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RDC : cybercriminalité, faire du vieux avec


du neuf pour un renouveau sans révolution
(Kodjo Ndukuma)

Published

1 an ago

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25 mai 2020

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La Rédaction


TRIBUNE – Face aux nouveaux enjeux de cybercriminalité en Rd Congo, le


professeur Kodjo Ndukuma Adjayi estime que le Code pénal congolais datant du
30 janvier 1940 n’est pas totalement dépassé. Car, plusieurs de ses incriminations
restent applicables à la criminalité informatique du 21e siècle.

Si toute la cybercriminalité n’est pas que faite d’incriminations nouvelles, soutient – il, la
cybercriminalité congolaise a déjà des rudiments de réponse dans les lois pénales dont
certaines ont été évoquées dans sa tribune.

Toutefois, cet expert en cyberspace africain affirme que le législateur devrait renforcer le
dispositif répressif national en légiférant contre des infractions informatiques au sens strict
en tenant compte d’un nouveau catalogue d’incriminations qui s’ajoutent à l’ère
numérique.

Il termine sa réflexion par une série de recommandations en termes de perspectives pour la


Rd Congo. Ci-dessous, l’intégralité de sa tribune intitulée “Cybercriminalité en RD
Congo : Faire du vieux avec du neuf, pour un renouveau sans révolution” :

_________________________________________________________________________

La cybercriminalité est un fait de la société postmoderne. Il est le fléau du « tout numérique » et


du « tout connecté », pour notre époque contemporaine.

L’accroissement des cyberattaques est lié au développement des réseaux de communications


électroniques, à la généralisation de l’Internet dans les entreprises et dans notre quotidien, de
même qu’à l’accès facilité et continu aux informations sensibles, aux données personnelles ou
autres au sein des organisations. La RD Congo compte plus de 35 millions d’abonnés
téléphoniques et un peu moins de 16 millions d’internautes mobiles, avec un taux modeste mais
significatif de pénétration des TIC dans les ménages.

Si le minerai informationnel attire des convoitises, les prouesses de contournement des pare-feux
stimulent un nouveau profil de Lombroso.

I. Un profil cybercriminel très varié 

Des jeunes surdoués de l’art informatique agissent, sans histoire et sans casier judiciaire, souvent
paradoxalement sans intention de nuire, avec la seule puissance du code informatique pour des
intrusions dans des systèmes d’information, des manipulations des données, des blocages et
détournements des dispositifs informatiques.
Des cyber-soldats, des cyber-espions, des hactivistes ou des opportunistes jouent les
saltimbanques, flibustiers et corsaires face à tous ceux qui naviguent sur Internet ou y surfent.

Le cyber-terroristes de Daesh, l’État islamique, a fait usage – en ligne et à des fins politiques –
de la peur, du recrutement des djihadistes, de la radicalisation des blasés du mode de vie
occidentale ou des épris d’un nouvel exotisme religieux. Internet a été le terreau fertile de Daesh
dans ses objectifs… Que dire des pédocriminels et de la maffia ayant intégré le web dans leurs
approches lubriques ou lucratives !

En Afrique de l’ouest, les « brouteurs » hameçonnent des pigeons qu’ils font chanter leurs
victimes  rétives de leurs sextapes pris en webcam, en vue de monnayer le silence du maître
chanteur contre de fortes sommes d’argent et taire la compromission sexuelle.

L’« escroquerie à la nigériane » porte encore la nationalité des spécialistes qui vous envoient un
email de notification de gain à une loterie à laquelle vous n’avez jamais misée ou d’un héritage
confisqué dans une banque qui requiert votre aide pour un partage de la bonne fortune… Pris
dans les méandres du cybercriminels, la victime est dans une très mauvaise fortune.

II. Une variété d’infractions dans le seul vocable cybercriminalité 

La cybercriminalité ne correspond pas à une infraction précise. Elle n’est ni futuriste à l’idée, ni
surréaliste à l’envie. Elle n’est pas aussi récente dans son analyse que l’intellection profane
entend le faire croire.

