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Esquisse d'une théorie psychodynamique du masochisme® par Je Dt B. GRUNBERGER Deux instincts cont en mei, Vertige et déraison; J'ai Veffroi dn bonheur, 1a soif du poison. HAE. Aunt. (2). I Discutant de ce sujet avec un confiére et ami, j’eus Loccasion de citer ces vers. Il s’écria : « Masochisme ! Méfie-toi, Amiel était un grand obsédé. » Amiel était en effet un obsédé. Le digne parrain du masochisme, Sacher-Masoch, était hystérique. Nacht (26), dans son important travail * sur ce sujet, a montré la participation du masochisme & presque toute la psychopathologie. La derniére née, la médecine psycho-somatique, en fait aussi grand usage. On retrouve donc le masochisme partout. “Il déborde les entités cliniques définies, principalement sur deux dimensions. D’abord horizontalement, débordant le dessin hystérique, obsessionnel ou autre, nous le découvrons comme toile de fond. Verti- calement également, en quelque sorte, puisque le masochisme dépasse la pathologie et semble étre consubstantiel a la condition humaine elle- méme. (On pourrait méme dire sur trois dimensions ; le masochisme survit souvent, pendant le traitement, aux autres symptémes, débordant ainsi dans le temps.) Certains auteurs, comme Reik (31) et Berliner (5), ont orienté leurs recherches dans ce sens. Freud (14, 18) parle a plusieurs reprises de masochistes non névrosés et de masochisme immanent. Cette orientation est séduisante et ouvre de larges horizons aux chercheurs, mais est, notre sens, insuffisante a la recherche psycha- nalytique médicale qui, elle, doit aboutir a une meilleure connaissance des névroses et des psychoses. En effet, que le masochisme révéle Paspect (2) Conférence faite a la Société psychanalytique de Paris, le 16 février 1954. PSYCHANALYSE 13 194, REVUE FRANCAISE DE PSYCHANALYSE d'une tendance névrotique ou d’un comportement morbide, qu’il soit instinct ou symptéme, une conduite, une morale ou une philosophie, nous devrons chercher 4 Pindividualiser le plus strictement possible dans le cadre nosologique et pour ce faire, resserrer le cercle autour du phénoméne en question au lieu de Pétendre & Pinfini, Dégager le « mécanisme masochique » avec la précision voulue nous facilitera, en effet, non seulement une meilleure connaissance du masochisme domi- nant toute Ia psychopathologie humaine, mais nous renseignera aussi sur les névroses en général. -— Liinterpénétration constante du masochisme et d’autres troubles cliniques obscurcit, en effet, notre vision. Nous tentons alors d’opérer un clivage dans une substance apparemment homogéne, tentative génératrice de difficultés et d’erreurs. Dans ce travail nous allons essayer de cerner le probléme et de proposer une solution permettant une délimitation Ja plus précise possible du masochisme et tenter de rendre compte de tous ses aspects. Cette solution devra — dans notre esprit — étre valable pour toutes les manifestations du masochisme, telles que Freud les a définies en dépit de leur apparente dissemblance. Pour ce faire nous ticherons ‘de nous maintenir, le plus possible, sur un terrain clinique. Il va de soi qu’un sujet aussi vaste ne peut étre traité d’une fagon exhaustive en une seule conférence. Cet exposé sera trés sommaire et présentera nécessairemerit des Jacunes importantes. Mais comme le titre Tindique, il s’agira surtout d’esquisser en grandes lignes une conception clinique du masochisme sans donner a ce sujet si important tout Je développement qu’il mériterait. IL Celui qui se penche sur « le fameux et terrible probléme du maso- chisme » (Odier, 28) court le risque d’étre immédiatement attiré et fasciné par Pénigme que présente cet accouplement paradoxal de la souffrance et du plaisir. Le chercheur est tenté devant ce phénoméne bizarre — recherche de la souffrance — d’en faire le point nodal de son étude, Ceci Poriente souvent vers des réflexions plus spéculatives que cliniques. Il rencontrera @ailleurs une complicité empressée auprés de son malade qui lui fournira complaisamment un matériel pou- vant servir a édifier des hypothéses basées sur le bénéfice narcissique par exemple (Eidelberg, 7; Lampl de Groot, 21). Il s’agit cependant de rationalisations et méme si.ce principe est apte a éclairer certains THEORIE PSYCHODYNAMIQUE. DU MASOCHISME 195 aspects du masochisme, Jes éclaircissements ainsi obtenus ne peuvent tre considérés comme satisfaisants. Nous allons donc renoncer & Vélément « souffrance » comme point de départ de nos investigations et nous intéresser surtout 4 l’élément plaisir. Nous savons qu’a part la recherche de la souffrarice, Pinhibition totale devant le plaisir, devant tous les plaisirs quels qu’ils soient, caractérise le masochiste. (Le masochiste pervers, par le détour que nous connaissons, aboutit cependant au plaisir. On peut alors se demander, et nous reviendrons sur ce point, si 4 ce moment précis il mérite encore le qualificatif de masochiste.) Nacht (26) souligne dans le chapitre consacré au « caractére masochiste » un trait typique de ce caractére : Pimpossibilité de saisir les joies de la vie. Cet auteur mentionne ce trait de caractére en tout dernier lieu, alors qu’ notre sens, il est le plus important. (Il nous semble, d’ailleurs, sans que nous ayons Vintention d’insister ici sur ce point, que Pincapacité de jouir du masochiste s’étend aux satisfactions pulsionnelles inhérentes 4 toutes les phases, génitale et prégénitale. Toutefois, au-dessous de cette incapacité, existe une volonté ferme d’aboutir au plaisir tout de méme. Ceci fait que le malade accepte le traitement et que c’est, en quelque sorte, la présence d’un noeud masochiste dans chaque névrose qui décide le malade 4 entreprendre la cure et a la réussir.) Le maso- chiste prend son élan vers le plaisir. Il désire Patteindre comme tout le monde, Il le désire méme plus que Jes autres, comme le prouve sa vie inconsciente et consciente dans ses manifestations les plus diverses, ce qui est dailleurs tout naturel. C’est au moment de la réalisation, dune démarche décisive méme indirecte, que le masochiste recule. I recule devant Pangoisse qui nait immanquablement en face de Pobjet, sous quelque forme que ce dernier apparaisse, reprenant sa position ancienne, qui est non pas un renoncement pur et simple mais le contraire du plaisir, le déplaisir, Sans entrer plus profondément dans les détails nous pouvons déjé constater que ce qui a été ainsi obtenu par ce geste est la disparition de Pangoisse. . (Différents auteurs ont mis Paccent sur Pévitement de Pangoisse dans le masochisme ; Reik (31) par exemple. Mais la théorie de cet auteur ne rend pas suffisamment compte — a notre sens — du méca- nisme du plaisir masochique. Quant a Lewinsky (23), elle parle du masochisme comme négation de Panxiété, mais ne propose aucune solution d’ensemble de 1a question.) Le masochiste Waldemar mane une existence dangereuse, pleine de diffi- cultés et de privations. Il supporte cela parfaitement bien, sa santé morale et 196 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE physique ne laisse & peu prés rien & désirer. Le mécanisme masochique fonc- tionne sans heurts. Jusqu’au jour of par un concours heureux et extraordinaire des circonstances