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UNIVERSITE DE PARIS Faculté des Lettres et Sciences Humaines (SORBONNE) HENRI NGOA LE MARIAGE CHEZ LES EWONDO — Etude Sociologique — Thése de Doctorat de Troisiéme Cycle présentée sous la direction de Monsieur Georges BALANDIER Professeur 4 la Sorbonne Directeur d'Etudes a I'Ecole Pratique des Hautes Etudes (VI" Section) PARIS 1968 Cp qui me sort de son fourreau que pour décapiter ui cmemt, Mats, le sei~ gneur, lu, raste sileneicux, i1 nc parl> & pernona7, D> teuys ou temps, cependant, il se récle la gorge; ce qui domme 1"impression qu'il va pren- dre 1a parole d'un mament & l'autre, Les femmes en deviennent tendues d'attention et came suspeniues & ses lévres. Surtout que le Nkukuma ne fait jamais que marmomner, et tow a fait entre ses dents. Aux environs de neuf heures du matin, ses habiinyah (frares) arrivent, soi-disant pour s'enquérir de son état de santé, ou plutét, come 11s se plaisent 3 le répGter oux-ménes : ile vicnnent apprendre coment 11a passé la mit. B de fait, l'un d'eux hasardera, timide : "\..n2d a obonbo ya ? Ft cette mit ? Ia Nkukuma, apr@s s"2tre longuement éclairet 1a volx : "ee mydl yabd fo mal... Le carps me pése,..! Le frére, toujours timide : Wiel... kené bengadetk Méng8 au fait, Mingé nlant~slle pie &é fambe alah ta a 7... Akartyé wa bab cu trattement des rhumatisnes ?... @ nyo!" @Qlelle vous fusse réyulidrenent des compresses 1" ‘Le Nkukuma reste muet, Un deuxiime frére : Mehému fo ne mebé wa: Je venis juste pour une petite visite, metam fé ké a man este, et maintenant je m'en vais au travatl, Le Makuma : "Tan daibi une seconde 1" Sur un signe du Nkukuma, une des femes se lave prestement, ranasse un plat sur la clafe et va le porter aux hétes. C'est ainsi qu'on recoit tous les babényah (fréres) du Ntomba : on attend qu'ils sotent au moins trofs ou quatre pour leur donner A manger. Quant au Nkukuma lui-néne, 41 ne prendra son repas que vers la mi-journée (nsa-amos). Mais, de quol se nourrit-11 7 Ses repas consistent en des plats qui raseastent vite, 11 suffit de quelques cuillerées. On dit de tels plats qu'ils ont du nidb ~ pouvoir inmense de rassasienent tenant 3 la quantité importan- te d'tuile que comportent ces aliments. I1 s'agit généraloment de pates de métdb (voanzeia subterranea) , farcies de viande et imbibées d'huile + 9. de palme ou d'adzap (tieghenella africana). Ce plat A grand pouvoir de raseasioncnt (nits) porte le nom de mvida, De fort bon appétit, le Nku- kama le déguste & l'aide d'une petite cuiller. 11 plonge celle-ci dans Je motda, en découpe une petite portion, trafne méticuleuseent le des sous de 1a cufller sur le bord de L'assictte - de facon A ce qu'aucun Liquide nen découle - 1"enfourne Littéralement dans la bouche pour en aspirer le contem: avec bruit. I1 repose mécaniquenent 1a cuiller entre les bouchées, préte un instant l'oreille aux propos de ses courtisans (et 11 y en a toujours) et recoumence a manger, silencieux, grave. Aprés le repas, ses femmes lui enlavent 1a couche matinale de Bf (pterocarpus angolensis), pour lui en mettre une autre, au niveau du tronc, cette fois, On lui dessine deux triangles isoctles dont les bases respectives se situent au cou et 4 la mque, et les sommets au sternum et au milieu du dos. Un tel dessin porte le nam de : ndsdh (couteau) (1), les samets des triangles rappelant grossi@rement la pointe d'un couteau, C'est alors seulement que le Nkukuma se lave pour sthabiller. On lui avance un pagne en écorce d'oban (urostigma vogel@) , qu'il passe entre ses jabes et fixe par devant et par derritre a une corde qui lui ceint les hanches. I1 met ensuite des bracelets (minstg), une peau de panth@re sur la poltrine et un chapeau couromé de p limes de perroquet rouges. Ainsi endimanché , 1e Ntomba se dirige d'un pas ma- Jestucux dans le cour, oli ses fils, <+9 esclaves et ses clients ont pris soin de disposer tout le gibier pris aux piages la mit précédente, Tl le fait équarrir et, d'un geste ample, procéde & sa répartition entre ses épouses et ses fréres : "qu'on anéne ce quartier a un tel; qu'on envote cect & un tel", ordonne-t-i1 sans arré. Tel est, brigvement exposé, 1'euplot du temps journalier du Weukuma. Que rév8le-t-i1 quant 3 1'incidence du personage sur le plan social ? Le persomage du Nkukuma, on 1'a dit, est privé, I1 est ce~ pendant suffisamment puissant pour intervenir sur l'ordre social , au point m@ne d'y faire 1a lof. Le Nkukuna adore @tre m, et ce n'est pas de gaieté de cocur qu'il le fait. Sa propension & rester m signifie agit du “ndzbh okéh" et non du “nizbn" tout court qui veut dire +70. qu'il peut faire tout ce qu'il veut, que les conventions sociales ne le lient pas, qu'fl ne tient aucun compte de 1a politesse - apanage deo gens du commun, Se couvrir par respect pour ses courtisans ne serait pas seulement signe de lécheté, manque de personnalité : un tel geste dome= rait également a penser que le Nkukuna souffrirait d'une infimité quel- comgue qu'll entemiraft ainsi canoufler. on verra d'ailleurs plus loin que, plus d'un Ntoaba prend plaisir @ entretenir une de ses filles toute tue jusqu'd 1"age de dix-huit ans, environ. I1 s'agit généralenent d'une Jeune fille bien proportionnée de corps, mignonne A croquer, vierge, mais que vous ne pouvez épouser que contre une compensation matrimoniale élevée, Ia tendance du Nkukuna & 1a nudité n'illustre pas seulenent une attitude foncitre de mépris & 1"égard de 1'étiquette, elle constitue aussi, malgré les apparences, une marque indéniable de dignité (ati). Ici, en effet, la dignité consiste dans une Liberté totale d'action. C'est aim si que le Neukuma excelle a cracher avec bruit, & projeter ses crachats loin de son siége, De m@ne, 11 mettra un point d'honneur & péter bruyan- ment, si le cocur Jui en dit. Enfin et surtout, on peut dire qu't1 culti- ve une sorte de peretvération posturo-psychologique : 11 adore conserver longtemps les ménes attitudes ou les ménes conversations. Par exemple, il restera couché ou assis plusicurs heures de suite, sans discontimer, sans bouger, sans laisser percer aucun signe de fatigue. D'aillours, le fait de manger avec une petite cuiller montre assez sa tendance 2 la répévition, Bt rien, ml persome ne peut modifier le rytime de ses acti- vités : le Wkukuna est son seul maftre. I1 n'est pas seulement au-dessus des normes sociales : 11 entend aussi comanier au temps et a 1"évSne- ment. Et c'est justement pour ne pas avotr l'air d'agir sous 1'eupire de Ja faim ou de la gourmandise qu'il choisit de manger doucement , avec une cuiller ridiculement petite pour une personne de son age ! Le Nku- lama n'a rien a crainire, rien, I1 est suffisamment puissant pour assurer sa défense et en imposer aux autres. 1 peut done défier le temps et les événements. an. Ctest pourquoi on l'appelle vulgatrement mot bittm (homme a palabres), St vous osez lui tentr t@te ou lui faire unc ronarque jugée par lui désobligeante, 11 vous fait arr@ter et batomer. Et si cette cor- rection Energique ne vous intimide pas assez, 11 peut ordonner qu'on mette fin 2 vos jours : "ambara dze 7" (qu'a-t-i1 a craindre). Le Nku- juma est une persomnalité cruelle, Aussi le qualifie-t-on également de "akut" (brute; litt. fou): {1 n'y a en effet qu'un fou qui puisse ainsi fouler aux pieds les institutions. Bien des minkukuna (plur. de Nkukuna) ont eu des comportements scandaleux, frisant la folie, On camprend alors , Je sens de ce proverbe ewondo bien connu : "alumna ane via eduk"(la ri- chesse est comme le champignon, qui pousse méme dans les fosses d'ai- sances). Méme un simple d'esprit peut devenir Nkukuna. Le Wkukuma est cepenfant une "brute" fort conseiente de ses actes, I1 sait parfaitement qu'i1 agit mal, qu'il va contre l'ordre so- cial et que ses actes le souillent. C'est pour cette raison que, aprés s'@tre rincé la bouche, 72 crache sur le fa. Mais, que veut dire ce geste insolite ? Dans la mentalité ewondo, la paix intéricure, la pure- té de conscience, 1"harmonie cosmique consistent dans un état de non~ chaleur, une absence absolue de tout feu, de toute combustion. Or, le fait de camettre une faute allume dans ces limbes dont "essence est la frafcheur, un fex, une source de chaleur d'oii se dégagent des vapaas chadee portouses de maux destinée au coupable. Ces vapeurs peuvent vous atteinire de trois facons différentes : elles peuvent soft simplement vous effleurer; soft vous envelopper plus ou moins étrotrement; soit vous pénétrer de part en part, Selon 1"importance de l'acte commis, mais aussi en fonction de votre degré de participation 4 cet acte (si vous en Ges vous-mése 1auteur ou si vous 1'héritez d'un proche parent). Or, suivant que les vepeurs de la souillure vous frélent, qu'elles vous en- veloppent ou qu'elles imprégnent la totalité de votre étre, 11 peut vous arriver, ainsi qu'a votre descendance, les malheurs ci~aprés : tantét une santé par trop délicate (metddéna), des récoltes sans cesse mauvaises; tantét des maladies chroniques, la mort de vos enfants; tantét des ma- ladies chroniques, des cas de stérilité dans votre descendance, 1a chute des dents, 1a tuberculose (evdli). Cette dernitre série de plates, de beaucoup la plus redoutable, est caractéristique d'un type de faute spé- cial: le teo0, souillure consécutive au fait de tuer un proche parent. itz de coucher avec un proche parent ou simplement le fait d'en enjamber le sang (versé par un autre), Pour guérir du teoo, 11 faut faire appel au Ugéngah, qui, avec votre accord, procéde au rite du méne nom (tsoo). Bien entendu, {1 ne saurait @tre question de décrire ici cet important rite; on en retiendra seulement ce qui éclaire notre propos : des médicaments que le Ngingah vous donne & botre, vous devez gardor une partic dens la bouche et la recracher tout aussitét... sur un grand feu qui brile dans Ja cour. Le fait de cracher ainsi sur le feu provoque L"extinction du foyer qui avait &é allumé du fait de votre propre faute ou de celle qui vous échott en héritage, Le Nkulama est donc fort conscient du mal qu'il cause A ses fréres. Aussi, en prévient-i1 les effets (le tsoc) en se soignant, pour ainsi dire, lui-méme, c'est-a-dire en crachant tous les jours sur le feu, Dfailleurs, qu'il soft une brute ou non, le Nkukuna est une personnalité avec laquelle la société ee doit de compter et mine d’@tre™ de bonne composition : en cas de guerre, son concours est indispensable & le survie du pays. D'autre part, si un érranger refuse de vous rendre vos biens, vous pouvez demander et obtenir l'aide du Nkulama, pourvu que vous usiez d'une procédure socialement consacrée : akbh sdf (le ser- ment par la lance. On dit aussi : sdh akdh). Voyons en quoi consiste celle-ct, Fesouba, & qui Tabi - de 1a eribu des Yanda - doit 1"équiva- lent d'une compensation matrimoniale, se rend & grands pas chez le Nku~ kuma, une lance @ la wain, S"arr@tant dans 1a cour, face & la porte du Nkukuna, {1 appelle : "Ye manti ane ete ? Le seigneur est-tl chez lut ? ~ Kon est! ~ come toujours ! Et, prenant une voix tragique, il enchafne : "an Yanda abélé ma akena ha !!. mon débiteur, un Yanda, ne fait que Migé of me nye te bi mbu mul!" me manguer!!... Si vous ne me le 1i- vrea pas ostte année I!" Ce disant, Fasomba casse net le manche de #a lance, sur son genou. I1 en remet les morceaux au Nkukuma, qui va les garder en lieu er, Atnot cc termine Z'aloh obh tes Essomba met au défi 1a puissance du Nukuma, Le procédé d'akoh eh mais, qu'est-ce a dire ? Par ce ges~ +73. signifie exactement ceci : “au nan do votre puissance, si elle existe, Je vows adjure de prenive efficacenent ma défense !" Eevomba oblige donc le Nkukuma au non méne de sa puissance, Et ce dernier ~ sensible aux paroles élogicuses et sous peine de renter sa propre substance ~ ‘ne peut que s'exécuter. C'est pourquoi le geste d'Essomba constitue, en fait, un serment. En détruisant son seul moyen de défense (1a lance), pour s'en renettre exclusivesent au Nkukuna, Essonba jure solennellenent "la toute-puiseance du Nhskuma me livrera bientét mon débiteur, ou elle ne sera pas !" Et c'est d'ailleurs ainsi que le Nkulama le comprend : s'il a pris les morceaux de lance, c'est qu'{l accepte de relever le défi, Désomais, tout son village sera sur le pied de guerre et surveil~ Jera les allées et verues des Yanda. Si par malheur le débiteur en ques- tion, votre quolqu'un de sa famille - ost do passage par 18, le Nkukuma le fait arréter. On lui adapte une entrave aux pieds (mbok), et le sei- gneur convoque son frére pour lui livrer le prisonnier. Mais, le {r8re nteménera celui-ct qu'en échange d'une jeune fille, LE RITE ESTE. Du verbe ste, reprendre ses esprits aprés un évanoulssenent, une crise épileptique, un état conateux; en parlant d'un mourant, trans férer - par le blats de L"envodtement - son mal fatal 2 une personne en bonne santé et s"enparer, en échange, de la vie de cette personne. Celle~ cd, le “substitut", meurt généralenent peu de temps aprés, tandis que le mourant envofiteur renaft % 1a vie, recowvre progressivement sa santé. Aussi, lorsqu'une personne rompue en matiére de sorcellerie est a 1'ago- nie, eupéche-t-on les gens d'aller lui rendre visite : ‘Méfies-vouo! erie-t-on la nuit dans les rues, méfiez-vous, X cherche quelqu'un 2 "sie"! (itkaléga ! mikaléga, kala ayi sie mot!), Ce qu't1 faut retenir de cette &tymologie, c'est que le verbe "sie" ne s'applique pas @ un échange de services utiles pour les deux parties en présence, il n'a rien & voir avec un Echange de bons procédés - pour parler de fagon triviale. "Sie" implique un Schange de 1a mort contre 1a vie, Le moribond se décharge de sa mort imminente sur une personne bien portante dont il extrait le prin~ cipe de vie. "Sie" a pour synonyne "vEng8", tandis qu'"échanger" sens courant, se dit : "fd", dont 1a forme réciproque est "flan". -T%h. Cette bréve étymologie Jette un jour nouveau sur le problane qui nous occupe. L'ESIE est un rite de restauration, de rétablissenent qui consiste 4 redonner & une personne mourante sa santé, la vie. Mais, Teprenons les choses par le commencement et suivons pas a pas le dérou- Jement de Leste, Atéba est malade, trés malade, presque mourant. 11 fait venir un de ses freres, Manga, et lui dit : 'U chare fréres, m'abandomes-vous ?! (a mvog tara, ye mina dzoge ma ? !), Le frére consulte alors la preniére femme (dans l'ordre chronologique) et le fils afné du mourant, qui tonbent dtaccord avec lui pour faire tentr un oste, Manga va ensuite en informer les notables du pays - le ligtngah et le Ndzo, entre autres, qui ent éri- nent la décision, Dés lors, la premiére chose a faire, c'est de savoir si L'esie vaut la peine d'étre effectué, c'est-a-dire si le malade n'est pas dé§& définitivanent "rappelé" par les ancétres du clan. Pour en avotr Je coeur net, on confie a trois ou quatre personnes 1a mission de consul~ ter les oracles (boe nga). Cos personnes optrent oéparément, mais se véunissent de temps en temps auprés du malade pour faire le point. Or, {1 existe plusieurs sortes d'oracles (ngam), dont nous ne verrons ict qu'une seule : le ngam par la mygale (ngam; c'est d'ailleurs cette araignée qui @ donné son nom 4 tout le systéme des oracles ewondo). Volei comment on procéde. On nettofe proprenent les alentours du terrier de la bestiole, On dispose tout autour des troncs de bananier, L'opérateur a dans la bou- che des fruits d'un arbrisseau appelés ttmbd, du poivre de Guinée (amanum maleguetta), une sorte de champignon appelée dum,I1 mfche le tout. 11 dome alors de sa main, une grande tape sur l"entrée du terrier et se prend & y cracher sa bouchée, par intermittences. Aprés chaque crache- ment , 11 s'adresse a 1a mygale en ces temes "Fal v&b'g8! véb'gét véb'gt ! réveille-tot (troie fois) 1 ‘hadso n'okara ma bebtbéla, Je te demande de no me dire que des vérités, "te vakat ma minal, et non des mensonges, "te wakat ma bivovola t ni des fawssetés," Aprés cette incantation, l'opérateur dispose & 1'entrée du terrier au- tant de paires de piquants de porc-épic qu'il y a de questions a poser. +. Chaque paire de piquants comprend un grand et un petit piquants; et cha- que piquant comperte un "dos" (mvuo) et un ventre (abun) ,reconnaissables 4 leur couleur. B tout se passe came a la lutte : le tomber, la posi- tion our le dos, inlique 1a défaice, la perte, le tort, 1'affatblissenents tandis que le fait de tonber sur le ventre signifie le gain, la victoire, latfermissenent. La preniére question 4 poser A la mygale est donc celle de savoir si L'esie sera efficace ou non, On pose par conséquent l'en trée du terrier une paire de piquants, dont un grand et un petit. Le grand représente le oui, le petit le non, Le lendemain matin, on vient quérir les résultats : la bestiole, en sortant la nuit, a renversé les bétonnets, qui sont retonbés d'une certaine facon. Par exemple, lo grand est tombé sur le "ventre", mais le petit aussi : le oul et le non sont a égalité. 11 n'y a done rien 3 tirer de la consultation, Les persumes char- géesde cette mission déclarent, lors de leur séance de mise en camun : "biabé kt yen nen 1" (nous soases encore sans issue). Supposons que le ngan réponde oui la deuxttme fois (le grand piquant sur le ventre et le petit sur le dos), On passe alors au stade suivant : la détermination des causes de la maladie d'Aatéba. Celui-ci a-t-11 &&é envodté par ses femes, par un de ses fils, par un frére, par des bris d'interdits ? Ici, 11 faut quatre paires de piquants de couleurs différentes. Bt le consultant re- comence : "Fa ! okada ma bébéla, te wakat ma minal !" (fa!(1) ne me dis que la vérité, et non des mensonges). I1 présente ensuite les piquants A la mygale + "voici Attba, et voici ses fanes" (Ateba nyd, beyal ki ba), dit-11 en présentant alternativement le grand et lo petit piquante. I1 contime : "ng beyal mbd bawoe nye, okvoo bd kayala, ayono Atéa" (si ce sont ses fommes qui le tuent, renverse-les sur le dos et raffermis Attba (mets-le sur le ventre) ), Et 11 passe & la paire suivante : "voici Attha et voict ses fréres. St coun-ct y sont pow quelque chose dans sa maladie, affatblis-les et fortifie Atéba; sinon, renforee-les et affaiblis Atéba.” 