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UNE AUTOEVALUATION FORMATIVE EN COURS D’ENTREPRISE

Verónica Gebauer, AF Córdoba

L’apprentissage de FLE à la ville de Córdoba étant très limité dans le système formel, comme
conséquence de la transformation éducative opérée à partir de 1992, ces dernières années nous nous
sommes consacrées à l’enseignement du Français sur Objectifs Spécifiques (FOS).
Dans le cadre de la conception actuelle d’évaluation, notre objectif est de montrer les avantages
d’introduire l’autoévaluation formative dans des cours de FOS pour optimiser l’apprentissage et de
présenter les résultats.
Depuis 2002, nous menons une recherche dans nos cours d’entreprise. Notre public est
constitué du personnel hiérarchique et administratif; et des opérateurs de diverses entreprises de la ville.
Les groupes classe sont variables, parfois organisés en fonction des besoins de travail, des attentes de
formation ou des obligations inhérentes aux postes qu’ils occupent, mais plus souvent les intérêts des
participants sont assez hétérogènes. Selon les compagnies, ces cours intègrent un système
d’enseignement qui s’étend sur trois ou quatre niveaux. Notre objet d’analyse se situe entre les trois
premiers niveaux, ayant chacun une durée variable selon les sociétés (80 ou 96 heures d’apprentissage
de FOS).
Nous partons de deux prémisses : a) que les adultes sont imprégnés de pratiques
d’enseignement traditionnelles, et par conséquent, de pratiques d’évaluation traditionnelles ; et b) que
ces apprenants, ne disposant pas de temps en dehors de celui consacré en classe, et, ayant une idée
de leur but, constituent un public très exigeant.
Nos prémisses se basent sur les faits suivants : le premier jour de classe, lorsque l’enseignant
les interroge sur leurs objectifs et attentes d’apprentissage, ils répondent vaguement: « parler et écrire
correctement » ; et à la limite, ils expriment « comprendre des documents de la spécialité ». Et dans
cette fin, ils avouent ne consacrer que deux heures d’étude (maximum) avant chaque évaluation
mensuelle. Justement, les habitudes d’évaluation traditionnelle confrontaient les étudiants à des tests de
résultat pris en fin de cursus, ce qui leur demandait à peine d’une séance de préparation qui restait
postposée à quelques journées précédant l’évaluation.
En tant qu’enseignants, notre tâche reste celle de rendre conscients nos étudiants de leurs
besoins et de leur responsabilité dans leur processus d’apprentissage et de les initier et les familiariser
dans les pratiques d’évaluation plus modernes.
*
* *
D’une part, à l’heure actuelle, il est indéniable que parler d’évaluation dans un cours de langue
signifie parler de la compétence communicative, c’est-à-dire la capacité de communiquer en langue
étrangère. Or, les différents auteurs ne sont pas d’accord sur la priorité donnée à chacune des sous-
compétences. Personnellement, et tout en sachant que ce public n’est (ni le sera) pas spécialiste en
français, nous sommes de l’avis que l’enseignement aussi bien que l’évaluation ne devraient négliger
aucun aspect de la communication, tout en se concentrant sur les savoir-faire plutôt que sur les
connaissances du système linguistique.
D’autre part, dans le FDLM nº 327, Roux cite le nouveau point de vue proposé par le Conseil de
l’Europe Commun de Référence, à propos des activités langagières reconnues actuellement au sein du
Cadre Européen, activités qui se correspondent à 6 compétences à développer (donc à évaluer) en
classe de langue, à savoir : les 4 compétences traditionnelles (CO, CE, EO, EE), celle d’interaction (qui
correspond au transfert entre les quatre premières) ; et celle de médiation (ou capacité de servir
d’intermédiaire entre deux personnes ou deux codes). Ce nouveau regard, nous souhaitons l’intégrer à
nos pratiques de classe.
Dans ce cadre, nous considérons l’évaluation formative comme un double outil d’enseignement :
d’un côté elle sert à l’enseignant à adapter constamment son action pédagogique en fonction des
progrès et des problèmes d’apprentissages observés chez ses apprenants ; et d’un autre, elle transmet
à ceux-ci des informations utiles pour optimiser leurs stratégies d’apprentissage.
D’après C. Tagliante, ce type d’évaluation comporte plusieurs étapes, à savoir le pronostic (« qui
sert à informer [l’apprenant] de sa situation de manière à ce qu’il puisse prendre, en toute connaissance
de cause, les décisions qui concernent son apprentissage  » 1991 :15); le diagnostic (qui permettra à
l’apprenant « de vérifier, étape par étape, si les objectifs (…) sont atteints » et à l’enseignant, de
« réguler son enseignement : revenir en arrière, creuser, approfondir, changer de tactique » 1991 : 16) ;
et enfin celle d’inventaire (sorte de bilan qui « teste les connaissances de fin de cursus d’apprentissage »
où l’on évalue les compétences acquises tout au long de la période d’apprentissage, 1991 : 16).
D’ailleurs, l’autoévaluation, tout en accompagnant l’apprenant dans son processus, a pour
fonction de servir à la régulation de celui-ci. Elle est donc essentiellement destinée à l’apprenant. Or,
comme le dit C. Tagliante « estimer ses propres compétences (…) est une tâche difficile à mener…  »
