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LA REVELATION D’ETIENNE OU LINVENTION DES RELIQUES D’ETIENNE. LE SAINT PREMIER MARTYR (SINAITICUS GRAECUS 493) par Francois BOVON & Bertrand BOUVIER Dans leur édition des Actes de Jean, Eric Junod ct Jean-Daniel Kaestli ont montré lenir intérét pour la tradition manuscrite de la littérature chrétienne dexpression grecque'. Ils ont aussi prouvé leur compétence cn la matiére. Crest a Pédirion du plus ancien témoin grec de la Révélation d'Ecienne appelée aussi Invention des reliques (BHG 1648x) que nous consacrons cette contribution 4 'ouvrage destiné A les honorer. Nous Ic faisons d’autant plus volonciers qu'une longue amitié nous lie & eux, amitié qui va de pair avec notre admiration pour leur jugement et leur érudition. Le succés du culte d’Etienne, le premier martyr chrétien, ainsi que la proli- fération de la littérature relative a son martyre, ala découverte de ses reliques eta leurs diverses translations interdisent toute simplification’, Il est permis cepen- dant de distinguer trois récits qui tantot restérent indépendants, tant6t fusion- nérent: un récit de martyre intégrant le récit des Actes canoniques des apétres, une révélation des reliques d’Etienne au prétre Lucien de Kaper Gamala’ ' B.JUNOD -J.-D. KAESTLI, Acta Johannis ( Corpus Christianorum Series Apocryphorum 1-2), 2vol., Tumhout, Drepols, 1983. * Voir M.-]. LAGRANGE, Saine Erienne et son sanctuatre 4 Jerusalem, Paris, Picard, 1894, qui, aux p. 43-52. donne une traduction francaise de la Révélation d'Etienne au prétre Lucien, d’aprés Tune des recensions latines, F. BOVON, « The Dossier on Stephen the First Martyr», Harvard Theo- logical Review 96 (2003), p. 279-315. > “Lane les manuscrits grecs que les auteurs modernes hésitent sur 'orthographe du moc Kaper qui signitie « village » en araméen et en syriaque. Nous suivons ici lorthographe de notre manu- scrit, mais faisons remarquer que les savants parlenele plus souvent de Caphar. 80 POUSSIERES DE CHRISTIANISME £T DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5 et un récit de translation des reliques du premier martyr de Jérusalem 4 Constantinople*. Ala différence de la littérature canonique dont la forme a tendance se figer et au contraire de la lietérature apocryphe dont l’orthodoxie cherche & éliminer la trace, la littérature que nous appelons profitable ou utile 3 l’ame prolifére sans jamais prendre une forme debnitives, Tlexiste neuf recensions du Martyre d‘Etienne, deux formes au moins de la Révélation et diverses recensions de la Translation des reliques®. La fluidité de cette littérature est du reste telle que le classement des témoins demeure aléatoire et que le contact direct avec les manuscrits force parfois 4 opérer des rectifications. La Kévélation que l'on lit dans ! Angelicus graecus 108, f. 112"- 117", appar- tient 4 la forme BHG 1648y et non pas, comme nous l’avions cru, & la forme BHG 1648x. Un autre phénoméne s’ajoute 4 cette instabilité, la tendance des textes relatifs 4 un méme personnage, apétre, martyr ou saint, 4 s'agglutiner. Athanasios Papadopoulos-Kerameus a ainsi édité, 4 partir d'un manuscrit du monastére de Saine-Sabbas, une histoire continue qui aligne sans transition l’histoire du martyre, la découverte et enfin la translation des reliques de saint Etienne (BHG 1649)’. Quant au deuxiéme texte relatif 4 Etienne conservé dans le Parisinus graecus 1179, f. 109-119", il nc constitue pas, 4 notre avis, une troisiéme forme de la Révélation (BHG 16482), mais il représente un témoin de plus de l’addition de la Révélation ct de la Translation (BHG 1649)*, Comme I’a reconnu Bernard * Voir F, BOVON, «Beyond the Book of Acts: Stephen, the First Christian Marryr in Tra- ditions Outside the New Testament Canon of Scripture», Perspectives in Religious Studies 32 (2005), p. 93-107. Nous avons publié lune des formes inédites du marcyre (BUG 1649¢): FE. BOVON ~ B, BOUVIER, «Etienne le premier martyr: du livre canonique au récit apocryphe», dans Die Apostelgeschichte und die hellenistische Geschichesschreibung. Festschrift E. Plimacher (Ancient Judaism and Early Christianity 37), éd. C. BREYTENBACH — J. SCHROTER avec la colla- boration de D. DU Tarr, Leiden, Brill, 2004, p, 309-331 * Voir F. BOVON, «Sacred Texts and Canonicity : Christianity », in Religions of che Anciene World: A Guide, éd. S. 1. JOHNSTON, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2004, p. 637- 639. * Voir F. HALKIN, Bibliotheca hagiographica Graeca, 3 éd. (Subsidia hagiographica 8a), Bruxelles, Sociéeé des Bollandistes, 1957, p. 247-253 (BHG 1648-1665); F. HALKIN, Novum Auctarium Bibliothecae hagiographicae Graecae (Subsidia hagiographica 63), Bruxelles, Société des Bollandistes, 1984, p. 193-195 (BHG 1648-1669). 7 A PAPADOPQULOS-KFRAMELS, Tepocohupitixt BiBdtoBi}Kn firor kataéhoyos TeV Ev TOC PiBhoBijKars tod Gyiov GrroctohiKos SpBodédEou TarpiapysKod Opdvou vv ‘lepocohipov kai mdong Makatotivng crroxeipéveoy EnvikGv KOBikev, 5 vols., Saint-Pétersbourg, 1891- 1915, vol. 2, p. 29-53. * La présentation faite par F. HALKIN, Manuscries grecs de Paris, Invencaire hagiographique (Subsidia hagiographica 44), Bruxelles, Société des Bollandistes, 1968, p. 129 (BHG 16482), et Novum Auctarium Bibliothecae hagiographicae graecae, p. 193 (BHG 16482) ne nous semble pas sativfaisaute. F. BOVON ~ B. BOUVIER, INVENTION DES RELIQUES D'ETIENNE 81 Cerquiglini’, l’instabilité est constitutive des littéracures hagiographique et non-canonique. Loin de le regretter, les savants modcrnes doivent le constater et méme se réjouir de ce que chaque manuscrit représente une pice unique, résultat d’une performance particuliére. Nous allons nous concentrer ici sur le