11 somet ainsi tous les cas a 1a mygale et se retire, Voici ce qu'll constate le lendenain, Premiére patre : Attba est non seulenent sur le dos, mais encore recouvert de terre frafchanent remée. Le pronostic est sévére : les femmes s'en tirent sans égratignures, mais de la terre re- muée symbolise la tombe ! At&ba mourra donc, quof qu'on fasse ! A la (2) Onomatopée de L'acte de cracher. +76. peire suivante : Ateba a raison contre ses fréres : ceux-ci ont donc trompé dano sa maladie, Quant aux fils, tls sont a égalité avec leur pere : tous sur le ventre. Ses fils sont done innocents, La paire zela~ tive aux bris d'interdits donne Atéba trés affaibli : complétement sur Je dos ! On recamence plusieurs fois les consultations pour voir si le fait de la terre remiée persiste toujours, Si tel est le cas, on conclut Bune mort fatale d'At@ba, Seulement, comme on ne sait jamais, on tente- ra quand mine de le sauver, Pour cela, on tiendra un este spécial : nkot este (l'esie sec), cest-a-dire qu'on n'y versera pas le sang d'un cabri, Mais, si toute trace de terre a disparu, on peut procéder & 1'un ou 1'au~ tre des types d'eate ct-apras : este kabat (1"coic par le cabri); este bilon (1'este par le poison d'épreuve); este okak Dans l'este béLon, on donne le poison d'éprouve aux coupables présumés désignés par le rgan (oracles) mais qui clament leur innocence. Dans 1'esée okak, on se con- tente de repremire certaines épreuves du rite initiatique eo :1"épreuve du potl a gratter, entre autres. Quant & l'este Kabat, 1a mise a mort d'un cabri y tient une place importante. Et c'est cette dernfare forme, qui est du reste la plus générale et 1a plus courante, que nous allons approfondir. Le »gam a done donné Attba trés affaibli, mals sans qu’on en puisse incriminer qui que ce soit. On le consulte alors a nouveau pour savoir lequel des fréres du malade dirigera le rite este, La consulta~ tion désigne Essono, A la date convenue, 11 y a foule chez At®ba. On parle de choses et d'autres; on demande du feu pour allumer sa pipe; les houmes mangent des noix de cola, tandis que les femmes et les enfants Sucent des oranges ou mangent des bananes douces. Tout a coup, Essono se leve et invite les adultes, homes et fames, se retirer, loin du vil- lage, en comité restreint (esdk). On y transporte aussi Atéba, qui a toutes les apparences de celu{ qui est au plus mal : 11 geint sans arrét, il se tortille, il fait des gaz , ila les youx cernés. Pauvre Atéba ! Essono prend 1a parole : "hon cher Atta, nouo t'écoutons ?”" Bt Attba d'avouer ses fautes. Ila volé le bien d'autrui; 11 lui est souvent er- rivé de tuer en cachette et par jalousie, les animaux d'un tel; 11 ait encore : 'hengadzo at kal dean 2th" (litt. j'ai dit avec une de mes socurs = J'ai demandé a une de mes soeurs a copuler avec elle). L'a a thee comprime un wouvewent d"horreur!,.. Cette horrible confession terminée, le président de séance passe la parole aux membres du camité, en demandant @ chacun d"exposer tous les griefs qu'il pourrait avoir contre Attba, ‘Meta et avare, dit X, 11 mange seul tout le gibter qu'il prend @ la chasse, came st je n'étais pas son frere : vous vous rendes- canpte ! Votla pourquot je lui en veux 2 mort. Mats puisqu'on est 1a pour le sau- ver, le voila, je vous le renis. "Ce disant, 11 renet quelque chose & Essono ~ une herbe, une feuille d'arbre, une brindille, un bout de chif- fon, peu importe. Et on passe la premfére feme d'Attha : ‘hes co- épousen et moi-mane n'avons pas grani-chose & Iut roprooher, otnon oon ewes de jalouste : Atéba 8 "imagine toujours quion le trompe ! Voila pourquot é1 nous file contimetlanent dans les chaps, Il se conporte, d'atlleurs, de fagon plus triviale que ga : au lieu de roster dignanent dans U'aba (matson des homes), tt passe eon temps dans noe cases, & compter les moreeaux de vianie qu'on met @ cutre, d inspecter le conte- m de roe claies, et j'en passe ! Je vous aseure que ga n'est pas drdle! +++ Bien entendu, mes co-épouscs et mot-mane n'en voulons pas pour au- tant sa mort : qu'il guérisse donc !". Le ligéngan se léve, familier et moqueur : " Atéba, y'onbé dzan fan! ga te pendatt au nea, tot, mon cher Até&ba "™@ ai dao yadédah daan mbth enoore heureux que le monde soit st a, pétri d'indulgene, "bin bebe benam ongabd 1 aveo tout le mal que tu as fatt I... "Ost tit bot teit amélam, —tantdt tu volate le gibier pris aux plages d'autrut, "Oné sim exa bon ast !... et tantét tu tuate des petite enfante en les frappant contre le sol I... "ieee!... Bonté divine!... "Daa manyah mot, miki mtoytm : Enfin, putequo oo qui a tratt a un frdvo est come le sang de la langue (1), ido maduo ne btvdn Bssono Je demande done malgré tout que nous rendior Ateba Attba a Bssono, "38 nala a, a mvog tad’ ? Wrest-ce pas, chars fréres ? = Bala," = parfattament 1" (i) Votel tout Te proverbe : ‘nanyah mot ane méki mloyém : oftand tut a et atut. tut. tui. h'anini mini Fé mehdk" (un frére est come le sang Be Ht chacun se léve, cueille une feullle verte et la donne & Essono en disant : "voted Atéba", Essono, debout, lair grave, arrache les feuflles des nmbreuses mains qui se tendent vers lui. Le fait d'ar- racher stgnifie qu'stéba revient de lotn et qu'on le rend A ta vie au prix d'efforts surhumeins. On revient alors au village, od certaines femmes non directement concer~ nées, des étrangers ct des adolescents attendent toujours, silencieux. On fait asseoir Ata dans la cour, a cété d'un bouc attaché a un pieu. Sur ce cabri, on a pratiqué, au-dessus des yeux, une coupure profonde doi découle un sang rouge. Le Mgémgah, accroupi, énumére les fautes "Attba d'une facon curieise : avant de nonmer chaque faute, 11 dome d"abord un petit coup de batomnet sur 1a coupure de 1a béte. L'émméra- tion 9¢ termine par unc formule d'aboolution du genre de celle-e1 + "A Kulu lt t que toutes ces soutllures eotent englou- ties dans 1a riviere Kulu, ploc ! "™ Afanba Utbee ! quielles sotent tates précipitées dane la rividre Afanba, ploc ! "Osu nki2 a, wooo et que le cawant les amporte, wooo ! (1) "ietin mah, maaah Péohé offacé , effacé a janais. Mietn pec, petit 1 Péohé deparu, diepam & gonatos” On égorge alors ce bouc chargé des souillures qui pesafent sur la conscience d'Atéba : le sang en est recueilli dans une marmite en argile, Plongeant dans ce sang un goupillon camposé de : emia (herbe), abomenizan (herbe), et attaché par un “kin ekbn" (2), le Ngtngah frappe Energiquenent le corps du patient, et notamment 1a téte et les pieds, en lui disant : "kodogo a et ! kodogo a st ! kodago a et 1" (re~ lavo-tot ! relave-tol ! relave-toi!). Et le Ngtnge se retire, cAdant la place @ Essono qui, selon le rgam (oracle) doit "boe este” (litt. casser, chasser L'esie = mettre fin & Leste). Essono, avec beaucoup de tact, entreprend de concilier Attba avec ses fréres ainsi qu'avec les esprits des ancétres. Vers la fin de 4 péroraison, i1 s'inmobilise, porte un regard mystérieux par-dessus Jes toits, et se met a implorer les ancétres + ‘T) Ononatopée du Bruit d'un liquide qu'on verse, d'une averse qui tombe, d'une chute puissante. +79. '™ bengake 31 o vous qui ees partis | "A bengaké > ! 6 vous qui ees partis ! ™ bengaké 3 1 6 vous qui éées partis I Ma, Eocono, mimo, malebe : out, olcst mot, Besono, votre file, qui vous parle : ‘Madao ne midugan ma Abeba ot Je vous en supptie, rendez-mot Abeba t "Dugan ma Atha of Pitié, rendes-mot Atéba 1" I1 sinterrompt , change de position. Tendant sa canne hori- zontalenent , {1 enbrasse 1'assistance du regard en tournant rythmiquement sur lui-méne, frappe le sol d'un coup de pled sec et, s'abaniomant dans uno attitude hiératique, {1 déclane + "Bondo nada aaa, yeb'nemaa! 0 Buondo, ict maseés, approwes- not - Heeee ! ~ Diaccord ! = Mot abé me sooa t Que personne ne me désapprouve, m'enten- dez-vous ? - Heeee ! Nayex erainte ! = Mayon betana a = TMimplora von anatines, mlentendan-voun 2 = Heece ! ~ d'accord, ~ We bedugan ma Atéba wma! ~qu'ile me rendent mon cher Atéha, m'entendez-vous ? - Heece f ~ d'aceord { ~~ AkE at este mam osu al - afin qu'il contime 4 servir aon pays, ment endea-vous ? ~ Heeee ! = dlaccord -Atéba ab’ mal - qu'httba ne mace pas, m'entendex-vous ? = Page ai deo ! - ¢2 ne mourra pas ! - oe cbemat = ss. quit ne mase pas, m'entendex- vous ? = Heece ccece cee! ea non 111" Ainsi s'ach8ve le rite d'esie, I1 ne reste plus qu'a se parta- ger le bouc, Nous venons de voir, par cet exemple d'este Kabat (1'esie par Je cabri), une deo formes du type d'oote appolé 1 Foto okdn, c'est-a- +80. dire l'este qui a trait a une maladie, D'autres types d'este existent, parm lesquels 11 faut citer: 7£sie abidn, relatif a une sorte de chasse a courre, et qui se tient lorsque, du fait des maléfices d'un sorcier, le giblor deviont extrGmamont rare{'Fete nnan (nam = pays), vise a la restauration du pays; 11 a lieu lorsque des épidémtes, des dizettes, de mauvaises récoltes sévissent dans le pays. Enfin, 11 faut signaler une sorte d'este dite Ekéne, b'ek8ne consiste dans la mise & mort pu- blique d'un membre du clan reconnu conme un criminel de premfére impor~ tance. On dit qu'on "tsik ektne" a une telle persome, L'ESANI (danse funératre). Du verbe san, gambader, sautiller de jote;pétiller, en par lant du vin de palme; scintiller, dans le cas d'une lampe, L'gsant est une danse qu'on exécute @ la mort d'un notable important, pour célébrer bravoure et ses hauts faite; mais, Z/enam! est aussi un test destiné a déceler ceux des fils du défunt qui auraient pris part a sa mort, par des moyeng occultes, bien eGy , En voici le déroulement. Sur une étag@re dressée dans la cour du défunt, on dispose tun coq attaché par les pattes, et une immense courome de sas esant (or~ ties d'esani).Cet atttrail curiaux forme, en dehors du pagne d'oban (uro- stigma vogelii) qu'tl s'est passé entre les Jaubes, le seul costume du fils afné du défunt qui a charge d'accueillir toutes les personnes qui viennent assister A la mort, Ces dernigres arrivent par groupes assez conoidérables ct, o'arrétant 2 une centaine de matres du village, doman— dent, & Laide d'un sifflet en bois (nsas) ,@ tre accueillies, Ds qu'il entend le coup de sifflet, le fils afné se lave et enfile le coq et 1a couronne de sas (orties) en bandouliére, Tenant d'une main une feuille d'esant (herbe) et de L'autre une feutlle de feb (herbe), il sen va en gambadant a la rencontre de ses hétes. Afin de prévenir tout acte maléfique de la part de ceux-ci, il s'arréte a mi-chenin et brandit altornativanent, d'un edté 1a feullle d'esami, et de Wantre celle de féb : 11 détourne ainsi du chanin qui méne au village tout mauvais esprit Gventuel. I1 repreml alors sa progression, se rend & deux pas du groupe, se prend & danser avec force, s'interrompt net, fait deni-tour oe et regagne la cour en sautillant. Sur un geste de sa téte, les joucurs de tan-tam et tambours cossent brusquencnt de jouer pour reprendre de Plus belle et sur une note plus aigu&. Le jeune hame se trémousse, se trémousse, se tréuousse. I1 s'arréte, regarde a droite et 4 gauche, tour- ne sur lui-méme et, tandis que le roulement des tanbours s'adoucit, le voila reparti au devant de ses hétes. Arrivé a quelques métres d’eux, 11 Jes invite de la t@e. Coume un seul homme, {1s Poursuite, au pas de danse naturellenent. I1 brandit 4 nouveau ses deux feuflles et, & la limite de la cour, i1 leur fait signe de s'arréter : LMordre est exécuté d'une mani@re impeccable. I1 revient tout seul de- lancent alors & sa vant les tam-tams, se frétille encore un coup et repart enfin chercher Je groupe de personnes. A peine les a-t-il appelées de la téte que toutes se ruent déJa sur 1a cour, des branches d'arbre ot nyuhkimbo (tige de anamm citratum) 3 la main, Elles s'attroupent devant les joueurs de tam-tame, qui e"interrompent pour redoubler de rage. Elles dansent d'a~ bord un instant sur place, gravement, et se prennent ensuite a faire le tour de la cour, avant ‘aller s'asseoir. Le jeune home se décharge alors du coq et de 1a couronne d'orties, qu'il raccroche & 1*étagére. I1 ne les reprendra que pour accuef1lir d'autres persomes. Vers la ni-Journée, arrive un groupe des plus redoutés : celut des bankal (fils des soeurs). Ils s'approchent du village, l'air mauvais. Iie sont amés de lances, de fustlo, de geurdins, de chicottes, Mais, pourquoi tout ceci ? Ona "tué" leur “nére" (entendez leur oncle) et ils entendent la venger illico. Dans la cour du village, régne le silence, un silence mélé de frayeur. Car, les bankal sont réputés pour leur cru- auté, Ils peuvent, si le coeur leur en dit, tuer impunément toute person- ne qu'ils soupgonnent d'avoir trempé dans la mort de leur “mére" ! D'une voix tonitruante, ils crient a L'adresse de leurs benyaniono (oncles maternels) : "besa yan ai bia !" (qu'on viene nous dédommager). Pour eux, en effet, il est impensable que leur oncle ait pu mourir de sa belle mort : ce sont des membres de son clan ou ses propres femmes qui ont mis fin a ses jours, Voila pourquoi ils en demandent réparation et tiennent 4 @tre dédommagéa. Mais, en quot un tel dédenmaganent pourrait-i1 coneieter ? Afin que leur oncle "ne 8'en aille pas en solitaire dane L'au-dela, sane quotqu lun qui conbime & Lut faire du feu", les binkal exigent tout sim- plement qu'on leur livre des femmes ou des esclaves... 4 sacrifier. Or. + 82, s'il y a effectivenent des personnes qu'on soupgome d'avotr contribué 2 le mort de leur mari, on les leur remet, et 1es Zankal les pendent sur Je champ. S'i1 n'y a personne @ leur donner, le Ndzo, ou tout autre per- sonne habile en matiére de négociation, va a leur rencontre pour les prier de considérer 1a mort de leur oncle come relevant d'autres causes (car Al y en a toujours, des causes). Prenant l'air malheureux, {1 leur dit : "eh! a bot bam pdbigan te ! Mot aniatki woe nyoa, mot andsikt fo rye woe !" (De grfce, mes chers, calmez-vous ! Car persome n'a tué votre mére, absolument personne !). Les hankel gagnent alors le village. Qu'fis afent eu satisfaction ou non, tls restent toujours hargneux, fu- rieux, enclins & fustiger les veuves - ot sous cc mot, 11 faut mettre toutes les femmes du défunt, c'est-a-dire les siennes propres et celles de seo fréres, Tour échapper & la bastomale, les veuves font aux ankal boutellles d'huile de palme ou d'adzap (tieghenella africa~ na), panters d'arachides, poulets, et que sais-je encore? des cadeaux Bt c'est le moment de 1'esant proprement dit. I1 s'agit mainte= nant de déceler ceux des fils du défunt qui auratent pris part a sa mort. Pour ce faire, quatre notables d'un certain ge prennont place au haut bout du village, des ny2kémbe (amonum citratum) @ la main, A l'autre bout, tous lee file du défunt - les eiens propres et ceux de ses fréres - leur font face. En dansant, les vielllards se dirigent vers le cadavre - qui xft sous la véranda - pour serrer chaleureusenent sa main, en prenant bien soin de former ces poignées de main autour des ngékimbe a utiliser. Ils appellent alors les jeunes gens & se présenter & 1"épreuve, un a un, Un premier candidat arrive : l'un des vicillards léve son ngékémbe et me~ nace de 1'en frapper : le jeune home esquisse un mouvement d 'évitenent. Ie vieillard recomence la manoeuvre, le jeune homme élude & nouveau, Le vielllard lance alors pour vrai le ng&kimbe, $i le candidat n'a pas &té atteint, des cris de jote fendent Lair, tandis que les roulements de tan-tams et tambours redoublent d'intensité, La preuve vient d'en étre donnée : dans 1a mort de X, ca gargon n'y oot pour rien. On comprend alors sa joie : 11 se trémoussera pendant au moins ciny minutes, avant de pren- dre congé de ses exam{nateurs, On passera ainsi en revue tous les jeunes gens : ceux qui ont été touchés feront l'objet d'un rite de purification, car "Lis ont le corps mauvais" (nyd1 ene bd abe). +83. Aprés ce "test", on wondo (consacrer, affermir dans le bien et 1a prospérité) les jeunes gens, Des vieillards machent des colas, des ndoh (amomum maleguetta) et du duru (champignon), et les recrachent sur Jes denx tempes de chacun des garcons 3 uondo, Désormais, ceux-cl pour- ront manger certains animaux qui leur étaient tabous jusque-14, en par- ticulier le Kabat esant (1e cabri qu'on égorge & 1'occasion de 1"esani). Quant au coq que portait le fils afné du défunt, 11 ne peut @tre ni man- gé mi conservé dans le clan, vu qu'il a été chargé en quelque sorte des souillures qui menagaient la descendance du défunt. C'est pourquot la tradition oblige @ jeter un tel coq dans la for@t : un homme est chargé ‘aller L'abandonner en pleine forét vierge (ngomba afan), du cété de L'ethnie avec laquelle on entretient des relations d'hostilité. Pour les Bwondo du Sud du Nyong, les Bassa ont toujours constitué une telle ethnie, Le langage des tan-tan_et_tanbour _qut accampagnent Lex Les roulements de tambours et tam-tams qui accampagnent 1'esami sont loin d'étre quelconques ou anarchiques : ils obéissent 4 des régles stric- tes et transmettent des messages précis. Dans son étude : "Moeurs et coutumes des Ewond 3 laquelle nous renvoyons du reste le lecteur, L'autodidacte Abbé Tsala distingue trois parties dans le langage qui nous oceupe : "Dans la praniére, écrit-i1, le défunt exalte sa juste douleur; dane 1a deuxtéme, on le console en lui disant que sa situation lut per~ met d'explorer les Wau qu'il ne pouvait pas voir auparavant; dane 1a tnotetéme partie, tl est rendu responsable de sa présente attuation." (1) Tout en faisant nétre cette fagon de voir, 11 nous seuble cependant im- portant d'indiquer que les passages cités par L'ADbE, et par conséquent L"interprétation qui s"y rapporte, ne constituent que les temps forts du Langage des tan-tems et tambours, tandis que 1a totle de fond dont 11s se détachent par intermittences, a été laissée de cété, Celle-ci comporte, du moins chez les Bwondo (stricto sensu), tous les mendan (devises) des grandes femilles ewonlo (Atangana-Mbala;Tsoungui-Mbala; Fouda-Mbala; Essomba-Mana), le ndan du défunt ainsi que l'amonce de sa mort, D'atl- leurs, qu'on soit Ewonlo au sens strict ou non - et nos informateurs sont (1) Abbé Th. Tsala : Moeurs et coutumes des Evondo, Etudes Canerounaises, 0°56, 1958, p. 107. 8h, formels 4 ce sujet - la toile de fond existe toujours et comprend au moins Je ndam (devise) du défunt et 1'annonce de sa mort. C'est 1a rengaine qui revient contimellement et qu'on n'interrompt que lorsqu'{1 y a un acteur sur "scéne" - c'est-a-dire lorsque quelqu'un danse dans la cour. Nous donnerons donc dans les lignes qui suivent le langage complet des tan- tams et tambours tel qu'on le joue chez les Fvonio, on coumengant, bien entendu par la toile de fond. A. Toile de fond, Le tambour d'appel débite seul les différents mendan des Bwondo et amonce 1a mort : 1) Le ndan des Mvog Atangana-Mbala + gut ene va a mokon, Ta farce consiste dans les lances, 2) Le ndan des Mvog Tsoungui-Mbala : Teoungui-Mbala afidt abut, Teoungut-Mbala canpte sur le grand nombre, 3) Le ndan des Mvog Fouda-Mbala 1 Fouda-Ubala adian at ndi ndaie. Foula-Mbala vit de lut-mane. 4) Le ndan des Mvog Essomba-Niana + Essonba-Ndana aftdan amid, Feeemha-Ndana fait mal cum odteo. 5) Le ndan du mort et _1'annonce de sa mort : a) Je ndan du mort .