par n’importe qui. (2003: 46).
Ces deux concepts combinés constituent un apport très riche, nous semble-t-il. En effet, habitué
à la combinaison de ces deux types d’évaluation, l’apprenant connaît dès le début du cours où il en est
de son apprentissage, il peut définir ces objectifs en relation au temps dont il dispose, déterminer les
actions à mener pour obtenir les résultats qu’il souhaite, et vérifier enfin le stade auquel il arrive et les
savoir-faire qu’il a développés entre-temps.
Or, toute évaluation doit être déterminée par les objectifs prévus dans la planification du cursus.
Cette tâche réalisée rigoureusement doit considérer les besoins d’apprentissage du public.
Dans les entreprises où nous travaillons, les objectifs et contenus généraux à enseigner nous
sont imposés par l’Alliance Française, institution qui nous oriente dans notre travail. Cela dit, nous
disposons d’une marge pour négocier les objectifs spécifiques avec nos étudiants. Cette étape de
pronostic constitue la première partie de l’autoévaluation formative. Elle se déroule les premiers jours de
classe, et consiste de la part des apprenants, selon le niveau, à : 1. se présenter oralement et expliquer
leur fonction dans l’entreprise (en français); 2. remplir un questionnaire précis sur les savoir-faire
présupposés acquis l’année scolaire précédente (voir annexe) ; 3. remplir un deuxième questionnaire
détaillé mais ouvert sur les savoir-faire proposés pour l’année en cours et sur les situations
communicatives orales et écrites auxquelles ils doivent faire face dans leur vie professionnelle (voir
annexe) ; 4. répondre à un test qui cherche à révéler les stratégies d’apprentissage de chacun ; 5. faire
une description par écrit des activités quotidiennes, des objectifs et des possibles difficultés de leur
travail dans l’entreprise, ainsi qu’une autoévaluation de leur développement. Toutes ces épreuves
cherchent à faire découvrir l’état initial de chacun, les besoins, les objectifs à négocier, ainsi que les
stratégies dont ils se servent au quotidien.
La deuxième étape comprend des évaluations formatives (mensuelles ou bimensuelles selon
l’entreprise), concernant les compétences orales ou écrites, tout en les intégrant les unes les autres
(fonction d’interaction), ce qui nous renseigne sur les progrès et les obstacles à franchir. Ces évaluations
s’accompagnent de certaines questions d’autoévaluation qui permettent à l’apprenant de prendre
conscience du stade dans lequel il se trouve à chaque instance et qu’il accepte l’idée qu’il «  apprend à
son propre rythme, avec ses propres démarches intellectuelles » (1991 :15). Les progrès faits en
compétence de médiation sont observés seulement en classe, instance où les étudiants se sentent plus
à l’aise et agissent plus volontairement.
Dans la dernière étape, les étudiants doivent passer un test de fin d’année proposé par l’Alliance
Française, bilan des progrès réalisés tout au long de l’année, au niveau cognitif, tant du point de vue des
savoirs aussi bien que des savoir-faire. D’ailleurs, et en dehors de toute situation d’évaluation, nous leurs
demandons de reprendre la première tâche d’expression écrite qu’ils ont faite en début d’année, et,
d’après la même consigne, de produire un texte : ce deuxième texte une fois écrit, ils le comparent à
celui produit le premier jours de classe, et constatent les progrès faits. C’est surtout à travers cette
dernière activité qu’ils réussissent à apprécier ce dont ils sont capables de faire.
*
* *
D’après cette expérience, nous pouvons conclure que, bien qu’il reste difficile pour les
apprenants de verbaliser leurs besoins d’apprentissage, les premières activités proposées en début
d’année les aident sans aucun doute, ce qui tourne à l’avantage de ceux-ci. Le fait de prendre
conscience des stratégies qu’ils utilisent dans ce cheminement contribue à ce qu’ils réussissent à se
fixer des objectifs conformes à leurs manières d’apprendre et à mesurer leurs efforts.
En outre, le suivi que l’on fait tout au long de l’année les mène à faire les réajustements
nécessaires pour construire l’apprentissage, en sachant vraiment où on va. Peu à peu, ils commencent à
percevoir l’évaluation permanente que l’on fait quotidiennement, à partir des activités réalisées en
classe. Dans ce sens, l’évaluation est entièrement intégrée au processus.
Enfin, à travers un test de fin d’année, ils ont la promotion au niveau supérieur, mais c’est grâce
à la confrontation de la première et la dernière activité d’expression de l’année sur le même sujet que les
étudiants voient les résultats des efforts faits dès le premier jour.
ANNEXES
Fiche 1 : elle correspond aux savoir-faire du premier niveau d’apprentissage.
Plus ou Ne pouvez
À présent, vous pouvez... Bien
moins pas
saluer
vous présenter
épeler
dire des chiffres jusqu’à un milliard
interroger sur l’identité de quelqu’un
indiquer votre fonction
comprendre des offres d’emplois
présenter une entreprise
indiquer des horaires de travail, de R-V, de réunions
indiquer la fréquence
indiquer le lieu
indiquer un besoin
prendre rendez-vous
recevoir et faire des appels téléphoniques
prendre ou écrire un message simple
proposer, insister, refuser
expliquer votre expérience professionnelle
autres:

Fiche 2 : elle contient les savoir-faire du deuxième niveau d’apprentissage...


Cette année, vous croyez que vous devez apprendre à Oui non
présenter l’organigramme de l’entreprise
demander à quelqu’un de faire quelque chose
parler de votre expérience professionnelle
décrire le cadre de travail
informer sur un produit, le caractériser
parler de votre emploie du temps
parler au téléphone
commenter un graphique
analyser le marché
présenter un projet
donner votre opinion
rédiger différents types de courriers électroniques
autres:

…les types de texte auxquels vous devez faire face en français…


Circulaires de l’entreprise
Organigrammes
Correspondance interne *: boîte à idées, journal d’entreprise, rapports, notes de services,
affiches, cahiers de charge, etc
Correspondance externe *: formulaires, articles de divulgation, dépliants, etc
Autres:

NB : * précisez lesquels.

… et les situations d’échange oral auxquels vous devez faire face en français:
Conversations téléphoniques
Conversations face à face avec un collègue, un chef, un fournisseur, un client …
Télé et vidéoconférences
Expositions et présentations
Autres:

BIBLIOGRAPHIE

BOLTON, S: Évaluation de la compétence communicative en langue étrangère. Coll. LAL, Hattier-Didier,


Paris, 1991.
CUQ, J-P: Cours de didactique du français langue étrangère. Pug. Grenoble, 2002.
EURIN, S: Français sur objectifs spécifiques,  Module de la Maîtrise F.L.E., CNED, Université Stendhal-
Grenoble III, France.
GEBAUER, V: Las formas verbales del pasado en los manuales de FOS. Actas de las 10mas Jornadas
de Nivel Superior. Buenos Aires, 2003.
PUREN, Ch et autres: Se former en didactique des langues. Paris, Ellipses, 1998.
Tagliante, C: L’évaluation. Col : Techniques de classe. 1991. Clé International. Paris.

Revues :
Roux, P-Y: L’oral en classe de langue. De la production à l’expression. 2003. FDLM nº 327
Tagliante, C: Mon premier portefolio des langue. 2003. FDLM nº 307

Publications spéciales :
Français sur objectifs spécifiques  : de la langue aux métiers. FDLM, numéro spécial. Paris. Clé
International. Janvier 1994.

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