Déjà en 1975, l’Institut de recherche Stanford donnait de la cybercriminalité une déclinaison


bipartite de droit pénal général. Aujourd’hui, avec les travaux de la magistrate française, Myriam
Quéméner notamment, l’approche générique, en la matière, englobe trois catégories d’activités
répréhensibles dans la cybercriminalité.

1. Ce sont d’abord les infractions anciennes de droit commun pour lesquelles l’Internet est
le moyen facile de leur perpétration, telles que les escroqueries, injures publiques et
diffamations perpétrées en ligne…
2. Ce sont ensuite les infractions informatiques au sens strict pour lesquelles l’informatique
est la cible ou l’objet, comme le piratage dit en anglais le « hacking », l’accès illicite aux
bases de données…
3. Ce sont enfin les infractions de diffusion en ligne, celles dont la condition d’existence est
la divulgation d’information liées à la vie intime ou à la sphère privée sur le support
électronique grand public, comme la revanche pornographique (France),
l’enregistrement des conversations téléphoniques privées à l’insu de l’interlocuteur en
vue de leur diffusion (Sénégal)…

III. Un volet cybercriminalité et un volet cybersécurité 

La cybercriminalité, en tant que nouvelle forme de délinquance, s’accompagne largement d’un


sentiment d’impunité et du mythe du « vide juridique ». Les cyber-délinquants éprouvent de la
« sécurité » derrière leurs écrans.
La Justice a du mal à se déployer sur les béants interstices des lois pénales nationales non mises à
jour. Les services de l’ordre public ont maille à partir avec les caractéristiques techniques du
cyberespace : volatilité apparente des données en cause, anonymat primaire des avatars
informatiques, activité transfrontière…

La technologie numérique est très évolutive. L’intelligence inventive met à rude épreuve les
efforts étatiques de maîtrise de l’Internet lui-même et du phénomène criminel y afférent. Il ne
sera pas abusif de voir en la disponibilité du réseau électronique et des outils numériques une
popularisation des potentielles « armes du crime ».

Ces dernières seraient à la portée d’internautes évoluant dans un cyberspace sans shérif. Le code
informatique semble omniscient, omnipotent et omniprésent dans la société de l’information. Il
porte au quotidien la marque du progrès pour les libertés et à la fois le masque de leurs offenses.

La rhétorique informatique procure aux actes posés en ligne la dimension internationale qui
dépasse les frontières des États ainsi que leurs capacités à y répondre isolément.

La cybersécurité fait de chacun acteur de la sécurité de soi et de tous. Elle est la réponse
multidimensionnelle et multipartite face à la cybercriminalité.

La sécurité informatique, y incluse, à l’aune de l’authenticité, de la disponibilité et de l’intégrité


du système. Elle postule également de faire de chaque acteur, dans leurs comportements, les
acteurs de cette sécurité. Elle organise à la fois :

 la prévention, en réunissant les moyens de détection des menaces et de préservation des


infrastructures vitales  avant la survenance des sinistres informatiques,
 la résilience, en assurant la continuité du fonctionnement du système par des mesures de
contingentement ou autres limitant le désastre, pendant le traitement offensif ou défensif
de l’incident ;
 la répression,  en dotant les services de justice des dispositions législatives, de la
politique cybercriminelle, des laboratoires de criminalistique informatique, en vue de
l’instruction judiciaire et de la connaissance juridictionnelle des cas de
cybercriminalité. 

IV. Un code pénal de 1940 toujours prêt à l’emploi 

Face aux nouveaux enjeux de cybercriminalité, le Décret du 30 janvier 1940 portant le code
pénal congolais n’est pas totalement dépassé. Plusieurs de ses incriminations restent applicables
à la criminalité informatique du 21e siècle.

Toute la cybercriminalité n’est pas que faite d’incriminations nouvelles. Le vieux répond bien 
du nouveau à plusieurs égards. Il est plaisant de subodorer une rime logique entre révolution
numérique et révolution juridique.
L’Internet véhicule le courant libértaire, pétris de la contreculture du New âge, des idées
anarcho-capitalistes, du fameux « code is law » de Lawrence Lessig (USA, 1999) ou de la
déclaration de l’indépendance du Net de John Perry Barlow (Davos, 1996).