~ on supposera que le défunt s'appelait (cu, d'od le ndan suivant + Men etan etan, men ctan ctan, Je suis sare scoaws (bis) , Bit&baye, mond otan ctan ! @mot, au scours ! Otu, mankal Edzoa Ubéde, Otou, never d'Bdzoa Mbede Afuléjan at okukud ngdn Mvéle, et senblable a une fille basea légere, Men etam etam, mene etam etam.. Je suis sans secours (bis)... b) L'amonce de 1a mort + Aboo ast léftm, fem, fem ! (bis) gtt raide mart, tort a fait ratde mort f B. Les temps forts. Le tambour d'appel commence d'abord et les tam-tems entrent en scéne dés la trois{2me ligne du texte suivant. a) Ie mort fait revivre lig, lig, lig, lig, lig, tig, lig, Yo", vo" vo", vo!, vo", vol, voe, Kodan ast, kodan asi, A mvog tara, ngog, Mim yin at ma t Mentoa ya, a mavutu, V8 dulu engongd ; Mentoa ya, a make maniln V8 etan etan ane kongoo; Mentoa ya a mabadan At bavor benan arya bison; Mentoa ya akud teit, Bot betugudu ! A moog tara, ngog ! Kodan a ot, mizu yin at ma + Mé'a nga bad f8 ma yen t Angabe na dacn ebd wa dtbi twhidt, Wa ol8dé ded ngongogéle est, Dai ene asu mot osé : Miliigt miayanga dad 1 A mog tara, nog I Hentoa ya a make mawilu VE dutu engongd 1" ses derniers instants : Slat camencé par des convuletons répétées, pour fintr par un raidisaanant total, leves-vous, levex-vous , do gréoo, chore fréveo, et venex me dire adie: ! Deja, Je ne marche plus que d'un pas matheureuxs déja, je ne me praméne plus que tout seul, came un sanglier solitaire; d'en suis déja a me camettre avec les chimpansés qui mangent lea manigquettes; de ne euts plus qu'une brute, la riste das homer ! Pitié, cheve fréves t lovea-vouo ob venes me dire adie vous ne me reverres plus jamais ! fusqu'tet, toute abtaque surveme & Laube, vous la vengiex le soirméne, On, celle-ct est fatale pow tout te monde : Vous n'avex done qu'd attenive votre tou I Pitié, chere fedres t D8ja, je ne me pranéne plue quien pawre mathowauz I! b) 1a réponse railleuse de l'assistance : 4 bedaoo at va na: "Saala dina", ylongasaala ? ‘"yaag mebala", y’onganyu ? "Se ongabébt ane nget kabat! lorequ'on te disatt : "uite ccct", Las~tu evité ? "Prenis ce randde}! U'as-tu prie ? BE voila que tu as lee yeux éfectés come 1a prunetle du mouton 1 - 06. ¢) Ltassistance console le pauvre matheureux Kalag a minto mi ndoh, laduli, Va, cowbé, aux earmote doc monte escarpés, "Keleg & minlo mi ndoh, Wukuli. Va, coubé, cus sarmets des monts escarpés! On remarquera que, selon 1'Abbé Tsala, notre (c) devrait plu- tét venir avant le (b) + d'od le passage que nous citions de lui a 1'ins- tant. Or, dans tous les esari auxquels nous avons assisté, c'est 1'ordre inverse qui régnait : faut-11 conclure 4 une variante régionale ? I1 ne senble pas cependant, vu que nos informateurs ont confirmé ce que nous savions dja. Nous venons d'effectuer un survol rapide de quelquee-unee des caractéristiques générales de 1a société ewondo. A l'analyse, le systéme de parenté, de type bilatéral, apparaft cependant de prédontnan- ce patvilintaire, Encore qu'elles n'aient pas été toutes étudiées, les relations de parenté semblent reposer puissamment sur le principe de séniorité : l'afné, le pére, la mére ont toujours le dernier mot sur le cadet om le fils. Ce qui entrafne une prSféronce forte 3 la gérontocra- tie, sur le plan de L'organisation sociale, Celle-ct, du reste, pose bien des problimes. La régle de la gérontocratie ne joue pas toujours vant l'excellence individuelle. En sorte que, dans cette société si peu inégalitaire, une certaine forme de compétition pour le pouvoir reste possible. Mais, le probléme le plus ardu qui se pose @ tout observateur de l'organisation sociale ewondo, cleat la diffieulté qu'fl y a 3 dé elle s"efface respectueusement de~ miter avec un tant soit peu de précision, les différents types d'autori- t& Si 1'on excepte le cas du Waukuma - qui est, au reste, une person- nalité privée - les juridictions respectives du Ndzo, du Mtetk-ntol et du Mgengah apparatssent d'une appréhension malaisée, ces trots réles étant souvent réunis entre les ménes mains et impliquant pratiquement +87. de 1a part de coux qui les assument les umes qualités : 1'éloquence, Mesprit d'analyse, la discrétion, l'art de la persuasion, un principe Q'envodtement tourné vers le bien social, D'autre part, on a ~u que la fonction du Mteik-ntol, a la différence des deux autres, n'éteit qu'é- phémére : sauf cas graves, la justice est normalement rendue par le Nizo. 11 y a done lieu de conclure & une organisation sociale synchrétique. Car, comme le dit G, Balandier au sujet des Fang, 11 n'y a pas & propre- ment parler, d'organisation hiérarchique, mais une "simple exéstence da prééminences", (1) En dehors du systéme de parenté et de 1'organisation soctale, nous avons exaniné un rite de rétablissment : Z'este, et une danse fu- nératre : L'esamt, Or, dans un chapitre consacré aux caract éristiques générales d'une société, 1'étude de ces deux thimes, au détriment des rites inttiatiques et des types d'assoctations, s"imposait-elle vraiment ? Si l'on entend par "caractéristiques générales" d'une société - ainsi que nous le disions au début de ce chapitre - un apercu sommaire de sa culture, force est d'admettre qu'on ne pouvait pas explorer toun lea domaines de 1a société ewondo ! Un choix s"imposait done. Or, jusqu'ict, Jes types d'associations et les rites initiatiques soublent gre les seule aspects les mieux étudiés de 12 culture'pahouine” : 11 fallait changer de registre ct aborder deux domaines nouveaux ~ c'est-a-dire deux objec- tivations de la vie sociale qui aident @ saisir des périodes de "socia- licé intense", pour parler comme Mauss. En effet, comme A ces moments "les individus sont plus étroitenent rapprochés les une des autres, les actions et lee réactions sociales sont plus nanbreuses, plus suivies, plus contimes; les idées s'échangent, les sentiments se renforcent et s'avivent mituetlenent; le growe, toujowe en acte, tarjours présent ux yeux de tous, a davantage le sentiment de Iwi-méne et tient aussi une plus grande place dans 1a conscience des individue"(2). Dés lors, fixer les points de cristallisation de 1a secialité d'une ethnie, n'ost= ce pas 1'un des meilleurs moyens d'appréhender sa culture ? N'est-ce Pes, aussi, une fagon de progreeser vers ce que G. Balandier appelle la "sociologie dynamique" ? C'est bien volontiers, en tout cas, que nous nous attarderoms, tout au long de cette érude consacrée au mariage, sur tout indice susceptible de mettre au jour les temps forts de la vie Sociale ewondo. TI ROWTRRTTES TF nntntnnt a antuntin da Venton Maden m2 2d nm ane DWXIEME PARTIE LE MARIAGE CHEZ LES B¥ONDO +89. CHAPITRE I - QUELQUES PROPOS INTRODUCTIFS Certaines personnes, victines d'un évolutionni: ne outrancier, ont considéré le mariage comme un fait de civilisation, le résultat d'une évolution, Telle est, par exemple, la position de Levis Henry Morgan, L'un des tenants de la théorie de la prantecuité Primitive, Selon celle-ci, l'aube de 1"humanité aurait baigné dans un Stat de parfaite agamie, les relations sexuelles étant “affranchies de toute norme entre le premier mle veu et la premfére femelle rencon- trée," (1) En d'autres termes, "la proniseutté suppose Llabeonce de noces solennelles, Uabsence de tout statut Lég2l comearnant te mariago, Uabeense de tout sentiment de jalouste." (2) Tel est le stade primitif a partir duquel on serait passé "am mariage de groupe, de celut-vi a Ja polyganie avec matriareat; de ostle-ci a la polyganie avec patriarcat; enfin Lhmanité 20 coat élovée & tz monoyunie, (3) ainsi, le mariage apparaft-il come une acquisition de la civilisation. Or non seulement on n'a jamais rencontré l'état d'agamie dans aucune société comue, mais on peut méne dire qu'en matidre natrimontale, 11 n'y a janais eu de coupure totale entre nos fréres les animaux et nous Je mariage accuse, de toute Evidence, des racines préhumaines, surtout sf l'on prend come critére les soins & donner 4 la progéniture, "Mainte ctreonstame, écrit Gunther, roquiert la vie fumiliale ches les Anthro~ potdes : la fanelle ne porte généralenent qu'un petit a la fote et elle cst basco moins prolifique que les especes miltipares. En outre, Len= Fance des singes est velativanent longue, c'est-d-dire la période pendant (2) Hans F, K, Gunther, le Mariage, Ses formes, son origine. Trad. de L, Lamorlette, Payot, Paris, 1952, p. 16. (2) Paul Descamps, la promiscuité est-elle primitive ? Imprimerie scien- tifique et littéraire. Bruxelles, 192%, p. 3. (3) Hans F. K. Gunther, op. eit. p. 190-191. +90. laquelle les jeunes ont besoin de 1a protection de leurs parents. Lee enfants de Govilles, dlaprés Reichenov, grandissent lentanent et ont besoin d'étre protégés pendant des années. Le Gibbon - qui n'est pas @ propranant parler un Anthropotde, mate qui on est proche - nlattoint eq maturité sexuelle que vere 5 & 8 ane, le Gorille seulanent entre 10 et 14 ano," (1) Be L'auteur de mettre au Jour une véritable vie fa~ miliale chez les olsemx : "la comaison des Cisemm, dit-i1 encore, seratt imposstbie sans des formes de vie que nove powons appeler "vie fomitiale", eans aide mtuelle, sans division du travail, En conséquen- ce, c'est précisénent parmi les Cisem que nous rencontrons des unions durables, ta monogaie, un anour conjugal et une fidélité conjugate bien caractérisés." (2) Dans le mine ordre d'idées et toujours a pro- pos des oiseaux, Westermarck met l'accent sur la division sexualisée du travail, Le m@le et la femelle "s'aident mituellement 4 construire le mid, le mile apportant en général lea matériaun at Ia fanalla axé= cutant le travail, Chacun des deux preni ea part dee imombrables de~ votre de la sateon d'appartanont. L'inoubation oot principalement le lot de la méve, mais le pére aide ea campagne, prenant ea place quand elle a besoin de quitter ls nid, tut apportant & manger et la protégeant contre tout danger. Pendant les preniers jouwe aprés t'éelosion, la plpart des Oiseaux ne quittent que fort peu de temps leurs petits, saulenent le tanps de chercher de 1a nourriture pour aurmtnes et Lew famille; en oas de danger, les deux parente défendent bravenent leur progéniture, Dés que la prantére période eat passée et que les petite ont un per grandi, les parents leur apprenent a ee tirer d'affaire tout sails, et ce n'est que quani ile on somt capables qulils quittent le mid et leure parents," (3) On conviendra que le mariage, de par son universalité mine, et lofn de conatituer uniquenent un fait de civilt- sation, Car de 1'animal a 1"hoame, il n'y a pas de repture, "Pour un naturaliote, affirme J, Rostand, tout dane te monde vivant, ee méle, ee confond, s'entrepéndtre. tulle part tl ne parviont a voix d'hiatus, de (1) Hans F, K. Gunther, op. cit. p. 19. (2) Hans F. K Gunther, op. cit. p. 21. (3) Edward Westermarck, Histoire du mariage, T. I, trad. de A. Van Gennep, 2e édit., Mercure de France, 1934, p. 38. .9Ol. rupture. W'oubtions pas que U'hame n'est wien moins qu'un étranger dare la nature, qu'il ne fait que prolongar en L'anplifiant ce qui vient do beaucoup plus bas", (1) Mais, c'est a Westermarck que nous demanderons de conclure ce paragraphe. "le martage lamatn, dit-t1, n'est pos (...) un phénonéne isolé; tL a ea contre-partie dane beacam d'autres eepeces animales ct o'cot probablenent un héritage de quelque ancétre pré-hmain, Clest afin de mettre ce fait bien en lumiére que j'at domé & cet awra- ge le titre d'tistotre du martage humatn", (2) Le mariage procéde a la fois du naturel et du culturel. Aussi, Cl, Lévi-Strauss, par le biais de la probibition de 1"inceste, en a-t-i1 fait une fame de passage privilégite de la nature a la oulturo, votre Je fondement de 1a vie sociale, en tant que celle-ci est organisation, Nous efflewrerons briavement la théorie lévi-straussienne. Selon 1'auteur des "Structures élémentaires de la parenté" lui-méme, ses prédécesseurs n'ont retenu de la prohibition de 1"inceste que des aspects partiels : les uns ont bien retemu le double caractére naturel et culturel du phénomén:, mais n'ont établi entre ces deux or- dres de réalité qu'’une connexion extrinedque, aonatituée par une dé= marche rationnelle de la pensée"; (3) d'autres n'ont voulu 1'expliquer que par des causes naturelles; d'autres, enfin, n'y ont vu que des causes culturelles. Or, la prohibition de l'inceste "constitue la dénarche fordementale gréce 2 laquelle, par laquette, mats surtaut on laquelle, staccamplit 1e passage de la nature a la culture," (4) La prohibition de 1'inceste est naturelle parce que universelle; elle est culturelle en ce sens qu'elle ne recouvre pas 1a méme réalité d'une soctété a l'autre. D'un point de vue général, "la prohibition de L'inceste exprime le pas~ sage du fatt naturel de la consanguintté au fait culturel de U'alliance", (5) Sans doute se demaniera-t-on comment s"op@re exactement un tel pas- sage ? Il suffit, pour s‘en convaincre, de considérer "Lindi fférence de la nature - oaetifiée par toute l'étude de la vie animale = aux mo- dalités des relations entre lea neces. Car c'est préotetnont Lalliance qt fownit la charntére, ou plus exactenent L'entai lle od la charntére Ti) SF Rostanl, Ce que jc crois, muvelle éd., Grasset, 1953, p. 58. (2) Td. Westermarck, op. cit., p. 82. C'est lfauteur qui souligne. (3) Cl, Lévi-Strauss, Jes structures éléentaires de la parenté, Mouton, 2e &l., 1967, p. 28, (4) Cl, Lévi-Strauss, op. Cit; p. 29 +92. Patt se fixer : la nature impose L'alliance sans ta déteminer; et la culture ne la regott que pour en défintr mesttet les modalités." (1) Diailleurs, le fait que "mi U'état de fratermité ni celui de paternité ne pement etre inoqués pour reveniiquer una épouse" (2) ne signific t-11 pas que "la prohibition de L'ineste a d'abord, logiquement, pour Iut de "golen" lee fames au coin do la fenille, afin que la répartition des femmes, ou la campétition pou les fames, se fasse dame le grape et cous le contrdle du groupe, e non sous un régine privé 7" (3) Ainst, dans toute société, le groupe s'interpose-t-il entre 1"homme et 1a fen me, en vue de leur fixer la norme sur le type de laquelle ils doivent vivre. "L'aspest positif de U'intendiction, dit encore Lévi-Strauss, est d'anovcer un début d'organteation," (4) C'est pourquol, dans n!in- Porte quel systéme matrimonial, "le phénanéne fonianental qui réeulte de la prokibition de U'inceste est le méne : & partir du monent oa je mlintendis L'usage d'une fame, qui devient ainst dtepontble pour un autre home, tl y a, quelque part, un hone qui renonee dune fame qui devient, de ce fait, disponible pour mot. Le contenu do la prohibition nlest pas épuisé dans le fait de la prohibition; celle-ci n'est instau- vo quo pour garantir et fonder, directement ox indirectenent, innédta~ tenent ou médiatenent, un éehange." (5) Ia promiscuité primitive reléve donc du mythe : le mariage est inhérent a toute société, La seule chose qui varie d'une région du globe a l'autre, ce sont les différents aspects qu’ épouse ce phénanéne universel. Au point de vue des formes de conclusion du mariage, par exemple, on distingue : le mariage par consentement; le mariage par Spreuve ou mariage par cosai; le mariage par rapt; le mariage par achat. Si l'on change de registre et qu'on considére les choses sous 1'angle des modes de mariage, on peut citer : le mariage par échange; le maria~ ge entre cousins ~ paralléles ou croisés; le lévirat -mariage obliga— toire d'un homme, déja marié ou non, avec la veuve de son frére défunt; Je sororat ~ mariage obligatoire du mari avec 1a ou les socurs de sa fame, soit du vivant de celle-ci, soit aprés sa mort; 1'endogamie ~ (YCL, Levi-strauss, op. cit., p. 37. (2)CL, Lévi-Strauss, op. cit., p. 49 (3)C1, Lévi-Strauss, op. cit. p. 52. (4) C1, Lévi-Strauss, op. cit. p. 50. (5) Cl, Lévi-Strauss. op. cit. p.1 60. +93 obligation de ne contracter alliance qu'a 1'intérieur de son groupe : clan, tritu, caste, classe sociale, familles de méne religion, etc.; L'exoganie - qui preserit le choix du conjoint en dehors du groupe de personnes qui se considérent coume proches. Sur le plan des formes de l'unfon conjugale, 11 faut retenir : 1a mnogamie; la polygamie - qui se divise elle-mine en polyandrie, forme rare, et on polygamie, forme la plus courante, Enfin, on peut aborder le phénoméne du mariage par Je biais de la famille, et dans ce cas, on 5"intéressera particultére- ment aux modalités ci-aprés : la famille conjugale ou élémentaire; la grande famille; Je patriarcat; le matriarcat. Cette longue émumération, d'aucuns 1a trouveront peut-étre fastidieuse; mais elle était nécessafre, puisqu'elle conduit a une constatation importante : si le phénoméne du mariage est universel, son expression dans différentes régions de la planéte, ses objectiva~ tions dans 1'copacc-temps dépendent étroitancnt de quelque chose de proprement humain : la culture, Il y a autant de systémes matrimoniaux que de systtmes culturels. Ainsi se trouve justifié 1'objer du présent travail, od l'on se propose d'étudier le phénaméne du mariage au niveau d'une culture particuliére : la culture ewondo, Au seul de cette Giude, 41 ne nous semble pas superflu de lever par avance certaines équivoques possibles, en indiquant clairement le type de problémes qu'on ne devrait pas s‘attendre @ nous voir trafter. Tout d'abord, le problame de la virginité, Eros n'a jamais constitué un cas de conscleuce chez les Bwonlo, tout au moLus pour les jeunes hommes. A cet égard,un mot de Denis de Rougemont paraft particu- lérement Eloquent : "Eros, qui était un Dieu paur les Anctens, est un problane pour les Modernes. Le Diau étatt ailé, chamant et secondaire; le probléme est séeteuc, complexe et encanbrant, Mais cela n'est vrat qa'en Oocident, car on n'observe rien de tel en Inde, en Chine ou en Afrique." (1) Le problame de la virginité est secondaire chez les Ewon- do, Mais, cela veut~il dire dévergondage, d3bordement sexuel ? Non pas ! Tout d'abord, la jeune fille était bien protégée jusqu'a 1a maturité (16-18 ana). Ggées du clan du mari donnaient 4 toute jeune mariée une consultation tent pourquol, conme on le verra plus loin, les fenmes (1) Denis de Rougemont, les mythes de l'amour. Gallimard, 1967, p. 1. 