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Les Comentarios reales de Los Incas et la question du salut des infidèles

Author(s): Pierre DUVIOLS


Source: Caravelle (1988-) , 1994, No. 62, L'EXPRESSION DES IDENTITÉS AMÉRICAINES A
PARTIR DE 1492: LES "ÉCRANS DE L'HISTOIRE" 1992 (1994), pp. 69-80
Published by: Presses Universitaires du Midi

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C.M.H.L.B. CARAVELLE

n° 62, pp. 69-80, Toulouse, 1994

Les Comentarios reales de Los Incas


et la question du salut des infidèles.
PAR

Pierre DUVIOLS

Professeur Emèrite à l'Université de Provence

A Aurelio Mirò Que sad a S., fondateur des


études garcilassiennes modernes.

la mesure où le christianisme implique la condamnation


originelle de l'homme mais aussi la possible Rédemption de son
âme après la mort physique, il faut bien admettre que pour un
chrétien conscient et conséquent, la grande affaire ce n'est pas ce qui
concerne ce monde-ci, ce "bas monde", mais l'autre monde, l'au-de
L'important, c'est le sort posthume de l'âme, la perspective du salut, de
vie éternelle ou celle de la damnation. C'est donc une lapalissade de dir
que telle était l'incertaine et dramatique alternative présente, notammen
à l'esprit et au cœur des catholiques espagnols et ces Américains vraime
hispanisés dans cette époque de foi intense et farouche des I6eme e
17eme siècles. La théologie catholique ne posait pas la question du salut
éternel seulement pour les fidèles hic et nunc. Elle la soulevait dan
l'espace et dans le temps pour les non-chrétiens et les infidèles. Ainsi, l
théologie historique se demandait-elle si tous ceux qui avaient reçu avan
le christ avaient été privés de salut. Parmi tous ces infidèles, il y avait, bien
entendu, les Amérindiens donc les Incas. Comment un chrétien fervent
informé comme l'Inca Garcilaso de la Vega aurait-il pu rester insensible
indifférent au sort posthume et éternel de ses grands-parents maternel

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Nous allons voir qu'en effet, cette question


explicitement, dans les Comentarios reale
même qu'elle a déterminé pour une bo
structure idéologique de l'ouvrage et
informations historiques.
Pour qu'on s'en rende compte, il nous fau
la question du salut des infidèles surgie d
préoccupé et occupé les esprits au cours d
nommait tout simplement cuestión celebér
Avec la découverte et la conquête du Nouv
un intérêt renouvelé. C'est une question c
confuse, et la documentation en est disper
termes et les enjeux aussi simplement et br
retenant que ce qui intéresse directement not
Les infidèles, les païens, qui n'ont pas con
message chrétien, peuvent-ils êtres sauvé
éternelle, au Paradis ? La question se p
connaissance du Christ, de l'Incarnation et
leur est matériellement impossible, où ils n
ignorance. Cette ignorance est dite alors "
question ne concerne pas ceux qui, ayant
par les prédicateurs, l'ont refusée, ni ceux
prédication n'ont fait aucun effort pour
donc concernés par la question, d'une p
avaient vécu avant la découverte et l
l'évangélisation, et aussi tous les Amér
I' evangelisation espagnole, mais qui habita
Bonne Nouvelle n'avait pas encore pu pénét
A la question de savoir si la connaissance
dire la connaissance de la Trinité, de l'Inc
était nécessaire pour pouvoir prétendr
répondaient, globalement, de deux façons
diviser en deux groupes.
1) Ceux qui estimaient que la foi explicite
Christ était indispensable pour être sau
éternelle.

2) Ceux qui pensaient que des païens, des infidèles, des idolâtres, etc..
avaient pu et pouvaient être sauvés hors de la connaissance du Christ, au
moins sous certaines conditions.