Pour paraître subjuguant, réguler le monde par le seul marché et par la seule technologie n’est est
guère subrogeant pour nos lois pénales. Même si le « Digital défie l’État de droit », notre
législateur est vieux sans être un vétéran de la cyber-guerre. Certains voient en lui le pépé
obsolète BBC, born before computer, né avant l’invention de l’ordinateur, face à des digital
natives, nés avec clavier et souris d’ordinateur dans la main.

Toutefois, en son état quinquagénaire, le code pénal ordinaire congolais sert l’actualité de la
répression de plusieurs comportements cybercriminels. Il reste efficace particulièrement pour les
infractions classiques qui trouvent leur facilité de commission grâce à l’Internet ou aux TIC.

Injurier publiquement, diffamer, violer le secret des correspondances, divulguer le secret


professionnel dont l’avocat, le ministère public, le notaire… est dépositaire n’ont pas à attendre
un législateur futuriste pour être qualifiés d’infractions en droit positif, sans dire que l’auteur se
trouvant sur Internet ou utilisant un Smartphone en est dédouané.

La RD Congo n’est pas dépourvue d’incriminations légales dans tous les compartiments de la
cybercriminalité.  Sa loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications
prévoit des délits et des peines face à la levée de secrets de correspondances émises par la voie
des ondes. Elles protègent ainsi nos données nominatives et autres à caractère personnel dans les
réseaux téléphoniques.

Plus tôt, l’ordonnance n°87-243 du 22 juillet 1987 sur l’activité informatique au Zaïre avait déjà
prévu des peines d’amende contre les usages informatiques qui seraient subversifs ou contraires
aux bonnes mœurs.

La méconnaissance de ces textes laisse aller à des conclusions hâtives, mettant les esprits enclins
à se laisser à l’a priorid’une absence de cadre légal de lutte contre la cybercriminalité.

V. Une flopée d’incriminations applicables d’ores et déjà face à la cybercriminalité 

La cybercriminalité congolaise a déjà des rudiments de réponse dans nos lois pénales. 

1. Les infractions d’imputations dommageables et les injures publiques même commises sur
Internet restent punies par le Code pénal. Aux termes de son article 74, la diffamation consiste à
imputer méchamment et publiquement à une personne un fait précis qui est de nature à porter
atteinte à l’honneur ou à la considération de cette personne, ou à l’exposer au mépris public. 

La diffamation, comme l’injure publique prévue à l’article 75 du même code, ne peut exister que
si elles sont perpétrées « publiquement » contre les particuliers ou les entités. La publicité, qui en
est le moteur, s’entend d’après les circonstances et les lieux. En tant qu’« espèce d’espace » à la
George Perec, Internet est une agora que fréquente un public indifférencié.
Ce qui fait de lieu le carrefour des mondes virtuel et réel : le sixième continent formant le
territoire opérationnel et directionnel du crime dématérialisé. Si la convergence numérique est
l’apothéose du multimédia (son, texte, image animée ou non-animée), elle est aussi le véhicule
de nouvelles apologies des délits informationnels à distance.

Tous les moyens modernes de diffusion de la pensée sont à considérer comme réalisant cette
condition de publicité requise pour les imputations dommageables et les injures publiques.
(Likulia B., Droit pénal spécial Zaïrois, tome I, 2e éd., Paris, LGDJ, p. 231.)

2. Le fait de trafiquer les comptes informatiques d’une banque ou les écritures comptables, entre
bien dans le champ de l’infraction de faux en écriture, prévu aux articles 124 à 127 du Décret
du 30 décembre 1940 du code pénal congolais.

3. La non-livraison des marchandises, causée intentionnellement par un professionnel après


signature d’un contrat de vente électronique, est punissable au titre d’abus de confiance, tel que
prévu à l’article 95 du code pénal. Il en est de même de l’article 98 du même code qui peut
s’appliquer aux escroqueries sur Internet.