1% médicale qui, en méne temps qu'elle visait a déceler des maladies redou- tables - la lépre, entre autres, - consistait aussi en une épreuve ten dant 3 Gtablir 1"état de virginité de la mariée. Mais, une fois majeure, la Jeune fille pawvait avotr des relations semelles, soit avec quelqu'un de son choix, soit avec une persone sur qui ses parents avaient des vi- 98co nobles + un gendre éventuel, Quant au Jeune hume, 11 était un peu plus libre : dés sa majorité, {1 pouvait découcher pour aller rejoinire sa dulcinge, son ebon (concubine). Une telle sortie, qui pouvait s'é- tendre sur des semaines, porte le non de ehorgdn. Les avis sont partagés quant & 1"étymologte de ce terme, Ceux qui le font dériver de : boe (casser, chasser, faire partir d'un lieu), et de ngdn (fille, si le ton est bas, "courge", si le ton est haut), 1’expliquent de deux fagons différentes, suivant qu'ils "mettent l'accent sur casser ou sur chasser" S'ils se fondent sur "casser",ebongdn signifie alors défloration, car Je fait de copuler avec une fille vierge revient A mettre fin 4 son état de plénitude, et Evoque donc, en quelque sorte, l'acte brutal de casser une baie de courge (cucumerops edulis). Si on mct cn valeur le mot "chas~ ser, faire partir", eborgdn, dans ce cas, se rapproche du rept de la fille; car, ef le Jeune howe ose aller provoquer 1a jeune fille chez ses parents, c'est en vue de 1'en faire partir : 1a visite du jeune home est en fait une tentative de conquéte. Cette deuxiame acception du mot est d'autant plus plausible que laboutissement soubaité de 1"ebongtn est toujours, tout au moins pour les parents du jeune boume, le rapt de la fille, étant donné que celui-ci facilite considérablement le processus du mariage. Un homme vraiment ayas (bon séducteur, charmeur, qui use de filtres) ranéne toujours son odin (concubine) avec lui. Au dire des plus agés de nos informateurs, cependant, le mot ebongdn viendrait de bon (vagin) et ngbn (fille), et signifteratt done"vagin de 1a fille Aller 3 Z!cbor gon signifie nkéé (belle-mére), qui pouvait passer le nuit sous le méue colt que vous; ler au vagin de la fille, par opposition a celui de la mais par opposition aussi & tout vagin de fenme mariée, qui, on s‘en douce, n'a jamais attiré que des ennuis pour quicomue sy hasarde | D'ailleurs, les relations semuelles avec une femme mariée porte un non spécial : ngdbinda (qui pourrait se décomposer en mgdn,fille et binda, interdit , tabou, Done, "fille défendue", soit adultére). On va a L'ebongon ouvertement, tandis que le mgthinda se passe dans l'obscurité, on catimint. 95. Quoi qu'il en soit, 11 faut indiquer qu'il n'y avait pas de Prostitution chez les Evondo - si l'on entend par ce mot : l'offre de faveurs semelles en échange d'avantages écononiques. La seule forme de Prostitution qui exist - et nous essaierons de le montrer plus loin - se situait au niveau des ménages de polygames : ne pouvant satisfaire personnellement ses nombreuses fames sur le plan sewel et aspirant & des avantages économiques, le polygame jouait parfois le réle d'un vé- ritable proxénéte, ou tout au wolms, fermair-i1 les yeux sur les rap- Ports que ses courtisants pouvaient entretenir avec ses femmes, ses €pouses secondaires, Le mari s‘attirait ainsi une main-d'oeuvre mascu- line importante. En dehors de ce cas, qui n'était du reste que 1’apanage du mladaona (riche), 11 n'y avait place nf pour 1a prostitution ni pour Ja débauche, Qu'on ne s'y trompe point : la liberté saruelle entre jeunes gers indiquée plus haut, avatt en fatt pow but, tout came dans les can pagnes allanandes, le mariage, "Souvent, écrit en effet Gunther, les re- lations semuelles prénptiales ont pou but de e'assurer de la fécondité de la jaime fille. Tel eat la but an mainte campagne allanando doe muito d'épreuve (Probenachte)" (1). Bt Wauteur ajoute: Dane nonbre de trilue cone dans la paysanmorie gemmanique, le commerce sexuel prémptial a Pour but le mariage, dans nombre d'entre elles une grossesse survenant vend te mariage obtigutcire et, dans matnte tribu de la Terre, came dans la paysannerie gamanique vestée moralenent saine, L'incontinence prémptiale est euivie apres les noces d'un strict respect du lien eon dugal" (2). Comme disent les psychologues généticiens, les relations sexuelles prémptiales constituent donc des “expériences pour voir", Tel- Je est du reste 1a position de Westermarck, qui écrit 1 "shes bemeam de pewles, existe un mariage régulter par essat avant que L'union devienne définitive; le fianoé ou bien améne la fille dane ea propra maison, ae va vivre ches les parents de celle-ct peniant un certain temps" (3). Westermarck signale m@me qu'une telle coutume a cxisté en Ecosse. "Une cautume & quelque degré eenblable existatt en Feosse avant la Réfame et Statt comme sous te non de "tateon des mains hand-fasting"),¥t Wester- marck, pour Justifier son propos, cite lui-m@ne Rogers : "Lore d'une foire (1) Hans F. K, Gunther op. cit. p. 86. (2) Hans F. K, Gunther, ibid. (3) Edward Westermarck, op. cit., p. 150. + 6. publique, des hanes se choisissatent des campagnes avec qui ile cohabi- taient pendant une amée, A l'empiration de cette périnla, les deur par ties étaient regardécs come libres; ils powatent, ou bien s'unir par le mariage, ou bien sa adparer. 1) On no le dira jonais assez, 1"incom tinence prénuptiale est une préparation au mariage, Trés souvent, un homme qui n'a pas eu d'enfant d'une concubine, malgré une période de cohabitation plus ou moins longue, se séparera de celle-ci en disant : "bi wa biatokan kt meki" (ton sang et le mien ne s'accordent pas), Sans nous attarder sur le cété trés moderne de cette formile de séparation (n"évoque-t-elle pas en effet le facteur Rhésus 2), indiquons tout sim- Plement qu'une telle rupture ne jette de discrédit ni sur le jeune home ni sur la jeune fille. Ainsi, le but du mariage qui, au niveau du clan, est d'augmenter ce que Nadel appelle "1'aire de paix", consiste-t-i1, sur le plan individuel, dans la fonction de génération, le deuxitne "probleme" a écarter de notre étude a trait a une certaine conception de la polygamie : celle qui consiste a voir dans ce régime matrimonial le résultat d'une insatiabilité morbide en matiére sexuelle. Dans une page célébre, Clyde Kluckhohn campare les attitudes respectives de la fame américaine et de celle de Sibérie, face au pro- blame de la polygamie. I1 note : "Ja ferme chea nous juge, d'instinct, la polygamie odiuse. Elle ne conprend pas qu'une fame puisse, sans dalouste nt répulsion, partager son mari avea d'autwes. Acoepter une telle ettuation lut paratt contraire a la nature, Une fame Koryak de Sibéria, par contre, imagtnoratt diffiotlonont que oon mari lui réoervdt Liewlusivité, Ce eerait, @ ses yeux, incampréhensible égoteme dont Lepowse, privée de campagne dans sa maison, seratt la prantéve victime" (2). Clest assez souligner le relativisme culturel, mais aussi 1'ethno- cemtrisme de 1'anéricaine, qui identifie ea cultwe @ la mature, qui y voit L'expression de 1a nécessité. Or, la polygamie ne reléve pas seu- Jement de motivations individuelles : elle obéit au premier chef, coume toute institution, aux normes de la société globale. Elle est un mode d"objectivation d'un systéme de valeurs donné, C'est toujours au non de valeurs socialement recomues que se pratique la polygamie. Bt de ce (2) Edward Westermarck, op. cit. p. 151, (2) Clyde Kluckhohn, Initiation a 1'anthropologie.CHarles De Bruxelles, 8. d., ps 27. wrt ,éditeur, -7. point de vue, un exemple célébre vient inmédiatement & l'esprit : "L'tglise de Jésus-Christ des Saints du Dernier Jour", plus connue sous le nom de 1a Secte des Mormons. Cette communauté chrétienne, dont 1a bopne fol et 1a sincérité désarmaient jusqu'A ses plus farouches dé- tracteurs,fut fondée aux Etats-Unis en 1843, par J. Smith. On connaft Lessentiel de sa doctrine. "Tous les mondes céleetes sont habités par des Dieuc, des homes et des étres non encore nés, Cour-ct sont anvieur de nattre, car il ast indispensable, pow pouvoir joutr de la gloive supréne, d'etre homes, c'eat-a-dire de prendre un tabernacle d'argile, ot do prattquer 1a polygamie en ayant Le plus grand nonbre posstble d'en- fante, et cect sur terre aussi bien que dane la vie eéleste; L'hame ren pliseant ces conditions avance en grice par degrés successife de gloire éternelle; et enfin le jour Lointatn ot dans ea vie terrestre et dans ea vie oéleste, il se sera entouré de millions et de millions de descen~ dante, ce jour-La, mais ce jour-1a saulenent, le Saint-mormon deviendra un dieu 2 son tour, et, accanpagné de ses fanmes et de ses descendante, ira sur une nouvelle planéte dont it sera le dieu et qu'il pawlera." Or, le jour de 1a résurrection est proche. C'est pourquot les Mormons "wonstdérent came un devoir primordial da donner naiseance ax plus grand nanlre possible de ces étres anzicux de nattre, ai, aprée la résurrection, il ora trop tard et cco matheweux erveront, sane “hae”, & travers Lun nivers, s'ile n'ont pu nattre 2 temps." Bt Smith, de qui sont ces mots conclut : "IZ est nécessatre, pour etre sauvé, de pratiquer la polyganie" (Q). Aprés L'assassinat de Smith en 1844, Brigham Young prit sa reléve et fonda 1"Etat mormon dans 1'Utah, avec Salt Lake City pour capitale. Tous ceux qui ont étudié 1a question mormonne sans parti-pris s'accor- dent & dire que les mormons avaient une conduite irréprochable et tra- vaillaient admirablement a la mise en valeur de leur Etat. C'est ainsi que, s'inspirant de 1'historien Eduard Meyer, Gunther affirme que les Morons "be distinguent des populations des Etats votsins en ce qua dans leu danaine on n'observe aucun excds, ni débauche, ni tvrognerie, ni juwons, nt Jour do hasand, nt frdquontation do eabarcto ou de bor- dele; le nombre des infractions est minine, Les Mormons ee caractéri- sent par ta pureté, lu politesse et ta drotture, par une nature anteate, (1) Cité par Raymond Duguet, 1a polygamie aux Etate-Unie. Les Mormons, leur religion, leurs moeurs, leur histoire. Nouveau Mercure, Paris, 1922, eer +98. nate famée et un certain dédain des étrangere qui ne comatssent pas le "Salut" ", Quant aux réalisations qu'ils avaient effectuées dans leur Beat, 11 faut citer : "la eréation d'une tmense casts de culture au mi~* War du désert des Montagnes Rocheises, d'un Etat dans lequel régnrt ont de bien metllewes conditions qu'a la mane époque dane L'Quest dea USA: dardins chamarts, plantations remarquables, champs sotgnde." (1) Ia polygamie ne reléve donc pas des impulsions sexuelle: Comme nous le verrons plus loin, elle obéit a des considérations fort di- verses : religicuses, sociales, économiques, C'est pratiquement un "fait social total", pour parler comme Mauss. Aussi,est-ce "par~dela le bien et le mal" que nous l'aborderons dans cette étude, Ces deux "problémes" - ou plutét ces faux problémes - écartés, disons un wot, avant d'amoncer notre plan, de L'importance du mariage chez les Bwondo, Un proverbe dit : "obie min, bien bila : alit estb, abad dad; atono ndaz alugu mininga : mot myd1" (on juge son fils a trots cho- ses : s'il méne & bien le défrichenent et L'abattage des arbres d'un "esth", s'il méne & bien 1a construction d'une cases sil réussit a se marier : c'est quelqu'un). Ces trois signes 4 quof se juge 1a valeur d'un home sont Evidenment présentés dans un ordre de gradation ascendante, les cho- Ses se compliquant & mesure qu'on progresse vers le mariage, difficulté des difficultés. L'esd, champ créé en pleine forét vierge, implique la force physique et I"habileté a éviter les grosses billcs qu'on y abet & 1a hache, I1 n'est done pas donné & tout le monde de s'attaquer a si dure partic, La construction d'une case denande la force physique, un certain savoir-fatre et beaucoup de conrage pour monter aux épineux palniers raphias et en extratre les feuilles nécessatres a la fabrication des nat- tes, en vue de la couverture, L'édification d'une casepostule aussi 1a capacité structurer 1"espace, ce qui permet de bétir des murs droits; 41 faut enfin beaucoup de cran pour extratre du trés dur bois d'eume (coula edulis) les piquets propres 4 la construction des murs. Quant au mariage, 11 ne suffit pas d'étre fort physiquenent pour le réussir. Cor- tes, faut-i1 avoir fait ses preuves - par la construction d'une case ou en menant a bien la préparation d'un es%b ~ pour pouvolr entamer 1a ques tion du mariage dans des conditions favorables; mais 11 faut d'autres (1) Tans F, K, Gunther, op. cit., p, 128. +99 qualités que cela. Le jeune fiancé doit avoir amassé les biens a donner Aca belle-famille, Or, ceci suppose un individu intelligent et edricuz, qui ait 1'esprit d'éconaie et qui sache se garder de dissiper les biens, qui luf sont destings, on patanonts ¢'adultéres. Le mariage implique une certaine asc@se, beaucoup de mortification sur le plan sexuel. Voila pour- quot {1 constitue 1a comsécration de 1"individu en tant que menbre de Ja collectivité, L'houme marié est autorisé 4 siger au conseil du clan. Le mariage (aluk) est si important dans la mentalité ewondo qu'on le désigne sous des nons fort divers, chaque non n'en illustrant qu'un aspect particulier. Ainsi de 1'aluk etia (mariage d'arrachenent), de L'aluk mud (mariage par échange), de Laluk ckokoba (mariage obtenu grfice au concours de 1'oncle maternel), de 1'aluk mbo'md (mariage par son effort personnel), de 1'aluk mbana (mariage polyganique). Nous ver~ rons plus loin la liste exhaustive des formes du mariage, ainsi que leur exanen approfondi, our 1'instant, contentons~nous d'indiquer notre plan. Cette étude comportera quatre parties principales : l'origine du processus du mariage; le processus du mariage et 1a compensation ma~ trimoniale; le cérémontal du mariage; les formes du martage et ses fone~ toms socio~politiques.En ce qui concerne la praniare partie - l'origine du processus du martage - 11 cera évideament question de la mantére dont prend naissance la relation matrimoniale. Or, chez les Bvondo, celle~ci stoptre de fagous différentes, selon que 1a fille a marier est majeure ou mineure, voire a naftre, Dans le prenfer cas, on parle du nsilt aluk (la demande en mariage); dans le deuxiame cas, on parle de 1'chan ngon (appropriation anticipée de la fille). Mais cette prentére partie camor- tera aussi un paragraphe important sur les développanents affectifs de la relation matrimoniale, c'est-a-dire le langage anoureux (nkdbd ayas). Le deuxiame chapitre portera uniquenent sur cette pratique qu'on appelle bien & tort la "Wot", mais que les Lndig2nes eux-mtnes appellent mévék, Nous étudierons ses éléments constitutifs; son évolu- tion; sa signification; 1es problémes qu'il pose a l'heure actuelle, ain- si que les prises de position des églises chrétiennes, de 1"administration coloniale, de 1'Etat camerounais a 1'égard de cette institution. + 100, Aprés avoir examiné ce problane complexe, nous reviendrons a la "Fete" avec le cérémonial du mariage, of 1"on distinguera trots mo- ments esscxicls +: ce qui se passe chez les parents de la fiancée + Lekab nabn (L'abduction de Ia Ft11e) ¢ c¢ qui ee passe chez les parents du gargon : L'accuetl de 1a jeune mariée (esd mbda); enfin, une céréno- tie excepttonnelle, en cas de mariage entre personnes considérées come Proches. Dans ce dernier cas, on procéde a 1a mise a mort de 1a parenté (ewoe avunan). ‘Le quatriéme chapitre sera assez long, vu qu'il sera consacré aux formes du mariage et 4 sa fonction socto-politique. S'agissant du Premier point, les recherches se feront surtout selon le critére de la campensation matrinoniale, En d'autres termes, nous analyserons les dif= férents nos que porte le mariage oclon 1a nature de 1a compensation ma- trimonfale, La deuxiime partie de ce chapttre aura trait 4 une étude ap- Profondie du phénoméne de polygamie, depuis 1a société traditionnelle Jusqu'a nos jours; mais on s'y attardera aussi sur 1"importance du maria- Se quant aux relations avec les Strangers, ainsi que sur les stratégies natrimontales, - Il. CHAPITRE II - L'ORIGINE DU PROCESSUS DU MARIAGE Ia relation matrimoniale, on 1'a dit, prend nais= sance différament selon que 1a fille A marior est majeure ou mineure (votre & naftre), Nous comencerons par cette derniére éventualité. Quand 1a fille est mincure ou A naftre, le processus matrimo- nial débute par 1'chan ngdn (appropriation antictpée de 1a fille). La cérémonie se passe entre deux chefs de famille, et chez les parents de Ia fille, Sotent Atangana et Ktoundi ces deux chefs de famille, Le pre~ nier a un garcon @ marier (majeur ou mineur, peu importe), et le second une jeune fille en bas Age ou tout simplement dans le sein de sa mére. Pour marquer son dévolu sur cette petite créature, Atangana remettra & Etoundi, publiquenent, les objets ci-aprés : un nsoh mbbn (une marmite en argile pleine d"mile de palme) et cinq minsoe mékdh (fers de lance). Ceci suffit 4 fonder le droit d'Atangana sur la fille. Désormais, nul ne peut plus se hasarder impunément & lui conter fleurette. $'11 naft "elle un enfant, celui-ci appartient @ Atangana.,, Quand la fille sera majeure, on ira régulariser les choose on vorsant le reste du mavok (compensation matrimoniale). Mais le point de départ le plus courant du processus matri- monial s'effectue quand la fille est majeure. I1 porte alors le non de netli aluk (demande en mariage). Ici, les choses se préparent longuenent, tras longuenent. Mbazoa, femme d'un frére d'Acangana, connaft, dans son village natal (dzah die) une fille qu'elle adore et qu'elle souhaiterait voir Spouse: par quelqu'un de bien, dans le clan de son mart. Or, Atangana aun fils qui renplit ces conditions. Mbazoa se Ife alors d'anitié avec 1a feame d*Atangana, qu'elle s'emplote 3 gagner A sa cause. A la prentére occasion, elle lui dit : "4 muan, s% a t2 mbanbé mbrgd an’ nnan mengaad. Metala ne biase kt daam eub mongd te 1" (tu sais, chére co-epouse, 11 y + 102, aune trés jolie enfant au pays d'od je suis venue ! Amon avis, nous ne devrions pas 1a louper !). Aprés plusiaurs rencontres de ce genre, les deux fenmes finissent par tamber d'accord, et entre fames, elles arrétent une Ligne d'action adéquate. Mbazoa fora venir chez elle la fille en ques- tion - aprés tout, les visites a une sdngd (ma tante) sont toujours pos- sibles; ct le file d'Atangana et sa mére en profiteront pour prendre contact avec la fille, a 1"insu du pére du gargon, naturellenent. Mate, Je pire de a fille peut refuser d'autoriser celle~ci 4 aller rendre vi- site a sa tante, car pour un Bwondo qui se respecte, "abdg mu ladzodaan sen" I (bébé chien ne court jmais les rues tout seul). Mbazoa changera, alors, de tactique, Elle s'arrangera pour trouver dans son village natal (dzah die), un frére qui puisse héberger le fils d'Atangana, autant de fours qu'il le faudrait. Une fois les choses bien au point, vot1A notre Jeune houme en route pour Z'ebongdn, chez les parents de sa "mére" Mbazoa, Entre-temps, celle-ci a pris soin de mettre 1a mare de la fille dans le coup, laquelle ne s'est pas fait faute d'en toucher un mot a 1"intéressée. En sorte que tout est pr@ loreque le gargon arrive, 1 n'a plus qu’a prendre contact avec la fille, une ou plusieurs fois. Ces contacts ont ldeu cher le frére de la "mére" Mbazoa, qui a bien voulu loger le jeune aventurier; mais ils peuvent aussi se passer dans la case méne de la mére de 1a fille, sans que le pare de celle-ci le sache, Aprés plusicurs visites de ce genre, le jeune home (man ndo- man) décide alors, avec l'accord plus ou moins avoué de ses parents et surtout de 1a mére Mbazoa, d'allor tenter ouvertement sa chance aupres du pére de sa belle, tout seul come un grand, 11 rentre donc chez “le pare de la fille, salue gentiment : "tara auumaa” (salut, pére), et seoit, sans plus. Selon l'usage, si 1'étranger ne donne pas le motif de sa visite, c'est au maitre de maison de reupre le silence. "4 mbrém, ua Fé wakar bY man wa ha ? (mon petit, quel est ton pére déja 7), lui de- mande-t-il. -Mene man Atangana Biyidi (je suis le fils d'Atangana Biyidi), Akar f@ bo man dse ha ? (c'est un quot déja ?).