De part et d'autre, comme il est naturel, c'est l'exégèse du Nouveau


Testament des textes des Pères de l'Église qui nourrissait la discussion. Les

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théologiens du premier groupe, que par commo


rigoristes, fondaient leur opinion sur cette phrase de
n'y a pas sous le ciel d'autre nom [que celui du Christ] d
par lequel il nous faille être sauvés" (Act. IV, 12). Ceux
qu'on appellera "laxistes", invoquaient volontiers [et c
peut-être à contresens], le passage suivant du De perita
que je traduis :

"si quelqu 'un élevé au fond des forêts, se conduit co


raison naturelle, s'il recherche le bien et s'efforce d'évit
tenir pour certain que Dieu lui révélera ce qu'il fau
révélation intérieure, ou bien qu'il lui enverra quelque
la foi, comme il avait envoyé Pierre à Corneille. "

Ces lignes exigent commentaire. "Si aliquis in silvis


texte. "Elevé dans les forêts", comme on aurait pu dir
désert, dans le désert des hommes", hors du commer
somme un "homme des bois", isolé, éloigné de tou
TÉvangile. C'est un cas limite, une hypothèse d'école,
Thomas dans ce passage qui prend la forme et le se
d'une parabole. L'exemple imagine un homme naturel
Y homme culturel, en l'occurrence l'homme évangélisé
Thomas pour que cet homme naturel puisse bénéficier
Nous voyons qu'il exige seulement une bonne c
l'aspiration au bien ainsi que la connaissance du ma
pratiquer. Il y a dans ce passage une autre condit
implicite. Il est sous-entendu que cet homme de natur
sans doute conçu l'existence d'un seul Dieu ; parce qu'i
tous les théologiens, après Saint Paul (Act. 17), que Di
besoin religieux et la recherche de la Divinité dans l'esp
de tous les hommes.

Saint Thomas dit aussi que ces conditions sont réun


sans nul doute à notre homme des bois ce qu'il faut c
vers le salut. "Ce qu'il faut croire", c'est la connaissan
Christ. Or, cette connaissance ne peut-être apportée à l
isolé dans ses bois, que par une révélation intérieur
quelque apparition, par l'intervention d'un ang
communication divine, dans un songe, etc.), soit
"prédicateur de la foi". Les deux cas relèvent de ce qu
appellent "un secours surnaturel". Évidemment, comm
écrivait avant la conquête de l'Amérique, le cas de l'en
prédicateur ne pouvait s'appliquer qu'à la réalité hi
Monde, où la foi chrétienne avait été déjà proclamée.

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éventuelle du message christique à ce s


décidée par Dieu, pouvait s'inscrire dans le
pouvait s'inscrire dans les données de l'histo
de l'homme des bois ne pouvait s'appliq
d'avant la conquête. Et pourtant, on ve
théologiens l'ont adapté au cas américain...
Enfin, il faut expliquer l'allusion finale de
"Comme Dieu envoya Pierre à Corneille". Elle
des apôtres (10,1 sq.), qu'il nous faut évoqu
cet épisode a joué un rôle significatif dans
Comentarios reales. Il y avait à Cesaree un
Corneille. Il était pieu et craignait Dieu, priait
aumônes au peuple juif. Un jour, il eut une
Dieu l'avait entendu et qu'il lui conseilla
certain Pierre qui habitait non loin de l
chercher Pierre et celui-ci accourut. Pie
trouvaient réunis chez Corneille de ce qu'a
Christ. Alors le Saint Esprit se répandit sur t
tous baptiser au nom de Jésus. Pierre dit a
Dieu ne fait pas exception de personnes, mais
craint et pratique la justice lui est agréable. "
II suffit de rapprocher le texte de saint T
se rendre compte que saint Thomas n'a fait
des bois le cas du centurion Corneille. Dans
un infidèle malgré lui, comme condition d
Dieu qu'il ne connaît pas encore, donc à un
bien. Ce sont là des conditions nécessaires m
aussi que Dieu lui-même intervienne par u
seulement grâce à la prédication qu'il po
l'incarnation et du message rédempteur et
lieu. Ainsi, dans les deux paraboles la foi e
indispensable, et donc, si notre comme
théologiens rigoristes que ces passages
apportent des arguments : hors de la foi poin
Le Concile de Trente devait ratifier la th
condamner les opinions laxistes, donc h
reconnaître la difficulté de la question et à
l'interprétation. Le célèbre jésuite José de A
indorum Salute ... (eh. Ili et IV du L.
véhémence la thèse rigoriste de la nécessité de
laxistes de considérer seulement la question
faisait remarquer qu'il ne s'agissait pas de s