il se trouve devant la possibilité de réaliser une affaire qui ne lui demande aucun effort et qui est propre a Ini assurer une fortune, fortune jai entrainerait un changement total de ses conditions matérielles. A peine s’est-il émerveillé que ’angoisse Iétreint déja. Cette angoisse monte, devient intolérable jusqu’au moment oi il se sent empoigné par la nécessité absolue effectuer immédiatement une démarche négative. Il refuse. Ceci fait, il respire, revient a Ja situation précédente et recommence sa vie ancienne. Quelle magni fique détente ! Ila eu chaud et ’a échappé belle. Pourrions-nous dire de Waldemar qu’il recherche la souffrance et y trouve le plaisir ? Il ne nous semble pas. Il a simplement fui le plaisir pour se mettre a J’abri de V’angoisse. Si nous insistons sur )’élément plaisir c’est parce que les privations de Waldemar ne sont pas absolues. Ii a une vie sexuelle et peut se donner des satisfactions de qualités médiocres plus ou moins déshédonisées. A la moindre tentative de franchir le seuil qui le sépare d’une satisfaction pulsionnelle riche et authentique, Pangoisse fait implacablement son apparition.-En général, il s’arrange ailleurs inconsciemment, de telle facon que ce seuil dangereux ne puisse jamais étre atteint et toutes les pulsions dange- reuses dans ce sens restent bien refoulées. Ce n’est que Panalyse qui les libérera et avec elles Pangoisse. Mais dans la vie Pangoisse restera plus ou moins latente et nous ne verrons dans la névrose d’échec que l’échec et dans le masochisme moral que la souffrance. II ‘Avec Pangoisse nous touchons ‘au noeud méme du probléme du masochisme et a la question largement débattue de Ja peur de la cas- tration en tant que motif du comportement masochique. (« Tout se passe, dit Nacht (26), comme si le masochiste, devant Je danger de tout perdre, consentait a sacrifier une partie pour sauver le reste »), mais nous jugeons inutile de reprendre cette discussion d’une_fagon détaillée, sans cependant l’éluder complétement. Elle jette, en effet, une certaine lumiére sur la solution du probléme du masochisme, telle que nous l’entrevoyons. Je m’explique : L’observation du malade pendant Vanalyse nous apprend qu’il se passe —: pendant la séquence envisagée — deux mouvements paralléles, quelquefois, dailleurs, complétement séparés Yun de autre. D’une part, le malade abréagit son angoisse. Nous n’exa- minerons’pas maintenant le déroulement de cette abréaction, car ceci nous ménerait loin de notre sujet. Nous dirons cependant qu’en général THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 197 tout se passe en silence, Pangoisse étant par définition vécue comme étant sans objet. D’autre part, lé malade nous montre périodiquement, et cela avec une certaine ostentation, pour ne pas dire plus, son complexe de castration, Ces manifestations peuvent étre dramatiques, mais restent souvent sur un mode superficiel et poursuivent manifestement un but de démonstration. Pendant ce temps-Ia, il n’y a pas la moindre trace @angoisse vraie. Le malade peut prendre, au contraire, un ton amusé qui peut aller jusqu’a Philarité la plus franche. Ceci n’est pas une, défense, mais tout le complexe, dans son ensemble, fonctionne en tant! que défense — momentanément réussie — contre Pangoisse. Voici ta formule lapidaire d'un de mes malades, un obsédé-masochiste Je n’ai qu’A désirer qu’on me coupe quelque chose’ et ‘alors je n’ dangoisse, plus Une jeune femme, qui se fait battre par son mari pendant les rapports sexuels, se plaint de frigidité et surtout de crises d’angoisse extrémement sévéres. Au bout de trois mois de traitement ses angoisses cessent. Un réve coincidant avec le moment de J'amélioration et accompagné d’un matériel transférentiel ayant une signification ana- logue nous montre le méme stratagéme, avec participation active de son surmoi. Je suis au sana. Je parle-avec une autre jeune femme et tdche de la convaincre que j’ai une caverne. A vrai dire, je sais que je’n’ai pas de caverne, mais je prétends le contraire. Elle dit que mon état n’est pas grave et cela‘ m/irrite. ‘Assoc. Au sana j’étais parmi les moins atteintes mais personne n’était aussi fatigué que moi. J’aurais voulu dire 4 tout le monde : « Vous voyez, je suis, malade, etc. » La mise en scéne du « masochiste-pervers » et tout le matériel d’auto-castration onirique, fantasmatique et réel du masochiste évoque Ja méme image. Freud (17) disait que « les tortures du masochiste font rarement l’impression d’étre aussi sérieuses que les cruautés des sadiques », Feldman (8) a tenté d’interpréter ce comportement comme Pexpression d’une attitude mentale de comme si que le. philosophe Vaihinger a systématisée (expression « comme si » est employée par Freud dans les Nowvelles lectures d’introduction a la psychanalysé, au sujet des réves masochiques) et qualifie la régression sado-masochique Whypocrite. Loewenstein (8, 24) rejette cette expression et préfére parler de jeu et de simulation (« make-believe »). Il s’agit d'un systéme de défense formant un bloc et Reik (31) Pavait bien compris ainsi puisqu’il dit que'la peur de castration (telle qu’elle apparait dans le masochisme) est déja du masochisme et qu’on ne peut donc pas vouloir 198 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE expliquer un phénoméne par lui-méme. De toutes facons, Ja peur de la castration, comme le souligne Berliner (5), n’a rien de spécifique. Par contre, ce que nous estimons étre spécifique du masochisme, don- nant un sens a ce qui précéde, est ’utilisation d’une conduite authentique en elle-méme, comme la peur de la castration, pour des fins défensives, sur un mode factice et ostentatoire. Iv Nous venons de jeter un regard sur les rapports entre le maso- chisme et la crainte de castration (sur le plan génital) pour montrer qu’en tant qu’explication du masochisme, elle nous fait surtout aboutir 4 une impasse. En nous tournant vers la prégénitalité, nous remar- querons immédiatement que Poralité a beaucoup été invoquée pour expliquer Ja genése du masochismie. Il serait fastidieux de citer tous les auteurs qui ont fait, 4 ce sujet, allusion au confit oral. Nous ne pouvons cependant pas ne pas mentionner Bergler (3). Pour cet auteur, il n’existe qwune seule névrose : la « Basic Neurosis » dont unique manifestation est le masochisme moral. Ce masochisme moral est pour lui le méca- nisme découlant du conflit oral, les autres névroses n’étant que des «stations de secours » contre lui. Rado (29) a tenté de construire toute une théorie de la névrose sur le masochisme, partant de ce stade. Quant 4 Nacht (26, 27), il aboutit a la conception d’un « masochisme biolo- gique » ayant son origine dans la phase prégénitale la plus précoce, phase préobjectale pendant laquelle l'enfant ne distingue pas son corps du sein de sa mére. Pour les tenants de Ja théorie de l’oralité, le masochisme serait une sorte de reviviscence de la frustration orale et Bergler (3) parle méme du désir d’étre frustré, Cette frustration serait en elle-méme une source de plaisir. Pour Berliner (5) enfin, enfant s*identifierait 4 Pobjet frustrateur, la fixation 4 la mauvaise mére étant la seule possibilité pour lenfant d’étre aimé, ceci pour des raisons historiques, vérifiables