- Man Mvog-Fouda (un Myog- Fouda).- Nd a 08d uamulu abe nyaniono boe a ? (et tu viens faire une visite a tes oncles maternels 2).-.,.Mesd f® mawulu, mavuman ki ai mat ms Go» Enfin, Je viens simplement me promener, je n'ai aucun parent ict). Cette brave enquéte sur 1'identité du jeune homme tarminée, le pare en- vote lui chercher une noix de cola. Il 1a fend en deux, en garde un + 103. morceau pour lut-méne et serre la main au garcon avec l'autre mottté, Geste d'hospitalité et de confiance. "Ye ne mange pas ta cola”, Wi dit Je jeune homme en lui remettant le quaxtier de cola.- Je eroyais que tu en prenate déja", réplique le futur beau-pére avec nafveté. Ft 1a conversation continue sur la pluie et le beau temps. Aw bout de quelque temps, 1*homme appelle 6a femme : ‘Man Moog Pouda mydld, sugu nye" (voici un Mvog-Fouda, serre-lui 1a main), Sans rien dire, la fame se dirige vers le jeune homme, luf serre la main et regagne sa case (nda). Mais, 1"houme a bien observé sa fame : st elle n'a mantfesté aucune géne, aucune surprise, c'est qu'elle est Peut-@rre de mache, et m@ne qu'elle a dé déja, en catinini, favortser 12 rencontre de ce garcon avec sa fille, D'autre part, sa fame n'a pas trouvé a redire sur la tribu du jeune homme; en apprenant 1e nan de celle~ ait, par exemple: "Ké abd ya nyandano van a" (c'est mon oncle maternel, alors!). I1 n'y a done aucune relation de parenté entre ce Jeune homme et la fantlle d'Btoundi (pére de la fille) : 11 est pro- Prement un ndzin (Stranger). Le futur besu-pere appelle & nouveau sa feame : "ye dean ya di one hala ?" (Y a~t-11 de quot manger 1a-bas 2). 1a fome onéne le plat du Jour, et ressort. Il invite le jeune hame & Partager le repas avec lui. Bt pendant qu'ils mangent, {1 1"cbserve avec mimtie : est-11 gourmand ? mange-t-i1 avec bruit ? renffle-t-i1 en man= cf, elle n'a pi geant ? Le psychologue interrompt un instant ses observations pour de~ mander de l'eau A sa fille : ™ Byenga, zack me ve mendib" (Taya, apporte-mol de l'eau). By&nga rentre avec un etunga (calebasse en forme de grand bol) plein d'eau, le pose par terre et se prend & regagner ta Porte, lorsque son pére lui dit : "sugu @ mot md1d (salue ect homme). Elle donne alors la main et se retire, sans mot dire, La aussi, le pére n'a pas manqué d'étudfer la situation. Sa fille n'a faft monrre d'aucune curiosité, mais elle avatt les yeux pieusement baissés et semblait quel- que peu génée,came pour Eviter de fixer 1'ére aimé, Ce qui, chez les Evondo, traduit 1a pudeur, une pudeur mélée de honte (d'ailleurs, les deux choses sont toujours liges dans la mentalité ewondo; aussi les dé- signe-t-on d'un seul et m@ne mot : osdn)... Le pére s'intéresse a nou- veau au jeune home : A man Mvog-Fouda, ye minkoh miadi a mam wan hala ?" (cher Mvog-Fouda, avez—vous des chenilles chez vous, cette amée ?).- + 14. Minkoh mine woe etitth (nous en avons en pagate).-Mayon no dae ded yabd mu + £0 minkoh, td via biabele ki td deta mbu mum ! (Je ne comprends pas ce qui se passe dei : nous n'avons nf cheniles nf champignons,cette am née !). Toute la journée, la conversation roulera ainsi sur dos cujete quelconques. Mais c'est bien ainsi que les choses doivent se passer, car le nyamad (home mir) et 1e nioan (jeune hame), ne paivent pas dis cuter de choses sérieuses : bayain ki minktbd (leurs langages ne s'ac- cordent pas = 11s ne parlent pas le méme langage). Vers les neuf heures du soir, n‘ayant regu aucune désapproba- tion de sa ferme, le pére dit au jeune home : "Ml man Mvog-Fauda, ye eve a ngdn ene abi mi : kEltk a ria" (cher Mvog-Fouda, ce n'est point dei, dans L'ab?, que se trouve la fille : va don & la case de ma femme), Be le gargon, tout am, quitte l'abf (maison des hommes) pour aller & la mda (case de femme), rejoinire sa belle. Bien entendu, une telle au- torisation n'a liex que quand 11 y a amour, c'est-a-dire lorsque les parents de la fille vous aiment. Autrement, méne aprés @re resté tou- te la journée, le jeune houme ne passerait 1a mit que dans J’ab? (donc, bien loin de la fille !), d'od {1 rentrerait chez lui le lendemain, de trés bonne heure, Or, si le garcon est accepté, 11 restera au noins trois muits (1'Bwondo aime a parler en "nuits", surtout dans ce cas précis, et on le comprend!). La premiére mit, dit-on,est le netli chongon (de~ mande de copulation avec 1a fille); la deuxiéme nuit, eborgdn ben (la copulation proprenent dite); et la troisitme, foe engaké yateaman (la diffusion de 1a nmvelle). D'oi le proverbe : "ok’ a chongon, obombo f8 melu méla, oyen ne ngon edih wa" (si tu vas & l'ebongdn et que tu y pas- sco trois jours, c'est que la fille t'aime), Apras cette premfare vic~ toire, le jeune howe retourne chez lui (nous laissons de c6té, pour le manent , 1"éventualité de 1'abom = rapt de fille). Alors camencent les enquétes des plus approfondies dans les patriclans de la fille et du garcon. Ces recherches portent sur deux do- maines précis : celui de la parenté et celut des antécédenta des individus en présence. En ce qui concerne le plan de la parenté (avuman), on s'in- torroge d'abord eur quatre groupes précis + mon futur (cbdn dean) par- tieipe-t-l des benyaniano be tara (oncles naternels de mon pére); des +105. bemyandano be mana (oncles maternels de ma mére); des beryaniono ban (mes oncles maternels); des bankal bam (les fils de sours de mon clan) ? Tous ces groupes de parents, on s"en doute, sont tabous, On renarquera, au reste, qu'il n'est pas fait état, dans cet examen des minkol mi avunay, (cordes de: parenté : lignes de fillation), du patriclan de 1"intéressé, Cleat que le patriclan est toujours donné dés que deux personnes étrau- gires l'une 2 l'autre se rencontrent et veulent lier connaissance : on 9¢ présente toujours per son patriclan = ‘nen’ man Mvog-Basogo" (Je suis un Mvog-Basogo), dira-t-on, par example. Or, i1 ne vient tout simp lenent pas 2 1'idée de deux personnes appartenant 4 un méne patriclan, de par- ler mariage ! Aussi, toute recherche en matiére de parenté se centre-t- elle d'abord sur les quatre groupes que nous venons de voir. Nous disons "d'abord", car i1 existe un autre type de parenté sur quot doit porter Sgalement 1'examen : c'est 1a parenté a base du rite initiatique 50, dite avuman eo (parenté du so). L'avuman eo canporte deux formes. La premiére, avi so, lie les campagnons du rite SO : aucun de ceux-ci ne peut Epouser la fille de l'autre. 1a deuxtame forme s'appolle mélédd oo (parrain au $0) : ici,interdiction est faite au parrain d'épouser la fille de son filloul, ot tnvereenent, le filleul ne peut Epouser 1a f11- Je de son parrain, Aprés ces recherches sur la parenté, on en arrive au niveau des individus eux-ménes. Voici le type de questions qui se posent ici. 1a mére de mon futur perd-elle souvent des enfants (fausses couches ou mort des enfants en bas ge) ? Si tel est le cas, tout peut Sere mis on cause, Car, de deux choses l'une : ou bien ces morts répétées représen- tent des manifestations du teco (couillure consécutive au fait de tuer un parent, de coucher avec un parent ou d'en enjamber le sang), contrac~ té par l'un ou L'autre des futurs beaux-parents, du fait de son initia- tive propre ou A la suite de crimes perpétrés par un de ses ascendants; ou bien l'un ou l'autre de mes futurs beaux-parents est atteint d'une maladie grave. Vol1a pour les parents de mon futur. On passe alors au plan de son fianc& proprement dit. Mon futur est-il travailleur : "ye ayen bi ovon" (sait-il manter la hache); "ye ayen bi ebak" (satt-i1 ma- nier la houe) ? Mon futur est-il nsome (pécheur ou chasseur, ou les deux 2 la fois): les besone (pluriel de nsome) ont toujours du succts + 106. auprés des fenmes et des parents de celles-ci. Est-11 un voleur ? Est- 11 atteint d'une maladie grave : le Xanda (comitialité) et le sam (lépre) surtout ? Est-i1 afah (hospitalier) ? Aurait-11 tué quelqu'un de mon clan (Je contracterais du tsoo 4 1'épouser) ? Tous ces renseignenents sont obtenus grace a des personnes sfres, et notamment des bankal (f11s de soeurs) et des bekal (soeurs) qui ont &€é épousées dans le clan de mon futur conjoint. Ce sont ces personnes qui jouent les intermédiaires (bet&é bezah; sing, nttbé zah) et leur avis est décisif. Plus d'un processus de mariage a été cassé sur le veto d'un markal (£11s de sccur) qui s'était indigné : "Tég2, a bena— na, tegé fo 1... Mot adih kt e mdngd nydld mu ! adah nlo abe !" (jamais, chéres méres, janais de 1a viel... Nul n'aime cet(te) enfant ict : 11 a une trés mauvaise téte !), D'od le proverbe : "lige wake luk ngdn a nnan, ebéle abad 2am a mydl, mot woe abe ki ete" (s'11 t arrive, dans un pa: A"Spouser une fille ayant une tache de lapre sur le corps, c'est qu'au- cun des tiens ne s"y trouve), En effet, 11 est du devoir du mankal, me- me o'fl n'a pas été informé directenent, d'aller dire bonjour 2 ses om- cles d2s qu'il apprend leur présence dans son village. Et 11 s'introduit sans fagon : ‘Méavunaa 1” (salut, tout le monde !), dit-i1 en entrant, ‘m'owog ne beryandano ban bend m* (j'ai appris que mes oncles maternels étaient ict), Bt 11 se présente aux hétes qui, du coup, le retiennent auprés d'eux, Une partie d'entre eux ira méne passer la nuit chez le niie (terme par lequel se désignent réciproquement le myandano, oncle maternel, et le mankal, £11s de soeur), Aussi, dés qu'on taube amoureux de quel- qu'un quelque part, la premire chose a faire est-elle de rechercher un parent (evuvuman) qui soit du clan de la personne aimée. Tels sont les travaux préparatoires 4 la demande en mariage officielle (nsili aluk) : la visite du jeune honme aux parents de la fille; différentes emuétes sur les plans de 1a parenté et des ant écédents de sa future belle-famille. Voyons maintenant en quot consiste le nsili aluk proprement dit. De stlé (demander) et aluk (mariage). Le nstli aluk se passe chez les parents de 1a [11le. Le p2re du garcon charge un de ses fréres, ou un de ses fils afnés d'aller demander la main de la fille d'Btoundi. +107. Ia délégation se compose, en plus de son chef, du futur conjoint et, autant que possible, de quelqu'un qui ait des Iiens de parenté avec les deux clans en présence : soit un mankal (du clan du gargon ou de 1a fil- Je, peu importe); soit une fille du clan du garcon mariée dans le clan de la fille; soit une fille du clan de 1a fiancée mariée dans le clan du garcon. D'autres personnes peuvent faire partie de la délégation, mais elles n'ont aucun réle. officiel 4 jouer. La délégation des Mvog-Fouda se présente done chez les pa- rents de la fille. On fait asseoir les Mvog-Fouda et on leur donne des noix de cola & croquer. Aprds quelque temps, le maftre de maison appel- le sa fame : "Les Mvog-Fouda sont 12!" La future belle-mére entre avec beaucoup de dignité, serre les mains, se fait dire A 1'oreille quel ré- gime de bananes plantain abattre et quel poulet 11 faut sacrifier, et rentre dans sa case, od elle se trouve au moins avec une man (co-épouse = autre femme du mari ou femme d'un frire du mari); tandis que la £11le se fait tresser les cheveux derriére la case de sa mere, par deux ou trois antes un pou cnvicuccs, Nous vous fatsons grfce des propos de ces Jeunes coquettes. Alors commence la diffusion de la nouvelle. Passe-t-il une femme ? Le pére de la fille l'apostrophe : "a Bdima, tan = ra” (8 dima, viens voir un peu), Hiima se présente, mais recule d'étonnement : "ekie / bot bebd ya na, a Btaindi?"(mon dieu | Btoundi, pourquol tant de monte ?) Be notre houme de lui annoncer 1a nouvelle : "ce sont des Mvog-Fauda... Tu dias 2 mon fedve quo des Mvog-Fouda cont ohea mot... Qilil vienne done demain, vere la mi-journée", Hina serre 1a main A tout le monde et sten va s*asseolr quelques instants. Gar, contrairement & la propre m2- re de la fille, 1a mére Edima peut, elle, rester parni les hétes, leur poser des questions et étudier son futur beau-fils, s'il ya lieu. Quit- te a aller en faire le rapport 3 sa co-épouse par la suite. Passe-t-i1 un homme ? La méme cérémonie recoumence. Mais, 1"home a plus de toupet que le feome : 11 restera done longtemps, voire jusqu'au coucher, bavar~ dant et partageant tous les repas servis aux hétes ! Un tel homme est souvent un boute-en-train, quelque peu clovnesque, I1 prend plaisir & vanter les qualités de le fille, de "sa" fille, et apprend aux hétes cambien ses pires tiennent A cette créature unique en son genre. "Figurez= + 108. vous qu'elle ne fine personne : c'est d'une pudaw, vous ne tromwes pas 2” confie~t-41 aux Mvog-Fouda. Le pire de la fille ne peut que benir la présence de ce frére : cela lui permet de rentrer dans un mutisme camplet, attitude par excellence du beau-pére et de la belle-mére, en général, Le lendemain, vers les onze heures du matin, du monde arrive : ce sont des peres, des méres et des fréres de la fille, Les mires, aprés avoir salué, rejoignent leur co-épouse (mvan dzaban) dane 1a ndz (case de femme). C'est 18 qu'elles arrétent le montant des choses a denander. les frdres,auset, se cont concertés, Au bout de quelque temps, le plus Eloquent des péres (qui est souvent différent du Nizo, celui-ci se ré- Servant pour le jour od 1'on donnera la fille 4 son fiancé) prend la parole pour s'adresser 4 son frére Broundi (le pére de la fille), 11 L'appelle en modulant sa devise :"out !", répond Etoundi.- Wadzo ne Mvog-Fouda badaen me dze a dzal ?" (qu'est-ce que tu m'as dit que ces Mvog-Fouda youlatent chez moi 2)- Ke madzo ne atligi fo beben a, me mayen ki" (Ecoute, je te conseille de leur poser la question directement; quant & moi, je n'en sais rien). Le propre pére de la fille montre ainsi qu'il n'a engagé aucun entretien secret avec ses hites, maia qu'il ena réservé la primeur A ses fréres. L'orateur se tourne alors vers le plus fg des Mvog-Fouda + "A man Moog-Fouda, bot abim cher Mvog-Fauda, que voules-vous chez "aha, dae osd me dech mot, avec tant de monde ? "a daal ? "Dae ye ¢ daan makar wog ra C'est. done vrat que vous avez lU'habitude "urke wafadi bot bengon, nga a? dlextomquer aux parenta leurs filles ?1.. "Dae osd me dach a deal, tuk ? Que voules-voue done chez mot 7" Le Mvog-Fouda, respectueux, se léve "Ekie ! a manti, ye me tanéna Voyons, cher Monsiaw, je ne suts pas "ane wateok rata 1. ce que vous croyes I. "ak ki kui, ye me tantna nih Au reste, je ne cuts pas un étrangar ‘ma : ke bi rgd dace bine al., chez vous, putsque je suis accompagné de votre propre fille !. Migé mebo mbe mot ye ng8 Si j'étais un home mawats, votre fille + 19. ‘Mhasoa woe angake fui abe ma!..Mbazoa n'aurait pas tant fleurt ches mot! ‘Nadzo ne wbigi, a manti; mazu kt Je vous prie de vous calmer, cher "bita, maz dach mgba, Monsieur; car, je ne viens pas liver ‘n'o8d melugtna, un canbat : je viene. cherchan Uanitid, de viers en me d'une alliance, "..Metan sug enye ahala : mint ...mato, je m'en tiendvat 12 : débuttem "ng dace leegan," en plutdt avec votre propre fille," Bt 11 dome 1a parole a Mbazoa, la mtUbé ach (intermédiatre). Mbazoa se léve, tout Gmue, Elle appelle 1e plus jeune de ses pares, pour lui dire combien elle fleurit chez les Mvog-Fouda, mais aussi can- bien 11 lui pése de se trouver toute seule dans ce clan si florissant. Ctest pourquoi, comme ‘hot akar ki di mum etan” (on ne mange jamais seul un plat savoureux), elle vient domander A ece chers parents de lui donner "quelqu'un" (bevé nye mot), qui aille partager son bonheur. La Jeune Bynga, @ son avis, joucrait trés bien ce r6le. L'allocution se termine par la remise des objets qui accompagnent ordimirement le netli aluk : cing fers de lance (minsoe mekdh) et une marmite pleine d'huile de palme {nsoh mbdn), En plus de cela, on peut aussi domer unmouton: mulu et (litt. qui marche & terre). C'est unmouton qui n'est pas destiné a @tre mangé par les beaux-parents, Les parents de la fille en font ce qu'ils veulent, On fait alors venir la fille en question pour savoir son avis. Si elle n'est pas d'accord, elle ramasse les objets ot les renet & le fa~ mille du garcon; si elle est d'accord, comme c'est le cas ici, elle les donne & ses parents : les cris de jote fendent Iatr dans les range du fiancé, C'est alors que les parents de la fille se retirent en petit comité (esdk), d'od ils reviendront au bout de quelque temps pour dire aux beyan bengon (beaux-fils) le montant total de 1a compensation matri- moniale & payer. C'est le méne pére que tout & l'heure qui dresse la liste des objets. Tant de bikie (nomate de fer); tant d ‘animaux; tart de bitetga ( détes destinges 4 Gre mangées par les henux-parents). Ordi= nairement, on demande deux bitsiga pour 1a nda (pour la case de femme = Pour les belles-mires), ot trois bitetga pour 1'ab# (pour la maison des homes = pour les beaux-péres). On demande aussi Z'ckukuna (chévre des- tinge 3 le belle-m2re), um chfen castré (miak mvu) pour les beaux-freres. + lo. H cette liste n'a rien d'exhaustif, car la compensation matrimoniale n'est jamais entizrenent payée, elle se contime toute la vie. C'est Pourquoi les Evondo disent + "thkoe nkia ngdn wadsidaie" (1a hotte de la belle-mére ne se remplit jamais Ainsi se passent l'ehan ngdn (appropriation anticipée de la fille) et le netZi aluk (demande en mariage). Noue avons vu que 1'ehan ngon pouvait avoir lieu méne si la fille n'était qu’a naftre. Cette Strange fagon de tabler eur un @€re dont on fgnore objectivenent tout appelle quelque commentaire. L'inintelligibilité apparente de 1'ehan ngdn 9 ‘évanouit d@s 1"instant que l'on cousidére le principe organtsa- teur implicite du mariage chez les Ewondo. Ici, en effet, le mariage ne $e fonde pas uniquement eur 1a beauté de 1'étre aimé, mais sur ses qua- Utés morales : "Bith estkt a mben, adih ene a mefulu" (1"amour ne re~ Pose pas sur la beauté, mais sur le caractére), dit le proverbe, L'Evon- do aime le caractére, et non les qualités physiques. C'est cette recher- che farouche de vertus qui le pousse @ se lier d'anitié avec un couple qui a bon caractére, dans 1'espoir qu'un Jour, ce couple pourrait engen- drer une fille qui, par le jeu de I"hérédité, serait 1a réplique de ses Parents. C'est encore cette croyance & 1a tranomission des qualités mo- Tales et intellectuelles qui améne, d'une part, le pére a marier sa fil- Je avec un home de vertu, quel que soit son age, et d'autre part, le mari polygame & préter une de ses fammes @ un home dont 11 apprécte les qualités. £n revanche, L'adultére était d'autant plus sévérement punt qu'il était le fait d'un hoame considéré comme mauvais. Enfin, c'est le Principe évoqué plus haut qui, au début de la colonisation, a favorisé des relations sexuelles entre des filles ewondo et certains Buropéens dont on louait les qualités morales. Ia deweane chose qui mérite L'attention, c'est le premier acampte du mévek versé, aussi bien a 1"ehan ngon qu'au