est le cas au Cameroun (od Lion distingue nettenent, pays Buondo, pays Boulou, etc.)." (5) Enfin pour femer cette rétrospective plutét rapide, nous dirons un mot de Lfouvrage de P, Alexandre et J, Binet : Le Groupe dit Pahouin, Dans cette importante étude, P. Alexandre indique d'abord que les Béti - dont font partie les Evonle - "sont peut-ttne d'une autre origine que Les () Maurice Bertaut. Le droit coutumicr des Boulous. Monographie d'une tribu du Sud-Cameroun. Les éditions Donat-Monchrestien. F. Lovitou et C*. Paris, 1935, p. 39% (2) B.S.EC. n°3, Juillet 1943. Esquisse ethnologique pour servir & l'étude des principales tribus des Territoires du Cameroun sous mandat francais , pp. 22 et suivantes. (3) J. Bouchaud, Ouvrage cité, p. 125 (suite des notes page 14) - be Pahouine proprenent dite", mais 11 conclut 1s paagraphe en ces tomes + quot qu'il en soit, certatnes tribus ne peuvent etre étuiiées qu'avec les Fahoutns propnenent dite”, savoir : les Ewomlo, les Bané, les Fong, les Mbida-Bané et les Mvog-iyenge (1). Ces quelques exemples - d'ailleurs nullenent limitatifs - suffisent a montrer que, pour plus d'un africaniste, les Evonio consti- tuent, sans conteste, un sous-groupe des Fang. Les Bwondo sont des Fang. Dés lors, situer historiqumont les Ewondo reviendra, dans un pranfer tenps tout au moins, a retracer 1'histoire fang. Or, les Fang, peuple guerrier et nomade, ont beaucoup pré- coccupé les premiers missionnaires et colonisateurs, Les auteurs abon- dent, qui se sont interrogés tout a la fois sur les migrations et le pays d'origine des Fang. On n'en finfrait pas, si l'on voulait repren~ dre ici, la totalité des études publiges a ce sujet. Aussi, dans les pages qui suivent, ne recourra-t-on qu'A des travaux d'importance. Bt, une fois de plus, on fera appel d'abord au R.P, Trilles, ancien missionnaire au Gabon, & dont on peut dire qu'll avait passé sa vie a 1'étude des Fang. Pour lui, les Fang participent bien de la grande famille bantou, mais ce ne sont pas des Bantou came tous les autres : ce sont les "noins bantous de tous les Bantous", en tant qu'ils sont 2 cheval sur le monde bantou propranent dit et les peuples du Nord~ Est de 1'Afrique. Nous efterons longuenent cet auteur. "Les Fah, écrit- 11 dtabord, font partte de 1a grande fanille bantoue, mais en constituent un des chatnons externco, ou, ot Lion préfére, ile cont placés eur ta limite qut e¢pare les Bantous des populations et des langues du Nord- ket, lybte, Soudan, etc. Ce sont, dtt Reclus, les moins bantoue de toue Les Bantous" (2). B encore : "Le Fang est le moins bantou de tous lea Bantous, Jetés on vedette & une de leurs axtrimités, vérttables guerriers des Marches, oppoeant aux progrés de 1'Islanisne leur bloc impénétrable, suite des notes de la page 13 (4))H. Baumann,in H, Baumann et D. Westermann, Les peuples et les ci- vilisations de l'Afrique, Suivi de : les langues et 1'Education, Traduction H, Homburger. Payot, ed. de 1962, Paris, p. 200, (5) G. Balandier. Sociologie actuelle de l'Afrique Noire.PUF 2e édit. 1963 , p. 80, Notes de 1a page 14 (i) P. Alexandre et J. Binet. Le Groupe dit Pahouin, P,U.F., 1958, p.6. +b. les Fang sont wm des chatrons intemédiaives qui relient les races du Mil et de la Lybie aux races chanittques proprenent dites. Ausst, leure mooure et leurs coutumes participent~elles dee una ot des autres. "(1) Alnei, pour Trilles, lee Fang assuront le passage entre les Bantou et les Soudanais, voire entre les Bantou et les Chanites. Quant a leur pays d'origine, 11 se situe au Nord-Est de l'Afrique, et plus précisément au Bahr-el-Chazal,c"est-a-dire dans le Haut-Nil, au Soudan, "Dans une étude parue jadis dans les “Wissions Catholiques" et @ taquet- le on pait se reporter pour plus anples renseignments (...),dit-11 en- core, nous avions conclu finalenont que les Fan, a une époque reculée de leur histoire, habitatent probablanent sur les plateaux et les val~ Lées qui limitent & l'Ouest le bassin du Bahr-el-Ghazal; cette opinion concorde d'attleure aveo ce que nous savons dee Monbutu, aurquele les Fan sont unis, anthropologiquenent parlant, d'une mantére étrotte"(2). Or, sur quolles raisons I'auteur fonde-t-il de telles affimations ? Quels argunents trouve-t-il a l'appui de sa thése ? Pour qui a lu Trilles, 11 seuble que cet auteur ait recours A trois types de "preuves", Des preuves d'ordre métaphysique et religieux; des preuves qui ressortissent @ la linguistique; des preuves qui relévent de lanthropologie, physique et culturelle. Voyons d'abord ces derniéres. Le type physique du Fang n'est pas le m@ne chez tous les individus constitutifs de L'ethnie, Plus d'une fois, on se trouve en présence de sujets qui rappellent plutét les races sémito-chamitiques. 'TZ arrive fréquenment que, part noe Farg, on ren~ contre des iniividus au teint beaucoup plus clair, presque blane, aux your bleus, 2 la chevelure et au potl se zapprochant du roux ou ayant des reflets roux, tranchant fortenent sur les individus qui les entou- rent, sans qu'il y att lieu évidament de soupgonner un métissage quet- eonque, une pénétvation européenne qui n'a pas encore au LécuN"(3). Be l'auteur de citer le cas d'une jeune fille fort belle qu'on lui propo~ sa un jour on change de deux fusils, mais que son sens aigu de la di- gnité hunatne L'enpécha d'acheter : "Au cours de nos voyages, écrit-11 (2) H. Trilles, Quinze années chez les Fang. Desclée, 1912, p. 14. (2) H. Teilles. Le totémime... p. 114-115. @) H, Teilles, Quinze années... pe 19. +16. en effet, il nous est arrivé, une fois entre autres, de trower ainsi dane une tribu une jeune fille d'une quinzaine d'amées environ, a teint d'un rouge brique, tree clair; 0a figure était jolte, le nex as~ sex bien formé at millanent aplati came la plupart de ceuz qui U'en- touratent, et eee chevaue Tut tambatent sur les épaules, On voulut me ta vendre deux fuotle ot quelques verrotertes, mais nous ne voulines pas y consentir, came on le camprend" (1), Mais, tous ces cas consti- tuent-ils des anomalies ? Rel@vent-ils du hasard ? Ou bien faut-il y voir plutét une infiltration lointaine de la race sémitique ? "En tout cas, ce que l'on peut dire (...), c'est que, a une époque probablanent fort reculée de leur histoire, les Fang ont été étroitenent en contact avec dee pewples stnito-chamitiques qui leur ont Légué plusieure de leurs traditions, de Leure arts, de leur langue, et peut-etre auset un peu de leur sang” (2). De plus, par "aes mocurs, see coutumes, ses ha- bitudes, sa fagon de construire et de cultiver",le Fang se rapproche des Asandeh et des Nymnyam du centre africain (3). Au point de vue an- thropologique, le Fang est done bien le moins bantou de tous les Bantou. Mais, 11 1"est aussi dans le domaine mét aphysico-religieux. Ici, le Fang n'est pas considéré seulenent comme un "chafnon externe" de 1a famille bantou, ni uniquenent comme le descendant des Africains de 1"Est + 11 accuse aussi ct surtout une parenté sans Equivoque avec 1 "Egypte, son systéme religieux n'en constituant qu'une dérivation dégradée. Citons : "Dans son livre de "La Religion de 1"Ancienne Egypte", Mr. Virey dit que Mer Le Roy signale au sufet de 1'dne considérée dans ses diverses manifestations, une curieuse analogte entre les croyances Sgypticnnes ct Loe croyances bantoues. Pour nous, nous croyans et nous Je montrerons plus au long en expliquant la Réligion des Fan, qu'il y a plus que de curieuses analogies, 11 y a dérivation et on méxe tompe dégradation des dognes primitifs.’ & le Pére Trilles de verser dans un long paralléle entre les données métaphysiques fang et égyptiennes. Si les Egyptiens ont le ba, ou 1"fne proprenent dite, les Fang "roconat- tront dans L'dne U'eba ou principe eréateur, d’oi Le mot eba, planter, engendver, cba, pere (en meké), obo, faire, ote." L'Egyptien croit 3 (1) H Trilles. Quinze années. p. 19 (2) B, Trilles. Quinze anné + pe 119-120. (3) H Trilles. Le totémisme... p. 45. Ws un double ou genius, ka cr6é en mére tenps que le corps matériel auquel il confére sa persomalité : "ce double, croyons-nous, est pour le Fan la lunidre (my2l), qui réside dans la prunelle de L'oeit (ngél dete), Lumidre qui constitue proprenent la pereonnalité de l'dne, qui re e'é- tetnt pas d la mort, mats qui disparatt pour aller se méler a la tmid- re dea astres en gardant con individualité distincte," Le Khu, esprit en Ggyptien, sorte de mfne, qui "joue le réle de revenant ou d'esprit possesseur", ce retrouve on fang sous le nom de Kun, "qui joue exacte- ment le m@ne réle", Pour 1'Egyptien, le coeur, hatt, représente 1'éue come persomalité morale et conscience : "le Rung adnettra égalenent que c'est dans le coeur (nlan), que véside le principe du bien et du mal, nlém mve, nlén abi, cocur bon et cocur mauvats, et c'est tout d'abord dans le cocur que L'on recherchera, au coure des autopsies, ot le défunt étatt bon ou mawais, s'il mangeait les autres ou non". De m@me que le non, ran, "fait vivre la mémoire du défunt™ chez 1'Egyptien, de m@ne chez le Fang edzii (nom) “est impérissable et se tranmet de préférence de peit-fils en petit-fils." (1) Par ailleurs, & bien ré- fléchir sur une légende fang, celle d'Onbure, le Crocalile Chef, on y décelerait sans doute l'origine égyptienne du culte que le Fang rend cet animal, Mais passons nouveau la plune 4 Trilles : "en rédui- eant 10 mytha (dlonburo) 4 see simples proportions, peut-Ctre faudrait~ il y voir (...) une dee causes du culte toténique rendu a erooalile : @ eavetr Uaboniance dargereuse da cut anphibie dane tes fleuves des plateaux du Ht Wil, prentére patrie tes Fan"(2). Ainsi, la religion et la métaphysique fang nous renvoient-elles, tout came 1'anthropolo- gie, aux origines lointaines des Fang : 1'Egypte. Et c'est encore et toujours A 1'Egypte que nous reportent les arguments Lnguistiques. Tet, les exemples sont tels, qu'on a plu- tét L'eabarras du choix. On n'en retiendra donc que quelques~uns, Ain- at, de Laction de couper : "Tous lee dérivéo fis qut exprimont uno ao~ tion de comer, de partager, tels que ekix, comer, eka partager, eko, faire une portion, aka morceau, ekeh raser, eber tnctser, se retroment &jalenent en égyptien sous ta mane forme" (3). (1) H. Trilles. Le totémisne... note p°4, ps 34 (2) H. Trilles. Le totémisme... p. 204-205 (3) H. Trilles. Le totémisne... note n°2, P57 +18. Mais cect ne constitue-t-il pas plutét une cofncidence fortuite ? Le Fang dérive-t-11 vraiment de 1'égyptien ? Trilles avait prévu cette ob- jection et y avait répondu par avance en multipliant des tableaux con- paratifs de vocabulaires relatifs aux dew langues. Faute de temps, nous ne donnerons ici qu'un tout petit extrait d'un seul de ces tableaux + "gyption ou sénito-chanttique. Fang "hb epee de mouche, de taon Abo moushes piquantes, Evole taons ou teéted Abote "Mba pereer ba _pereer (im Ltaction de percer, de traverser. "Abi, ab le mal, ce qui est mauvais Abi le mal, mauvaie. "ko crochet, objet recourbé oko crochet, objet recourbé. “pi beaucoup, en grand nanbre Abt — nombreux, beaucom. "Sas inviser, tailler Ebas incisor, taillader. "Bol powrtr, se corranpre Ebole se corranpre, pourrir. "Wa lever, surhausser Ba grandir en parlant des plantes. "Yon —_pereer, trouer Akong lance, sagaie, javelot. mut figuien dont on anplote Btu Figuter dont on enplote Liécoree pour les ceintures Liécoree pour les pagnes, RE le pouvoir, Lautorité Kt La force corporalla, le powotr, par extension le fer; on en fatt les ames qui donnent 1a force, le powoir"() A la fin de ce tableau, dont - rappelons-le une fois de plus - nous ne livrons qu'un petit bout, Trilles indique & L'adrcose do ses contempteurs Eventuels que 1'1dée d'une cofneidence fortuite ne saurait Bere reteme, et qu'il faudrait donc admettre que le fang dérive bleu de 1'égyptien, "Cos mots, dit-il, ct bien d'autres qu'tl serait facile + Pe 118, (1) H, Trilles, Quinze années. 