par analyse. Sans entrer dans l’examen détaillé de ces théories, on peut formuler les critiques suivantes : 1° Les partisans des théories qui font dériver le masochisme du conflit oral et de la frustration, semblent ne pas tenir compte du fait que Je masochisme reléve surtout, par définition, de la phase sadique~ anale. Freud (9, 12, 16, 10) considérait toujours le masochisme comme étant la contre-partie du sadisme et exprimait fermement sa conviction que la solution du probléme du masochisme ne pourrait étre atteint qu’en passant par Je sadisme, les deux étant inséparables Pun de THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 199 Yautre. La contribution importante que Nacht (26) a apportée a ’étude du masochisme va d’ailleurs dans le méme sens. La prise en considé- ration par cet auteur du facteur agressivité. nous apparait comme un pas trés important et décisif vers la solution de ce probléme épineux ; | 2° On peut opposer certains éléments cliniques a Pbypothése d’une genése purement orale du masochisme tel que Penvisage par exemple W. Reich (3) : « Le masochiste tend toujours vers le plaisir, mais se heurte chaque fois a la frustration. » Déja Freud (15) avait été étonné de constater que les enfants qui reproduisaient ce fantasme (« on bat un enfant ») n’avaient pour ainsi dire jamais été maltraités. Les masochistes se recrutent, en effet, plutét dans les rangs des enfants gatés et ce fait est tellement patent que Esther Menaker (25) a pu proposer une théorie du masochisme-en partant de 1a. Selon cet auteur les masochistes seraient des enfants qui, faute de frustrations orales répétées, n’auraient pas pu renforcer suffisamment leur moi, cette faiblesse de Jeur moi constituant la frus- tration. Déja Karen Horney (19) a estimé que le masochiste, pour éviter Pangoisse, abandonne en partie son moi, le maintenant faible, ceci étant senti par lui-méme comme son unique planche de salut. Reik (31) a relevé en son temps la promptitude surtout des psychana- lystes-femmes & considérer le masochisme féminin comme quasi biologique. Cette remarque nous conduit directement a répéter au sujet du conflit oral ce que nous avons dit du complexe de castration : le maso- chiste utilise ce conflit de Ja méme fagon et, probablement, dans le méme but. Il ressort, en effet, du matériel clinique que le malade | inultiplie volontiers les relations de frustrations orales puisées dans son passé, exactement comme il tient dans la vie et dans Panalyse a/ passer pour une victime. II faut donc étre éxtrémement prudent avant @affirmer Pimportance de la frustration orale comme élément pri- mordial de Phistoire de individu masochiste, comme le dit Keiser (20) (« dans mes observations les masochistes ont invariablement eu des méres castratrices »). Je me souviens d’une-masochiste dont toute Tanalyse s’est déroulée sous le signe d’une mére castratrice et dun pére faible et décevant. Cette situation fut largement décrite et abon- damment illustrée, jusqu’au jour o& nous comprimes que ‘ce tableau était exagéré dans le but de réduire la culpabilité selon la formule : ce n’est pas moi qui ai chdtré mon pére. Cest ma mére, qui m’a @ailleurs chétrée également, Un jeune homme m’a apporté dans son analyse un matériel clinique 200 : REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE , doit il ressortait @’une facon indubitable qu’enfant il avait été victime @une sévére frustration alimentaire. Le malade produisait une série de réves et de fantasmes dont le contenu convergeait vers un point précis et qui a pu enfin étre compris comme le « souvenir » d’un empoi- sonnement par le lait maternel. La réalité d’un abcés de sein de la mére confirmait cette fagon de voir. Or, aprés un certain temps, des recoupements ont permis de constater que P'abcés de sein de la mére se situait 4 l’époque de [allaitement de son frére de trois ans son cadet et que son allaitement lui s’était passé apparemment sans troubles. Indépendamment des malades qui « sortent » leur conflit maternel, aprés un certain temps en général consacré au conflit cedipien, il y en a qui l’étalent trés vite et qui arrivent méme 4 P’analyse avec un conflit maternel ouvert, violent et souvent actuel. Ils insistent la-dessus lon- guement, avec beaucoup de liberté et une satisfaction visible et ne demanderaient pas mieux que de continuer d’en parler tout le long de la-cure. Il est quelquefois difficile de faire le départ entre le vrai conflit oral historique et ce que, pour masquer autre chose, le malade met intentionnellement en avant. Ce qui se passe au début et au cours d’une analyse prend quelque- fois une allure encore plus nette vers Ja fin du traitement ou plutét “ce qui devrait en étre la fin. Le malade fait 4 ce moment un effort désespéré dans le but @empécher Vanalyste de mener le traitement a bonne fin. Il s’agit dune forme de résistance particuliérement coriace qui se manifeste par l’éveil subit et particuliérement violent du conflit oral qu’on croyait pourtant déja liquidé. Cette séquence est propre & faire le désespoir des analystes, effrayés devant le spectre dune « analyse interminable », d’autant plus que chaque mesure prise pour mettre fin 4 la cure est considérée par l’analysé comme une nouvelle frustration orale de Ja part de ’analyste, a laquelle il répond par une réaction d’autant plus violente que justifiée par cette frustration. Nous voici donc dans un cercle vicieux qu’il s’agit de briser. Un malade que nous baptiserons Oscar vint me consulter, ayant le désir compulsif d’étrangler ou d’empoisonner sa ferme. Il mit visiblement en avant ce symptéme dont il avait, par ailleurs, exagéré la gravité (sa femme ne s’en étant jamais rendu compte) et qui disparut d’ailleurs presque immédiatement, V’analyse commencé Il s’agissait d’une névrose assez sévére, avec défenses obsession- nelles sur un fond d’hystérie. Son analyse progressait cepen- dant bien et au bout d’un an et demi une amélioration sensible put étre obtenue, A ce moment, nous assistames 4 un changement total. THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 201 Stagnation aved exacerbation du masochisme sur tous les plans, éveil du confiit oral, période dont Nacht a donné une description parfaite. On pourrait considérer cette période d’exacerbation du masochisme comme un début de abandon de celui-ci par le malade, encore fau- drait-il qu’il renonce & ce comportement de défense, en comprenant ce qu'il signifie. Quant 4 Oscar, il tenait rester a ce stade et j’en eus la preuve, on ne peut plus directe, quand aprés avoir essayé de lui montrer pour la x° fois qu’il me chatrait et ceci en ma qualité de pére, je m’attirai cette réponse : « Pardon, suis-je venu chez vous parce que jai voulu tuer ma femme, oui ou non ? » Sur quoi je lui montrai comment il se servait du conflit maternel pour cacher derriére lui le désir de castration du pére, désir qu’il combattait de toutes les facons, ce combat se trouvant 4 la base de tous ses symptémes (le contexte était riche & cet égard, il donnait par exemple une certaine publicité & son désir de tuer sa femme, 5 médecins en avaient connaissance et il se préparait «consulter » un 6° alors que le symptéme avait cessé d’exister depuis longtemps). Cette interprétation