noili aluk, Ces objets portent un non précis : L'eban aluk. De ban (£ixer, appuyer sur, stabiliser, donner une assise a), et de aluk (mariage). L'cban aluk cor- respond trés exactement @ la pose de la premiére pierre d'un édifice. Désormais, des scellés sont apposés sur la fille, Elle n'est plus libre, »m. et son pére, a moins d'étre mvo(1) (fourbe), ne pourra plus admettre qu'un cutre prétendant mette les pieds chez lui, Si la fille a un en- fant, ce dernier revient de plein droit A celui qui a domé 2'd@an aluk. Car, comme dit le proverbe : ‘hon atoh neua bikie” (1"enfant va a l'ori- gine de la compensation matrimoniale). M@ne de nos jours, les choses se Passent encore ainsi, exception faite du montant de la compensation ma~ trimoniale, qui est devenu exorbitant. Mais nous y reviendrons plus loin. Arr@tons-nous plutét quelques instants sur les propos échangés tout & Iheure entre le représentant des beaux-péres et le chef de 1a délége- tion des Mvog-Fouda. Ges propos comportent, en gros, deux caractéristiques essen- tielles, D'une part, la détermination du beau-pére @ appeler le chef de délégation par le nom de son clan; et d'autre part, Lattitude altiare, brutale de ce méne beau-pére face & L'admirable tact du Mvog-Fouda. Com mengons par le premier point. Appeler quelqu'un par le non de son clan n'a rien de péjoratif ni de méfiamt. Bien au contraire. Le fait d'appe- ler quelqu'un par son clan permet 4 l'assistance, a chaque membre de Lassistance, de se situer par rapport & lui, pour ce qui cst des rela~ tions de parenté, Bt ceci est d'une importance capitale. Car, on ne peut ni épouser quelqu'un du méne clan que soi, ni le tuer - méne A la guerre ! Le mankal, par exemple, qui tient de son matriclan come de son patri- clan, ne peut @tre, en cas de conflit entre ces deux groupenents, qu'un intermédiaire, et un intermédiaire impartial. Car, s'il prenait les ar- mes et qu'il combattft l'un seulement des clans en présence, 1 en con- tracterait automatiquenent du taco, Le fait de désigner quelqu'un par son clan obéit done a une philosophie précise : celle d'éviter, a cha- que instant, que les relations de parenté qui pourratent vous relier avec autrui ne baignent dans un certain flow. Quant @ 1a fagon de parler du beau-pére, elle est aussi carac- téristique. Un beau-pare est toujours arrogant, exigeant, hargneux. T1 veut montrer ainsi qu'il tient beaucoup a sa fille, Le langage du beau- pére est a dessein un langage de provocation, qui vise 4 savoir si le gendre est capable de respect et de soumission; le langage du beau-fils, on 1'a vu, s"oppose évidenment @ cette facon de voir, en tant qu'il est M2. pétri d'humilité et de tact : c'est un langage de supplication, Mais les deux personages en présence savent ce qu'ils font : ils savent parfaite- ment qu'ils jouent chacun un réle socialenent recomu, Te langage auoureux sera-t-11 aussi éudié, aussi convention- nel ? C'est ce que nous allons voir au paragraphe suivant. LE LANGAGE AMOUREDK, aprés avoir analysé la natssance officielle du processus du mariage, 11 tmporte d'en observer également les développements affect ifs. Que se passe t-i1 donc dans le for intérieur des deux fiancés ? Comment vivent-ils leur amour ? Fxfste-t-t1 un langage anourcux opécifique chez les Brondo ? Henri Beyle, dit Stendhal, dés le deuxiéme chapitre de son ouvrage consacré 4 "Amour, s'efforce de mettre au jour "ce qui se pas~ se dans L'éne" (1) a la naissance de ce grami sentiment. Selon lui, le Processus amoureux camporte sept stades : 1'admiration; 1'émervetIlement @ la pensée de pouvoir donner des baisers et d'en recevoir; 1espérance; Ja naissance de L'amour, étant entendu qu'"aimar, o'sct avoir du platoir 2 voir, toucher, sentir par tous les seme, et d'auesi prés que possible un objet aimable ot qué nowe aime" (2) ;la premlére cristallisation; L'apparition du doute, et enfin, la seconde cristallisation. La pierre angulaire de cet €diftce, on s'en doute, c'est la notion de “cristalli- sation", que l'auteur définit : "L'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui ee présente la découverte que l'objet atmé a de nouvelles Perfections " (3), Par cristallisation, 11 faut entendre "cet ensenble de folies étrangos que L'on se figure came veaies et mane come indubi- tables & propos de la personne ainée, " (4) ‘(HStendhal; De T'aour. Garnier, 1959, p. 8. (2) ibid. (3) Stendhal, De l'amour, Garnier, p. 9. (4) Stendhal, De Lamour. Poche-club. Nouvel affiea A'RAirian % nese 13. Or, cette tenlance & idéaliser 1'tre aimé n'apparticat pas A tout le genre humein : 11 constitue 1'spanage du coul monde "civilisé", le monde européen, La cristallisation n'est partagée ni par les "sauvages" ni par la société trop rationalise des Etats-Unis | Aux Etats-Unis, en effet, "toute L'attention senble employée aux arvanganente ratsonnables de la vie, a& @ priventr tous les incoméniente." (1) A cause de ce pro- c@s de rationalisation outrancier, on aboutit & des situations a tout Je moims Etranges. C'est ainsi que “les jainos gene des doux saree ,lore- que Uhiver est ver (...), courent ensemble en traineaux sur la neige le dour et 1a mit, its font des courses de quinze ax vingt milles fort gatenent et sans persone pour les survetller; et tt n'en résulte danais d'incoméntents." (2) Oui, "il y a tant d'tabitude de ratson aux Btate~ Unis, que la eristalliaation ana été rendue impossible" | (3) La erte- tallisation n'est pas non plus 1'apanage du "sauvage". Celui-ci ne con- naft qu'un amour basement physique, dans lequel la pensée n'a éviden- ment aucun réle A jouer, occupée qu'elle A rechercher les moyens de subsistance pour le bon sauvage. “Le sauvage, dit Stendhal, n'a pas le temps d'aller au~dela du prenter pas. Il a du platetr, mate L'activité de 80n cerveau est anployée 2 suivre Le daim qui fuit dane la fortt, ot avec ta chatr duquel it doit réparer ses forces a plus vite, sous pet- ne de tonber sous ia hache de son enment." (4) Le jugement est donc sans appel : en matiére d'amour, Américains et "Sauvages" font bande & part; 11s ne savent pas aimer, Gtant tncapables de cristallisation ! Des lors, dams quelle mesure est~on vraiment fondé & parler des modes "expression du sentiment amoureux dans la société qui nous occupe, c'est-a-dire une société de "niveau ethnologique" - pour employer la terminologie consacrée ? Existe-t-i1 vraiment un langage amoureux chez Jes Byondo ? Sans mul doute, et n'en déplatse & Stendhal, la réponse & cette question ne peut @tre que : "oui", un ouf clair et net. Car les Bvondo disposent d'un langage amoureux tellement riche et divers qu'on ne fera que 1'effleurer ici, faute de temps, mais aussi pour la bonne raison que cette question ne constitue pas l'essentiel de notre propos. (1) Stendhal, De L'amour. Garnier, p. 176. (2) Ibid. (3) Teta. (4) Ibid, p. 9% se. Dans cette tentative d'appréhension d'un domaine matheureuse- ment encore inexploré, on distinguora, groseo modo, deux types de langa~ ge amoureux : d'une part, la chanson, accompagnée ou non de la danse, et A'autre part, le langage "parlé". Nous coumencerons par la chanson et nous en analyserons trois sortes : des chansons relatives & l'amour bri- 86; celles qui célébrent l'amour actuel; celles qui visent a comuérir. 1A cuatson A) Chansons relarty un anour brisé.Ici, come du reste dans toutes les sections qui vont suivre, nous tiendrons compte des deux Sociétés qui coexistent actuellement chez les Bwondo t 1a société tra- ditionnelle et 1a société moderne, et donnerons en conséquence des chan= sons qui relévent de l'une et de l'autre, @) La ohanoon amoweuse dans la société tratitiomette. aohenoon amoureupe dans la société tralittonette, 1 - Un riche polygame pleure sa préfErée Evadée. A Bela, Bela, Bela 2 2 2 ! dee O Bela, Bela, ma chére Bela ! heaa ! Abog moyt Bela, Quand j'allais & la recherche de Bela, St ben esaligt bifas, Ja terre se crevassait d'elle-néme, A Bela 28, hee 1... O ma chére Bela, hééé 1, Bibig’ bisol me toe, Bt plutét que des larmes, Nde mekt meben mengasol m'ongon. C'est du sang qui m'inondait 1a poitrine. A Bela 28, heal... © ma chdre Béla, héez Mengél' zaak a atan, J'étais encore loin dans la cour, Me mbé ben ongasik meban ! que déja la porte se fendait d'elle-mimel.. A Bela 22, nde 1... 0 ma chére Bela, haae ! Mastli Bela ra: 0 ma chére Bela, je te demande cect : Ye bo! bésé batman ké ? Tout le monde peut-il donc me quitter ? A Bela 22, hadat... Oma chérc Bela, héeé!., Masitt Bela na : Oma chére Bela, Je te demande encore ceci Yo moou mBo’ manyenyeb at ngth PCrols~tu qu'un tel comportement te conv: ne aussi ? A Bela ee, haee!.., O ma chére Bela, héaé !. Mininga Mvog-Toungi Mbala ane ? 00 es-tu donc, 6 femme des Mvog-Tsoungut Mbala ? us. A Bela 22, hee2t... Oma chére Bela, hag 1... Hi ye eceoos | a Bela 22 1 Hi, bi, hi f ma chére Bela 2 - Une femme pleure un amant gui l'a_abandonnée Heecece ! evcecee ! Hi, bi, hi! A nna vend , rgd ma t 4h ! mére, pauvre de moi ! Heeee ! Hi,hi, hi! Amaot! Ah ! mere t A nna wind mengdbo ya ? 4h 1 mére, que vais-je devenir ? Heecee ! Hi, hi, bit A nna wend, rgd ma! 4h { mére, pauvre de moi ! Heee ! MM, hi, hi! 4moe m'otsogo Esuna Ngdnii, Quand je pleurais Essouma Ngondi, Tevet Hi, bi, ptt Wie bot aw, bot anana f Nul ne pouvait me consoler , Heee 1 Hi, hi, hi! Mené mak# mabie Esuna Ngdnii ! Décidée que j"étais a aller & sa recherche ! Heee t Hi, hi, bi t Esuma ane man Simi, Essouma est le fils de Simi, Heee ! Hi, hi, hit Maki nga Simi Be moi la fenme de Simi : Heee ! Hi, bi, hi! Men# match man mmo! womo. Stentendais donc rechercher le fils de mon mari. Heee 1 Hi, hi, hit A ma wtmd, ngd ma t 4h mére, que je suis malheureuse ! Heee f Hi, hi, hi! Wde mie estki a dam at Mais hélas ! tout cela reste vain ! Heee f Hi, hi, bi ! dB mbin oetki a dam a! Tout cela a bel et bien échoué ! Heee ! Hi, hi, hi lig’ Eeuna ateog ye ma, Autrement , Essouma se serait déja manifesté Heee I Hi, ht, bit 3 not, Atsogo Bandolo Quona, A moi, Bandolo Owona, Heoa ! Wi, Wd, ut! - M6. A ma wind, ngd ma 1 Ah ! mére, pauvre de mot 1 Mergeam ndzuk dao 1 Ah 1 que jtavate été folle, Heee ! Ti, hi, bt 1 Me ne makanan at Eswna Mydndi ! A voulotr monopoliser Essouma Ngonii | Feee ! Hi, hi, bit Medzo na ane Esuna wand 1 A le croire mon Essouna, Heee ! Hi, hi, bi t Me ne Bsuma Bandolo Qvora |! A mol, Bandolo Owoma ! Heee ! BL, hi, hi! M8 Esuna bi bo! béeba t Et voila qu'en fait je le partoge avec tout le monde 1 Heee 1 Hi, hi, bit A ma wend, rgdma ! 4h miro! que jo cuie uno pauvre fille ! Hece ! Wi, hi, hi! ARK to yoo via! Si le chaupignon pouvatt pousser sur le roe Reee ! HL, hi, htt Zan te di minkoh f Et que les chenilles pussent se dévelop- per sur les feuilles du palmter raphia, Fees ! Hi, hi, hi t Nye Eeuna ateog ye ma ! Essouna se serait déJ3 souvenu de moi ! A ma weno ngd ma t 4h mérel que je suis bien malhoureuse ! Heee I... Hees Mi, hi, hit... WL, hi, hit 3 = Uno fame ploure son mari devenu aveugle. Matan yon nnan o, Oui, je pleure mon meri, Ekie ! eke t ee! Ekle! ckie! ee! HMatan yon nno' wend, Oui, Je pleure mon cher mari ! Fkie! ekie! ee! Eke !ekie ke ! E mot ' a tkol-Wlong ; L'homme de Wkol-Wiong ; Aka ! aka ! aa t Aka ! aka teat E mot ' a Nhot Akond, L"horme de Nkol Akono. Ekie ! ckte! ee! Ekle ! ckie! ee ! A bot matan yon mo! tnd, ‘4h ! laissez-mot pleurer mon cher mari, Meydhd Tabi Ada ot Oka I oko t co t Nd2 rman akeb) an’ evuh t A Meyohd Tabi Ada o 1 +u7. Meyono Tabi Ada ! Oko ! oko 1 00 1 Un mari réduit 4 bourdonner comme un scarabée ! Ahpauvre Meyoho Tabi Ada ! A bot 1 waiog rk h'a mbok o, Pauvre de tol, contanné a entendre sans A Meyb' Tabi Ada o ! Meyohd antoa ya a nda ete ! Ekie ! ekte ! ca! Aya man Ngele Ngbn' t Ekie ! Ekie ! ce! A man Fhuma Mgord o 1 Oko t oko t 00 t A nna matam yon man wind. Aka ! aka t aa t WIL rman anton ya ndim ot oko f oko f 00 t Keka aim ntug afan ot Oko # oko t 00! gd dad mo" wd! Aka ! aka! aa t A mon Rtolo lgon'! Oko ! oko t 00! Mayon nnan Asstmd Ngonb; Bkie I kts t cot voir ! Ah ! Pauvre Meyoho Tabi Ada, Pauvre de toi, acculé & garder ta case | EKL6 ! ékié ! 6! Qui l'oGt cru de toi, mari de Nguélé Ngono ERLE ! ekié ! ee 1 Qui 1'eft cru de tot, mari d"Ebouma Ngono ! Oko ! oko 1 00 Ab mére 1 je pleure mon cher mari ; Aka ! aka teat Un mari frappé de cécité, Oko t oko 1 00 t Bt dont le cacao se perd dans la brousse ! Oko ! oko ! 00 Pauvre de mon mari ! Aka taka taa t Pauvre de toi, mari de Ntolo Ngono 1 Oko ! oly ! oo t Out, Je ploure le mari d'Assomo Ngono; Ekié ! Gkié 1 661 Zaak biyt man Ananga Niger! Quton mlatde a pleurer le mari d'Ananga N; Aka taka faa t 4 nnan Nga-ttoondd, Oko t oko Loo! Matam yon nnam wem> 3 The fixe ries Wnan abb ya nted o ! Oko ! oko ! 00 t Aman ngon Esele ; Aka taka !aat Aka ! aka faa t Le mari de Nga-Mvonio. Oko 1 oko ! 00 t Oui, Je pleure mon mari ; Tei tiki batt Ce pauvre mari, maintenant infirme ! Oko 1 oko ! 00 t Le neveu des Esé16; Aka {aka fan t Bran rgon a Mkol-ligdks Fkie ! ekie l ee! nan Ela Abesolo; Ala ! aka t aa! nam BengtBése, Ekie I okie! oo I A bot ! matan yon mmo!’ wtmd. Oko ft oko foo f Manyah Tabi Newnes Aka tala! aa! Manyah Dau Weehe, Oko t oko 1 00! non a dugu mao t Iki 1 tke ries 348 man antoa ya nted ot Oko ! oko # 00 ! ME mem arto! ya t2 obd1 I Ekie I ekie! ee! AkabS h'anda ete of Aka taka faa! man awog bon h'a nkobd 1 Thi tiki sits Daal a rtoa ya té afan ! FE ye coe ! Meybtm Tabi Ada I HE ye cece ! BE ye eee ! Meybhd Tabi Ada I Hi ye eco! - us. Marié & une fille de Nkol-Ngok. Hig ! &kié 1! 661 Le mari d'Ela Abessolo ; Aka taka faa! Le mari de Bengo-Bese, ERE t ekg 1 8! Fh oul ! Je pleure mon mart . Oko 1 oko 00 t Le frére de Tabi Nsche; Aka {aka faa ! Le frére de Dzu Nsche, Oko 1 oko t 00 # Un mari qui n'est plus qu'apparence ! Tki ! iki fit t Un mari devenu infirme ! Oko ! oko 00 t Un meri plutée pourri 1 Ekié ! @kié 1 661 Enfermé entre quatre murs ; Aka taka ! aa 1 Réduit & entendre ses enfants sans les voir 5 Tt fini tit Bt dont le village n'est plus que brousse ! hi thi 1 hi ! Meyoho Tabi Ada ! HL, hi, hi! Wi, hi, hf ! Meyoho Tabi Ada t Hi, hi, htt b) Dans la société moderne Une_jeune fille Man modzto yo to moled, Mabe ki yen dam fe mt A ma wind 1... Jeure un amant qui 1'a_abandonné Certes, bien des choses m'ont-elles 4848 dépassée, Mais pas autant que celle-ci ! Ah m3ra 1 nanure do mat t Albihele bidah man fan Akptg#lé ma, Aya, ma wind I... Mambe toa a mam Baondo Meb&L’ he mie mebé, Aya, ma vor te. Membe toa a man Bionio Mebele met mebe, Aya, rma wend 1... Manbe t%8 a nna Euondo Me tégé at men mfé, Aya, ma wend I... Man fan ak8l8 a Ongola Byonio, Man fan ayae me min, Aya, ma vtnd I... Man fam akél# a Ongola Byonde, Han fan abél2 me nntn 1 Aya, ma wand f AL "“kol~abédé-eki e" man fam Akpegele ma; Aya, mma vomd 1... A PMi-méae-mabebe" man fan Akpegélé ma ! Man fan able ma nnin y'abun, Man fan akpagelé ma t Aya, mma wend I... Man fan adah me ndégélé enyth, Man fam alpig812 ma t Aya ma utmd 1... Man medzte ye te metod, 9. Out f un jeune homme de toute beauté Stest moqué de moi ! Ah mére ! quelle pitié 1... Jusqu'iei jo ne vivaie en pays cvondo qu'avec deux yeux. Ah mére ! que Je suls matheureuse 1 Jusqu'ict je ne vivais en pays evondo Qu’avec deux oreilles, 4h mére ! que je suis malheureuse 1... Jusqu'tct je croupissais chez les Evonto avec un seul coeur. 4h mére ! pauvre de mol 1... Mais, voll qu'un jeune home, actuelle- ment a Yaoundé, A éveil16 mon coour t 4h mare ! pauvre de mot t. Out, co jeune homme qui est & Yaoundé A enporté mon cocur ! ah mre ! quelle pitié 1... Coume {1 s'est bien noqué de not, Ce pettt chou 'Yont-le-piel-repose-sur le~fer" 1 (1) Ah I mére pauvre de nol ! Ah 1 qu'il s'est joué de mot, Ce petit chért "sur-qui-se-posent-t ous- Ce Jeune houme qui a prid*Soh°eseds ,!" Mais qui ne falt que me tourner en déristor Ab mre! quello pitts t 4h t que ma vie se trouve gichée Par ce Jeume hume qui se moque de mot 1 Pauvee de moi t Certes, bien des questions m'ont-elles d8{a dépassée, UT) Bpression qui désigne le chauffeur, dont le pied repose constanment sur l'accélérateur, L'Bvonio adore ce genre de métaphores, Ainsi de Neb@ edzogo a neil (= employé de bureau). & tol dont 1a plume batgne dans 1'éeriture +120. Mabe kt yen dzam fe nat Mais je n'en ai jamais vues de senblables Ama vind 1... Ah mare ! pauvre de moi 1,,,2 Celles-ef t Medzte ye yen mintoh, Certes, j'at d6j2 vu d'autres Jeunes beaut és, Mabe ki yan ntdh mfé na t Mais aucune n'égale celle-ct 1 A mna wemd I Ah mére ! ... 4 Bthole bidah man fam Cette beauté des beautés AkpigéL2 ma Qui se Joue de mot t Aman atenge nth man fam Ce petit bourgeon chéri Akpige1é ma 1 Qut me tourne en dérision ! A bihele bidah, coe f © tot, beauté des beautés ! A mimted ~ mabebé, cco I © tol, sur qui s'arrétent tous les regards! A "a kol~abede-ckie, eee! 0 tol dont le pied repose sur le fer t A ayab nkD1 dfan, ece ! 0 tot qui as 1a sveltesse de 1n corde des bots ( Man fan akpégél’ ma t Comme i1 s'est moqué de moi, ce petit chou 1 Aya, ma wmd Ie. Ah Y que Jo suis unc pauvre fille 1 He cee ! kee, kee, ke coe! He cee ! kés, KEE, KEE 666 I Pour ne pas prolonger indéfiniment cette liste de déceptions amoureuses, nous nous arréterons un instant pour tenter de faire le point. Peut-on parler d'un schéna général de 1a chanson relative & la déception amoureuse ? Encore que nous n'ayons travaille que sur un échantillon ex- atif de 1"en- tr@menent réduit - et par conséquent difficilement représ semble parent ! - 11 semble cependant possible de mettre au jour certat- mes tendances de ce type de chansons, surtout dans le cadre de la socié~ t& traditionnelle. Si l'on considére, par exemple, les chansons (1) et (2), 41 paraft possible de dégager quelque chose camme trois monents. Tout d'abord, L'amant désu fait revivre la manigre dont {1 s'est débattu pour seulement retrouver 1'étre aimé: Ainsi de la preniare chanson, od Jon voit L'univers lui-méne s"associer aux recherches du malheuroux : a son approche, 1a terre se crevasse, tandis que 1co portes se fendent d"elles-ménes pour lui permettre de constater l'absence de Bela, 1"épou- ee infiddle, (2) La "corde des bots" désigne le serpent. . 1. Aussitét ces recherches fébriles évoquées, le récit s'inter- rompt net, pour céder la place soft a un monologue de 1'amant déu, soit une interrogation directe, par ce méme anant, de 1"étre atmé. Alors que tout @ L'heure on parlait au passé, tout se passe ici au présent. Ainsi dans le (1), tout de suite aprés 1"évocation des tentatives de recherches offoctuées pour retrouver Bela, reléve-t-on cette phrase + "0 ma chéve Bela, je te denande cect : ..."Faut-11 voir dans ce passage brutal du passé au présent, une manifestation de la douleur qui tena ile le sujet, au point de 1'empécher de parler de son malheur au passé, can- me s'il Gtait déja fini ? Ou bien faut-il y voir une espace d'obsession chez Lamant décu : 1'image de 1"@tre ainé s'imposerait tellenent a sa conscience qu'il se sentirait obligé de.lui adresser 1a parole ? Toujours est=11 qu'apras ces interrogations, le pauvre houme tire, de lui-méne et lucidement, la lecon de l'histoire, L'oeil humide, 11 constate que tout est bel et bien fini, quot qu'il fasse, Ainsi de 1a chanson (2), od 11 est dit qu'il est ausst impossible de retrouver 1'@~ tre aimé que de faire pousser un champignon sur le roc ! 