2. dlajouter eenblont indiquer une parenté assez étroite avec les races qui paplarent jadis U'antique Eqypte. Bien qu'd cbté d'eux beaucoup do mots different notablanent, une cotncidence puranent fortutte paratt difficile a adnottve avo un aussi grand nombre de radicaue serblables"(1). ‘Ainsi, quel que soft le point de vue auquel on se place - anthropologique, Lnguistique, métaphystco-religieux - les Fang se rat- tachent sans ml doute aux ethnies du Haut-Nil. Er c'est de 18 qu'ils sont partis, "chassée par un peuple plue querrier, enportés ausst par ce mouvenont mystértau qui entratne les pawples de L'Bst a l'Ouest "(2). Comme il fallait s'y attendre les théses de Trilles n'ont pas laisse indifférents tous ceux qui se sunt intéressés aux Fang + of certains les ont admises et prises a leur compte, d'autres n'y ont vu que pures ratiocinations et les ont donc condamnées sans appel. Parmi ceux qui ont souscrit aux thises de Trilles, on re- tiendra d'abord un nom : celui d'Avelot. Pour ce Heutenant, 1"hypoth8se de Trilles sclon laquelle les Fang viendratent du Bahr-el-Chazal senble "yaieonnable", car, au point de vue anthropologique, ce peuple s'appa- rente aux Mombottou. Citons : "Le RP, Titles (...) plagatt Le lieu d'origine des Rxhouins sur les plateaux qui limitent 4 L'Quest te Bas- sin du Bahr-el-Ghasal; L'hypothese est ratsonrable : le nan de Denvou, donné aux envakissaure, fait penser aux Manvou du Haut-Avoukint (Manvou, plur, Bonvou); de plue, les Pahouins sont unée aux Manbottou, anthropo~ Logiquenent parlant, par des liens étrotte de parenté" (3). Par ailleurs, bien qu'on ignore 1'itinéretre exact emprunté par les Fang depuis le Behr-el-Chazal, on sait cependant avec certitude 1'endroit od s‘opéra Ja grande sépararion des sous-groupes constitutifs de cette ethnie. On nous permettra de citer longuanent Avelot. son texte paraissant jeter un brin de luntare sur 1'épineux problane des origines fang. Voici ce long texte + "Le point Ekouasa of a ou lieu la granda séparation est conmu : tl est situé prés du confluent de la Kadét et de la Batourt (Haute-Sargha) , non Loin du territutre dee Pan-Daen, Drimou (...) @ ta (1) H Trilles. Quinze années... p. 119, Voir aussi H, Trilles + wu su- jet de la langue Fang et de ses lointaines origines, Revue d'Anthro- pologte, Juin 1935, t. LIII. (2) H. Trilles. Quinze années... p+ 120. (A) a. Avolot. Recherches sur l'histoire des migrations dans le bassin «20. potgnée de U'éventatl foré par les trois itinératws divergente : 1 drotte, 12 Deon ou myong, qui traveree 1a colonte du Kane~ run de L'Est & l'Ouest; "A gauche, le Daoh ou Deak, affluont do ta Sanghas(...3 "™ centre, 1a Wom (Benito), la Korm et le Mten (branches ort— gines du Campo), la Noya (owrt) et UEbE (affluent de Ta Mondah)" (1). Nous apprécierons plus loin les précisions données dans ce tex- te quant 4 la dislocation du groupe qui fait l'objet de notre étude. Pour le manent, qu'il suffise de savoir qu'aprés cette sénaration, le sous-groupe du centre continua sa marche vers le Gabon, od, ds 1865, Jes Fang enverront & Libroville "une députation pour danandan Lautoré- sation de s'établir dane notre voisinage", et, "en 1867, ils y étatent déj2 60 000" (2), Sept ans plus tard, en 1674, ils atteignaicnt 1a mor au Sud du Gabon, Prenant & son compte les travaux de Trilles et d'Avelot, J. Deniker situera l'origine des Fang au Soudan, prés des sources du Nil, dans le Bahr-el-Chazal, précisément, Ce qui luf permet d'expliquer cer- totne trates physiques ct culturels Fang par des croisenents avec les Azandé, originaires de cette région, Mais latssons-le s'exprimer de luf- néne : "bes Fane, dont certatno traite de mocuns (vétenente en geome couteaur de jet,cte...) et le type physique quand il n'a pas oubt de méLanges (teint olatr, nea prodminent, parfois aquitin; taille élevée, face allongée, ete.) rappellent Lee Sandé, ont émigré dans cette région tout reamment au début du stdcle passé, venant du plateau qui sert de partage des eaux entre le Balwcl-Ghazal et 1'Ouellé (Avelot) od vivent les tribus Sandé" (3). De son cété le R.P, Bouchaud déclare que les Fang "senblent étre originatres de 1a région oi se partagent lee eaux du Wil et du Congo et étre partie de 14 vers 1a mer, en migrations euc- cescives, qui lea ont amenbe, au début du si2cle dernier, a leur habitat actuel dans Le Sud-Cameroun et Le Nord du Gabon" (4), Ltautenr évoque ensuite les crofomonte des Fang avec les Mlotes ou Les Soudanais "tu cours de leure migrations, Gerit-il, ils ont dit se mélanger forte- ment avec des populations nilotiques ou soudanatoes, car Loure dialec~ tes et leure usages different notablanent de ceux des Bantous"(5). (1) Avelot. Ouvrage cité, p. 381 (2) R, Avelot. Ouvrage cité, p. 387 (3) J. Dentker. Les raves ef les peuples de la terre. Masson et c° Sait. Paris, 1926, p, 568-569 .a. Diailleurs, L'influence de ces métissages se pergoit encore de nos Jours chez les Fang camerounais - Eton, Bvondo, Boulou, entre autres - od "chez beaucoup d'individus, les traits gardent encore quelque chose de hanttt- que" (1), Dans le m&ne ordre d'idées, A, Cottes écrira : "Came nous Lavons déja wu, les Mfang appartionment au pranter groupe bantou, cc~ tut des métis née de la fusion des Négritles primitife avec lee Kouchito- chanites ou Ethioptens” (2). T1 tmporte douc de souligner, d'une maniére générale, l'accord unanime des différents auteurs qui ont travaillé sur les Fang, sur le fait que les traits de ceux-ci rappellent 4 tout le moins les Africains orientaux - les Mombottou entre autres. C'est ainsi qu'en 1868, Vivien de Saint-Martin, parlant de la zone équatoriale et de ceux qui I"habitent, tra jusqu'a qualifier les Fang de "race blanche africaine". Ecoutons ce curieux passage : "cette zone, note-t-il en effet, que Z’on a erue Long- tome absolumont intabitable & cause de L'extréne chaleur, est précieé- ment, autant que nous pouvons on juger par ce que nous en connaissons, une des parties du continent of la race blanche afvicaine a conservé sea trite essentiels. Un peuple nonade qui de proche en proche s'est étendu 2 Lowest jusqulan Golfe do Borin ot aus approches du Gabon, lan Fan, présente dans sa configuration les traits carastéristiques de la race caucasique : le teint clatr, 1a chevelure longue et douse, te profil européen" (3). Et une vingtaine d'années plus tard, Elisée Reclus, dans se "Nouvelle Géographie Universelle", dressera un véritable catalogue des traits physiques et culturels qui relfent les Fang aux redoutables Mam-Niam de 1'Est africain. Ce sont : 1a couleur de ia peau, la statu- re, les traits, l'attitude; 1a taille des dents en pointe et une méne maniére de tresser les cheveux en cadenettes et en nattes; l'usage des vatenents d'écorce ot des herbes tinctoriales; 1'aploi, par le chef, de 1a dépoutlle de 1opard comme vétement et des mémes fers de jet que ches 1co Niam-Nianj un godt prononeé pour les verroteries et cauris en tant qu'ornenents; 1"enploi des ménes chiens de chasse; le cannibalisne (4). (1) J. Bouchaud. Ouvrage cité, py 12. (2) A. Cottes. La mission Cottes... ps 101 (3) Louis Vivien de Saint-Martin. Kevue géographique, in “Le Tour du Monde, ler smestre 1868, 2e colonne, p. 420, (4) cf, Elisée Reclus. Nouvelle géographie universelle. La terre et Jes homes. t XIII, Hachette et C°, Paris, 1888, p. 114. eazie Le physique peu commun des Fang frappera méme un Savorgnan de Brazza, dont on eatt pourtant qu'il était peu tendre @ 1'égard du Noir ! En ef- fet aprés avoir écrit "qu'aur yeux de L'Buropéen, tous les Noire d'a~ lord se recooblent : face rappolant octle du singe, corps robuste, at- taches fines, mollets haute, mains dont la paune blanchitre est repous~ eante @ votr"(1), L'explorateur naturalisé frangais a'en trowva pac moins de doux accents a L'endroit des Fang. Il note : "les M'fane sont grands, bien faite, bewcoup moins noire que lee navurote de ta odte. A premiare vue on trouve quiils different autant des négres proprenent dits par la stature, lee traite ot la barbe qui ile 2 'éloignent des Buropéens par 1a couleur, Chez la femme come ches Lthame, le front est large, découvert et banbé, le regard intelligent, lea pamettes peu sailtantes, le nex moins épaté et lee Lévres moins @paisses que chez les négres"(2). ‘Tous les auteurs dont on a analysé les oeuvres Jusqu'ict s'ac~ cordent done & dire que le type physique du Fang tranche sur 1'ensenble bantou, et concluent une origine septentrionile de 1'ethnie, La mée vraninité senble exister quant & 1'itinéraire suivi par ce peuple guer- rier et nomade. Pour Maurice Bortaut, par exemple, les Fang, apparentés aux Mombottou et, donc, originaires de 1'Est africain, sont arrivés 4 leur habitat actuel en contournant 1a fort Equatoriale par le Nord, "Los migrations pahouines viennent de l'Est, dit-i1 en effet, mats en contour nant la forét équatoriale par Le Nord," Aussi rencontre-t-on,de nos fours encore, des tribus de langue bantou entre le Nord~Cameroun et la forét équatoriale. C'est le cas des Bafoum et Bafout, des Yangafouk , des Bavek et des Tsinga, pour ne citer que celles-1a, (3) Dans son rapport @ la S.D.N., en 1923, le Gouvernement de la République francaise, aprés avoir affirné 1'origine eoudanaise des Fang, touchera Ggalement un mot de 1'itinéraire suivi par ce peuple, On y lit textuellenent : "Mu coure de leur migratton, tts ont d'ubord abteti (2) Py Savorgnan de Brazza. Voyages dans L'oucst africain, in "Le Tour du Monde", 2e senestre 1887; Librairie Hachette et C°, Paris, p. 293. (2) P, Savorgnan de Brazza, Ouvrage cité, p. 315. (3) CE. Maurice Bertaut. Le droit coutumier... pe 44. .2. Loubangui, pute ile ee sont & nowem dimigés vere le nord, od ils se sont heurtés aux Foulbés, alors @ L'apogée de leur puissance, qui les ont refoulés vere le Sud et Les ont poursuivis jusqu'd la lisiére de la grande forte" (1). T1s ne partiront de 12 qu'A arrivée dea Ruro- péens : ceux-cl établis sur la cSte et a cause de leurs marchandises attrayantes, constituaient en effet un puissant péle d'attraction pour les Fang. Au total, pour Trilles et les auteurs dont on vient de passer en revue les ouvrages, les Fang, originaires de 1'Est africain, appa~ rentés aux Mombottou et aux Nilotes, entre autres, auraient, dans un premier temps, contaurné la forét Squatoriale par le Nord, et ne se seraient engagés dans cette sylve aux multiples essences que sous 1a poussée implacable dco Foulb: re, la présence insolite d'1l6ts bantou entre le Nord-Cameroun et la forét équatoriale, Mais,une fois enfouls dans cette épaisse fort, le Aussi, obsarve-t-on, de nos jours enco~ groupe fang éclatera en trois branches, & 1a hauteur du confluent de Ja Kad6i et de le Batouri, Ces belles hypothéses n'ont malheureusement pas été admises par tous, on L'a dit tout @ l'heure, Plus d'un les a rejetées. C'est le cas, parmi tant d'autres, de Mgr Martrou. Pour ce dernier, l'origi- ne des Fang se perd dans la nuit des temps, tout au moins paraft-il difficile de 1"élucider. Mieux vaut donc recourir humblement 4 la 1é- gende actuelle de cette ethnie, Or, que nous apprend cette légende ? Tout simplement que le pays d'origine des Fang se situerait au-de1a des sources du Neen et de 1'Ivindo, Citons + "qu'il suffise de cons- tater que rows pouvons considérer came licu d'origine de ces tribus nomades, entre le 20 ot le 30 de latitude Nord, la région qui e'étend entre le 10° et le 12° de longitude Est au-dela des sources du Man et de U'Ivindo, Clest 1a que la légende fin place te eélebre adzap (tiegheella africana), arbre immense poussé au fond d'un val étroit et ne latssant aueun passage mi a droite ni & gauche%2), Ce point de (2) Rapport annuel du Gouvernencat francais... p- 103 (2) Mgr. L. Martrou, La langue Fan et ses dialectes. Journal de la Société des Africanistes, t. 6, 1936, p. 206, or vue sera repris par G. Bruel dans "La France Equatoriale Africaine", En effet, comme Mgr. Martrou, "nous croyons que l'on ne sauratt renon= ter trée haut dane Uhistotre des migrations deo Fang, éit-11, et qu'il faut ee contenter d'adnettre conme vratsenblable qulau début du XIX° eidele Les Fang, que nous trouvons actuellenent dans l'Ouest de la Lt- vindo ct dans le Bas-Ogoout, se trowvatent dane la région de 1a Kadét e& de 1a Heute-Sanga, c'est-d~dire a la limite Nord de 1a Grande Forét, peu au Nord da 1a Round (habitée encore pn lea Maka, qui apparatacent bien oppartentr au méne groupe ethnique que tes Fang), et qu'ile auratent été abtaquée par les Poulbé, qut envahivent U'Adanaows, eott en 1913 (Barth), soit en 1826 (Mizon)"(1). A la vérité, eu égard 2 ces textes, Martrou et Bruel ne paraissent pas en opposition, quant a la sftuszisn du lieu de séparation des Fang, avec les hypoth@ses avancées par Avelot, quit, on 1'a vu, souscrit sans réserves aux idées de Trilles. A ce stade de notre tentative de synthése, le seul point de désaccord entre, d'une part Martrou et Bruel, et d'autre part, Trilles et Avelot, deneure done le pays primordial des Fang : tandis que Trilles et Avelot crolent pou- voir le situer - aux sources du Nil -, Martrou et Bruel se contentent d"avouer leur ignorance sur ce point et s'en tiennent aux origines im- nédiates de notre ethnie, En sorte que le rejet le plus brutal qu'on eit jamais eu des théses de Trilles et Avelot, c'est peat-@&re au Dr Baumann qu'on le doit. Avec force, le Docteur Baumann conseille le rejet pur et simple des idées de Trilles qu'il qualifie de "théories fantaisistes", et in- vite A situer L'origine des Fang 3 la hauteur de le Sangha. Il écrit : "TL nous faut mettre des bornes au théovies fantaiststes de Trilles, largeau, Avelot, etc. qui les (1es Paxg) font venir du Soudan Central et Ortental, et adnettra quiila viennant de La Haute-Sangha, ce qui paratt conforme & leurs traditions"(2)., La condannation est donc nette et se veut sans appely (1) G. Bruel, La France Equatoriale Africaine, Larose éditeur, Paris, 1935, p. 297-298, (2) H, Baumann, dans H, Baumann et D. Westermann, Les peuples et les civilisations de l'Afrique, Suivi de : les langues et 1'Education, Payot , Edition de 1962, p. 201. - Bs Bt