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aux infidèles pour leur salut étaient justes, mais de sav


vraies. En somme, il s'agissait d'obtempérer à la loi de D
fût. Et en développant cette thèse, c'est au cas des a
qu'Acosta pensait en premier lieu.
Cependant, les laxistes furent nombreux en Espagne
Vives dans un commentaire à La Cité de Dieu que lu
Erasme avait envisagé la possibilité du salut pour les inf
qui avaient pu avoir seulement une connaissance na
avaient pratiqué la vertu. Andrés Vera Melchor Can
Soto dans un premier temps, ont professé qu'une
conforme à la loi naturelle, avec en plus la foi en Dieu
secours surnaturel étaient suffisants. La communicati
Christ n'était donc plus nécessaire. El Tostado (Alo
quant à lui, n'exigeait pas autre chose de l'infidèle q
commandements, le rejet de l'idolâtrie et la croyanc
rémunérateur qui récompense les bons et punit les méc
aussi rendre un culte à ce Dieu. Francisco de Vitoria éc
"celui qui n 'entend pas parler de foi peut-être en la grâce
grâce suffit au salut". Mais, se ravisant il affirmait
justification pouvait être obtenue par la seule connaissance
foi explicite en Jésus-Christ, mais non pas la vie étern
passage que, pour les théologiens, la "justification" est
Dieu accorde sa grâce à l'homme pécheur et le ren
éternelle, sans pour autant la lui accorder. Il s'agit donc
mesure préalable. Enfin, au Pérou, le Dominicain Fr
soutenait qu'il suffisait aux infidèles, pour obtenir le salut
avait un seul Dieu qui récompense les bons et punit les m
Pour résumer, nous dirons donc que les thèses laxist
dans leur ensemble, ne demandent pas la foi explicite d
qu'elles posent les conditions suivantes au salut des infi
et exigent d'eux, selon les auteurs :

1) La foi en un seul Dieu, encore inconnu, et qui


créateur universel ; éventuellement le culte de ce Dieu
Tostado]. 2) La croyance en une rémunération posthum
du bien. Quelques auteurs demandent aussi : 4) le rejet
de l'idolâtrie ; ou encore 5) du "secours surnaturel ", m
pas obligatoirement la communication du message chré
seulement d'apparition, de vision, d'intervention
révélation...

Il convient de garder à l'esprit cette série de condit


abordant l'examen des Comentarios reales de los In

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consacre aux infidèles du Tahuantinsuyu. N