11 s'agit donc d'une impossibilité absolue. Bien qu'éploré, 1"Ewondo reste donc, malgré tout, réaliste. Bt c'est peut-8tre cette vision réaliste de 1'évEmement qui amp@che 1a déception amoureuse de connaftre un dénouenent tragique, come c'est souvent le cas sous d'autres cieux. Une fois qu'il a consta- té L"inutilité de ses efforts, 1"Bwondo se contente alors de pleurer, oui de pleurer, interminablement. Evocation des tentatives faites pour retrouver 1'amant perdu; court entretien serré avec soi-m@ne ou avec 1"étre aimé; constatat ion lucide, bien que mouillée de larmes, de 1"impossibilité de renouer avec L'étre aimé, tele paraissent @tre les trois moments de la chanson de déception amoureuse dans la société traditionnelle ewondo, Ges trot temps s'accampagnent naturelloment d'autres aspects intéressants qu'il importe de souligner. Ainsi du fait de ettuer 1'étre aimé, On le situe clantquenent, matrimonialenent , géographiquenent. Dans Je (1), 1'épouse infiddle est présentée comme la "feume des Mvog-Tsoungui- - 12, Mala"; dans le (2), on nous dit d'Essouma Ngondi, le méchant amant, qu'il est le fils du mari de 1a fenme dé;ue; mais c'est surtout dane le (3) que 1a présentation paraft des plus exhaustives. Elle est géographi- que t Meyoho Tabi Ada ost & 1a fois "1'houme de Nkol-Wlong" et “1"houme de Nkol~Akono"; elle est doublement clanique : on situe Meyoho Tabi Ada par ses fréres et ses oncles maternels; enfin, 1a presentation est d'ordre matrimonial : on noume les autres fenmes de Meyoho Tabi Ada @armt lesquelies se trouvent naturellenent celles de ses fréres), nats, on cite aussi ses épouses potentielles dans le patriclan de la feme qui se lamente; enfin, on donne le nom du village d'origine de celle-ct. I1 s'agit donc d'un homme bien comu, qui a beaucoup de relations : clest un nti (setgneur) au sens plein du terne, A considérer cette tendance & présenter son conjoint came Je conjoint de tout un clan, on pourraft @tre tenté de conclure a 1"in- existence, chez les bwondo, d'un amour jaloux. Mais ce serait commettre une grave erreur, Le fait de situer socialement et géographiquemont 1'Stre aimé n'empéche pas 1a jalousie, Dans le (1), le mari, qui est Pourtant polygme, pose Asa fame évadée cette question : "orote~tu qu'un tel conportenent te convienme aussi ?", ce qui montre, sans ml doute, que 1"épouse en question est la préférée. Par aflleurs, a la lec- ture, on a d@ se rendre compte de ceci, qu'on ne situe clatrement 1"étre aimé que s'il est le conjoint Légitima; tandis que lamant ost 3 poine présenté, En revanche, on se montre plus jaloux et possessif dans le cas do le rupture d'unc union Libre : n'a-t-on pas vu Banlolo Owona s"indigner 4 la pensée qu'elle était acculée A partager son Essouma avec tout le monde 7 Mais, qu'on n"aille surtout pas conclure de cela qu'on est plus jaloux dans l'anour illicite que dans L'amour légitime ! Car, si on ee montre plus jaloux dans l'amour illicite, c'est fustement Parce que cet anour n'intéresse que les deux amants eux-ménes, étant donné qu'{1 n'est comnu de persome d'autre; quand on a perdu un amour illicite, on est réduit a pleurer tout seul, votre en cachette; tandis que dans l'amour légitime, si on se montre jaloux, on tient aussi a pleu- rer avec son clan, done avec la société tout entiare. +123. Or, la chanson moderne semble avoir porté a un haut degré d"épancuissenent les tendances de 1a chanson traditiomelle. Ony reléve encore le souci de situer 1'étre aimé, mais 4 la situation géographico- clanique s‘ajoute la situation professionnelle, Exploitant a fond la tendance de 1a pensée traditionnelle a la métephore, 1a chanson moder= ne se plaft 8 présenter 1'amant d'une mantdre fort stylisée. Colut-ct est-i1 chauffeur ? On 1'appellera par l'attitude physique qui caractéri- se le mieux un chauffeur dans Lexercice de son wétter : "MkoT-ubade- ekie" (celut-dont-le-pi ed-repose-sur-le-fer; le fer = 1'accélérateur). L'étre aimé est-i1 employé de bureau 7 on le désignera par la plume, ins- trument nécessaire & le réalisation de sa tache : "Sbé-edzogo-a-ntil" (celui-dont-1a~p lume-bat gne-dans-1"écriture). En revanche, on a 1'impres~ sion que l'anant décu moderne n'est plus aussi lucide que celui d'autre- fois : 11 ne tire plus aucune conclusion, 11 se contente de pleurer et d"interroger 1'@tre aimé. A telle enseigne qu'il met 1'observateur dans une situation inconfortable, flottante : on se demande constanment sur quoi ca va déhoucher ! Quot qu'tl en soft, d'un cété came de l'autre, la chanson de dépit anoureux ewondo s'accompagne toujours de pleurs, d'un bout & l'autre. Et 1a variété des oncmatopées relatives a ces pleurs (okol... akalsss iktt., ekelss. ekfels.. etc.), loin d’ére fastidicuse, doit plutét @tre considérée comme le signe du mouvement, 1'expression de la vie. L'Bvonio, come tout Africain, aime le mouvement, mne si ce dernier n'est que répétition. C'est qu'il est conscient de capter plus L'attention en bougeant qu'en se figeant. Aussi, distingue-t-on deux types de mendiante dans les couloire du métropolitain parisien : le nendiant de type européen qui, 1a main tendue, reste figé dans une attitude donnée, et le mendiant négro-africain, qui resue contimelle— ment une main tendue. On rejoint ainsi la conception négro-africaine de 1"@tre, du moins telle que l'expone Placide Tempels dans sa "Philoso~ phie Bantoue", Ici, en effet, 1'étre n'est pas statique, mais dynamique, 41 n'est pas donné mais il devient. Par ses actes, on peut le grandir ou diminuer. C'est un @tre-mouvement, un @re-vie, un étre qui se fait en faisant, pour parler le langage moderne, . 1a, B) La célébration d'un amour actuel, a) Pans la soatété traditiomelle Eltm, eLon mbeh Angatée ma rnin ya abun He 1a ebnma, heee ! Abbd 'endele, Abbd tobam, Anganyeb at eutman eut ! Bon minoah bono nyo a any, An’ minsah mi man otan f 82! a chon ma, hdeed ! Ah! comme elle m'arrache le coeur du ventre, cette Jeune beauté ! eG! 6 mon petit chéri, hee ! Qu'il mette un pagne en totle, Qu't1 porte un pagne "obama" (urostigma vogelii) Ou qu'il porte un pantalon, tout cela lui va a merveille ! $a bouche ree8le de jolics petites dents taillées, Senblables a celles d'une chauve~sourts ! Wee 1S mon petit chéri, hes ! b) Dans _la société moderne. Aligi mebd eye matin, Mebégé nye a ryol; A bula e,ngdl el... 1 mene a bot ete, Mebigé te nye; Abula e, ngdle t... Aligt me bo reanga mbah, Mebigé nye a kth; A bula e, ngdle fee. 1) mene a naéh Alond, Mebig# nye a kihs A tula e, ngol e Aligi me t nnan ovondo, Mebun rye a diz A bula e, ngdte! Ah 1 s'f1 était une jolie robe, Je Laurais sur moi; © mon petit chért, quel dommage ! Ainsi, m@ne en public, Je le porterais toujours; Ah ! quel denmage, mon petit chéril... Ah ! "£1 pouvait @tre un beau collier iivolre, Je Laurats autour Gc ecu, Cheri, quel dommage !... Ainsi, méne dans la cour d"Akono (1), Je Laurais toujours au cou ! 0 chéri, quel dammage !... Ah 1 s'il pouvait @tre un mets d'arachide, Je le ferais dorer sous 1a cendre; © chéri, quel doamage !... T mene a afub afan, Bt ainsi, pendant que je vaque aux travaux des Asihi te a di; Il cufrait tranquillenent sous 1a cendre; A hula 0, mele! champs , Ah 1 conme c'eot damage, mon petit chérit, 1s, Aligt me t e ngob madth, Sh f s'il étaft une jolie patre de chaussur Metedd a mekols Je 1a nettrais volonticrs; A bula e, ngdl e hee. © chéri, quel damage !... 13 mene a angada Elia, Ainsi, mémc & la foire chez les Elega, Mebége te nye; Je L'aurais toujours aux piets ; A bula 0, ngdl eo hee Quel domage, mon petit chéri 1... lol e, mgdle t Donmage, comme c'est donmage ! Heeece Heeeee | A hula e, mgdle! Que c'est fort doumage, mon petit chéri 1 Nous n'aurons pas tellement & dire a propos de ce genre de chansons, une analyse de type purement littéraire ne constituant nulle- ment notre but. Toutefois, on peut dire avec Stendhal que ces chansons sont le triomphe de la "cristallisation". La personne aimée passe pour @re d'une beauté proverbiale. On prend plaisir & la déerire avec minu- tie : sa toflette est examinée a la loupe, les parties de son corps scru- tes on détail ct que sais-je encore ? L'amour dome libre cours a une imagination débordante, qui va jusqu'a ignorer les régles les plus é1é~ mentalres de gramaire ! Dans le (a), par exemple, on relave cette ex- pression curicuse : "cbbnma" au lieu de : "ebdn dacm" (mon anant, mon concubin) ! De plus, la chanson est constellée de mots rares et évoca- teurs. Ainsi dans le (a) encore, de endele, au lieu de "eye" (étoffe, Pagne); ewtman mat, au lieu de "tolasi" (pantalon); minsah a 1a place de mésoh (dents). Cette tendance a utiliser le mot rare aboutit a l'heure ac tuelle a l'euplol de termes érrangers, méne si ces termes ne connotent mullement 1'idée d'amour dans la lengue d'origine. Bt c'est ce qu'on trouve dans la chanson (b), of l'on désigne 1'anant sous le nom de "bula”, abréviation de "bulada", de 1"anglais "brother" (frére) 1 On remarquera, enfin, dans ce type de chansons, une tendance nette Aun amour 3 deux, un amour jaloux, On me se contente pas de van— ter les qualités de l'amant, mais on voudrait pouvotr @tre partout - a Je messe, aux champs, & la folre... ~ avec lui ! Et c'est peut~étre ce sentiment de jalousie qui donne a 1a chanson une allure curieuse : bien +126 que la chanson soit destinée & son entourage, celui ou celle qui la chan- te n'en interpelle pas moins 1'étre aimé, pour lui dire des mots doux ! Le texte de 1a chanson en devient apparenment heurté, vu qu'on passe tour A tour du "41" au "eu". ©) Ia chanson de courtisation a) Dans la société traditionnelle. dona Abéga Mbta Exod, Oh I qu'il est beau , lidonan ben enythe adue ! Le fils d'Abega Mbia Ekodo ! Anganyim ya ebbn nevi, Mais, pourquoi a-t-il refusé 4 son amante, Nedt ofudu a mod eye ! Une verge qu'abritait pourtant son grand pagne 4. Ndonan Abiga Mbia Ekbdd, Oh ! qu'tl est beau, Ndanan ben enyébe adzo Le fils d"abega Mbla Ekodo ! Hbon eligi me woe lub, Maia, quelle {dée davotr tué un poulet pour son anante, Nye angeasoe obbn lub t Alors qu'il appartient normalement & celle-ci de le faire 1... Ndanon Abéga Mbia Bkbdd, ‘on ! qu'il est beau, Ionan ben enytbe adze ! Le fils d'Abega Mbia Ekodo ! Angaryim ya ebon man, Mais pourquoi a-t-t1 refusé @ son smante Jinn ofudu a mod etug t Un mets qu'il avait mis & dorer sous la cendre !... Ndanan Abtga Mbia Ekodd, Oh ! qu'il est beau, Ndanan ben enytbe adze !, Le fils d'Abega Mbia Ekodo ! Angon Lékada bininga, Si les femmes ne savent plus se faire belles, tiga basode mintui 1 Ne vont~elles pas blentét se faire raser les engeman sode mintut , Mais, si olles ce font raser les chovSigveUx ? Nga bendt edadkak ! A fortiori mangeront-elles du boeuf ! (1) b) Dane la société moderne 1 = Une chanson d'asiko (danse) + "Diddh, ele moe!” "au revolr mon chéri !" Angayaan at ma : "kélé mucé", "hu revotr et porte-toi bien", me dit-elle. (1) 11 était défendu aux femmes de manger du boeuf, de crainte qu'elles me eteaten an unre das nner hAnae +127, U ea di kan, bueman 2, D'oa viens-tu, sauvage ? .., 88a bot ya Auala Cel ! comme les gons de Douala Baye bon met te. Savent jouer de 1a guitare 1... Sogolo mm a di : Heoute, jette cet enfant au feu : (1) Biayt bie mipanah mon mfé, Nous en ferons un autre, And Maria angabie Yeous a? Comme Marie engendra Jésus, n'est-ce pas 7. A, b,c, alaluia t A, b,c, alléluta ! A, b,c, aletuta 1 A, b,c, alléluia ! Ozaak meyen a nda be nna, Passe done me voir chez ma mére, Bivagelé mot a 2... Quion dessine un homme, d'accord ?... Yodogo hala, a Fada Btoga, Allons, Stez-vous de 18, Pare Etoga (2), Mabé ngdl ya 1... Ah ! quelle barbe 1, A, b,c, aleluia t A, b,c, alléluia ! A, b, ¢, Aleluia # A, b,c, alléluia ! Ozaak meyen a nda be ma, Passe done me voir chez ma mére, Bivagele mot ! Qu'on dessine un homme ! 2 ~ Ge qu'on chante autour d'une calebasse de vin de palme : Wonan me tie kalsoh, Pas possible ! comment peux-tu déchirer mon calegon ! Ylongakodo ya As-tu done cessé Mot Yamba, a moe ? tL... D'Btre Lhoume de Diu 7le+. Tol'm'elé ! tol'm'ela t Tape-moi un verre ! tape-moi un verre ! Tol'mtele, mot ayt mo bb ya ? Tape-mol un verre, qui ai-Je donc a craindr Tol'm'eta t Out un verre, tape-mot un verre ! Une constatation s'impose ! 1a chanson de courtisation est Plutdt libre, grivetse. De plue, clic n'appartient & aucun sexe en par ticulier : toute personne qui cherche a se faire elmer peut en user, en- core que les femes n'y recourent qu‘en désespotr de cause - comme c'est Je cas dans le (a). Examinons rapidement ce dernier exemple, Aprés avoir tenté vainement d'obtenir des avances de la part du plus beau garcon du village, les femmes décident de passer A 1'attaque, & 1a provocation, (1D) Sogoto mon a dé = daha mon (saute par-dessus l'enfant). Le ndzh mon (le saut de l'enfant) est le promior coft aprée accouchenent. (2) Liactuel Evque du diocése de Mbalmayo. I1 s'agit donc d'un évéque, et non dtan atmmto neBeea nan to ad + 128. Elles se prennent donc 4 ridiculiser le jeune homme en question, en l'ac- cusant de tout faire de travers : il refuserait les choses qu'un homme "normal" donne, et poserait des actes qui reviement au beau sexe ! Et la chanson se termine sur une note ironique 4 l'adresse des femmes elles- nénes : puisqu'elles ne parviennent pas a éveiller le coeur de ce gargon- extra-quotidien, elles on arrivent 3 se denanter si, su fond, elles ne feraient pas mieux de briser les interdits qui pésent sur elles (symbole de la manducation du boeuf) et surtout de se débarrasser de 1"un des plus beaux atouts que poss@de la fame ewondo : les cheveux ! Les deux autres chansons sont également intéressantes @ ana~ lyser. D'abord 1a (b,1), chanson relative 3 la danse Asifo (danse accom- pagnée de 1a guitare et d'un bruit de bouteflle que l'on bat en cadence). Tet, on est d'abord frappé par le vocabulaire, un vocabulatre qui renfer- me beaucoup de mots étrangers. Ainsi de : didn (chéri, ¢), du francais "die-donc"; aleluia; fade (prétre), de anglais father; on reléve méne toute une phrase adaptée en ewondo : "u sa di kan, buaman 7", de 1'an- glais where do you cane fron, bustman ?C'est le tricuphe de 1a lberté d"expression; c'est le régne du pot-pourri. En effet, on y évoque tour 3 tour les thémes des plus incampatibles les uns avec les autres : des adieux on passe sans transition aucune au "sauvage", Du "sauvage" aux gens de Douala, les meilleurs guitaristes du monje, De 1a, on entreprend des avances plutdt osées, sous prétexte qu'on voudrait procréer come 1a Vierge Marie ! Survient, alors, une vocation rapide du systéme d'enset— gnement colonial, sous le double aspect scolaire et religieux (1'alpha- bet et l'alléluia), Et finalement, on rejette brutalement l'autorité @ de condamner on chaire la danse ecclésiastique, qui a 1a maladros Asiko ! Au total, sous des apparences insolites, loufoques et parfots bon enfant, 1a chanson de courtisation constitue une mise en question du syst@ne social & tous les niveaux, On y critique le colonisateur, qui a Ja mante de qualifier les autochtones de "bushmen"; on y eritique la re~ ligion chrétienne (surtout 1a catholique) & travers ses ministres, ain- ai qu'A travers le dogne de 1"Inmaculée Conception. La critique de 1a religion catholique atteint son paroxysme dans la derniére chanson, od L'on flétrit un prétre qui avait rendu enceinte une fille ewondo. Réa~ liste, humoristique, audacieuse, le chanson de courtisation est un langage + 19+ a"engagenent, contestation de l'ordre social dans sa globalité. Elle » dapte au temps et A l'espace, et tient on horrour lo conformisme et le stéréotype, Mais, dire-t-on peut~ére, coment concilier ceci avec la courtication ? Eh bien, 11 existe entre ces deux ordres de réaliré un rapport direct : la femme ewondo n'aime que des hommes qui ont de 1'auda- ce, des homes spirituels, libres penseurs, Tout came la Francaise mo- derne, elle les trouve "warrants". II. D'AUTRES TYPES DE LANGAGES AMOUREUX Le langage amoureux ne se réduit pas @ la chanson, elle compor- te aussi d'autres modes d'expression parmi lesquels on peut distinguer : les différents termes par lesquels on désigne 1'étre aimé; cortaincs ré- actions de 1a femme en présence de I'he qu'elle aime; les occasions of Lon pout @tre amené a invoquer son amour. Nous camencerons par le premier point, Dans la société traditionnelle, en dehors de 1a chanson od L'on pouvait user de périphrases, 11 semble qu'il n'existat que deux ter- mes officiels pour désigner ou appeler la personne ainée, savoir : ebdn (concubin, concubine; anant(e) et moe (ami,e), le preter stant du reste trés peu utilisé pour des raisons de pudeur, Cependant, & bien regarder Jes choses de prs, on s"apergott que 1a soclété traditionnelle disposait, Sous une forme voilée, d'un vocabulaire anoureux trés riche pour désigner Ja femme en général, L'onomastique révéle, en effet, que 1a plupart des noms de femmes (1) constituent en fait autant de petits condensés du lan- gage anoureux. Trés souvent, ces noms Evoquent des objets, des paysages, des plantes, des détails précis de la vie quotidienne considérés par 1'Bwondo come des symboles de douceur, de tendresse, de beauté, de fer- tilité, 11 suffit, pour s'en convaincre, de citer quelques-uns de ces (2) Chez les Byondo, 11 existe deux catégories de nas biens distinctes : les noms d'hommes et les noms de feume, Essono, Tabi, Essouba, Messi, Meyono, Atangana, Edzoa, etc. sont des noms d'honme; Abin, Mbazoa, Ngazaha, Edouhou, Edima, Ngdnd, ete, sont des noms de fame. . De, 0 tot, beauté des beaut és; © totequi es pleine comme la lune; © toi, synbole de 1a plénitude, © tol, dont 1a beauté rappelie 1a saveur du fruit de 1'adzap"(T 0 tol, image des champs fertiles; Atugu © tol, persomification par excellence du mariage; Ayaha 0 tol, qui exhales 1a suave senteur de 1'oignon; O tol, dont 1a douceur et 1a beauté rappellent les jeunes pousse: 0 toi, génitrice des génttrices; © tol, qui es belle et douce come 1a lune; © tot, symbole permanent de la beauté des fleurs . etc, ete, Les noms de femmes rec@lent donc bi » comme on le disait tout & l'heure, un langage amoureux d'une trés grande richesse. Tis mon- trent avec bonheur que 1"houme evondo affiche en permanence, vis-a-vis de la feme, une attitude d'amour. Mais les choses étant trés cachées, il n'est pas donné au premier vem de s'en apercevoir, En revanche, dans 1a société moderne, le vocabulaire d'anour est & la portée de tous, le contact avec 1'Occident ayant favorisé un développement galopant des termes par lesquels on désigne ou on appelle Ja personne aimée. Nous citerons quelques-uns de ces mots : Aum dan ‘itt. "ba mort" (personne pour qui Je suis prét A mourir); Biung bt min bian Les courrotes de non coeur; Bula wend Mon petit chéri ou ma petite chérie (de l'angl, Brother 1); Ebon daan Mon smant(o); Bath dean Mon amour} Didoh womd Mon petit chéri ou ma petite chérie (du frang, dis-donc); Man elele wmo Ma petite pirogue; Man fan ond Mon petit garcon; Man mininga wtm Ma petite fille; Man mongb wen mon cu ma petit(e) enfant; Man mot wm mon petit homme ou ma petite femm Man abone vem mon petit ou ma petite abomé(e) (du francais, bien str); Mfinga oyon wom Ma couverture des temps froids. ON . 