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E L LY J A N I S C H

FLORIAN
GEYER
CH E VA LI ER ET CH EF DE PAY S A NS

Scènes de la Guerre des Paysans


en Allemagne, en 1525

les amis de la culture européenne


ELLY
JANISCH

FLORIAN
GEYER
CHEVALIER ET CHEF DE PAYSANS

Scènes de la Guerre des Paysans


en Allemagne, en 1525

t r a d u i t d e l ’a l l e m a n d p a r

F. BERNARD

les amis de la culture européenne


e n m a n i è r e de p r é fac e

DEUX MOTS
D’HISTOIRE

L
a plupart des écoliers de France, je pour-
rais même dire la plupart des Français, se
figure que la Révolution de 1789 fut le point
de départ des luttes prolétariennes pour la liberté
et l’égalité sociales. Ils ignorent tout de cet immense
mouvement d’émancipation qui secoua l’Allemagne
au xvie siècle et que l’histoire désigne sous le nom de
Guerre des Paysans.
Ce petit livre, qui suit pas à pas la vérité histo-
rique, leur apprendra ce que fut cette guerre des pay-
sans allemands contre leurs exploiteurs, les princes,
les nobles et les prêtres ; il leur montrera ce qui
sépare ces prolétaires des révolutionnaires bourgeois
de 1789, ce qui les apparente aux communards pari-
siens de 1871.
Dès le xive siècle, et pendant tout le xve, il y eut en
Allemagne une grande effervescence parmi les pay-
sans ; l’exemple des Suisses qui venaient de chasser

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FLORIAN GEYER

les armées autrichiennes et bourguignonnes, des


Tchèques qui venaient d’écraser les troupes impé-
riales, hantait les imaginations.
En 1476, le berger Hans Boeheim se fit l’annon-
ciateur d’un nouveau royaume de Dieu où tous les
hommes devaient être égaux et frères, où personne
ne pourrait s’arroger l’autorité, où la propriété de
chacun deviendrait celle de tous. Ce mouvement fut
rapidement réprimé par le fer et par le feu.
Dans les Pays-Bas, en 1492, les paysans fondèrent
la Confrérie du Pain et du Fromage, ainsi nommée
des emblèmes qui figuraient sur leur drapeau et qui
symbolisaient leurs modestes revendications ; le duc
Albert de Saxe eut tôt fait de vaincre ces malheureux.
C’est en 1502 que fut fondé le Bundschuh dont il
est question dans ce récit. Cette confrérie ne recon-
naissait aucune autorité, sauf celle de l’empereur :
c’était une société secrète. Des traîtres la dénoncèrent
aux princes qui n’eurent pas grand-peine à l’anéan-
tir ; elle se reconstitua en 1513 et subit le même sort.
Nous la verrons renaître encore avec le grand mou-
vement de 1525.
En 1503 se constitue une autre société secrète, la
Confrérie du pauvre Conrad (du nom de son chef),
qui se dresse contre les exactions de Ulrich von
Wurtemberg. Mais Ulrich leurre les uns avec des
promesses afin de mieux écraser les autres.
En 1515 se produit un grand soulèvement de pay-
sans que l’empereur Maximilien ne put réduire
qu’après plusieurs mois de luttes.
Tous ces mouvements sont antérieurs à la Réforme
luthérienne. On voit comme il est faux de rechercher

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DEUX MOTS D’HISTOIRE

dans la grande révolution religieuse du xvie siècle,


les origines de ces tentatives paysannes de révolu-
tion sociale.
En 1525, l’agitation recommence à Kempten et se
répand dans la région de Constance. Les paysans
rédigent alors la fameuse proclamation en douze
articles dont il est longuement question dans un
chapitre de cet ouvrage. Cette proclamation répan-
due par l’imprimerie et la parole eut un immense
retentissement et le mouvement prit une extension
énorme. Il gagna le Tyrol, l’Autriche, l’Alsace, la
haute et moyenne Rhénanie.
Les paysans sont victorieux à Rotenbourg, sur la
Tauber. Une bande de sujets du comte palatin, des
évêques de Mayence et de Wurzbourg, choisirent
l’aubergiste Georges Metzler, homme de grand cou-
rage, comme chef de « l’armée évangélique ». Une
autre bande, dans l’Odenwald, prit comme capi-
taine un gentilhomme : Florian Geyer, le héros de
ce livre. À Hohenloh, ce fut Hippeler, ex-chancelier
du comte Wendel, qui se mit à la tête des paysans. À
Heilbronn, ce fut Jacquelin Rohrbach.
La révolte paysanne fut alors presque partout vic-
torieuse, elle pilla, incendia, dévasta sans pitié les cou-
vents et les châteaux, assiégea et prit d’assaut les villes
fortes. Pour unifier ses efforts, elle se donne comme
chef suprême un noble : Goetz de Berlichingen. En
mai 1525, elle convoque à Heilbronn une sorte de
parlement paysan qui élabore un « projet de consti-
tution d’Empire » (Reichsverfassungsentwurf).
Mais Luther se déclare nettement hostile aux pay-
sans et se dresse violemment contre Thomas Munzer,

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FLORIAN GEYER

le « Prophète ». Il lance un haineux pamphlet où il


demande aux « autorités » de marcher sans pitié avec
l’épée « contre les meurtriers et pillards ».
Le 15 mai 1525, les princes allemands, ligués à
l’appel de Luther, écrasèrent complètement les pay-
sans à Frankenhausen.
En Alsace, dix-huit mille paysans furent mas-
sacrés à Saverne ; en Souabe, Georg Truchsess, de
Waldbourg, chef de la « Ligue Souabe », berne les
uns, massacre les autres, brûle Weinsberg, marche
sur Wurzbourg.
La Révolution paysanne était vaincue. La répres-
sion fut sauvage.
Et maintenant, sans autres commentaires que ces
précisions historiques, laissons parler les faits.