pourtant, a y regarder de prés, le bel édifice échafaudé™ par Baumann ne va pas sans préter le flanc @ la critique; méme, on y reléve sans faire effort des affirmations claires qui ne peuvent que corroborer les idées défendues par les tenants d'une origine soudanaise des Fang ! D'entrée, L"auteur nous apprend que le domaine bantou, loin a'B€re considéré coume un tout homogéne, peut au contraire, étre divisé en deux blocs, depuis le Bas-Congo jusqu'au Nord du Lac Tanganyika, par une ligne’ "qui sépane 1a région du Congo, punenent équatoriale et fores~ tire, du pays @ eavane Linttrophe" (1). Au Nord de cette ligne, vivent des hubitants paléo-négrides qui "eraktocont un métissage étendu avec Les Pyanées ct une assimilation aus conditions de la vie eylvatne". Bt Ll ajoute : "Les langues bantoues qu'tis purlent présentent deo indtcee évidents de décadence et on a L'impression qu'un substrat soulanats n'a été que légerenent imprégné de bantou. Le groupe mongo-koundou, dans 1a bou- ele du Congo, senble d'atlloure, du moins en ce qui concerne ea ctvili~ sation, n'étre qu'une couche d'émigration verue tout récerment du Soudan, On peut en dire autant des Fans ct de plusteure autres trtbus"(2). Bau- mann dit encore : "Les Fans cont des tribus d'un mane peuple inmignées dan négions du Nord-Est, d'origine soudanaise vraisenblablenent, qui 80 sont fordues avec Les anctens Bantous de la région; tes eous-tribus consarvont doe traces dee coniitions divarses des eroisenerte" (3). Et come pour couronner le tout, notre auteur en vient & considérer le “Cercle Congo-terd" (4). "lest une none forcotidro, ait-i1, dont 1a civilisation a L'aspect pyanée a été trans fomée 2 wie date asses ré- cente par une imasion do tribue soulanatses” (5), Pari celles-c1, on distingue, d'Est en Ouest : les Monvou-Lésé, les Mangbetou, les Nebandi, les Banda, les Bwaka, Toutefots tative; car, 11 faut aussi y inclure les Fang, entre autres. Citons : "Les tribus soudanaises sus-nonmées que L'on rencontre cujourd'iut au Jord, our U'orée de la forét ne cont que tes brisante les plus récents de la vague de migration permanente Nord-Sud de Soudenais,. Beaucoup cette Liste ne prétend pas étre limt~ (1) BH, Baumann, Ouvrage cité, p. 55+ (2) H. Bawann, Ouvrage cits, pe 60. (3) H, Baumann, Ouvrage cité, p. 200 (4) Baumann distingue 27 cercles de civilisation africains : le cercle Congo-Hord ou Nord-Congo - dom font partie les Fang - vient au di- xidme rang. + 26. d'autres de ces imignante ont abandonné Leure idiones soudanate en fa- vour du bantou ; c'est ce quiont fait les Pane a L'Quest et tes Mongo- ‘Mundous au Centre ; malgré cela, leur civilisation trakit par de mul- tiples traits leur origine septentrionale,” Bt Baunam termine sa "cri- tique" par un détail vestimentaire pittoresque : il attire L'attention eur cect, que les étuis 4 pénis en usage chez les Ewondo ne peuvent étre que d'origine soulanaise, car, "ces objets n'appartiennent pas au cor cle eb oe rattachent aux moyono do protootion eintlaies du Soudan central." (1) Aussi, loin de ‘mettre des bornes aux théories fantaisistes" de Trilles, Baumann s*est-il évertué, bien au contraire, les justifier A telle ensetgne qu'au terme de sa "critique", on se retrouve "gros Jean comme devant", pour parler came La Fontaine. Or, faut~i1, oui ou non, tenir pour définitivenent acquises les théses de Trilles ? Pour répondre A cette question, 11 samble qu'on dofve se reporter aux études de Pierre Alexandre, qui elles, paraissent d'une toute autre trempe. Tout came Martrou et Bruel, P. Alexandre pense que les origi- nes lointaines des Fang relévent de 1"hypoth@se, voire de cet élan ro- mantique, qui, au XIke sigcle, prenait plaisir & tout ramener a 1'Egyp- te, simon au Moyen-Orient. "Tl y a 2 cette époque, Ecrit-il en effet, une sorte de ronantiome ethnologique, qui n'a pas entiéronent disparu do ros joure, ot qui s'obetine & ramener au Wil, quand ce n'est pas 2 un Orient encore plus lointain, Uorigine de la plupart des peuples de Lowest Afrioatn" (2) I1 ceratt donc & tout le moins hasardenx, dans 1"état actuel de nos connaissances de se prononcer sur le prenter pays Fang. La seule certitude que 1’on ait sur "histoire de cette cthnic étant son dernier habitat avant 1"éclatenent du groupe. Or, grace & Ja tradition orale, on peut dire que le point de départ de 1a migration se situe on savane, Citons : 'Un ensonble de pointe concrete dancurent (.1.) acquis, recamés par certaines traditions orales encore vivantes : Liovigine de 1a migration ee situe en savane, dans 1a direction du nord- (1) H. Bouman, Ouvrage cité, p. 208, C'est nous qui soulignons (2) Pierre Alexandre. Photo-listoire du groupe beti-bulu-fang : ossal de synthase provisoire. Cahiers d'Etudes Africaines, 20, vol. V 1965, 4° cahler, pe 535+ wat. eet, dane un pays montagneux, pourvu de lacs ou de marats, et a2 se sont prodsites des incwstons hostiles d'un peuple "rouge" ; la séparation des cing, ou sept, ox trois ligmages originels s'est produite apres L'exo- de initial, a 1a fin de la période Ltgendaire : c'est aprée cette s¢para~ tion que les détaile géograpkiques deviernent précis". (1) Ces détails permettent de penser que le point de départ de la migration se trouve & 1'Est de 1"Adamaoua, Toutefois, le vrai berceau des Fang semble @tre, non point le Soudan ni ourtout 1'Egypte, mate 1s vallée du Congo. Br c'est de celle-ci que le groupe aurait essaimé en direction du Nord-Est, via L'axe de 1a Sangha. En effet : "IZ apparuit trée vruisenblable, ot- non certain, que notre groupe est veru d'une région montagneuse située au nord-est de son habitat actuel, probablement L'est de l'Adanaoua, IL est possible que ses ancttres, ou certains d'entre out, y atent été conduite par une migration vere du sud-est, suivant Llaze général de la vallée de 1a Sangha jusqu'a sea sources, pait-ttre on provenance de la vallée du Congo : clest 1a l'extrine Limite des hypotheses aintsot~ bles en L'état actuet de noe connatssances". (2) Et c'est au cours de leur progression, a partir de la vallée du Congo, que les Fang ont été attaqués ot chassés a 1'Est de 1'Admaoua, non par des Foulbé came on le croft généralement, mais probablenent par des Babouté (ou Wutéré) ou des Mboum - on ne sait trop -"fuyant eux ménes devant les Pulbé",Les Pahoufos refluérent, alors, vers le Sud et entreprirent la traversée de 1a Sanaga. "Les prantéres vagues devatent canprendre les anottres des Fang et Boulou qui 8'enfoneévent dans la forét sous la pression des Bett, dont une petite minorité resta sur la rive droite" (3) Cette avant-garde pahouine, "quelque part du odté de Beng lis", se divisa en trois parties : "une colonne fang se dirigea vere te Sud, pénétrant oan douto a Gabon suivant le Dja, puis 1'Tvindo, Une seconde colonne, essentiellanent Boulou, se dirigea vers 1'Quest , paratlélanent au cours du liyong, tandis qu'une trotetane, Beomou et Fang, pénétrait dane le Word-Gabon, ewivant un axe qui fomatt @ peu pres la bissectrice entre les deux autres", (4) Les autres families du groupe - () P. Alexandre. Ouvrage clté, ps 536. ‘Alexandre, Ouvrage cité, p. 538. Alexandre, dans P, Alexandre et J. Binet. Le Groupe dit Pahouin, Fe, 1958, pe 14 Alexandre. Ibid. , p. 14. 2B. les Beti en particulier - franchiront 1a Sanaga un peu plus tard. Les différents points de passage de ce fleuve par les Pahouins du Caneroun sont, d'ailleurs, connus : au Nord-Ouest de Saa, pour les Eton-Hengisa ; entre Batchenga ct Ndjore on ce qui concerne les Buorlo; entre Neoteng et Nanga-Eboko quant aux Yebekolo et Boulou (1). Au terme de cet essai de synthése, bien des points restent 3 @lucider, bien des lacunes a conbler. Bt d'abord l'origine des Fang, leur pays prinordial. Certains l’ont situé au Soudan ou en Egypte. Telle est, rappelons-le une fois de plus, la position de Trilles, d'Avelot, de Ber~ taut, du Gouvernament francais, pour ne citer que ceux-1a, D'autres, au contraire, ont préféré ne pas se prononcer sur cet épineux probléme et se sont done bornés & traiter des origines proches du groupe, c'est-a- dire celles relatées par 1a tradition orale, Ainsi de Martrou, de Bruel, de Baumann, D'autres enfin ont avancé L"hypothése d'une origine équato- riale : la migration serait partie de 1a vallée du Congu. C'est la thése défendue par Pierre Alexandre, Or, de ces théses exclusives les unes des autres, laquelle choisir ? A quel saint se vouer ? Généralonent, on reproche a Trilles de tout ramener, par prin~ cipe, a 1"Egypte ; cet argument paraft d'ailleurs fondé : car, on sait de fagon certainc 1c dangereux présupposé philosophique sur quot repo~ sent les théses du brave missionmire. Le Révérend-Pére, en effet, part de L"idée selon laquelle les “primitifs" - et notamment les Noire ~ sont des @res déchus, des @tres actuellement dans 1'enfance ~ non pas du progrés, tant s'en faut ! - mais de la décrépitude. Des étres donc qui avaient conm autrefois la gloire, le rayonnement intellectuel, 1'écri- ture, mais qui, depuis cette époque, "sont tanbés pau a pat, oubliant ict une tradition, accrechant 1a aux épines du chanin un lanbem de leurs antiques croyances, ct, dans leurs Gnes, la mit s'est faite de plus on plus noire", Bref : "Lee Kegres sont un pewle qui tonbe, un peuple dé- gradé, c'est vrai, mais e'tl est dans l'enfance, répétone-le, c'est L'en- fanoe do 1a déonépitude" (2). Ne 14 A trouver la brillante civilisation (1) Cf, P, Alexandre, Proto-histotre..., déja cité, p. 550, (2) H, Trilles, Quinze années chez les Fang. Déja cité, p. 120. +29. dont les Fang seraient le déchet, 11 n'y a qu'un pas qui, du reste, a &&é vite franchi ; les Fang ne pouvaient venir que du berceau de 1'hu- manité, c'est-a-dire du Nil, de 1'Egypte, voire de 1'Orient. Telle est, bridvenent exposée, la théorie du “primitif" qui sous-tend L"ceuvre de Trilles. Or, eu égard a cette conception philosophique, il y a lieu de mettre en doute, voire de rejeter les théses du Pére, Mais que dire des arguments Mnguistiques qu'il avance ? Ses nmbreux tableaux camparatifs de vocabulaires relavent-i1s vraiment du pur hasard 7 B que dire aussi du type physique des Fang ? A quelle Epoque, 4 quel endroit, avec quelle race se sont effectués les crotements antéricure des Fang dont on obser~ ve encore aujourd'hui de frappantes manifestations ? De ce point de we, la question des origines fang reste donc ouverte. Quant a la position de Martrou, elle paraft prudente mais timide et insuffisante : 11 faut choisir entre les origines avancées par Trilles et celles domées par P, Alexandre, I1 faut cholsir et tenter de justifier actentifiquement aon chots, Certes le probléme est-i1 loin d'étre facile, faute de docu ments écrits, Mais le conformisne n'est pas non plus l'apanage de 1'es~ prit scientifique, qui est éveil et remise en question permanente, Il faut done contimuer & s"interroger sur les origines lolntaines des Fang. Le deuxiane probléme qui retient l'attention a trait 4 1'iti- néraire suivi par les Fang, une fois qu'on "s‘est domé" le berceau du groupe. Déja, les tenants d'une origine soudanaise ne sont pas d'accord entre eux : pour certains, la migration, partie de 1"EST ou du Soudan, aurait contourné la foré équatoriale par le Nord et se serait heurtée la puissante armée Foulbé, qui 1'obligea a se diriger vers la forét ; pour d'autres, les Fang auratent d'abord atteint 1'Oubangui pour pro- gresser A nouveau vers le Nord, d'oi les Foulbé les refouleront en di- rection de 1a foré€. Quant aux tenants de la position "int emédiaire” - celle qui veut ignorer les origines lo{ntaines - ils soutiennent que Jes Fang furent attaguée dans la région de 1a Kadét et de 1a Haute- Sangha mais toujours par les Foulbé, G, Bruel, fid@le interpréte de cet~ te version des choses, affime m@me que les Foulbé avatent traversé le Dja, putsqu'a une Epoque récente (1895) ils détenaient encore des es- claves fang qui disafent @re nés au Sud de ce cours d'eau (1). Enfin, (2D CE G Bruel. Ouvrage cité, P. 298 +30. e nous passons a une toute autre version, pour P, Alexandre, la migra~ tion, partie de 1a région du Congo, aurait suivi l'axe de la Sangha en Afrection du Nord-Est. Br c'est au cours de cette progression vers le Nord, qu'elle dut reculer devant les Foulbé. De tout ceci, et si l'on excepte l'hypothése d'une origine pro- che, un point semble done acquis avaient essuyé une importante défaite dans une région de savane, proba~ blenent du cété de 1'Adanaoua, qui les obligea a gagner ou a regagner la forét équatoriale. Mais, quel est exectement le groupe ethnique qui leur infligea cette défaite ? S'agit-t1 des Foulbé, des Nboum ou des Babouté (Woutéré) ? Tei encore, les avis sont partagés. Pour certains, les Fang, au cours de leurs migrations, c'étafent des Foulbé et pour d'autres, tantdt les Mbom, tantét les Babouté. Mais voila qu'un nouvel élément d'information, relatif aux migrations récentes des Fang, vient encore ajouter a cette situation 4642 par trop complexe ! Avelot, s'appuyant iui-mée sur Burton, affir- me que