eut pour résultat de faire sortir le malade de Pimpasse dans laquelle il se trouvait ct sa cure prit, & partir de ce moment, une allure trés satisfaisante. Vv . Le complexe de castration et le conflit oral épuisent toute la phéno- ménologie masochique. Tant dans la vie que dans le traitement, les aspects spécifiques du comportement masochiste rentrent dans le cadre que délimitent ces deux éléments. Le masochiste s’arrange, en effet, avant tout, pour étre chdtré, c’est-a-dire incapable de prendre du plaisir, dans quelque domaine que ce soit, inhibé, pauvre, souffrant, malade, diminué, « offensé et humilié ». Tous ses symptémes sont des négations de satisfactions. Ainsi une jeune femme que j’ai traitée pour frigidité me disait qu’elle considérait son incapacité d’avoir un orgasine comme une honte a cacher, une humiliation et dans ses réves, cette humiliation prenait la forme d’une casiration. I peut &tre également observé que fréquemment le masochiste fait revivre son conflit oral, en s’en prenant A sa mére ou A des substituts maternels, ces termes étant compris dans un sens fonctionnel, bien entendu. Les plaintes manifestes qu’il tient & exhaler dun ton vindicatif, le posent en victime : on ne Paime pas, on le traite mal, il n’a pas de chance, il est victime injustices. Qu’il le dise ou non, la partie spécifiquement masochique de son comportement vise 4 la démonstration infatigable 202 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE de cet état de choses, démonstration double mais visant un but unique. Certes, son comportement parait équivoque et méme paradoxal quel- quefois, puisque tout en se plaignant 4 son interlocuteur (en analyse par exemple), il s’arrange, dans le but manifeste de se faire rejeter, pour exaspérer celui-ci. Ce comportement devient cependant compréhensible et méme trés clair si on envisage qu’il s’adresse a deux objets a Ia fois, @ la mére et au pére. Si Pattitude provocatrice vise a étre maltraité par celle-lé, la démonstration de ce qui se passe s'adresse a celui-ci. Tout ce qui est refus, source de privations et mauvais traitements, qu'il sagisse du partenaire amoureux, du patron, de la société, Dieu, les astres et l’univers tout entier, se trouve étre en derniére analyse, Ja mére frustratrice et les souffrances que celle-ci inflige au masochiste sont montées en épingle 4 Vintention du pére ; Vinterlo- cuteur réel ou fantasmatique, toujours présent du masochiste est de ce fait a condensation des deux images parentales. La scene en analyse se joue entre trois personnes dont deux sont représentées par Panalyste et Ja formule n’est pas tant : « Regarde ce que tu me fais », que plutat : « Regarde comme elle me traite mal. » I s’agit d’un conflit pré-cedipien dont Vobjet n’est pas une rivalité amoureuse avec le parent de méme sexe, mais dans lequel Padversaire est toujours la mére frustratrice, le pére ayant un réle différent sur lequel nous reviendrons. En étudiant les fantasmes et mises en scéne de fustigation masochigue, on se rend compte que c’est toujours la mére qui bat, soit manifestement (chez les hommes) soit d’une fagon camoufiée (chez les femmes). Chez ces derniéres le réle de l'homme consiste souvent, en effet, dans une attitude humiliante de désintérét ou négligence, autant de formes dramatisées de la frustration maternelle. Les coups méme expriment la contrainte dans Je sens « tu ne feras pas ce que tu voudras ou alors sous ma contrainte, ce qui prouve que tu ne peux prendre ta satisfaction de ton propre gré, tu es chatré », Cependant dans les fantasmes de fustigation (dont Pahalyse détaillée ne peut pas se faire ici) il existe un détail frappant qui concorde d’ailleurs avec Pobservation faite par Freud -(15), que la phase oft Penfant est battu par le pére est trés souvent refoulée, ne pouvant étre mise en évidence que par P’investigation analytique (dans les cas exception oi c’est franchement le pére qui bat, il s’agit proba- blement de sujets moins inhibés qui se contentent d’une défense unique : « C’est lui le castrateur, pas moi. »). La femme, en effet, qui bat le masochiste-pervers, a toujours dans son accoutrement spécial (ailleurs toujours Je méme, correspondant a une position affective de niveau archaique) des éléments masculins. C’est donc un objet condensé qui THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 203 bat. Cet apport masculin doit cependant rester presque toujours inconscient au masochiste. Reik (31) rapporte A ce sujet un cas trés caractéristique : un patient au cours d’une mise en scéne masochique, découvrit dans la tenue de sa partenaire un détail qui lui rappela la barbe de son pére. Tout le caractére érotique de la scéne s’effondra, et Porgasme devint impossible. Comment comprendre ce qui s’était passé ? Nous avons vu que le contenu de Vattitude du masochiste était etre chatré d’une part et frustré par la mére d’autre part. Son but étant de faire la démonstration de cet état de choses d’une fagon perma- nente. Tout porte a croire que le masochiste ne peut pas renoncer & ce comportement qui le protége de quelque chose qui Iui semble insuppor- table et qui Jui barre-le chemin opposé, celui de la. satisfaction pul- sionnelle. Avant de tenter de dégager une vue d’ensemble de la situa- tion, nous devons revenir au fantasme de fustigation. Pourquoi Pimagée paternelle doit-elle rester si souvent refoulée et pourquoi son apparition insolite est-elle fatale dans ces cas a la réussite de la mise-en scéne masochique ? Tout simplement parce que toute la construction maso- chique ne sert a rien d’autre qu’A maintenir ce refoulement. Freud (17) dit qu’en observant Je fantasme masochique de fustigation on a Pim- pression que le sujet a commis quelque chose de répréhensible (dont Ja nature reste dans le vague) et dont il doit étre chatié. Notre matériel clinique permet d’affirmer qu’il s’agit toujours, dans tous les cas de masochisme quels qu’ils soient, de Ja castration du pére en tant que condition indispensable de la satisfaction pulsionnelle et ceci dans les deux sexes. Le mécanisme masochique consiste dans une défense contre cette pulsion, défense qui cependant permet d'une facon -dissimulée de poursuivre et d’atteindre, selon les modalités différentes qui vont étre précisées, le but recherché : la castration du pére. Au cours du traitement, on retrouve toujours derriére la défense masochique, le désir et réalisation plus ou moins travestis de cette castration’ ou plutét Pintrojection du pénis paternel sur un mode sadique-anal. Un de mes malades, dont Phistoire sera relatée plus loin, a développé dans le transfert des réactions trés caractéristiques de mécanisme masochique qui tournait autour de la question du réglement des hono- raires. Un jour, il me fit un chéque, qui, par erreur, dépassait le montant ~ de mes honoraires (simulation d’auto-castration) ; ce chéque était sans provision ; a partir de ce jour il se tourmenta constamment a ce sujet: « Chaque fois que je pense & ce chéque, c’est coinme si vous retourniez un couteau dans mon cceur ; vous avez dans votre poche une arme contre moi » (je lui avais remboursé le surplus et attendais de pouvoir faire 204 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE _ honorer le chéque). Mais