4. Que dire du comportement déviant de certains agents publics, des dépositaires de missives
personnelles, des coursiers ou des préposés aux courriers officiels qui s’adonnent, ces derniers
temps, à leurs publications sur les réseaux sociaux numériques ? L’article 71 du code pénal
congolais sanctionne de tels comportements au titre de violation de secrets de correspondance.
De même, l’article 73 punit la révélation de secrets professionnels. 

Ces dispositions visent expressément les personnes dépositaires par état ou par profession de tels
secrets. Tel en est du magistrat tenu au secret de l’instruction, de l’avocat tenu au secret des
informations lui révélées par son client dans un lien professionnel de confiance.

En effet, l’article 74 de l’ordonnance-loi nº79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du


barreau, du corps des défenseurs judiciaires  et du corps des mandataires de l’État dispose : « il
est interdit aux Avocats […] de révéler les secrets qui leur sont confiés en raison de leur
profession ou d’en tirer eux-mêmes un parti quelconques ».

Le mandat de l’avocat l’oblige un devoir envers son client, sous peine de sanction d’ordre public
pour protéger la prérogative que tel mandat engendre. Sa violation, soit-elle en ligne ou hors
ligne, constitue une faute disciplinaire grave et une infraction pénale..

5. Dans une jurisprudence de 2018, le Tribunal de paix de la Gombe condamnait un célèbre


député provincial sur le pied de l’article 1er de l’Ordonnance-loi du 16 décembre 1963
réprimant l’offense envers le chef de l’état pour des contenus outrageant trouvés sur son
téléphone et son activité connectées.

6. L’exposition ou la publication sur Internet des images obscènes et/ou immorales peut être
sanctionnée sur base de l’article 175 du code pénal qui incrimine l’outrage aux bonnes mœurs.
La comparution devant le Procureur d’ Héritier Watanabé et sa copine Naomie prouvent cette
assertion, pour le motif de dévoilement public de leurs images enlacées, comme des lotus, dans
une alcôve où les actes qu’ils posaient sous caméra devaient rester « enfants non-admis ».

7. L’utilisation des canaux numériques pour harceler, menacer une personne de façon
malicieuse en vue d’obtenir des faveurs sexuelles notamment par l’envoi répété des SMS, e-
mails non-sollicités peut constituer le harcèlement prévu à l’article 174-d du code pénal modifié
et complété par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 sur les violences sexuelles. 

L’article 174-m du code pénal, tel que modifié et complété par la même loi, punit au titre de la
pédopornographie, quiconque aura fait toute représentation, quel que soit le moyen (y compris
sur Internet), d’un enfant s’adonnant à des activités sexuelles ou toute représentation des organes
sexuels d’un enfant, à des fins sexuelles.

Le droit positif congolais dispose donc d’exemples d’incriminations prêtes à l’emploi contre la
cybercriminalité. Il faut néanmoins reconnaître qu’au-delà notre dispositif législatif répressif, la
déviance informatique déborde le droit pénal spécial congolais.

VI. Une plaie de la modernité : pansement à changer, changement à penser 

Évolution ou révolution ? Virtualité sur réalité ? Peau neuve sur peau de chagrin ? La
cybercriminalité est cette plaie du web, dont il faut ni s’arrêter à changer de pansement (avec du
vieux), ni s’abstenir à penser le changement (avec du neuf).

Il n’existe pas d’infraction, ni de sanction pénale sans loi. Si le droit pénal reste de stricte
interprétation, l’interprétation téléologique est toutefois permise dans le vol de l’électricité. Notre
poussée pour la téléologie voudrait spécialement aboutir à une qualification judiciaire du « vol
des données » sur la base de l’article 79 du code pénal.

En tout état de cause, un nouveau catalogue d’incriminations doit s’ajouter à l’ère numérique. Il
est apparu des nouvelles infractions n’ayant (eu) leur existence que grâce au réseau et à la
révolution connectée. Le législateur devrait ainsi renforcer le dispositif répressif national contre
des infractions informatiques au sens strict.