les Fang sont partis du confluent de la Kadéi et de la Batourt sous 1a pression de plusieurs tribus étrangéres, dont notamment les Béti (1) Dans le méne ordre d'idées, P. Alexandre, s'inspirant de Vom Hagen, rapporte un conflit qui opposa le sous-groupe boulou dit Yekéub3 aux Bett, groupe Boulou & partir en direction du Sud-Cancroun (2). Aillours, P. Alexandre dit encore que les ancétres fang et boulou "s!enfoncérent dans 1a fore sous la pression des Bett" (3), Or, tous ces détails pré- sentent les Beti - dont font pourtant partie les Byorlo - came des Strangers par rapport aux Fang, Dés lors, une question s "impose : quelle place les Byondo - qui, il faut y insister, sont incontestablenent des Béti, mais dont 1a langue constitue un puissant facteur de "pahouinisa~ tion" - occupent-ils dans le contimum Béti-Fang ? Sont-ils des Béti sur toute la ligne, des Fang uniquement ou bien un groupe qui procéde 2 la fois des Fang ot des Béti ? ur la Sanaga et aux environs de 1840, et qui obliges le sous- (1) R, Avelot. Ouvrage cité, p. 385. (2) P. Alexanire. Proto-histoire... p- 534 (3) P. Alexandre, in Le groupe dit pahouin, p. 14 oa. Cette question capitale nous anéne a aborder le dernter para- graphe de ce chapitre, savoir : la situation généalogique des Bwondo. IIT. SITUATION GENEALOGLQUE, I1 on est de 1a situation génSalogique des Evondo comme do leur situation historique : on est loin d'avoir atteint une synthase définitive ! Blen des lacunes et contradictions demeurent. Mats voyons ce qu'en disent différents auteurs. Pour Trilles, on peut diviser les Fang, selon leurs dialectes, en quatre rameaux primitifs : les Betsi, les Méké, les Fon et les Bulé,(1) Br c'est aux Betsi que se rattachent les Eycndo.D'od 1e tableau géné- alogique ct~aprés : YAUWE Retst Fan proprenent oe dite ies Bulé Fon FAN Bosyéba Bosyéba a Mle | Bésex PAHOULNS see Dzandzana oan @ (1) H. Trilles, Le totémisme... p. 12. (2) H, Trilles. Le totéaisme... p. 17. - 525 L'auteur précise d'ailleurs que de toutes ces populations, les groupes Betsi et Méké sont les plus conmus et que tout ce qui a été dit ou écrit sur les Fang ne se rapporte qu'a eux, et notamment aux Betsi. Tl éerit + "les deux prentere groupes sont de beauca les plus conus, ayant effectué les pronidres migrations, ou du moins ayant été les pre~ miere en contact avoo les Blancs. A cur se rapporte et encore eurtost ux Betst, tout ce qui a été éevit sur tes Fén" (1)+ or, contrairanent A Trilles qui rattache ainsi les Byondo aux Fang "pur sang", la position de Bertaut paraft plus muancée. En effet, 41 répartit géographiquenent les Fang en deux parties : le groupe du Yord et celui du Sud, Le groupe du Nord campreni les Béti, savoir : les Evondo et les Bene, les Mvele et les Bron; tandis que le groupe du Sud s0 compose des Roulou, des Fang proprement dits, des Fong, des Ntounou et des Mvaé (2). Toutes ces tritus n'étaient pas encore stabi lisées avant Marrivée des Buropéens, ct plus d'une fois, olles avaient dé se battre entre elles et connaftre des conflits aussi graves que celui qui mit mux prises Boulou et Béti et qui ext pour coméquence le départ des Boulou pour la foré du Sud. D'autre part, bien que descendant d'une souche camune, les tribus boulou, b&ti et fang suivirent des 1tinérai- res différents pour aboutir a leur habitat actuel. Car, "en ronontant de génération en génération, on se déplace vere L'Est ou le Sud-Eet ou le Nord, suivant qu'il e'agit d'informateurs Boulous, Fangs ou Bétie” (3), D'ailleurs, "Boulous, Fangs, Wtounous et Mvaés déclarent qu'ile ne sont pas dea Rétia (pluriel d'Ati), clest-a-dire des Yaoundés, Btons ou Banés" (4). Inboftant le pas a Maurice Bertaut, Pierre Alexandre établit d'ebord une distinction entre Pahouins proprenent dits et assimilés. Les assinilés se composent des Manguisa, Yekaba, Baivele, Evuzck, Batchanga, Maka et Ngoumba, Kozimé, Nijem, Dzimou et Bad joué (5); le cas des Eton de Sas et Obala est délicat, cependant, ils "peuvent encore, mais déjd plus difftcilenent tre ascimilés aux Euondo"(6).Quant aux Pahouins, proprement (1) H. Trilles. Le totéaisme... ps 13. (2) Maurice Bertaut. Le droit coutunier des Boulou... p. 39 (3) Maurice Bertaut. Le droit coutumier...+ ps 40. (4) M, Bertaut ,Le droit coutumier... p. 42 . (5) P, Alexandre, in Le groupe dit Pahouin... p. 6: (6) P. Alexandre. ouvrage cité. v. 6 = 38. dite, 119 compremont + " ~ Au Sud : un groupe Fan, au sene un pou étendu ; "= Au Nord : un groupe D&t, peut-étre pluo pahouintod quo pahoutns "Entre les deux un groupe Boutou" (1). Et ,continuant sur sa lancée, notre auteur en arrivera, sept ans plus tard, a conclure & l’existence de trois “noyaux-anc@tres" qui sont : "a) Un noyau bulu-fan dans U'Bst de L'Adanaouz, d'ok eovatent parties deux vagues eucceasives : proto~Fan sur 1a rive droite de la Sanaga, proto~Bulu sur la rive gauche ; "b) Un noyau beté ~ basa - bakoko, entre Noun et Sanaga, dont les éléments ortentaux seratent les proto-Bétt ; "e) Les Klan, qui ee rattacheratent aux Ttkar et aux Vute, & seratent alors aussi originatres de U'Adanaowz, au Nord de L'habitat pro- bable des proto-Bulu-an" (2). Comme on le voit, 3 l'exceptton de Trilles pour qui les Evondo sont absolument des Fang, M. Bertaut et P. Alexandre tendent plutét & tentr les Evomio - par le biais des Béti dont 11s portictpent - 8 1'écart des Fang proprement dits. Car, les Béti "sont pait~2tre d'une autre ori- gine que les Pahouine proprenent dits, qu'tle auratent suivis dare leur migration vere le Sud-Ouest" (3). Cependant, P. Alexandre s'enpresse d'ajouter : "Quot qu'il on soit, certaines tribus ne peuwent etre étu- diées qu'avec les Pahouins proprenent dits,"& savoir : les Evondo, les Bané, les Fong (4). D@s lors, une question s'impose : que sont au juste les Byondo ? Des Fang ou des Béti ? Ou bien seraient-ils une résultante des deux, en ce sens qu'ils desceniraient de 1'un et l'autre groupes 7 A premiére vue tout au moins, 11 semble que les Bwondo ne soient pas des Fang - stricto sensu. Car, si 1'on considére un domaine aussi capital que celui de 1" gott qu'il existe une diffrence nette entre le Fang et 1'Ewondo, Le Fang, on le sait , apprenait son arbre généalogique au moyen de cranes d'ancétres; eignenent du systéme généalogique, on s*aper- (1) P. Alexandre, ouvrage cité, p. 5. (2) B, Alexandre. Proto-histoire... p. 549. (3) P. Alexandre, in Le groupe dit pahouln... pe 6 (4) P. Alexandre, ibid. (P. 6). ihe or, chez les Bvondo, un tel mode d'éducation n'a pas existé, du moins A notre connaissance. Tous nos informateurs, sans exception aucune, ont déclaré ignorer cette pratique. D'ailleurs, chez les Byondo, on a une telle peur dee osecmonts Iumains que seul, le ‘Mot Nn" (maftre du pays) pouvait disposer officicllement de quelques cranes et féurs ayant ap- partes & des individus qui - de par leur excellence personnelle - 6'é— tatent particuligrenent illustrés dans un donaine donné, celui du manie- ment des arnes, par exemple, Par ailleurs, si l'on aimet que les Boulou et les Fang ne font qu'un, comme le suggére P. Alexandre, un autre argu- ment vient alors 1'appui de la thése selon laquelle les Bwondo ne se- raient pas des Fang. Qu'on nous permette de faire appel ici A notre ex- périence personnelle ! Au cours de nos études secomlaires, nous parti- cipions activenent aux associations des éléves béti, et jamais les Bou- Jou n'en avaient fait partie, Enfin, le leu de 1a grande séparation des Pahouins, 1'0janbo'a boulou, ne semble pas connu des Ewondo, Cependant , le probléme n'est pas définitivenent résolu pour autant. On 1'a vu, le Pére Trilles qui écrivait "Le toténiane chez les Fan" & une époque of les effets de 1a colonisation n'avaient pas encore tout a fait suscité chez les Fang gabonais cette conscience eth- nique aigiie que reflétent les oeuvres de G, Balandier, avait classé les Byondo parmi les Fang Betsi - c'est-a-dire les Fang par excellence : est-ce un hasard ? D'autre part, le Fang gabonais qu'on rencontre 2 Paris désigne les Byondo coume "ses fréres de Yaoundé", avec une éton~ ante note d'affection, Enfin, si les Byondo sont des Rati, il n'en est pas moins vrai que leur langue constitue, selon "expression de P. Alexandre, un puissant facteur de “pahouinisation", au méne titre que les langues Houlou et fang. En effet, tandis que le boulou s'étend dans le Sud-Cameroun, et notamment 4 Kribi, que le fang prédamine au Gabon et le fang-boulou en Guinée Espagnole, l'ewondo se parle "sur ta vive droite de la Moyeme-Sanaga, dans 1a région du Mbam, ainsi que eur la rive gauche, vere la frontiéve de L'Oubangut, dans la région de Lan- et-Kaléi, surtout dane 1a subdivision de Bertoua" (1). Mais, le plus curieu c'est que ses effets honogénéisants et de "pahouinisation", (2) P. Alexanire, in P. Alexandre et J. Binet. Le Groupe dit Pahouin ... pe 19. © 35 Lewondo les produit d'abord en zone béti, A telle enseigne qu'il t en passe, & I'heure actuelle, de supplan:er tous les dialectes butt. Eeoutons encore P. Alexandre A ce sujet : "Le dialecte daninant en zone Batt ost Lovondo, langue de trewatl des missions catholiques, qui. eup- plante rapidement les dialectes beti (ati) proprenent dite de la vallée de 1a Sanaga. Le dialecte éton, par exemple, plus abi que pahouin 2 la veille de la guerre de 1914 (Nekes), est axjourd "iui camplétenent asi milé ; le tetnga et Le mangtea sont en vote de t'étre” (1). Alexandre dit encore : "ActuelLenent on peut citer came étant en vote de "pa- houinisation" (dialecte evondo) : les Mangisa, Yekaba, Bonvele, Evuzok, Batohanga (Teinga), Onvang ot Yetudi de la Sanaga" (2). Enfin, "Pour ce qui est de la prononetation, on constate une ressenblance frappante entre fan et evdndo, assex étonnante puisque les deux groupes sont sé- parés par Lenclave bulu et n'ont pas, ou n'ont plus, de contacts di- recto” (3). Eu égard A toutes ces raisons, 11 ne semble pas qu'au niveau du groupe pahouin (Fang, Boulou, Beti), on soit 4 méne, dans 1"état tuel de nos connaissances, de situer avec rigueur les Evondo. Si ces derniers sont incontestablenent des Beti - come ils le disent d'ail~ leurs eux-méues - leur langue, pour n'évoquer qu'elle, n'en constitue pas moins un puissant facteur de "pahoutntsation" vis-a-vis des autres Béei, justenent ! Il y a 18 un probléme épineux a résoudre pour 1'His~ toire et 1'Anthropologie historique. Or, si les Ewondo sont si malaisés a situer au niveau du groupe pahouin, ne pourrait-on les cerner avec précision dans le cadre plus restreint des Béi, dont ils se réclanent ? L'adninistrateur des Colonies Cournarie, étudiant les popula- tions de 1a région de Yaoundé en 1933, a domné des Béei le tableau ci- aprés (1) P Alexandre, Ibid. p. 19. (2) P, Alexandre, Ibid, p. 6-7. (3) P. Alexandre, Ibid, p. 20. 36, Kolo Kombo Teinga Etudi Bett into Eton Mele Nanga Badzu Onvang, Ntoumou Yesoun Yangafouk Banvélé Bavek Bavek a Ce tableau présente done les Ewondo came descendant de Kolo, ce dernter engendré lui-méme par Beti, lequel est fils de Nanga. Toute- fois, ce répertoire généalogique pose de véritables cas de conscience ! Que les Mengisa figurent parmi les Kolo, voila ce qu'aucun Béti sérieux, nf encore moins aucun Evondo, ne pout admettre : los Mangisa seratont tout au plus de méne niveau généalogique que Kolo, c'est-a-dire qu'ils constitueraient ou ses sibling ou ses lulf-utbtings» De plus, 11 y aurait certainement beaucoup a dire sur plus d'une tribu de ce tableau. Ainsi des Yangafouk et des Bavek : ces deux groupes ne seraicnt-ils pas des Béti ? On peut égalenent déplorer certeines absences, come celles de B8la Béti et peut-@re m&me des Yanghéré. Ainsi, tout comme celle du groupe pahouin, 1a composition du groupe Béti constitue-t-elle un éche~ veau de tribus fort malaisé a débroufller. A telle enseigne que 1a seule certitude dont nous disposions actuellement en la mati&re deneure le syste généalogique des Ewondo proprement dits, le mot Ewondo étant pris ici stricto sensu (2). Volet, 4 partir de Nanga, cet arbre généalogique .376 Mbuni (7) | Manga Biti-be-Nanga CO eT Meum Bei Eewm Buti | Kolo Bét. Eton Béti Bela BEti Mvélé 2 ~ Beet Avangana Mbala Mhala J Fouda Mbala —-Essomba Wana | f yO TT t (otay Tanbal Atemengue Ovo Tsogo Neo-Mvié Bengo-Beyi-Be Tsoungut Efa-NgonTanba Mbia Mengue Tsoe-Tsogo Zoe Metogo Ee tilpesd met ah oe, ot Kounou Nsizoa ete, En partant de Buti, L'arbre généalogique des Ewondo (au sens strict), est done le suivant : Nanga, Beti-be-Nanga, Kolo Beti, Ondza Kolo, ce dernier senblant avoir été fils unique. Ondza Kolo engendra Bwundu Nizié ou Ewondo, de qui naquirent : Ndobo et Nava ; Essamba-Na- Bana ; Ekus"Mbale et Ebanda. Ne pouvant exposer en détail les descen- dances respectives des cin fils d'Ewondo - ce qui eGt été A la fois +38. trop long et fastidieux - nous n'avons développé enti@ranent qu'une seu- le ligne de filfation 4 partir d'Essomba-Na~Bana, Ce n'est point de gaie- té de coeur que nous avons déployé un tel éventatl de générations, bien au contratre par co biais, nous