F. Bernard
FLORIAN
GEYER
PREMIERS
SOULÈVEMENTS
DES PAYSANS
OPPRIMÉS

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FLORIAN GEYER

« La cause des paysans sera ma cause ! »

U
ne grande émotion régnait au château féo-
dal de Giebelstadt, dans le Schupfergrund,
près de la vallée de la Tauber. Tout ce qui
appartenait à la lignée des Geyer s’était rassemblé
dans la grande salle. Les femmes s’étaient retirées
pour se débarrasser des lourds vêtements de soie et
de ces grosses chaînes d’or qui leur chargeaient le
cou et les bras et devenaient insupportables après
le plantureux repas. Seuls les chevaliers restèrent
autour de la grande table. Le vin coulait à flots et
le sang roulait brûlant dans les veines. Les visages
étaient rouges, mais pas seulement à cause du vin.
« Tonnerre ! s’écria le puissant Wolf von Egelstein
en frappant du poing sur la table où vibrèrent les
couvercles des hanaps de cuivre, ne sommes-nous
pas suffisamment hommes pour fermer le bec
à Messire Florian ? Est-ce qu’un membre de notre
propre famille pourra couvrir de honte l’antique

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P R E M I E R S S O U L È V E M E N T S D E S PAY S A N S O P P R I M É S

lignage des Geyer, sans que le Diable… lui brise les


côtes ? Nous avons assez longtemps, messire Florian,
fait preuve de patience envers toi. Les paysans, la
misérable valetaille, qui se révolte de nouveau contre
ses légitimes princes et seigneurs, et même contre
son empereur et son Dieu, entre et sort librement
dans ton château. Qu’as-tu à faire avec eux ? Si nos
aïeux vivaient encore, ils te chasseraient du manoir
par le fer et le feu, en te voyant t’allier ainsi avec ces
paysans boueux. Le chevalier vit libre dans son burg
et, libre, il règne sur les vilains depuis des centaines
d’années. Gare à toi, frère Florian ! Si tu continues
ainsi, tu vas nous trouver tous armés. Mieux nous
plaît un chevalier mort qu’un valet de paysan ! »
« Valet de paysan ! Valet de paysan ! » s’écrièrent
d’une seule voix les chevaliers, qui se levèrent avec
des menaces.
Florian s’avança vers la table. La colère enflammait
son visage : « Vous me traitez de valet, messires cheva-
liers, mais l’outrage vous concerne, car c’est par vous
que les paysans sont opprimés, avilis. Le chevalier est
libre, dites-vous, et vous ne voyez pas les chaînes qui
vous attachent comme des chiens à l’étable des princes
et à celle des prêtres. Moi aussi, je fus un chevalier
comme vous. Comme les autres, j’ai couché au châ-
teau, j’y ai goinfré et bu jusqu’à l’ivresse, et j’ai servi
comme vous le prince et l’évêque. Même, sans savoir
ce que je faisais, j’ai pris service dans l’armée du Roi
de Franconie. De quoi ai-je vécu ? De quoi le fais-je
encore maintenant ? Vous soutirez au paysan jusqu’à
la dernière goutte de son sang, afin que vos femmes
puissent se suspendre au cou des chaînes d’or. Vous

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L A M ISE EN PAGE S DE CET OU V R AGE

A ÉT É CON F I ÉE PA R L E S A M IS DE L A C U LT U R E

EU ROPÉEN N E À ÉR IC H EI DEN KOPF,

LES T EXT ES ÉTA N T EN SA BON COR PS 11.

LA MISE SOUS PRESSE A ÉTÉ FAITE

EN A LL E M AGN E PA R

AU PREMIER TRIMESTRE

D E L’A N D E U X M I L V I N G T E T U N .

D É P Ô T L É G A L  : F É V R I E R 2 0 2 1

ISBN : 978-2-914157-28-5

E A N : 9782914157285

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GEYER
CH EVA LI ER ET CH EF DE PAYSA NS

Scènes de la Guerre des Paysans


en Allemagne, en 1525

L
a plupart des écoliers de France, je pourrais
même dire la plupart des Français, se figure que
la Révolution de 1789 fut le point de départ des
luttes prolétariennes pour la liberté et l’égalité sociales.
Ils ignorent tout de cet immense mouvement d’émancipa-
tion qui secoua l’Allemagne au xvie siècle et que l’histoire
désigne sous le nom de Guerre des Paysans.
Ce petit livre, qui suit pas à pas la vérité historique,
leur apprendra ce que fut cette guerre des paysans alle-
mands contre leurs exploiteurs, les princes, les nobles et
les prêtres ; il leur montrera ce qui sépare ces prolétaires
des révolutionnaires bourgeois de 1789, ce qui les appa-
rente aux communards parisiens de 1871.

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