il dut se rendre compte que chaque fois qu’il devait aller a la banque pour régler cette question, il en était empéché. Comme je Jui montrai la castration qu’il m’infligeait il s’étonna, mais remarqua également qu’il n’avait jamais été aussi puissant sexuellement que depuis son erreur. Cette distinction entre le meurtre du pére cedipien et la castration prégénitale est trés importante. Il semble, en effet que cette introjection doit précéder Paccession au plan oedipien qui prend une autre allure phénoménologique. La victoire sur le pére, son élimination en tant que rival sur un mode cedipien n’est pas superposable sa castration sadique, laquelle vise d’ailleurs Pobjet partiel ne devenant objet global que par extension. On ‘voit dans certaines analyses que la reviviscence du combat singulier cedipien et son interprétation n’éveillent aucune oppo- sition chez Panalysé, alors que si on lui montre Ja destruction sadique du pénis paternel, il manifeste la résistance la plus farouche. Tuer, oui, mais pas chatrer, posséder le pénis, oui, mais pas le détruire. Ces nuances sont importantes. Qu’on se trouve sur le plan prégénital est prouvé par ailleurs par le fait que Pintrojection sadique en question est obligatoire dans les deux sexes et éveille chez les femmes une culpa- bilité plus grande que chez les hommes. La castration du pére dans ce sens est toujours présente.derriére le tableau de Ja défense masochique quoique quelquefois tr’s camouflée. Nous y reviendrons. Dés mainte- nant nous nous rendons cependant compte que cette fagon de voir peut faire naftre des équivoques par ses incidences sur la doctrine psychanalytique en ce qui concerne les concepts tels que I’idipe inversé, Vhomosexualité, la mére phallique, Penvie de pénis, etc. Comme la place nous manque pour nous expliquer Ja-dessus, nous ne pouvons que signaler ici cet écueil apparent. Ce qui, par contre, nous semble indispensable, c’est de présenter ici quelques exemples cli- niques simples et brefs, choisis parmi les plus schématiques qui montrent Ja présence simulianée de la double défense masochique ainsi que la pulsion méme que cette défense est censée cacher. Voici un exemple quasi physiologique de la castration anale et les mécanismes de défense : Casimir est en traitement pour des troubles divers qui justifient Pétiquette + hypocondrie. Son principal syndrome est centré sur son anus, sur la région périnéale et ses fonctions de défécation. Il se plaint surtout d’une diarrhée, équivalente de la castration. Il réve qu'il a quelque chose de génant dans la gorge : « Jai le palais gonflé », et pense consulter. « Mais, naturellement pas de médecin dans ce bled » (mére frustratrice). ¢ Et cependant n’importe lequel pourrait me guérir » (en fait, il a introjecté le pénis et le « n’importe lequel > _ THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 205 signifie le mépris = castration anale). A une séance suivante il annonce qu’il a des difficultés d’évacuer ses selles. C'est la premiére fois depuis dix ans que a lui arrive. Comme association, il se rappelle un autre réve : sur un petit papier est écrite la conjugaison du verbe « ca ira mieux ». Oscar me montre sa misére : « C'est vous qui ne m’aidez pas », « ca me rappelle le livre « Le silence de la mer » (frustration par la mére). Puis : « Advienne que pourra, si le bon Dieu veut que je guérisse, ca va, sinon tant pis » (démons- tration de la castration devant le pére). Un réve : « Mon frere est une fusée- cométe. I] veut s’envoler mais je le retiens, je m’accroche & sa queue et il retombe » (le frére est de dix ans son ainé = substitut paternel). Castration du pére sur un inode anal. Benjamin réve : « Mon pére, vous et moi, Mon pére fait un lapsus qui montze qu'il veut me déposséder (jl s'agit @’une histoire de briquet). Nous sortons, vous n’étes plus ld. Nous entrons dans une pharmacie et parlons de vous. Mon pere me demande si je me fais bien comprendre par ) mon analyste: Je lui réponds que ce qui importe c’est que ! Panalyste se fasse bien comprendre et me plains de vous. Assoc, — La pharmacie. Elle est mal assortie et Je pharma- } cien lui-méme ne croit pas 4 la valeur de ses médicaments. C'est un charlatan. Coué prétendait guérir par Ia parole. est mon. pére qui me chatre frustration {par la mére castration de Vanalyste Et voici analyse d’un réve masochique des plus banals : Vincent réve qu’il voit dans la fenétre d’un hétel une jeune femme séduisante vétue d’une chemise de nuit arachnéenne. Il va 4 sa recherche mais se perd dans une succession de salles : Ja recherche est harassante, trés pénible. Dans sa recherche Vincent est aidé par des garcons de I’hétel, sympathiques, habillés en vert (allusion & mon nom) de petite taille. L’aide des garcons se révéle vaine, ils regardent Vincent avec compassion. La situation est claire, Vincent montre & son surmoi — Vanalyste — qu'il se considére comme chatré (ne peut pas obtenir le plaisir) et que c’est la femme (mére inaccessible) qui le frustre. Les relations cordiales avec les gargons (Wanalyste) cachent mal la castration qu'il leur inflige. L’analyste est gargon hotel, de petite taille et incapable de trouver le chemin de la mére (sur ‘un plan plus profond la femme représente également le pénis du pére). Otto arrive a Vanalyse, agressif, se plaignant de ne rien recevoir de moi, le traitement n’aboutissant & rien (reste chatré). De plus, dit-il, « il fait froid chez vous » (manque de chaleur maternelle). Il me raconte ensuite qu’il a vu dans un café le bras velu dun homme et a ressenti le désir de lembrasser. « Vous voyez bien que vous ne me guérissez pas. » Je lui montre qu'il me chatre et sa réporise est immédiate : « C'est vrai, j'ai bien pensé qu’embrasser c'est mordre, c'est couper » puis, sans transition : « Je suis un petit enfant... » « Cest ma mére qui me bat, » Véronique, 40 ans, vient en analyse pour différents troubles psycho-soma- tiques, mais le tableau est plutdt celui d’une riévrose d’échec. Les premiers mois de Fanalyse sont consacrés & exposé — en long et en large — d’un conflit permanent et aigu qui Poppose a sa mére. Les interprétations eedipiennes sont accueillies par elle sans résistance aucune et méme avec un plaisir évident. Jusqu’au jour oi le transfert positif fait naitre de Pangoisse ainsi qu’un symp- téme nouveau qu’est la dysménorrhée. Les régles deviennent douloureuses et dune durée anormale, Elle s’en plaint amérement ainsi que de V'injustice 206 REVUE FRANCAISE DE PSYCHANALYSE sociale dont est victime « la femme, cette éternelle blessée ». Dans une séance elle s’attaque aux prérogatifs des males et m’apporte un réve oi elle se voit en séance baignant dans son sang et souillant le divan. Les associations Paménent a parler d’un film de Menotti, Le Médium, et elle insiste sur le sort tragique de la « victime » cest-a-dire de la femme, héroine principale du drame. Or, dans le film c’est la ferme qui tue un jeune gargon, fait qu’elle a complétement scotomisé et elle est toute ébahie quand je le Ini montre, Secouée par cet « insight » fulgurant elle m’apporte’un matériel dont il ressort qu’elle attribue une signification phallique & la (vraie) victime (jeune gargon noir aux cheveux crépus, demi-nu et muet, partenaire