récit de la Révélation des reliques de saint Etienne. Mais avant d’en venir au plus ancien témoin grec de ce récit, nous tenons 4 dire un mot de la genése du texte". La découverte se situe en 415 en une période oui le culte des saints fleurit et importance des reliques s'imposc. Si ce fut le prétre Lucien du village de Kaper Gamala non loin de Jérusalem qui bénéficia de la révélation, ce fut ’évéque de Jérusalem, Jean II (387-417), qui cn profita."' Elle permit 4 ce dernier de détourner Pattention de ceux qui le critiquaient de son manque d’enthousiasme 4 condamner Pélage, malgré la pression qu’ Augustin d’Hippone exergait sur lui par l’intermédiaire d’une délégation dont faisaient partie Paul Orose et Avitus de Braga. Elle lui offrit surtout d’inestimables et indispensables reliques d’Etienne qu’il fit déposer dans la nouvelle église de Sion a Jérusalem (quelques annécs plus tard, clles furent déplacées dans la nouvelle basilique construite en ’honneur du premier martyr par limpératrice Eudocie, épouse de Théodose II)!”. Précisons qu’unc menuc portion de ces reliques demeura entre les mains du prétre de Kaper Gamala, lequel la remit en tout ou partie 4 Avitus. Accompagnée du récit de invention, cette part gagna l'Occident au retour de la délégation envoyée par Augustin. Le succés de ces reliques et l'effet du récit de leur découverte furent immédiatement fulgurants."* La question de la forme primitive du récit ainsi que celle de sa langue dorigine ont été débattues aprement.* Il existe en effet un trés ancien ° B. CERQUIGLINI, Eloge de li variance. Histvire critique de la philologic (Travaux), Paris, Seuil, 1989. © Voir Ace sujer H. LECLFRCQ, art. «Etienne (Martyre et sépulture de saint) ». Dictionnaire darchéologie chrétienne et de liturgie5, 1, col. 632-647 ; F.-M. ABEL, art. «Etienne (Saint) », Dic Gionnaire de la Bible. Supplémene2, col. 1134-11395 P. PEETERS, Le eréfonds oriental de 'hagio- graphie byzantine ( Subsidia hagiographica 26), Bruxelles, Société des Dullandistes, 1950, p. 53-58. ‘Sur ce personnage, voir M. VAN ESBROECK, « Jean II de Jérusalem et les cultes de s. Etienne, dela Sainte-Sion et de la Croix», Analecta Bollandiana 102 (1984), p. 99-127. ” Voir P, PEETERS, «Le sanciuaite de la lapidation de s. Etienne», Analceta Bollandiana 27 (1908), p. 359-368; E. Clark, «Claims on the Bones of Saint Stephen: The Partisans of Melania and Eudocia», Church History 51 (1982) 141-156. lly eut au début du xx° siécle une vive controverse surle lieu du martyre et les églises de Jérusalem qui auraicnt commémoré l’événement et préservé des reliques; voir F. BOVON, arr. cit. ns 2), p-313-315. “Voir H. DELEHAYE, Les oriyiues du cule des martyts, 2° éd, (Subidia hagiographica 20), Bruxelles, Société des Bollandistes, 1933, p. 80, 122-124, 131, 143, 279, 299, 311, 314, 325-326, 342-343, 350, 353, 371, 389, 400-401. * Voir en particulier F. NAU, « Notes sur les mots MOAITIKOE et OMTEYOMENO®.et stir pli sicurs textes grecs relatifs’ saint Etienne», Revue de /'Orient chrétien, 2 série, 1 (1906), p. 198-216. 82 POUSSIERES DE CHRIS LIANISME ET DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5) témoin du texte syriaque et l'une des deux formes du latin (la recension A) parait, aux yeux de beaucoup, la plus ancienne.’* A notre connaissance, seule ’autre forme (la recension B) est attestée en grec et dans les langues orientales. II n’est pas certain qu’elle soit secondaire. De fait, comme I’a écrit le P. Peeters,'® la question de la langue originale — et l’on pourrait ajouter celle de la forme primitive — ne doit pas étre réglée dans l’abstrait. La langue maternelle du prétre de Kaper Gamala devait étre une langue sémitique, mais il a dit raconter et expliquer ses visions en grec a Avitus, ce Latin qui servait d’interpréte a Paul Orose. Avitus, on le sait, suggéra & Lucien de mettre par écrit les révélations recues avant de lui proposer de les traduire immédiatement en latin. Les langues grecque, syriaque et latine peuvent donc toutes trois prétendre étre en ce cas originales et véhiculer la forme la plus ancienne du récit, existe deux formes grecques de la Révelacion au prétre Lucien de Kaper Gamala. Ta premiere que nous présentons ici est demeurée inédite malgré Pancienneté et la valeur de son plus importane témoin, le Sinaiticus giaccus 493. Elle porte le sigle BAG 1648x dans la Bibliotheca hagiographica Gravca. La seconde, BHG 1648y, a &€ publige par le P. Nicola Franco dans une édition critiquée par Hippolyte Delehaye.'” Comme nous avons vu, il n’en existe probablement pas de troisiéime."* Le récit est néanmoins accessible aussi ailleurs, & savoir dans la large composition ultérieure BAG 1649 qui copie bout a bout en les adaptant les trois récits relatifs a Etienne. Crest donc le témoin grec le plus ancien de la premiére recension — s'il faut encore utiliser ce terme — que nous offrons en hommage & nos amis Junod et Kaestli. Albert Ehrhard” a décrit le Sinaiticus graecus 493 en s’appuyant sur le catalogue de V. Gardthausen et des informations de 'S Pour le syriaque, voir larticle de F. NAU signalé & la note précédente et notre « The Dossier on Stephen», arc, cit. (supra, n. 2), p. 305-306; pour le latin, voir E. VANDERLINDEN, « Reve/acio sancti Stephani (BHL 785-6)», Revue des études byzantines 4 (1940), p. 178-217, et notre « The Dossier on Stephen », art. cit. (supra, n. 2), p. 302-305. Il existe un fragment christo-palestinien de la Révélacion ainsi qu'une version complete en arménien ct en géorgien. Les documents relatifs Etienne en copte attestent une connaissance du récit de Vinvenrion des reliques. 