visions A faire satsir et A situer, par rapport & BUti, le niveau clanique ewondo qui,seul, deneure réelle~ ment perceptible de nos jours quant & L"organisation territoriale et socio-politique du pays ewonto. Pour en revenir a notre ligne de filiation, Esscmba-Na-Bana doma done le jour & quatre fils + Atangana Mbala, Tsoungui Mbala, Fouda Mbala, Essonba Ndana. Les trois prenfers étaient des stblings, le der- nter leur halfaetbling, A son tour, Tsoungui Mbala engendra : Otou Tanba et Efa-Ngon~Tamba; Atemengue et Mbia Mengue ; Owo Tsogo et Nsoe Tsogo; Wo Mvié, Zo'Metogo et Bengo-Beyi-Be-Teoungui. Enfin - ot clost ich qu'on aboutit, Dieu merci ! au niveau clanique, c'est-a-dire a la struc~ ture généalogique 1a plus apparente avant les Lignages - enfin, donc, d'Otou Tanba descendirent : Dzou, Betsi, Ada, pour ne citer que ceux 18. Bt bien entendu, les lgnages Dzou, Betsi... se divisent 4 leur tour en sous-lignages. C'est ainsi que Dzou se composera des Kouncu, Nsizoa, Neazoa, & de bien d'autres, I1 faut ajoutor 3 tout cect quelques précisions. Notre arbre généalogique canporte tout au début le personage de Mbount, qui, au dire d'un vieux centenalre ewonlo, digne de fol, serait le pére de Nan- gs Mais n'ayant eu confirmation de ce non mille part ailleurs, nous L'avons fait suivre d'un point d'interrogation, On remarquera, d"autre part, L'absence sur ce tableau de 1'ethnie Boulow. Interrogés sur celle- ci, nos meilleurs infornateurs evonto répondaient invariablement: "Eh kie 1 Man Bulu ny'ane esoa 1" (Voyons | le Boulou est ton pére 5 voulant dire par 14 qu'il se situe 4 un niveau généalogique imédiatenent supé~ rieur a celui des Evondo : hypothése a vérifier donc, une de plus.) Telle est, brigvenent expose, la situation généalogique des Ewondo. +39. Au terme de ce prenter chapitre de notre étude, 11 importe'de souligner que le mot Evondo sera utilisé dans une atception large. Notre étude concernera sans ml doute aussi bien les Etenga que les Yanda ; les Enoa que les Evuzok ; les Bene que les Tsinga du Sud du Nyong, cette Liste ne prétendant, du reste, & aucune Limitation, Par Evondo, on cn- tendra done au prenier chef, tous ceux qui parlent 1'ewondo came lan-~ gue maternelle, mats aussi d'autres BEti tels que les Eton ou les MvELe. Mais alors Aira-t-on,peut-étre, que n'avez—vous intitulé votre travail : le mariage chez les B&i ? Certes, tout ce qui sera dit tet pourre-t-il s'appliquer grossiérenent au groupe Béti tout entier, volre a la grande famille pahouine, étant donné 1a remarquable haogénéité de ces groupes au point de wue culturel. I1 n'enpéche, toutefols, qu'il existe toujours au sein de ces ethnies, plusieurs marques de fabrique jouissant ,les unes par rapport aux autres, d'une réelle autonamie, Ainsi du Fang pro- prement dit, du Boulou, de 1'Ewondo. En sorte que notre travail doit @tre considéré, non comme 1'étude du mariage chez les BUti, mais plutde come celle du mariage béti a daninante ewondo, Ces précistons valent également pour le chapitre suivant, celui relatif aux caractéristiques générales de 1a société ewondo, CHAPITRE II - LES CARACTERISTIQUES GENERALES DE LA SOCTETE EWONDO,, Traiter des caractéristiques générales d'une société revient, on Fatt, A donner un apercu de sa culture, toute culture pouvant "tre considérée came un ensanble de systdnes synbo- Liques ax premier rang deoquelo 06 placont Le Langage, loo régloe ma~ trimoniales, les rapports écononiques, Uart, 1a science, 1a religton"(1). Ii stagit donc, ict,d’un projec a 1a fois vaste et anbitieux A la réa~ sation duquel on passerait toute sa vie, si on voulait se donner a ache d'explorer vraiment tous les donaines qu'il implique. Aussi, afin de ne pas nous Eloigner de notre propos, nous contenterons-nous seule- ment de quelques bréves suggestions sur 1a société ewondo, Ces dernié~ res porteront sur les types d'autorité, certaines pratiques rituelles et surtout sur 1a structure sociale qui intéresse au premier chef le mariage : le systéme de parenté, en tant qu'il comporte nécessairenent les régles de filiation, de résidence, d'alliance et une nomenclature, LE SYSTEME DE PARENTE (2) Le systéme de parenté ewondo est de type indifférencié ou bila~ téral, ence sens qu'on reconnaft socialement les liens de filtation dans quatre lignées a 1a fois : la lignée du pare du pére d'Ego; celle de 1a mére du pare d'Ego: celle du pare de 1a mére d'Ego; celle de 1a mére de la mére d'Ego. Mais, deux lignes de filiation se détachent net- tonont de ce vaste ensemble + Ia lignée du pire de 1a mire d'Egc et sur- tout celle du pére du pére d'Bgo. En sorte qu'au bout du compte, il (1) Claude Lévi-Strauss. Introduction @ 1'oeuvre de Marcel Mauss, in Marcel Mauss ! Soctologie et Anthropologie, 3e édit., P.U.F., 1966 p. XIX. 0) Unie am Al aoramme on annexe. 4a. faudratt dire que le syst@me de parenté bilatéral ewondo est a prédani- name patrt linéaire, En effet, si 1'on ne peut prendre femme dans aucun des clans de ses quatre granis-parents, ¢ 'est uniquement per son patri- elan qu'on so situe par rapport 3 d'autres ethnies. Une personne dira quielle est un MvogDm (man Mvog-Dzu = descendant, menbre du groupe clanique dit Mvog-Dzu) , un Mvog-Basogo (man Mvog=Basoge) ou un Mvog- banda (man Mvog-Ebanda) selon que son pére participe lui-méme des Mvog- Dzu, Mvog-Basogo ou Nvog-Ebanda. De plus, si Ego peut obtenir une aide matérielle de son matriclan, et notament de son nyandamo (oncle mater- nel) - comme nous le verrons plus loin - c'est tout de méne de son pére qu'il hérite nomalenent; c'est son pére qui lui donne un nan 3 le nais- sance; c'est son pére qui lui assure l'éducation qui fera de lut un men- bre authentique du patriclan. Enfin, il faut souligner que 1a résidence est patrilocale, encore qu'elle puisse @&re avunculocale dans des circonstan- ces exceptionnelles ~ 4 la suite de conflits permanents et aigus ayant opposé un fils 8 son pére, par exemple. D'ailleurs, le fils de 1a socur (narkaD) ne pest vraiment flourtr chez son myandano (oncle maternel) qu'é condition que celui~ci n'ait pas d'héritiers directs. Car, si le myandano a des enfants qui lui appartiennent en propre, 1a situation du mankal accusera une trés gramie instabilité, Dans des monents de colére, l'on ne manquera pas de lui rappeler qu'i1 est d'un praticlan étranys Ion tra m@ne jusqu'a le traiter de tdbd (denestique, honme générale~ ment d'origine Gtrangére et qui vit en parasite chez un autre). Ce qui, @videmment , ouvre 1a vole & des conflits sans fin, La prédaninance de 1a ligne de filtation patrilinéetre se mani- feste aussi au niveau des différents groupnents claniques et lignagers dont fait partie tout Byondo, de par sa naissance, Pour suivre un ordre de gradation ascendante, 11 faut indiquer que 1'Byonlo est d'abord men— bre d'un nda~bot (1ittéralement, maison des hommes), qui est 1a famille étendue, Aprés le nda~bot, vient 2’ayan (ou sym-bot}, qui rassamble tous les menda-mebot (pluriel de mia-bot) descendant d'un ancétre comun, connu et peu lointain, Aussi, Z'ayan-bot a-t-il pour synonyme tout grown panent lignager dont le nom se compose du mot "Mvog" (descendance, vil- lage) et d'un non de personne, Ainsi les Mvog-Dzu, Mvog-Basogo et Mvog- Foanda Gvoqués 2 L'inetant représentent-Lls des mayon-mebot (pluriel a"aycn-bot) et significnt Mttéralenent : 1a descendance de Dzu, Basogo +42. ou Ebanda. Mais, 11 faut indiquer que nous venons d'utiliser 18 1"ex- Pression "Mvog + non d'anc@tre" dans une acception fort étroite : cette expression désigne également 2'ensonble des meyon-metot issus d'un méme anc@tre fort lointain mais connu; elle constitue par conséquent la trot~ same organisation clanique qui encadre 1"EWONDO, C'est ainsi que les Mvog-Tsungi Mbala comprennent les groupenents en "Mvog" ci-aprés qui, eux, Equivalent & L'ayan : les Mvog-Otu et Mvog-At tng’; les Mvog- Owotsogo et Mvog=Efa Ngon' Tamba; los Mvog-Mbia Ming® ct Mvog-Zo'Mtt ogo les Mvog-Nso'Tsogo et Mvog-Bengdnd. Enfin, on aboutit au quatrive et dernier niveau ; Z’ayth (plur. meydh), qui regroupe tous les Ewondo ainsi que tous ceux qui parlent 1'evondo comme Langue maternelle. On dit : ayoh Buondo (1'ayoh des Ewondo); ayoh Hdzaman (L'aybit des Ndzeman = Allenands); qybh Fulansi (1'aybdh des Fulan- st = Frangais)(1). L’qydh est donc synonyme de tribu, d'ethnte, de peuple ow de nation, tandis que les organisations en "Mvog + na d'ancitre" si- gnifient tantét lignage et tantét clan, suivant le nombre d'individus et de niveaux généalogiques qu'elles renfermest; quan: a Llayon, il n'a qu'une acception : celle de lignage. Tou: ceci peut se résuner par le tableau suivant : AYOR Mvog+nan d'ancétre Mvogtnom d'ancétre (sens large) (sens large) ———— ‘Ayon=bot ayom=bot ayom-bot ayon-bot (ou "nvog+na dtancétre" au sens étroit) ee ne nda-bot nda~bot nda-bot nda-bot nda-bot nde-bot nda-bot nda-bot Légende : . = individus qui constituent le nda-bot. (2) Un Bwondo, un Frangais se disent : man Evondo, man Fulansi. a Le nda~bot. Le nda-bot (famille~étendue) comprend, par rapport @ Ego : le pare, les méres (épouses du pére), les fréres du pére; les siblings et half-siblings;les fils des fréres du pére; les soeurs du pare célthatatres (heesanga, sing. esanga) et leurs anfante; les mintdbd (domestiques, sing. ntdbd) et les 21d (esclaves, sing. old) (1). Le nda-bot posséde une unité territoriale, sauf, bien entendu, en cas de Segmentation du lignage, I1 se matérialise spatialement sous forme de village (dzal) ou plus exactement de village-rue appelé mbana-daal, ou tout simplenent mina. Le mbama peut comporter une ou deux rangées de cases, ce qui se traduit par : mbana nkag mbdk (village a une rangée de cases, littéralenent), mbana minkag mtbé (village a deux rangées de cases). Le haut bout du village (nlo~dzal, lit. la t@e du village) se termine par une case située perpendiculatrement aux autres:Z'abé (mat- son des homes). C'est 18 que se rassenblent tous les individus du sexe fort du village. Une fois rentrés des champs, ils vaquent dans l'aba 3 des activités surtout intellectuelles : on conte des histoires d'autre- fote, des 1égendees on apprend eon arbre généalogique. Tro souvent on y apergoit des individus qui, tout en suivant gravenent le déroulement d‘un palabre ou le cours d'une conversation, achévent , comme mécaniquament , de fabriquer un haveneau (tan), une corbeille (dzat), une hotte (nkoe), ou une natte (ekali) conmencé la veille, De par sa position stratégique, 1'abf assure 1a défense du dzal (village) (2) route qu-dela du mbana, Autrement dit, tout Stranger qui passe doit donner son identité aux habitants de 1'ab@ : son nom, son village, son clan, sa destination, Si par matheur un tel voyageur se trouve Stre men~ bre d'un clan qui entretient des relations d'hostilité avec le nda-bot (£aniMe-étendue) dont i1 est en passe de traverser 1'aba, on l'arréte out passant doit le traverser s'11 veut contimer sa sans autre forme de procés, on lui adapte aux pleds une lourde entrave (mbok), ef le voila prisonnter jusqu'a réglement complet du différend. (D)L'old avait souvent une ou les deux oreilles coupées 4 ras, ce qui constituait le signe d'une dépendance totale vis-a-vis de son maftre. A la mort de celui-ci, le nda-bot sacrifiait un ou deux ald afin qu'ils contimassent , disait-on, a faire du feu a leur illustre maftre, dans 1'au-dela (n& béké bakoman manti nioan) ! (2)Naturelloment , nous dépeignons les choses telles qu'elles se passat ent autrefois, jusqu'autour des années 1900, Cette renarque vaut du reste ane la ates noente ambla da athe Stade. 2 4ae De plus, les hommes du nda-bot sont toujours pré&s a se battre pour la sauvegarde du nda-bot et de tout le clan, Ils disposent chacun d'un fusil (ngal), de lances (mekbi, sing, akbh) ot de gourdins (k&k). Au noindre nlul akoh,'tous les Lendanan (jeunes gens) sautent sur leur fusil et accourent de toutes leurs jambes of les appelle le tambour. Le nda~bot est souvent entouré d'une haie de bananlers au pled desquels poussent des macabos et fleurissent des cannes & sucre, Dans un coin du village, se dresse une étable sur pilotis (abimba), destinée a abriter des moutons (abémba mintomba : étable & moutons) ou des caprins (abimba bik6la). Les alentours inmédiats des cas plantes médicinales d'usage courant, ainsi que de quelques épices ou avé (plectranctus), tég2 (hibiscus esculentus), ndvm (anomm male~ regorgent de petites vas guetta), entre autres. Dans la cour du mbana, devant 1'abf se dresse souvent un arbre majestueux : Z'otanbo (uristigna vogelii) (2), symbole de la dignité, de la grandeur et m@me de 1'excellence du chef du nda- bot. Avoir devant son abf un otonbo signifie qu'on est un notable de taille. Ausei, tout citoyen puissant est-il généraloment désigné cous le nom de : otanbo mam (1'otambo du pays). Banamiers (oie \9)= Jo} {0} faye Sion - (0° ° 9 9 90 0 0 6 6 4 Habémbe [=] [x] [e*] [=] «| o 9 9 Q °o.