Il y a autant d’anglicismes qui témoignent de la nouveauté des modes opérationnels de


l’informatique qui caractérisent ces cyber-infractions qui portent définitivement leurs noms.

Il faut légiférer envers et contre tout : hacking (piratage informatique), cracking (bris de coffre-
fort numérique), ransomware (logiciels malveillants), bot nets (ordinateurs Zombies), phreaking
(fraude téléphonique), phishing (hameçonnage, filoutage), espiogiciels (logiciels espions), porn
revenge (revanche pornographique)…

Le statut de lanceurs d’alerte et des libertaires sont aussi un enjeu législatif. Les paradigmes
Edward Snowden (NSA) et Assange (Wikileaks) font des émules et postulent une impunité,
voire une immunité de fait, en faveur de ceux qui divulguent des informations secrètes.
Le but est altruiste. La tendance est celle du droit, sans limites, à s’informer et à informer : droit
de savoir et de faire savoir, droit non-privatif d’accès au « commun informationnel ».

C’est bien là la cause « hacktiviste » qui distingue le délinquant informatique du héros de la


presse. Entre la sécurité née de la peur et la liberté née de l’audace, leur alliage devrait produire
la sagesse.

VII. Une perspective heureuse d’ « informatique légale » en RD Congo 

Notre position, d’ores et déjà, avec ou sans téléologie, est de soutenir que la législation
anticriminelle en vigueur ici et maintenant, reste largement applicable à la cybercriminalité,
dernière-née de la société de l’information. Selon certaines sources, sources certaines néanmoins,
1 882 plaintes semblent avoir été enregistrées entre fin 2017 et mi-2018, par la DTNTIC de la
Police Nationale Congolaise. 

Face à ces chiffres gris de la Cybercriminalité congolaise, la grande problématique demeure la


difficulté majeure d’administration de la preuve informatique, de détection de l’identité
numérique, de l’indentification de la personne derrière ses traces informatiques. 

C’est en ce sens que le Ministre de la Justice dans son communiqué de presse du 15 mai 2020
annonce le renforcement des moyens de politique criminelle. La criminalistique informatique
devrait venir en appui du travail d’instruction et des poursuites criminelles au profit des parquets
qui sont aux prises à des plaintes pour cybercriminalité.

La mise en place d’un laboratoire moderne d‘« inforensic », en anglais, est l’atout majeur du
FBI et d’Europol. La France dispose de son « Procureur numérique », le seul ayant juridiction
sur l’ensemble de l’Hexagone, vu le substrat déterritorialisé des infractions de sa compétence.

La formation des autorités judiciaires devra être couplée à la démarche. Le tout mis en un devra
assurer la performance de l’« informatique légale ».

Cette dernière consiste en l’application des techniques et des protocoles d’investigations


numériques respectant les procédures légales, en vue d’apporter des preuves numériques à la
demande d’une institution judiciaire par réquisition, ordonnance ou jugement.

Elle permettra à la Justice de la RD Congo d’adresser les problématiques suivantes : 

– investigations informatiques,
– télé-perquisitions,
– exploitation des sources techniques, 

– relevé des traces technologiques de connexion, de navigation. 

Sans coopération internationale, ni entraide judiciaire, le combat national sera esseulé à la Don
Quichotte, porté par moulin à parole contre moulins à vent… L’ère numérique tourneboule la
vue d’infractions de nouvel ordre et de genre nouveau.
VIII. Un épilogue pour un « universalisme pluriel » contre la cybercriminalité 

La RD Congo devrait envisager son adhésion à la Convention du Conseil de l’Europe sur la


cybercriminalité, dite Convention de Budapest conclue en 2001, en vigueur en 2004, comme
instrument efficient de portée mondiale.

Il faut aussi s’intéresser à la ratification de la Convention sur la cybersécurité et la protection des


données personnelles, adoptée en 2014, par une déclaration des Chefs d’Etats et de
gouvernement de l’Union africaine. Seuls la Guinée, le Sénégal et le Congo/Brazza, en attendant
son entrée en vigueur au seuil de sept ratifications.