1'éthiopien intagre le récit de la Révélacion dans une plus vaste ensemble ; sur ces versions, voir notre « The Dossict on Stephen », act. cit. (supra, n. 2), p.305-311. "© P. PEETERS, op. cit. (supra, n. 10),p.55. "” N, FRANCO, «L’Apocalisse del prete Luciano di Kaphar Gamala e la versione di Avito», Roma c FOricnec 8 (1914), p. 291-307; H. DELEMAYE, « Quelques dates du martyrologe hiérony mien», Analecta Bollandiana 49 (1931), p. 25. ™ Voir supra p.80. ” A. Euriianp, Oberlicterung und Bestand der hagiographischen und homilecischen Litera~ tur der griechischen Kirche (Texte und Untersuchungen 50-52) 3 vol., Leipzig, Hinrichs, 1927- 1952, vol. 1, p. 140-148. F, BOVON - D. BOUVIER, INVENTION DES RELIQUES D'ETIENNE 83 V.N. Beneéevié.” Robert Devreesse lui a consacré un bref article.”' E. Nestle en a publié les deux premiers textes, A savoir la Vision de Constantin (BHG 397) et ' Invention de la Croix (399). Démocratia Hemmerdinger~ Hiadou en a édiré l'une des pieces, un sermon d’Ephrem le Syrien sur le bon larron.® Dans l'ensemble toutefais, le Sinairicus graecus 493.a été négligé et, sous la forme oft ce manuscrit la rapporte, notre piéce est demeurée inédite. ne el ce Ie Neb el reprises sur place au monastére de Sainte-Catherine en 2002 et 2004 dans les meilleures conditions, grace a Phospitalité de Mgr. Damianos, archevéque du Sinai, et A Pamabilité des moines, des PP. Porphyre et Justin en particulier. Nous en avons obtenu un microfilm grace aux services photographiques de la Library of Congress & Washington D. C. Il s'agit d'un manuscrit de parchemin en onciales du vit (ou du 1x°) siecle de 24 sur 15,5 cm. Son épaisseur est de 8 cm. Le parchemin est en mauvais état au début et a la fin, Tl est souvent fendillé et le coin gauche inféricur est parfois rogné. II contient 237 folios” sans compter deux pages de garde, une au début, l'autre, mobile, 4 la fin, qui ne sont pas numérotées. Le recto de la dernidre page de garde est écrit de la méme main ou d’une main trés semblable, mais en plus petits caractéres, le scribe voulant sans doute parvenir a la fin de son dernier texte. Au verso de cette page, on lit deux marques de propriétaire, UYMEQN et ETEPANOY. La numérota- tion, moderne, corrige unc numérotation antérieure. Le début du manus- crit est acéphale, méme si le folio 1, numéroté 3 par certains, présente le début d'un texte. Le premier cahier commence bien au folio 1 (on voit la couture entre les folios 4 et 5).° Le dernier cahier est incomplet d’un folio, remplacé par le folio mobile, page de garde non numérotée, comme nous 2” Ehrhard renvoie 4 V. GARDTHAUSEN, Catalogus codicum graecorum Sinaiticorum, Oxtord, 1886, p. 190, qui sinéresse A une partie seulement du oer 493, Il précise ensuite que V.N. BENESEVIC lui a fourni une table des matiéres compléte du manuscrit et qu'une aurre per sonne (initiales C. S.) lui a procuré des informations supplémentair + R. DEVREESSE, «Une collection hiérosolymitaine au Sinai», Revue biblique 47 (1938), p-555-558. ® E, NESTLE, «Die Kreuzauffindungslegende nach einer Handschrift vom Sinai», Byzancini~ sche Zeischrife 4 (1895), p. 318-331. 2D, HEMMERDINGER-ILIADOU, «Sermon grec inédit de s. Ephrem sur le bon larron», Analecta Bollandiana 85 (1967), p. 429-439. 1 Nous ne comprenons pas pourquoi A. EMIRIARD, op. cit. (supra, n. 19), vol. 1, p. 147, et R. DEVREESSE, art, cit. (supra, 0. 21), p. 555, n. 1, estiment vous deux que le codex compte 224 folios. A la suite du catalogue de V. GARDTHALISEN, op. cit. (supra, n. 20), p. 120, R. DEVREESSE, (supra, n. 21) et A. EHRHARD, op. cit. (supra, n. 19), p. 146, n. 3, utilisent une pagination de deux unités plus levees. art, cit 84 POUSSIERES DE CHRISTIANISME ET DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5) Tavons vu. A deux exceptions pres (les 16° et 25° cahicrs qui comptent 9 folios), il s'agit de quaternions. La marge supérieure de chaque nouveau cahier présente un chrisme et le haut de la marge de droite en signale le numéro (nous n’avons pas ett le temps de vérifier cette fagon de marquer les cahiers dans tout le codex, mais cela semble étre la régle). Il faut compter avec des folias arrachés an milieu du manuscrit et donc avec une lacune. Les cahiers 9 et 10 ne comptent ensemble que 13 folios. Il manque donc la fin du 9 cahier et le début du 10°. Il ne reste du 11° cahier que le premier folio. Les cahiers 12 et 13 sont perdus. Ainsi, des folios actuels 79-94, il ne reste que les fragments des derniéres lignes, le reste ayant été découpé ou arraché. Robert Devreesse estime la perte 4 27 folios.”* La reliure d’époque a beau- coup souffere ; les deux plats on ais ont disparu. Les réglures ont été tracées avec tant d’énergie que le Pee s’est souvent fendu en lamelles hori- zontales, par exemple au folio 16. Tes trous utilisés pour les réglures sont visibles en marge. La surface écrite, le miroir, est de 18 sur 11,2 cm; ily a dix-huit lignes par pages. Le texte n’est pas réparti sur deux colonnes, mais sur une seule. L’écriture, posée sur la ligne, est une onciale inclinée & droite (majuscule dite liturgique) ; la hauteur moyenne des lettres est d’environ 4,5 mm. L’encre est brunatre. Sauf de rares exceptions, le texte ne porte ni esprits ni accents. II n’y a d’autre ponctuation que des points en haut et des deux points qui marquent la fin des phrases. Des repéres oranges de 1 cm* devaient étre pincés dans la marge au débur de chaque nouvelle piece. Il n’en subsiste que cing (aux folios 75, 97, 145, 152 et 167). Les initiales sont sorties dans la marge au début des paragraphes;; leur encre est la méme que celle du reste du texte. Le manuscrit ne porte aucune décoration. Le contenu de ce manuscrit est intéressant:: il ne s'agit pas d'une collection ménologique organisée suivant le calendrier liturgique, mais