13. T1 existe done de nos jours plus de mots qu'autrefols pour désigner 1a personne qu'on aime, Mais, qu'on ne s'y trompe pas : la of- tuation actuelle n'est qu'un épanouissement des modes de pensée tradi- tlomels. Si I'on a adopté des mots érrangers, ceux-ci ne s‘en sont pas moins, cone d'eux-nénes, insérés dans des moules qui existaiet déja. Quelques-uns des mots par lesquels on désigne 1"@tre aimé accusent beau- coup de réalisme et de liberté : Gtant congus pour @tre dits son amour, ils ne pouvaient s"écarter de 1a ligne générale de 1a chanson de courti~ sation qui, on 1'a vu, implique liberté de pensée, engagement. Prenons par exemple 1'expression de ‘nfinga oyon" (couverture des temps froids) : est-11 vraiment besoin de préciser que, par temps froid, on fait littéra— Jement corps avec sa couverture ? Nul doute, donc, que le réalisme paraft fet flagrant. Si 1'on considare per ailleurs le mot ‘nan olole utm (ma petite pirogue), on s'apercoit qu'il obéit aussi & la conception tradi- tiomelle de l'amour. Bn effet, 1'elele”~ que nous avons traduit par Psrogue, faute d'un terme adéquat - est plutét un tronc de parasolier sur lequel, couchés a plat ventre, les adolescents se livrent a des cour~ ses de natation sur certaines rivigres, Or, on ne saurait trop souligner le caractére périlleux de ce genre de compétition, puisqu'il suffit d'un rien pour que le nageur perde pied et tombe dans l'eau, of 11 pourrait facilement trouver la mort. Autrement dit, L'adolescent n'est janais plus prés de 1a mort qu'au monent m@ne od 11 jouit de son “elele” I Le plai~ sir, la jouissance se situent donc dans une zone aubigué, od la vie et 1a mort vont, pour ainsi dire, la main dana la main. Cette interpréta- tion paraft d'autant plus fondée que 1'Byondo considére généralenent les coure d'cau comme 1a demcure par excellence des fantGnes, I1 est commu- nément admis que, si vous hantez les cours d'eau pendant les derniers Jours qui précédent 1a mort d'un des vOtres ou cour simplement 4 ‘une persome de grande renomiée, 11 peut vous tre donné de "yon bistmba” (voir des phénanénes, des présages de malheur) : brusquement, en direc~ tion de L'aval, vous pouvez entenire les pas mouillés d'une troupe de re~ venants qui emportent, maigré lui, le pauvre mourant dans l'au-dela, Et par conséquent , le fait d'appeler 1a personne aimée ‘han elele wim" sou- Ligne avec bonheur le trés gran risque qu'on court & afmer. Cela signi- fie que 1'amour et 1a mort vont de pair, et qu'on est prét a mourir pour + 132° son amour. C'est pourquoi le premier acompte de mévék (compensation ma- trimoniale) consiste d'abord en cing fers de lance : le fait de dormer ces armes pourrait signifier qu'on est prét A combattre & coups de lan- ce tout agresseur éventuel. C'est dire que tout anant pout @tre considé— ré come un candidat possible 4 la mort. Ainsi, le langage amoureux, mal- até le coup de fouet qu'tl a regu de 1a pensée occidentale, conime-t-i1 Ase modeler sur les lignes de force de 1a pensée traditiomnelle, Clyde Kluckhohn voit done juste,lorsqu't1 écrit : "Les contacts historiques d'un growe avec d'autres pemples aussi bien que le génie créateur de ses pro- pres menbres mettent continuellanent 2 sa disposition des décowertes et des imentione tant matérielles que epirituetles. Purmi celles-ci, seules a'intégrent vraiment @ la culture celles qui, a manent ot elles attei- gnent le groupe, répondent @ son besoin de survie ou anéliorent 1 tation peychologique des individue." (1) Tel est, brivement exposé, le premier exemple de ce que nous avons appelé "les autres types de langage anoureux". Voyons maintenant ce qu'il en est des réactions de 1a femme en présence d'un hame qu'elle aime, Tl faut d'abord indiquer que la femme qui aime a une fagon toute spéciale do parler, de prononcer lee mots : "a ninz wand f” (ah nére!), au Leu de "a nna udm 1"; ‘tze ben dat ma ?” (nais,qu'est-ce que c'est 2), au lieu de ‘tize ben dat 7"; "A Yesus womd 1” (mon Jésus !), au lieu de "a Yesu wen !"; "a bot bama bésé!" (mes afeux !), au lieu de "a bot bam 1" "dge ben endad e mot mybna abd nana ?” (mais pourquot cet homme agit-11 ainsi ?), au lieu de : ‘ize ben ¢ mot my abd ma 2" etc., etc. La femme qui aime parle donc trés lentement, vu qu'elle se plaft a ajouter des voyelles et des mots explétifs partout. On dit qu’ elle parle bidzah (= qu'elle emprunte un langage de minauderie). En ef~ fet, si elle parle ainsi, c'est pour attirer l'attention sur elle. Par ce moyen, elle entend amener le garcon & littéralement "s'arréter" pour l'éccuter. Mais s'étant arr@té, le gargon sera conduit normalement 3 1a considérer avec attention, et peut~étre 4 lui trouver quelque attrait. (2) Clyde Kluckhohn, Initiation 4 1'anthropologie. Ch. Dessart éditeur, p- 39. +133. la stratégie anoureuse du beau sexe comporte done une tactique double + A'abord faire cublier le temps qui passe, par le biais d'un mode de pro~ nonciation manifest enent paresseuse; et dans un deuxiéme ment, capter Lattention du gargon par une diction impeccable, Car une telle fame a une voix nette, mélodieuse; et elle met un point d'honneur @ prononcer toutes les syllabes, ainsi que les voyelles finales. A considérer cette stratégie qui consiste & charmer par le verbe, peut-@tre s'imaginera-t-on qu'une fots seul a seul avec son auant, la jeune fille sera plus bavarde que son chou ? I1 n'on est rien ! Tei, en effet, la situation s'inverse sur toute 1a ligne. De loquace, la fille fe fora muctte, siloncicusc, Elle affectera d'étre extrémment genée, sans pour autant cesser de préter l'oref{lle aux propos de son amant. De temps en teups cepenlant, on l'ententra s‘indigner a haute volx :"ya ben mu ra, daoge ma !" (non !.., mais arréte 1); mats elle dira surtout : "okie nga auog oadn ?" (regardez-mot ca, n'a-t-il pas honte 71). Cette dernia- re phrase montre que 1a femme peut parler A celui qu'elle aime & la troi- sidne personne; ajoutons que c'est mfne ainsi que les choses se passent souvent. Que signifie donc cet emploi curieux du "11" a la place du "tu" ? Tout d'abord, cet usage est une marque de respect chez les Bvondo + c'est le "vous" franais. Ainsi du mot ‘han esta", littérale- ment "fils de son pére", mais qui veut dire en fait "fils de mon pére", done "mon frére", var respect pour mon pére, je me dois d'utiliser la troisiame persone, m@ne quand je ne fais que 1'évoquer indirectement (come c'est le cas ict) par le moyen d'un nom composé ! C'est ainsi qu'on dit également une personne qu'on honore : "eye basd ve 7" (d'0u viennent-ils, ou d'od vient-on 2); "ye esta angayt ya di ?" (le pare veut~i1 déja manger = puis-je déja vous servir le repas, pére 7). On n'o= se done pas s'adresser directement & quelqu'un qu'on respecte. On pré- fére passer par la trofsiame personne, du singulier ou du plurtcl, oa préfére donc, en quelque sorte, parler de lu, plutét que de lui parler. Ltamploi de 1a troietéme personne dépersomalisant les relations incer~ individuelles, on peut done dire que lorsqu'on honore quelqu'un, on pré- fere U'évoquer, came "11 était absent. Cela permet d'éviter 1'effron- terfe, étant entendu que celle-ci consiste a dévisager son supérieur et 4 luf adresser directement 1a parole. Aussi, l'attitude de respect par “14+ excellence consiste-telle a ne pas fixer son supéricur pais a lui parler et 4 l"écouter les yeux baissés. Or, justement, une telle attitude, c'est aussi le signe de la honte ou de 1a pudeur, ou plus exactement de 1a honte-pudeur, ces deux sentiments étant subsumés sous un méne mot : osdn. Modéle de pudeur et de délicatesse, 1a femme ewondo n'ose jamais dévisoger son anant. Elle lut parle les yeux baissés, un doigt a la bouche, le foulard rabattu sur Loreille - comme ef cet ange rougissatt d’entendre des mots doux ! En profe sans cesse au sentiment de honte, 1a femme qui aime est toujours Anguléte a la pensée quautrui pourrait 1a surprendre dans cette situa- tion impudique, C'est pourquoi elle prévient tout soupcon en flétrissant 4 haute voix le comportement répréhensible de son anant. C'est aussi a cause de cette honte-pudeur que la femme préfére exprimer son amour d'une maniére indirecte, c'est-a-dire par la chanson, moyen d'expression col- lective qui s'acconmode fort bien de 1"évocation, et par conséquent de la “troisiéme personne". La chanson constitue done un mode de transfert, ou plus exactement une technique cathartique : elle permet 3 la femme de contourner les impératifs de 1a pudeur-honte en se libérant par une pratique socialoment sdmise, C'est donc de pudeur et de honte que la femme donne sans ces- se "impression de lutter contre 1'agression" de 1"houme qui lui fatt la cour : "ekie ! mayt ki 1" (non ! je ne veux pas 1) dit-elle souvent 4 son amant ! Bien maladroit le pauvre home qui, de cette mise en scd- ne, conclurait @ un refus, et battrait en retraite ! Si la femme vous désavoue si haut, c'est pour voir jusqu'ot vous pouvez aller. C'est som- me toute pour vous éprouver. C'est faire prouve de lacheté que de reculer dans ces conditions. "C'aurait été de la violence, dis-tu; mais cette violonec oot agréable aux fames; ce quteltes aiment 2 domer, souvent elles veulent Laccorder malgré eles", Ovide, & qui nous devons cette heureuse citation, dit encore : "La pudeur interdit a la fame de provo- quer certaines caresses, mais tl tut est agréable de les recevotr quand un autre en prend l'initiative. Out ! un hamme compte trop sur ses avar~ tages physiques, e'il attend que la fame comence a faire les avances, Clest a L'hame de camencer, @ U'hamme de dive les mote qui prient, a elle de bien accuciilir les pridres d'amour. Veur-tu la prendre ? Denande, Elle ne désire que cette denande.” (2) + 135+ Ainsi, venons~nous de percer a jour la stratégie amoureuse du beau sexe, du moins nous 1'espérons. Reste maintenant & voir coment et dans quelles circonstances on est amené a invoquer 1a personne qu'on aime, I1 stagit d'un type de langage plutét curiesx, utilisé par Jes deur sexes, cortes, mais surtout par la fee. Une femme qul va au champ et qui fait un faux pas sécriera, si son mari s’appelle Dzu + "Dm !" (Awol, mon cher Dzu !), Si elle marche sur une épine, elle di- ra encore : "Dzu !" Lui apprend-on une nouvelle, bonne ou mauvaise ? Est- elle en présence d'un fait insolite ou de quelque chose qui suscite 1'ad- miration ? On l"entendra encore dire : "Dau utmd, daan fé di !" (Oh non Dai !... pas possible !). Lorsque, dans une partie de p@che a 1"épuiset- te, ayant enfoneé 1a main dans un trou pour attraper des poissons, elle se fait pincer par un crabe, c'est toujours 3 son cher mari que vont ses Premiéres pensées : "Dax wtmd !... Dau wmd antan me wa dé ana I" (oh mon Dau !... Oui, aujourd'hui méne, 11 me te mangera, mon cher Dzu !). Ainsi, partout, dans toutes les circonstances, 1a personne qui ainc n'a- trelle qu'une idée @ 1"esprit, un mot a 1a bouche : le nom de 1'étre qu'elle aime. 11 est temps de tenter de conclure sur ce chapitre qu'on n'a fait qu'ouvrir. La premfére chose qui s'impose, c'est que la cristalli- sation, pour revenir & Stendhal, existe bel et bien chez les Bwondo ! Par ailleurs, nous avons pu appréeier cembien le contenu de 1a chanson amoureuse variait suivant les circonstances, mais aussi selon le type d'amour qu'on y chante. S'agit-i1 d'un amour perdu ou simplenent brisé par une maladie ? La chanson se déroule alors en trois temps : 1'évoca- tion des circonstances dans lesquelles on s'est évertué vainement a re- nouer avec 1"étre aimé; un bref monologue ou 1"interrogation de 1'etre aimé; enfin, on conclut de sot-méne & 1"impossibilité de retrouver 1'amant infidéle, Mais, 1a chanson célébre-t-elle un anour actuel, elle est alors riche en méta- Phores qui vantent les qualités physiques et morales de 1a personne qu'on aime. Enfin, quand i1 s'agit de conquérir, 1a chanson devient libre, +196 + grivoise; elle pouse tous les aspects de 1'engagenent, de la contesta~ tion sociale, En dehors de 1a chanson, nous avons effleuré d'autres ty- pes de langage amoureux, savoir : les réactions de 1a femme en présence de son amant; les mots par lesquels on désigne 1'étre aimé; les circons- tances dans lesquelles on invoque son amant(e). La aussi, 11 nous a été donné de constater que nous avions affaire a un peuple % 1"imaginat ion débordante, et méme @ un peuple qui ne vit que d'amour, au sens noble de ce mot, bien efr. En sorte qu'on peut dire que chez les Evondo, 1'anour s'in- trodvit dans tous les domaines et détails de la vie quotidienne. I1 est dans la case, 11 est dans la cour, 11 est dans la rue, il est au champ; il est joué, 11 est dansé, 11 il est chanté, 11 est crié, il est parli est partout : "2 met sans cesse 2 contribution la moitié des forces et des pensées de la partie 1a plus jeune de Lmmanité, il est le but der- rier de presque ahaque aspiration Inmaine, 11 acquiert uno influonoe né= faste sur les affaires lcs plus importantes, interronpt & toute heure leo occupations leo plus séricuses, jette parfote pour quelque temps te trouble dane les plus grands cerveaux, ne craint pas d'intervenir avec sa pacotille dans les tractattone des honmes d'‘Stat et lee recherches des savante et de les perturber, s'entend mane & glisser billets doux et boucles de cheveur dans les portefariltes mintstériels et des mamuserite Philosophiques, trane encore journellement lee conflite lee plus inex- tricables et les plus graves, dénouent les relations les plus précieu- es, rompt Les Tens les plus solides, sacrifie tantét la vie et la san- té, tantét 1a richesse, le rang ot le bonheur, que die-je ! fait mane de celui qui est ondinairenent honndte un hema sana consetamea, da Lihame fidéle jusqu'd un trattre,” (1) Le philosophe Schopenhauer voit dans cotte détermination aveugle de 1"amour a o!immiscer partout, une manifestation flagrante de la volonté de l'esp&ce qui entend se perpé- tuer par les individus, lesquels ne constituent que ses moyens. car, ce dont il s'agit, ici, ce n'est point "come en toute ctrconstane, du bonheur ot du mathew des individus, mais de L'eristence et de la consti- tution particuliare de la race humatne pour les tome @ venir, de sorte que la volonté de L'individu s'affizme a 2a plus haute puissance come volonté de t'eapéce. " (2) TD Schopenhauer, Métaphysique de l'amour, in Métaphysique de l'amour, Mérantwatane do le mart Pallantinn TANI@ mn At —hD +137, Tout en laissant au philosophe 1'enti&re responsabilité de ses déclarations, nous nous devons, avant de clore co chapitre, d'expriner un regret t celui de ne pas avoir pu analyser, nalgré notre bonne volon- £6, tout le langage amoureux ches les Ewondo, une bunme partie de ce der- nier Gchappant, a proprement parler, 4 toute expression ! Car, le langa- ge mmoureux n'est pas toujours codifié, Ht, L'ewondo étant une langue tons, bien des comuétes amoureuses s'opérent par cet instrument mal- heureusenent ineffable. En dehors des tons, il y a aussi toute l'ambian- ce, ainsi que tous ces modes particuliers de communication que Marcel Cohen désigne sous le vocable de "gestes vocaux" : le rire, les cris, Jes grognements; "imitation de réflexes, la toux, les pleurs, les san- glots; les énissions nasales intonées, et que sais-je encore ? (1) D'au- tre part, 11 faudrait analyser le trés riche domaine des contes et 1égen- des. Enfin, 11 serait grave d'oublier que, pour les anoureux, le sens des mots n'est pas toujours celui qu'en donnent les dictionnairce ! Sous des temes absolument ordinaires, ils arrivent a faire passer les sentiments des plus vite. C'est bien cette idée, nous sauble-t-11, que Claude Lelouch a domortalisé dans "Un houme et une femme", par la chanson intitulée : "A L'oubre de nous", Dans celle-ci, en effet, il est dit que les "so- letls" de 1"amour"ont des nons qui font sourire", "des noms de pacotilles", et que 1a tendresse repose, some toute, sur le banal, La méme idée est exprimée avec force, dans le film de Charles Chaplin : "La Comtesse de Hong-Kong", Petula Clark, qui a adepté en francais 1a musique de ce film, hous apprend que les mots d'anour ne sont rien d'autre que “Les mots de tous les jours", Kluckhohn a donc raison, lorsqu‘il écrit : "Le langage est, en ordre principal, un instrument d'action. Le sons d'un mot, dtuno phrase, n'est pas dane ea définition de dictionnaire, mate dane le ohan~ genent qutintroduit, dans uno ettuation donnée, le seul fait de U'énet- tre,” (2). (1) Marcel Cohen, Pour une sociologie du langage. Albin Michel, 1956, Pe 68, (2) Clyde Kiuckhohn, Initiation 4 1'anthropologie, Charles Dessart , d,, Bruxelles, p. 181. GHAPITRE IIT - PROCESSUS DU MARIAGE ET MEVEK (Conpensat ion matr imonia le) D'entrée de jeu, nous procéderons d'abord & une précision terminologique importante, qui ast loin d'@tre unc cimple dts- cussion académique, Tout au long de ce travail, nous utiliserons soft le mot cwonde mévék, soit celui de "compensation matrimontale” a 1a place de ce terme combien impropre de "dot" que 1'Buropéen, enclin a 1'ethno- centrisme, continue d'appliquer avec ent@tement a une pratique sociale différente du tout au tout de la "dot" occidentale ! (1) Le mévék constitue la pierre angulaire du systéme matrimonial eworlo. I1 fonde 1'unfon conjugale, stablit le droit de paternits, por- met le mariage d'au moins un des fréres de la fille a marier. Mais, nous reviondrons plus loin cur le réle socio-politique de cette institution, ainsi que sur les raisons qui fondent notre choix du mot "compensation mateimontale" : contentons-nous pour 1'instant d"indiquer notre plan, Aprés avoir donné 1a composition générale du m&v&k, nous étudierons tour @ tour : L'usage de ses éléments constitutifs, son réle et sa significa- tion; 1"évolution de son taux au cours des temps, et enfin, les prises de position que cette Evolution a suscitées, depuis 1'époque coloniale Jusqu'a aujourd'hui. I, LES OBJETS CONSTITUTT¥S DU MEVEK (compensation matrimoniale) Avant 1a colonisation, pouvaient faire partie de 1a campen- sation matrimoniale les objets ci-aprés : (1) Bten entendu, i1 n'est pas question de changer le mot "dot" dans les citations que nous serons amené a faire.

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