passe comme si Tinca avait voulu d'abord q
du Pérou eussent rempli toutes les condit
thèses laxistes (à l'exception d'une : le cult
en effet que les conditions requises,
correspondent aux lignes de force et thèmes
Son architecture idéologique est provide
que la Providence, c'est-à-dire Dieu, le Die
comme instruments d'une "préparation
début du livre, Garcilaso déclare que les ro
et les cœurs des Péruviens pour élever
religieuse et dans la pratique de la vertu afin
plus tard la foi du Christ, et c'est ce qu'il s'ap
tout au long de l'ouvrage.
1) Le Dieu unique et créateur, les Incas des
et ils en ont découvert l'existence par le ra
c'est-à-dire la raison naturelle, chère à sai
nécessité d'une première cause, d'un pr
contemplation des mouvements célestes. C
selon Garcilaso c'est Pachacamac "celui qui
l'univers, celui qui a créé le ciel et la
considéraient comme le "Dieu inconnu"
précise qu'il s'agit bien du même Dieu inco
saint Paul aux Athéniens (cf. Act 17), et à l'in
clairement ce Pachacamac au Dieu chrétien. Mais évidemment cette
identification, cette équation, les Péruviens mis en scène dans les
Comentarios ne pouvaient pas la connaître.
2) Conséquemment à leur croyance en un seul Dieu, les rois Incas ont
lutté contre le polythéisme de leurs sujets. Ils ont seulement toléré le culte
du soleil, voire exploité cette monolatrie uniquement pour mieux extirper
les croyances et rites idolâtriques inférieurs.
3) Les Péruviens des Comentarios avaient imaginé la résurrection
universelle seulement pour ce bas monde. Mais ils avaient cru à la vie
éternelle de l'âme et à la rémunération. Pour eux, les bons devaient aller
dans une sorte de paradis (Hanan Pacha) où les attendaient "la quietud del
ánima sin cuidados", et les méchants devaient aller dans le monde inférieur
(Ucu Pacha), une sorte d'enfer "lleno de todas las enfermedades y dolores,
pesadumbres y trabajos que acá se padecen sin descanso ni contento alguno "
di vu p. /;.
4) Les rois Incas ont lutté contre le mal, notamment contre les
sacrifices humains, l'anthropophagie, la sodomie, la bestialité. Ils ont

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pratiqué et défendu la vertu (à la seule exception de


royale). On appelait Tinca "celui qui aime les pauvre
remarque que "si l'on connaissait toutes les œuvres de m
Péruviens d'avant la Conquête, on serait étonné".
5) Deux souverains des Comentarios ont bénéficié
surnaturel". L'Inca Viracocha vit en songe un fantôm
Barthélémy) qui lui annonça ce qu'il devait faire pour sa
menacé par l'ennemi Chanca. Et surtout, Huayna Capac l
fut informé par le Dieu Pachacamac donc par Die
viendraient des étrangers qui apporteraient une religion b
qu'il ne faudrait pas les combattre. Huayna Capac avait d
venue de l'Évangile au Pérou ainsi que sa prédication (IX,
Le cas de Huayna Capac mérite qu'on s'y arrête. C'est l
qui avait régné sans partage sur le Tawantinsuyu et
Garcilaso était, par sa mère, son neveu. Il est donc logique
réservé à l'oncle un traitement privilégié. Le Hua
Comentarios brille par ses qualités morales, par sa m
générosité et sa clémence. On reconnaît là les vertus idé
selon l'éthique politique de la Renaissance. Le nom "Capac
comme "rico de bienes de fortuna, sino de excelencia y gr
(VIII-VII). Cet Inca fut aussi, institutionnellement mais aussi
personnellement au plus haut point, hucchac cuyac, que Garcilaso traduit
par "amador des pobres". Ces termes capac et huacchacuyac sont ici
détournés de leur écologie sémantique d'origine et leur sens est modifié
selon la perspective que nous nous efforçons de mettre en lumière. Enfin
Huayna Cápac excella aussi dans les choses de l'esprit ; philosophe
(comme l'avaient été en Grèce Platon ou Aristote !), il sut déduire du
spectacle de la nature la nécessité de l'existence d'un Dieu unique, créateur
et universel ainsi que l'inéluctable subordination du soleil à ce Dieu.
Certes, le premier Inca, Manco Capac, était déjà parvenu à distinguer le
Premier insteur, la Première cause, sous le nom de Pachacamac, mais sut
formuler cet exemplum du soleil (IX, X) et quand les indiens rapportaient
cet épisode aux Espagnols, ceux-ci ajoutaient, pleins d'admiration "que si
[Huayna Capac] "alcanzara a o ir la doctrina cristiana, recibiese con mucha
facilidad ingenio" {ibid ). Voici donc un personnage respectueux et
exemplaire, qui découvre Dieu par la raison, qui aime les humbles ; fait
donc preuve de chanté, qui apparemment a la foi en Dieu -bien qu'il en
ignore le contenu, et qui même annonce cette fois en véritable prophète
de Dieu. Les laxistes n'en demandaient pas tant pour ouvrir les portes du
paradis !