au contraire d'un recueil de textes relatifs 4 un lieu, Jérusalem, et aux origines du chris- tianismc dans cette ville. On y rencontre, entre autres documents, le récie de la découverte de la vraie croix aussi bien qu’un hommage adressé a Jacques, lc frére du Seigneur. Plusieurs éloges de saint Etienne y figurent également.” L’intérét pour les premiers chrétiens se double d'une polémique al'encontre des Juifs. I nous reste a signaler quelques faits de langue et d’écriture qui caracté- risent le Sinaiticus graecus 493. Loin d’étre exhaustif, notre relevé n’a d'autre objet que de montrer, sur la base d’un manuscrit du Vin (ou du 1x‘) 2 R, DEVRELSSE, ibid; voir aussi A. EHRHARD, ibid. » Le lecteur trouvera facilement le contenu précis du manuscrit dans louvrage de A. EHRHARI, op. cit. (supra,n. 19), p. 147-148, et dans R. Devreesse, art. cit. (supra, n. 21), p. 555-558. F. ROVON - B. BOUVIFR. INVENTION DES RELIQUES D'ETIENNE 85 siecle, combien des phénoménes qui paraissent «modernes» parce qu’ils contreviennent a l’orthodoxie morphologique et grammaticale du grec classique, peuvent étre anciens, En méme temps, il devrait metere en garde les éditeurs d’aujourd’hui tentés de normaliser ce qui leur parait aberrane. Commensgons par la phonétique. Du point de vue du vocalisme, nous passons sur le fait que le son ¢ peut étre noté indifféremment par € ou par a1 (par ex. ynpeov lin. 11 pour ynpatdv, avehaPerat lin. 199 pour dvehé- Bete); que les voyelles 1, n. v et les anciennes diphtongues et et o1 notent toutes le son / (par ex. erect lin. 12 pour i6€g, avuEer lin. 28 pour avoigy, pethtoov lin. 49 pour pihicov); que la différence prosodique entre omicron et oméga ayant disparu, les deux Icteres sont souvent employées l'une pour Pautre Ge ex. T@yoviatov lin. 12 pour T@y@viaiov, wpuEer¢ lin. 80 pour opiéys, opuEapev lin, 187 pour dpuEapev). Du point de vue des consonnes, des graphies comme yapera lin. 13 (pour yapipia) et epprpevog lin. 37 (Eppyspevoc) prouvent que les géminées ne sont plus marquées dans la prononciation. Au contraire, le 1 qui nous parait superfétatoire dans Ayjpetveov, Atpiyerver (titre, in. 110, 121, 181, 199 et souscription) semble correspondie a un fait de prononciation (comparable a Mjppopat, mpoacarroAnparé et mpoccatroAnpia des écrits canoniques) : nous avons peut-érre eu tort ’écrire Aewpdiveoy, Aetyavo. Quant a la non assimilation dans eveex hea ea (lin. 25) pour 2yKeKAgiopeBa et ouvKopI- gate (lin. 44) pour ovyKoptvare, elle trahic 4 nocre avis le scribe désireux de faire montre de sa culture au détriment de la prononciation réelle. Dans un cas de diplotypie comme eupnots (titre) et eupsarg (souscrip- tion), il est légitime de préférer la seule forme attestée par ailleurs: eipeoig. Mais pour les adjectifs exprimant la matiére, il serait faux d’aligner xpu- oéouc (lin. 115) sur ypuod et xpuoriy (lin. 14), dpyupeov (lin. 115) sur Spyupoig (lin. 129) et apyup@ (lin. 130), les formes non contractes pouvant parfaitement coexister avec les formes contractes. Du point de vue de la morphologie verbale, on reléve plusieurs formes qui attestent la désaffection progressive de l'aoriste second au profit de formes en -a. Ainsi, Fimpératif etrrov (lin, 25) formé sur l'indicatif eit remplace la forme classique circ Pimpératif kareveyKarte (lin. 45) conserve le chéme de Paoriste second de katagépa, mais lui accole la désinence d’une forme en -a; deux lignes plus loin, Pimpératif xatéate semble formé sur un aoriste sigmatique de kotéy« : KariEa (analogique au futur KaTdGo), la oii le grec classique exigerait xaroyayere. A la lin. 58, le participe aoriste émayaydvrec est noté errayayorec, quia allure d'un improbable participe parfait. Du point de vue de la voix, le verbe actif Saxive est employé in- transitivement a deux reprises (Stexiver lin. 15 et Staxivotvra lin. 19), ce 86 POUSSIERES DE CHRISTIANISME ET DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5) qui est comparable au frangais « remuer »; au sens intransitif, le grec classique utiliseraic le moyen. Enfin, il faut noter le curicux «sur-augment» de SinvonOnv (lin. 19) que nous avons ramené, a tort on A raison, a dievonOnv. En matiére de vocabulaire, le dérivé nominal Siaxivntiptov (lin. 22), a sens intransitif comme les formes verbales mentionnées ci-dessus, est un hapax. De méme, nous n’avons pas trouvé dartestation de Padjectif composé ypuoohdptvos (lin.14), «aux lanitres d'or »”*, pas plus que les diminutifs yoppia (lin. 13) et otcupia (lin. 14) qui désignent les ornements brodés ou cousus sur la robe blanche de Gamaliel & la manitre des c/avi qui mar- quaient la toge romaine. Un cas particulier est constitué par beoTtota- pakapidtns qui apparait deux fois (lin. 162 et 170) dans une formule de politesse adressée par le préere Lucien 4 son supérieur Parchevéque Jean de ‘Jérusalem : nous avons considéré ce mot comme un composé et traduit par «Votre bienheureuse Seigneurie». En effet, il nons a parn artificieux de traiter, dans la phrase, le vocatif SEo7rora comme une incise, et de ponctuer ebOuSpdspnoa mpog thy Updv, Séatrota, pakapidryta dans la premiére occurrence, et eUéac 5¢ dkotcava f Hpetépa, SéuTorw, puxuprrnys ala seconde.” Notons 4 ce propos le soin, pour ne pas dire la délectation, avec lesquels notre texte utilise les titres et périphrases ecclésiastiques : GyrwoUvn (lin. 27) pour désigner le « saint épiscopat », c’est-a-dire la périnde pendant laquelle un prélat mérite ’épithéte de Gyto¢ et l'apostrophe de Gy tw Lat0¢ (lin. 148, 154 et 197). A occasion, saint Etienne et Gamaliel sont parés du titre de KUpic, «messire » (lin. 35, 93, 136 et 173), synonyme de Kupios. L’archevéque de Jérusalem est interpellé 4 Uperépa paxapidrne, « Votre