Fait à Kinshasa, les 25 mai 2020. 

Kodjo NDUKUMA ADJAYI 

Professeur des universités


Master 2 en Droit du cyberespace africain
Spécialiste du droit comparé et du droit du Numérique
Docteur en sciences juridiques de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 

Sur le même sujet :

Actualité

Répression contre la cybercriminalité en


RDC : une autre maladresse dont on aurait
pu se passer ( Tribune de Francky Lukanda,
Avocat au Barreau de Kinshasa-Gombe,
Chercheur en droit du développement)

Published

1 an ago

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mai 20, 2020


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Congo profond

COMMUNIQUE DE PRESSE DU MINISTRE DE LA JUSTICE INSTRUISANT LE


PARQUET A REPRIMER LA CYBERCRIMINALITE : UNE MALADRESSE DONT ON
AURAIT PU SE PASSER

Le communiqué de presse du Ministère de la Justice instruisant le Parquet à s’activer dans la


répression de la cybercriminalité soulève des questions de droit et de procédure importantes qui
devraient inquiéter la population congolaise, en général, et les professionnels du droit, en
particulier.

Sur le plan de la gouvernance, cette intervention du Vice-Premier Ministre, Ministre de la Justice


et Garde des Sceaux (ci-après le Ministre) ne semble pas tenir compte des libertés fondamentales
garanties par la constitution (voir notamment les Article 17 al. 2 et 3, Articles 23 et 24 de la
Constitution) et les instruments internationaux auxquels le pays a adhéré. Elle ne reflète pas non
plus un engagement sérieux de la part du gouvernement à faire respecter l’état de droit.

Ceux qui ont un accès facile au Ministre doivent l’aider à comprendre que ni la constitution, ni la
loi ne lui confère le pouvoir de créer des nouvelles infractions en république démocratique du
Congo et d’en faire ordonner les poursuites par le Parquet.

Au Congo, comme dans le reste du monde d’ailleurs, le Parquet n’est pas habilité à poursuivre
des faits qui, au regard de la loi, ne constituaient pas un crime avant leur commission. Si un fait
n’est pas reconnu comme une infraction par la loi, ni le Ministre, ni le Parquet n’a le pouvoir de
l’ériger en infraction (voir Article 1er Code pénal congolais et 17 de la Constitution).

La cybercriminalité n’est pas une infraction en droit congolais. Le Parquet n’a aucun pouvoir de
poursuite pour des faits qui ne sont pas érigés en infractions, n’en déplaise au Ministre. Le fait
que certaines publications, auxquels le Ministre fait référence en parlant de cybercriminalité, ne
présentent pas le gouvernement sous un jour flatteur n’est pas un motif de poursuite criminelle
en droit congolais.

Par contre, il en est tout autrement de la menace et de l’intimidation qui constituent des
infractions en droit congolais (voir Articles 159, 160 et 48 bis du Code pénal congolais). A ceux-
là, il faut ajouter l’abus de pouvoir qui peut être constitutive d’une faute administrative. Le
communiqué officiel du ministre de la justice flirte dangereusement avec ces trois notions : à
savoir la menace, l’intimidation et l’abus de pouvoir. Ce communiqué passe sous silence les
droits garanties aux particuliers et les libertés publiques qui pourtant font partie des éléments
fondamentaux de l’état de droit.

À l’instar de la cybercriminalité, la divulgation des documents administratifs ne constitue pas


une infraction en droit congolais. À la limite, elle peut être constitutive d’une faute
administrative dans le chef de l’agent qui a divulgué un document revêtu du caractère
« confidentielle » ou du « secret administratif ». Mais, en aucun cas, la divulgation d’un
document administratif ne peut constituer une infraction dans le chef d’un tiers qui partagerait un
tel document ou l’information qui en découle par voie de presse ou encore en utilisant les
nouvelles technologies de communication et de l’information (NTCI).