°0 0 o 90 0 0 90 fe] 0 o o oO 0 a 9 a ba nanions — (1) Arbre qui sert a la fabrication de 1'étoffe appelée obom. ODN Vewkentomnant Memon dn to 5. Ltayom, les organisations en 'mmog", Llaydh, L'ayon, on 1'a dit, est une organisation lignagére constituée par les menda-mebot (fanilles~ @endues) issues d'un mée anc@tre,Certains meyom-mebot (plur. d'ayan-bot) ainsi que quelques groupenents en “vog + nom d'ancétre", peuvent jouir d'une unité territoriale; mais en régle générale, ils se trouvent plutét 4 cheval sur plus d'un clan ou lignage étrangors. Cot état de parcellica— tion des meyam-mebot et groupaents en "nvog" résulte du nmadiene qui, hier encore, caractérisait le peuple ewonlo : au cours des nombreuses mi- grations de celui-cf en direction de la mer (1), chaque chef de fanill étendue (ndzoe mia-bot), sauf en cas de guerre contre un clan étranger, avait sa totale initiative et pouvait donc se déplacer au rythme qui lui agréait. A telle ensefgne qu'a 1'heure actuelle, des populations d'un néne ayon ou d'un m@ne "vog" vivent a des dizaines, voire a des centai- nes de kilonétres les unes des autres. Le cas des Mvog-Dzu est trés Elo~ quent A cet égard : 11s sont dmplantés qui a Yaoundé, qui a Akono (a 64 Kn des premters), qui du cété de Lolodorf, soit & 180 ku de Yaoundé, et nous passons sous silence d'autres groupenents plus petits. Force est done de conclure a un certain flou en matiare de limites territori: Jee des meyom ct "nvog", cinon A lour incxistence. Cependant, ces orga— ndsations claniques et lignagéres comportent tout de m@me un facteur a*untté : leur nan, qui est la devise par laquelle on les appelie au tan~ dour. Pour donner un exemple, le ndan des Mvog-Dzu est celui-ci : Astian mbim oku, Mvog-Bela (2). Contratrement a Z’ayon et au ‘nwog", Llaydh, lui, a une unité territoriale relativae-t plus précise, méne s'i1 renferme dans son sein ~ ot le cas ost fréquent des Slémonte claniquee Strangers, qu'il ascinile d"ailleurs avec succés. Chacun sait grossizrement les limites territo- riales de L'aydh ewondo, dont le repérage ext du reste factlité par l'en~ plot de 1"ewondo came langue maternelle. (1) Ce n'est point ici le lieu de traiter des légendaires migrations evondo. (2) Expression malaisée & rendre en gcangais. Ia traduction juxtalinéai- re: "est surpris (de voir) un cadavre tanbé, Mvog-Bela", ne donne malhourousanent rien! Mais le sens de la devise est celui-ct : les Mvog-Bela (ou tout Mvog-Bela) sont si sirs de leur supérforité en fait de stratégie militaire qu'ils seraient vraiment étomés (sens du 17e), st cela se prodult jamais, qu'un des leurs pulsse tauber, en cas de guerre, On pourrait donc avancer une traduction libre du +46, NOMENCLATURE, Si la terminologie de parenté est parfols classificatoire, elle est cependant assez descriptive pour échapper 3 des équivoques dange- reuses. Nous étudierons les choses par rapport A Ego. Le propre pére de quelqu'un est tara (mon pére) (1); ce teme s'applique aussi A tous les fréres du pére - qu'ils soient ses siblings ou ses half-siblings - ainsi qu'a tous les hommes du patriclan de mane niveau géntalogique que le pére, Nous insistons sur le mot “niveau géné- alogique", et non sur celui de génération, car, on peut re le petit fils d'un jeune enfant d'une saaaine alors qu'on frise sot-méne la cin- quantaine, tout étant fonction de la vitesse @ laquelle les lignages se reproduisent. Toutefois, afin d'éviter des confusions, en can de probla- mes graves a régler, on est parfots anené a faire la part des choses et a tint (expliquer) - c'est-a-dire & préciser avec mimtie le degré de parenté qui vous lie & quelqu'un. Supposons qu'on ait affaire a un grani- oncle paternel eppelé Esamba. Ego dira, pour étre précis: tara Escmba, ban tara mvan dzia (= mon pére Esomba, lui et mon pére descendant du m@ne grand-pére). Enfin, en cas de divorce ou de mort du pére (sens restreint), Ego appellere le nouveau mari de sa mére : tara ance (mon pére de jour). La mar Jee fonmes du pare, toutes celles des frares du pére sont des bermana (mes méres; sing.nnana), On dit : nnana, bennana, manes méres; nyoa, benyoa, ta, tes méres; mya, benya, sa, ses meres; mana wan, bennana ban, notre, nos méres; nyoa win, benyoa bin, votre vos méres; nya vaban, benya baban, leur, leurs méres. Alors que 1a socur du pare et celle de 1a mére sont l'une et Iautre désignées sous le non de sdngd (ma tante) (2), le frére du pére et colui de 1a mire se désignent différament : le frare du pare, on 1'a dit, est mon pre (tara), tandis que le frére de la mére est myandano (3),: Ti) Ce mot se décline ainsi : tara wan, betara ban, notre, nos péres. ton, tes pares. esoa van, heesoa han, votre, vos pares. Esia, beesia, son, ses péres. esia waban, beesia baban, leur, leurs pares. (2) Sdugd, besdngd : ma, mes tantes. Esbngd, beesdngd, ta,tes, tantes. Esanga, beesanga : sa, ses " . Sngd wan, besdngd ban inctre, nos.. +47, de nyia, mére, et ndan, frére par rapport 4 une soeur; nyandmo signifie done mére male, Que les oncles paternel et maternel portent ainsi des nons différents n'a rien d'tonnant, puisqu't1s jouent chacun un réle par ticulier vis-a-vis d'Ego. L'oncle paternel remplira évidemment le réle de pére, tandis que loncle maternel assumera d'autres responsabilités , comme nous le verrons plus loin, Le mot madzah (pluriel bab&dzah) s'emplote entre deux personnes de m@me niveau généalogique et de mane sexe, et signifie donc mon trére ou ma socur. I1 s'applique aux siblings et half-siblings, aux individus du patriclan de m@ne niveau généalogique qu'Ego, aux enfants des soeurs des pares (que celles-ci sofent mariées ou non), aux fils des fréres et soeurs de la mre, On dira : Eyénga ban Bandolo (nans de fame) bin’ babémyah (= Bytnga et Bandolo sont des sceurs); mais aussi : Atanga et Esomba (nous d"homme) sont babiinyah (des fréres). Naturellement, on peut toujours "timi" (expliquer). Aussi, entendra-t-on souvent : madzdn, be- tara betara mvan dzia (= mon frére, nos péres nos péres grand-pére mize = con pére ct le micn descendant du m@ne grand-pérc) (1), S'agiceant de la relation frére-soeur, Ego appellera sa soeur Kal dzan, qui lui dira : rom dzam (mon frére). Ex : ron dam bi dé clwn da (mon frére, lui et mot ventre méne,c'est~a-dire mon frére de méne mére). Au niveau des granis-parents, les choses ne sont g6néralement plus précises que du cté paternel, Cependant, le mot mvc (grand-parent) est classificatoire et désigne iniifférenment le grand-pére ou 1a grand- mre paternels, came le grani-pire ou 1a grand-mére maternels. Pour plus de préciston, on dira : mvanba fan (mon grand-parent mfle) , manba minénga (mon granl-parent fenelle), Bi sf 1"on veut préciser plus, on ajoute : mfa ya betara ou mfa ya bennana (respectivenent "du cété de mon pére" ou "du cété de ma mére"), Quant aux arriére-grands-parents, ils sont les benvam de mes bebonde (2) (les granis-parents de mes géni- tenrs). Or, alors qu'on connaft par leur non tous les parents de la filiation patrilinéaire jusqu'a 1'ancétre mythique, on se contente de désigner en bloc et par un terme collectif les menbres des matriclans (2) Le mot madzab se décline ainsi : Madzah, babédzah = mon, mes fréres, Manydi, bab¥nydh = ton, tes fréres. Many&h, bab&nyah = son, ses fréres, Madzah wan, babédzah ban = notre, nos... Manydh wan, babényda ban : votre, vos fréres, Manyah waban, babényah baban = leur, leurs fréres, 4B. du pére, de 1a mére et du sien propre : beryantono (les oncles maternels). Benyandono be tara (les oncles maternels de mon pére), benyandono bennana (les oncles maternels de ma mére), benyandano ban (mes oncles maternels). Terminologie inprécise, certes, mais absolunent opérante en matiére ma- trimoniale + on ne peut jamais, sous aucun prétexte que ce soit, prendre feme dans ces matriclans. I1 suffit qu'on vous dise que telle jeune fille dont vous raffolez, fait partie du matriclan de votre pére, pour qu'automatiquement vous vous en dessaisissiez avec horreur, sans méxo chercher & savoir & quel niveau généalogique elle se rattache a votre perc, D'ailleurs, s'évertuer @ éclaircir un tel lien de parenté seralt malsain et pourrait m@ne donner matitre & sacrifice. I1 vaut donc mieux ne pas chercher & camprenire | Toutefots quand 11 le faut, on peut tou- fours préciser : endindi myandono tara (1'arritre-petit-fils de l'oncle maternel de mon pére), dira-t-on par exemple. Le mot mankal (plur. bankal), désigne l'enfant de la soeur. Cependant , on réunit généralenent sous le vocable barkal toutes les personnes dee deux sconce, ieoucs deo filles du patriclan mariées, comp- te non tenu du niveau généalogique de leurs méres dans la lignée patri- Lingaire, Par exemple, si Ego est un Mvog-Basogo, 11 entendra par Bankat be Mvog-Basogo (les fils des sceurs des Mvog-Basogo) tous les enfants de ses socurs, de ses filles et petites-filles mariées; de ses tantes et grandes-tantes paternelles jusqu'au dernier ascendant connu, Bien entendu, la précision reste toujours possible, si besoin est. Mon won (mon fils) sapplique 3 ses propres enfants des deux sexes, A ceux des siblings ct half-siblings, a ceux des fils des fréres du pére, Mais on dit aussi ; mianan daan (mon fils) et nydn dzam (ma fille). Un enfant adoptif est dit ‘mn ance win" (mon fils de jour). Enfin, aprés le fils, 3 qui mous attribuerons le mméro 1 pour faciliter le décompte des générations deseendantes ,vient le petit- fils : ndées le muméro 3 s'appelle endinii; le numéro 4, owobah; le mméro 5, ngid-bdh s le muméro 6, enfin, okd-cwondo, Mate, depuis assez longtemps, le sixiane rang n'est plus respecté, trés peu de gens en con- naissent d'ailleurs 1a dénomination exacte, C'est douc & la clmuleme génération - celle d'igo non comprise - que prend fin la parenté ewondo. Aussi, les Evondo sont-i1s un peuple exogane par excellence (1). +. COUP _D'OETL SUR CERTAINES RELATIONS DE PARENTE, Afin de ne pas prolonger iniéfiniment ce paragraphe, nous atexaninerons ici qu'une seule relation de parenté : 1a relation pére/ filo (cota/adn). La relation pére/fils Evoque surtout l'autorité, l'absoluité du pére, d'un cété, et de L'autre, la subordination, la soumission, 1'o~ Délssance du fils. Le pére a l'oeil sur tout ce qui concerne le fils, c'est un patriarche, Son fils a-t-il ramené du gibier de la chasse, il en dispose & sa guise : avec joie, il saute sur son tambour et se prend a appeler un ou deux de ses fréres. Ils se partagent le gibier, qu'ils dégustoront & belles donts sane mine s"inquister de celuf qui s'est dom né la peine de le chasser ! Pourquoi cette brimadé ? Ils voudraient voir, par ce blais, disent~L1s, si le Jeune home est capable de reconnaissance envers ses péres (bayi yen ngé ayn beesia) ! Quand le pére parle, le fils L'écoute avec soumission, les yeux batesés; 11 ne doit en aucun cas dévisager son pére : ce serait faire preuve d'cffronterie, de mépris. Que son pére le réprimande en public ou en privé, la seule réponse du fils, c'est d'esquisser un sourtre. Car ce sourire qui, ailleurs, peut @tre interprété came une insulte, sinon come le reflet d'un état men- tal extra-quotidien, est ici synonyme d'ambarras, de soumission, d'huni~ Mté& Si le fils ose réponire & son pére séance tenante, celui-ci s‘in- dignera avec colére : "Dza ene na melbdgd, wa oldbegd 1" Mats, coment peux-tu parler en méne temps que moi !), Pour bien illustrer cette relation pére/fils en tant que re- lation de danination-subordination, {1 n'est peut~@tre pas superflu de rapporter ici une petite scéne came on en rencontre des milliers dans la vie quotidienne des Bvondo. Alors qu'il s'entretient de choses et d'autres avec une dane, un jeune hme, majeur, est surpris par son pére. Celui-ci, sans mée chercher @ savoir de quoi 11 est question, mais crat- gnant d'avoir a payer tét ou tard le prix de L'adult@re, décide de pré- venir Encrgiquement cotte Gventualité cofteuse et se prend dane, en présence de la dane epeurée, & fustiger son fils, Le jeune homme subit ce martyre en silence; mals le lenlewain, 11 va s'en plainire & oon on- cle paternel, qu'il appelle naturellement son "pére. Voici cette plain- te admirable de philosophie (nous passerons naturellanent sur les for- tan dn nntteasen An adhe) + + 50. Le fils, les lames aux yeux et d'une voix trenblottante "Eh a betana, nga mina © pérco, no pawes-vows done tonir Srtayon a f nz ma mentoa canpte de ma majorité ! "ya mot # Le pére, l'air mauvais, fumant sa pipe : "la anew Pt Pour qui te prenie-tu ?! Le fils, toujours supplant "Tht a botaral... 