de jeu d’une jeune fille, fille de Phéroine). De plus, elle réalise la signification agressive-anale de son réve et aussi pour- quoi sa dysménorrhée coincidait réguliérement avec une complication mensuelle du réglement de mes honoraires allant dans le sens de ma castration, le tout suivi par une émergence massive des souvenirs relatant ses velléités de castration du pére sur un mode sadique-anal, ainsi qu’un nombre de fantasmes analogues. Juliette, 28 ans, journaliste, soufire d'une névrose compliquée et atypique pour laquelle elle a déja été traitée par un autre analyste. L’analyse améne une amélioration lente mais trés nette, la malade multiplie cependant des actes @’auto-castration et manifeste beaucoup de difficultés a « sortir » son transfert positif. Il semble, en effet, qu’elle fait une « dichotomie du transfert » réservant ainsi le cOté « positif » de celui-ci & son analyste précédent, qu’elle accuse cependant systématiquement de Pavoir abandonnée. Nanti d'un. matériel gue je ne puis rapporter ici, je lui dis a brile-pourpoint qu’elle se plaint de Yautre analyste qui représente sa mére, ce qui lui permet de chétrer plus commodément son pére, c’est-a-dire moi. L’effet de cette intervention est dramatique : « Je vois vos yeux, c'est les yeux de mon pére, les yeux @’un vieillard et qui va moutir. Je suis indépendante et mon pére est vieux et impotent. » Puis en sanglotant : « A mesure qu'il descend, je monte ; comment pourrais-je vous aimer puisque je ne pense qu’a votre mort ? » Le lendemain elle vient a la séance en m’annongant : « Vous entrez dans mon analyse, j'ai révé de vous personnellement. » Le réve est trop long pour étre reproduit. Quant 4 sa remarque qui laccompagne, elle est erronée vu qu'elle a déja fait des réves analogues pour les oublier immédiatement ; quant a celui-ci, elle I'a intégré et son attitude transférentielle s’est montrée profon- dément modifiée par cet épisode. Léonore ne peut jouir qu’en faisant comprendre a son mari — a Papproche de Porgasme — qu'il doit se retirer pour la repénétrer quelques instants aprés. Le matériel important apporté par elle permet de comprendre les signifi- cations suivantes de ce geste 3° Frustration par le mari (substitut maternel) 5 2° Sa propre castration (« je n’ai pas de pénis »). L’analyse montra que, dans un premier temps, la malade opérait_ une incorporation anale du pénis, incorporation préalable qui permettait dans le second temps lorgasme sur un plan génital. Au bout d’un certain temps, son désir de castration de Panalyste, substitut paternel, a pu étre cependant analysé, grice 4 un matériel abondant et riche. Il se produisit alors une amélioration notable, puis une rechute, provoquée par une deuxiéme séance hebdomadaire qui Ini fut accordée, A la séance suivante, elle se mit & trembler. « Je vois un chien qui tire sur sa chaine pour aller vers gon maitre 3 il tremble deffort mais n’y arrive pas. Je suis le chien et vous étes le maitre. » Crest un fantasme typique d’auto-castration : enchainé, ligoté, images de Pimpuissance. De plus : symbole de dépendance absolue. THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 207 Bille continue : « Le chien veut lécher la main de son maitre. » Mor. — « Est-ce pour cela qu’il s’enchaine ? » Exe. — « Evidemment, il pourrait aussi la, mordre. » Puis continue : « Pai pu faire ce fantasme uniquement parce que vous étes frustrateur par défini- tion », et s’étend longuement sur une liaison qu’elle avait avec un homme qui n’a fait que de la frustrer : « Serait-ce & cause de cela que je suis restée avec lui quatre ans ? » Dans tout ce matériel apparaissent les éléments masochiques typiques : 1° L’auto-castration ; 2° La frustration par la mauvaise mére et identification a celle-ci ; 3° Le tout dissimulant la castration du pére VI Nous avons vu que le masochisme est une défense permettant au moi de mystifier son surmoi. Le but de cette défense est de masquer le désir de s’approprier le pénis paternel, autrement dit d’incorporer ce’ pénis sur un mode sadique. L’expression de la défense est double : 1° « Je ne veux pas chatrer mon pére, d’ailleurs je ne le pourrais pas puisque je suis chatré (c'est ma mere quime chatre) » ; 2° « Si je suis en conflit, cest avec ma mére (et non avec mon pére) ; le conflit est oral. > Cette défense peut d’ailleurs étre structurée différemment. Une de nos malades a voulu nous prouver : 1 « C’est vous qui me chatrez » ; . 2° « C’est vous qui chitrez mon mari (et pas moi) » ; 3° « Cest votre femme qui vous chatre (et pas moi). » La conduite du masochiste étant une tentative de déculpabilisation, nous comprenons le réle que joue la souffrance, artisan de cette déculpa- bilisation, dans la vie du masochiste. Pour le masochiste moral la souffrance n’est pas un sacrifice consenti afin d’accéder au plaisir, puisqw’il n’y accéde jamais. C’est encore moins une auto-punition pour les mémes raisons. Il considére cependant la souffrance comme une valeur, quelquefois la seule qu’il reconnaisse. (Il y a évidemment dans cette survalorisation de la douleur une reviviscence du plaisir qu'elle est censée refouler, représentant un retour du refoulé, en quelque sorte, sous le manteau du refoulant.) On peut dire que cette souffrance remplace le plaisir et une analyse approfondie montre qu'elle est le représentant du pénis introjecté exactement comme le fouet du masochiste-pervers. Ce n’est que le plan de Vintrojection qui est ‘dif- férent, ce fait changeant le caractére du plaisir obtenu. La souffrance annoblit, putifie. Celui qui souffre a droit & la véné- 208 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE ration, c’est un Juste. En effet, le plaisir étant assimilé a Ja castration du pére, souffrir, c’est-a-dire étre chatré au lieu de chatrer est une preuve d’innocence et met a l’abri des accusations du surmoi, tout en permettant lintrojection sur un plan. plus profond. (J'ai entendu deux femmes échanger des politesses, une disant 4 Vautre, tout en ayant Pair de lui décerner un dipléme : « Bien sir, je souffre mais qu’est-ce donc ma souffrance a cété de la vétre ! » Ce dipléme c’est Ja possession du pénis du pére. Ceux qui souffrent sont fiers de cette souffrance et on sait que les habitants des sanatoria méprisent les bien-portants. Un « fakir » disait : « Quand je souffre je n’ai peur de personne. ») Cette souffrance est utilisée, dosée, variée ou stabilisée, son intensité corres- pondant exactement a la grandeur de la crainte qu’il s’agit de neutraliser par cette technique. Dans V’analyse on observe souvent des malades qui se montrent chatrés jusqu’au bout, mais, pendant ce temps, ils gué- rissent clandestinement. Ils souffrent et imitent le chatré comme le mendiant qui exhibe sa pancarte « aveugle » et qui lit le journal a la maison. Je me souviens d’un jeune homme qui se chatrait. du matin au soir. J’ai analysé derriére ce comportement comment il réussissait ainsi & me castrer. Aucun changement ne se produisait apparemment. Quel ‘ne fut ‘pas mon étonnement quand, aprés m’avoir quitté, soi- disant ‘pour des raisons pécuniaires, j’appris que ce jeune homme inhibé, impuissant et vivant en parasite s’était mis 4 travailler avec succés et avait maintenant femme et enfant. Ceci