Béatitude » (lin. 197), les clercs sont qualifiés de @eoprAévtator et le narra~ teur, par contraste, se désigne au moyen de la périphrase «mon humiliré » (lin. 203). La tournure employée dans le texte (f) gp taTretveors) semble avoir précédé # taretvdene piov, qui a prévalu par la suite. Une derniére remarque lexicale concerne le pronom réfléchi : nous n’avons pas retouché Sinrpouy év Eaurd (lin. 16) en Sintedpouv év Epaurd, malgré le Bhémea épautov de la lin. 146. Les deux exemples attestent en effet la tendance a remplacer graduellement, ila premiére ct la deuxiéme personne, les réfléchis différenciés ({uavtot, ceavtot, etc.) par le réfléchi de la troisitme personne (Caurod, etc.), et cela aussi bien au singulier qu’au pluriel (Eautdsv, etc.) > Acpuy ct son diminucif kopiov (oupi en gree moderne), empruneés au latin Joram, ont remplacé en grec byzantin iid, «courroie », « laniére ». ” Dans les deux passages. le a de Séorrora est parfaitement lisible sur le manuscrit, et il s'agit indiscutablement du vocatif, curieusemene accalé & axaprsrng. Un composé formé selon les ségles aurait un omicron pour voyelle charnire sion voulait, sur le mode plaisant, forger un mot pour «bayarre enue évéques , ccla donnerait Seomoronsnepos. F, BOVON - B, BOUVIER, INVENTION DES RELIQUES D’ETIENNE 87 Enregistrons pour terminer quelques points de syntaxe. Dans lexpre- ssion Troujaag wuyAnpiepov (lin. 36), le verbe Troi est appliqué au temps que l'on passe a faire une chose ; cela annonce un emploi de Kave en grec moderne et n’est pas sans ressembler au frangais «il a fait cinq ans de prison ». Le participe neutre pluriel wopevdpeva dans expression eg emi Knfap rropeudpeva (lin. 37), vaguement rattaché a e€cotruAa qui précéde, est une espéce de nominatif absolu, au sens de «pour qui sc dirige vers Kédar ». On relévera en outre la construction curieuse de hop Baveo dans la tournure a¢ EXaPev tod direhGeiv (lin. 106), «comme il s'apprétait 4 partir». Le verbe yéqica régissant Paccusatif au lieu du génitif Eyepev poda, Zyepov pda, Eyepev xpoxoy, lin, 116-118) annonce la construction de yepiteo et de yepatag + accusatif en grec moderne. Notons le pléonasme expressif de dpytiv ayohdCouvuv (lin. 81) appliqué ala sépulture destinée a Vincroyante Edna et & son fils. Comme exemples d'asyndéte, citons oi dries GEnytjow (lin, 96), litéralement «tu n’es pas parti tu (n’) as (pas) expliqué» et od dvij\Bec eirec (in. 98), littéralement «tu n’es pas monté tu (n’) as (pas) dit», au sens de «tu n’es pas allé expliquer» ct «tu n’es pas monté lui dire ». Enfin, enregistrons le double subordonnant déclaratif o> Sui apres Bere (lin. 114) et un Gu explétif dans Pexpression ANN’ Sr eEcSeySpny (lin. 145), qui doit valoir un «mais c’est que j’attendais... ». 88 POUSSIERES DE CHRISTIANISME ET DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5) JvAIDY TCOCTIVPNIEN . LR ALOTAIMMBEXNBYIS APIBO HP UOTHCAAYV T4 ALLUWUIN- ITOAYAVINAAVE BAVAIALISA'TAARR EIN ISVPIED JENINED FIAT ON ALT COEMCOTI PINE TI* TT OOKIV HIN ANDY AVES IO TLMPLGI ES NENVIABPS 3 HIT AIIKATANIA®S ASTE* LOT ILE BEPASIILE Vv DAV EVION . NUOPIONS Frere TAY PVATIAP VON wear ¢ TOWHMIAPATAA COLI JEAITAV TASINIS THES TIOYIN. NOP AN TOLFI-E ETO 1.” FrWAFFe : COCER AAPA TO By meet JSECTECTIAD — Sinaiticus graecus 493, fol. 104". INVENTIO RELIQUIARUM SANCTI PROTOMARTYRIS STEPHANI (BHG 1648x; Sinaiticus gr. 493, s. VIII-IX, £, 97°-114') Invention des reliques d’Etienne, le saint premier martyr L’an trois cent dix-sept' de l’apparition sur terre de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ, Jean, Ic erés saint archevéque de Jérusalem, interrogea Lucien, le trés pieux presbytre du village de Kaper Gamala*, pour savoir comment et de quelle maniére lui étaient apparus lc saint premicr martyr du Christ, Etienne, et ceux qui reposaient avec lui. Lucien répondit ; « Tandis que je dormais dans la demeurc consacréc du baptistére’, oft se trouve la tourelle* des saints trésors, 4 l’aube du vendredi, qui était le troisigme jour de décembre de la quatorziéme indiction, vers trois heures de la nuit, alors que je veillais encore, je vis. comme saisi d’une extase>, un homme ag¢ d’apparence, haut de taille, a allure d'une personne sacrée, 4 la longue barbe, vétu d'une robe blanche dont les ornements en forme de gamma étaient d’or avec a lintérieur de petites croix dorées, tenant la main un baton d’or et portant des sandales aux laniéres dorées, qui se mouvait devant moi en silence. ' Lan 317 fait probleme. Les historiens datent de 415 apres J.-C. la révélation des reliques de saint Etienne, lls estiment que le Jean, évéque de Jérusalem, est le second du nom qui fut évéque de 387 4 417; voir M. VAN ESBROECK, «Jean II de Jérusalem et les cultes de s. Etienne, de la Sainte- Sion et de la Croix », Analecta Bollandiana 102 (1984). p. 99-127. 2 Lorsqu’ils passent en grec, les noms sémitiques sont tantét invariables, tane6t assimilés a un type flexionnel ; leur accent est souvent florrant. Lionciale de notre manuscrit n’érant pas acce tuée, nous avons pris le parti d’accentuer | apctAa sur la finale, a exemple de A. PAPADOPOULOS- KERAMEUS (Tepogohuprtixi) iBMoBi}xn ror Karéhoyoc tébv év Talc KiBAtobFiKaNG Tod ayiov ArroctobiKoii OpBoS6Eou marpiapyiKod Opdvou tav ‘Iepocohvporv kat wang MaAatotivnc drroxeipévery Mqvixdy KoSixov, 5 vols., Saint-Pétersbourg, 1891-1915, vol. 2, p. 32, lin. 22), alors qu'on trouve des formes comme Fapdhaov ct FapidAorg dans des manuscrits plus tardifi, qui sontaccentués. ? Le vocabulaire de T'illumination pour décrire le baptéme est attesté dés le i sidcle, peut-étre méme des le * (voir Hébr 6,4): voir A. BENOIT, Le baptéme chrétien au second siécle. La chéologrie des