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La parabole du Cuzquérien
Cependant, il est un passage des Comen
toujours passé inaperçu, à ma connaissance qu
Garcilaso raconte que lorsque les Espagnols e
fois à Cuzco et mirent la ville à sac, l'un d'e
Trujillo, entra chez un Cuzquénien. Celui-ci
qu'il attendait depuis longtemps cet instan
souhaité connaître le vrai Dieu ; que Pachacam
lui avait promis qu'il ne mourrait pas avant
enseigneraient la vrai religion. Tout cela, Al
jours chez son hôte, le comprit après qu'il eu
apprit aussi que l'Indien était un homme p
naturelle "contento con su vida natural", qu'i
personne. Alors, l'Espagnol lui enseigna les pr
Après cela, il fit venir un prêtre, qui le bapt
Chrétien, et content, quelques jours plus tard
Voici donc, ramassés à nouveau dans ce réci
qui nous ont occupé jusqu'à présent. Cet Ind
la foi adorait un seul Dieu créateur, Pachaca
ses attributs, ses fonctions et ses exigences.
un Dieu inconnu dont Pachacamac n'était que
le bien et évitait le mal. Dieu l'avait visité et
surnaturel. Ce secours surnaturel avait eu p
connaissance explicite du christianisme et fin
L'ossature du récit, l'enchaînement des évén
et religieux de l'Indien, la contemporanéité d
l'évidence que Garcilaso a transposé au Pérou
Corneille. Dans les deux cas, il s'agit au fond
opéré cette transposition sans en signaler l'or
symbolisme, mais son message implicite deva
lecteur de son époque un peu frotté de théol
les infidèles, tous les païens étaient dignes de
qu'ils fussent préalablement instruits dans cet
que Dieu avait voulu attendre la venue d
permettre à un Indien de mériter le Ciel. Gar
rigoriste qui exigeait la foi explicite pour le salu
défendue par le Concile Trente.
Il semblerait donc à première vue que
parabole du Cuzquénien entre en contradicti
série d'éléments et d'arguments que n
Comentarios. Pourtant, je ne crois pas qu'il en s

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Pour traiter cette grave question, Garsilaso a adopt


gradualiste qui s'insère dans le système général gr
exactement, mutationniste qu'il a choisi pour traiter
Incas. En cela, il ne faisait que se conformer à l'orthod
lignes suivantes paraissent s'adapter parfaitement au p
Comentarios :

"Dieu a parlé aux hommes, mais il ne se fait pas connaître à


chacun d'eux, et il n'a pas livré dès l'origine, en une seule fois et au
complet, les mystères de son essence infinie et les secrets de sa
miséricorde. Au cours des âges, degré par degré, la lumière Divine
grandit, sans cesse multipliant ses rayons jusqu'au plein jour de la
révélation du fils. De plus, la collaboration de l'homme est admira-
blement associée à l'initiative de Dieu. Avant l'incarnation, les
vérités révélées à l'humanité naissante se transmettent par l'enseig-
nement familial ; si elles menacent de s'obscurcir, des âmes d'élite
reçoivent du ciel l'illumination nécessaire et ses connaissances
nouvelles ; enfin, c'est un peuple tout entier, c'est Israël, qui
devient le prédicateur de Dieu au milieu des nations infidèles" (... ).