0 pawast... Le pére, l'air toujours grave, continue a fumer, came si de rien n'était, Mais le fils revient a la charge + "Eh! a betaral 0 peres!... Le pare excédé : ‘Wadso dso ya ? Mais, qu'est-cc que tu racontes ? Le fiis + "akiad dean manydh ab ma angogd ! Si vous eavies ce que votre frere mia fath, hier! Le pére : "oa. Kobdgd see dis-le, Le fils : "Ned lob bi Byonga bilage, td Il est arvivé alors que je causais niaetlt ne ya, tage fd, atart qvee Eyénga; sane méne chercher & f h'aludan ma nkas a nydt, cavoir de quot il retawnatt, il se nye na avint dean bengtbinda prit sailenent a me cingler de son rman fouct, sous prétexte qu'il abharre Ladultare Le pire + "ala, m tavok. Bien, clest entendu, " Be le jeune home se retire, sans denanier son reste. ately Essayons maintenant de tirer les renseignements contemus dans ce texte, On notera d'abord 1a soumission, la déférence dont fait preuve le jeune home, Il s'adresse, non & son pére, mais & ees péres. Ce plu- riel, en tant qu'il dépersonnalise, rend I'affrontement moins direct, et par conséquent , plus acceptable (1), Afind'attirer les bonnes gréces de l'oncle sur sa cause, notre gargon brode volontiers sur 1a relation de sibling qui lie son oncle a son pére : "st vous savies ce que votre frre m'a fatt, dit-11", Mais, alors que l'attitude du neveu est ainsi admirable de respect et de soumission, l'oncle, au contraire, se couplaft 3 afficher un air mauvais, & provoquer son neveu par des formules humi- Mantes, & le tourner en ridicule ("Pour qui te prende~tu?", "Qu'est-ce que tu racontes"). Ce sont autant de coups de sonde destinés a déceler le niveau d'insolence dont le jeune hame serait capable. Le comportement de L'oncle est caractéristique. Le pare, l'afné, le supérieur n'adopte Janais une attitude qui pourrait laisser croire qu'il ajoute fol inmédia~ tenent Ace qu'un fils, un cadet, un inféricur lui rapporte sur ses pa- rent, oon afné ou con cupéricur. Souvent més i1 vous onverra pranener : eodogo ma a mis" (fous-moi la paix. Litt. Gte-tol de mes yeux). Insensé celui qui, ainsi rabroué, se retirera définitivenent ; 11 est plutét de bonne guerre de se faire tout petit et de revenir a la charge, quelques heures ou quelques jours aprés, en se faisant introduire au besoin, Ce sinulacre de sourde orefile des afnés vise, évidemment, & assurer le maintien de 1'équilibre social, I1 serait, en effet, maladroit do latseor croire aux jounes ot aux femmes qu'ils peuvent, A tout propos, mettre en cause l'autorité de leurs supérieurs ou de leur mari. Ce se- ralt les encourager 8 faire “la mauvaise té&e" (ube nlo). Mais, ily a un autre élément @ mettre au jour dans cet entretien, Le "bien, c'est entendu", proféré par L'oncle et qui constitue 1'unique conclusion & L'entretien, reléve de toute une philosophie. A moins d'un événement gra~ ve, tout Evondo qui se respecte n'agit jamais sitét inforné ni ne laisse entrevoir dans quel sens il agirait. Qu’elle soit verbale ou matérielle, sa réaction est toujours différée. Le notable ewondo donne toujours 1'in- (1) Généralement , quand on s'adresse @ un supéricur, et méne a son pro- pre pére, on axploie la troisitme personne du pluriel. L'exenple le plus courant est : ey# bak& he ? (litt. oi vont-ils, ou bien + od va-t-on?) = of allez-vous ? erate pression qu't1 commande aux événements, et partant qu'une soi~disant ur- gence de 1a situation ne saurait lui enlever 1a décision, Le "Bien, c'est entendu" de L'oncle signifie : 'J'at enegistré ta plainte. Tu peu te retirer, je sais maintenant @ quot m'en terir-" it de fait, quelques jours, votre des mois aprés ~ si le comportement du neveu est généralenent Jugé conme "bon"! ~ 11 se rendra chez son frére pour voir avec lui ce qu'il y 2 lieu de faire, Nous verrons dans les paragraphes qui suivent cament se ter- mine habituellement un conflit opposant un fils A son pre, une femme & son mari, un inférieur A son supéricur. Il importait seulement de souli- gner ici que la relation pére/fils est une relation de domination-subor- dination, d'autorité-soumission, L'ORGANISATION POLITIQUE. Le mot "politique" est d'un emploi malaisé, d'autant q anthropologues 1'ont compliqué come a plaisir, D'une maniére générale, on peut dire que ces dernters ont su étudier 1a parenté en elle-méne Jes parce qu'ils n'en avaient aucun mod@le dans leur propre société, En matiére politique, au contratre, 11s ont adopté une démarche invers! Partant de 1"image qu’ défint les choses négativement : sociétés sans état, sans gouvernement , donne leur propre culture, ils ont d'abord sans écriture, a-historiques, pour ne citer que quelques exeuples. Or, s'apercevant , au bout du compte, qu'ils avaient fait s'évanouir, a force de "soustractions", jusqu'a l'objet méne de leur étude, ils durent tout reconstruire pour ainsi dire, par "addition" ! Nul doute qu'il s'agit-1a d'une ficheuse impasse. B pourtant, une définition minimale du politique edt pré- servé d'un tel écueil. "Le powotr politique, signale G. Balandier, est inhévent & toute société : t1 aseure le respect des régles qui la fondent; il la défend contre ses imperfections; il limite, en son scin, les effets de la compétition entre les inlividus et les gromes."1) De plus, le pouvoir "rend forme et se venfarce sous 1a pression des dangers exté- riawe ~ réels ct /ou supposée” (2), S'agissant surtout de 1a face TG. Balandier, Réflexions sur le fait politique : le cas des sociétés africaincs, Cahiere intornationaux de Sociologie, vol. XXKVIT, 1964, Pp. 30, PON a item memane ate on +536 interne du pouvoir, on peut définir le politique coume L’ensenble dee rocuds de L'articulation sociale : les politiques sont des gens qui se trouvent 4 l'intersection des différents secteurs et groupes sociaux. En d'autres termes, 11 y a politique dés 1'instant of 1'on se trouve en présence de relations sociales différenciées et inégalitaires, sur- tout Inégalitalres. "Le powotr - ot fatble sott-tl ~ ait encore 6, Balandier simplique une dissynétrie, inégalement accentuée selon les soctétés, au sein des rapporte sociaux. St ces derniers powvatent 8 'ine- tawer sur la base d'une parfaite réciprocité, U'équilibre eocial se- rait automatique e le pouwoir n'aurait aucune raison interne de ee ma- nifester". (1) lest donc d'une acception large du mot "politique" que nous partirons. Par "politique", en effet, on entendra tous les 'phénandnoo concernant le gowernanent des soctétés hunaines, que L'Btat soit ou ne soit pae rettenent constitué" (2), Aussi, examinerons-nous sous cette rubrique les principaux aspects ci-aprés de 1a société ewondo : les ty- pes d'autorité, un exemple de fonctionnement du conseil des anciens (este), une danse funéraire (esant). LES TYPES D'AUTORITE, 11 est difficile de repérer les types d'autorité dans une société aussi peu inégalitatre que celle qui nous occupe, Les Evondo, on 1'a vu, participent, au moins culturellement, des Fang. Bt come ces derniers, ils admettent difficilement tout pouvoir centralisé. Si la gérontocratie demeure la régle générale - coume partout ailleurs en Afrique au Sud du Sahara - on ne peut cependant pas affirmer que Je détenteur du pouvoir soft toujours le plus figé. L' excellence indi~ viduelle importe beaucoup ct semble méne, pour plus d'un, déterminante. Afin de mettré au jour ce systéme d'organisation sociale plu- t8t eynchrétique, nous centrerons l'analyse sur les types d'autorité suivants + le Ndzo (chef, représentant du lignage ou du clan); le Mestk- nto(1) (Juge); le lgéngah (guérisseur chargé de 1a sécurité du pays); enfin, un personnage 4 la fois privé et curieux : le Wisma (le riche). TW) G Balandier. Owvrage cit&, p. 33. (2) G. Balandicr, Ouvrage cité, p. 23. 15h LE NDZ0, De Dao, dire, Le Nizo est, littéralement, celui qui dit, celui qui seit dire, celui qui excelle dans le manfement de la pa~ role. Or, dans une société sans criture come celle des Bondo, 1'élo~ quence est d'une importance capitale, C'est par la parole qu'on instruit; ctest la parole et 1a fol qu'on y ajoute qui, le plus souvent, déterm{- nent 1a guérison de maladies graves; c'est par Ja parole qu'on apaise les conflits; c'est par la parole qu'on obtient des femmes auprés des clans étrangers. Bt cette Liste ne prétend & aucune exhaustivité ! L'im- portance de la parole proférée est telle qu'en cas de conflit grave oppo- sant deux inlividus ou des groupes de personnes, la preniére question que pose le juge au plaignant est, non pas : "u’est-ve qu'on vous a fatt nais bien : "qu'est-ce qu'on vous a dit ?"(b'odzo wa ya 2) Bt L"intéressé répondra souvent : 'X m'a provoqué au non de mes parents trépaesés" (= Kala avui ma mimbim) (1). La parole semble ainsi équivaloir a une espace de jugement péremptoire, fatal, qui a d'autant plus de chance de se réaliser qu'il provient d'un supérieur ou d'un tre doué d'une influ- ence extra-quatidienne ~ un sorcier, par exemple, Aussi, un parent (gé- niteur), toute personne &gée répugne-t-il a jouer avec les mots, a pro~ férer n'importe quol a 1"ondroit de son fils, ou d'un plus jeune que soi. Aussi, également, le mot "aizo", qui signifie conflit, palabre, vient-11 de ce méne verbe "azo", Mais le proverbe suivant souligne peut- @re mieux 1'importance qu'accorde 1"Bwondo & la parole : "onbn otimingt amekol, mot atimingt a anyu" (1'otseau se prend au piége par ses pat- tes et 1"hame se lie par sa "bouche" - c'est-a-dire par sa parole). On est 14 sensiblement loin d'une certaine philosophie, selon laquelle "les paroles s'envolent....” Cette bréve Gtymologie montre que la qualité principale du Ndzo consiste daus l'art de parler, d'argumenter, de concilier par la parole, de toucher les coeurs, bref 1'éloquence. Bt du coup, ses attri-~ butions se trouvent par 1a méne défintes, Le Nizo, chef de lignage ou de clan ~ suivant sa compétence - régle toutes les questions oi la rhé- torique joue un r6le capital : les questions matrimoniales, de succes- sion, d"héritage; le récit de 1a mort de toute personne importante; la ‘(D) Wolet Ta Formule compléte de provocation : Mavui wa son, ve mimbim mise mingaan wa ! (Je t'adjure au nom de tous tes trépassés). -55 6 direction des conseils claniques ou lignagers ~ encore que quelques-uns de ceux-ci puissent parfois se tenir sous les auspices d'un président de fortune; la représentation du clan a 1'étranger. De plus,i1 est le gar- dien ou plutét 1'interprate de la tradition. Le Naso pout done @ere considéré camne le Mizoe (1e chef) de son clan, Mais, ce dernier terme, om tant qu'll Evoque le commandenent, et nou L'art de convaincre, de négocier, sonne mal aux creilles de 1"Hvonio, qui abhorre 1a subordina- tlon, votre tout mot susceptible d'y faire allusion. On préfére plutét désigner le Ndzo sous le nam de mvanba (mon grani-pére). Ce qui permet, quand les circonstances s'y prétent, de le taquiner, de le tourner en dérision, la relation grand-pére-petit-fils étant une relation a plai- santeries. On retrouve ainsi une des caractéristiques générales du phé- noméne politique en Afrique au Sud du Sahara : le fait politique enprun- te, dans ses objectivations, les modes d' expression propres aux struc~ tures de parenté le fait politique utilise le langage de 1a paronté, Présentée sous cette forme, l'autorité devient plus familizre, plus "nature lle’ plus acceptable. A la lumiére de ce qui précate, on peut deviner facilement les qualités exigées du Nizo, I1 doit @re Eloquent, on 1'a dit. I1 dott connaftre beaucoup de proverbes, car, bien souvent, i1 tranchera plus d'une affaire par ce seul moyen, ce qui déroute coup létement les Jeunes et les étrangers, malhabiles au manienent de 1a langue. T1 doit savoir garder les secrets qu'on lui confie, I1 ne doit pas @re orguef1- Jeux. T1 lui est strictament défendu de oc quereller. Enfin, i1 doit @ere juste, car 11 est souvent appelé a jouer le rdle de juge. En échange de cela, on lui doit respect et obéissance. Il est tenu informé de toutes les affaires importantes qui se trament dans le clan. Au conseil du clan, ses interventions sont suivies avec la Plus grande attention et un respect absolu : le dernier mot lui appar- tient. Aprés avoir longuenent écouté, gravenent adossé a un sizge, sous Ja véranda, une pipe A 1a bouche, les diverses dépositions, le Miso co— quisse alors un geste de 1a main en direction de son fils afné ou d'une do ca fcames appelée otdngd (1), assis 3 cété de lut, qui lut avance TD Fame Tun polygane particulidrenent attachée & 1a personne de son mari" (Abbé Tsala : Dicttonnatre Byondo-Frangais). Nous vorrons le rle exact de cette femme, plus loin, +56. sa canne ou sa lance. Et majestueusement, {1 se léve et va se tenir au beau milieu de la cour : c'est le silence absolu parmi 1'assistance, I1 prend alors 1a parole (1), en ponctuant bien ses mots. De temps en temp: 41 fait approuver ses propos par l'assistance - tout au moins les pa sages essentiels - en ces termes : "Euondo vium, yéb'ne ma!" (6 Bwondo, fei massés, approuvez-mol !) et tous d'acquiescer : "Hocc!" ou bien t "aaa!" Pendant qu'il parle, tout le monde doit @re assis ; ére debout en mane temps que le Ndzo rovicndrait a se mesurer & lui, a le mépriser. Toutefois, si on est tenu de se déplacer, on le fait courbé, Et si l'on 4 Lintention de lui donner un rensetgnement utile, on 1'interronpt par cette formule rituelle : "osubugu and, mayt wa woe osun !" (approchez, Je vous prie, que jtabatte un taon qui vous pique !). Ce qui signifie : “veutllex approcher, j'ai une toute petite confidence a vous faire". Le fait de préserver quelqu'un d'une piqdre de taon représente, on effet, aux yeux de 1'Bvondo, une aide plutét insignifiante, Le Ndzo paraft ain- #1 se suffire 4 lui-méne, puisque tout secours qu'on pourrait lui accor- der sable, a priori, négligeable, Nous venons de voir que le Ndzo, quand 11 opre en public, tient 2 1a main une lence ou une canne : il faut ajouter qu'il peut aus- si @tre amé de ces deux objets 4 la fois; ou d'une lance et d'un chasse-mouches; ou d'une canne et d'un chasse-mouches; ou d'un petit Paquet de quatre ou cing lances. En dehors de cela, 11 peut également Porter un sac en bandouliére, lequel contient des méngah - objets magi- ques destinés a la protection de celut qui les détient. Que signifient tous ces objets ? Ils marquent la vénérabilité, le coumandement. I1s ont & renis au Ndzo lors de non sacre. Mais ils lui sont & tel point 118s qu'on le désigne couramment par eux. En effet, il est appelé tan- tt : mbULE maloA mo nnam (le détenteur des lances du pays), et tart6t + mbéLé ntun rman (détenteur de la canne du pays). Toutefois, 1'un de ces eubléues ~ la lance = revér une signification toute spéciale, Chez les Ti) TEwondo dit, non pas : "prendre 1a parole", mais “enpoignor 1a parole” (fod nkdbd md). L'expression met ainsi au jour 1'idée que la parole se trouve "entre les mains" du Ndzo, qui est libre de la triturer, de la manipuler comme il lui plaft. ‘Le Ndzo est donc bien le mafere a parler. 