Péres, Paris, Presses universitaires de France, 1953, et G. W.H. LAMPE, A Pacristic Greck Lexicon, Oxford, Clarendon, 1961, s. v. peoti€c, II.B.4c.VII. A la lin, 53, notre auteur désigne le bapréme de Nicodéme du terme de pumiopa: ef également in. 76. * Thn’y a rien, sauf erreur, sur cette tourelle dans louvrage de A. STRUS, Khirbet Fattir - Ber Gemal: Two Ancient Jewish and Christian Sites in Israel (CNR - Progetto Finalizzato Beni Culeurali), Rome, LAS, 2003, eUipeote TOV Aetpdvev Tol &yiou mpwtopaptupos Etepavou Etouc tpiakooiooTol ErrtakarSexdtou Tic émSnpiag tod peyahou Scot kal Uwriipus piv Ingot Xprotod lwaveng 6 &yidroos &pyietioxo- oc Tepocohipeov érrepcimaey Aouxiavay tov evhapéotatov Tpeai- tepov Kapn¢ Kamep Fapahéy, 1é¢ Kai Toic Tpdtre) Tepavepwrar adtd 5 &y105 Koi Mpwtopaprus Tod X proto’ Exépavos kai of ody ating Keipievor. ‘AouKiavag fon: «2 pod xadevSovros év 16 | apiepapévey ofke TOK garompiou, EvOa 6 mupyioxos Tév dyiov KeymAev dmdKertan, rrapaoxeviig Stapaovons, finic fv Tpit pnvdc AeKepBpiou ivSixTi@voc tecoapeokarSercitng, Tepi dSpav tpitny tig vuKtog tr pou ypnyo- poiivtos kai dag év ekaracret yevopévou teVeapat dvdpa ynparov pev TH Syer, paxpdv 5é tH Hdikig, ieporrpert| th iSéq, Twywviaiov, oohiv eves Appreopevoy, | fc 1a yappia hoav ypuod Kai Evbov awry ataupia ypuad, Kai paBdov ypucfiv Exovta Kai cavddhia ypuco- Aedpiva popotivta, Kuti Svexiver EpmrpooVEv pou arynpos. Dans lapparat critique, le sigle A désigne le Sinaiticus graecus 493. ticulus elipeoic : eupnaig A uid. subscriptionem lin. 207 etydtveov: hipyavioy A. 5 Xpictoi difficile legimus 8 mrupyioxos difficile legimus 10-12 Er. — otohiyy difficile legimns 19 yous: yapera A Notons que dans le texte plus tardif (BHG 1049) édité par A. PAPADUPOULUS-KERAMEUS, op. cit. (supra, n. 2),p.31, lin. 12-13, on lit oi rupyioxot au pluriel. > Lexpression dag tv éxatdoet yevopévou est caractéristique des récits de révélarion (voir le terme droxdAuyiy ala fin de la lin. 91); voir Ace 22, 17; JUSTIN, Dialogue avec Tryphon 15,3. ‘Au début de Apocalypse de jean, on trouve une formule semblable 2yevopny ev wvevper (Apoc 1,10); voir W. BAUER, Wérterbuch zu den Schriften des Neuen Testaments und der trith- christlichen Literatur, 6 éd. par K. ALAND et B. ALAND, Berlin, de Gruyter, 1988, s. v. Exotaox¢, et G. W.H. LaMPr, op. cit. (supra, n.3), s. v.&xotaoig, D.1¢-d et 2a-b. fol. 97" fol. on" fal. ow 92 POUSSIERES DE CHRISTIANISME ET DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5) Quant a moi, j’étais dans ’embarras, me demandant qui il pouvait bien étre, s'il venaic de Dicu ou de l’autre puissance®. En effet, je n’étais pas sans me souvenir de la parole de l’apétre qui dit : Ce n’est pas une grande affaire si Satan lui-méme se déguise en ange de lumigre’, Et comme je le contem- plais en train de se mouvoir, je songeai en mon cceur que si cet homme venait de Dieu, il m’appellerait trois bis par mon nom; si au contraire il ne nn'appelair quinine fois, je ne lui donnerais point de réponse. Btlui, sans tarder, intetrompane son mouvement incessant, vient 4 moi, me pique du baton qu’il renait 4 la main et m’interpelle 4 trois reprises: Lucien, Lucien, Lucien! Je répondis: Qu’y a-t-il, seigneur? Et il me die: Monte Jérnsalem et dis 4 Varchevéque: Jusqu’a quand resterons-nous enfermés? Jusqu’a quand refuses-cu de nous ouvrir? D’autant plus que c'est dans les années de ton saint épiscopat que nous devons étre découverts. Hate-toi de nous ouvrir, afin que par notre entremise Dieu ouvre au monde une porte de charité*. Car le monde est en danger de périr en raison des nombreuses iniquités qui se produisent en lui chaque jour. fl reprit: Cela ne m/importe pas tant pour moi que pour ceux qui gisent avec moi, dignes qu’ls sone d'un grand honneur et dune grande gloire. Quant au lieu ob hous repasons, il est toralement négligé’. Ft moi, Phimble Lucien, je Pinter rogeai 4 nouveau en disant: Toi, qui es-tu, seigneur? Et quels sont ceux qui reposent avec rai? Il me répond: Moi, je suis Gamalie, quia élevé Paul" et lui ai enseigné la Loi a Jérusalem; quant & ceux qui gisent avec moi, il s’agit de messire Etienne, celui qui fut lapidé par Tes Juifs a Jérusalem et qui passa une nuit er un jour jeté a la sortie de la ville” qui mene 4 Kédar", laissé * L'eautre puissance » est évidemment celle du Malin, par opposition a celle de Dieu. Chez les auteurs chrétiens, le substantifévepyeta, «action, «influence», est souvent employé en mauvaise part, en parlant du mauvais esprit, et le verbe évepy employé transitivement, appliqué au démon qui habite une personne et la fait mal agir. Au passif, un évepyoupevoc ( qui donne notre «énergumene», dont le sens s'est bien affibli) est, au propre, un homme possédé par le démon. 7 Sur Satan qui sait se transformer en ange de lumiére, voir 2Cor |, 14 et le nouveau fragment que nous venons d%éditer: F. BOVON ~ B. BOUVIER, «Un fragment grec inédit des Actes de Pierre? », Apocrypha 16 (2006), p. 31-32. 5 Col4,3applique a action de Dieu la métaphore de la porte quis‘ouvre ; voir E. SCHWEIZER, Det Brief an dic Kulosser (ERK 12), Zurich, Benzinger, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener, 1976p. 172. ans son livre, Les origines du culte des martyrs (Subsidia hagiographica 20), 2°éd., Bruxelles, Société des Bollandistes, 1933, p. 70-71, H. DELEHAYE signale diverses raisons pour lesquelles cortains saines furent négligés et leurs tombes oubliées. © Crest au livre des Actes des apdtreset non pas a Paul lui-méme que remonte V'affirmation des liens qui shaisentTapoues Gamaiel (Ace22,3); sur la présentation lucanienne du séjour de Paul a Jénnalem, voir W. C. VAN UNNIK, «Tarsus or Jerusalem: The City of Paul’s Youth» et «Once ‘again: Tarsus or Jerusalem» in W. C. VAN UNNIK, Sparsa collects. The Collected Fssays, t 1, Leiden, Brill, 1973, p. 259-320, et part. p.321 327. F. BOVON - B. BOUVIER, INVENTION DES RELIQUES D’ETIENNE, 93, dyvo 8 Sinndpouy év Eaurd NoyiLopievos 7 tig Spa etn, Fj ro8 Beod F tig GAAne Evepyeiac. of yap EAdvOavE pe TO Too GroaTdhou pntov To Nyov- od pléya et Kai aids 6 Daravag peraoynparigeran eis Syyehov paords. Kai dg ecspouv avrov | Braxivotivra, SievonOny ev 1H xapdig. pou 2» Myov ot, éav f é Tot Veod 6 vOpwrtog ovtoG, Tpitov év T@ dvdpati jou xahéces pe édtv 58 Srra€ Kahéoy pe, ob SiSaopr ard dredxpiowv. 