On pourrait transposer la dernière phrase au cas du Tahuantinsuyu


selon les Comentarios et dire : "Enfin, c'est un peuple tout entier, c'est le
Pérou des traces, qui devient le prédicateur de Dieu au milieu des nations
infidèles" et, ce faisant, on formulerait seulement un constat. Ce plan pro-
videntiel dont la réalisation est dévolue au peuple élu du Tahuantinsuyu
sous la houlette des souverains Incas, véritables "pasteurs de brebis",
Garcilaso l'avait annoncé au début de l'ouvrage en ces termes sans
équivoque :

"Viviendo o muriendo aquellas gentes de la manera que hemos


visto, permitió Dios Nuestro Señor que dellos mismos saliesse un lucero
del alva que en aquellos escurrissimas tinieblas les diesse alguna noticia
de la ley natural y de la urbanidad y respetos que los hombres devían
tenerse unos a otros, y que los descendientes de aquel, procediendo de
bien en mejor, cultivassen aquellas fieras y las convirtiesen en hombres,
haziendoles capaces de razón y de cualquiera buena Doctrina, para
que cuando ese mismo Dios, sol de justicia, tu viese por bien de embiar
la luz de sus divinos rayos a aquellos idólatras, las hallase, no tan
salvajes, sino más dóciles para recibir la fe católica y la enseñanca y
doctrina se nuestra sancta Madre Iglesia Romana, como después acá lo
han recibido, según se verá lo uno y lo otro en el discurso desta
historia..." (I, XV).

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II est donc clair que la grande césure de


Comentarios, la mutation capitale, c'est
Quant aux chances rétrospectives de ses
Garcilaso les a pesées, inventoriées, étalées p
la stricte orthodoxie de son temps. La par
sans doute que la loi explicite et le baptême
salut. Elles contiennent aussi une autre leço
Péruvien du Tahuantinsuyu dont le lecteur
blablement sauvé, est un homme du peupl
simples (et les "simples d'esprit") -auxqu
ouvert- face aux grands, aux rois philosoph
parce que Dieu l'a ainsi voulu. Il symbolise
à la foi rationnelle.

Il n'en reste pas moins qu'une certaine o


posthume des infidèles d'avant l'Evangile, a
qui sont eux-mêmes, instruments de la Pr
s'est- il efforcé de les représenter de manière
chance au tribunal des théologiens, qui n'es
Au cours de son long séjour à Mondil
relations suivies avec des prêtres et des re
discuter de graves questions. Dans sa je
l'occasion de baptiser lui-même des Indiens.
son ouvrage à la Vierge Marie. Il condamn
atrocités de la Conquête, où il voyait l'œuv
cette même conquête en bloc, et même il l
apporté avec elle l'Évangile, c'est-à-dire la
infidèles du Pérou. Tous ces facteurs ou é
au cours de cette brève étude, ont convergé
culturelle des anciens Péruviens, tel que le
réalisé.