257. Ewondo, toute arme blanche (evol), en tant qu'elle comporte au moins une partie en fer, est terriblement redoutée. C'est une arme coupante, elle peut donc sans anbages, couper net le fi d'une vie - d'un point de vue ceculte, naturellencnt 1 Nul nc peut o"y frotter impunément. T1 est donc normal que le Nzo, que l'exercice de ses fonctions améne a opérer indif¢érement devant les non-sorcters (mmimie; plur. minmimie) et les sorciers (beytn sing, nnim), s'adjoigne ce puissant moyen de @issuasion, La lance protége contre les sorciers, dont 1'action, on ne Je sait que trop, est essentiellement antisociale, Mais, elle rem- plit aussi un autre réle. De méme que le chasseur se sert de la lance pour transpercer le gibier, de méme le Nizo l'utilise pour viser, attein- dre et transpercer la vérité (tubulu b&bEla 21d). Aussi, lorsque, dans une affatre compliquée, le Mizo a vu juste, le félicite-t-on en ces ter- mes : "otubulu 207 ben! (= come vous avez proprenent transpercé (1a vérité) 1). D'oi une autre périphrase pour désigner le Ndze : Mult medzo clest-a-dire le divulgateur des différends, des conflits. Le nkuli-medzo , de par sa finesse discriminative - pour parler come les statistictens - excelle a percer @ jour, a porter & 1a connaissance du plus grand nmbre, Jes conflits les plus inextricables et les plus enfouis au fin fond des nenda-mebot (fanilles-étendues) et méne des consciences. Tout Rizo qui s"impose ainsi par son intelligence et son esprit d'analyse est souvent appelé a L"étranger pour le réglement des conflits particuliérenent gra ves. D'od le proverbe : "Wult medzo, te wm 2 mam woe h'eaa nan", qui signifie : "Le divulgateur des différends, toujours réputé 2 L'étran- ger, janaie ches lui", En d'autres termes, ml n'est prophéte dans son pays. Ce personnage 2 1a réputation interclanique, comment 1'é1it- on ? Comment son sacre se fait-il ? Telle est 1a question que nous avons posée & nos interlocuteurs, Et la meflleure réponse qui nous ait été faite, vient d'un vénérable Ndzo, justenent. Aprés un petit sourire Entg- matique, le vielllard déclara : "Mot atdlége ki mot ndzo. Bibb na : mye ne biyen ya na one bébéla, bingazum wa sug bifak", Bt voict 1a traduction de ce véritable chef-d'oeuvre d'éloquence et de concision : "mul ne te faisait janais chef. Nous procédions ainsi : une fois que tu avais fait prowe de tes qualités, nous nous contentions de te mettre ~58. des tuteurs". C'est assez dire que tout est centré sur l"excellence in~ dividuelle. Ee de fait, 11 euffit do considérer le processus de consé- eration du Ndzo pour s'en convaincre, Aprés 1a mort du Ndzo, les anciens se concertent afin de lui trouver un successeur, Mais, disons-le tout de suite, ces consultations ntont rien d'une entreprise organisée : c'est par petits groupes de deux @ quelques personnes, et fort Librement , que se déroulent de telles re~ cherches, Au seull de ces petites réunions, le plus 4gé du groupe prend généralement 1a parole en ces termes + "ana afun at man ela, ane okit at nnan okpal : ndo biabo ya ?" Ce qui veut dire : "A chaque foret son naftre arbre, et & chaque butseon 0a materesse perdviz : que fatre dane les cireonstances actuctles 2"... Des suggestions vont bon train. De proche en proche, de bouche A orelile, on finte par se mettre 4'accord sur une personne, qu'on pressent come on peut. "Comme on peut", car 11 n'y a aucune procédure officielle de prévue & cet effet. Le pressenti, sensible a cette marque de confiance insigne, se met alors en frais et convoque le conseil du clan pour son sacre. Au jour £ixé, le village est noir de monde. On tnvite le candidat @ aller se tenir au milieu de la cour. Le ngéngah (guérisseur, décenteur des forces préternaturelles destinées au service du pays) dé pose, @ cté du candidat, une marmite ou une écuclle remplie d'eau. Dune voix majestueuse et solennelle, 11 présente le futur Ndzo a 1"as~ sistance : "Kala a md, Madzo ne bitele rye Ndzo" ("Et voici X. Je de~ » mande que nous le fassions Ndzo"), Chaque personne se léve alors et, en signe d'accord, va déposer quelque chose dans le vase qui se trouve aux pieds de 1'aspirant. On y dépose tout ce qu'on a sous Ja main, n'importe quol + qui un peu de poudres qui une écorce ou une feuille d'arbre; qui une herbe... Ce qui campte, c'est moins L'objet donné en soi que 1'acte do donner, qui est ict synonyne de se donner, du don de soi. Le lig2ngah mélange le tout. I1 trempe dans cette eau lustrale un goupillon de feul1- les vertess 11 en frappe le dos, le poitrine, le front ct 1a mique de Laspirant. "Nous te fatsons Ndzo, lui dit-il, désomais, seul ce que tu décréteras ecra réalisé" ("Biatele wa Ndzo, onba fo h'edzom st odzo, endad ebtban). Pendant que le Ngéngah opére ainsi, tous les menbres +59. de L'assistance s'arrangent pour toucher de leurs mains le corps du candidat; ceux qui, faute de place, ne peuvent le faire, se contentent de tenire 1a main en direction du futur Ndzo - trés exactement came font leo prétres catholiques au cours d'une meose concélébréc, pendant Ja consécration. Apras ce bain a l'eau lustrale, le Ngéngatl peut frap- per du plat d'une écorce d'arbre, le dos et 1a pottrine du candidat, tandis que certaines personnes s"enplofent a heurter fortenent leur front contre celui du candidat ,afin d'achever de le kendo (consolider, fortifier). Ce dernier geste vise & donner au nouveau Ndzo le courage et L'assurance dans 1'exercice de sa charge : {1 dott pouvoir affronter tous les regards, m@ne les plus graves, méne ceux des sorciers. Pendant 1a consécration, le candidat tient & la main une lance ou un baton, selon qu'tl offictera plus tard avec une lance ou un baton, De plus, on lui consacrera, assez souvent, un doigt - géné~ ralenent le pouce ou 1'index. C'est avec ce dolgt qu'il frappera le front de tout individu habité par un mauvais esprit, afin de faire sor- tir ou de neutraliser cet esprit. I1 lui est naturellenent défendu de montrer quelqu'un de ce doigt, sans raison valable. Car, un tel geste reviendrait soit & le maudire, soft a 1'anéantir. A la fin de le cérémonie,le nouveau Ndzo égorgera un cabri pour remercier de la confiance qu'on vient de placer en lui. LEMISTR-NTOL (juge)- De tetk, couper, trancher et ntol ou nto, afné, Le Mtetk- ntol est celui qui tranche une affaire comme un frére afné. C'est-a- dire avec compréhension, amour, justice, mais aussi avec un souci évi- dent de réconciliation, C'est pourqsoi toutes scp sentences e'accompa- gnent de conseils, I1 doit, came le Nizo, savoir manter la perole. Apras avoir longuenent Ecouté les diverses dépositions, le Meetk-ntol se lave, un petit paquet de lances (1) a la main, e& va prendre place au milieu de la cour. Afin qu'on ne 1'accuse pas de par- tialicé, {1 commence par proférer, 4 l'adresse des plaignants et en (1) Destinées a transpercer la vérité, naturellenent. + 60. Prenant & témoin 1'assistance tout entiére, une formule de ce genre ; Medi a 2a amp ? Medaty a za nkobd ?,.. Mabie h'ebug adzo" (Ne nlat femé 1a bouche a pereonne, n'est-ce pas ? Je n'ai refusé la parole & personne, n'est-ce pas ?... Je ne suis que 1a mot de 1a palabro), Ce qui signifie : "vous avez ax toute La latitude de vous expliquer, a Litma omert et sans auouno contrainte, je outs done fonlé a vous dé= Partager actuellanent, car je ne juge que d'aprds vos propres dépost- téone (vos mots) (= Je ne poursuis que te mot de la palabre). 11 en vient alors au jugement lui-méme, qu’t1 prononce avec souplesse et au moyen de proverbes, le tout enrubanné de conseils et d'invites a une réconciliation sincére. A partir de 1'étymologie, on a laissé entendre tantét que le Mtsik-ntol jugeait comme un grand-frére, e'cat-a-dire avec justice et compréhension, Cependant, si la compréhension senble en permanence inhérente @ tous ses juganents, la justice, elle, ne paraft pas toujours respectée. Dans la société Evonio, en effet, on dome rarenent tort a certaines catégories de personnes : le plus 4gé, le chef du "“wia-bot" (fami lle~étendue); le mari, le pére, la mére. En d'autres termes, 1'é1é- ment le plus faible de la société ne tricmphe jamais tout 2 fait de son supérieur. M@ne quand les faits obligent a lui donner raison, le juge s'arrange toujours pour tempérer 1'effet de sa sentence, afin de per- mettre au supérieur "taubé" de sauver 1a face.Prenons par exemple, le cas d'un fils qui a raison contre son pére, Le juge lui dira : "uakidbe adgo" (tu as raison dans cette affatre), ou bien - co qui revicat au méne - : ‘wakpo esoa adzo di" (tu renverses, tu fate tember ton pare dane cette affatre); et ou pére ; "baku adso” (tu "taubes" dans cecte affatre = tu as tort). Mais, le Ntsik-ntol ajoutera tout aussitét, a L'adresse du jeune audacieux : 'bodogo tm esoa a et 1" (Mais, reléve donc ton pére de terre 1). Par cette formule curiause, on invite le jeune home & réaffirmer sa sounission a son pére, non pas de bouche, mais en offrant 4 ce dernier un sacrifice - généralement un animal danest ique (chévee, mouton). L'importance de "ce relévement de terre" n'échappe & personne. I1 tempére la "chute" publique et brutale du pére. Car, me s'il a eu raison contre lui, le fils ne doit pas oublier qu'il n'a, en aucun cas, le droit d"iumilier son pare aux yeux du monde: Ainet, le supérieur, le pére, la mére, l'afné, le mari finissent-ils par étre + Ble relevés de terre, par sauver 1a face et leur dignité, Ils fintssent, en quelque sorte, par 1"auporter. L'équilibre social en demeure inébranla— ble, quels que solent les évérenents, Ia fonction du Msik-ntol, on 1'a dit, implique 1'éloquence, Elle se confond donc incontestablement avec celle du Ndzo, D'ailleurs, Je Ndzo cumule souvent ces deux charges. Le Nesik-ntol ne constitue pas, du reste, une fonction permanente, pufsqu't1 arrive qu'on le désigne Seulement quelque temps avant le réglement du conflit : une fois celui- ci tranché, le Ntsik-ntol redevient un simple citoyen, a moins qu'il ne fit déja - et le cas est fréquent - le Ndzo d'un clan étranger. Aussi, la seule charge permanente est-elle celle du NMzo, et non celle du Nteike ntol. Le Nizo régle les affaires courantes : seuls des conflits excep- tionnels peuvent nécessiter 1a désignation d'un Nesikentol différent do li, Nous somes 18 en présence d'une division du travail plutét syn- chrétique. LENGENGAN , Le mot vient de mah, renéde, amulette porteuse de forces occultes. Le lgéngah est le détenteur des forces occultes propres @ la sécurité, a la défense du pays, ainsi qu'au traitement des maladies, surtout celles occasionnées par des bris d‘imerdits ou des actes antisoctaux des sorciers. Il dispose, A cot cffct, d'unc marmite & recettes magiques (etdg) et aux buts multiples. C'est auprés de cette marmite qu'il soigne Mais, Zetdg sert aussi A 1"établissenent et les personnes envoltée: au maintien de la prospérité du pays : elle joue, dans ce cas, le réle d'une corne d'aboniance. Le Mgéngah dispose aussi d'un ou plusieurs naguals + 11 s'agit d'animaux voués exclusivenent au service de leur maftre. Ce dernier peut les charger de n'importe quelle mission, I1 les enverra, par exeuple, dévaster les plantations de ses ennenis. Lorsqu'un malade est de “confession difficile" (ane nkat alet) - c'est-a-dire lors- que, désireux de guérir, 11 refuse malgré tout de remplir la condition eine qua non de toute guérison, qui est lava. des crimes et bris d'in- terdits perpétrés - le Ngtmgah fait alors appel & son nagual (on ewondot nkug), qui est souvent, dans ce cas, un gros python, Celui-ci s'anéne, en groumelant, et va se pelotonner a cOté de son maftre. A la wue de cet

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