D’ailleurs, il n’existe pas une obligation générale de confidentialité ou de secret administratif


dans le sens utilisé par le Ministre. La notion même de confidentialité ou de secret administratif
n’est pas régit en droit administratif congolais. La tendance dans ce domaine est plutôt d’affirmer
le principe d’accès libre et gratuit à l’information. Cette tendance semble aussi prôner le principe
de la diffusion proactive de l’information. C’est le cas notamment des contrats dans le domaine
des ressources naturelles. La RDC a fait quelque progrès dans ce domaine en rendant public
plusieurs contrats, conclus avec des partenaires économiques, qui contenaient pourtant une
clause de confidentialité.

Si le Ministre est intéressé à criminaliser les infractions commises par le biais des NTCI, il
devrait plutôt prendre langue avec le Parlement qui examine le projet de loi sur la
cybercriminalité. Il pourrait lui apporter son soutien afin que ce projet soit finalisé dans le
meilleur délai. Cela reflèterait le caractère professionnel et mâture des institutions de la
république qui, en dépit de leurs divergences politiques, sont en mesure de travailler en synergie
afin d’offrir à la population congolaise et aux observateurs extérieurs une législation moderne sur
la cybercriminalité.

Ce qui a été dit pour la cybercriminalité s’applique également à la tentative du Ministre de


limitater l’accès au public à certaines informations émanant de l’administration. Ici aussi, il
existe un projet de loi sur l’accès à l’information au Sénat. Ce projet a besoin d’un toilettage
substantiel. Certaines dispositions de ce projet ne sont pas compatibles à la notion de
transparence et aux engagements de la RDC avec les bailleurs de fonds dans le cadre de l’ITIE :
notamment la question de l’accès aux informations financières et économiques (voir la notion du
bénéficiaire réel et celle de personne politiquement exposée). L’appuis du Ministère de la Justice
pourrait faciliter la finalisation de cette loi.

Tout cela est conforme aux exigences de bonne gouvernance et de transparence de


l’administration au 21ème siècle. Les institutions de la république ne devraient pas fonctionner
en silo. Le pouvoir exécutif doit apprendre à collaborer de manière efficiente avec le pouvoir
législatif et avec le pouvoir judiciaire. Récemment le Ministre a, tant bien que mal, tenter de
convaincre l’opinion sur ses intentions de développer une telle coopération avec les magistrats
du Parquet afin de favoriser l’état de droit. Si certains critiques avaient douté de la bonne foi de
cette intervention, cet incident a démontré la nécessité pour les différents organes du pouvoir de
développer des rapports de collaboration plus harmonieuses. Voici une autre opportunité qui
s’offre au Ministre de matérialiser cette collaboration à lui afin de favoriser l’état de droit.
L’arsenal juridique congolais manifeste beaucoup de lacunes. Le Ministère de la Justice devrait
saisir cette opportunité pour collaborer avec les deux chambres du Parlement afin de combler ces
lacunes. En procédant de la sorte, le Ministre marquera positivement l’opinion publique et
contribuera substantiellement à la progression du pays vers un état de droit.

Il est vrai que le pouvoir peut faire naître la tentation de contrôler et de réprimer toutes
information négative à son encontre. Mais, quelle que soit la tentation, toute personne détentrice
d’une parcelle de pouvoir (public) devrait faire preuve de courage et de retenu pour ne pas
tomber dans l’abus de pouvoir ou, pire encore, dans la dictature. L’action ou l’inaction de toute
personne détentrice d’une parcelle du pouvoir (public) déterminera la progression de la RDC
vers l’état de droit et vers une société réellement démocratique.

Au lieu de se lancer dans une chasse aux sorcières sur une base juridique inexistante ou à la
limite douteuse, le Ministre devrait concentrer son énergie à développer une coopération
efficiente avec le Parlement afin de s’assurer que les projets de loi en préparation (sur la
cybercriminalité, l’accès à l’information et bien d’autres encore) soient finalisés dans les
meilleurs délais et que les limitations qu’il voudrait faire imposer aux tiers soient inscrites dans
ces lois.