nous fait comprendre également un. des aspects les plus importants du masochisme qu’est la projection. Nous observons, en effet, 4 chaque instant que le masochiste doit provoquer constamment Vobjet pour pouvoir projeter sur lui sa propre agressivité, se mettant constamment dans la position de la victime, selon Ja formule : « C’est toi qui me chatres » (= « ce nest pas moi qui suis agressif, mais toi »). Il ne Sagit donc pas dun « infléchissement de Pagressivité » sur le sujet comme I’a écrit Nacht (26), mais, au contraire, de sa projection sur Pobjet. Cette projection est typique pour le masochiste. Freud (15) mentionnait la possibilité de ranger un jour le masochisme sous la rubrique : paranoia. Odier (28) parle du masochiste « persécuté » et Bak (2) a défini la paranoia comme un « masochisme délirant ». Qu’est-ce que projette le masochiste et sur qui ? Nous avons vu que Ja pulsion & projeter était celle de la castration anale du pére. Quant a Vobjet qui recoit la charge de cette projection, c’est la mére, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons. C’est donc la mauvaise mére qui chatre le pére et détient-son pénis (conception Kleinienne de Vinterprétation THEORIE 'PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 209 prégénitale des rapports sexuels exposés par Lebovici et Diatkine (22), Je masochiste, pour obtenir ce pénis, devrait donc introjecter la mauvaise mere, donc *identifier 4 elle. Berliner (5) pense que Je masochiste, pour €tre aimé, cherche a réaliser cette identification et il précise que le type de masochiste qu’il étudie est le masochiste moral. Or, ce qui caractérise le masochiste moral c’est précisément le fait qu’il n’est pas capable de cette identification, car s°i/ I’était, il ne serait pas masochiste, mais sadique. Tout le comportement du masochiste moral se traduit par un effort désespéré et permanent ‘de prouver a-son surmoi, qu’au contraire, il est incapable de cette action et qu’il se garde bien de la tenter. Toute satisfaction étant liée 4 cette condition, Ja réaction du masochiste devant Je plaisir sera toujours la méme. Il projettera la composante agressive-sadique qui met en danger le pénis paternel et, en conséquence, lui-méme. Cette composante doit étre écartée en raison de Vangoisse insupportable qu’elle provoquerait. Tout se passe comme si devant le plaisir — le bon objet — le masochiste faisait jouer un déclic pour se trouver immédiatement en face du déplaisir — la mauvaise mére. Ex comme ses pulsions réclamant satisfaction, sont toujours présentes, il doit répéter sans cesse, jour ct nuit (comme ses réves le prouvent) le méme mouvement, afin de vivre & Pabri de Pangoisse. C’est le besoin de pour- suivre cette projection: d’une fagon permanente qui fait que le maso- chiste doit vivre dans a souffrance. Il ne s’agit pas dune simple inhi- bition, mais d'une démonstration (« voila comment elle me traite ») et le plaisir doit devenir automatiquement du déplaisir. Dans les analyses et les réves masochiques nous découvrons réguli¢rement derriére la souffrance, les désirs dont ces souffrances sont les négations, le processus étant strictement symétrique. La démonstration se fait par des argu- ments concrets et le négatif du succés ne peut’ étre que Péchec, celui du bonheur le malheur, dé la santé la maladie, de Pactivité la passi- vité, du triomphe Phumiliation et de Ja volonté de castration l’auto- castration, Un de mes malades eut une phrase qui résuma ce point de vue’: Je souffre du complexe du contrai Au sujet de la crainte de Pidentification 4 la. mauvaise mére nous pouvons citer Bergler (4). Cet auteur a décrit un type de mari maso- chique qui perd contenance et se trouve dans un désarroi et une angoisse terribles quand — en tant que réponse & sa provocation masochique que Bergler considére comme « pseudo-agressif » — sa femme se montre douloureusement touchée. L’observation de Bergler qui recoupe nos propres observations mais qu’il interpréte différemment, semble montrer que notre fagon de voir est juste, Le mari qui se trouve devant PSYCHANALYSE 4 210 REVUE FRANGAISE DE. PSYCHANALYSE cette situation se rend compte que — bien qu’ayant fait tout son pos~ sible pour prouver le contraire — son identification @ la mauvaise mére a fini par se réaliser, malgré lui pour ainsi dire. Tl sombre alors dans Pangoisse. Voici un cas un peu compliqué mais significatif & cet égard : il s’agit @un masochiste que sa femme trompe et_brutalise (mauvaise mére) : « Ma femme me trompe et m’engueule, mais ca me rassure », dit-il (« c’est elle 1a mauvaise mére, pas moi »). Puis il continue : « Je Tui demande 4 quel moment elle était avec son amant Ja derniére fois. Elle me répond : « Cet aprés-midi 4 5 h. 15. » Alors je suis trés excité, j'ai une érection et un coit trés satisfaisint. J'ai Pimpression que ma femme me livre Phomme en me disant cela (castration du pére par iden- tification & la mére, sous le couvert de Pauto-castration — il est trompé). «Je me sens supérieur a autre et suis sans angoisse. Mais si ma femme rouspéte, nie, discute et je dois me chamailler avec elle, la forcer (d’avouer) (identification 4 la mauvaise mére) alors j’ai des battements de coeur, ressens une angoisse et mon érection tombe. > Cette position apparemment homosexuelle a été analysée (grace & un abondant matériel transférentiel et que le manque de place m’em- péche de rapporter) comme une défense contre le désir de chatrer le pére sur un mode sadique-anal et a permis une accession on ne peut plus franche 4 ’Qdipe. Ce qui montre que les attitudes homosexuelles des masochistes sont également les projections du désir de castration du pére sur la mére. Oscar, un malade dont il était déja question plus haut, m’a apporté tout au début de son analyse un réve dans lequel pourchassé par un gros chien, il s*était réfugié dans le w.-c. Le chien debout sur ses pattes, regardait au-dessus de la porte du w.-c. ce que faisait le malade. Le chien avait mes yeux. J’ai interprété ce réve en son temps comme un réve de résistance. Ce n’est qu’ Ja fin de l’analyse, au bout de deux ‘ans et-demi, que le malade s’était rendu. compte que c’était lui qui chatrait le, pénis fécal de son pére et renversant la situation (aiuto- castration) a projeté son désir de castration sur moi en prétant au chien (lui-méme) mes yeux. La plus grande difficulté de son analyse consistait non seulement dans sa difficulté de sortir son agressivité, ce qui est classique, mais dans son incapacité totale de prendre la moindre initiative, toute activité ayant été pour lui un équivalent de Ja castration du pére. Il projetait tout ¢a sur une femme et’ avait un grand plaisir en voyant son pénis disparaitre dans la bouche de celle-ci (a laquelle, par ailleurs, il s*identifiait). « C’est elle qui a le pénis, c’est THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 211 elle qui a chatré mon pére, et non moi. » (Comme le pénis était en méme temps le sien cela équivalait 4 Pintrojection du pénis paterniel et a Pidentification au pére.) Cette identification 4 la femme nous raméne directement 4 l’ati- tude homosexuelle des masochistes. Comme une facgon de chatrer le pére se trouve étre la sodomisation de ce dernier, le mécanisme maso- chique