6 8F jinBév pedAfaag deic 16 EauTOd Srakivnti prov Epyetar TPC pe Koi TH PaPSq f elyev viewer pe Kai tpitoy pe KaAEoas elev: Aouniavé, Aovriavé, Aouxiavé, éya 58 etrrov: ti éoniv, xupie; | Kai héyer pot vee kai eltrov TH GpyiemoKdrta Tepooohtipeov Ew Tote Ey KeKhei- opeOa; Leas mdte odK dvoiyers Hpiv; Kai paMtota Sti ev toig xpdvore tig aig Geytoodung Bef fpidig GrroxahuupAiven. &vorEov ipiiv taxéac, iva 5 pdv avoiED 6 Bedc OUpav prhavOperrriag 14 KGopey, 6Tt xivouvEVer drtokgoOa1 ék tev TOMO avopidy Tév ev alta ep’ Ecos yrvo- a pvev. kati pnaiv: | od togottév pot peder bv ey, Soov 1a TOUG Guy Epo Keipévoug GEfous Svrag peyahyg upiig Kai SdEns. 6 SE téTr0g Hpedv EvOa xeipeOa hpednrar wavy. éyd S€ 6 tortewvdg Aoukiavds hpeatyaa airov Réyeov: ou Tic Ei, KUptE; Kai Tivec eioiv o1 OUV Goi Keipievor; Kai Aéyet lot” Zyia elpi Tapani 6 tov Tadhov évaOpéyos Kai tov vopov &84E0s cic as ‘lepoucadiip, of 52 aitv E104 Keijievon eiaiv 6 Kiipig Exégavos | 6 AxGo- odnGeic Utd tébv ‘lovdaiey ev ‘Tepooodtpors Kai Troujoas vuyOrpepov cic 18 EcruAa Tig wohceos Epprppévos cog eri KnBap wopeuspevo, pi) 16 taurip: legend. taut? 19 BrevorfOqv: Giqvonfyy A 21 Kudgoy: nuhever A as ehmoy iniperat): legend. ei 2. éyxeeAeiojeBe: eveee eiopcOa A 37 Eppiyévos :eppt- pevoc A Knddp : xnda A in fine lineae “ Leexpression oi av éyoi xeipievor fait attendre une énumération de plusieurs personnages. Or. Gamaliel ne nomme ici que le principal, le protomartyr Etienne, oubliant ses autres compa- gnons de sépulture, niceranepcihé plus loin: Nicodéme et Abbibos. © expression els 10 EU uhastijg eohecos s‘inspire des mots Ee tig wéhews d’Act 7,58. Elle doit désigner un espace en dehors de la ville ow un quartier extérieur aux remparts. On lui a imaginé diverses fonctions: un endroit ot lon collectait les ordures, la voirie, celui oit l'on exécutait les criminels ou celui oi l'on avait creusé une fosse commune; voir H. LECLERCQ, art. « Etienne (Mareyre etsépulture de saint) », Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie5, 1, col. 632- 647, col. 631, A. PAPADOPOULOS-KERAMEUS, op. cit. Gee ‘n. 2), p. 32, lin. 12, rraite cette ex- pression comme un nom propre: 7&'EEcmuha. "Lots de leur dispute relative au lieu du martyre, puis aux sanctuaires consacrés a la mémoire du saint. autour de Pan 1900. les savants ont examiné le toponyme KnBdp sous toutes les coutures. La forme latine A de la Révélarion précise que ce lieu se situait au nord de la ville, ce qui permettait aux Dominicains du couvent de Saint-Etienne, en particulier aux P. Lagrange et Abel dinsierer sur l'identification de ce licu avec leur couvent construit, & leur avis, sur les ruines de la basilique fal. 99° fal oo fal. 1007 fal. 109" 94 POUSSIERES DE CHRISTIANISME EL Di JUDAISME AN FIQUES (PIRSE 5) sans sépulture sur Pordre des grands prétres impies de l’époque pour étre dévoré par les vautours ou les bétes sauvages. Quant 4 moi Gamaliel, connaissant la vertu de ’homme et assuré d’avoir part A sa résurrection, je me levai nuitamment et fis venir en secret ceux dont je connaissais la piété et ceux qui avaient cru en Christ en méme temps que moi, puis je leur enjoignis avec insistance de suivre mon conseil: A mes risques ct périls, leur dis-je, sans craindre personne, allez recueillir son corps et amenez-le dans mon domaine qui porte mon nom, je veux dire Kaper Gamala; c'est la, Lucien, que tu as été appelé au ministére. Puis déposez-le dans mon tombeau neuf aprés lui avoir rendu les honneurs funébres pen- dant quarante jours dans ledit village, qui est distant de la ville d’environ vingt-deux milles. Les frais des funérailles seront pris sur ma fortune. Le deuxiéme qui git 4 mes cétés est Nicodéme", mon neveu a moi Gamaliel, qui avait été inscruit de nuit par le Sauveur Jésus, de maniére 4 renaitre dcau ct d’esprit, ct qui s’en était allé recevoir le baptéme de Pierre et de Jean’, ses disciples. Ayant cntendu parler de ce baptéme, les grands prétres s‘irritérent contre leur chef Nicodéme et songérent 4 le faire périr. Cependant, par égard pour moi, sachant qu’il était mon parent, ils y renoncérent, mais lui infligérent des coups d’une cruauté exceptionnelle, 'abandonnant 4 demi- mort”, aprés lui avoir lancé l'anathéme, l’avoir banni de la ville et avoir confisqué tous ses biens au profit du Temple. Et moi, Gamalicl, ’ayane recucilli lui aussi en sceret, je le fis conduire dans mon village, en donnant ordre 4 mon intendant de le nourrir et de le vétir tous les jours de sa vic. Nicod&me s’étant cndormi peu aprés, je lui ménageai son propre licu de repos, le faisant déposer aux pieds de saint Etienne, en tant que confcsscur du Christ. fondée par limpeératrice Eudocie. Certains, par ailleurs, ont suggéré, ce qui nous parait peu pro- bable, que le mot Kndap était une déformation de Césarée; voir F, BOVON, «Lhe Dossier on Stephen the First Martyr», Harvard Theological Review 96 (2003), p.279-315, part. p. 313-314. ™ Ce quia traita Etienne, dasle livre canonique des Actes, correspond i ce qui est arrivé a Jésus. test done signal qutci le matty: chiéticn soit enseveli dans un