En définitive, le Ministre devrait veiller à ce que son action soit principalement dicté par la
satisfaction de l’intérêt de toute la population et non du groupement politique ou économique ou
particulier. Par ailleurs, ses interventions publiques devraient être cohérentes et reflèter l’état du
droit applicable ainsi que les aspirations de la population à l’état de droit. Une succession
d’interventions maladroites de sa part ne donnerait pas une bonne image de son ministère et du
gouvernement dans son ensemble.

Si le Ministre a des doutes sur le droit applicable par rapport à une question particulière ou
encore s’il n’a pas un personnel à mesure de le conseiller efficacement soit sur la substance du
droit applicable, soit dans les matières où ce droit aurait des lacunes, soit encore sur la substance
des bonnes pratiques internationales en matière de gouvernance et de transparence, il [le
Ministre] devrait recruter un ou plusieurs consultant(s) pour se faire assister sur ces questions
techniques.
J’ose croire que cette petite contribution apportera des clarifications aux questions de droit que
soulève le communiqué de presse du Ministère de la Justice et encouragera les professionnels du
droit à intervenir davantage sur cette question d’intérêt national afin de faire avancer notre
discipline.

Me. Francky Lukanda

Avocat au Barreau de Kinshasa-Gombe

Chercheur en droit du développement

Email : lukanda2000@yahoo.fr

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Le député national Tony Mwaba a déposé, vendredi 7 février, une proposition de loi sur la
cybersécurité et cybercriminalité au bureau de l’Assemblée nationale de la République
Démocratique du Congo (RDC).
Dans son texte, cet élu de Kinshasa exprime sa frustration de constater qu’aucune des lois en
vigueur au pays ne prends pas en charge la protection des personnes dans le cyberespace.

Ce qui rend difficile, au stade actuel, la répression des cybercriminels en vue de modeler leur
comportement.

Tony Mwaba estime que si proposition est adoptée, cette loi permettra de « normaliser l'espace
virtuel, pour qu'il soit un lieu numérique où il fait beau vivre ».  

« Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, au-delà du service ou du


grand bien qu’il fournit à l'humanité en général et à notre société en particulier, constitue
aujourd'hui un espace virtuel, un cyberespace qui fait appel à une délinquance aussi particulière.
En ce sens qu'il s'est développé un certain nombre des pratiques aussi marginales qui portent
atteinte à la dignité humaine, à la réputation des personnes physiques et morales, disons, des
entreprises. Alors, face à cette situation, notre législation se trouve limiter parce que c'est une
législation qui a été conçue pour régir un espace territorial bien déterminé. Mais, là, nous
sommes dans un cyberespace, un espace virtuel où nos lois se trouvent limiter pour atteindre les
délinquants et les réprimer pour modeler leur comportement. Voilà pourquoi nous avons besoin
d'une législation adaptée qui pourrait nous aider à sécuriser les personnes physiques et morales
par rapport à leurs données personnelles, leur dignité, leur vie privée et même par rapport à leur
honneur », a expliqué le député à ACTUALITE.CD

En réprimant la Cybercriminalité, cette loi devra ainsi garantir la cybersécurité, ajoute le député
Tony Mwaba.  

« [Cette loi devra] nous permettre de réprimer tous ceux qui utilise abusivement les réseaux
sociaux ou les NTIC pour commettre certaines infraction, notamment l'espionnage, le piratage, le
vol d'argent par des transferts illégaux et électroniques. Vous avez aussi le terrorisme qui est
utilisé par le canal de ces nouveaux moyens de communication. Il y a aussi la vente illicite des
stupéfiants et d'autres biens interdits dans le commerce ordinaire. Voilà un certain nombre
d'actes qu'il faut aussi réprimer», explique-t-il.

Cette loi est introduite alors que l’Assemblée nationale se prépare à ouvrir, d’ici mars, sa session
ordinaire législative. Si cette proposition est retenue à l’ordre du jour, elle devra etre débattue à
l’hémicycle.

Son initiateur se révèle réceptif et estime que les apports de ses collègues ainsi que ceux des
experts permettront d'enrichir davantage cette proposition, en vue de doter le pays d'une loi qui
pourra bien régir le cyberespace.

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