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Appendice
Conversión de un indio que pidió la verdadera ley de los hombres.
Este día, que fue el primero que los cristianos vieron aquella imperial
ciudad del Cozco, acaeció un caso maravilloso entre un español y un indio ; y
fue que un hijodalgo natural de Truxillo, llamado Alonso Ruiz, andando
saqueando la ciudad, como todos los demás, acertó a entrar en una casa, y el
dueño della salió a recebirle, y, con semblante pacífico, le habló en su lengua, y
dixo : "Seas muy bienvenido, que muchos días ha que te espero, que el
Pachacámac me ha prometido por sueños y agüeros que yo no moriría hasta
que viniesse una gente nueva, la cual me enseñaría la verdadera ley que hemos
de tener, porque toda mi vida he vivido con desseo della en mi coraçón ; tengo
por muy cierto que deves de ser tú el que me la has de enseñar". El español,
aunque por entonces no entendió lo que el indio le dixo, todavía entendió las
primeras dos palabras, que ya tenía alguna noticia de las más ordinarias que
se hablavan. Y el lenguaje indio, en solas dos, comprehende las cuatro del
castellano, que dizen seas muy bien venido. Pues como las entendiesse y viesse
el contendo y alegria que el indio mostrava de verle en tiempo y ocasión más de
tristeza que de plazer, sospechó que quería algo del ; y para saberlo tuvo por
bien de quedarse con el indio, el cual procuró regalarle lo mejor que pudo. Al
cabo de dos o tres días, que la gente (assi fieles como infieles) estava más
sossegada del saco passado, salió Alonso Ruiz a buscar a Felipe faraute, y con él
bolvió a hablar a su huésped, y, haviendo entendido bien lo que al principio le
havía dicho, le hizo preguntas y repreguntas acerca de su vida y costumbres.
Por las respuestas entendió que havía sido Un hombre pacífico, contento con su
vida natural, sin haver hecho males ni agravios a nadie, desseoso de saber la
verdadera ley de los hombres, porque dixo que la suya no le dava la satisfación
que su ánimo le pedía. Con este procuró el español, lo mejor que pudo,
enseñarle los principios de nuestra santa fe católica, que creyesse en un
verdadero Dios trino y uno ; y porque al lenguaje de los indios, como atrás
hemos dicho, lefaltavan todos estos vocablos, y aun el verbo creer, le dezía que
tuviesse en su coraçón lo que tenían los cristianos, que era lo que la Sancta
Madre Iglesia Romana tiene. Haviendo le dicho esto muchas vezes, y
respondiendo siempre el indio que sí, llamó a un sacerdote ; el cual, haviendo
sabido todo el sucesso y que el indio quería ser cristiano, como lo dezía muchas
vezes, lo bautizó con mucho contento de todos tres, del ministro y del
bautizado y de Alonso Ruiz, que fue el padrino. El indio murió dende a pocos
días, muy contento de morir cristiano.
(HISTORIA GENERAL DLL PERÚ, II, VIII)

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Bibliographie
Sur la question abordée ici, voir la remarquable étude (injustement
oubliée), en deux volumes, de Louis Capéran, le problème du salut des
infidèles (I Essais historique, II Essai ihéologique), Beauchesne, Paris 1912.
Pour l'Amérique on peut glaner quelques renseignements utiles dans
Teófilo Urdanoz, D. P "La necesidad de la fe explicita para salvarse",
Ciencia Tomista, Madrid 1940 et dans les notes savantes de V. Abril, C.
Baciero, A. Garcia, D. Ramos, S. Barrientos y F. Maseda dans José de
Acosta, De procuranda indorum, salute, Corpus Hispanorum de Pace, C.S.
I.C, t. II, Madrid 1984.
On a utilisé : Inca Garcilaso de la Vega, Comentarios reales se Los Incas,
Ed. A. Rosemblat, Buenos Aires 1943 (2 vols) et Historia general del Perú
(2eme Partie des Comentarios), même édition, Buenos Aires 1944 (3 vols).
Sur Tinca et son œuvre, la synthèse indispensable reste, à mon avis, Inca
Garcilaso y otras estudios Gracilacitas, Cultura Hispánica, Madrid 1971, de
Aurelio Miro Quesada S., auquel j'ajouterai les 47 pages de "L'historien
Garcilaso" de Marcel Bataillon, dans Inca Garcilaso de la Vega,
Commentaires royaux sur le Pérou des Incas, t. I, F. M/ La Découverte, Paris
1982. Parmi les tous derniers travaux, je crois devoir signaler l'excellente
étude de Claire et Jean Marie Pailler, "Une Amérique vraiment latine:
pour une lecture "Dumézilienne de Tinca Garcilaso de la Vega", Annales
E.S.C, I, Paris 1992 (même si la tripartition dumézilienne n'y prend
qu'un sens métaphorique). Sur la question de la religion des Incas selon
les Comentarios, je rappellerai : Pierre Duviols "sur le système religieux des
Comentarios reales de Los Incas", Annales à la Faculté des Lettres dAix, t.
XXXVII, Aix 1963 et "L'Inca Garcilaso de la Vega, interprète humaniste
de la religion incaïque", Diogene 47, Paris 1964. Un autre article, "El
mundo religioso del Inca Garcilaso" doit paraître à Madrid dans Los
mundos del Inca Garcilaso.

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