combeau neuf, comme le fue son maitre (voir M27, 00 et fn 19,41). © Seull’Evangile de Jean. dans le Nouveau Testament, mentionne Nicodéme (voir Ja 3, 1-15). Dans les Ecrits gpacryphes chrétiens(2 vals. Bibliorhégue de la Pléiade 44? et 516), éd. F. ROVON, P. CEOLTRAIN et J. D. KAESTLL, Paris, Gallimard, 18072008, les index des noms de personnes fournissent une séiie de 1€fereuces & Gamaliel et 4 Nicod?mnc dans la liuétauuie apocryphe chié= tiene, par exemple 'Evangile de Nicodéme (recension byzantine) 17,2, et Reconnaissances pseudo-clémentines 1,65,1 et Il, 1,2. D’autres textes rapprochent les deux personnages, mais hnotre texte est sauf errcur le seul i établir un lien de parenté entre eux; Nicodéme est aux yeux de Pauteur le neveu phurde que le consin cde Gamaliel (veyids peur avoir les deux sens) © Crest encore 3 um souvenir des Actey des apdtres que Pauteur puise ici, Le livre Canonique rapproche en effet les deux apotres plusieurs reprises: voir Act |, 1333, 1-134, 19-2158, 14-15. “0 6 0 55 6 P, BOVON ~ B. BOUVIER, INVENTION DES RELIQUES D'ETIENNE 95, Barrdpevos Kara Kékevowy TOV Tre avopov apytepéav Eig 1 Kara BpwOivat F Urrd Spvewy Hj UT Onpicov. 27a 82 6 Tapas) eiScng riyv aperiiv 100 dvb pac Spa Se kai miotcveov Eyet pépos rig atirot dvactcoscoc, eyepbeic dict | tv vUKTOV Kai KpU- pairs petaotethdpevos oc Serv eUAoPets Kai ToUG ob gpoi MLOTEU- aaveas ri) Xpiorg, mporpeyspievos avroirg rravri rpm ovveBovheuoa avtois eittcav: drréABate Te) ENG KivSUven pNSéva poPnGEvtec, Uy KOpi- gate adroit 18 uci Kui KatevéyKate elg TO gpdv xeopiov 1 Er’ Svdpari pou khnBév, Aéyeo 51) cig Kécrrep Papadd, EvOa ots 6 AouKiavog kekAn- pwoai to | mpecButépiov. Kai katdEate abtov év TH EU@ pvnpcin TO xaivd) Touijoavtes avirow a Sonat Eri Hpepas TeasepdKovra ev arf tH Kop éx Siccrrhpertag tig TOAEM@E G¢ GT prAiwv eikoor So. Kat To avahtoxdpeva trp tol KoTteTod avTod ex tij¢ epi, odviag Eotw. 6 SE Sedrcpos d ody gpoi Keipevos oUTos éotiv NiKddnpos, 6 &vewros gpoi tot TapodijAou, 6 katnynei¢ vuktoc | ttd tol ceotijpoc Inco, ote dva- yevnOfivan gE GSarog Kai mvevpotos: arreNBév 82 7 pdriopat EoBev ropa Héxpou kai Tadwwau rév paBnrdav. Trepi ov poticpatos ékovoavtes oi Gpyiepeis yavaKtnoav KaTa Tot &pyovtos aitSv NiKodiipou Kai Coxcyavro aveheiv adrov. 51 88 viv TIpAc jie TI eiddtec Sti Guyyevi¢ pou EoTiv ToUTO pev OK Erroinoay, Gd TANyas ot Tas TUYOVUAG trayaydvreg Nip hplOaviA, KatéATov Kai dva8cpoticavtes aitov EEcipioav tig Toews Kai TMévta Ta tra p- Yovta alt apr prracav cic Svopa tou igpow. Lyio 8 6 Tapodtid Kai tottov Kpugh mpoohaBdpevos Earéorerha cig tiv adthy pou Keyiny MapayyFihag Te) oiKOVOHE TPEEL aUTdV Kai Gpgrevvwew Tac HpEpac tic avtO Caijc. Sv per dAiyov xpdvov Koysn|OEv- 10 i6ig dvarotioes Eroinaa | avtdv KarareBfivar Tapa Tos SBS Tot Ayiov Lrepavov, @¢ Spodoynthy Xpiotoi Svra tov avtov Nixd5npov. 44 ovyxopicate: ouvkoiaare A 58 grayaydures : enayayores A xaréhimoy * Karte Detnov A L-Evangile de Jean fait courir cate 4 cate Pierre et le disciple hien-aimé vers le combeau vide de Jésus (fm 20, 2-10). “"L'adjectif fynBaviig pourrait étre une réminiscence biblique: lévangéliste Luc utilise 'adjectif propos du bless¢ dont s’occupe le bon Samaritain (Zc 10, 30). Dans les Acres des apdrres, le méme anteutr signale une fois qu’a Lystre, aprés une attaque de ses adversaires, Paul fut laissé pour mort (Ace 14, 19). G. W. HH. LAMPE, op. cie (supra, n. 3), ¢ v. hynBousig, donne quelques références aux lieeératures apocryphe ct patristique. fal. 10¥" fol. 101" fal, 102 fol 96 POUSSIERES DE CHRISTIANISME ET DE JUDAISME ANTIQUES (PIRSB 5) Quant au troisigme qui repose auprés de moi, c’est Abbibos"’, mon fils cadet bien-aimé, qui avec moi crut en la prédication du Christ et qui avec moi, son propre pére, regut le baptéme le méme jour des disciples sus- mentionnés. Il était 4gé de vingt ans et déja instruit dans la Loi plus que moi, interpréte des Ecritures, n’ ayant aucunement conversé avec une femme, si ce n’est avec sa propre mére, mais ayant été élevé dans le Temple de Dieu” en compagnie de Paul. Il s’endormit avant moi, pur et sans tache, et fut déposé auprés d’eux, a ’endroit ott je repose moi-méme. En revanche, mon épouse Edna et mon fils premier-né Sélémias, du fait, continua-t-il, qu’ils n’avaient pas voulu embrasser la foi du Christ, mais nous avaient fait une mauvaise querelle 4 cause du baptéme que nous avions regu et nous avaient causé mille tracas, ils nous quittérent et, s’étant retirés dans son village d'origine 4 elle, ils moururent et y furent enterrés, 4 Kafar Salamin, le village en question, n’ayant pas été jugés dignes d’étre déposés avec nous dans mon tombeau. Quand tu fouilleras le lieu et nous décou- vriras, tu trouveras inutilisée et vide la tombe préparée pour elle et pour son fils. En fait, c’est bien ce que nous avons trouvé. Quant 4 moi ‘humble Lucien, je ’interrogeai en ces termes : Oil pouvons- nous vous joindre, seigneur? Il me répond: dans mon faubourg qui s’appelle aujourd’hui en langue syriaque Delagabria” ou Katalia, ce qui se traduit par ‘domaine des hommes de Dieu’, soit ‘des braves’. Ayant dit ces mots, il disparut. Pour ma part, je priai Dieu aussitét en disant : Seigneur, si cette révélation vient de ta volonté, que ta charité daigne se révéler 4 moi une deuxiéme et une troisiéme fois”, afin qu’ainsi je puisse de bon coeur proclamer cette révélation a tes serviteurs. " Sauf erreur, la figure d’Abbibos est inconnue par ailleurs. Il est ici le fils de Gamaliel (i fave conrigerla formule imprécise dans F, BOVON, art. cx. [supra, n. 13], p. 300). ? Comme son correspondant latin conversari, le verbe cuvruyyaveo, que nous rendons par

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