correspondant sera nécessairement une position pseudo-homo- sexuelle passive, d’autant plus qu’elle permet en méme temps la réalisation de la castration. Et voici enfin le récit d’un réve d’une masochiste qui montre clairement Pintrojection sadique du pénis paternel par identification a la mauvaise mére : Je suis dans un champ, a l'autre bout du champ s¢ tient un hommé qui me tire dessus avec un fusil, Je suis touchée, mais ce n'est pas moi. C’est une femme en cire quoique vivante, un genre mannequin, quelque chose @horrible qui rappelle le musée Grévin. L’homme au fusil c’est mon pére. Impression que c’est la révolution ou la guerre. Bruit terrible ; de grosses pierres qui tombent ; les murs s’écroulent.avec fracas et poussitre. Les projec tiles paraissent venir surtout de P’église. Je n'ai pas peur (représentation de sa propre agressivité venant de Ja mére). Je suis avec deux chiens, dont un berger allemand (son pére et l’analyste). J’ai une poupée de chiffon & la main. Les chiens sautent un mur, moi aussi (identification au pére, introjection de son pénis). Assoc. — Je pense & Panalyse, c’est comme monter en avion ou aller en Amérique. Pourquoi pas le faire puisque c’est faisable ? Je deviendrai analyste moi-méme. Ga me donne un sentiment de puissance, Ce réve constituait Je passage vers une évolution cedipienne. VIL Ce qui transparait dans tout ce matériel, c’est le fait que Pintro- jection du pénis paternel étant réussic, le masochiste peut alors aboutir au plaisir, Ceci nous raméne au début de notre conférence od nous disions que le masochiste poursuivait son but en Patteignant ou non, selon les circonstances. Le but est la castration du pére, le masochiste, pour Patteindre sur le plan sadique anal devant réaliser une identification préalable & la mauvaise mére, le mécanisme masochique fonctionne comme un paravent pour cacher cette identification. Le surmoi est ainsi mystifié. ILy aura donc deux sortes de masochistes (avec toute la gamme des types mixtes pouvant s’intercaler entre les deux) : 1° Ceux qui continueront la manceuvre de diversion, défense contre Pangoisse sans jamais obtenir le plaisir.-Ce sont les « masochistes moraux »; 212 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE 2° Ceux qui, derriére la protection du mécanisme masochique, réali- seront Je but et aboutiront au plaisir, 8 Porgasme, ce sont les « masochistes-pervers » et, provisoirement, nous devons ranger dans cette catégorie tous ceux qui semblent acheter ainsi le plaisir par ce qui est considéré généralement et de fagon erronée comme une auto-punition. Qu’il s’agisse dune supercherie est démontré par le fait que dans les cas extrémes un acte purement symbolique suffit. J’ai connu une masochiste qui, chaque fois qu’elle s’agenouillait, avait un orgasme. Les modalités selon lesquelles le masochiste opérera pour obtenir le but recherché, sont trés diverses et la gamme qui s’étend de la souffrance authentique au geste symbolique -est fonction des variations de la rorce et faiblesse du moi, par rapport 4 Ja force ou faiblesse du surmoi. . Quant au masochiste moral, il poursuivra son chemin avec moins de chance mais avec d’autant plus de détermination. Rien ne le distraira de son but qui est également le plaisir. Il est certain, lui, qu'il Pobtiendra et plus il souffrira, plus sa récompense sera douce. Le temps n’existe pas pour Vinconscient, la mort non plus. Dans Panalyse méme le masochiste opére de la méme fagon avec la différence qu’il y apprend A intégrer son agressivité et & surmonter Pobstacle qui Jui barre le chemin. Il semble qu’il lui faille pour cela réaliser Videntification 4 la mauvaise mére & Pabri de sa projection sur Panalyste. Ceci fait, Pintrojection de pénis paternel — grdce & ’agres- sivité libérée et normalisée — se fera sur un mode non entaché de sadisme. I] s’agira d’une « introjection conservatrice » pour employer le terme de Bouvet (6) et dont Papport énergétique permettra le passage a PGidipe et & sa résolution. A Porigine du masochisme nous trouvons donc des perturbations de Pénergétique, perturbations qui, si elles ont, comme toujours, pris naissance a la période orale, ne sont vraiment devenues pathogénes qu’a la période anale, en raison d’obstacles s’opposant l’intégration de agressivité, si violemment sollicitée A ce stade (si Pétincelle se produit au rez-de-chaussée oral, la matiére inflammable spécifique " se trouve au premier étage). S'il s’agissait dun conflit oral proprement dit, nous aurions affaire a une affection spécifique de Voralité telle que Ja mélancolie, névroses et psychoses dépressives, toxicomanie, hystérie, etc. Ce point nécessi- terait encore un certain nombre d’éclaircissements mais qu'il ne me THEORIE PSYCHODYNAMIQUE DU MASOCHISME 213 parait pas possible d’apporter aujourd’hui ici. Grace au matériel clinique il nous semble suffisamment établi : 1° L’introjection du pénis paternel est indispensable pour amorcer une évolution eedipienne et ceci dans les deux sexes 5 2° Le trouble appelé masochisme traduit une perturbation de ce processus. Le masochiste est aux prises avec une question de dynamique et pour trouver Ia solution de son probléme, nous devons quitter le cadre libidinal et entrer résolument dans un cadre énergétique tout en réduisant le réle du facteur historique 4 un strict minimum. C’est ce que nous. avons tenté de faire, convaincu qu’une orientation nette dans cette direction repré- sente un progrés certain. CONCLUSIONS Négligeant une multitude daspects dont Je masochisme est si riche et qi ant été en partie émdiés aillenrs, naus avans tenté de dégager un mécanisme qu’on retrouve chaque fois dans le masochisme et qu’on peut considérer, & notre sens, comme spécifique de ce trouble : 1° Une défense du Moi ayant pour but de faire croire au Surmoi que le sujet renonce & la satisfaction pulsionnelle, cette dernitre étant lige & la castration du pére. Cette castration sera niée par la démonstra- tion de son contraire selon Ia formule : a) Crest moi qui suis chatré et non pas le pére ; 6) Mon confit m’oppose & la mére et non pas au pére ; 2° Cette position de défense est renforcée par la projection cons- tante du désir de castration du pére sur la mauvaise mére. Le masochiste fait en méme temps la démonstration de vouloir maintenir cette pro- jection manifestant. ainsi son refus d’identification avec la mauvaise mére 5 3° Derriére le rideau de ces mécanismes de défense le masochiste moral poursuit son but qui est la castration du pére sur un mode @introjection sadique-anale, mais démontre constamment son échec. Quant au masochiste-pervers, il réussit — grace au camouflage masochique — A mystifier son surmoi d’une facon plus compléte et plus franche, parvenant ainsi au plaisir génital. 214 REVUE FRANGAISE DE PSYCHANALYSE BIBLIOGRAPHIE (2) H. F, Amu, Fragments d'un journal iniime, Paris, 1922. (2) R. Bax, Masochism in Paranoia, The Psychanalytie Quarterly, 1946. (3) E. Bereter, The Basic Neurosis, New York, 1949. (4) Ip, Neurotic Helplessness in the « Masochistic Situation in Reverse », Psychiatric Quarterly, 1951. (5) B. Bertier, On Some Psychodynamic of Masochism, The Psychoana- Iytic Quarterly, 1947. (© M. 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